Philanthropie, mode d'emploi - Fondation de France
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idées Argent opinion livres temps libéré<br />
LA TRIBUNE Vendredi 29 juin 2012<br />
<strong>Philanthropie</strong>, <strong>mo<strong>de</strong></strong> d’emploi<br />
Dons Simple générosité ou volonté <strong>de</strong> réduire son taux d’imposition, voici comment investir en faveur<br />
d’une fondation reconnue d’utilité publique, d’un organisme <strong>de</strong> recherche ou bien d’un parti politique.<br />
Christine Lejoux<br />
La philanthropie parle<br />
aux Français. De plus<br />
en plus. Ce « sentiment<br />
», qui, selon le<br />
dictionnaire Larousse,<br />
« pousse les hommes à venir en<br />
ai<strong>de</strong> aux autres », ce synonyme <strong>de</strong><br />
désintéressement – à ne pas<br />
confondre avec l’investissement<br />
socialement responsable (ISR),<br />
qui, lui, offre un ren<strong>de</strong>ment financier<br />
– s’est développé en <strong>France</strong><br />
plus tard que dans les pays<br />
anglo-saxons.<br />
Mais la philanthropie française<br />
refait son handicap <strong>de</strong>puis près<br />
<strong>de</strong> dix ans, grâce à… la défiscalisation<br />
promise aux entreprises<br />
donatrices par la loi Aillagon du<br />
1 er août 2003. À quoi s’est ajoutée<br />
la loi du 21 août 2007 en faveur<br />
du travail, <strong>de</strong> l’emploi et du pouvoir<br />
d’achat, dite loi Tepa, qui a<br />
allégé l’impôt <strong>de</strong> solidarité sur la<br />
fortune (ISF) pour qui fait un<br />
don à une fondation reconnue<br />
d’utilité publique.<br />
Mais la crise a fini par rattraper<br />
la philanthropie. Après une croissance<br />
<strong>de</strong> 6,2 % en moyenne, <strong>de</strong><br />
2007 à 2009, les dons ont augmenté<br />
<strong>de</strong> 3,7 % seulement en<br />
2010, à 1,96 milliard d’euros, selon<br />
le baromètre publié le 20 juin par<br />
le syndicat professionnel <strong>France</strong><br />
générosités. Et les premières indications<br />
pour 2011 font état d’une<br />
stagnation (+ 0,4 %). Un ralentissement<br />
qui pourrait s’amplifier<br />
dans les prochaines années, en cas<br />
<strong>de</strong> rabotage <strong>de</strong>s réductions d’impôts<br />
liées aux dons, dans le cadre<br />
<strong>de</strong> la chasse aux niches fiscales.<br />
Particulier ou entreprise, riche<br />
ou pas, que cela ne vous décourage<br />
pas d’ai<strong>de</strong>r votre prochain ! Voici<br />
comment.<br />
ÄÄLes dons à <strong>de</strong>s fondations reconnues<br />
d’utilité publique.<br />
Dans le cadre <strong>de</strong> la loi Tepa votée<br />
en 2007, les personnes re<strong>de</strong>vables<br />
<strong>de</strong> l’impôt <strong>de</strong> solidarité sur la fortune<br />
(ISF), c’est-à-dire disposant<br />
d’un patrimoine supérieur ou égal<br />
à 1,3 million d’euros, peuvent<br />
déduire <strong>de</strong> leur ISF 75 % <strong>de</strong>s dons<br />
versés à <strong>de</strong>s fondations reconnues<br />
d’utilité publique (Frup) ou à <strong>de</strong>s<br />
organismes <strong>de</strong> recherche, dans la<br />
limite <strong>de</strong> 50 000 euros par an.<br />
Une personne re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong><br />
3 000 euros d’ISF mais qui a fait<br />
un don <strong>de</strong> 4 000 euros verra ainsi<br />
son impôt réduit à zéro.<br />
Moins connue, la dotation<br />
d’usufruit temporaire permet<br />
également un allégement <strong>de</strong><br />
l’ISF : le propriétaire d’un bien,<br />
par exemple d’un appartement<br />
d’une valeur <strong>de</strong> 400 000 euros,<br />
peut en accor<strong>de</strong>r – pour une<br />
durée <strong>de</strong> trois an minimum –<br />
l’usufruit à une Frup, comme les<br />
Petits Frères <strong>de</strong>s pauvres. Celle-ci<br />
disposera alors <strong>de</strong>s revenus générés<br />
par le bien, en l’espèce le loyer<br />
Les dons sont<br />
rattrapés par la crise.<br />
Après une croissance<br />
moyenne <strong>de</strong> 6,2 %<br />
<strong>de</strong> 2007 à 2009,<br />
ils ont augmenté<br />
<strong>de</strong> 3,7 % en 2010.<br />
<strong>de</strong> l’appartement. Quant au propriétaire,<br />
la valeur <strong>de</strong> son appartement<br />
– soit 400 000 euros –<br />
sera défalquée <strong>de</strong> son patrimoine.<br />
Si celui-ci s’élève à 1 500 000 euros,<br />
il sera ainsi ramené à 1 100 000<br />
euros. Résultat, la personne en<br />
question ne sera plus re<strong>de</strong>vable<br />
<strong>de</strong> l’ISF.<br />
ÄÄLes dons à tout type <strong>de</strong> fondation.<br />
Moins contraignants que les précé<strong>de</strong>nts,<br />
puisqu’ils ne se limitent<br />
pas aux fondations reconnues<br />
d’utilité publique mais s’éten<strong>de</strong>nt<br />
même aux partis politiques, ils<br />
concernent toute personne assujettie<br />
à l’impôt sur le<br />
revenu. Le contribuable<br />
bénéficiera d’une<br />
déduction fiscale équivalant<br />
à 66 % du montant<br />
<strong>de</strong> son don, dans la<br />
limite <strong>de</strong> 20 % <strong>de</strong> son<br />
revenu imposable. En<br />
cas <strong>de</strong> dépassement <strong>de</strong><br />
ce seuil <strong>de</strong> 20 %, la<br />
réduction d’impôt sera<br />
reportée sur les cinq<br />
années suivantes. La<br />
déduction fiscale s’élève à 75 % <strong>de</strong><br />
la valeur du don, dans la limite <strong>de</strong><br />
521 euros, pour les dons en faveur<br />
d’organismes venant en ai<strong>de</strong> aux<br />
personnes défavorisées. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />
521 euros, la déduction fiscale est<br />
ramenée à 66 % du don. À noter<br />
qu’un donateur sur <strong>de</strong>ux donne<br />
moins <strong>de</strong> 50 euros par an, selon<br />
une enquête TNS publiée le<br />
20 juin. Enquête qui révèle par ailleurs<br />
que 58 % <strong>de</strong>s Français interrogés<br />
se déclarent donateurs, en<br />
premier lieu pour la protection <strong>de</strong><br />
l’enfance, la lutte contre la pauvreté<br />
et la recherche médicale.<br />
ÄÄCréer une fondation.<br />
Vous n’êtes pas un particulier<br />
mais une entreprise ? Vous pouvez<br />
déduire <strong>de</strong> votre impôt sur les<br />
sociétés 60 % du montant <strong>de</strong> vos<br />
dons, dans la limite <strong>de</strong> 0,5 % <strong>de</strong><br />
votre chiffre d’affaires. Entrée en<br />
vigueur via la loi Aillagon du 1 er août<br />
2003 sur le mécénat, cette défiscalisation<br />
a plus que quadruplé le<br />
nombre <strong>de</strong> fondations d’entreprise,<br />
en dix ans : la <strong>France</strong> en comptait<br />
450 en 2011, parmi lesquelles la<br />
<strong>Fondation</strong> PPR, la <strong>Fondation</strong><br />
50 euros<br />
EADS ou bien encore la <strong>Fondation</strong><br />
Louis Bonduelle, contre une centaine<br />
en 2001, selon l’association<br />
IMS-Entreprendre pour la cité.<br />
Les fondations, créées pour servir<br />
<strong>de</strong>s causes d’intérêt général telles<br />
que l’insertion professionnelle,<br />
peuvent également être le fait <strong>de</strong><br />
personnes physiques. Celles-ci<br />
pourront choisir <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s fondations<br />
sous égi<strong>de</strong>, plus accessibles<br />
que les fondations reconnues d’utilité<br />
publique (Frup), qui nécessitent<br />
en général une dotation initiale <strong>de</strong><br />
1,5 million d’euros au minimum.<br />
Les fondations sous égi<strong>de</strong> sont abritées<br />
par <strong>de</strong>s Frup, comme la Fon dation<br />
<strong>de</strong> <strong>France</strong>, lesquelles leur<br />
apportent une ai<strong>de</strong> administrative,<br />
ainsi qu’un accompagnement juridique<br />
et fiscal. Et, surtout, poursuivent<br />
votre projet si vous n’avez<br />
plus la possibilité <strong>de</strong> vous en occuper.<br />
Une fondation doit être dotée<br />
d’un capital minimal <strong>de</strong> 150 000<br />
euros par an au moins dans le cas<br />
d’une fondation d’entreprise. Bien<br />
que versable en cinq ans, et déductible<br />
à 60 %, ce coût d’entrée<br />
conduit nombre <strong>de</strong> personnes, physiques<br />
ou morales, à leur préférer<br />
les tout jeunes fonds <strong>de</strong> dotation.<br />
ÄÄCréer un fonds <strong>de</strong> dotation.<br />
Nés en 2009 pour relancer la philanthropie,<br />
les fonds <strong>de</strong> dotation<br />
étaient déjà au nombre <strong>de</strong> 860 en<br />
2011, année record avec la création<br />
<strong>de</strong> 361 fonds, selon le cabinet<br />
Deloitte. L’un <strong>de</strong>s plus récents<br />
fonds <strong>de</strong> dotation français est celui<br />
créé début 2012 par la famille<br />
Leclerc, présidé par Michel-<br />
Édouard, et <strong>de</strong>stiné à la culture.<br />
Ces nouvelles structures juridiques,<br />
dédiées à <strong>de</strong>s causes d’intérêt<br />
général comme l’enseignement<br />
et l’action humanitaire, ne<br />
requièrent pas <strong>de</strong> dotation financière<br />
minimale. Et une simple<br />
déclaration en préfecture suffit à<br />
leur donner naissance, alors que la<br />
création d’une Frup exige <strong>de</strong>ux ans<br />
dans le meilleur <strong>de</strong>s cas, ses statuts<br />
<strong>de</strong>vant être examinés par le<br />
Conseil d’État. Revers <strong>de</strong> la<br />
médaille, les fonds <strong>de</strong> dotation,<br />
dont la moitié se trouve en Île-<strong>de</strong>-<br />
<strong>France</strong>, ne « tournent » pas tout<br />
seul, contrairement aux fondations<br />
sous égi<strong>de</strong>. Leurs créateurs doivent<br />
véritablement s’impliquer dans<br />
leur fonctionnement.&<br />
En <strong>France</strong>, un donateur sur <strong>de</strong>ux donne moins <strong>de</strong> 50 euros par an,<br />
selon une enquête TNS publiée le 20 juin 2012.
Vendredi 29 juin 2012 LA TRIBUNE<br />
idées opinion livres temps ARGENT libéré 31<br />
entretien Francis Charhon, directeur général <strong>de</strong> la <strong>Fondation</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>France</strong>, s’inquiète dans une note <strong>de</strong> la Fondapol (*) <strong>de</strong>s menaces<br />
qui pèsent sur le secteur en ces temps <strong>de</strong> crise économique et budgétaire.<br />
Et plai<strong>de</strong> pour une stabilité du cadre juridique et fiscal.<br />
« Attention au risque<br />
<strong>de</strong> krach ! »<br />
Un nouveau type<br />
<strong>de</strong> donateurs<br />
investissement Les donateurs<br />
d’aujourd’hui ne ressemblent plus à ceux<br />
d’hier. Ils veulent savoir où va leur argent.<br />
Des « process » <strong>de</strong> suivi et <strong>de</strong> mesure d’impact<br />
apparaissent.<br />
Pascale Besses-Boumard<br />
Propos recueillis par philippe mabillE<br />
ÄÄLA TRIBUNE – Où en est la philanthropie<br />
en <strong>France</strong> aujourd’hui ?<br />
FRANCIS CHARHON – La <strong>France</strong><br />
a mis du temps pour s’acclimater<br />
à la philanthropie. Le mot luimême<br />
n’est pas naturel : on parle<br />
plutôt <strong>de</strong> mécénat, <strong>de</strong> générosité.<br />
Aux États-Unis, le terme désigne<br />
toute action privée tournée vers<br />
l’autre, qu’elle soit portée par une<br />
entreprise ou un particulier. Et<br />
génère 300 milliards <strong>de</strong> dollars<br />
par an, contre 3 milliards en<br />
<strong>France</strong>. Longtemps méfiant à<br />
l’égard <strong>de</strong> la charité, que le pouvoir<br />
royal a toujours voulu contrôler,<br />
l’État n’a pas voulu encourager<br />
la générosité privée. Il a fallu<br />
attendre les années 1960 et la<br />
création, sur le modèle américain,<br />
<strong>de</strong> la <strong>Fondation</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong>, pour<br />
que les fondations connaissent un<br />
renouveau.<br />
En 1987, le terme est pour la première<br />
fois inscrit et protégé dans<br />
la loi française et accompagne le<br />
déploiement du mécénat d’entreprise.<br />
Mais ce n’est qu’au cours <strong>de</strong>s<br />
dix <strong>de</strong>rnières années, grâce aux<br />
lois Aillagon en 2003 et TEPA en<br />
2007, que le secteur a connu son<br />
véritable envol. Le renforcement<br />
<strong>de</strong> l’incitation fiscale, à un niveau<br />
rarement égalé en Europe, a eu un<br />
impact important sur le comportement<br />
<strong>de</strong>s donateurs et le<br />
nombre <strong>de</strong> fondations a été multiplié<br />
par 2,5 en dix ans.<br />
En 2011, on comptait 2 733 fondations,<br />
dont 700 abritées au sein <strong>de</strong><br />
la <strong>Fondation</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong>, 617 fondations<br />
reconnues d’utilité publique<br />
(Frup) et 852 fonds <strong>de</strong> dotation.<br />
Suivant l’exemple <strong>de</strong> plusieurs<br />
gran<strong>de</strong>s fortunes, dont la plus<br />
connue est la <strong>Fondation</strong> Bill et<br />
Melinda Gates, du fondateur <strong>de</strong><br />
Microsoft, <strong>de</strong> nombreux projets<br />
philanthropiques d’envergure ont<br />
vu le jour. L’enjeu, c’est <strong>de</strong> laisser<br />
émerger <strong>de</strong>s initiatives complémentaires<br />
<strong>de</strong> celles <strong>de</strong> l’État. En<br />
2009, les fondations privées françaises<br />
ont dépensé au total<br />
4,9 milliards d’euros, dont la moitié<br />
pour la santé, le tiers pour les<br />
œuvres sociales et 10 % pour<br />
l’enseignement.<br />
La philanthropie privée est autonome.<br />
Elle se distingue <strong>de</strong> l’action<br />
publique par la marge <strong>de</strong><br />
manœuvre dont elle dispose pour<br />
expérimenter, tester et défricher<br />
<strong>de</strong>s terrains délaissés par l’État ou<br />
Francis Charhon, DG<br />
<strong>de</strong> la <strong>Fondation</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong>. [DR]<br />
les collectivités locales. C’est ce<br />
qui fait son intérêt, surtout en<br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise.<br />
ÄÄDans une note <strong>de</strong> la Fondapol (*),<br />
vous dites craindre un krach philanthropique.<br />
Que voulez-vous dire ?<br />
On observe <strong>de</strong>puis 2010 un tassement<br />
<strong>de</strong> la croissance <strong>de</strong> la collecte,<br />
à cause <strong>de</strong> la crise économique.<br />
Le phénomène a été<br />
amplifié par le contexte électoral<br />
qui a suscité <strong>de</strong> l’attentisme, surtout<br />
<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s gros donateurs.<br />
Déjà, la réforme <strong>de</strong> l’ISF en 2011<br />
a fait disparaître 300 000 donateurs<br />
potentiels en supprimant la<br />
première tranche <strong>de</strong> 800 000 à<br />
1,3 million d’euros et la perspective<br />
d’une nouvelle réforme fiscale<br />
fait craindre un recul <strong>de</strong>s dons.<br />
Il y a eu déjà, au cours <strong>de</strong> la précé<strong>de</strong>nte<br />
législature, <strong>de</strong> premières<br />
alertes sur le mécénat d’entreprise,<br />
avec un projet d’amen<strong>de</strong>ment<br />
Carrez heureusement abandonné.<br />
Mais il y a toujours, chez<br />
les politiques, <strong>de</strong> droite comme <strong>de</strong><br />
gauche, l’idée que l’on peut assimiler<br />
les dons à une niche fiscale.<br />
C’est à mon sens la marque d’une<br />
méconnaissance <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs<br />
publics à l’égard <strong>de</strong>s mécanismes<br />
<strong>de</strong> la philanthropie. Le don dont<br />
il est question est irrévocable et<br />
ne donne lieu qu’à <strong>de</strong>s contreparties<br />
symboliques. En outre, les<br />
dispositifs fiscaux actuels n’allègent<br />
jamais totalement le donateur<br />
<strong>de</strong> la charge <strong>de</strong> son don.<br />
Pour l’État surtout, le gain potentiel<br />
d’une réduction <strong>de</strong>s avantages<br />
fiscaux accordés à la philanthropie<br />
me semble un bien mauvais<br />
calcul. Si l’on considère les 2 milliards<br />
d’euros que donnent les<br />
5,3 millions <strong>de</strong> particuliers, l’État<br />
en prend certes à sa charge<br />
1,3 milliard. Mais une réduction<br />
<strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong> la défiscalisation ne<br />
rapporterait que 130 millions<br />
d’euros, un gain bien <strong>mo<strong>de</strong></strong>ste<br />
dans la masse du budget, alors que<br />
pour les organisations récipiendaires,<br />
l’impact social serait<br />
majeur, tant au niveau national<br />
que local. Une telle réduction<br />
constituerait une double peine<br />
pour les associations et les fondations,<br />
car elle viendrait s’ajouter à<br />
la diminution parallèle <strong>de</strong>s financements<br />
publics.<br />
Enfin, c’est méconnaître l’effet<br />
multiplicateur du travail philanthropique,<br />
fondé dans une proportion<br />
importante sur le bénévolat.<br />
Je comprends bien l’enjeu en<br />
termes <strong>de</strong> recettes publiques en<br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise, mais qui fera<br />
avec la même efficacité ce que les<br />
philanthropes ne feront plus ?<br />
ÄÄC’est un discours difficile à tenir<br />
en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise et quand on veut<br />
augmenter la contribution fiscale<br />
<strong>de</strong>s plus aisés…<br />
Il ne s’agit pas <strong>de</strong> défendre les<br />
riches, mais <strong>de</strong> donner aux gens<br />
qui ont <strong>de</strong> l’argent une option<br />
pour agir en faveur <strong>de</strong> l’intérêt<br />
général. Pour continuer à se<br />
développer, la philanthropie a<br />
besoin d’un cadre juridique et<br />
fiscal stable. Si nous <strong>de</strong>vions<br />
assister à un double mouvement<br />
<strong>de</strong> taxation importante <strong>de</strong>s plus<br />
fortunés et donc <strong>de</strong> baisse <strong>de</strong> leur<br />
revenu disponible, et <strong>de</strong> réduction<br />
<strong>de</strong>s avantages fiscaux aux<br />
dons, un krach philanthropique<br />
ne serait pas à exclure.<br />
On reviendrait alors plus <strong>de</strong> dix<br />
ans en arrière à un moment où<br />
pourtant on a besoin <strong>de</strong> ce relais <strong>de</strong><br />
générosité. Ce sont en effet les plus<br />
gros dons qui permettent <strong>de</strong> créer<br />
<strong>de</strong>s fondations qui peuvent engager<br />
<strong>de</strong>s programmes massifs.<br />
Dans un moment <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instabilité<br />
économique, il serait plus<br />
sage <strong>de</strong> reposer toute la problématique<br />
<strong>de</strong> la philanthropie dans<br />
notre société et <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s<br />
voies <strong>mo<strong>de</strong></strong>rnes pour assurer<br />
l’avenir <strong>de</strong> ce secteur dans une<br />
logique gagnante pour tous.&<br />
(*) La philanthropie <strong>de</strong>s entrepreneurs <strong>de</strong><br />
solidarité, F. Charhon, Note <strong>de</strong> la <strong>Fondation</strong><br />
pour l’innovation politique, mai/juin 2012.<br />
L’investissement philanthropique<br />
est-il en train <strong>de</strong><br />
muter ? La finance solidaire<br />
et socialement responsable<br />
est <strong>de</strong>venue un sujet à part<br />
entière pour tous les interlocuteurs<br />
financiers. Et il existe déjà<br />
une industrie très structurée <strong>de</strong><br />
l’Investissement socialement<br />
responsable. Le domaine philanthropique<br />
est pourtant bien<br />
à part, les investisseurs n’en<br />
attendant pas forcément un<br />
ren<strong>de</strong>ment. Pour autant, ces<br />
intervenants n’enten<strong>de</strong>nt plus<br />
donner leur argent sans savoir<br />
où il va et comment il transite.<br />
« Les nouveaux philanthropes<br />
s’impliquent davantage dans les<br />
projets qu’ils financent. Il y a<br />
maintenant une culture du<br />
résultat avec la mise en place<br />
d’une mesure <strong>de</strong> plus en plus<br />
affinée <strong>de</strong> l’impact », indique<br />
Anne-Sophie d’Andlau, directrice<br />
générale <strong>de</strong> CIAM, société<br />
<strong>de</strong> gestion très en pointe dans<br />
le domaine <strong>de</strong> la philanthropie.<br />
En effet, ses trois dirigeantes<br />
ont décidé <strong>de</strong> reverser 25 % <strong>de</strong><br />
leurs commissions <strong>de</strong> performance<br />
à un fonds <strong>de</strong> dotation<br />
qu’elles ont créé, CIAM for<br />
kids, chargé d’investir dans <strong>de</strong>s<br />
associations s’occupant <strong>de</strong><br />
l’enfance en <strong>France</strong> et à l’étranger.<br />
Fonds qu’elles suivent d’ailleurs<br />
<strong>de</strong> très près.<br />
dissocier don<br />
et avantage fiscal<br />
« Il y a effectivement aujourd’hui<br />
une structuration du don<br />
avec un vrai projet entrepreneurial.<br />
Cette construction rationnelle<br />
peut donner lieu à <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments<br />
comme elle peut ne pas<br />
aboutir à cette issue. Et les investisseurs<br />
sont dorénavant très au<br />
fait <strong>de</strong> cette construction »,<br />
assure Jean-Bernard Ott, prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> Profit & Non Profit<br />
Finance. Cette société est spécialisée<br />
dans le conseil en investissements<br />
financiers, extrafinanciers<br />
et philanthropiques.<br />
« Notre métier est <strong>de</strong> rechercher<br />
<strong>de</strong>s co-financeurs <strong>de</strong> projets pour<br />
le compte <strong>de</strong> mécènes, d’entreprises,<br />
<strong>de</strong> fondations redistributives<br />
ou <strong>de</strong> family offices. Force<br />
est <strong>de</strong> constater que la vision du<br />
don a énormément évolué ces<br />
<strong>de</strong>rnières années. Il faut donc<br />
adapter cette nouvelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
à une offre elle-même restructurée<br />
et plus ouverte à la transparence<br />
», précise Jean-Bernard<br />
Ott. « Il ne faut toutefois pas se<br />
leurrer. Il faut encore changer les<br />
mentalités, éveiller <strong>de</strong>s vocations,<br />
secouer un peu tout ce<br />
mon<strong>de</strong>-là. Et surtout, faire<br />
admettre que le don n’est pas forcément<br />
associé à un avantage<br />
fiscal », ajoute la responsable <strong>de</strong><br />
CIAM for kids.<br />
L’entrepreneuriat<br />
social européen<br />
Le sujet intéresse aussi les<br />
législateurs et les politiques.<br />
Ces <strong>de</strong>rniers, on le comprend,<br />
aimeraient voir le privé prendre<br />
<strong>de</strong> l’importance dans le financement<br />
<strong>de</strong> projets associatifs ou<br />
d’entreprises solidaires. Même<br />
Bruxelles se penche sérieusement<br />
sur le sujet, puisque vient<br />
d’être créé le fonds d’entrepreneuriat<br />
social européen, ses<br />
débuts étant prévu dans le courant<br />
2013. Il permettra d’i<strong>de</strong>ntifier<br />
clairement les fonds dont<br />
l’objet principal est d’investir<br />
dans <strong>de</strong>s entreprises sociales.<br />
Ce nouveau cadre juridique se<br />
veut simple : les gestionnaires<br />
<strong>de</strong> fonds qui respectent le règlement<br />
peuvent utiliser le nouveau<br />
label pour commercialiser<br />
leurs fonds dans tous les États<br />
membres. Les fonds qui utilisent<br />
ce label <strong>de</strong>vront investir<br />
au moins 70 % <strong>de</strong> leurs actifs<br />
(l’argent reçu <strong>de</strong>s investisseurs)<br />
dans <strong>de</strong>s entreprises sociales.<br />
Des règles harmonisées <strong>de</strong><br />
transparence assureront une<br />
information claire et efficace<br />
sur l’évolution <strong>de</strong>s investissements.<br />
Par ailleurs, sont également<br />
en préparation <strong>de</strong>s obligations<br />
in<strong>de</strong>xées sur <strong>de</strong>s critères<br />
environnementaux.<br />
Avec ou sans espoir <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment,<br />
l’investissement philanthropique<br />
est donc en train<br />
<strong>de</strong> connaître une <strong>de</strong>uxième vie,<br />
plus rationnelle, plus cadrée,<br />
plus transparente. Pour la plus<br />
gran<strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong>s promoteurs<br />
<strong>de</strong> cette industrie qui y<br />
voient un argument <strong>de</strong> poids<br />
pour aller plus loin dans cette<br />
démarche. Le don va-t-il <strong>de</strong>venir<br />
un financement comme un<br />
autre ? Tout dépendra <strong>de</strong> la<br />
capacité <strong>de</strong>s investisseurs à traverser<br />
la crise.&