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PolitisPolitisn° <strong>1320</strong>≥ du 25 septembre au 1er octobre 2014libre-échangeNégociations opaques,par Raoul Marc Jennar« Je veuxcréer un objetpolitiqueabsolumentneuf »allemagne Contre la spéculation, l’habitat autogéréM 03461 - <strong>1320</strong> - F: 3,30 E3’:HIKNOG=VUXXUW:?b@d@c@k@k";transition énergétique Entretien avec Denis Baupin


2014 MANDARIN CINEMA/EUROPACORP/ORANGE STUDIO/ARTE FRANCE CINEMAsommaire25La semaine6 politique Entretien avec Jean-Luc Mélenchon : « Je veux créerun objet politique neuf »10 proche-orient L’offensivedésespérée de Mahmoud Abbas11 irak Ceci n’est pas une guerre12 libre-échange Tribunede Raoul Marc Jennar13 santé Les soignants en luttecontre « l’hôstérité »14 transition énergétiqueEntretien avec Denis Baupin16 L’économie à contre-courantpar Gérard Duménil16 environnement Les antibarragene veulent pas céder18 société Nos aînés sont-ils respectés ?20 logement Contre la spéculation,l’habitat autogéréCulture22 littérature Goldberg :Variations, de Gabriel Josipovici23 musique Nuevo Tango23 à flux détendu24 théâtre Yerma, de Federico GarciaLorca, par Daniel San Pedro25 cinéma Saint Laurent, de Bertrand BonelloIdées26 entretien Paul Veyne :« La fascination d’un monde aboli »27 essai Pour les musulmans, d’Edwy PlenelMédias28 Ainsi soient-ils, sur Arte29 De bonne humeuR30 CourrierEt la semaine prochaine… Le jihad en questionsCouverture : Rémy BlangabonnezvousSurAbonnez-vousRecevezgratuitementla newsletter deSAMSON/afpSocialLa grève des femmes de ménage des hôtelsde luxe Hyatt à Paris. ReportageRendez-vous sur www.politis.fret cliquez sur newsletter.SIPKIN/citizenside/afpDe quel droit ? (blog)Le collectif Strike Debt rachèteles créances de ménagesmodestes aux États-Unis.FEFERBERG/AFPRadioChristiane Taubira sonne larévolte sur France Culture.Retrouvez Politischaque jeudi à 10 h 05sur Radio Orient (enmultidiffusion) et sur Internet.2 Politis 25 septembre 2014


éditorial par Denis SieffertHollande, Sarkoet la V e RépubliqueLa semaine avait déjà été éprouvante.Il nous avait fallu supporter le discoursbravache de Manuel Vallsà l’Assemblée (« Gouverner, c’esttenir »), puis assister à l’exercice decontrition d’un président de la Républiquequi n’est plus sûr de rien, mais qui continueson bonhomme de chemin, non plus pour« inverser la courbe du chômage », ni mêmepour résorber les déficits, mais tout simplementparce que les institutions lui permettentde continuer. Ce qui, on en conviendra, n’estpas très excitant pour les citoyens que noussommes. Cela faisait déjà beaucoup. Hélas,la semaine n’était pas terminée. Et le pire étaitencore à venir. Non pas le pire politiquement– en cette matière, j’ai renoncé à établir deshiérarchies – mais le pire des spectacles.L’imminence du « retour » de Nicolas Sarkozyne m’avait pourtant pas échappée, maisj’avais dû oublier à quel point le personnageest insupportable. Il nous est donc revenutel qu’en lui-même, non pas inchangé, maisaggravé. Perclus de maniesoratoires. Avec cette façonde retourner la questionau journaliste : « Est-ceque vous croyez vraiment,Monsieur Machin, que sij’avais quelque chose à mereprocher je reviendrais ? »On aurait rêvé que soninterlocuteur lui réponde :« Oui, je le crois, et je croismême que c’est, entre autresraisons, pour échapper àla justice que vous revenez.» Nous sommes restésavec notre rêve. Et NicolasSarkozy a pu se livrer auplus étonnant festival debluffs politiques qu’il nousait été donné de voir. Lepersonnage a l’aplombd’un bonimenteur en démonstration dansun centre commercial. Il en a la rhétorique.En trois actes,MM. Valls, Hollandeet Sarkozy nous ontmontré ce qu’étaitla V e République :un théâtre devanités étrangerà la démocratie.Il en a le talent. Et le voilàqui nous refait le coup dudétachant qui efface tout,même le passé !Dans tout cela, évidemment,pas une once de politique.Il sera centriste ; ilsera de droite ; il sera d’extrêmedroite. Les Françaisverront bien ! L’aventurierne doute pas un instant quela France piaffe d’impatiencede le voir revenir.Et quel mépris pour sesrivaux au sein de la droite !Juppé ? « J’aurais besoinde lui. » Fillon ? « J’auraisbesoin de lui. » De simples outils entre lesmains de l’homme providentiel.On ne sait au terme de cet affligeant spectaclequi est le plus blâmable, du revenantqui nous rejoue ad nauseam la même comédie,ou de la télévision de service public quia bouleversé l’ordonnancementde son journal télévisépour accorder trois quartsd’heure, au moment de laplus forte écoute, pour uneopération de cet acabit.Mais, à quelque chose malheurest bon. Et finalementMM. Valls, Hollande etSarkozy, dans l’ordre d’entréeen scène, auront, à leurmanière, et sans doute à leurinsu, nourri la réflexion desFrançais. En trois actes, ilsnous auront montré, jusqu’àla caricature, ce qu’était laV e République. Ou ce qu’elleétait devenue. Indifférenteà nos concitoyens, sourdeaux problèmes sociaux. Unthéâtre des vanités étrangerà la démocratie. Les deux premiers ont résolude ne pas bouger en dépit de l’évidence de leuréchec. Le dernier ne bouge pas non plus, maisil s’agite, sans rien nous dire de ses projets,ni même quelle sera cette fois la couleur ducaméléon.Retrouvez l’éditoen vidéo surSophie SteinbergerEt qu’importe, puisque dans cette monarchierépublicaine décadente le peuple est censé sedonner à un personnage qui fera ensuite de saconfiance ce que bon lui semble. On ne pouvaitpas mieux introduire la problématiquede la VI e République, qui fait notre une cettesemaine. Autant le dire tout de suite – celas’est déjà vu en quelques circonstances –, jene suis pas un mélenchonien inconditionnel.L’Ukraine, le Tibet, et quelques autres sujetsd’importance m’ont parfois sérieusement éloignéde lui. Sans compter des emportementsque je trouve parfois excessifs avec ses partenairespolitiques les plus proches. Et il peut yavoir débat aussi à propos de l’approche desquestions religieuses, par exemple.Mais je dis cela à l’instant pour mieux soulignerla richesse de l’entretien qu’il nous aaccordé cette semaine. On retrouve là le meilleurMélenchon, celui de la campagne présidentielle.Le mouvement qu’il tente d’initierpour une Constituante doit être regardé sanspréjugé, et sans esprit polémique. L’objet politique« absolument neuf » qu’il nous proposenous intéresse. Il n’est d’ailleurs pas si neufque cela, et Mélenchon le sait bien. En 1789,en 1848, en 1871, et beaucoup plus près denous, en 1945, la France s’est sortie des plusgrandes crises en se dotant d’assemblées chargéesd’écrire de nouvelles constitutions. Etcela n’a pas toujours permis de donner réellementla parole au peuple, sinon à l’occasionde référendums destinés à valider après coupl’œuvre des constituants. Avec toute l’ambiguïtédu référendum. Mais dans l’affaire quinous occupe, c’est le mouvement qui importe,la mobilisation. C’est un combat qui vaut lapeine d’être mené, sans exclusive de tous lesautres, et de toutes les autres formes de rassemblementau sein de ce que nous appelonsla gauche sociale et écologiste.25 septembre 2014 Politis 3


la semaineSarkozy, partenairerêvé de SolferinoQui l’eût cru ? Le retour de Nicolas Sarkozy faitdes heureux au… PS. Ces derniers ne l’avouenttoutefois que sous la garantie de l’anonymat.« C’est du pain bénit pour le gouvernement etle PS », a ainsi confié au Monde un dirigeantdu PS. Il « a un effet d’hygiène intellectuelle :on va de nouveau savoir où est la gauche et oùest la droite », complète un autre qui trouve« aberrant » que la gauche ait « occupé l’intégralitédu débat médiatique » depuis deux ans. Car ceque ces cyniques attendent de Sarkozy, c’estqu’il « ressoude » les rangs socialistes autour dugouvernement et fasse taire les « frondeurs »,comme l’explique à demi-mot Carlos Da Silva,porte-parole du PS et proche de Valls. Le 10septembre, à une journaliste qui lui demandait s’ilsouhaitait « le retour de Nicolas Sarkozy », Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux Relations avecle Parlement, avait répondu… « Évidemment. »À vos tweets !@jb_r20 sept.T’imagines avoir le même iPhone qu’en2007 ? Alors reprendre en 2017 ton iPhone de2007, ce serait un peu la lose quand même.@LaMortLaVraie21 sept.Sur France 3 : Zorro. Sur France 2 : Sarkozy.D’un côté un héros qu’on prend pour unbandit, de l’autre un bandit qui se prend pourun héros.dr@pierrotbeerbaum21 sept.Sarkozy revient le week-end d’Alzheimeret des Journées du patrimoine. Il y a unmessage.Propagandes israéliennesCertains Français en visite en Israël cet été ont reçu à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv un fascicule intitulé « Opération bordure protectrice : Ensemble au front ». Onse souvient que « Bordure protectrice » est le nom donné par Israël à son offensivecontre Gaza. La couverture montre deux adorables petites filles enveloppées dansle drapeau israélien. Preuve que l’enrôlement n’est jamais trop précoce. Le resteest un long argumentaire présenté par le directeur de la « diplomatie publique »de l’Organisation sioniste mondiale. Celui-ci met en garde ses « chers voyageurs »français contre un imaginaire « cousin Jonathan » « préoccupé par l’interventionisraélienne ». Tous les poncifs de la propagande gouvernementale y défilent.4 Politis 25 septembre 2014


la semaineLes rentiersde la routePlus on roule et plus Vinci, Eiffage ou Abertiss’empiffrent. Leurs dix-neuf sociétés ayantracheté les autoroutes à vil prix en 2005ont vu leur taux de rentabilité grimper de26 %, d’après l’Autorité de la concurrence.En cause, l’augmentation des tarifs depéage, dont presque un quart constitue du« bénéfice net ». Mais aussi le fait que 35 %des marchés de travaux autoroutiers ontété confiés à des entreprises liées à Vinciet Eiffage. L’Autorité propose d’indexer lesprix sur le trafic. D’ici là, on peut toujourspréférer les petites routes.Steeve Briois,mauvais perdantQu’une élue EELV se présente contre lui àla présidence du conseil de surveillance del’hôpital d’Hénin-Beaumont a passablementénervé Steeve Briois, le maire FN de laville… Mais qu’en plus elle soit élue l’a faitcarrément sortir de ses gonds ! Furibond,le lieutenant de Marine Le Pen a quittéla séance avant la fin, éructant contreles « pratiques démocratiques toutessocialistes » (sic !) qui ont fait élire MarineTondelier. Laquelle a raconté l’affairesur son blog : « Les habitants d’Hénin-Beaumont méritent mieux que des réactionsnarcissiques ! D’autant [...] que le maired’Hénin-Beaumont est également conseillercommunautaire, conseiller régional,député européen et secrétaire général duFN. Bref, il ne manque ni de travail ni deresponsabilités. » C’est bien ça le problème !De l’imprévoyanceà la délationCasser, c’est mal. Du moins quand les casseurs sont des ouvriers en colèreou des jeunes de banlieue révoltés. S’ils sont agriculteurs, la droite affiche sa« compréhension ». On a même vu le président de la FDSEA du Finistère, ThierryMerret, un des chefs des Bonnets rouges, féliciter les légumiers incendiaires deMorlaix (Finistère). Le gouvernement a certes condamné ces dégradations. Mais sansexpliquer l’absence sur place de forces de l’ordre alors que les incendiaires s’étaientregroupés avec une centaine de tracteurs et de remorques chargés de légumesinvendus, de palettes et de pneus. Cette imprévoyance est plutôt inhabituelle. Samedi,pour la marche festive contre le projet EuropaCity (Politis n° 1319) organisée dansle cadre du rassemblement Alternatiba, pas moins de 20 camionnettes de CRS etautant de motards avaient été dépêchés dans les rues de Gonesse (Val-d’Oise). Ducoup, dimanche, le parquet de Brest en était réduit à lancer un appel à témoins pourrécupérer témoignages, photos et vidéos amateurs sur les violences des légumiers,ajoutant l’incitation à la délation à l’imprévoyance.La promesse non tenue de BessacGUAY/afpUn maire jeune, vraiment de gauche,et… cumulard : cherchez l’erreur ! C’estpourtant le cas de Patrice Bessac,36 ans, maire Front de gauche-PCF deMontreuil (93), qui cumule toujours sonmandat de maire et celui de conseillerrégional, six mois après son élection…Et comme tout bon cumulard qui ne peut– logiquement – pas tout faire, l’édileest très peu présent au conseil régional.Au lieu de se morfondre, Nicolas Voisin,son successeur à la Région, a recouvertle mobilier urbain montreuillois deflashcodes renvoyant vers des vidéosen ligne où l’on voit Bessac promettrepubliquement qu’il démissionneraavant l’été. Il faut dire que ce prof avaitorganisé son emploi du temps pourpouvoir, lui, se rendre disponible pourassurer ses fonctions !FLEOUTER/citizenside/afp25 septembre 2014 Politis 5


politique Après avoir jeté le 11 septembre lesdétaille le processus qui devrait conduire, selon lui, à la« Je veux créLANGLOIS/afpIl n’est pas le seul à appelerde ses vœux une« VI e République ». Maisl’originalité du propos deJean-Luc Mélenchon tientdavantage dans le mouvement qu’ilsouhaite initier que dans la formedéfinitive de la nouvelle architectureinstitutionnelle. C’est peudire que le projet est ambitieux. Ilnous l’a exposé au cours d’un longentretien, vendredi 19 septembre,dans l’arrière-salle d’un café duX e arrondissement parisien.Qu’avez-vous retenu de la conférence depresse de François Hollande ?Jean-Luc Mélenchon ≥ Il y a eumoitié moins de monde pourl’écouter que la dernière fois. Etmoins que pour l’émission decommentaires qui a suivi. Onvoit là que sa parole, et avec ellesa fonction, est totalement démonétisée.C’est l’un des spasmes del’agonie de la V e République. Latoute-puissance du président de laRépublique fonctionne comme unsimple rouage à l’intérieurd’une mécaniqueeuropéennetotalement opaque. D’instinct,comme chacun sait qu’il s’agitd’un menteur maladif, les gens sedisent : « Ce qu’il dit n’a aucunevaleur certaine. »N’ayant d’autre force que le rôle,le Président surcharge son interventiondans la dimension monarchique.Il est frappant de voir que,dans un contexte social pareil, ilcommence par un grand développementsur les guerres d’Irak et deSyrie, dans un registre purementsensationnaliste, destiné à mettreen scène le fruit principal : « J’aidécidé de bombarder. » On voitainsi notre pays engagé dans uneguerre sans que cela ait été discutéoù cela devrait l’être : à l’Assembléenationale, au Sénat et dans leurscommissions de la défense etdes forces armées. En ce sens, lemoment était pathétique.entretienL’autre événement de la semaine a étéle retour annoncé de Nicolas Sarkozy…La V e République, qui fait toutdépendre de personnages dont lesprogrammes sont équivalents, tuele système démocratique et républicainde la France. Hollande faitpire que Sarkozy I, et Sarkozy IIse présente en disant qu’il va fairepire que Hollande. La centralisationsur de tels personnages videla scène politique de contenupolitique, il ne reste plus que despersonnes dont tout le monde sedit qu’elles ne font ce travail quepour échapper à un autre. Lescitoyens ne sentent ni chez l’unni chez l’autre la passion du bienpublic. Et ce qui me frappe pardessustout, c’est l’aveuglementidéologique des deux.Dans quel sens ?Ils sont tellement persuadés quel’unique sujet est la question de ladette, sous sa forme la plus comptable,qu’aucun n’évoque un tantsoit peu un événement immensedans l’histoire del’humanité : lechangement climatique.Ni l’un ni l’autre ne considèreque c’est un sujet politiquepar lequel il faudrait tout commencer.Cela ne les préoccupe pasque la mer monte d’1,40 mètre.Ces gens ne sont pas capablesd’imaginer un autre monde quecelui dans lequel ils ont vécu.C’est exactement ce qui a perduLouis XVI et les autres monarqueseuropéens qui n’arrivaient pasà imaginer autre chose que lamonarchie absolue.En cette fin d’été, vous n’êtes passeul à dire qu’on arrive au bout d’unsystème, qu’il faut en finir avec laV e République.J’ai seulement le mérite d’en avoirfait mon thème de campagne présidentielleet des trois marches quiont suivi. Le terrain est mûr. Etje veux éviter l’erreur de 1992,


ases du mouvement, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle de 2012,création d’une VI e République.la semaineer un objet politique neuf »quand François Mitterrand s’enest tenu aux propositions d’unecommission d’experts.En quoi était-ce une erreur ?Le moyen par lequel on réforme laConstitution préfigure le contenude la constitution future. Ce n’estpas pour rien que De Gaulle amèneun texte tout prêt et demande uneréponse « oui » ou « non ». LaIV e République était incapable detourner la page de l’ère coloniale.La V e République a donc donné àquelqu’un la capacité d’opérer demanière césarienne en surplombanttout le champ politique pourtrancher le nœud gordien.Par la suite, les nombreux changementsde la Constitution n’ontpas été réalisés pour que le systèmepolitique colle mieux à l’arrivéed’une population éduquéeet urbanisée, mais pour améliorerla courroie de transmissiondu système autoritaire. Celui-cis’étant compliqué d’un nouvelétage, l’échelon européen, d’oùpartent des décisions prises dansdes conditions a-démocratiqueset exécutées dans des conditionsanti-démocratiques. Le systèmes’est ainsi durci dans des conditionsinouïes. La Cinquième quenous avons aujourd’hui est plusautoritaire, plus personnalisée etplus violente que ne l’était celle dugénéral de Gaulle.Vous vous distinguez en proposant unprocessus constituant. Pourquoi ?C’est un message qui peut êtreentendu très largement. Et passeulement dans les milieux habituésà cette discussion. Qui plusest, la question de l’élection d’uneassemblée constituante, qui met àson ordre du jour la rédaction d’uneconstitution, est, dans mon esprit,le moment central du processus derévolution citoyenne. C’est lorsquel’on change la Constitution par uneaction populaire, et non par desexperts qui soumettent un texte àplébiscite, lorsque le grand nombres’empare des questions débattuesdans une constitution, commecela s’est passé au Venezuela, enÉquateur, en Bolivie ou en Tunisie,que le peuple, nouvel acteur de l’histoirecontemporaine, se constitueen tant que sujet politique.Comme l’explique l’anthropologueMaurice Godelier, les communautéspolitiques humaines necommencentLa Constitutiondoit changer par uneaction populaire.pas avec lafamille. Ellescommencentpar un actequi s’appellel’exercice de la souverainetésur lui-même et sur un territoire.Quand le peuple se fait constituant,il s’identifie lui-même en se définissantdes droits. Et il affirme sa souverainetésur les membres qui composentle peuple en assignant lesdroits et l’obligation pour chacunde respecter ces droits, qui est leseul devoir qu’on reconnaisse enRépublique. En même temps, c’estl’affirmation d’une souveraineté surl’espace à l’intérieur duquel ces loiss’appliquent, d’où le caractère unet indivis de la République.Vous voyez, la VI e Républiquen’est pas un arrangement institutionnel,ni une simple aérationmodernisante des relations socialesIls seront de l’aventure…C’est sur le plateau du « GrandJournal » de Canal + que Jean-LucMélenchon a annoncé, le 11 septembre,le lancement du « Mouvement pourune VI e République ». Ou plusexactement l’ouverture d’une pageweb minimaliste, avec un logo jaune etorange enfantin, destinée à recueillirdes signatures. L’adresse simplissime(www.m6r.fr) aidant, le site s’estécroulé ce soir-là sous l’afflux deconnexions.Après le recueil de 30 000 premièressignatures, une quarantaine dedominantes d’une époque, maisl’outil pour les transformerprofondément.Une VI e République est-elle possibledans l’Europe actuelle ?Quelqu’un devra céder. Siles Français veulent faire uneVI e République, personne n’estde taille à les en empêcher. Maisl’Europe aura à connaître lacontagion subversive que le projetcontient. Toutes les structures sontdéjà en train d’exploser. Qui auraitimaginé il y a cinq ans que l’Écosseaurait à voter pour savoir si ellereste dans le Royaume-Uni ?Vous lancez un mouvement dontl’aboutissement n’est pas défini…C’est toute la difficulté. Commentamorcer un processus sans en préfigurerla conclusion ? Et commentpréfigurer – il le faut bienpour mettre en mouvement le plusgrand nombre – sans figer la capacitéd’initiative populaire ? C’estune question que l’on retrouveratout au long de la mise au point desnouvelles institutions. Voilà pourquoi,pour l’instant, je n’ai mis enavant au plan institutionnel qu’uneseule proposition concrète, combinantRépublique et révolution : leréférendum révocatoire. C’est-àdirela possibilité pour le peuple, dèspersonnalités viennent de proposerdans un appel de « constituer uncomité d’initiative, aussi large quepossible, rassemblant aussi bien despersonnalités du monde intellectuel ouculturel que des militants politiques,syndicaux, associatifs ». Ce comité,écrivent-ils, « déciderait collectivementde la façon d’animer [le m6r] et del’ouvrir à toutes celles et ceux quivoudraient y participer ». Figurentparmi les signataires de ce texte,notamment, les écrivains LaurentBinet, Annie Ernaux, Pascale Fautrierlors qu’il atteint un nombre prédéterminéde signataires inscrits surles listes électorales, de commanderun référendum pour décider si unélu, quel que soit son niveau, doitinterrompre son mandat.Vous êtes pour le retour de la notion demandat au sens fort ?Absolument. Si le concept demandat et l’obligation de compterendu de mandat se sont tant dévalorisés,dans un système qui s’estmonarchisé, c’est parce que c’étaitle seul moyen de faire accepter etsubir au peuple une orientationpolitique, le néolibéralisme, qu’ila rejetée chaque fois qu’elle a étéexplicitement soumise à ses suffrages.François Hollande a été élusur la base du rejet de la politiquenéo libérale de Nicolas Sarkozy etparce qu’il prétendait affronter lafinance. Jacques Chirac a été éluprésident de la République sur labase de la « fracture sociale »…Ce système ayant réussi à créer unehégémonie culturelle sur les grandsrouages de la politique néolibéraleen les faisant passer pour l’état denature – la concurrence libre et nonfaussée, le libre-échange commeétant spontanément bienfaisant –,la notion de mandat s’est perdue.Un mandat de quoi puisqu’il n’y aqu’une seule politique possible ?et Gérard Mordillat, le journaliste etproducteur Daniel Mermet, l’avocateMylène Stambouli, l’essayisteobjecteur de croissance Paul Ariès,l’universitaire Alain Garrigou, leséconomistes Jean Gadrey, JacquesGénéreux et Liêm Hoang Ngoc, leshumoristes Didier Porte et GéraldDahan, l’historien Claude Mazauricou Emmanuel Poilane, directeur dela Fondation France libertés. Commeun aperçu de ceux qui seront de cetteaventure.≥ M. S.25 septembre 2014 Politis 7


la semaineOr, il faut quand même que l’ony revienne, les gens sont élus etpas oints ! On invoque souvent« l’onction du suffrage universel ».Cette expression horrible renvoieà l’Ancien Régime. On n’est pasoint, on est « chargé de ». Et l’idéemême que l’élu a une responsabilitéà l’égard de la société s’estdiluée au profit d’une vision purementprofessionnelle et carriéristede l’élection.La tendance à l’autoritarisme s’observedans d’autres systèmes institutionnelsréputés démocratiques, non ?La pente du capitalisme de notreépoque le pousse en effet à affronterla démocratie. Le capitalisme transnationalne peut survivre qu’enétant le plus possible dérégulé,et il lui faut écarter le régulateursuprême qu’est le suffrage universelet les assemblées de citoyens. C’estpourquoi on observe partout descaractères autoritaires qui viennentdoublonner avec les systèmes réputésdémocratiques.Bien qu’il y ait des élections danstous les pays de l’UE, si on veutchanger de politique,la troïkaeuropéennearrive et vousen impose unede force, avecune violence que personne n’auraitpu imaginer il y a encore dix ans.Le processus constituant est unprocessus révolutionnaire pources deux raisons : il érige le peupleen acteur de l’histoire et frappe lecapitalisme au cœur de sa pire tendance,le refus de la régulation etde l’autorité démocratique.Comment envisagez-vous ceprocessus ? Avec le Front de gauche ?D’autres composantes de la gauche ?Dans un lien direct avec appel aupeuple ?Pour moi, la révolution citoyennen’est pas une phrase dans uncongrès, c’est une méthode politique.Je pars du résultat de montravail politique et de l’analyse del’échec du Front de gauche auxélections européennes. Ses erreursinternes, comme l’illisibilité de lastratégie municipale, n’expliquentpas tout.Au Parti de gauche, nous pensonsque nous avons fait l’erreur de nousécarter de la stratégie initiale quiétait d’épouser la pente conduisantla société à dire « qu’ils s’en aillenttous ». Plus les élections se sontsuccédé, plus les grands blocspatrimoniaux partidaires se sontCe n’est pas VI eRépublique ou Front degauche, mais les deux !décomposés et dilués. La perspective,qui était la nôtre, de passer entête de la gauche n’a pas de senspour la grande masse des Français,qui se contrefichent de savoirqui est la vraie gauche, la faussegauche… Pour elle, la droite et lagauche, c’est du pareil au même ;et il n’y a qu’une gauche, celle quiest au pouvoir.Nous avons aussi regardé les résultatsde Die Linke, de Syriza, et lapercée de Podemos en Espagne.Nous en avons tiré une leçon queje résume en deux formules : « Lesystème n’a pas peur de la gauche,il a peur du peuple. » C’est doncdans l’énergie populaire et son rassemblementque se trouve le ressort.Deuxième formule : « Il nes’agit pas de rassembler la gauche,il s’agit de fédérer le peuple. » Et ilpeut apparaître qu’en voulant rassemblerla gauche on s’empêche defédérer le peuple.Nous ne sommes pas dans le champdu système, nous ne voulons pasl’être, et notre but est subversif.L’élection de 2017 fonctionneracomme une subversion citoyenne.Il faut donc enrassembler leséléments pas àpas. La stratégieVI e Républiqueest le grandanglequi permet d’engagerd’amples secteurs de la société enempêchant l’explosion qui à toutmoment nous menace. On l’a vulors de l’élection européenne. Alors,pour vous répondre, ce n’est pas oule mouvement VI e République oule Front de gauche, mais les deux !Les autres composantes du Frontde gauche partagent-elles cettestratégie ?Sur le concept, il n’y a aucunedivergence à l’intérieur du Front degauche. La VI e République est dansle programme l’Humain d’abord,et les trois grandes marches de lacampagne présidentielle, la Bastille,le Prado et le Capitole, ont eulieu sur fond de scène « Vite laVI e République ».Ensuite, tout le monde comprend,je suppose, que la méthode doitressembler à l’objectif, et que sinous commencions le processusde VI e République par un cartelFront de gauche, nous serionsramenés au point de départ, là oùnous étions lorsque nous avonsrencontré EELV ou tel groupe defrondeurs… Le but est d’abord detrouver 100 000 personnes. On neles trouvera pas en leur proposant,Lors de lamarche duFront degauche, le18 mars 2012à Paris, entreNation etBastille.TRIBOUILLARD/afpcomme d’habitude, de valider lavaleur du cartel politique dispensableque nous constituons avec leFront de gauche.Le processus que vous proposez ne sesubstitue donc pas au Front de gauche ?Cela ne le remplace pas, cela l’inclut.Parmi les milliers de premierssignataires, il y a des militants degauche par wagons, et on verrabientôt qu’un très grand nombrede dirigeants du Front de gauchesont personnellement signataires.L’idée d’une construction politiquequi nous permette de passerdu cartel au front du peuple, c’est-àdireà quelque chose qui rassemble lepeuple dans sa diversité d’adhésions,de cultures et de positions sociales,était le cœur de notre programme.Comment peut-on imaginer desconstructions politiques autres quetransversales dans une situation oùil y a 9 millions de pauvres et 5 millionsde chômeurs ?Pour parler franchement, où sontdorénavant les lieux de la socialisationpolitique ? Pas dans l’entreprise: les gens y sont sauvagementréprimés et beaucoup ne peuventpas y être. Pas non plus dans lesassociations : elles sont aussi malen point que les partis politiques. Onne peut pas imaginer une stratégierévolutionnaire qui se dispense desavoir comment se rassemble laforce qu’elle veut mettre en mouvement.On me dit qu’il faut quece soit à partir de contenus : laVI e République en est un, et le plustransversal puisqu’il concerne lepouvoir de chacun.Évidemment, je me heurte à toutessortes de difficultés traditionnelles,qui viennent du penchant à l’autocritiquetrès répandu dans nosmilieux. Il n’y a pas eu une marcheà laquelle j’ai appelé dont on nem’ait dit que c’était une erreurde l’avoir fait, que le mot d’ordren’était pas le bon, que ce n’était pasle bon jour… Cela s’est réglé parle fait que les gens sont venus. Ehbien là, il en va de même.Maintenant, la difficulté est desavoir comment lancer quelquechose dont je veux que ce soitun objet politique absolumentneuf. Qui utilise les techniques demon temps, renvoyant au rangdes vieilleries, utiles certes maisdépassables, les anciennes formesd’organisation.Ces anciennes formes, c’est que vousappelez la cartellisation ?La cartellisation, c’est la réunionobligatoire dans laquelle l’emportentceux qui parlent bien etceux qui peuvent venir parce qu’ilsont de quoi mettre de l’essence dans8 Politis 25 septembre 2014


tribune par Raoul Marc JennarAvant le Tafta, le Ceta :dérégulation à tous les étagesCe jeudi 25 septembre, à l’occasiond’un sommet entre l’Union européenne(UE) et le Canada, doit êtrevalidé un texte négocié depuis 2009dans le plus grand secret : l’accord économiqueet commercial global (Ceta enanglais). Ce n’est que depuis peu, grâce àdes fuites, qu’on en connaît le contenu. Ils’agit d’un document de 500 pages complétépar 1000 pages d’annexes. Ni la Commissioneuropéenne ni le gouvernement français n’ontpublié ce texte, qui compte 46 chapitres. Etpourtant, une nouvelle fois, force est deconstater que, derrière les mots « commerce »ou « libre-échange », il s’agit de remettre enquestion des choix de société fondamentaux.Lesquels devraient faire l’objet de débats nonseulement dans les instances parlementairesnationales, mais au sein des peuples.On retrouve, dans ce Ceta, une volonté généraleinscrite comme objectif majeur de toutesles négociations en faveur du libre-échangedepuis qu’existent les accords de l’Organisationmondiale du commerce (OMC) : déréguler.Et ce n’est pas le préambule de l’accord quidoit faire illusion. Si on y lit, avec beaucoupde solennité, le droit des parties de réguler surleur territoire, on ne le lira plus par la suite.Or, en droit international, le préambule d’unaccord n’a aucune force contraignante, c’estla suite du texte qui compte. Et on y trouveune foule de dispositions qui organisent trèsconcrètement la limitation des États à réguleret le droit des entreprises multinationalesd’imposer leurs volontés.On y retrouve aussi les mêmes chapitres queceux qui jalonnent le projet de grand marchétransatlantique entre les États-Unis et l’UE,popularisé sous le sigle Tafta. Avec la mêmevolonté d’appliquer les principes et obligationsde l’OMC, comme le traitement national(accorder aux entreprises canadiennesle même traitement que celui accordé auxentreprises françaises) et le traitement de lamichel soudaisRaoul MarcJennar*,spécialistedes relationsinternationales,des questionseuropéenneset du droit del’Organisationmondiale ducommerce.* Raoul MarcJennar a publiéle Grand Marchétransatlantique,la menace sur lespeuples d’Europe,éd. Cap Béar (2014).nation la plus favorisée. On ytrouve encore la même volontéd’assimiler les fournisseurs deservices publics aux fournisseursprivés.Le Ceta prévoit de réduire lesdroits de douane, en particulierdans le secteur agricole. Detrès nombreux articles traitentdes droits des investisseurs (lesmultinationales), de la libéralisationet de la protection desinvestissements. Des listes de mesures quene pourront plus prendre les États figurentdans le texte. Ainsi, par exemple, il ne seraplus possible de réguler l’usage des terres,de limiter la consommation des ressourcesnaturelles, d’imposer desrestrictions protégeant l’environnement,de limiter lesautorisations en matièrede télécommunication. Demême que dans le Tafta, lesdispositions de l’accord avecle Canada s’appliquerontnon seulement aux États,mais aussi aux collectivitésterritoriales. Celles-ci n’aurontplus le droit d’imposerdes exigences de localisationou de production locale àun investisseur canadien. Etelles ne pourront plus, dansles commandes publiques,donner la préférence à desproduits ou à des services locaux.Les investisseurs seront protégés contre touteforme d’expropriation directe ou indirecte car,désormais, la rentabilité de l’investissementsera fondée sur la stabilité réglementaire ounormative. Ce qui signifie que toute modificationlégislative ou réglementaire en Francedépendra désormais de l’accord des firmescanadiennes.Enfin, le Ceta, comme le Tafta, crée la possibilitépour les firmes canadiennes de contesterles lois et les réglementations. Ainsi quetoute décision des pouvoirs publics au traversd’un mécanisme de règlement des différendsIl ne seraplus possiblede réguler l’usagedes terres, de limiterla consommationdes ressourcesnaturelles…– transférant ainsi des tribunaux nationauxvers une structure d’arbitrage privée le pouvoirde trancher un conflit entre une firme etune autorité publique. C’est le droit des Étatsà réguler qui est ainsi directement remis enquestion.Comme dans le Tafta, le Ceta a pour objectifde rendre compatibles les normes sociales,sanitaires, environnementales ou techniquesen vigueur dans les États de l’UE et au Canada.En matière de normes sociales, on a apprisque, pendant la négociation, le Canada avaitproposé d’inclure une référence aux droits dutravail tels qu’ils sont inscrits dans les conventionssociales de l’Organisation internationaledu travail, mais que la Commission européenne,soutenue par les 28 gouvernements,avait refusé.Comme dans le Tafta, oncrée dans le Ceta une institutionsupranationale législativecontraignante, dotéedu double pouvoir de veillerau respect de l’accord et depoursuivre, après l’accord,le travail de dérégulationsans le moindre contrôleultérieur des États.Avec le Ceta, comme avec leTafta, il s’agit de dépouillerles peuples de toute capacitéde réguler, d’encadrer lesactivités du secteur privé,non seulement dans desactivités strictement industriellesou économiques,mais également dans des secteurs comme lapolitique sociale, la santé ou l’éducation. Plusaucune activité humaine ne doit échapper à lamarchandisation. Et c’est à cela que souscritle gouvernement français.12 Politis 25 septembre 2014


la semainesanté L’importante manifestation du 23 septembre à Paris révèlela gestion catastrophique des hôpitaux.Les soignants en luttecontre « l’hôstérité »«Dans mon établissementpsychiatrique,nous sommes en luttedepuis le mois de janviercontre des économies décidéespar le directeur, qui s’attaqueà l’emploi par la suppression deRTT », relate Michel Fourmont,infirmier psychiatrique, secrétairede SUD Santé-Sociaux. Ilexplique que le centre hospitalierGuillaume-Régnier de Rennes,l’un des plus importants établissementspublics de santé mentale(EPSM) en France, accuseun déficit de 700 000 euros en2013, sur un budget de 140 millionsd’euros.« Le déficit va fortement augmenteren 2014, de l’ordre de3 millions d’euros. Cela vientdu fait que la dotation reverséeaux EPSM n’est pas augmentée,voire supprimée pour un certainnombre d’entre eux. On créeartificiellement du déficit, cequi permet aux directeurs d’hôpitauxde s’attaquer à la massesalariale, qui constitue 80 % dubudget », ajoute le syndicaliste.Il précise que la suppression de« 5 jours de RTT entraîne la disparitionde 50 postes sur plus de2 200 salariés ». Sans compter« de nouveaux modes de calculdes salaires qui feraient perdre desmilliers d’euros aux salariés »,relève aussi l’intersyndicale del’EPSM de Rennes. Conséquence,la Haute Autorité de santé (HAS)a rejeté la certification de l’établissementen mai, au motif que lasécurité des biens et des personnesn’était plus assurée.« Les hôpitaux sont étranglés.Il ne reste plus qu’à en fermer ! »,s’indigne un responsable de pôledans un hôpital public qui regroupeune centaine de soignants. Dans unrapport publié en avril, la Cour descomptes s’est alarmée que la dettedes hôpitaux publics ait triplé endix ans, pour atteindre 29,3 milliardsd’euros en 2012. Pour fairedes économies, Frédéric Valletoux,président de la Fédération hospitalièrede France (FHF), a récemmentproposé devant les députés de plafonnerles jours de RTT à 15 paran. Cette mesure a consternél’Association des médecins urgentistesde France (Amuf), qui rappelleque, déjà, « les médecins doiventfaire 48 heures par semaine payées39… », et que les services d’urgenceont enregistré en 2012 plus de18 millions de passages, soit 30 %de plus en dix ans.« Le gouvernement voudraitréduire à peau de chagrin leréseau de soin public de la santé,du médico-social, du social oude l’aide à domicile qu’il ne s’yprendrait pas autrement », souligneune lettre adressée aux éluset responsables politiques par lafédération SUD Santé-Sociaux,l’une des organisations membresde la Convergence des hôpitauxen lutte contre « l’hôstérité », quia organisé la manifestation nationaledu 23 septembre.Le Mouvement de défense del’hôpital public (MDHP), animénotamment par André Grimaldi,chef de service à la Pitié-Salpêtrière,à Paris, déplore « le statu quoprévu par la future loi de santépublique concernant la gouvernancemise en place par la loiGARO/PhanieHPST [Hôpital, patients, santé,territoires, loi de 2009, NDLR] etinspirée par la gouvernance desentreprises marchandes ».Depuis 2009, « rien n’a changé.C’est même pire ! Les médecinsn’ont pas voix au chapitre et il n’ya pas de contre-pouvoir. Les directeursd’hôpitaux ne font qu’appliquerune boîte à outils pour fairedes économies », affirme MichelFourmont. Ceux-ci disposentd’une circulaire du ministère dela Santé « relative à l’équilibrefinancier des établissements desanté », accompagnée d’un guideprônant des plans de redressementdigne des entreprises du CAC 40.Les directeurs d’établissements desanté sont en effet invités à adopterun « positionnement concurrentiel», en fonction de « parts demarché par rapport aux autresétablissements de santé publicset privés ».Cette gestion est la cause de la« fermeture de la réanimation àBriançon, à Chaumont, à Dôle, etde la chirurgie à Sarlat », recensela coordination nationale desComités de défense des hôpitauxet maternités de proximité. Ellesouligne la disparition de centresd’IVG et la suppression de dizainesde lits d’hospitalisation.Face à cette situation, MarisolTouraine, ministre de la Santé, aassuré que le rythme de la baissedes dépenses publiques, figurantdans le projet de loi de financementde la Sécurité sociale pour2015, ne remettra « pas en questionla qualité de notre système desanté ». Sans convaincre.« Ce que dit Marisol Touraine n’estpas vrai. On applique des politiquesnon avouées qui réduisentla qualité de la santé en France. Denombreux exemples en attestent »,affirme Olivier Mans, cadre supérieurde santé à l’EPSM de Caen.« Chez nous, deux services d’admissionsur six doivent disparaître.On est à la limite. »La fédération SUD Santé-Sociauxobserve pour sa part un « transfertde ce que l’on peut dorénavant,mais malheureusement, appelerle marché de la santé vers le privélucratif », qui mettrait à mal l’accèsaux soins.≥ Thierry Brun25 septembre 2014 Politis 13


la semaineRechercheMarche pour les sciencesPourquoi ne pas « organiser unemarche sur Paris, à vélo ? » L’idée estpartie d’un campus de Montpellier,lors d’une réunion sur la crise del’enseignement supérieur et de larecherche, fin juin. « Sciences enmarche » est devenu une associationavec une vingtaine de comités locaux,un logo, une BD et un projet : lancerune « multimanifestation » entre le26 septembre et le 17 octobre. À vélo,à pied et même en kayak, chercheurset universitaires iront dénoncerl’absence de budgets et de postesdans les laboratoires « où la situationdevient intenable », hypothéquantla production de connaissanceet l’activité économique.AdolescenceUn jeune sur troisen souffrance36,6 % des adolescents sont enétat de souffrance psychologique,28 % déclarent avoir déjà penséau suicide (contre 3,9 % pour lapopulation) et un sur dix a déjàtenté de se suicider. Ce sont leschiffres que révèle une enquête del’Unicef auprès de 11 232 enfants de6 à 18 ans, dont 62 % âgés de 12 à18 ans : « Adolescents en France : legrand malaise. » Déclencheurs lesplus importants : le harcèlement surles réseaux sociaux, l’insécurité surle lieu de vie, et l’expérience de laprivation matérielle. Cette dernièrecatégorie (17 %) cumulant facteursde risque et difficultés d’intégrationmultiples. Par ailleurs, plus d’unenfant sur dix ont le sentiment dene pas pouvoir compter « sur »ou « pour » son père ou sa mère.Et 45 % « se sentent vraimentangoissés de ne pas réussir assezbien à l’école », 60 % quand ilssont en situation de privation.DroitsAdoption des enfants néspar PMA à l’étrangerLa décision était attendue : la Cour decassation a décidé le 23 septembrequ’une procréation médicalementassistée à l’étranger n’était pas un« obstacle » à l’adoption. Bien quela majorité des tribunaux répondentpositivement à ce type de demande,persistait une « instabilité juridique ».Si la PMA reste réservée aux coupleshétérosexuels, la loi sur le mariagepour tous autorise l’adoption parles couples homosexuels. Rienn’interdit donc qu’un enfant soitadopté par l’épouse de sa mère,au nom de l’intérêt supérieur del’enfant et du principe d’égalité.14 Politis 25 septembre 2014ANDRIEU/afpLa duréede vie descentrales(ici, cellede Civaux)passera-tellede 40 à60 ans ?CITIZENSIDE/IBOOCREATIONDenis BaupinDéputéEurope Écologie-Les Verts (EELV).environnement Le projet de loi sur la transition énergétique arrivecommission qui l’examine, Denis Baupin approuve les avancées concernant« Donner la priorité aux véla dernière ligne droitedans la bataille d’élaborationde la loi deC’esttransition énergétique.Le projet, présenté au Conseil desministres en juillet, a été un peuretouché depuis par la ministrede l’Écologie, Ségolène Royal. Ilest aujourd’hui entre les mainsd’une commission parlementairead hoc, « Développement durable »et « Affaires économiques », et doitêtre débattu à l’Assemblée nationaleà partir du 1 er octobre.EELV est loin d’avoir obtenu toutesatisfaction sur ce texte majeur pourles écologistes. Comment comptezvousl’améliorer ?Denis Baupin ≥ Nous avonsdéposé plusieurs centaines d’amendements,et sur tous les sujets. Noustentons d’obtenir des simplificationsdes procédures encadrant ledéveloppement des énergies renouvelables,le renforcement des dispositifsincitant à l’isolation thermiquedes bâtiments, denouveaux moyenspour que les citoyens puissentmaîtriser leur consommationd’énergie, des avancées au chapitrede la mobilité… Il faut aussirenforcer les compétences des territoires,qui pourraient devenirlocalement des « autorités organisatricesde la transition énergétique». On constate que des paysfédéraux comme l’Allemagne oula Suède sont bien plus avancésque la France. Certaines villes suédoisesapprochent de l’autonomieénergétique !Comment vous paraît-il possible degagner du terrain sur le nucléaire ?Relevons tout d’abord que le texteinscrit dans le marbre les promessesde François Hollande : la baisse dela contribution du nucléaire à laproduction d’électricité, de 75 %actuellement à 50 % en 2025, ainsique le plafonnement de la puissancedes installations nucléairesen France à 63,2 gigawatts (GW)entretien– soit leur capacitéactuelle. Donc, si legouvernement compte mettre enservice le nouveau réacteur EPRen construction à Flamanville, illui faudra fermer la centrale deFessenheim.Ensuite, la loi définit une nouvellegouvernance pour la filière : le gouvernementva désormais établir uneprogrammation pluriannuelle del’énergie qui s’imposera à EDF, etun commissaire du gouvernementsiégera au conseil d’administrationde l’entreprise avec droit de vetosur ses projets d’investissement.Ce dispositif permet d’enclencherla baisse de la part du nucléaire enFrance. Et quand le PDG d’EDF,Henri Proglio, juge possible de parveniraux 50 % sans fermer de centrales,par l’effet d’une croissancede la consommation d’électricité,c’est une fanfaronnade : aucunorganisme sérieux ne prévoitautre chose qu’une stagnation dela consommation dans les années à


devant l’Assemblée. Seul rapporteur écologiste de lale nucléaire, mais attend des améliorations.hicules sobres »venir. Par ailleurs, la Direction généralede l’énergie et du climat, guèreécologiste, a calculé qu’il faudrafermer une vingtaine de réacteursnucléaires (1) d’ici à 2025. Nousavons confiance : le texte ne dissimulepas d’échappatoire, il organisebien le recul du nucléaire.Vous teniez beaucoup à limiter la duréede vie des réacteurs à 40 ans. Batailleperdue ?Nous ne sommes pas majoritairessur cette demande (2). Or, parvenirà 50 % de part du nucléaireen 2025 signifiequ’il faudraprolonger unedizaine de réacteursau-delàde 40 ans defonctionnement. EDF vise mêmejusqu’à 60 ans dans un but derentabilité. L’Autorité de sûreténucléaire (ASN) n’a pas encoredonné sa réponse.Pour notre part, nous souhaitonsencadrer cette décision sur des critèresdépassant la seule sûreté, avecun pouvoir de décision à l’autoritépublique. Le président de l’ASNy est favorable, souhaitant une« concertation renforcée », inscritedans la loi, ce qui a l’accorddes socialistes. C’est devenu unsujet de débat. Aussi, à défaut d’unarticle stipulant que la durée de vied’une centrale est limitée à 40 ans,nous comptons obtenir une définitionclaire de la responsabilité dechacun – EDF, État, ASN.Et l’on voit qu’EDF semble anticiperla reprise en main de l’État sur lapolitique énergétique. Auditionnépar la commission parlementaire,Henri Proglio a convenu que, sile parc nucléaire est plafonné à63,2 GW, et que sa part tombe à50 %, l’entreprise s’adaptera.Je conteste d’ailleurs qu’il s’agissed’une loi anti-EDF, comme on l’entendparfois. Pour nous, il s’agit,tout comme avec Areva, d’inclurel’entreprise dans le mouvementde la transition énergétique.Nous ne sommes pas pour sa mort,mais pour la diversification de sesactivités.Nous ne voulons pasla mort d’EDF, maissa diversification.Ségolène Royal met en avant la voitureélectrique au chapitre de la mobilitépropre. Et les transports collectifs ?On pourra faire tous les efforts quel’on veut pour le tram, le bus, levélo…, la voiture demeure hégémonique,et l’on n’avancera guèresi elle n’évolue pas. Alors il fautpousser les industriels à construiredes petits modèles très sobres,carburant aux énergies vertes.Il faudra leur donner accès auxvoies prioritaires aux entrées deville, favoriser les véhicules quitransportent aumoins trois personnes,etc.Il faut s’attaquerà cemodèle absurdeoù les voitures sont conçues pourles grands trajets de vacances etqui, la majeure partie du temps,ne transportent que le conducteur.Résultat : embouteillages,gaspillage d’énergie, d’espace, detemps, 70 milliards d’euros d’importationannuelle de combustiblesfossiles, etc.Les écologistes veulent montrer queleurs propositions sont bonnes pourl’environnement, mais aussi pourle pouvoir d’achat, l’emploi et labalance commerciale du pays. Nosauditions montrent que les espritsévoluent sur ces questions.Ségolène Royal a choisi la procédureaccélérée pour raccourcir les délaisd’adoption de la loi. Une bonne chose ?C’est un non-sujet. Il n’y aura doncque trois lectures au lieu de quatredevant les parlementaires : cela nefait pas une si grande différence.D’ailleurs, avec deux allers-retoursentre l’Assemblée nationale et leSénat, nous constatons souvent denombreuses redites qui n’apportentrien au débat. Par ailleurs, le Sénat ade fortes chances de passer à droitealors que l’examen sera en cours.Nous risquons d’avoir à affronterson opposition, ce qui ne changerarien car l’Assemblée nationaleaura le dernier mot. Il seraitpréjudiciable que ce texte prenneencore du retard.≥ Propos recueillis par Patrick Piro(1) Sur les 58que compte leparc.(2) Voir Politisn° 1309, du26 juin.Le geste utileSe passer des grainesdes multinationalesPar Claude-Marie VadrotQue faire ?Récolter et sélectionner soi-même lessemences des fruits, légumes et fleurs.Que l’on règne sur un appui de fenêtre, une terrasse ou un jardin.Soit pour ressemer l’année suivante, soit pour échanger. Uneopération possible avec toutes les plantes, à condition qu’elles nesoient pas « hybrides F1 ». Car, dans ce cas – malheureusementde plus en plus fréquent –, la seconde génération est de mauvaisequalité. Ainsi, en cette fin de saison, d’une tomate bien mûrecoupée en deux, on peutextraire les pépins. Il suffitalors de placer ces derniersdans une soucoupe,d’ajouter quelques gouttesd’eau, d’attendrequ’apparaisse unemoisissure, de laver lerésultat dans une passoire fine et de récupérer les pépinsdébarrassés de leur gangue protectrice. Ne reste qu’à les sécheravant de les glisser dans un sachet ou une petite boîte métallique.Les graines sont prêtes pour le printemps suivant.L’opération est encore plus simple pour les haricots, lesconcombres, les courgettes, le persil, l’aneth ou la coriandre :il suffit de laisser les grains ou les graines sécher au terme de leurcycle végétatif. La fin de l’été permet également la récolte desgraines de fleurs. Il faut juste les laisser sécher : cosmos, soucis,marguerites, myosotis, giroflées, zinnias, capucines, ipomées…Idem avec les fleurs sauvages : nivelles, coquelicots, petitespensées, violettes ou bleuets par exemple. Pour les fruits, choisirles noyaux provenant d’arbres non greffés : noyers, pêchers,pruniers… que les jardiniers nomment les « francs de noyaux ».Pourquoi ?D’abord pour le plaisir de reproduire deslégumes et des fleurs qui ne sont pas passéspar l’industrie des graines. Ensuite pour éviter de verser une oboleinutile aux multinationales qui en font un business. Enfin parceque récolter ses propres graines permet des échanges avecOn évite de verser une oboleinutile à l’industrie des graines.d’autres jardiniers.Des jardiniers quiont de plus en plusrecours, grâce auxlibrairies spécialisées, à des « grainothèques », comme celle de lamédiathèque de Lagord, en Charente-Maritime. Chacun y prendce dont il a besoin ou apporte ce qu’il a en trop. Un mouvementqui commence à prendre de l’ampleur. Pour preuve, depuis un an,pour échapper au commerce des semences, une plateforme detroc a fleuri sur le Web. Elle permet d’échanger les graines parcorrespondance.Comment ?Des pépins detomate lavéset séchés sontprêts pourle printempssuivant.• grainesdetroc.fr, pour les échanges.• rustica.fr, pour d’autres conseils donnés par cet hebdomadaire de jardinage.• kokopelli-semences.fr, pour ceux qui veulent commencer leur collection.25 septembre 2014 Politis 15


ChroniqueL’éconOmie À contre-courantGérard DuménilMembre du conseil scientifique d’Attac.Un mal français, le déclinde l’investissement ?Les derniers chiffres publiés parl’Insee concernant l’investissementen France sont alarmants. Car lecours passé de l’investissement etsa situation actuelle commandentla tendance de l’emploi à pluslong terme. Branle-bas de combatdans les rangs de la gauche dedroite. L’Élysée réunit les assisesde l’investissement. FrançoisHollande, Emmanuel Macron etMichel Sapin sont sur le pont face à250 responsables d’entreprises etde grandes banques.La situation est pire auxÉtats-Unis, et toute lazone euro est touchée.Le Medef, dont le moral est au beaufixe, multiplie des promesses quiferaient rire (un million d’emploiscréés) si la situation n’était pasgravissime. « Mais il y a bien unprix à payer », on s’en doutait,celui des nouvelles concessionsdemandées aux classespopulaires : temps de travail,salaire minimum… Tout y passe.Le mal est-il grave ? Laréponse est « oui ». Depuisles années 1980, à travers lasuccession des accélérationset des récessions du cycle15 %11 %1985conjoncturel, la tendance du tauxd’investissement est clairementorientée à la baisse. Ce mal est-ilspécifiquement français ? Laréponse est « non ». La situationest pire aux États-Unis, mais ilfaut surtout savoir qu’elle affectel’Europe dans sa globalité, etnotamment la zone euro.La courbe ci-dessous montre lapart de l’investissement productifet en infrastructures (donc horslogement) dans le PIB des pays dela zone euro. On y observele déclin graduel et unnouveau plongeon, en effettrès inquiétant. On nousdira que l’Allemagne s’entire mieux. Concernantl’ensemble de l’investissement,rien de tel n’apparaît dans lesdonnées. La vraie spécificité de cepays est que la part des machineset des équipements dans le totalest plus élevée qu’en France, ce quicorrespond à la voie industriellesuivie par l’Allemagne, à l’opposéde la financiarisation à la française,à la Balladur et autres (1).Savoir que la France n’est pas seulen’est pas une consolation, maiscela en dit long sur l’origine de cedéclin. Au moins ceci : le modèlesocial français n’est pas seul encause.Investissement productif et en infrastructuresdans le PIB des pays de la zone euro199019952000Source : Commission européenne, Annual Macroeconomic Database.16 Politis 25 septembre 2014200520102013Le12 septembre,jour demanifestation,un gendarmesurveille lazone où doitêtre construitle barrage.GABALDA/afp(1) Lepourcentagedes machineset équipementsdans le totalest aujourd’huide 60 % enAllemagne,contre 47 %en France.(1) Voir Politisn° 1318, du11 septembre.(2) Lire : www.reporterre.net/spip.php?article6262(3) www.letarnlibre.com,16 septembre.environnement La lutte contre le barragedu Testet s’étend désormais à l’échelon politique.Les anti-barragene veulent pas céderLe déboisement est terminé,la zone humide du Testet,au bord de la rivière Tescou,dans le Tarn, n’est plus qu’uneplaine saccagée. Les opposants,cible d’interventions muscléesdes forces de l’ordre, n’ont puque retarder l’avancée des bulldozers(1), là où le conseil général aprévu la construction d’un barrageprincipalement dédié à l’irrigationde cultures de maïs.Durant cette fausse trêve, SégolèneRoyal, qui s’était désintéressée del’affaire dans un premier temps (2),a demandé au conseil généralla confirmation du respect desconsignes ministérielles concernantl’intervention sur une tellezone, l’une des plus importantesréserves de biodiversité du département.La réponse affirmative etexpéditive du président, le socialisteThierry Carcenac, n’a pas dûla convaincre. Deux experts ont étéenvoyés sur place « pour éclairercertains aspects » du projet.Alors que leur rapport est attendurapidement, la contestation sedéveloppe aussi sur le terrainpolitique. Tandis que l’écho desaffrontements avait largementdépassé le périmètre du département,une soixantaine d’élusd’Europe Écologie-Les Verts(EELV) et du Parti de gauche exigeaientdans une lettre ouverte,le 10 septembre, que « cessentles violences incompréhensiblesà l’égard des opposants au projetde barrage et qu’un moratoiresoit décidé, avec l’arrêt immédiatdu déboisement ». Et ThierryCarcenac recevait une délégationde neuf élus écologistes locaux,premier échange entre le principalpromoteur du projet et des représentantsdes opposants.Guillaume Cros, conseiller régionalEELV, estime le président du conseilrégional ouvert à des discussions« pour évoquer un éventuel redimensionnementdu projet », alorsque ce dernier aurait évoqué desincertitudes sur l’obtention rapidede fonds européens, de l’ordre de20 % des 8,4 millions du coût présuméde la retenue (3).Dans sa réponse à la lettre ouverte,Thierry Carcenac minimise cependantles dégâts écologiques irréversibles: l’aire déboisée ne représenteque 13,4 hectares sur les 700 quecompte le patrimoine départemental,et ils seront compensés par laréhabilitation en zones humidesde 20 hectares de terres dégradées.Une comptabilité aberranteen termes écologiques : la surfacede compensation est morcelée enneuf parcelles, dont certaines necorrespondent pas au profil d’unezone humide.Par ailleurs, le président du conseilgénéral allègue que tous les recoursjuridiques ont été épuisés, ce quiest faux. À Notre-Dame-des-Landes, les opposants ont obtenuun moratoire sur les travaux duprojet d’aéroport tant que la justicen’aura pas dit le dernier mot. AuTestet, les anti-barrage réclamentle même traitement.≥ Patrick Piro


agriculture De plus en plus présents sur le marché,les vins biologiques sont-ils vraiment au-dessus de tout soupçon ?Des verres à moitié bioEn quelques années, la mutationdes vignobles en bio a étéla plus importante de l’évolutionagricole en France. Une extensionde 41 % des surfaces entre2011 et 2013, selon l’Agence Bio.Et 20 % des exploitations cultivéessans chimie sont consacrées au vin.Au moins deux explications à cebond spectaculaire de la production.D’abord, nombre de viticulteursredoutent les effets des produitsphytosanitaires sur leur santé ;ensuite, beaucoup ont vu dans cetteproduction un créneau porteur lié àun phénomène de mode – même s’ilne faut pas négliger l’importance etle rôle des jeunes viticulteurs passionnéspar une nouvelle approchede leur métier.Pour Jean-Marc Carité, responsabledes éditions Utovieet rédacteur en chef de la revueVin bio magazine, « on ne peutque se réjouir de l’extensiondes vignobles en bio, car c’estau moins une diminution desintrants chimiques épandusdans le sol, même si des grandsdomaines de Bourgogne ou duMédoc s’y mettent moins par“philosophie” que parce qu’ilsconstatent que leurs terres sonten train de mourir ».Un optimisme pas forcément partagé.À la Fédération nationale del’agriculture biologique (Fnab),certains estiment (discrètement)que la nouvelle réglementationeuropéenne peut ouvrir la voieà des dérives, notamment via lagrande distribution.Depuis le 1 er juillet 2012, la vinificationest très encadrée, avec uneliste réduite (par rapport aux pratiquesconventionnelles) d’intrantsautorisés dans la composition dubreuvage. Le vin « issu de raisinsde l’agriculture biologique » estdevenu « vin biologique ». Maiscette nouvelle réglementation comportedes contraintes complexes,La photo de la semaineouvrant la voie à de nombreusesinterprétations. Par exemple, « certainsintrants œnologiques doiventêtre d’origine bio s’il existe des disponibilitéscommerciales », unedisposition qui pourrait aboutirà une production plus difficile àcontrôler par les organismes decertification.Ce sont ces produits mal définisqui colonisent cette année les foiresaux vins des grandes surfaces, lesvins bio représentant actuellement35 % des achats. Les cavistes et lesmagasins bio sont, en général, plusattentifs à la qualité et au respectde la législation que les gestionnairesde grandes surfaces. Mêmes’il ne faut pas oublier qu’un vinbio, c’est-à-dire exempt de chimie,n’est pas forcément, d’un point devue organoleptique, un « bon »vin. Car les nouveaux convertis nesont pas obligatoirement de bonsvignerons.Urgence≥ Claude-Marie VadrotLe 21septembre,la marchepour le climata rassembléplus de300 000personnes àNew York. Unemobilisationpourinterpellerles dirigeantsà la veilledu sommetdes Nationsunies sur lechangementclimatique.Burton/GETTYIMAGES NORTHAMERICA/AFPpourTerra EcoLa revue lanceun appel aux donset aux abonnements.Tourné vers l’économie socialeet solidaire et les enjeux dudéveloppement durable, créé en2004, déjà fort de 170 numéros,le magazine bimédia TerraEco connaît de graves difficultésfinancières.Le titre peut s’enorgueillir de15000 abonnés et de 300000 lecteurs,ce qui est important, certes,mais bien insuffisant pour garantirsa pérennité. Il est confronté à unebaisse de ses recettes publicitaireset à un contexte économique difficile.Terra Eco a donc lancé le16 septembre un appel à ses lecteurs.La barre est élevée, reconnaîtle journal, mais il y va de sasurvie (et de ses 21 postes).L’objectif est fixé à 500000 euros,dont la moitié en dons et en abonnements.« Cette somme doitpermettre au journal de passerla vague, juge David Solon, directeurde la rédaction, d’atteindrela rentabilité et de se réinventer.C’est l’heure de vérité pourTerra Eco. » Et, surtout, dans undélai très court. « D’ici au 26 septembre,s’il n’y a pas un enthousiasmefort pour notre appel,Terra Eco s’arrête. »Un chiffre n’en reste pas moinsencourageant : avec 2000 abonnéssupplémentaires, le magazinese donnerait de l’air au moinsjusqu’en 2015. Le montant collectémardi 23 septembre était de182784 euros.≥ J.-C.R.Campagne de soutien sur : www.terraeco.net25 septembre 2014 Politis 17


la semainesociété L’Assemblée nationale a adopté le 17 septembre le projet de loi « sur l’adaptation de la sociétéau vieillissement ». Totalement sous-dimensionné, selon Jérôme Pellissier.Nos aînés sont-ils respectés ?Adapter la société au vieillissementest une ambitionà la hauteur des enjeux.Évoquons seulementdeux réalités, à peine pensables ily a cinquante ans. Premièrement,l’existence, désormais, de très nombreusespersonnes qui sont à la foisà la retraite et en bonne santé.Une nouvelle étape de vie faceà laquelle les politiques ne proposentgénéralement comme horizonsocio culturel que des « ateliersmémoire » pour prévenirl’Alzheimer ou des « ateliers équilibre» pour prévenir les chutes…Une nouvelle étape de vie qui impliqueraitde repenser radicalementla sacro-sainte trinité « formation/travail/retraite » et de tenir comptedes pratiques de nombreux retraitésqui, d’associations en mairies,tiennent à bout de bras le tissusocial du pays.Au lieu de quoi, la loi ne prévoitque des mesurettes, telle la créationd’un « volontariat civiquesenior » pour « valoriser l’engagementbénévole des personnesâgées » par « la remise d’uncertificat en préfecture ». Avecmédaille en chocolat ?Deuxième réalité, inédite dansl’histoire de nos sociétés : de nombreusespersonnes vivent avec desmaladies chroniques et/ou invalidantes(cancer, diabète, maladiesneurologiques – dont la maladied’Alzheimer et les maladies apparentées),en situation de handicap,ayant besoin d’être aidées.Parmi ces personnes, évidemment,des personnes âgées qui souffrentd’abord d’être victimes d’un systèmediscriminatoire. Un systèmeque le PS s’était engagé à supprimer,et qui sépare les personnes handicapéesde moins de 60 ans de cellesde plus de 60 ans, dites « personnesâgées dépendantes ». Cette discriminationn’est pas supprimée parla loi qui vient d’être votée.Le dispositif réservé aux « vieuxhandicapés » (APA) brille parses manques, ses insuffisanceset son incapacité à répondre18 Politis 25 septembre 2014s. monierLes personnesâgées pauvresayant besoind’être aidéesle sont parleur seulentourage.KOALL/GettyImages/AFPJérômePellissierÉcrivain, docteuret chercheuren psychogérontologie.convenablementaux besoins. À cela,la nouvelle loi ne change quasimentrien. Actuellement, toutes lespersonnes âgées, pauvres et handicapéesayant besoin d’être aidéeset soignées cinq, dix ou quinzeheures par jour,ne le sont pasou le sont pardes proches.À toutes cespersonnes, quepropose la loi ? Un relèvement duplafond qui, pour les personnes lesplus handicapées – celles qui ontsouvent besoin d’être aidées plusde dix heures par jour –, fera passerles heures d’aide quotidienne detrois à quatre environ…Besoin de vivre dans une maison deretraite ? Coût moyen : entre 2 200et 2 800 euros par mois. Moyennedes retraites : 1 100 euros (et cettemoyenne cache celle des femmes,bien plus basse). Sur ce volet, riendans la nouvelle loi. Et donc latribune4 milliards pour lesmalades âgés ? Oùdiable les dégotter…persistance de cessituations de personnesayant besoin d’être soignéeset aidées dans des établissementset, faute de moyens, restant soussoignéeset sous-aidées à domicile.La loi annonce la prise en comptedes « aidants »,ces conjointsde personnesâgées handicapéesou atteintesde la maladied’Alzheimer, qui les assistent engénéral 24 h sur 24, sans être euxmêmessoutenus. Des situationsd’épuisement telles, sur des années,que ces aidants meurent très souventavant ceux qu’ils aident ! Que leurpropose la loi, qui affirme « instaurerenfin le droit au répit » ? Uneaide annuelle de 500 euros pour, parexemple, « partir une semaine envacances » !Précisons que les mesurettes quenous venons d’évoquer se veulentles mesures phares de la loi.Laquelle contient une autre particularité: elle sera financée parla Contribution additionnellede solidarité pour l’autonomie(Casa), une taxe sur les retraites.Autrement dit, ce sont les seulsretraités qui vont payer pour lesdépenses liées aux maladies chroniqueset aux handicaps des personnesde plus de 60 ans.À quand une taxe sur les allocationsde chômage pour financerles aides et soins des chômeursmalades ou handicapés ? Ou unetaxe sur les salaires des femmes demoins de 50 ans pour financer lesmaternités ? C’est le principe mêmedu financement des risques sociauxpar l’ensemble de la communautéqui est dégradé.Les arguments avancés pour justifierqu’une réformette soit l’aboutissementd’une « loi d’adaptation dela société » ? Le premier est financier.Pensez : il faudrait au moins4 ou 5 milliards d’euros (1) pourque les malades âgés et/ou handicapéssoient, en France, correctementaidés et soignés ! Où diable dégotterait-onune telle somme quandon ne trouve que 60 milliards pouraider et soigner la « compétitivitédes entreprises »… ?Deuxième argument, celui de lasecrétaire d’État aux Personnesâgées, Laurence Rossignol, affirmantle 17 septembre que « mieux,c’est toujours plus que rien ».Implacable, comme un slogan delessive. L’écart entre les réels besoinset ces fausses réponses se révèle tellementimportant qu’oser parler de« mieux » en devient une insulte. Etune imposture de faire passer pourde la solidarité ce qui n’est qu’uneforme de charité. Il n’est pas sûrque ce mieux-là soit vraiment « plusque rien ». Et pas sûr que, politiquement,la nullité de cette loi soitvraiment mieux que le vide.≥ J. P.(1) C’est environ le montant des réductionsfiscales et sociales dont bénéficient les 10 % lesplus aisés des Français utilisateurs des servicesà la personne, selon une étude de la Dares(août 2014).


la semaineétats-unis Les employés de la restauration rapide se mobilisent pourle doublement du revenu minimum. Correspondance, Alexis Buisson.Fast-foods : des salairespas assez gras«Je fais de mon mieux pourm’en sortir. Je demandede l’argent à mon entourage,à mon église… »À 31 ans, Andrew McConnelltente de survivre. Ce père quiélève seul ses cinq enfants à KansasCity, dans le centre des États-Unis,travaille à temps partiel chezMcDonald’s pour 7,45 dollars(environ 5,75 euros) de l’heure.En parallèle, il vend des produitsde beauté. « C’est difficile. On seretrouve à faire des choix en permanence: payer l’essence ou leloyer, les factures d’électricité oula nourriture… »Dans les fast-foods de l’Amérique,la misère est légion. Pour luttercontre cette précarisation, AndrewMcConnell et plusieurs milliers detravailleurs du secteur sont descendusle 4 septembre dans les rues de150 villes américaines pour réclamerune augmentation du salaireminimum. Un montant dérisoire :7,25 dollars (5,60 euros) au niveaufédéral. « Pas assez pour vivre »,affirment ces forçats de la restaurationrapide. Réunis dans descoalitions localescomme « FastFood Forward » ou« Fight for 15 », ilsréclament le doublementde cette somme : 15 dollarsde l’heure. « Nous pouvonsy parvenir. Même un petit coupde pouce serait le bienvenu. Et sice n’est pas assez, nous nous battrons», affirme Andrew.Cela faisait longtemps que lesalaire minimum n’avait pas mobiliséaux États-Unis. Sa dernière augmentationremonte à 2009. Puis lacrise en a eu raison. Mais, avec lerecul du chômage et l’embellie del’économie américaine, le sujetLe smic américainest le plus faibledes pays développés.revient sur la table. En septembre,soutenu par une opinion publiquemajoritairement favorable, BarackObama a réaffirmé son intentionde le relever à 10,10 dollars del’heure. Une mesure qui, si elle avaitété prise en 2011,aurait poussé pasmoins de 5 millionsde travailleursau-dessus duseuil de pauvreté, selon une étuderéalisée cette même année par lelobby Restaurant OpportunitiesCenters United. Et les rangs des grévistescontinuent de grossir : l’actionnationale du 4 septembre est la plusimportante à ce jour.« Contrairement aux mouvementsde travailleurs classiques,les groupes d’employés issus de larestauration rapide, comme Fightfor 15, envisagent leur action surle long terme. Les syndicats ontBurton/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFPLamobilisationnationale du4 septembrea réuni desmilliers detravailleursdans 150villes.travaillé avec des leaders locaux,comme des responsables associatifset d’églises, pour protéger lesgrévistes. Si l’un d’eux se fait licencier,un pasteur peut appeler sesfidèles à boycotter McDonald’s ouPizza Hut », explique StevenAshby, spécialiste des mouvementsde travailleurs et enseignant à l’universitéde l’Illinois.À sa création, en 1938, sous l’impulsionde Franklin D. Roosevelt,le salaire minimum fédéral était de0,25 dollar de l’heure. L’oppositiond’une partie du patronat et desconservateurs explique sa lente augmentation,en moyenne un dollartous les dix ans jusqu’à présent. En1997, Bill Clinton autorise les villes,les comtés et les États à adopter leurpropre salaire minimum, avec pourconséquence une myriade de planchers.L’État le plus « généreux »est Washington, à l’ouest du pays,où il est exclu que les travailleurssoient payés en dessous de 9,32 dollars(7,19 euros). Ces planchersne peuvent pas être inférieurs ausalaire minimum fixé au niveaufédéral par le Congrès. Problème :en dollars réels (sans l’effet de l’inflation),ce salaire minimum n’acessé de chuter depuis 1968. Il estaujourd’hui le plus faible de tousles pays développés.Barack Obama espérait augmenterle smic avant les élections demi-mandat en novembre. Il n’ensera rien. Les Républicains, quicontrôlent la Chambre des représentants,y sont opposés. Toutcomme plusieurs grands syndicatsde patrons. Et certains économistes,divisés sur les bienfaitsdu salaire minimum, mettent engarde contre un relèvement soudainet important dans un contextede reprise. Pour le moment, lePrésident s’est donc limité à signerune ordonnance qui augmentera à10,10 dollars le salaire minimum,mais uniquement pour les travailleursen contrat avec l’État fédéral.Entrée en vigueur de la mesure : le1 er janvier 2015.« Les États-Unis sont un paysétrange. Nous avons des entreprisesmagnifiques, commeFacebook, Google, Apple, maisaussi les pires lois du travail.Les Américains commencent àle réaliser, résume Steven Ashby.Mais, avec la droitisation du partirépublicain et le manque de visibilitédes pauvres dans les campagnesélectorales, rien ne changeà la Chambre des représentants.Nous verrons… »≥ A. B.25 septembre 2014 Politis 19


la semainelogement En Allemagne, une organisation contribue depuis vingt ans à garantir sur le long termedes appartements bon marché. Correspondance à Berlin, Rachel Knaebel.Contre la spéculation, l’habitat auL’environnement est idyllique.C’est un anciencorps de ferme fraîchementrénové, juste à côté de jardinsouvriers, à un quart d’heureà peine du centre de Berlin. Troisbâtiments organisés autour d’unecour. Martin Hagemeier vit icidepuis deux ans avec ses 15 colocataires,dont quatre enfants.« L’un des bâtiments est classémonument historique. Il datede 1783 ! », indique l’homme de38 ans autour de la table d’unegrande salle commune avec cuisine.« Ici, avant, c’était uneétable. » Dehors, la terrasse donnesur un jardin encore sauvage,entre un empilement de bois et lescontainers de tri. « C’est encoretout frais. Le dernier arrivant aemménagé il y a six mois. »Que de chemin parcouru, pourtant,depuis que cinq personnes se sontdécidées à monter ce projet d’habitatautogéré, en 2010 ! Pour lemener à bien, elles se sont vite rapprochéesdu Mietshäuser Syndikat(Syndicat des immeubles locatifs).Cette organisation née à la toutefin des années 1980 dans le sudde l’Allemagne, dans le sillage desmouvements de squats, chapeauteaujourd’hui 87 projets d’habitatautogéré, qui logent environ2000 personnes à travers le pays.Certains comptent une poignéed’habitants, d’autres une centaine,qui se retrouvent pour trois assembléesgénérales par an. Et le réseauaccueille toujours plus de nouvellesinitiatives. Une trentaine d’entreelles sont déjà membres sans avoirencore acquis de bâtiment.Ainsi, l’ensemble où habite MartinHagemeier appartient, indirectement,à ses habitants. C’est leprincipe novateur de l’organisation.Le propriétaire des murs estune société à responsabilité limitée(SARL) qui compte deux associés: l’assemblée des habitants etle syndicat. Le même fonctionnementvaut pour tous les projetsmembres, ce qui les différencie descoopératives immobilières au sensstrict. « Une coopérative peut, si20 Politis 25 septembre 2014by-nc-sa Mietshäuser SyndikatSur laGrünbergerstrasse,àBerlin, l’undes 87 projetsd’habitatautogérésoutenus parle MietshäuserSyndikat.ses membres le décident, revendrele bien immobilier », expliqueMartin Hagemeier. Impossible ausein du syndicat. Revente des habitations,transformation en propriétésindividuelles ou changement destatut : sur toutes ces questions, lesvoix des deux associés de la SARLsont nécessaires.Le MietshäuserSyndikat a donc undroit de veto. Voilàl’astuce du systèmepour protéger les projets membresde tout retour sur le marché spéculatif,sans mettre à mal l’autogestiondes lieux.« Le système de SARL n’est quela forme juridique. Dans la prisede décision, nous fonctionnonsselon les principes de la démocratiedirecte », précise JochenSchmidt, de la centrale du syndicat,à Fribourg-en-Brisgau.Les habitants sontsouverains sur lagestion du lieu.L’assemblée des habitants est souverainesur tout ce qui concerne lagestion du lieu : financement, vieen commun, niveau des loyers.Ainsi, les locataires peuvent resterdans leur logement aussi longtempsqu’ils le souhaitent sans craindreune hausse intenable de loyer.« Ici, nous avonsdécidé de modulerles loyers enfonction des revenusde chacun,pour qu’une personne au chômagepuisse aussi y vivre, préciseMartin. Nos loyers varient entre200 et 400 euros par mois. »C’est un autre principe du mouvement: donner accès à chacun,quels que soient ses revenus, à cettesécurité du logement. Les projetsn’ont d’ailleurs pas le droit d’exigerun apport financier personnelpour pouvoir en faire partie. Maisils doivent trouver eux-mêmes leurmodèle de financement. Le syndicatcontribue simplement à hauteurde 12 400 euros par groupe,payés grâce à un fonds de solidaritéabondé par les projets existants.C’est ainsi que le réseau essaimedepuis vingt ans.Pour leur petit coin de verdure aunord de Berlin, Martin Hagemeieret ses colocataires ont acheté50 000 euros l’ancien corps deferme. « Mais c’était en très mauvaisétat, sans salle de bains utilisable,et avec un chauffage aucharbon », explique Martin. Larénovation a donc coûté cher :700 000 euros. « Pour ma part, jen’avais pas d’économies », préciset-il.Il en allait de même pour la plupartde ses colocataires. Commentfinancier une telle somme sansapport ? À travers ce que le syndicatappelle des « crédits directs »,


la semainetogéréde l’argent prêté sans passer parles banques à des taux de 2 %maximum.Les créanciers sont le plus souventissus du cercle familial et amical. « Ily a aussi des projets plus anciensqui disposent d’une plus grandemarge de manœuvre financièreet prêtent aux nouveaux », noteJochen Schmidt. Des prêts classiquescontractés auprès de banquessociales complètent le financement.Face aux organismes financiers, êtreadossé au syndicat représente unargument de taille.« C’est parce que nous étionsmembres du syndicat que labanque nous a accordé les créditsdont nous avions besoin », assurepar exemple Florian Schöttle, duprojet berlinois Kastanienallee 85.L’ancien squat culturel et d’habitationdans l’est de la ville s’étaitretrouvé menacé de disparition. lly a un peu plus d’un an, une foisleur contrat avec les propriétairesarrivé à terme, les 45 habitants dulieu (qui comprend aussi un café,une librairie engagée, une soupepopulaire…) ont trouvé la solutiondans le rachat des bâtiments,avec l’aide du syndicat.Tous les prêts, directs et bancaires,sont ensuite amortis par lesloyers. Ceux-ci continuent d’êtrepayés après remboursement, pourle transfert solidaire vers de nouvellesinitiatives. Mais le montagen’est pas forcément sans risque.En 2010, un projet du syndicat afait faillite : les coûts de rénovationavaient explosé.« La gestion financière collectiveest constante », souligne MartinHagemeier. Chez lui, les douzehabitants adultes organisent deuxséances plénières par mois. Pourles courses, ils s’approvisionnenten commun, et autant que possibleen bio. Ils ont installé des panneauxsolaires sur un de leurs toitset prévoient de cultiver leur potager.Même l’éducation des enfantsest sujette à discussion collective.« Nous avons parlé de leur alimentation,afin de savoir s’ils mangenttrop de sucre. »Le bâtiment dela coopérativeKalkbreite,à Zurich,inaugurécet été.Rachel KnaebelPour Martin, qui a toujours vécu encolocation, ce mode de vie est idéal.« Je cherchais un groupe plus largeque seulement trois ou quatre personnes.Et je voulais pouvoir resterà Berlin sur la durée. »Dans une ville où les loyers ontconnu une hausse brutale cesdernières années, le modèle duMietshäuser Syndicat séduit deplus en plus. « L’année dernière,À Zurich, les coopérativesreprennent la mainDans la plus grande ville de Suisse, l’habitat partagé représenteun cinquième des logements. Et connaît même un nouveau souffle.ÀZurich, le mouvementd’habitat coopératif estvieux de plus d’un siècle. Uncinquième des logements appartientaujourd’hui à des coopératives.En tant que structures d’intérêtgénéral, celles-ci louent à prixcoûtant, donc bien moins cher quedans le parc privé.Face à des loyers de plus en plusélevés, inaccessibles à la plupartdes Zurichois, le logement coopératifconnaît un renouveau depuisle début des années 2000, là aussidans le sillage des mouvementsde squats. Deux nouveaux projetsviennent le montrer. Dans lecentre de la ville, la jeune coopérativeKalkbreite a construit unensemble de 87 logements pournous avons conseillé à Berlin75 groupes intéressés », souligneMartin. Une poignée de projets ensont nés. Jochen Schmidt constateaussi « un boom » dans tout le paysdes demandes pour intégrer le syndicat.« C’est parce que l’idée estbonne, même si c’est difficile àgérer. » D’autant plus que les bâtimentsadaptés à des projets collectifsse font toujours plus rares.230 personnes au-dessus d’unezone de stationnement de trams. Letout dans un cadre écologique (il estnotamment interdit aux habitantsde posséder une voiture) et communautaire,avec un maximum d’espacespartagés, des ateliers autogérés,une cuisine professionnellecollective… Le tout piloté au seinde commissions d’habitants.En périphérie, un programme de450 logements, Mehr als Wohnen(« Plus que des logements »), chapeautépar une trentaine de coopératives,sera inauguré à l’automne.Là aussi, beaucoup d’espaces partagés(bar, studio de musique…) etpas de voitures autorisées pour leshabitants, mais un système d’autopartageimplanté sur le site.« Il n’y a presque plus d’immeublesentiers à acheter, surtout dans lesgrandes villes comme Hambourg,Fribourg, Berlin… » Ou alors ils’agit de bâtiments fonctionnels :anciennes gares, casernes, etc.« Ou bien de bâtiments classés,comme chez nous, qui effraientles investisseurs », observe Martin.Le syndicat soutient d’ailleurs deplus en plus de projets de constructionen neuf.Même face à ces difficultés (1),l’exemple du syndicat a donnédes idées jusqu’en France. Un collectifs’est constitué dès 2005, leClip, pour en transposer les principes: retrait du marché spéculatifet propriété d’usage. « Le syndicatdémembre complètement ledroit de propriété. Le droit d’usageprime. Les revenus de la propriété,les loyers, vont au financement dubien commun, c’est-à-dire auxnouveaux projets. Et le droit derevente est supprimé », résumeavec enthousiasme Aurélie, du Clip.Un premier compromis de vente,pour un projet dans le Perche, a étésigné cet été.≥ R. K.(1) Un autre obstacle menace : une réformeprévue à l’automne sur la protection des petitsinvestisseurs, qui va rendre plus difficile lesystème des crédits directs, essentiel aufonctionnement du Mietshäuser Syndikat.Dans les deux cas, la ville de Zurichaide les projets par des prêts avantageuxet subventionne une partiedes logements, destinés aux faiblesrevenus. Mais ce sont les coopérativesqui décident de tout le reste.Le principe coopératif garantit unesécurité du logement aux locataires.Les habitants doivent certes acheterune part, chère (ici entre 15000 et25000 euros), pour devenir sociétaires,mais son paiement peut êtreétalé sur plusieurs années. « 20 %des logements sont subventionnéspar la Ville. Donc, une partimportante des habitants disposede revenus modestes », soulignel’initiateur du projet Mehr alsWohnen, Andreas Hofer.≥ R. K.25 septembre 2014 Politis 21


culture littératureL’homme qui voulait dormirAvec Goldberg : Variations, Gabriel Josipovici signe un roman énigmatique et musical pour évoquer la difficultédu langage. Où un gentilhomme insomniaque croise la route d’un écrivain en panne d’inspiration.On ne trouvera pas declavecin ni de musiciendans Goldberg :Variations. Ce titreest sans aucun douteun hommage à Jean SébastienBach, mais plus encore à la formede son célébrissime chef-d’œuvre.Gabriel Josipovici affectionne lesstructures kaléidoscopiques ouen rhizomes. Déjà, son précédentroman traduit en français, Toutpasse (1) – Gabriel Josipovici estun écrivain de langue anglaise –,semblait constitué de bribes etd’ellipses, en cohérence avec lavie étique de son héros.Au contraire, Goldberg : Variations,à partir d’un thème initial,présente des développementsplus charnus. Ce sont 30 chapitres,comme dans la partition dumodèle musical, qui se recoupent,se prolongent, correspondentplus ou moins secrètement entreeux ou, parfois, semblent totalementétrangers les uns aux autres.Goldberg : Variations a ainsi lesatours d’un roman baroque, enharmonie, là encore, avec l’esthétiquede Bach.Le premier chapitre, thème initialdonc, met en scène, dansl’Angleterre du XIX e siècle, ungentilhomme insomniaque, TobiasWestfield, qui a engagé un écrivain,Samuel Goldberg, pour que celuicilui fasse la lecture le soir tombéet qu’ainsi le sommeil le gagne. Onassiste à leur première entrevue,faite d’un dialogue exigeant, carWestfield se pique de philosophie.Pour Goldberg, la surprise vientdu fait que son « employeur » luidemande de lui lire une compositionpersonnelle, qu’il doit, chaquejour, écrire sur place. Mais l’inspirationdélaisse l’écrivain.« Il se peut fort bien, monsieur,explique Goldberg à Westfieldpour justifier son échec, qu’àLa visionde Wander-Artist, de PaulKlee (1940),débloquel’écriture dunarrateur.Quidam éditeurl’époque de la Grèce et de Rome,et même à l’époque de notre glorieuxShakespeare, un hommede lettres aurait pu accomplircette tâche. Les écrivains de cesépoques auraient peut-être pu enune journée produire pour vousune série éblouissante de variationssur n’importe quel thèmede votre choix. […] Mais, hélas,notre propre époque est devenuebien moins inventive et plusmélancolique, et rares sont ceuxqui aujourd’hui peuvent avoir àcœur “de prendre un thème auhasard pour le tordre et le retournerà volonté, le développer un peuou beaucoup, selon ce qui paraît lemieux pour son propre dessein”,comme le dit un ancien auteur quiparlait de ces choses. »Une explication désavouée plustard, au cours du roman, dans lechapitre intitulé « le Défi », quiraconte un épisode où Goldberg,reçu à la cour, réussit à improvisersur un thème choisi par leroi – tout en étant a posteriorimécontent de sa performance.Mais il y a aussidans ce passage un clind’œil à l’entreprise mêmede Gabriel Josipovici avecGoldberg : Variations.Clin d’œil ironique – « enune journée […] une sérieéblouissante… » – maiséloquent sur l’esprit quigouverne le roman : le jeu,qui s’oppose à une époque« moins inventive et plusmélancolique ».Le lecteur se voit entraînédans une suite d’épisodesdont la logique est mystérieuse.Parfois, on seretrouve avec l’un despersonnages secondaires,dont quelques momentscruciaux de l’existencesont contés. Ainsi deJames Ballantyne, un amide Westfield, qui, dans sajeunesse, a perdu son trèscher frère, et dont la sœur,aux mains et aux piedspalmés (!), avait été éloignéed’Angleterre parceque sa mère ne la supportaitpas. Or, JamesBallantyne la retrouvedans des circonstancesétranges, en même tempsqu’il se persuade que sonfrère n’est pas mort. Un chapitrerelate comment Westfield estdevenu insomniaque, saisi unjour par cette sensation que riende ce qui se produit n’est unique,que tout est écho, réminiscence,autrement dit variation.Dans d’autres pages, le lecteurest projeté dans une époque pluscontemporaine, avec un narrateur,écrivain lui aussi (Josipovicilui-même ?), qui visite avec safemme un musée à Colmar, après22 Politis 25 septembre 2014


musiqueà flux détenduPar Christophe Kantcheffavoir admiré une œuvre de Kleeexposée à Berne, Wander-Artist,dont la vision semble avoir débloquél’écriture de son livre en cours,jusqu’ici laborieuse. Et c’est alors,dans une des salles du musée deColmar, que soudain sa femmele quitte.Débridé, ludique, Goldberg :Variations l’est sans conteste, oùl’on sent la liberté implicitementrevendiquée de l’écrivain, quin’hésite pas non plus à mélangerles genres, le réalisme faisant placeau récit d’événements fantastiquesou de sensations étranges, commece papillon qui a pénétré dans l’espritde la fille de Goldberg ou cepoète sans succès, devenu fou, quise met à parler dans des languesqu’il ne connaît pas.Mais le plaisir suscité par cetteinvention alerte n’a rien de gratuit.Peu à peu, un réseau clandestin designes et de correspondances apparaît,comme en surimpression. Desthèmes communs résonnent. Deslignes de sens innervent ces variationsénigmatiques : au lecteur deles entrecroiser, de les déchiffrerà sa guise. L’une d’elles passe parun enfant qui a perdu la parole(chapitre 12, « la Seconde MrsWestfield »), par un autre enfant,« sauvage » celui-là, à qui ona appris le lien entre le mot etla chose (ch. 4, « Dans la voitureI »), par le constat de la difficultéd’écrire mais aussi par celuique fait Mrs Goldberg, quand elleest seule, sur le « baume secret quel’on trouve dans l’acte si simplequ’est le fait d’écrire ».D’autres lignes de sens passentpar la présence forte d’Ulysse,évoqué en particulier lors deson retour à Ithaque, où il doitmentir pour reprendre les lieux etPénélope, tandis que Goldberg sedemande, quant à lui, si « notrerelation » à la vérité ne serait pas« trop angoissée » (ch. 8, « Dansla voiture II »).« Et si le langage était la cause detous nos problèmes ? », interrogele narrateur contemporain, quipeine à trouver le sommeil quandson livre patine. L’aspiration ausilence, c’est-à-dire à la sérénité,plane sur Goldberg : Variations,comme un désir ultime, impossibleet crépusculaire. Mais noussommes voués aux nuits blanchespeuplées de mots inextricables.Christophe Kantcheff≥ (1) Tout passe, Quidam éditeur, 2012.Astor Piazzola(ici en 1986)apparaîtrapidementcomme la têtede proue duNuevo Tango.afpNuevoTangocoffret de 2 CD,Frémeaux.Goldberg :Variations,GabrielJosipovici,traduit del’anglaispar BernardHœpffner,Quidam éditeur,286 p., 22 euros.Quand le tango envoievalser le classicismeUn double album retrace l’émancipationde ce genre musical dans les années 1960.Né dans les faubourgsmarins de BuenosAires, destiné à fairedanser puis rêver par lachanson des hommes venus deloin, le tango devient, durant lesannées 1940 et jusqu’au milieude la décennie suivante, un phénomènede masse qui conjuguegrands orchestres et paroles sentimentales.Lié de manière ambiguëau règne de Perón, l’âge d’ordu tango classique se refermeavec le coup d’état militaire, en1955, qui chasse el Conductor.Les musiciens réagissent en faisantévoluer leur art. Ils le dissocientde la danse, le dépouillent de sesparoles pour rechercher une plusgrande liberté.Aníbal Troilo conduit cette transition.Maître des típicas, grandsorchestres aux arrangementsélaborés, il réduit sa formationpour mieux mettre en valeur lesmélodies et conçoit ses compositionscomme des concerti grossipour bandonéon, dynamiques etcolorés. Il intègre la guitare à sonorchestre et la fait magnifiquementdialoguer avec le bandonéon.Astor Piazzola quitte le groupe deTroilo en 1946. Ayant vécu à NewYork, il connaît le jazz. Fascinépar la modernité de la musiqueclassique européenne, il suit lesenseignements du compositeurargentin Alberto Ginastera et vatravailler en France avec NadiaBoulanger. Astor Piazzola apparaîtrapidement comme la tête deproue du Nuevo Tango. Il s’émancipecomplètement de la danse, metau premier plan un violon issu duromantisme européen, multiplie lesaccents et les brisures pour enrichirle rythme, étend l’harmonie, touten conservant une allure immanquablement« tango ».Piazzola avait été devancé surcette voie par le pianiste HoracioSalgán, pourvoyeur de mélodiessyncopées qui donnaient aux interprétationsde son Quinteto Realune énergie insurpassée.Troilo, Salgán et Piazzola ont gravéau début des années 1960 quelquesunesde leurs plus belles faces. TecaCazalans et Philippe Lesage, quisignent un livret bien documenté,en ont sélectionné 36, constituantainsi un excellent coffret de deuxCD pour les éditions Frémeaux,intitulé simplement Nuevo Tango.Ce faisant, ils rappellent l’imaginationavec laquelle ces musiciens,et notamment les moins connus,Troilo et Salgán, ont conféré autango une nouvelle dimension.Denis-Constant Martin≥ Titre U2 au xxxxxx téléphonexxxxxxxxxxxdébut Je dois texte l’avouer,en j’ai gras, un défaut, Texte uncourant seul, mais un gros :je possède untéléphone portablede la marque à lapomme. Or, depuis peu, figurentparmi la liste de mes morceaux suriTunes ceux du dernier album deU2, Songs of Innocence, sans que jen’aie rien demandé. Suffit d’appuyersur l’icône pour que le titre soittéléchargé…Sur la planète, nous sommes un demimilliardd’individus dans le mêmecas. C’est-à-dire autant d’utilisateursd’iTunes qui ont eu la surprise devoir apparaître sur leurs téléphones,ordinateurs et autres iPad le nouvelalbum du groupe irlandais. C’est lamanière délicate qu’ont trouvée U2et Apple pour assurer sa promotion.Le groupe s’est aussi produit surscène lors du grand raout organisépour le lancement de l’iPhone 6.Un échange de bons procédésmarketing qui aurait dû profiteraux deux parties…Sauf que certains mal lunés onttrouvé la méthode intrusive et l’ontmanifesté bruyamment. L’intégralede Claude François, passe encore,mais U2…Le mouvement de grogne a été jugésuffisamment fort pour qu’Apple sesente obligé de mettre au point uneapplication gratuite destinée à effacerl’opus importun. L’application est enservice depuis lundi 15 septembre,Monday bloody Monday…Selon le New York Times, l’opérationpromotionnelle, proche aujourd’huidu fiasco, aurait coûté 100 millionsde dollars à la firme américaine,qui, en outre, avait déboursé unesomme estimée à plusieurs dizainesde millions de dollars pour obtenirl’exclusivité de l’album.Mais ne faut-il pas voir dans cettedéroute le génie stratégique d’unBono, leader du groupe et championde l’engagement lyrico-humanitaire,qui aurait ainsi décidé de s’attaquerau capitalisme en affaiblissant lapuissante multinationale ? Il nefaut rien sous-estimer de la partde ce philanthrope qui a déménagé,rappelons-le, le siège de « U2Limited » aux Pays-Bas pour nepas payer l’impôt sur les royaltiesen Irlande…25 septembre 2014 Politis 23


culture théâtrePhotographieTom ArndtDans un coffee-shop du Minnesota,une brinquebale d’hommes sirotantleur breuvage ; un bus traversantLas Vegas au cours d’une nuittapissée d’enseignes lumineuses ;l’échoppe d’une baraque à hotdogs; des mômes au coin d’uneruelle qui semblent attendre la find’un désœuvrement ; un passant,dans la verticalité architecturale deChicago… En noir et blanc, depuisles années 1970, Tom Arndt travailleavec les reflets, les vitrines, les jeuxde miroir, une signalétique partoutprésente, mise sur la profondeurde champ, parfois glisse son sujetdans le coin de son objectif. Peuconnu du grand public, Arndt n’enest pas moins un photographe derue remarquable, captant avecforce des bribes d’instantanésuniversels, tout ce qui va, vient,fugace, ou fait sa pause. Bien calédans l’humanisme photographique.Tom Arndt’s Minnesota, galerie les Douches,5 rue Legouvé, Paris X e , jusqu’au 31 octobre.CensureLes Squames à AngersÀ Angers, le 12 septembre, au coursdu festival des Accroche-Cœurs, unedouzaine d’intégristes musulmans,soutenus par quelques-uns deleurs homologues catholiques, ontinterrompu une représentation d’unspectacle de la compagnie de théâtrede rue Kumulus, les Squames. Cesesprits exaltés ont accusé de racismeun spectacle qui, précisément, selonson auteur, Barthélémy Bompard,« invite à se questionner sur le regardque nous portons sur l’autre, sur lamanière dont on traite la différence ».Le maire UMP, Christophe Béchu,a dans un premier temps interdit lespectacle. Selon l’adjoint à la culture,celui-ci n’aurait « pas cédé faceaux intégristes et à l’intimidation »,mais aurait « voulu privilégier, sousla pression, la sécurité du publicfamilial ». Puis le maire s’est raviséen autorisant la représentation dece spectacle de rue… dans une salle,sous haute surveillance policière.Dans un communiqué intitulé « Desartistes accusés de déranger,des élus tentés de censurer »,l’Observatoire de la liberté decréation, placé sous l’égide de laLDH, dresse le constat suivant pourle déplorer : « Depuis plusieursmois, nous assistons à des actesd’entrave ou de censure des libertésartistiques. Ils sont de plus enplus souvent accompagnés d’uneingérence politique qui porteatteinte aux libertés d’expression,de création et de programmation. »24 Politis 25 septembre 2014Yerma,de FedericoGarcia Lorca,jusqu’au5 octobre auThéâtre 13, www.theatre13.com.Tragédie d’un ventreDaniel San Pedro signe une mise en scèneépurée de Yerma, de Federico Garcia Lorca.Une aube qui ne se lèvejamais tout à fait, ou uncrépuscule qui refuse delaisser place à la nuit noire.Telle est la Yerma, de FedericoGarcia Lorca, mise en scène parDaniel San Pedro. Baignés parune lumière trouble, hésitantecomme le jour qui filtre à traversun rideau opaque, les personnagesde cette tragédie pastorale écriteen 1934 sont englués dans unbrigitte Enguerandnuage sépia. Pas comme sur desphotos anciennes ; plutôt commesur des clichés d’aujourd’hui donton aurait retravaillé la couleur.Quelques degrés de gris-marronen plus, et on aurait eu le sentimentde la reconstitution d’une époquerévolue. Quelques couleurs supplémentaires,et nous aurions étédans une campagne d’aujourd’hui.Grâce à la finesse des éclairages deBertrand Couderc, Yerma échappeà l’histoire. Elle se fait pure tragédiedu vide.Avec son corps de liane et ses cheveuxlongs qui la cachent autantqu’ils la révèlent, Audrey Bonnetdonne à l’héroïne éponyme de lapièce de Lorca une ambiguïté quilui permet de se fondre dans cettecouleur sépia. Comme les femmesde Noces de sang (1932) et de laMaison de Bernarda Alba (1936),les deux autres volets de la trilogiede l’auteur espagnol, son personnagesouffre d’enfermement dansun carcan pétri de religion. Mariée àJean (incarné par Daniel San Pedro,qui excelle à investir chaque gested’une violence difficilement contenue),un éleveur qu’elle avoue nepas aimer, elle est soumise à lamuette tyrannie de la petite sociétéqui s’active autour d’elle commeautour d’un fantôme ayant perdule seul pouvoir qui lui tenait à cœur :celui d’effrayer les imbéciles. De cespectre, Audrey Bonnet fait un tissude solitudes qui parfois rayonnecomme une étoffe de fête.La Yerma de Daniel San Pedro estune femme à robe et à rangers.Une épouse qui sait se tenir droiteet exécuter les tâches qu’on attendd’elle, mais qui sait aussi tourner ledos aux conventions et aller courirseule sur la montagne. Ou dégusterle quartier de pomme que luia soigneusement épluché Victor(Stéphane Facco, aux apparitionstendres et mystérieuses), un autreéleveur qui lui rend parfois visite etla fait sourire.Muette, cette scène dit toute lacomplexité de Yerma. Sa tristesse,et l’infime distance qui la sépare dubonheur et de la liberté. Une demipommeen plus, et le sépia seraitpeut-être devenu rose bonbon ourouge passion.Daniel San Pedro est un grandaccordeur de silences. Comme l’épisodede la pomme partagée, plusieursscènes sans paroles viennentsemer un trouble sur les gestes et lesmots des personnages. La plainterécurrente de Yerma, surtout, estcomme étouffée par les silencesqui l’entourent. Elle qui ne cesse depleurer sur sa stérilité semble alorspleurer sur la vie tout entière. Surles corps trop faibles pour affronterle vide. Car si autour de Yermatout le monde parle de Dieu, lascénographie de Karin Serres criel’absence de transcendance. Sagrande porte coulissante en boisplantée au milieu d’une scène nuene débouche que sur deux autresportes identiques, dont la dernières’ouvre pour laisser entrer un Jeanplein d’amertume et ses sœurs auvisage fermé.Si cette Yerma excède la questionde la fécondité, c’est tout de mêmela tragédie d’un ventre. Et, commetous les ventres, celui de Lorcaaspire à être rempli d’amour. Maisle temps le flétrit. Les silences de lapièce sont pleins de ce temps quifrustre et abîme sans y faire attention.Pour figurer cet ennemi indifférent,des images d’un paysage ruralsont projetées sur la scène durantles trois ellipses qui découpent lapièce. On y voit les saisons défileren même temps que s’étiole l’espoird’une vie libre et simple, où croquerun fruit ne serait plus synonyme depensées troubles.≥ Anaïs Heluin


2014 MANDARIN CINEMA/EUROPACORP/ORANGE STUDIO/ARTE FRANCE CINEMALe parfum d’une époqueDans Saint Laurent, Bertrand Bonello filme le génie créateurdu grand couturier et son inscription dans la décennie 1966-1976.«J’ai créé un monstre, et ilfaut que je vive avec »,confie Saint Laurent, lefameux couturier hérosdu nouveau film, au titre éponyme,de Bertrand Bonello. Le« monstre » en question, c’est songénie créatif, qui oblige Yves SaintLaurent à ne cesser de produire,à trouver des idées. Et, comme iln’est pas homme à faire fructifierdes recettes mais à chercher, il luifaut se renouveler. C’est-à-direvivre, toujours, avec une ambitiondémesurée.Saint Laurent montre quel est leprix de cette exigence. D’autantque le couturier n’est pas un êtred’une grande solidité et qu’il traverseune période de dérèglementde tous les sens. Cette période,c’est la décennie 1966-1976, quele cinéaste a choisie autant pourl’excellence des collections quepropose Saint Laurent alors, quepour l’époque, excessive et sulfureuse,dont Jean-Jacques Schuhl,dans Ingrid Caven, avait déjà ressuscitéle parfum.Chez Bonello, Saint Laurent estdonc un camé grandiose, dont lecaractère introspectif est toujourspréservé par un Gaspard Ullieltout en retenue, tentant de dissoudredans la drogue et l’alcoolson angoisse, entre deux collectionsaudacieuses.Bertrand Bonello n’a pratiquementfilmé qu’en intérieur, de l’atelier austudio de création, des boîtes denuit aux chambres d’appartement.Il rend ainsi le sentiment d’enfermementd’un petit monde éprisde beauté absolue, sans oublierles échappées régulières de SaintLaurent au Maroc, qui n’ont pasété sans influence. Il a été ainsi l’undes premiers créateurs de mode àprésenter des modèles inspirés parles cultures d’autres continents.Saint Laurent, film vibrant, loindu biopic illustratif, immerge sonspectateur dans ces années grâceaux musiques (très riche bandesonore, comme toujours chezBonello), aux couleurs, aux costumesaussi bien sûr. Et montre unSaint Laurent dont la création esten phase avec son temps : le popart, le psychédélisme, la libérationdes femmes… Dans une séquencefrontale à sa manière, l’écran estdivisé en deux, avec d’un côté desimages d’archives des grands événementshistoriques (Mai 68, lesBlack Panthers, le printemps dePrague…) et de l’autre un défiléde modèles de cette période. Unemanière de suggérer que, si YvesSaint Laurent vivait dans unmonde parallèle à l’histoire entrain de se faire, il n’y était pasimperméable.Saint Laurent raconte aussi deuxhistoires d’amour extraordinaires.La plus passionnelle : celle qu’aconnue Yves Saint Laurent avec undandy, Jacques de Bascher (LouisGarrel, qui s’est fait un look à laFreddy Mercury), charnelle etdangereuse, qui a bouleversé pendantdes années le couturier, mêmeaprès leur rupture et la disparitionde Bascher, mort du sida.La plus durable : celle, bien sûr,entre Saint Laurent et Pierre Bergé(Jérémie Renier). Comme on leSaintLaurentBertrandBonello, 2 h 30.sait, Pierre Bergé a facilité et mêmecontrôlé le biopic de Jalil Lespert,Yves Saint Laurent, sorti au débutde l’année, et s’est opposé à laproduction du film de BertrandBonello. Le rôle que lui fait tenirce dernier ne se révèle pourtantpas négatif. Non seulement il aété un grand chef d’entreprise dela marque « YSL » – cf. la formidablescène de négociation avec unhomme d’affaires américain. Maisil a été un authentique amoureux,protégeant Saint Laurent non seulementpour le garder à lui maisaussi parce que celui-ci en avaitbesoin.Plus le film avance, plus l’émotionprend de l’ampleur, la créationdevenant pour Saint Laurenttoujours plus exigeante. BertrandBonello a eu aussi cette idée splendide,dans la dernière demi-heurede son film, d’introduire desséquences montrant YSL à la finde sa vie. La profonde mélancoliede Saint-Laurent y est palpabledans tous les plans. D’autantque le cinéaste a demandé àHelmut Berger d’interpréter cerôle. Helmut Berger, comédienviscontien, témoin d’une époquedécidément révolue.Christophe Kantcheff≥ 25 septembre 2014 Politis 25


idéesEntretien avec Paul Veyne« La fascination d’un monde aboli »L’historien de l’Antiquité romaine Paul Veyne publie son autobiographie.Le récit d’une vie de recherches et d’engagement.Et dans l’éternitéje ne m’ennuieraipas. Souvenirs,Paul Veyne, AlbinMichel, 272 p.,19,50 euros.26 Politis 25 septembre 2014Né en 1930 dans une famille de labourgeoisie méridionale (le père estnégociant), Paul Veyne découvretrès jeune son goût pour l’Antiquitélorsque, au cours d’une promenade dansles collines du Vaucluse, il trouve à 12 ansune pointe d’amphore romaine, témoignage« d’une ère antérieure », « tombée dansnotre siècle comme tombe des cieux unaérolithe ». Son amour des inscriptionsantiques, nombreuses dans la région,n’a d’égal que celui des livres, tous deuxl’éloignant de son milieu social pour le porterà devenir « un homme de culture ». Reçu àl’École normale supérieure (ENS) en 1951,comme Michel Foucault, l’un de ses plus chersamis, il rejoint ce dernier en 1975 au Collègede France. Esprit curieux, d’un caractèrejoyeux, Paul Veyne multipliera, tout au longde sa vie, rencontres et voyages, entre fouillesarchéologiques et observation des sociétéshumaines de son temps.Une statue de Vénus de l’époquegallo-romaine, fascinanterésurgence du passé.Vous vous livrez, dans ce livre de « souvenirs », avecune étonnante franchise. Ce récit d’une vie a-t-il étédouloureux à écrire ? Comment ce livre est-il né etquelles sont les raisons de son écriture ?Paul Veyne ≥ Ce livre est né de son dernierchapitre, si intime, douloureux, pathétique– et si différent des autres. Ce chapitredevait être, à l’origine, une plaquette dedeuil et d’aveu, réservée à des intimes et àdes proches : le récit d’un ménage à trois quine se cache pas, suivi de suicides, de cas deperversion, d’euthanasie due au drame dusida. En somme, tout ce qu’a connu et traverséma vieillesse (1)… L’éditeur auprès de quije cherchais à la faire imprimer à titre privém’a alors suggéré de la faire précéder du récitdu reste de mon existence. Suggestion qui, jel’avoue sans problème, a flatté ma vanité.Toutefois, j’ai senti que cette autobiographiene devait évidemment pas raconter ma vieni celle des miens, mais plutôt s’en tenir àce qui pouvait intéresser tout lecteur : lesTRIBOUILLARD/afpréalités sociales, politiques, institutionnellesque la vie m’a fait connaître, l’évolution desmœurs… Pour donner à comprendre certainséléments, certaines interrogations, telles queles suivantes : comment était-ce, Normale supou le Collège de France, dans les années 1950ou à partir des années 1970 ? Qu’était leParti communiste dans les années 1950 ?Pourquoi avions-nous été si nombreux, alors,à y adhérer ? En fait, l’envie m’est venue dem’expliquer ma propre existence.Vous êtes né dans une famille de droite, voire,durant l’Occupation, proche de la collaboration.Vous prenez votre carte au PCF en intégrant l’ENS,avant de rompre en 1956. Mais vous demeurez toutevotre vie un homme de gauche, engagé notammentcontre le colonialisme puis en faveur des droits desfemmes. La politique a-t-elle influencé votre travaild’historien ?C’est plutôt mon travail d’historienqui a influencé « ma » politique. Si, enpréparant l’ENS, je n’avais pas fait un peude philosophie ni appris les grandes lignesde l’histoire contemporaine, aurais-je euassez de recul sur les préjugés politiqueset sociaux de mon milieu d’origine ?Certainement non ! Mais il y a d’abord unfacteur individuel, quasiment d’instinct.Mes opinions politiques n’ont jamais étécelles de mon premier maître au cours demes années d’étudiant, Raymond Aron.Comme je le dis dans le livre, « son égoïsmesocial me réfrigérait », moi qui n’étais pas un« héritier » en termes de « capital culturel »,comme aurait dit mon condisciple rue d’Ulm,Pierre Bourdieu.Je me suis toujours senti « de gauche » au nomde l’équité sociale. Si mon adhésion au PCF futde courte durée – jusqu’en 1956, quand j’aidéchiré ma carte du parti –, cet engagementcorrespondait néanmoins à un réel désirde justice. Je n’ai pas changé sur ce point.Octogénaire, je continue à me soucier avanttout de la répartition de la richesse en Franceet ailleurs.Vous êtes l’un des grands historiens français de laRome antique. Qu’a représenté l’Antiquité pour vous ?Essentiellement un monde « autre », unmonde aboli, devenu invisible, qui occupaitpourtant l’emplacement de notre monde…C’était – et c’est toujours – pour moi quelquechose de fascinant. Comme la mort, cetteimmense contrepartie, cet envers inconnude l’existence. J’y ai consacré la majeurepartie de ma vie. Et cette fascination devantles inscriptions antiques ou les objets,marqués par le temps, qui ont échappé à ladisparition normale de toute chose, ne m’ajamais quitté.


idéesessaiLogique toujours colonialeVous avez consacré à Michel Foucault, l’un devos condisciples à l’ENS dès 1951, un ouvrageimportant (2). Quelle influence sa philosophie a-t-elleeue sur vous ?La philosophie de Foucault, ce scepticismene portant nullement sur les faits historiques,sur la réalité de la bataille de Crécy ou deschambres à gaz, mais seulement sur les idéesgénérales – le passé de l’humanité étantun immense cimetière de convictions etd’impératifs qui ne sont plus –, a été pourmoi une doctrine convaincante. L’humanitéest vouée à errer et à se tromper sans fin,sans jamais parvenir à une sienne vérité. Cequi n’interdit nullement de s’indigner contrecertains aspects de la réalité politique etsociale, de lutter contre ceux-ci, de se révolter.Mais à condition de ne pas en faire unethéorie – pire, une vérité. Cependant, ce qui acompté encore davantage pour moi, c’est laforce et la finesse de ses analyses historiques.Ce dont témoigne si parfaitement l’éditionposthume de ses cours. Nos rapports ont étéconstamment cordiaux, confiants et amicaux.Vous expliquez que, dès votre enfance, vous avez vouluvous éloigner de votre milieu d’origine, celui d’unebourgeoisie provinciale, afin de devenir, dites-vous,un « homme de culture ». Ce qui demeure sans douteaujourd’hui une grande joie pour vous, non ?Oui, mon désir de devenir homme deculture… Primo, tout le monde s’intéresseà la culture, qui ne se limite pas àBaudelaire, à Mozart ou au Tintoret, mais,statistiquement, et à considérer l’ensemble del’humanité, comprend avant tout des chosestelles que le football, le sport… Secundo,je crois que j’ai voulu inconsciemmentm’opposer à ma mère, qui rêvait pour ellemême,à travers moi, d’une ascension socialevéritable, un rêve d’enrichissement. Pourm’opposer à elle, à son autorité, je n’ai vouludevenir ni médecin, ni avocat, ni notaire. Maisme consacrer à un caprice (pour elle) cultureldéconcertant : l’étude de l’Antiquité. De fait,ma manie juvénile de faire de l’archéologie,de ramasser des tessons romains, avait le dond’exaspérer ma mère. Et la lecture précocede l’Éducation sentimentale, de Flaubert, aachevé de me convaincre de ne pas suivre unecarrière plus usuelle. Allons, laissez-moi toutdire ici, et servir la science psychologique :pour embêter ma mère, j’ai été énurétique,jusqu’à la puberté !≥ Propos recueillis par Olivier Doubre(1) Ce chapitre raconte l’une des grandes épreuves de la vie dePaul Veyne. Au début des années 1980, le fils de sa compagned’alors, monté à Paris, se met à se prostituer dans un sauna gay.Il sera bientôt contaminé (et condamné) par le virus du sida.(2) Foucault, sa pensée, sa personne, Paul Veyne, Albin Michel,2008.En choisissant le titre deson livre, Edwy Plenela souhaité se référer àun article méconnu de Zola,paru deux ans avant sonfameux J’accuse. Pour lesjuifs a marqué l’engagementde l’auteur de l’Assommoirdans la défense de Dreyfuset, plus largement, contrel’antisémitisme. Pourles musulmans est uneinterpellation à l’adressed’une France gagnée parune islamophobie quasiofficielle. Une France quine s’étonne pas d’entendresur une radio de servicepublic un académicien,Alain Finkielkraut, affirmerqu’il y a dans notre pays« un problème de l’islam ».Car voilà bien pourquoi laréférence à Zola n’est passeulement formelle.Si l’antisémitisme ressurgitpériodiquement, en relationavec les événements duProche-Orient, s’il minetoujours une partie denotre société, il ne figureplus dans le discours desresponsables publics. Et,lorsque c’est le cas, on parlede « dérapage ». Rien detel avec l’islamophobie,qu’un éditorialiste trèsétabli pouvait, en 2003,revendiquer comme unelégitime « opinion ».Et lorsqu’on demandeà Manuel Valls, encoreministre de l’Intérieur,quels sont les trois défisdes dix prochaines années,il cite « l’immigration, lacompatibilité de l’islamavec la démocratie, et leregroupement familial ».C’est-à-dire, à peu de choseprès, trois fois l’islam. Unislam évidemment uniforme,indistinct et global. Quant àNicolas Sarkozy, il n’hésitepas, lui, à établir unehiérarchie des civilisations,démontrant ainsi quela logique coloniale esttoujours à l’œuvre.On retrouve dans cetteislamophobie ancrée dansle discours officiel lesinvariants d’un racismehélas éternel : la rechercheEdwy Plenel démonteles mécanismes d’uneislamophobie quasi officielle.Pour lesmusulmans,Edwy Plenel,La Découverte,135 p., 12 euros.de boucs émissaires – le plussouvent pour « ethniciser »la question sociale – et cetteessentialisation qui réduit lesmusulmans, comme jadis lesjuifs, à une seule composantede leur identité.Chemin faisant, le fondateurde Mediapart ouvre sonpropos à des problématiquesévidemment associées : lerapport de la République à lareligion et les détournementsde la laïcité. Il convoquequelques grands auteursmarxistes, à commencerpar Marx lui-même, dont ilrevisite la fameuse formule« la religion est l’opium dupeuple », plus complexeque l’usage qui en est faitaujourd’hui. Où l’on voit,pour citer Trotski, quec’est le « chaos terrestre »qu’il faut abolir, puisque le« chaos religieux » n’en estque le reflet. Mais Pleneln’élude pas les dérives d’uncertain islam, même s’il estle fait d’une infime minorité.Il mesure cependant la partdes responsabilités. Il citeEdward Saïd qui évoquaitcet « islam » « résolumentprêt à jouer le rôle que luia instinctivement assignél’Occident, soumis àl’orthodoxie dominanteet en proie au désespoir ».C’est vrai, bien sûr, auProche et au Moyen-Orient.C’est vrai aussi en France,quand les crispationsidentitaires finissent parrépondre aux sommations àl’assimilation qui sont autantde dénis d’identité.Denis Sieffert≥ 25 septembre 2014 Politis 27


médiasDieu reconnaîtra sa sérieArte lance la saison 2 de sa fiction Ainsi soient-ils. Dans les arcanes de l’Église,à contre-courant de nombre de productions, mais avec le succès à la clé.Le hasard du calendrier, çan’existe pas, ou peu. Deuxsemaines après que le géantaméricain de la vidéo à lademande, Netflix, avec ses séries àhaute dose, a débarqué en France,Arte diffuse la deuxième saisond’une série inaugurée voilà deuxans déjà, Ainsi soient-ils. Une fictionen huit volets annoncée et programméelongtemps à l’avance parla chaîne franco-allemande.Écrite par David Elkaïm, VincentPoymiro et Arthur Harari, réaliséepar Rodolphe Tissot, cette sériemet en scène une poignée de jeunesséminaristes à Paris. Un étudianten archéologie, un fiston dont lamère est immature, le rejeton d’unriche entrepreneur, un petit caïden quête de rédemption (entrela saison 1 et 2, un séminariste alâché prise). Tous placés sous l’ailed’un ancien prêtre-ouvrier, mentorassumé, puis remplacé par un autresupérieur, acariâtre, austère, loinde tout paternalisme. En un lieuoù se pêle-mêlent une économieen berne, des luttes de pouvoir,des doutes et des failles, le rapportà la foi et à l’engagement, et,au-dessus de toutes les têtes, unepolitique politicienne menée par leVatican. Tout le théâtre de l’Église,pas moins, et pas vraiment un longfleuve tranquille.La série aurait pu être un regardsur la vie d’un séminaire, àl’encéphalogramme plat. Du tout.C’est que les rumeurs de la ville,ses chaos, pénètrent facilementdans les murs. Les Capucins n’ontrien d’un camp retranché à l’écartUne sérieportée parplusieurspersonnagesqui viventavec leurtemps.du monde. Dans la saison 1, étaitlargement développée la questiondes sans-abri, de la sexualitéet de l’homosexualité ; dans cetteseconde saison, celle du mariagepour tous (entre crispation ettolérance). Ce sont des séminaristesqui écoutent de la musiquecontemporaine,fument, boiventdes coups, jurent,poussent au blasphème,réparent uneplomberie, s’inscriventdans les débatsde société, parlent de sexe, s’insurgeantquand on voudrait lesfaire passer pour de « simplescréatures à qui on a ajouté unebite en plus ». Des hommes deleur temps.Tout le théâtrede l’Église, pasvraiment un longfleuve tranquille.C’est toute l’originalité de cettefiction, à la fois intime et universelle,époustouflante immersiondans les arcanes de l’Église. Avecquelque chose de singulier : lemanque d’artifice et la simplicité.En témoigne cette scène où deuxapprentis prêtres viennent confronterleur vocation auxquestions de gaminsdans une école primaire,des questionsdirectes, naïves etfinalement des plusdélicates.Même simplicité dans la bandesonore, ou plutôt l’absence d’unecertaine tonalité, celle qui faussementrenforcerait un suspense,avec ses notes anxiogènes. À l’instardes non-dits, des silences, des© Zadig Productionshésitations ponctuant le discours,des séquences qui semblent prendreleur temps. Non pas qu’elle avanceau ralenti, mais elle ne surajoutepas, tout en restant rythmée, bouleverséedans l’entrelacs de sesintrigues.Finement réalisée, jouissant desombres et lumières que prêteaisément le cadre, au diapasondes tourments intérieurs, la séries’enorgueillit aussi de la densité deses caractères, de ses comédiens.Ainsi soient-ils n’est pas portéepar un personnage, un seul hérosou anti-héros, mais plusieurs.Plusieurs fortes personnalités quifont de la série un travail d’équipeéquilibré, où chacun prend à sontour le récit à son compte.S’y distinguent tout de même troiscaractères, crevant l’écran (commeon dit) : Samuel Jouy, dans la peaud’un dur à cuire, réprouvé exemplaire,dans le rôle de José del Sarte,et dont le nom renvoie directementaux tableaux réalistes du peintre dela Renaissance ; Thierry Gimenez,en père Bosco, atrabilaire en butteà la maladie, volontariste, autoritaire; ou encore Jacques Bonnaffé,en président de la Conférence desévêques, prodigieux, tout en subtilité,fragile, fébrile, puissant, passantd’un registre à l’autre, concentrantpeut-être à lui seul tout ce querecèle Ainsi soient-ils. Autant decomédiens remarquables, dans uneœuvre s’épargnant donc les stars etla spectacularisation.Résolument à contre-courantd’une production française ouinternationale tournée principalementvers le polar, le fantastiqueou la fiction politique, la premièresaison avait connu un réel succèsd’audience (jusqu’à 1,5 million detéléspectateurs). Ce qui tendrait àprouver que la création originale aencore des jours devant elle. Surtoutquand elle prend des risques.≥ Jean-Claude RenardAinsi soient-ils, à partir du jeudi 2 octobre,20 h 50, Arte (deux épisodes chaque jeudi).À vos postesTélévisionLes Faussairesde l’histoireDimanche 28 septembre,à 22 h 25, sur France 5Valérie Igounet et MichaëlPrazan retracent l’histoire dunégationnisme, dès l’après-guerre,chez les nostalgiques du régimenazi. Un décryptage du discoursde haine dissimulé derrièreles masques de l’historicité etdu militantisme politique.Cures thermales :business ou santé ?Mardi 30 septembre, à 20 h 35,sur France 5Une enquête de Nathalie Chiesasur les enjeux du thermalisme,comptant plus de 110 000 emplois,coûtant plus de 230 millions àl’assurance maladie, et largemententretenu par les lobbies.Un air de paradis :MadagascarMercredi 1 er octobre, à 20 h 45,sur France ÔRetracé par Thomas Delorme etPatrick Dedole, le sombre tableaude l’île : des essences rares priséespar l’industrie du luxe, un sous-solconvoité, un territoire malmenépar les coups d’État, un tourismesexuel à côté des palaces…Les garçons de RollinVendredi 3 octobre, à 23 h 15,sur France 3Retour sur un lycée parisien,au pied du Sacré-Cœur, théâtred’activité politique intense sousl’Occupation, avec ses résistants,mais aussi ses collabos. Uneévocation de Claude Ventura.28 Politis 25 septembre 2014


Chroniquede bonne humeurSébastien FontenelleIl revientIl revient.Pour dire toute la vérité : il n’étaitjamais complètement parti.Dans le cours des deux annéesqui viennent de s’écouler, parexemple, il a régulièrement lâchédans l’espace public des sailliessales. Et comme les journalistesdominants sont pris par lui commedes insectes peuvent l’être lanuit par les phares d’une vieilleVolvo 122 quand l’été tombe surla Suède (1) – et lui réservent,par conséquent, une placeToujours aussidroitier, ilproclame qu’il vasauver le votatde ses tentationspéniques.d’honneur aux tablées où se forgel’opinion –, ses proférations, pourincommodantes qu’elles aientété, ont été partout placardées, àl’évidente fin que nul(le) ne puisseles ignorer, et que chacun(e), parconséquent, s’en imprègne, fût-ceà l’insu de son plein gré.Il revient, et il serait faux deprétendre qu’il est toujours dedroite, car, en vérité, il l’est bienplus encore – et crois-moi, ce n’estpas peu dire – qu’en, disons, 2012.Son style, typically réactionnaire(and so orwellish), est connu :à chaque fois qu’il énonce unes****erie, il beugle – si fort,des fois, qu’on le dirait prisd’exaltisme – que c’est unevérité absolue, et qu’elle est sidérangeante qu’il est seul à la dire– personne d’autre ose, personned’autre a comme lui, c’est induit,les cojones nécessaires à laculture de ces désinhibitions –,et que c’est pour ça que deméchantes gens lui en veulentsi fort, pââârce que moi, tu vois,j’sais c’que j’vois, j’dis c’que j’vois,j’dis c’que j’sais, j’sais c’que j’dis,j’vois c’que j’sais (2) – et qu’ypuis-je, m’sieur Pujadas, si toutça m’fait finalement déclamer touthaut c’que la Pen récite de même ?Puis de conclure : « Tout le mondecomprend que, si je ne dis pas quela racaille croît et se multiplie,et qu’elle porte souventes fois– est-ce de ma faute si c’est ceque je constate à chaque fois queje m’aventure, tous les quatreà sept ans, au-delà du seuil demon cossu chez-moi – les signesdistinctifs des musulman(e)sd’apparence, cela fera le jeu duFront national, alors vos gueules,les bien-pensant(e)s, et shut up,les gauchistes, et arrêtez de medemander de me calmer, je SUISCALME, PUUUTAIIIN ! »Il revient, toujours aussi droitierdonc, et toujours aussi excité,toujours aussi plein de tics &mimiques limite halluciné(e) s,toujours aussi incommodant,toujours aussi plein d’unepontifiance manipulatrice oùla détestation de l’Autre sedrape dans une iconoclastie decarnaval. Il revient, et de nouveauil proclame qu’il va sauver le votatde ses tentations péniques – en luinarrant qu’il a raison de se vautrerdans des phobies d’un autre âge.Et comme de juste : la presseaccourt. Et comme de juste :Arnaud Lagardère lui ouvre en– très – grand, comme il fait– très – régulièrement, les pagesde son Journal du Dimanche.Finkielkraut (3) revient, une foisde plus – et c’est, comme à chaquefois, totalement insupportable.(1) «Holy sh*t, mais comment qu’tu t’la donnes,buddy : j’avais plus rien lu d’aussi beau depuisle premier paragraphe du Patriot Act » (DonaldH. Rumsfeld).(2) Et j’te laisse continuer, parce que c’est unpeu chiant, là.(3) Who else ?mots croisésGrille n° 2661234567891011I II III IV V VI VII VIII IXSolution de la grille n° 2651. Cervantes2. Écœurant3. Land. Arte4. Éliai. Der5. Ban. Guéri6. Risbans7. As. Ami. Fi8. Amitiés9. Ïambe. Olé10. Oreo. Ôtée11. Nénupharspar Jean-François DemayI. CélébrationII. Écalais. AreIII. Ronins. AmenIV. Veda. BambouV. Au. IgamieVI. NRA. Unit. OhVII. Tardes. IotaVIII. Enter. FêlerIX. EnseignantsHORIZONTAL :1. En campagne, ils marchent à labaguette. 2. Pour aller à la plageen voiture. 3. En Arles. Accord enUkraine. Rudiments de la langue.4. Négligés au Japon. 5. Commeles dépouilles de Vercingétorix.Organisation libertaire. 6. Composantde l’azote. Dégagé sans moutons.7. Il n’a laissé nulle trace. 8. Tantde vertus, tant de péchés. Bey duBosphore. 9. Pièce de la datcha.Réfléchît avant de décider.10. Frottas longtemps. C’est-à-dire.11. C’est qu’ils ont remonté leurs bas.VERTICAL :I. Chantres du retour. II. Deschiffres et des lettres. Pas blanchi.III. La clé des chants. Note. GenreAFP en Amérique. Pour frapperLouis. IV. Charre à bluff. V. Boîteà idées. Guère amateur de Siné.VI. Pensée robotique. Récompensépour ses toiles. VII. Libertin pendupar les pieds. Armand, la maîtressede Lénine. VIII. Papier pour uncompte. Relative à un prêtreromain. IX. Avec leur confiance,on ne leur fait pas confiance.25 septembre 2014 Politis 29


courrier PolitisCourrier des lecteurs, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris. Fax : 01 43 48 04 00. e-mail : pagecourrier@politis.frAgendaPartout en France : 27 septembre,Journée de la transition, organisée parle Collectif de la transition citoyenne.www.transitioncitoyenne.org/27septembreParis XIII e : 27 septembre, de 14 h à 20 h,Fête de la Commune de Paris.Place de la Commune-de-Paris-1871.www.commune1871.orgNantes (44) : 28 septembre,de 10 h à 19 h, Alternatiba Nantes,le village des alternatives.Quartier Bouffay.http://alternatiba.eu/nantes/Toulouse (31) : 29 septembre, 20 h 30,débat : « Solidarité avec laPalestine », organisé par le CSP 31,avec Pascal Boniface.Bourse du travail, 19, place St-Sernin.Nice (06) : 1 er octobre, 18 h 30,débat : « Pourquoi l’accord de libreéchangeUSA-UE menace tous lescitoyens ? », organisé par le CollectifStop Tafta 06, avec Susan George.Salle des associations, place Garibaldi.Poitiers (86) : 1 er octobre, 20 h,Café repaire de « Là-bas si j’y suis ».Le Plan B, 30-32, bd du Grand-Cerf.Paris XI e : 3 octobre, de 9 h 30 à 17 h,journée de mobilisation : « Lesassociations face à leur avenir ».Ageca, 177, rue de Charonne.www.associations-citoyennes.netJosselin (56) : 4 octobre, à partir de14 h, Fête de la transition : « La marmitedéborde d’énergie », stand Politis.Centre socioculturel L’Écusson,rue du Pont-Mareuc.http://josselinentransition.orgRouen (76) : 4 octobre, à 15 h,AG constitutive d’Alternatiba-Rouen à la ferme des Bouillons(Mont-Saint-Aignan).contact : sylvie.fusil@dbmail.comLille (59) : 4 et 5 octobre,à partir de 10 h, Alternatiba Lille,le village des alternatives. TablePolitis, le 4, dans l’après-midi.Place de la République.http://alternatiba.eu/lille/Consultez l’agendamilitant mis à jourrégulièrement surJe viens d’apprendrela disparitionde Fabrice Ferrari, à46 ans, des suites d’un cancer. Ilavait été le premier monteurd’« Arrêt sur images », j’en étais ledocumentaliste. Nous avons travailléplusieurs années ensemblechez Riff productions. C’étaitl’époque où l’on pouvait encorecroiser Pierre Carles dans les sallesde montage d’émissions formatéesde la télévision française, auxquellesl’un et l’autre allaient progressivementrenoncer ou qu’ils allaientinfléchir de leur regard combatif.Pierre Carles pour le début des aventuresde Pas vu pas pris, Fabricepour la réalisation et la productionindépendante à travers La VakaProduction, la boîte qu’il avaitmontée avec Gilles Perret dans saSavoie natale, et à qui l’on doit, entreautres, le formidable les Jours heureux,consacré à l’élaboration et àl’héritage du programme du Conseilnational de la Résistance.C’était un grand type sympathiqueet chaleureux. Je ne l’ai jamais vus’énerver contre qui que ce soit, ycompris contre les fumistes cathodiques,dont il préférait sourire discrètement.Il était lucide et malin. Iln’a jamais baissé les bras. Seule cettesaleté de crabe a eu raison de sonoptimisme et de sa détermination.Le (bon) documentaire perd unpilier, et nous sommes nombreuxà perdre un ami.≥ Alain AdeJe souhaiteréagir à propos devotre dossier (bienvenu) surla VI e République, paru dans len°1318 de Politis. Pour regretterque vous n’ayez pas mentionnéque le mode de désignation mêmede l’Assemblée constituante faisaitdébat. Une critique de plus enplus forte se fait entendre dansles cercles alternatifs à propos duPolitisPrésident, directeur2, impasse Delaunayde la publication75011 Pariset de la rédactionTél. : 01 55 25 86 86Denis SieffertFax : 01 43 48 04 00Directeur déléguéwww.politis.frLaurent Laborieredaction@politis.frRédacteur en chefFondateur Bernard LangloisChristophe KantcheffPolitis est édité par Politis,Rédacteurs en chef adjointssociété par actions simplifiéeThierry Brun, Michel Soudaisau capital de 941 000 e.Première rédactrice graphistePascale Bonnardelsystème électif comme gage dedémocratie. Vous auriez pu évoquerl’émergence des Citoyensconstituants ou bien vous entreteniravec Étienne Chouard, penseurfaisant la promotion activedu tirage au sort.En effet, lorsqu’on réaffirme lebesoin de souveraineté populairepour faire face aux défis denotre temps, l’exposé des traversoligarchiques du système électifmérite d’être entendu. Il peut alimentersalutairement le débat surles garanties d’indépendance et laliberté d’action de nos législateurs.Vincent Vaucouloux≥ Quarantetroisofficiersisraéliens d’une unité prestigieuseont refusé, dans une lettreouverte, de participer à touteaction « portant préjudice à lapopulation palestinienne ». Ilsrisquent la prison.Nombreux sont les écrivainset les cinéastes israéliens portantsur la société israélienne unregard lucide et critique. Tous lesIsraéliens, tous lesJuifs du monde nesont pas d’accord,loin de là, avec lapolitique de l’actuelgouvernementisraélien. […]Le film l’Institutrice,de Nadav Lapid, est deces œuvres généreuses qui nousmontrent les contradictions, lesrichesses culturelles et spirituelleset les tendances matérialistes brutalesde l’Israël d’aujourd’hui[voir notre critique dans Politisn° 1318, NDLR]. Et il nous donneà voir, avec nuance et précision,toutes les tentations de mainmisesur l’enfance, quand celle-ci estgéniale, de la part des adultes.Avec les pires et les meilleuresintentions. Il faut voir ce film. Eten parler !AbonnementPour toute question,appeler le 03 80 48 95 36,ou envoyer un courriel àabonnement@politis.fr≥ Jacques PiraudImpressionConseil Distribution-DiffusionAbonnementsRivet Presse Édition BPK.D.Politis -1977, 87022 LimogesTél. : 01 42 46 02 20Service AbonnementCedex 9 - Imprimé sur papierwww.kdpresse.com12, rue du Cap-Vertcertifié PEFCUn site de Presstalis21800 Quetignyindique égalementTél. : 03 80 48 95 36où trouver PolitisFax : 03 80 48 10 34www.trouverlapresse.comCourriel :Numéro de commissionabonnement@politis.frparitaire : 0112C88695,ISSN : 1290-5550Chez les historiens,il est courantde faire commencer leXIX e siècle en 1815, avec la fin del’Empire napoléonien et le Congrèsde Vienne, et de faire commencerle XX e en 1914, avec le début de laPremière Guerre mondiale.Nous sommes en 2014 : peutondire que le XXI e siècle a commencé? Il est bien sûr trop tôtpour affirmer quoi que ce soit enla matière, même si certains sontprêts à assurer qu’il a commencéen 2007 avec la crise des subprimeset la crise financière qui a suivi.Lorsque les historiens du futur (s’ilen reste !) livreront leur verdict, ilsne manqueront pas de choisir cettedate si les choses restent en l’état :système économique et social exigeantune croissance pour subsister,croissance devenue chimère et quine revient plus, économie fondéesur le jetable et les faux besoinspour essayer de la relancer, accompagnéed’une destruction progressivede la planète à coups de pollution,de réchauffement climatiqueet de raréfaction dramatique desressources naturelles non renouvelables,eau potable comprise,et de dumping social de la part dechaque État dans son coin pouressayer vainement de sauver sapropre économie.Quelle date faudra-t-il attendrequi puisse remplacer 2007 dansle choix des historiens du futur ?Une date qui marquerait un changementde paradigme quant auxmodes de consommation, unerévolution dans les conceptionséconomiques dominantes. Cettedate arrivera-t-elle avant la findu XXI e siècle ou bien faudra-t-ilattendre 2115 pour que l’état dela planète impose ces bouleversementset que cette date marque ledébut du XXII e siècle ? Arrivera-telleà temps pour assurer la pérennitéde l’humanité ?Jean-Jacques Corrio≥ Je suis trèsétonné qu’au sujetdu loup, dans le n° 1319, Politislivre le point de vue de laConfédération paysanne, qui s’estdéchirée sur les prédateurs pourfinalement trancher sur une lignedure anti-loup.Certes, il y a desdétresses réelles et des contextes30 Politis 25 septembre 2014


difficiles qu’il faut exposer, maisne donner aucun contrechamp,ne faire aucune mise en perspectiveet, surtout, faire comme lesautres médias tout cet été ! Libé,le Figaro… tous ont fait leur papieren faveur d’un tir maximum deloups. L’élimination ponctuellede loups n’est pas condamnableen soi, mais laisser invoquer le tird’un animal dans une zone cœurdu parc national : où va Politis ? Lesangoisses et contraintes ne doiventpas être sous-estimées, mais l’abandonde la profession par le ministère,une PAC qui continue à aiderles gros, des jeunes éleveurs inexpérimentésqu’on envoie au cassepipedans un terroir difficile car onne prépare pas bien leur installation,les traitements chimiques deplus en plus lourds des troupeauxrendant folles les abeilles même enmontagne… C’est tout un modèlequ’il faut revoir.Mon canard me déçoit. Dans cepapier, se retrouvent tous les poncifsdu dossier depuis vingt ans :« C’était mieux quand on pouvaitlaisser les brebis seules en montagne», ce qui n’est pas normal ;les « patous pas efficaces et agressifs», il n’y a pas de panacée, maissi on n’investit pas le savoir-fairede l’utilisation de ces chiens, ça nerisque pas de marcher.Farid Benhammou≥ Ne confondons pas « reportage »avec « prise de position », et Politisa publié suffisamment d’articles prolouppour ne pas passer pour unegirouette. P. PUne Scop, à traversla déterminationde 12 rescapés desVolcans de Clermont-Ferrand, vientde faire renaître cette bonne librairie.Le site appartenait précédemmentau réseau Chapitre et avaitété placé en liquidation judiciaireen 2013.L’ampleur de l’affluence publiqueenregistrée lors du premier jour deréouverture de la librairie laisseaugurer d’une possible pérennitédu livre – et de ses dérivés. […]Que vivent Les Volcans d’Auvergne,et encore bravo aux protagonistesvaleureux ! Une librairie constitueun incontournable espace d’inspirationet de rencontre, un lieu du« lire ensemble ».Michel Angeleri≥ Je soutiens, je m’abonneBulletin d’abonnement à retourner à :POLITIS Service Abonnement - 12, rue du Cap-vert 21800 quetigny ● 03 80 48 95 36 ● abonnement@politis.frMes coordonnéesnom :Prénom :Adresse :Privilégiezle prélèvementautomatique !≠ souple,≠ pratique,≠ économique...Ville :Code postal : Tél. :Courriel :TOUT POLITISVOTRE HEBDO, PARTOUT, TOUT LE TEMPSAbonnez-vous à la newsletter gratuite (hebdo) de Politis, www.Politis.frChoisissez votre mode de règlement❑ Chèque banCaire ❑ espèCes❑ Carte banCaire n° Expire le Les 3 derniers chiffres au dos de la carteSignature (obligatoire) :ManDat De prélèveMent sepa J’autorise Politis à envoyer des instructions à ma banque pour débiter mon compte, conformément aux instructions de Politis.Je bénéficie du droit d’être remboursé par ma banque selon les conditions décrites dans la convention que j’ai passée avec celle-ci. Une demande de remboursement doitêtre présentée dans les 8 semaines suivant la date de débit de mon compte pour un prélèvement autorisé. N° ICS : FR53ZZZ521498titulaire Du CoMpte à Débiternom : Prénom :Adresse : Code postal : Ville :DésiGnation Du CoMpte à DébiterIBAn - numéro d’identification international du compte bancaire :BIC - Code international d’identification de votre banque :référenCe unique Du ManDat (ruM) - Sera rempli par Politis :Paiement répétitifFait à : Date : Signature (obligatoire) :Important : joindre un relevé d’identité bancaire* Offre à durée limitée réservée aux nouveaux abonnés. Valable pour la France métropolitaine et renouvelée par tacite reconduction au tarif normal (11 €). Pour les DOM-TOM et l’étranger, nous consulter.Dans la limite des stocks disponibles. Vous pouvez interrompre votre abonnement à tout moment sur simple demande. Les prix sont garantis pour la 1 re année. Certaines banques débitent des frais de mise en route lors du premier prélèvement.Si vous ne souhaitez pas que vos coordonnées soient communiquées à des sociétés partenaires, cochez ici ❑Conformément à la loi informatique et libertés n°78.17 du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant.Abonnez-vous en ligne sur www.politis.fr1 DVD offert aux nouveaux abonnésÀ ciel ouvertFilm de Mariana Otero,J’abonne un aminom :Prénom :Adresse :Choisissez votre abonnement +❑ TOUT POLITIS© Blaq Out. 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