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Fr-25-08-2013 - Algérie news quotidien national d'information

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12 dclgé a a eDécryptageAnalyses &DécryptagesLa signification étymologique, l’évolution sémantique et la portée symboliqueLe bougnoule en questEn ces temps-là, «la chair à canon» carburaità la gnôle. Par un subterfugedont la raison détient seule le secret,qui n’en révèle pas moins les présupposésd’un peuple, les ressorts psychologiquesd’une nation et la complexion mentalede ses dirigeants, la revendication ultime préludantau sacrifice suprême -«Aboul Gnoul»,apporte l’alcool- finira par constituer, par undévoiement de la pensée, la marque d’une stigmatisationabsolue de ceux qui auront massivementcontribué, à deux reprises, au péril de leur vie, àvaincre, paradoxalement, les oppresseurs de leurspropres oppresseurs.«Bougnoule» tire son origine de l’expressionargotique de cette supplique ante mortem. Ellefinira par confondre dans la même infamie tousles métèques de l’Empire, piétaille de laRépublique, promus au rang de défenseurs occasionnelsde la patrie, défenseurs essentiels d’unepatrie qui s’est toujours voulue distincte dans leconcert des nations, qui se distinguera souventd’une façon lumineuse (1), d’une façon hideuseparfois, traînant tel un boulet, Vichy, l’Algérie, lacollaboration, la délation, la déportation et la torture,les pages honteuses de son Histoire, peinantdes décennies durant, à expurger son passé, et,pour avoir tardé à purger son passif, en paiera leprix en termes de magistère moral.Curieux rapport que celui qui lie la <strong>Fr</strong>ance à samémoire, étrange rapport que celui qui lie ce paysà lui-même, à la fois «Patrie des lumières et desdroits de l’Homme» et patrie du «Code noir» del’esclavage, le code de l’abomination, de la traitede l’Ebène et du mépris de l’Indigène.Etrangement curieux, le rapport qui lie ce pays àses alliés de la période coloniale, les peuples colonisésd’Outre-mer. Par deux fois en un même siècle,phénomène rarissime dans l’Histoire, ces soldatsde l’avant, les avant-gardes de la mort et de lavictoire, goumiers algériens, spahis marocains,tirailleurs tunisiens, sénégalais et soudano-nigériens,auront été embrigadés dans des conflits quileur étaient, étymologiquement, totalementétrangers, avant d’être rejetés, dans une sorte decatharsis, dans les ténèbres de l’infériorité, renvoyésà leur condition subalterne, sérieusementréprimés aussitôt leur devoir accompli, comme cefut le cas d’une manière répétitive pour ne pasêtre un hasard, à Sétif (Algérie), en 1945, cruellementle jour de la victoire alliée de la SecondeGuerre mondiale, au camp de Thiaroye (Sénégal)en 1946, et, à Madagascar, en 1947, sans doute àtitre de rétribution pour leur concours à l’effortde guerre français.Substituer une sujétion à une autre, se fairedécimer, au choix, sur les champs de bataille ousur le terrain de la répression au retour au pays,avant d’être mobilisé à nouveau pour la relancede l’économie de la métropole, que de conséquencestraumatiques ils pâtiront de cette «querellede Blancs». Il n’était pas question à l’époquede «seuil de tolérance» mais de sang à verser àprofusion. Beaucoup acquitteront leur tribut dusang en faisant l’apprentissage de l’ébriété, sansconnaître l’ivresse de la victoire. Beaucoup survivrontà l’enfer de Verdun ou de Monte Cassinoavant de sombrer dans le désarroi de l’incompréhensionau sein de la cohorte des alcooliques anonymes.Beaucoup en perdront la raison devantune telle aberration de comportement. Beaucoup,plus tard, bien plus tard, basculeront dans unerévolte libératoire qui sonnera le glas de l’empirefrançais.Recrue d’épreuves au terme d’une vie brèvemais houleuse, Lapaye Natou, vaillant combattantde l’armée de l’Union française, miné par lesravages de l’alcool de palme, s’effondrera un crépusculede l’été 1961. Gisant au pied du baobabde sa ville natale de Kaolack, dans la région duSine Salloum, au Sénégal, un des centres mondiauxde l’arachide, qui fit la fortune des comptoirscoloniaux des négociants bordelais, LapayeNatou, -l’auteur en a été le témoin-, apostropheradans un ultime sursaut de fierté son auditoire ences termes : «C’est moi Lapaye Natou, l’hommede l’homme, cœur de lion, peau de panthère,l’homme qui en fait son dawar, en a Mer, en aMéditerranée, en à l’Est Baden-Baden. Celui quime connaît ça va, celui qui ne me connaît pas tantpis.» En termes policés, c’est-à-dire en termesmoins rudimentaires mais certainement moinsexpressifs, cela donnerait : «C’est moi LapayeNatou, un être humain, courageux et résistant, unhomme qui a répondu à l’appel du devoir en participant,loin de son pays natal, à tous les combatsde la <strong>Fr</strong>ance, de la Méditerranée jusqu’au point dejonction des forces alliées au cœur de l’Europe. Jerends grâce à ceux qui reconnaissent ma valeur etvoue aux gémonies ceux qui méconnaissent mavaleur et celle de mes semblables.» Que d’imprécationsdevant cette malédiction du destin aurontainsi été proférées en un siècle hors de portée deleurs véritables destinataires. Que de ressentimentsétouffés dans l’anonymat le plus complet.Que de colères contenues devant tant de désinvoltureà l’égard de ce que l’un des leurs, <strong>Fr</strong>antzFanon, qualifiera de «Damnés de la terre» (2).Rares sont les populations qui auront connupareil parcours chaotique sans jamais cultiver uneidéologie victimaire, sans jamais en faire usageultérieurement dans leur combat pour leuracceptation.Un agrégé de grammaire de l’Université française,une discipline où les lauréats sont rarissimes,qui présidera par la suite aux plus hautesdestinées de son pays, Léopold Sedar Senghor (3),gratifiera ces victimes muettes de l’Histoire de ladignité de «dogues noirs de la République».Ciselée avec soin par un orfèvre dans l’art sémantiquepour affirmer sa douloureuse solidarité avecses frères de race, cette formule passera à la postéritécomme la marque de scarification morale deleurs cerbères et de leurs héritiers naturels. «Lesdogues noirs de la République», anti-mémoire dela <strong>Fr</strong>ance, sa face cachée, ainsi que son prolongementconceptuel, la «négritude», que cet enfantchéri de la francité forgera par opposition identitaireà ses anciens maîtres, constitueront le levierd’affranchissement du Continent noir, son thèmemobilisateur vers son indépendance. Pur produitde la culture française, un des grands motifsinternationaux de satisfaction intellectuelle de la<strong>Fr</strong>ance, théoricien du métissage culturel et de lacivilisation universelle, membre de l’Académiefrançaise, condisciple du président françaisGeorges Pompidou, au Lycée Louis-le-Grand àParis, ministre de la République française et undes grands animateurs de l’Inter<strong>national</strong>e socialiste,Senghor sera, inexplicablement, le grandoublié de l’énarchie française à ses obsèques àDakar, le 20 décembre 2001, à 95 ans, qu’elleréduira à sa seule africanité, illustration symptomatiquede la singularité française.Signification étymologiqueDans les ouvrages de référence de la sociétésavante de l’élite française, le calvaire de leurdépersonnalisation et leur combat pour la restaurationde leur identité et de leur dignité se résumerontà cette définition laconique : «Le bougnoule,nom masculin apparut en 1890, signifienoir en langue Wolof (dialecte du Sénégal).Donné familièrement par des Blancs du Sénégalaux Noirs autochtones, ce nom deviendra au XXesiècle une appellation injurieuse donnée par lesEuropéens d’Afrique du Nord aux Nord-Africains. Synonyme de bicot et de raton». Avarede précision, la définition, sibylline, paraît quelquepeu succincte. Masque-t-elle gêne, ignorance,indifférence ou volonté d’atténuation ?L’expression était-elle vraiment familière ? Seraitellele fruit d’un paternalisme blanc de bon aloienvers de braves noirs «bons sauvages» ? Qui sontdonc ces Européens qui proféraient de tellesappellations injurieuses ? Des Suédois insultantdes Phéniciens, les ancêtres des Carthaginois ? Dequelle planète étaient-ils les habitants ? En quelleère de notre Histoire ? Qui sont donc ces Nord-Africains à l’identité mal définie qui faisaient -quifont- l’objet d’une telle interpellation ? Le dictionnaire(4) qui donnait la définition du bougnouledate pourtant de 1979, une époquerécente de l’Histoire contemporaine. Il se gardaitbien d’identifier les Maghrébins, 30 ans après l’indépendancede l’Algérie, du Maroc et de laTunisie, une nouvelle fois englobés dans le mêmesac de leur ancienne dénomination coloniale.Treize ans plus tard, en 1996, ce même dictionnaire,cédant sans doute à l’esprit du temps sousl’effet des revendications des mouvements associatifset des succès remportés par les jeunes générationsissues de l’immigration, en dodéfinition laconique en un style télégrapmasquait mal les connexions : «familierinjure raciste/ 2 Maghrébins, Arabes»soit précisé s’il s’agissait d’injures racirées à l’encontre des Arabes et des Maghdes injures échangées entre eux par desdes Maghrébins.Son évolution sémantiqueUn glissement sémantique du tegnoule s’opérera au fil du temps pourbien au-delà de l’Afrique du Nord, l’enla <strong>Fr</strong>ance, tous les «mélanodermes», leBerbères et Négro-Africains» chers àpour finir par s’ancrer dans le tréfoconscience comme la marque indélédédain absolu, alors que parallèlement,sion du terme raton qui lui est synonygage courant désignait par «ratonnade»nique de répression policière sanctionnde faciès.Loin de relever de la casuistique, l’acontenu participe d’une clarification séet psychologique, d’un exercice de p«non-dits» de la conscience <strong>national</strong>e àvoyage dans les méandres de l’imaginçais. Le sujet demeure largement tabouet le problème soigneusement ocmanuels scolaires et débats publicspasme, il surgit par soubresaut parmalencontreuses réminiscences. Crainla <strong>Fr</strong>ance, au point de l’exorciser, l’idsang impur ait abreuvé ses sillons» ?vraiment à la réalité d’un «sang impurtant abondamment sollicité sur les cbataille de Champagne-Ardenne, de Bide Toubrouk, de Coufra et d’ailleurs ?Loin de participer à une hypermnéslisante, le débat ne s’en impose pas moila contribution des «peuples basanés» àtion du sol français, que sur leur apportnement de leur pays d’accueil. Non paappétence polémique mais pour unerestauration de la mémoire françaireconstitution du maillon manquant,blage des «fils visibles et invisibles quiindividus à leur environnement,ALGERIE NEWS Dimanche <strong>25</strong> août <strong>2013</strong>

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