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QUESTION D’ÉPOQUEQUESTION D’ÉPOQUEHUMEURS DE PAPIVORECHIFFRES CLÉS L’édition 2010-2011 des chiffres clés du secteurdu livre est parue. Publiés chaqueannée par l’Observatoire de l’économiedu livre, les « chiffres clés »rassemblent en quatre pagesles dernières données statistiquesdisponibles sur l’évolution du marchédu livre en France.Pour en savoir plus :www.centrenationaldulivre.fr/?chiffrescles-du-livreDICTIONNAIREENCYCLOPÉDIQUE DU LIVRELe dernier tome du Dictionnaireencyclopédique du livre vient deparaître. Ce travail monumental rédigésous la direction de Pascal Fouché,Daniel Péchon, Philippe Schuweret la responsabilité scientifiquede Pascal Fouché,Jean-Dominique Mellot, Alain Nave,Martine Poulain et Philippe Schuwerest publié en même temps qu’un indexgénéral des 3 volumes que comptele Dictionnaire encyclopédique.Tome 3 : de N à Z1104 pages, 385 auteurs,635 illustrations. Éditions du Cerclede la librairie – 195 €Tome 1 : de A à D178 € – ISBN 978-2-7654-0841-3Tome 2 : de E à M195 € – ISBN 978-2-7654-0910-6<strong>In</strong>dex : 35 €Les trois tomes : 499 €.par Henri-Pierre JeudyHenri-Pierre Jeudy est sociologue au CNRS, écrivain, auteur d’une trentaine d’ouvrages parmi lesquels Le Corps commeobjet d’art (Armand Colin, 1999), Aligato (récit, La Lettre volée, 1999), Critique de l’esthétique urbaine (Sens & Tonka, 2002),Un sociologue à la dérive (Sens & Tonka, 2004), La Machine patrimoniale (Circé poche, 2009), Les Usages sociaux de l’art(Circé poche, 2008), Le Désir de catastrophe (Circé poche, 2010), Petit traité de scissiparité (avec Maria Claudia Galera,Al Dante, 2010).a petite nièce, Céline, se cachait dans un placard dont elle laissait les portes ouvertes pour dévorerdes livres. Elle n’était pas obligée de le faire, elle estimait sans doute que sa cachette en trompe-l’œilétait une position idéale pour la lecture. Une fillette lit ses livres en faisant la chandelle, le dos à plat surson lit, les jambes bien appuyées contre le mur, une autre se recroqueville et se cache sous ses draps commeun animal dans son terrier, mais avec une lampe de poche, un adulte a pris l’habitude de s’installer sur la tinettedes toilettes pendant près d’une heure afin de poursuivre sa lecture tout en faisant semblant d’évacuer ce quil’a déjà été, un garçonnet monte sur un arbre, et dans une position plutôt scabreuse, dévore un récitqu’il avait commencé assis sous la table de la cuisine… Les positions du corps ont-elles une incidence surla lecture ? Un psychologue du comportement et de la mobilité ne manquera point de faire des comparaisonset d’en déduire des résultats, mais acceptons de considérer une telle question d’un point de vue existentiel,voire philosophique et anthropologique.LE CORPS LISANTLa lecture est surtout visuelle et orale puisque le son des mots résonne dans la tête, même s’il ne s’agit pas depoésie. Il se peut qu’en lisant le corps se relâche, ou du moins se détende, malgré la tension qu’un récit palpitantpuisse faire naître. La solitude favorise également une certaine liberté des bruits du corps d’autant plus quecertaines exclamations trahissent la puissance cénesthésique de la lecture. Qu’est-ce qu’un corps lisant ?Il y a mille manières de tourner les pages, de les renifler, de les écorner, de passer la paume de la main surle papier… C’est d’abord les doigts qui agissent, qui se plient, se déplient, se tordent, s’étirent, les doigtsd’une main qui caressent la cuisse, tandis que ceux de l’autre maintiennent le livre en équilibre. Étranges sensationstactiles, olfactives qui se mêlent à celles qui viennent de l’écriture narrative et qui semblent même leur offrirune consistance charnelle plutôt surprenante. Les mots, les phrases peuvent autant provoquer des frissonsque des irritations, faire trembler ou nous inciter à nous gratter furieusement le cuir chevelu ou une autre partiedu corps. S’établit ainsi un corps à corps avec le livre. Selon Claude Pujade-Renaud, « le corps s’est enfoui dansla texture des phrases, il s’est pétri dans le savoir de la substance des mots, il se dilate et se rétracte de plaisir ».Quelle est donc cette incroyable corporéité de la lecture ?ENTRE DEUX MONDESHenri Miller disait qu’il lisait dans une « position inconfortable », et qu’il restait au lit seulement s’il était souffrant.La lecture est cénesthésique, elle appelle le corps à ressentir ce que les mots produisent comme des effetsorganiques dans un jeu d’attraction, d’identification ou de mise à distance. Chacun garde une part de secretdans l’acte de lire, le corps s’abstrayant du monde environnant pour se glisser dans l’univers du livre comme sipersistait l’image enfantine de la cachette, même en présence des autres. Pascal Quignard écrit : « Il faut serrerles vrais livres dans un coin car toujours les vrais livres sont contraires aux mœurs collectives. Celui qui lit vitseul dans son « autre monde », dans son « coin », dans l’angle de son mur. » Ce n’est pas une négationdes conventions de la socialité, c’est plutôt une mise à disposition de soi hors du temps de la réalité, tellela manifestation décalée de l’intimité dans l’espace public. J’aime regarder quelqu’un lire parce qu’il me donnediscrètement en partage une figure de cette intimité qu’il est censé cacher. Si je rentre dans un salon oùplusieurs personnes lisent, le silence qui règne devient aussitôt le décor majestueux des visages attentifset absents à mon regard. Mais, comme le dit Georges Perec, la lecture s’accompagne aussi des bruits de la ville,de la chaleur du soleil, des cris d’enfants qui jouent, de l’attente du sommeil, de la sensation de l’eau chaude…Curieusement, le monde extérieur s’irréalise à son tour pour n’être plus qu’une atmosphère. La nuit, Alberto Manguel,ayant allumé sa lampe de chevet, raconte comment il lisait en écoutant le ronflement de sa nurse.LA LECTURE PEUT-ELLE SE FAIRE « SANS LIVRE » ?La question peut sembler grotesque, mais dans quelle mesure le récit oral, quand on prend le temps de raconterune histoire, ne simule-t-il pas la présence du livre ? Pourquoi mes petits-enfants ne me demandaient-ils pasde leur lire un livre ? Ils préféraient que je leur raconte une histoire. J’en ai inventé une qui devenait interminable :La Princesse Lucie et ses deux ouistitis. Quand l’un d’eux me réclamait un épisode, il me donnaitquelques éléments pour construire le récit. « La princesse est dans le désert, ses ouistitis crèvent de faim, il y aune tempête de sable… » Ils étaient heureux de faire des hypothèses chaque fois que je leur laissais paraîtreles incertitudes d’un dénouement. Je faisais des bruits, j’imitais le vent, les oiseaux, je poussais des cris,je pleurais, et si je ne savais pas comment poursuivre le récit, je leur disais sur un ton inquiétant : « Quandbrusquement… » Parfois, je m’arrêtais au milieu d’une phrase, je leur disais : « L’histoire est partie, l’histoires’est enfuie ! » Ils se mettaient à la chercher sous le lit, sous l’édredon, derrière le fauteuil, et l’un d’eux s’écriait :« Je la tiens ! Je l’ai retrouvée ! » Il la tenait dans sa main comme s’il avait attrapé une mouche, il venaitme la confier en dépliant lentement ses doigts. « Cette fois-ci, tu fais attention ! »Ainsi, je ne leur ai peut-être pas donné le goût de la lecture, mais celui de l’histoire, du récit sans fin. Durantun moment, j’ai même fait semblant de tenir un livre dans mes mains pour le lire, leur faisant croire que les motsquittaient la page pour se glisser sur une autre page, perturbant le sens du récit. J’imitais aussi le bruitdes pages qu’on coupe, qu’on tourne, qu’on froisse… comme si le livre était lui-même un corps. Leur ai-je apprissans m’en rendre compte à simuler la lecture plutôt que de lire ? Un soir, ma petite-fille m’a demandéde lui raconter l’histoire de « rien du tout ». Elle venait d’apprendre que sa sœur était déjà morte avant de naître.Peut-être songeait-elle que j’avais un pouvoir magique, celui de rendre l’histoire plus puissante que la réalité.Elle m’avait dit avec un sourire malicieux que je ne réussirais pas à lui raconter l’histoire de « rien du tout »,puisque celui-ci n’était rien, qu’en conséquence, il n’avait pas d’histoire. Elle semblait signifier à son grand-pèreque s’il était capable de trouver une issue à un pareil paradoxe, alors là, il était vraiment fort. Je dois avouerque, malgré les vertus de mon imagination, je ne me sentais pas prêt à faire apparaître « rien du tout » dansla pénombre de la chambre. Je me suis pourtant lancé…L’AUTRE RÉALITÉDans une courte nouvelle, La Continuité des parcs, Julio Cortazar raconte comment un homme, assispaisiblement dans un fauteuil, lit ce qui doit lui arriver. « Il jouissait du plaisir presque pervers de s’éloigner petità petit, ligne après ligne, de ce qui l’entourait, tout en demeurant conscient que sa tête reposait commodémentsur le velours du dossier élevé, que ses cigarettes restaient à portée de sa main et qu’au-delàdes grandes fenêtres le souffle du crépuscule semblait danser sous les chênes. » La coïncidence énigmatiqueentre la scénographie du récit et la réalité mise en jeu dans l’acte même de lire place le corps en réceptaclede toute figure destinale. Dans son fauteuil, l’homme lit l’histoire d’un amant et de son amante qui préparentle meurtre d’un tiers, sans doute celui de l’époux légitime. L’intrigue est tracée, dans une superbe et rapidetension, comme l’enchaînement inéluctable de ce qui doit arriver. Le déterminisme de l’enchaînement des gesteset de la configuration des lieux, porté à l’absolu, comme si le hasard obéissait résolument au destin, accompagnela détermination des protagonistes. Celui qui va être poignardé, n’est-ce pas lui qui est si paisiblement assisdans son fauteuil en train de lire le récit de sa mort annoncée ? Le livre qui assassine son lecteur si tranquille,hors du temps habituel de l’identification, quand la projection de notre corps dans l’histoire se fait« en temps réel ».C’est souvent la fin d’un livre qui provoque le plus bel émoi, même si elle est attendue. Marcel Proust écrivait :« Puis la dernière page était lue, le livre était fini. Il fallait arrêter la course éperdue des yeux et de la voixqui suivait sans bruit, s’arrêtant seulement pour reprendre haleine, dans un soupir profond. » Le livre reprendalors sa place dans la bibliothèque tout en gardant ce mystère que son titre écrit sur le dos évoquerachaque fois qu’il sera murmuré. Jorge Luis Borges a construit l’un de ses textes, Tlön, Uqbar, Orbis Tertius,à partir de la place intrigante d’un dos de livre, de son titre aperçu dans la glace comme si l’incitation àCULTURE & MÉDIAS 2030Le rapport « Culture & médias 2030.Prospective de politiques culturelles »,rédigé par le Départementdes études de la prospectiveet des statistiques (Deps) estdisponible à la Documentationfrançaise.208 p. – 12 € –ISBN 978-2-11-097542-3Suite à la parution de ce rapport,un site interactif a été mis en placeafin de recueillir les contributionsde tous les acteurs culturels.www.culturemedias2030.culture.gouv.frCONTENUS CULTURELSET INTERNET La commissionculture, de l’éducation et dela communication du Sénat avaitorganisé, en janvier dernier, une tableronde sur le thème « La création decontenus culturels et <strong>In</strong>ternet : quellespolitiques nationales et européennesveut-on et peut-on conduire dansle domaine des contenus culturelsen ligne ? ». Le rapport d’information,rédigé au nom de la commission parJacques Legendre, est disponible surwww.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-330-notice.htmlCULTURE PROSPECTIVEUn rapport de seize pages rédigépar Philippe Moati et consacréà la « Prospective du commercephysique de biens culturels »est téléchargeable sur le sitedu Département des étudesde la prospective et des statistiques(Deps). Quatre secteurs culturelssont étudiés : la musique enregistrée,le livre, le jeu vidéo et les filmsvidéo. À lire sur www.culture.gouv.fr/nav/index-stat.html, onglet « cultureprospective ».age 4age 5

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