Le prixJean et Ma<strong>de</strong>leine SchaeverbekeCOUPER LE SOUFFLE AUX TUMEURSCOMMENT EMPÊCHER LE CORPSDE FAVORISER LEUR OXYGÉNATION ?PATIENTS ÂGÉS : PLUS VULNÉRABLES…LES BÉNÉFICES D’UNE APPROCHEADAPTÉEDocteur en GEBM*,Nathalie Mazure,43 ans, mène<strong>de</strong>s recherches à l’Institut<strong>de</strong> signalisation, biologiedu développementet cancer <strong>de</strong> l’Université<strong>de</strong> Nice-SophiaAntipolis.Emmanuel Mitry, 40 ans,est praticienau service d’oncologiedigestive <strong>de</strong> l’hôpitalAmbroise Paré <strong>de</strong> Boulogneet professeurà la faculté <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cineParis Ile-<strong>de</strong>-France Ouest(Université VersaillesSt Quentin-en-Yvelines).Quand une tumeur augmente <strong>de</strong> volume, son centrecommence à manquer d’oxygène : elle <strong>de</strong>vient« hypoxique ». Les traitements per<strong>de</strong>nt alors enefficacité : les agents anti-cancéreux n’atteignentpas ces zones mal irriguées, ils agissent moins biensur ces cellules à division ralentie…Le facteur <strong>de</strong> transcription HIF-1 (Hypoxia-induciblefactor) régule environ 1 à 2% <strong>de</strong> nos gènes et modulela réponse <strong>de</strong>s cellules aux variations d’oxygène.Dans <strong>de</strong> nombreux cancers, il travaille «plus»pour que les tumeurs soient approvisionnéesen énergie. Empêcher son expression pourraitfreiner la prolifération cancéreuse !Nathalie Mazure travaille sur la compréhensionet la maîtrise <strong>de</strong> ce facteur <strong>de</strong>puis 1994.Elle a notamment montré qu’il pouvait être inhibépar une enzyme agissant comme un « détecteur »<strong>de</strong> baisse d’oxygène et découvert certainesparticularités <strong>de</strong>s gènes qu’il cible en cas d’hypoxie.Loin <strong>de</strong> favoriser la mort <strong>de</strong>s cellules, comme celaavait été précé<strong>de</strong>mment décrit, les gènes bnip3 etbnip3l participent à leur survie grâce à un mécanismed’autophagie : elles se « nourrissent d’elles-mêmes ».La chercheuse a également montré queles mitochondries, ces petites structures fournissantl’énergie aux cellules, jouent un rôle majeurdans la résistance <strong>de</strong>s tumeurs aux traitements<strong>de</strong>stinés à déclencher leur mort.* Génie Enzymatique, Microbiologie et BioconversionLes résultats <strong>de</strong>s premières recherches d’EmmanuelMitry le montrent : la survie générale <strong>de</strong>s patientsatteints <strong>de</strong> cancers colorectaux a augmenté ces40 <strong>de</strong>rnières années, mais le pronostic reste mauvaischez les plus <strong>de</strong> 75 ans. Or, ceux-ci représententplus <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong>s cas annuels français ! Principaleexplication à ce triste constat : un diagnostic troptardif et un traitement inadapté.Selon le chercheur, il est nécessaire d’approchercette problématique <strong>de</strong> santé publique <strong>de</strong>s points<strong>de</strong> vue conjoints <strong>de</strong> la cancérologie et <strong>de</strong> la gériatrie.Développer <strong>de</strong>s structures d’oncogériatrie dédiéeset définir un protocole adapté à ce groupe particulierse révèlent essentiels.Depuis 2001, Emmanuel Mitry a mené différentstravaux sur ce sujet : effets <strong>de</strong> la chimiothérapiesur la survie et la prévention <strong>de</strong>s rechutes,différences <strong>de</strong> tolérance et d’efficacité entreles traitements standards…Aujourd’hui, il coordonne la première étu<strong>de</strong>comparant <strong>de</strong>ux protocoles <strong>de</strong> chimiothérapiechez <strong>de</strong>s patients <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 75 ans présentantun cancer colorectal avancé. Le premier associe<strong>de</strong>ux médicaments anticancéreux <strong>de</strong> référencedans les cancers digestifs, l’autre ajoute une molécule<strong>de</strong> mécanisme d’action différent. Une premièreanalyse <strong>de</strong>s résultats a été présentée en 2008au GastroIntestinal Cancers Symposium<strong>de</strong> l’ASCO*.* American Society of Clinical Oncology8
Le cancer colorectal est parmi les plus fréquents (+ <strong>de</strong> 36000 nouveaux caspar an) et est la <strong>de</strong>uxième cause <strong>de</strong> décès par cancer.Cependant, d’importants progrès sont intervenus au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années,tant sur le plan diagnostique que thérapeutique permettant une augmentationimportante <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> survie à long terme.UNE CIBLE POUR « TUER »LE CANCER À SA SOURCE ?LES PROTÉINES CONVERTASESEN LIGNE DE MIRENathalie Scamuffa, 33 ans,vient <strong>de</strong> soutenir sa thèseen bases fondamentales<strong>de</strong> l’oncogenèse. Elle estactuellement chercheurInserm au département<strong>de</strong> pharmacologie<strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> GénétiqueMoléculaire <strong>de</strong> l’HôpitalSaint-Louis (Paris).L’équipe <strong>de</strong> Nathalie Scamuffa a été la premièreà le démontrer : une famille d’enzymes appelée« protéines convertases » se révèle prometteuseà cibler pour combattre le développement<strong>de</strong>s métastases dues au cancer colorectal.Ces molécules du corps humain sont responsables <strong>de</strong>l’activation <strong>de</strong> protéines essentielles dans le processusd’invasion <strong>de</strong>s cellules cancéreuses. Elle a notammenti<strong>de</strong>ntifié certains facteurs <strong>de</strong> croissance (PDGF A et B,VEGF C) qui peuvent être activées par ces enzymes…La doctorante a montré qu’en empêchantla maturation <strong>de</strong> ces protéines, on abolit leurcapacité à provoquer la croissance <strong>de</strong>s tumeurset la formation <strong>de</strong> métastases.Ses étu<strong>de</strong>s sur la souris suggèrent égalementque ces convertases jouent un rôle crucialdans les toutes premières interactionsentre les cellules du foie et les cellules tumorales.Elles sont en effet particulièrement impliquéesdans l’induction <strong>de</strong>s « molécules d’adhésion »responsables <strong>de</strong> l’attachement <strong>de</strong>s cellulescancéreuses aux cellules du foie.Nathalie Scamuffa s’emploie à comprendreles mécanismes <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> ces protéines,mais aussi à découvrir et développer <strong>de</strong> nouveauxinhibiteurs <strong>de</strong> ces substances. Indubitablement,ceux-ci pourraient représenter une nouvellestratégie thérapeutique contre différents cancers.9