ENTREVUE© Georges Dutil© Images tirées du livreDes histoires d’hiverMARC ROBITAILLEHistoires d’hier« C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais quelqu’un qui vivait les choses demanière très intense. Je me souviens avoir pleuré des jours de temps d’unchagrin énorme quand Toronto a gagné la coupe Stanley en 1967. Tout lemonde croyait que le Canadien gagnerait. Les gens qui prennent la plume,peu importe la raison, il y a presque toujours un chagrin derrière. »Par Charles Beaudoin32 • LES LIBRAIRES • FÉVRIER-MARS 2014Après avoir plongé dans l’univers du baseball en écrivantUn été sans point ni coup sûr et en participant à l’écriture 35des deux tomes de Il était une fois les Expos en compagniede Jacques Doucet, ancien journaliste et descripteurattaché à la couverture des Expos de Montréal, l’auteuret scénariste Marc Robitaille est revenu à ses premierschagrins l’automne dernier avec la réédition de son toutpremier roman, paru initialement en 1987 et retravaillépour 2013 : Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoleset du hockey. « L’éditeur se demandait ce qu’on faisaitavec ce livre-là et je ne voyais pas l’intérêt de leréimprimer tel qu’il était, révèle l’auteur. Si on est pour lerefaire, aussi bien le refaire complètement. Je voulaisrevisiter les textes, les bonifier, en enlever. Le livre a l’allurequ’il aurait dû avoir il y a vingt-cinq ans. »Au cœur du roman se trouve une bande de jeunes desannées 60 qui attendent la fin des cours pour jouer auhockey dans la rue ou regarder les matchs du Canadiende Montréal. Qu’à cela ne tienne, si l’humeur despersonnages varie au gré des victoires et des défaites dela Sainte-Flanelle, chacune des « historiettes » braqueplutôt le projecteur sur les joies et les peines du quotidien.Comme quoi parler de sport n’empêche pas d’aborder lavie, qu’il s’agisse de celle de Mademoiselle Chouinard,l’enseignante autoritaire qui peine à maintenir ladiscipline dans son groupe et qui s’absente du jour aulendemain, ou de celle du grand Pete, « chanceux » parcequ’il déménage à Montréal et qu’il aura dorénavant deuxmaisons.« C’est un prétexte, le sport, parce que ça vient exacerberd’autres choses, comme la vie de famille, la relation avecles parents, avec les amis et avec l’époque. Il y a toujoursde la matière », explique Marc Robitaille. « Ce sont desenjeux très petits, mais universels quand même, poursuitl’auteur. Les chagrins d’école, les espoirs et un certainémerveillement. Le livre porte un regard émerveillé, maisaussi mystifié sur le monde, parce que le personnage n’apas tous les outils pour le comprendre. »C’est d’ailleurs le potentiel de ces enjeux qui l’a incité àretravailler l’ensemble de son 35 ouvrage et à y ajouter prèsde 30% de nouveaux textes. « Ce qu’il y avait dans lapremière édition était parfois des esquisses de situationsou de personnages et je croyais pouvoir aller un peu plusloin avec les lignes dramatiques. »Aller plus loin, certes, mais sans toutefois porter de lourdsjugements. La légèreté du livre lui permet de traverser lesannées et d’éviter d’être relégué au rayon des ouvragesdépassés, croit Marc Robitaille. « Les gens haïssent se fairefaire la morale. C’est ce qui fait qu’un livre ou un filmvieillit ou non. Comme auteur, notre job, ce n’est pas deconvaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. On a unpoint de vue sur le monde qui va intéresser ou non lesgens, mais à partir du moment où il deviendrait uneprescription, comme lecteur on décroche. Dans Deshistoires d’hiver, il y a tout un commentaire sur le sportorganisé par rapport à celui qui ne l’est pas, mais il fautlaisser le plaisir au lecteur de se positionner. »Avec du recul, l’auteur s’est d’ailleurs montré surpris devoir comment « plus ça change, plus c’est pareil » et quela réalité d’il y a près de cinquante ans n’est pas sidifférente de celle d’aujourd’hui. « C’est étonnantcomment les questions qui étaient sur la tabledemeurent, dit-il. L’intimidation à l’école, par exemple, estabordé dans le livre, mais on ne l’identifie pas commetelle, parce qu’on ne l’appelait pas comme ça à l’époque.Ce sont des enjeux qui persistent, année après année. »Marc Robitaille n’en conserve pas moins quelques relentsde nostalgie de l’époque dépeinte dans son ouvrage. « Lacollégialité me manque. Le fait que, quand t’as 10 ans, tusors dehors et que les gens sont déjà là. Comme adulte,tous nos appareils nous isolent pas mal. Les gens nes’appellent plus et frapper à la porte des gens, c’estpresque un geste violent maintenant. On a gagné surtellement d’autres plans, mais là-dessus, on a peut-êtreperdu un peu », termine l’auteur.35DES HISTOIRES D’HIVERVLB éditeur184 p. | 32,95$35
Suggestions pour les enfantsqui ont la bougeotteTrouver lectures à son piedSur la ligne de départ, ils sont plusieurs. C’est presque rendu une mode. Tout lemonde court. Cette vague de popularité atteint même les écrivains et la littérature.Elle s’explique sans doute en grande partie par la préoccupation grandissantede la population pour la santé et le bien-être. Tour de piste de quelques ouvragespour emboîter le pas à tous ces coureurs, du moins en lecture…LES MERVEILLEUSES JUMELLES W.Alain M. Bergeron, Québec AmériquePour un cours, Adam doit « appri -voiser » une personne âgée.Quelle n’est pas sa surprise detomber sur les jumelles Wurtele,ex-olym piennes et pionnières duski féminin qui, malgré leurs 90 ans,ont encore toute leur espièglerie!Un récit à teneur biographique, quiparle d’exploits du passé, par laplume dyna mique d’un auteurpassionné. Dès 9 ansPar Alexandra MignaultCourir pour écrireUn intéressant parallèle entre la création etla course se dessine dans Autoportrait del’auteur en coureur de fond (10/18). En1978, Haruki Murakami a vendu son clubde jazz pour écrire un roman, une enviesoudaine. Mais peu de temps après, il semet à la course parce qu’à force de resterassis pour écrire, il ressentait le besoin debouger et de s’imposer une discipline, un mode de vie. Commel’écriture en impose un. La course correspond à une« métaphore de son travail d’écrivain », en ce qui concerne lapatience, la persévérance, la concentration, le souffle, lerythme. Après tout, écrire un roman, c’est un travail de longuehaleine : « […] écrire des romans est fonda mentalement untravail physique. L’écriture en soi est peut-être un travail mental,mais mettre en forme un livre entier, le terminer, ressembleplus au travail manuel, physique. » L’écrivain est un être solitaireà la découverte de lui-même. Comme le coureur. « Je cours,donc je suis. »La course comme remèdeLe roman jeunesse Course, amour etraviolis (Vents d’Ouest) de Sandra Dussaultmet en scène une adolescente de 16 ans,Mirabella Fabrini, qui vit à Saint-Fabien-sur-Mer avec sa famille et qui court pourdépenser son trop-plein d’énergie. Ellesouffre d’un trouble du déficit de l’attentionavec hyperactivité et, plutôt que deprendre des médicaments, elle court. Beaucoup. Deux à troisfois par jour. Pour elle, « c’est une nécessité ». Ce touchantroman aborde les amours adolescentes d’une originale façonet dépeint des personnages attachants.« Courir est un art »Courir mieux de Jean-François Harveyaux Éditions de l’Homme s’avère unoutil indispensable, complet etaccessible. C’est LE guide pour toutsavoir sur le sujet : quel estl’équipement adéquat; comments’entraîner grâce à des programmesd’entraînement et des exercices adaptés à chacun et chacune;comment s’étirer, comment améliorer sa posture et sarespiration. Au passage, ce livre présente entre autres lesmeilleurs coureurs de la planète et les blessures les plusfréquentes afin de les éviter. Autre ouvrage pratique pertinentpour les coureurs, Courir au bon rythme (La Presse) de Jean-Yves Cloutier et Michel Gauthier, qui expose une philosophiede l’entraînement, des programmes et des renseignementspratico-pratiques pour planifier les courses.Au pas de courseLe journaliste Yves Boisvert, qui se qualifiaitde sportif médiocre, court maintenant desmarathons. Que s’est-il passé pour que cechangement radical s’opère chez lui? DansPas. Chroniques et récits d’un coureur (LaPresse), il raconte comment la course estdevenue une partie intégrante de sa vie.Maintenant, il ne peut pas s’empêcher de courir. Il arpenteMontréal, voyage autrement, grâce à des moments de libertéqui lui procurent du plaisir, élément essentiel pour courir : « Fauttrouver le moyen d’aimer ça pendant qu’on le fait, sinon,vraiment, mieux vaut trouver autre chose… » Cet essai réalistese lit comme un roman puisqu’il dépeint des expérienceshumaines, des anecdotes touchantes et drôles. Ce récit imagédonne envie de se dépasser, d’atteindre son objectif.Tous ces ouvrages témoignent avant tout de l’importanceprimordiale de prendre plaisir à courir. Sans cela, la coureuseou le coureur risque d’abandonner avant d’avoir franchi la ligned’arrivée. L’athlète doit donc apprécier le chemin parcouru.Courir pour se dépasser. Pour être soi-même. Pour vivrepleinement. Peut-être que cet essor de la course s’expliqueégalement par sa ressemblance à la vie, avec ses hauts etses bas, ses moments de découragement et d’euphorie,son intensité.HOCKEY DE RUEDavid Skuy, HurtubiseAu centre de ce roman actuelqui retrace la difficile histoired’un jeune orphelin réfugiédans la rue, on retrouve lapassion de David Skuy pour lehockey. Amour du sport, désirde dépassement, endu ranceet, surtout, soutien des coéqui -piers : ce roman prouve queles apprentis sages faits àtravers le sport sont le prolon gement de ceux dela vie. Dès 12 ansLA LIGUE MIKADOFrançois Gravel, ScholasticAvec ses illustrations magni -fiques rendant hommageau hockey extérieur, cetalbum propose un élogede l’éthique du sport, del’importance du plaisir ausein de la compétition.Cette ligue amicale a cecide particulier : exit lesparents qui prennent le hockey trop au sérieux!Dès 4 ansMANDELA ET NELSONHermann Schulz, L’école des loisirsInspiré par un réel match desoccer, Schulz pond cettehistoire d’affron tement sportifentre une équipe d’Allema -gne et une de Tanzanie. LesTanzaniens doivent d’abords’occuper du terrain, desfilets, des joueurs… Unehistoire inspirante, récipien -daire du Prix Sorcières et duPrix Kilalu, qui prouve que le sport n’a pas lamême implication pour tous. Dès 8 ansLA ZONE ROUGEGaël Corboz, Soulières éditeurGabriel est un joueur trèstalentueux qui rêve de liguesmajeures. Le football, c’est savie, sa passion. L’amateur dedescriptions sportives trouverason compte dans ce roman, toutautant que celui qui préfèreles récits plus intimistes, quiparlent de choix, d’amour et dedépassement de soi. Dès 10 ansLES LIBRAIRES • FÉVRIER-MARS 2014 • 33