12 dclgé a a eDécryptageAnalyses &DécryptagesLa signification étymologique, l’évolution sémantique et la portée symboliqueLe bougnoule en questEn ces temps-là, «la chair à canon» carburaità la gnôle. Par un subterfugedont la raison détient seule le secret,qui n’en révèle pas moins les présupposésd’un peuple, les ressorts psychologiquesd’une nation et la complexion mentalede ses dirigeants, la revendication ultime préludantau sacrifice suprême -«Aboul Gnoul»,apporte l’alcool- finira par constituer, par undévoiement de la pensée, la marque d’une stigmatisationabsolue de ceux qui auront massivementcontribué, à deux reprises, au péril de leur vie, àvaincre, paradoxalement, les oppresseurs de leurspropres oppresseurs.«Bougnoule» tire son origine de l’expressionargotique de cette supplique ante mortem. Ellefinira par confondre dans la même infamie tousles métèques de l’Empire, piétaille de laRépublique, promus au rang de défenseurs occasionnelsde la patrie, défenseurs essentiels d’unepatrie qui s’est toujours voulue distincte dans leconcert des nations, qui se distinguera souventd’une façon lumineuse (1), d’une façon hideuseparfois, traînant tel un boulet, Vichy, l’Algérie, lacollaboration, la délation, la déportation et la torture,les pages honteuses de son Histoire, peinantdes décennies durant, à expurger son passé, et,pour avoir tardé à purger son passif, en paiera leprix en termes de magistère moral.Curieux rapport que celui qui lie la <strong>Fr</strong>ance à samémoire, étrange rapport que celui qui lie ce paysà lui-même, à la fois «Patrie des lumières et desdroits de l’Homme» et patrie du «Code noir» del’esclavage, le code de l’abomination, de la traitede l’Ebène et du mépris de l’Indigène.Etrangement curieux, le rapport qui lie ce pays àses alliés de la période coloniale, les peuples colonisésd’Outre-mer. Par deux fois en un même siècle,phénomène rarissime dans l’Histoire, ces soldatsde l’avant, les avant-gardes de la mort et de lavictoire, goumiers algériens, spahis marocains,tirailleurs tunisiens, sénégalais et soudano-nigériens,auront été embrigadés dans des conflits quileur étaient, étymologiquement, totalementétrangers, avant d’être rejetés, dans une sorte decatharsis, dans les ténèbres de l’infériorité, renvoyésà leur condition subalterne, sérieusementréprimés aussitôt leur devoir accompli, comme cefut le cas d’une manière répétitive pour ne pasêtre un hasard, à Sétif (Algérie), en 1945, cruellementle jour de la victoire alliée de la SecondeGuerre mondiale, au camp de Thiaroye (Sénégal)en 1946, et, à Madagascar, en 1947, sans doute àtitre de rétribution pour leur concours à l’effortde guerre français.Substituer une sujétion à une autre, se fairedécimer, au choix, sur les champs de bataille ousur le terrain de la répression au retour au pays,avant d’être mobilisé à nouveau pour la relancede l’économie de la métropole, que de conséquencestraumatiques ils pâtiront de cette «querellede Blancs». Il n’était pas question à l’époquede «seuil de tolérance» mais de sang à verser àprofusion. Beaucoup acquitteront leur tribut dusang en faisant l’apprentissage de l’ébriété, sansconnaître l’ivresse de la victoire. Beaucoup survivrontà l’enfer de Verdun ou de Monte Cassinoavant de sombrer dans le désarroi de l’incompréhensionau sein de la cohorte des alcooliques anonymes.Beaucoup en perdront la raison devantune telle aberration de comportement. Beaucoup,plus tard, bien plus tard, basculeront dans unerévolte libératoire qui sonnera le glas de l’empirefrançais.Recrue d’épreuves au terme d’une vie brèvemais houleuse, Lapaye Natou, vaillant combattantde l’armée de l’Union française, miné par lesravages de l’alcool de palme, s’effondrera un crépusculede l’été 1961. Gisant au pied du baobabde sa ville natale de Kaolack, dans la région duSine Salloum, au Sénégal, un des centres mondiauxde l’arachide, qui fit la fortune des comptoirscoloniaux des négociants bordelais, LapayeNatou, -l’auteur en a été le témoin-, apostropheradans un ultime sursaut de fierté son auditoire ences termes : «C’est moi Lapaye Natou, l’hommede l’homme, cœur de lion, peau de panthère,l’homme qui en fait son dawar, en a Mer, en aMéditerranée, en à l’Est Baden-Baden. Celui quime connaît ça va, celui qui ne me connaît pas tantpis.» En termes policés, c’est-à-dire en termesmoins rudimentaires mais certainement moinsexpressifs, cela donnerait : «C’est moi LapayeNatou, un être humain, courageux et résistant, unhomme qui a répondu à l’appel du devoir en participant,loin de son pays natal, à tous les combatsde la <strong>Fr</strong>ance, de la Méditerranée jusqu’au point dejonction des forces alliées au cœur de l’Europe. Jerends grâce à ceux qui reconnaissent ma valeur etvoue aux gémonies ceux qui méconnaissent mavaleur et celle de mes semblables.» Que d’imprécationsdevant cette malédiction du destin aurontainsi été proférées en un siècle hors de portée deleurs véritables destinataires. Que de ressentimentsétouffés dans l’anonymat le plus complet.Que de colères contenues devant tant de désinvoltureà l’égard de ce que l’un des leurs, <strong>Fr</strong>antzFanon, qualifiera de «Damnés de la terre» (2).Rares sont les populations qui auront connupareil parcours chaotique sans jamais cultiver uneidéologie victimaire, sans jamais en faire usageultérieurement dans leur combat pour leuracceptation.Un agrégé de grammaire de l’Université française,une discipline où les lauréats sont rarissimes,qui présidera par la suite aux plus hautesdestinées de son pays, Léopold Sedar Senghor (3),gratifiera ces victimes muettes de l’Histoire de ladignité de «dogues noirs de la République».Ciselée avec soin par un orfèvre dans l’art sémantiquepour affirmer sa douloureuse solidarité avecses frères de race, cette formule passera à la postéritécomme la marque de scarification morale deleurs cerbères et de leurs héritiers naturels. «Lesdogues noirs de la République», anti-mémoire dela <strong>Fr</strong>ance, sa face cachée, ainsi que son prolongementconceptuel, la «négritude», que cet enfantchéri de la francité forgera par opposition identitaireà ses anciens maîtres, constitueront le levierd’affranchissement du Continent noir, son thèmemobilisateur vers son indépendance. Pur produitde la culture française, un des grands motifsinternationaux de satisfaction intellectuelle de la<strong>Fr</strong>ance, théoricien du métissage culturel et de lacivilisation universelle, membre de l’Académiefrançaise, condisciple du président françaisGeorges Pompidou, au Lycée Louis-le-Grand àParis, ministre de la République française et undes grands animateurs de l’Inter<strong>national</strong>e socialiste,Senghor sera, inexplicablement, le grandoublié de l’énarchie française à ses obsèques àDakar, le 20 décembre 2001, à 95 ans, qu’elleréduira à sa seule africanité, illustration symptomatiquede la singularité française.Signification étymologiqueDans les ouvrages de référence de la sociétésavante de l’élite française, le calvaire de leurdépersonnalisation et leur combat pour la restaurationde leur identité et de leur dignité se résumerontà cette définition laconique : «Le bougnoule,nom masculin apparut en 1890, signifienoir en langue Wolof (dialecte du Sénégal).Donné familièrement par des Blancs du Sénégalaux Noirs autochtones, ce nom deviendra au XXesiècle une appellation injurieuse donnée par lesEuropéens d’Afrique du Nord aux Nord-Africains. Synonyme de bicot et de raton». Avarede précision, la définition, sibylline, paraît quelquepeu succincte. Masque-t-elle gêne, ignorance,indifférence ou volonté d’atténuation ?L’expression était-elle vraiment familière ? Seraitellele fruit d’un paternalisme blanc de bon aloienvers de braves noirs «bons sauvages» ? Qui sontdonc ces Européens qui proféraient de tellesappellations injurieuses ? Des Suédois insultantdes Phéniciens, les ancêtres des Carthaginois ? Dequelle planète étaient-ils les habitants ? En quelleère de notre Histoire ? Qui sont donc ces Nord-Africains à l’identité mal définie qui faisaient -quifont- l’objet d’une telle interpellation ? Le dictionnaire(4) qui donnait la définition du bougnouledate pourtant de 1979, une époquerécente de l’Histoire contemporaine. Il se gardaitbien d’identifier les Maghrébins, 30 ans après l’indépendancede l’Algérie, du Maroc et de laTunisie, une nouvelle fois englobés dans le mêmesac de leur ancienne dénomination coloniale.Treize ans plus tard, en 1996, ce même dictionnaire,cédant sans doute à l’esprit du temps sousl’effet des revendications des mouvements associatifset des succès remportés par les jeunes générationsissues de l’immigration, en dodéfinition laconique en un style télégrapmasquait mal les connexions : «familierinjure raciste/ 2 Maghrébins, Arabes»soit précisé s’il s’agissait d’injures racirées à l’encontre des Arabes et des Maghdes injures échangées entre eux par desdes Maghrébins.Son évolution sémantiqueUn glissement sémantique du tegnoule s’opérera au fil du temps pourbien au-delà de l’Afrique du Nord, l’enla <strong>Fr</strong>ance, tous les «mélanodermes», leBerbères et Négro-Africains» chers àpour finir par s’ancrer dans le tréfoconscience comme la marque indélédédain absolu, alors que parallèlement,sion du terme raton qui lui est synonygage courant désignait par «ratonnade»nique de répression policière sanctionnde faciès.Loin de relever de la casuistique, l’acontenu participe d’une clarification séet psychologique, d’un exercice de p«non-dits» de la conscience <strong>national</strong>e àvoyage dans les méandres de l’imaginçais. Le sujet demeure largement tabouet le problème soigneusement ocmanuels scolaires et débats publicspasme, il surgit par soubresaut parmalencontreuses réminiscences. Crainla <strong>Fr</strong>ance, au point de l’exorciser, l’idsang impur ait abreuvé ses sillons» ?vraiment à la réalité d’un «sang impurtant abondamment sollicité sur les cbataille de Champagne-Ardenne, de Bide Toubrouk, de Coufra et d’ailleurs ?Loin de participer à une hypermnéslisante, le débat ne s’en impose pas moila contribution des «peuples basanés» àtion du sol français, que sur leur apportnement de leur pays d’accueil. Non paappétence polémique mais pour unerestauration de la mémoire françaireconstitution du maillon manquant,blage des «fils visibles et invisibles quiindividus à leur environnement,ALGERIE NEWS Dimanche <strong>25</strong> août <strong>2013</strong>
Décryptage13ionnnera unehique qui, péjoratif,sans qu’ilstes proférébinsouArabes etrme bouenglober,semble des «Arabo-Senghor,nd de labile d’unpar extenme,le lanunetechantle délitnalyse dumantiqueistage destravers unaire franen<strong>Fr</strong>anceculté dess. Tel unsuite det-elle tant,ée «qu’unCroit-elle» si pourhampsder Hakeim,ie culpabinstant surla libéraaurayonstant parœuvre dese par lacet assemrelientlesle réel àl’Histoire» (5), une mesure de prophylaxie socialesur les malfaisances coloniales dont l’occultationpourrait éclairer les dérives répétitives de la<strong>Fr</strong>ance, telles que -simple hypothèse d’école ?- lacorrespondance entre l’amnésie sur les «crimesde bureau» de 1940-1944 et l’impunité régaliennede la classe politico-administrative sur les scandalesfinanciers de la fin du XXe siècle, ou la corrélationentre la déroute de l’élite bureaucratique de1940 et la déconfiture de l’énarchie contemporaine.Réalité honteuse longtemps niée et mêmedéniée par une sorte de péché d’orgueil, la permanenced’une posture du mépris et de l’irresponsabilité-la singulière «théorie du fusible à la française»-et d’une idéologie protofasciste inhérenteà un pan de la culture française, finiront par s’imposerdans toute leur cruauté à l’occasion desélections présidentielles de 2002 en plaçant les<strong>Fr</strong>ançais devant l’infamant dilemme de choisirentre un «escroc» et un «facho» (6), entre un«super menteur» et un «superfacho» (7), deuxseptuagénaires vétérans politiques de l’époque dela guerre froide occupant le devant de la scènedepuis près de quarante ans, les deux candidatsles plus âgés, les plus fortunés et les plus décriésde la compétition, mutuellement confortés dansune campagne sécuritaire, l’héritier d’un gaullismedévoyé dans l’affairisme le plus débridé (8)face à l’héritier d’un vichysme sublimé par unancien tortionnaire de la Guerre d’Algérie.Le premier, Jacques Chirac, auteur d’une formulechauvine d’une démagogie achevée sur les«bruits et les odeurs» des familles immigrées quiponctionnent la sécurité sociale par leur prolificitégénésique, le second, Jean Marie Le Pen,auteur d’une formule d’une abomination absoluesur le «Durafour crématoire (…) point de détailde l’Histoire». «Une des plus grandes bévuesdémocratiques de l’Histoire contemporaine de la<strong>Fr</strong>ance» (9), selon l’expression de l’écrivain indobritanniqueSalman Rushdie, la première consultationpopulaire à l’échelon <strong>national</strong> du XXIe sièclerévélera aux <strong>Fr</strong>ançais et au monde médusés, ledélitement moral d’un pays volontiers sentencieuxet le discrédit de son élite non moins volontairementobséquieusement arrogante, incapabled’assumer au terme d’un pouvoir monopolisétout au long de la seconde moitié du XXe siècle,au niveau économique, la mutation postindustriellede la société française, au niveau sociologique,sa mutation postcoloniale, au niveau de sonopinion <strong>national</strong>e, sa mutation psychologique,signe de l’échec patent de la politique d’intégrationde sa composante afro-musulmane.«Si une <strong>Fr</strong>ance de 45 millions d’habitants s’ouvraitlargement, sur la base de l’égalité des droits,pour admettre <strong>25</strong> millions de citoyens musulmans,même en grande proportion illettrés, ellen’entreprendrait pas une démarche plus audacieuseque celle à quoi l’Amérique dut de ne pasrester une petite province du monde anglosaxon»,prophétisait, déjà, en 1955, Claude Lévi-Strauss en un saisissant résumé de la problématiquepost-coloniale dans laquelle se débat lasociété française depuis un demi-siècle (10).La <strong>Fr</strong>ance ne saurait être le dépotoir del’Europe, mais ni les Arabes, pas plus que lesAfricains ne sauraient être l’exutoire à tous lesmaux de la société française. L’Histoire est incomplètesans le témoignage des perdants. La rationalitécartésienne, transcendance symbiotique del’intelligence athénienne et de l’ordre romain,quintessence de l’esprit critique, aura ainsiengendré des monstruosités dans ses momentsd’assoupissement. Nul pays n’est à l’abri de tellesdérives devant les grands bouleversements del’Histoire et l’ingratitude passe pour être une loicardinale des peuples pour leur survie. Mais l’exceptionfrançaise si hautement revendiquée d’unenation qui se réclame de la grandeur est toutefoisantinomique d’une culture de l’impunité et del’amnésie, une culture érigée en un dogme degouvernement et, à ce titre, incompatible avec ladéontologie du commandement et les impératifsde l’exemplarité.Références1- Valmy : Première victoire militaire dela République remportée par lesgénéraux Dumouriez et Kellermann, en1792, dans cette localité de la Marne,elle inspira à Goethe, qui a en été letémoin, cette exclamation:«D’aujourd’hui et de ce lieu date uneère nouvelle dans l’histoire du monde».2- Psychiatre et révolutionnaired’origine martiniquaise, spécialiste duphénomène de la dépersonnalisationliée à la situation coloniale,représentant diplomatique desindépendantistes algériens au sein desinstances inter<strong>national</strong>es. Auteur de«Peau noir, Masques blancs», 1952,«Les Damnés de la terre» (1961) et«Pour la Révolution africaine» (1969).3- Léopold Sedar Senghor, décédé à 95ans le 20 décembre 2001, a été lepremier président de la République duSénégal (1960-1980). Ni le présidentnéo-gaulliste Jacques Chirac, ni lePremier ministre socialiste Lionel Jospinne se sont rendus à ses obsèques,s’attirant de violentes critiques de lapresse contre ce «manquementinjustifiable».4 -Dictionnaire alphabétique etanalogique de la langue française LePetit Robert Tome 1/ Société du nouveauLittré. 1979. page 2055- Lise Sourbier-Pinter, chargée demission à l’état-major de l’armée deterre française. Interview au journalLibération samedi 14-Dimanche <strong>25</strong>juillet 2001 «Le 14 juillet symboled’intégration des différences».6- «Escroc contre Facho», cf. Le CanardEnchaîné N°4<strong>25</strong>2 24 avril 2002.7- «La gauche orpheline se résigne àavaler la couleuvre Chirac», par MarieJoëlle Gros et Julie Lasterade, cf. journalLibération du 3 mai 2002.8-cf.«Noir Chirac» de <strong>Fr</strong>ançois-XavierVerschave, Editions les Arènes, Mars2002, «Les Gaullistes et l’argent, undemi siècle de guerres intestines» parPhilippe Madelin, Ed. l’Archipel 2001,ainsi que «Rafic Hariri, un hommed’affaires premier ministre»,Ed.L’Harmattan-Novembre 2.000.9- «En <strong>Fr</strong>ance, des illusionsdangereuses», par Salman Rushdie,auteur des «Versets Sataniques» cf.journal Libération 30 avril 2002, pages«Rebonds».10- Claude Lévi-Strauss «TristesTropiques». L’ouvrage de l’ethnologuefrançais est paru en 1955, cf. «Etatsd’âme» par Bertrand Poirot-Delpech,journal Le Monde 30 avril 2002.Chronique des deux rives> Suite de la page 11Coup de théâtre : un an, jour pourjour, le Président issu de la confrériedes islamistes égyptiens et ayant reçul’onction du suffrage universel estdéposé manu militari. Après, il faut lepréciser, une levée en masse de manifestants,en provenance surtout desmilieux libéraux, démocratiques, progressistes: nassériens, communistes,extrême-gauche, indépendants... Etautres gens du peuple qui ne virentaucun changement significatif à leurmisère. Nouvelle donne, surMaydène Ettahrir, la participation desci-devant de l’Ancien régime deMoubarak et consorts. Ils avaient su sefaire oublier, profil bas et discrétion ens’incrustant dans les appareils d’Etat,des médias : justice, armée, police,moukhabarate, services, presse et télévisions.Seul bémol, et de taille, surPlace Ettahrir, il n’y avait plus les militantsislamistes et leurs sympathisants.Et pour cause, ils étaient au pouvoir etprésidaient aux destinées de l’Egyptepost-Moubarak. Leur président Morsi,le mal élu s’était octroyé sur le papier -par un oukase, des pouvoirs dont nedisposait même pas l’omnipotentMoubarak. Dans la réalité, l’état dupays et de l’Etat tenait surtout du surréalisme.Grèves, manifestations, coupuresd’électricité, fermetures d’entreprises,endettement. Les <strong>Fr</strong>ères musulmanscroyant que leur gloire étaitadvenu jusqu’à la fin des temps, sesont recroquevillés sur leurs forces etpassèrent alliance avec l’armée pourgérer le mécontentement populaire enlui garantissant ses privilèges et sonempire économique. L’armée, celle làmême qui hier, à peine les réprimait.Ensemble, ils feront un bout de chemintrompeur : laissant casser, réprimés,poursuivis, voire embastillés desdémocrates et autres jeunes révolutionnaires.Morsi et sa tribu politico-théocratiqueétaient englués dans leur mystiquesectaire. Médiocres gestionnaires,ils se reposaient sur les exorcismesreligieux pour remettre sur pied uneéconomie en panne. Pour le tourisme,l’une des mamelles nourricières dupays, Morsi fit l’effort de s’adresser àquelques touristes étrangers pour rassurer.L’islam modéré prôné ferait bonménage avec les attraits du tourisme.Plan de communication qui tomba àplat quand un ex-djihadiste membrede l’organisation radicale Gama'aIslamiya, fut nommé à la tête du gouvernoratde Luxor, là où ce groupeavait tué le 17 novembre 1997, 58 touristesétrangers !Bref, Morsi n’a pas vu le sol sedérober sous ses pieds, enivré par labienveillance des Américains. Obama,lui-même déconnecté, lui téléphonerajusqu’à l’ultime moment de sa destitution.La promotion de l’islam modérévalait bien une mess téléphonique.Or, les islamistes au pouvoir s’étaienttellement éloignés de leurs partenaireslibéraux et démocrates des glorieuxjours révolutionnaires. La Confrériesemblait dire : «L’Etat, c’est moi.»Mais ce discours ne pouvait être tenuque par des rois. Or l’Egypte, lesavaient répudiés. Les « FM » restaientdonc en famille. Le peuple, lui était ànouveau dans la rue le 30 juin dernier.Des cahiers de doléances, aujourd’hui,on dit pétition, furent signés, parait-ilpar au moins 22 millions d’Egyptiensà l’initiative d’un nouveau mouvement,«Tamerroud» (Révolte, insurrection).Le 30 juin, les Egyptiensauraient été 30 millions placeEttahrir... Au bord du Nil quand ils’agit de chiffres, on ne mégote pas.On voulait des élections anticipées.Morsi, le pusillanime, fit le sourd. Lesforces armées, ses récents alliés, euxavaient entendu. Leur chef, un fringantgénéral, donné pour un cryptosympathisantdes islamistes (sonépouse porterait le hidjab, et luimêmepassait pour un homme trèspieux, nommé à la tête de l’armée parMorsi lui-même) - fit une proclamationoù il sommait le Président derépondre aux attentes du peuple souspeine d’affronter la foudre militaire.Dans un commentaire à vif, l’ancienneéminence grise de Nasser, le malicieuxHassanine Haykal, trouva le texted’une remarquable teneur littéraire aupoint de donner des inquiétudes auxplumes égyptiennes les plus brillantes.Un hommage appuyé - par celui quiest donné comme le véritable « cerveau» du 30-juin -au général Sissi, lenouvel homme fort de l’Egypte, «l’imperator » selon Le Canardenchaîné - qui n’a évidemment aucunlien avec la tragique impératrice autrichienne.Le Général aurait de sa mainécrit sa proclamation. Bonaparteavant de se faire Empereur sur la terred’Egypte donna à l’histoire deux proclamations.Les jeunes généraux sontsouvent tentés par deux types de pouvoirs: celui des lettres et celui de l’autorité.Napoléon réussit à réunir entreses mains les deux après le Coup du 18Brumaire. Mais de telles vocations nevont pas d’elles-mêmes. Elles ont unprix. Celui du sang. Et le sang coula ànouveau au bord du Nil après la destitutionde l’impavide Morsi. Anecdote: Staline rencontrant le Pape, dit-on,lui demanda : combien de divisions ?Après les sévères avertissements etultimatums d’usage, la police et l’arméefirent le ménage. Bains de sang, serépandirent dans les médias les grandesâmes du « monde libre » - maisqui ne prendraient jamais le thé avecla « gueusaille » islamique. Les droitsde l’Homme, ce n’est pour leschiens… Pour l’histoire, le ministrechargé de la besogne (d’ailleurs généralen civil), officiait déjà sous Morsi etne manqua pas auparavant de fairegoûter aux rigueurs de la loi auxdémocrates. Il mena aussi sans étatd’âme les représailles contre la famillepolitique du président qui l’avait désignéau tout-puissant ministère del’Intérieur. Une boutade nous apprendque les révoltions passent, la police etl’armée restent. Des institutionspérennes dont aucun pays modernen’a pu s’en passer… Alors révolutiondans la révolution ? « Coup d’Etatrévolutionnaire ? Réajustement révolutionnaireselon le made in Algeria ?L’Egypte vient d’enrichir le registre, enparlant d’un « Coup d’Etat populaire »que les masses ont sommé d’accompliret soutenu par de nombreux intellectuelségyptiens de Samir Amin àGamal Ghittany en passant par lecomédien francophone Amr Waked.Le premier coup d’Etat de l’Histoiremoderne de l’Egypte fut réalisé parune conjuration contre la monarchiepar un cercle d’Officiers libres conduitpar Gamal Abdnasser. Cela donna larévolution du 22 Juillet. Désormais, ily aura celle du 30 juin. Quand auralieu la suivante ? En principe, commepromis par le général Al Sissi, elle passerapar les urnes. Entre-temps qued’eau et de sang auront coulé dans leNil…A. K.(A suivre…)ALGERIE NEWS Dimanche <strong>25</strong> août <strong>2013</strong>