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Par nature, la maison n’est pas conçue pour accueillirdu public, bien au contraire, son propriétaire l’a souventaménagée à sa manière, en jouant avec lesrecoins ou les espaces obéissant plus aux règles intimesque publiques. Dans ce contexte, que montre-tonen réalité ? Un espace de vie, une succession depièces fonctionnelles, des objets encombrant étagèreset tiroirs ou bien un ensemble susceptible d’approcherl’univers mental du grand homme ? À l’instar desmusées où la notion de collection est prééminente,l’ensemble du corpus d’objets réuni ici, l’a été par lavolonté ou au hasard des rencontres de la vie d’unhomme et ne repose sur aucune démarche scientifiqueet raisonnée. Cet ensemble est une compositionunique dans un lieu unique. Se pose alors la questionde la conservation comme d’un « tout » puisque cen’est pas tant la valeur des objets qui prévaut maisleur intégrité d’ensemble. Choisi ici et là, par MauriceRavel ou Jean Cocteau, chaque objet est un indicematériel qui persiste avec le temps. Chaque objetdonne à voir, à ressentir ou à interroger l’environnementde l’homme célèbre. Chaque indice pris individuellementretisse des fils invisibles qui relient l’œu -vre à l’espace de vie (1) .Second life,une maison visitée pour elle-mêmeÀ l’heure des nouvelles technologies et de l’explorationdes univers de « mobiquité » où l’usager peut seconnecter n’importe où et à n’importe quel momentsur le réseau comme si l’humanité avait presquerésolu le don d’ubiquité, comme si l’univers des possiblesétait atteignable, comment concevoir un lieudu passé pour l’offrir à ces nouveaux usagers ? Unemaison d’écrivain peut-elle avoir une « seconde vie »– une vie pour elle-même – à l’image de Second Lifesimulant un univers sociétal virtuel lui permettantde revivre sous une autre forme tel un avatar dans unenvironnement persistant géré par les visiteurs depassage ? Comment passer du statut « d’espaceprivé » à un lieu ouvert au public ?La première question relève donc du juridique. Quelsrapports entretiennent les héritiers avec cet ensemblepatrimonial ? À la disparition de l’homme célèbre, lasociété se tourne formellement vers les ayants droit.Juridiquement, c’est à eux seuls qu’appartient ladécision de rendre publics ou non, la maison et lesobjets qui ont voisiné avec l’œuvre. Bien souvent, enrésonance de la personnalité ou en conformité avecses souhaits, cette décision reflète souvent lerapport qu’entretenait le défunt avec le monde. Maiselle est aussi très trivialement une question demoyens financiers au moment du transfert de pro -priété. On se souvient du comité de soutien organisépar Laurent Margantin qui s’était constitué aumoment de la décision des ayants droit d’André Bretonde vendre l’appartement mythique de la rue Fontaineà Paris ainsi que l’ensemble des objets, tableaux, sculptures,objets d’arts primitifs réunis par l’écrivain. Laréponse alternative de la fa mille avait alors consisté enla publi cation d’un livre de photographies documentantsur l’univers matériel de l’écrivain. L’associationdes amis d’André Breton avait acquis la très célèbrecuillère en bois de l’Amour fou troquée par l’écrivain surun marché aux puces avec son ami Giacometti.L’ouverture au public d’un lieu privé se fait donc d’uncommun accord avec ses héritiers. Ce qui signifiequ’un contrat moral s’engage entre ces derniers etl’opé rateur chargé de la mise en œuvre du projet. Dèscet accord, commence la nouvelle vie de la maison.Restitution ou avatar muséographique ?Une muséographie du « tout »La phase conservatoire, garante de la qualité de larestitution aux publics, n’est pas sans poser desquestions spécifiques. Le déménagement total del’ensemble des objets et du mobilier de décorationconstitue une étape qui peut occasionner des dégâtsirrémédiables. En effet, l’enveloppe architecturaledoit-elle être traitée comme un bâtiment « simplement» à restaurer ? De même, l’ensemble de ladécoration intérieure qui fait peau. Comment sauvegarderl’âme du lieu ?Tentures murales, peintures, boiseries, placards et élémentsde décors dessinés ici par l’écrivain ou le musicienappartiennent un peu à l’œuvre globale. Dissocierla maison en tant qu’élément architectural, de sesobjets peut conduire à des méthodologies qui s’interfèrentnégativement pour finalement s’annuler. Lerisque encouru consiste en deux approches au tistes.D’un côté l’architecte affirmant un discours con centrésur la structure bâtie sans tenir compte du contenumuséographique, de l’autre côté un discours scénographiquecherchant absolument à mettre en scène.Nier l’approche globale muséographique, c’est finalementse trouver devant une pluralité de con traintes,sans savoir comment hiérarchiser les priorités.En revanche, poussée à son extrême, cette approchequi peut aller jusqu’à dégager pièces et objets de toutescontraintes architecturales en déplaçant « l’ensembleintérieur » dans un autre bâtiment, peut aussiêtre étonnante. Provisoirement pour mettre à l’abri lesobjets ou définitivement lorsque le lieu n’existe plus.O u v r i r l e s p o r t e s d ’ u n e m a i s o n d ’ é c r i v a i n . . .l a l e t t r e d e l ’ o c i mn°125, septembre-octobre 200929

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