ChroniqueL’éconOmie À contre-courantGérard DuménilMembre du conseil scientifique d’Attac.Un mal français, le déclinde l’investissement ?Les derniers chiffres publiés parl’Insee concernant l’investissementen France sont alarmants. Car lecours passé de l’investissement etsa situation actuelle commandentla tendance de l’emploi à pluslong terme. Branle-bas de combatdans les rangs de la gauche dedroite. L’Élysée réunit les assisesde l’investissement. FrançoisHollande, Emmanuel Macron etMichel Sapin sont sur le pont face à250 responsables d’entreprises etde grandes banques.La situation est pire auxÉtats-Unis, et toute lazone euro est touchée.Le Medef, dont le moral est au beaufixe, multiplie des promesses quiferaient rire (un million d’emploiscréés) si la situation n’était pasgravissime. « Mais il y a bien unprix à payer », on s’en doutait,celui des nouvelles concessionsdemandées aux classespopulaires : temps de travail,salaire minimum… Tout y passe.Le mal est-il grave ? Laréponse est « oui ». Depuisles années 1980, à travers lasuccession des accélérationset des récessions du cycle15 %11 %1985conjoncturel, la tendance du tauxd’investissement est clairementorientée à la baisse. Ce mal est-ilspécifiquement français ? Laréponse est « non ». La situationest pire aux États-Unis, mais ilfaut surtout savoir qu’elle affectel’Europe dans sa globalité, etnotamment la zone euro.La courbe ci-dessous montre lapart de l’investissement productifet en infrastructures (donc horslogement) dans le PIB des pays dela zone euro. On y observele déclin graduel et unnouveau plongeon, en effettrès inquiétant. On nousdira que l’Allemagne s’entire mieux. Concernantl’ensemble de l’investissement,rien de tel n’apparaît dans lesdonnées. La vraie spécificité de cepays est que la part des machineset des équipements dans le totalest plus élevée qu’en France, ce quicorrespond à la voie industriellesuivie par l’Allemagne, à l’opposéde la financiarisation à la française,à la Balladur et autres (1).Savoir que la France n’est pas seulen’est pas une consolation, maiscela en dit long sur l’origine de cedéclin. Au moins ceci : le modèlesocial français n’est pas seul encause.Investissement productif et en infrastructuresdans le PIB des pays de la zone euro199019952000Source : Commission européenne, Annual Macroeconomic Database.16 Politis 25 septembre 2014200520102013Le12 septembre,jour demanifestation,un gendarmesurveille lazone où doitêtre construitle barrage.GABALDA/afp(1) Lepourcentagedes machineset équipementsdans le totalest aujourd’huide 60 % enAllemagne,contre 47 %en France.(1) Voir Politisn° 1318, du11 septembre.(2) Lire : www.reporterre.net/spip.php?article6262(3) www.letarnlibre.com,16 septembre.environnement La lutte contre le barragedu Testet s’étend désormais à l’échelon politique.Les anti-barragene veulent pas céderLe déboisement est terminé,la zone humide du Testet,au bord de la rivière Tescou,dans le Tarn, n’est plus qu’uneplaine saccagée. Les opposants,cible d’interventions muscléesdes forces de l’ordre, n’ont puque retarder l’avancée des bulldozers(1), là où le conseil général aprévu la construction d’un barrageprincipalement dédié à l’irrigationde cultures de maïs.Durant cette fausse trêve, SégolèneRoyal, qui s’était désintéressée del’affaire dans un premier temps (2),a demandé au conseil généralla confirmation du respect desconsignes ministérielles concernantl’intervention sur une tellezone, l’une des plus importantesréserves de biodiversité du département.La réponse affirmative etexpéditive du président, le socialisteThierry Carcenac, n’a pas dûla convaincre. Deux experts ont étéenvoyés sur place « pour éclairercertains aspects » du projet.Alors que leur rapport est attendurapidement, la contestation sedéveloppe aussi sur le terrainpolitique. Tandis que l’écho desaffrontements avait largementdépassé le périmètre du département,une soixantaine d’élusd’Europe Écologie-Les Verts(EELV) et du Parti de gauche exigeaientdans une lettre ouverte,le 10 septembre, que « cessentles violences incompréhensiblesà l’égard des opposants au projetde barrage et qu’un moratoiresoit décidé, avec l’arrêt immédiatdu déboisement ». Et ThierryCarcenac recevait une délégationde neuf élus écologistes locaux,premier échange entre le principalpromoteur du projet et des représentantsdes opposants.Guillaume Cros, conseiller régionalEELV, estime le président du conseilrégional ouvert à des discussions« pour évoquer un éventuel redimensionnementdu projet », alorsque ce dernier aurait évoqué desincertitudes sur l’obtention rapidede fonds européens, de l’ordre de20 % des 8,4 millions du coût présuméde la retenue (3).Dans sa réponse à la lettre ouverte,Thierry Carcenac minimise cependantles dégâts écologiques irréversibles: l’aire déboisée ne représenteque 13,4 hectares sur les 700 quecompte le patrimoine départemental,et ils seront compensés par laréhabilitation en zones humidesde 20 hectares de terres dégradées.Une comptabilité aberranteen termes écologiques : la surfacede compensation est morcelée enneuf parcelles, dont certaines necorrespondent pas au profil d’unezone humide.Par ailleurs, le président du conseilgénéral allègue que tous les recoursjuridiques ont été épuisés, ce quiest faux. À Notre-Dame-des-Landes, les opposants ont obtenuun moratoire sur les travaux duprojet d’aéroport tant que la justicen’aura pas dit le dernier mot. AuTestet, les anti-barrage réclamentle même traitement.≥ Patrick Piro
agriculture De plus en plus présents sur le marché,les vins biologiques sont-ils vraiment au-dessus de tout soupçon ?Des verres à moitié bioEn quelques années, la mutationdes vignobles en bio a étéla plus importante de l’évolutionagricole en France. Une extensionde 41 % des surfaces entre2011 et 2013, selon l’Agence Bio.Et 20 % des exploitations cultivéessans chimie sont consacrées au vin.Au moins deux explications à cebond spectaculaire de la production.D’abord, nombre de viticulteursredoutent les effets des produitsphytosanitaires sur leur santé ;ensuite, beaucoup ont vu dans cetteproduction un créneau porteur lié àun phénomène de mode – même s’ilne faut pas négliger l’importance etle rôle des jeunes viticulteurs passionnéspar une nouvelle approchede leur métier.Pour Jean-Marc Carité, responsabledes éditions Utovieet rédacteur en chef de la revueVin bio magazine, « on ne peutque se réjouir de l’extensiondes vignobles en bio, car c’estau moins une diminution desintrants chimiques épandusdans le sol, même si des grandsdomaines de Bourgogne ou duMédoc s’y mettent moins par“philosophie” que parce qu’ilsconstatent que leurs terres sonten train de mourir ».Un optimisme pas forcément partagé.À la Fédération nationale del’agriculture biologique (Fnab),certains estiment (discrètement)que la nouvelle réglementationeuropéenne peut ouvrir la voieà des dérives, notamment via lagrande distribution.Depuis le 1 er juillet 2012, la vinificationest très encadrée, avec uneliste réduite (par rapport aux pratiquesconventionnelles) d’intrantsautorisés dans la composition dubreuvage. Le vin « issu de raisinsde l’agriculture biologique » estdevenu « vin biologique ». Maiscette nouvelle réglementation comportedes contraintes complexes,La photo de la semaineouvrant la voie à de nombreusesinterprétations. Par exemple, « certainsintrants œnologiques doiventêtre d’origine bio s’il existe des disponibilitéscommerciales », unedisposition qui pourrait aboutirà une production plus difficile àcontrôler par les organismes decertification.Ce sont ces produits mal définisqui colonisent cette année les foiresaux vins des grandes surfaces, lesvins bio représentant actuellement35 % des achats. Les cavistes et lesmagasins bio sont, en général, plusattentifs à la qualité et au respectde la législation que les gestionnairesde grandes surfaces. Mêmes’il ne faut pas oublier qu’un vinbio, c’est-à-dire exempt de chimie,n’est pas forcément, d’un point devue organoleptique, un « bon »vin. Car les nouveaux convertis nesont pas obligatoirement de bonsvignerons.Urgence≥ Claude-Marie VadrotLe 21septembre,la marchepour le climata rassembléplus de300 000personnes àNew York. Unemobilisationpourinterpellerles dirigeantsà la veilledu sommetdes Nationsunies sur lechangementclimatique.Burton/GETTYIMAGES NORTHAMERICA/AFPpourTerra EcoLa revue lanceun appel aux donset aux abonnements.Tourné vers l’économie socialeet solidaire et les enjeux dudéveloppement durable, créé en2004, déjà fort de 170 numéros,le magazine bimédia TerraEco connaît de graves difficultésfinancières.Le titre peut s’enorgueillir de15000 abonnés et de 300000 lecteurs,ce qui est important, certes,mais bien insuffisant pour garantirsa pérennité. Il est confronté à unebaisse de ses recettes publicitaireset à un contexte économique difficile.Terra Eco a donc lancé le16 septembre un appel à ses lecteurs.La barre est élevée, reconnaîtle journal, mais il y va de sasurvie (et de ses 21 postes).L’objectif est fixé à 500000 euros,dont la moitié en dons et en abonnements.« Cette somme doitpermettre au journal de passerla vague, juge David Solon, directeurde la rédaction, d’atteindrela rentabilité et de se réinventer.C’est l’heure de vérité pourTerra Eco. » Et, surtout, dans undélai très court. « D’ici au 26 septembre,s’il n’y a pas un enthousiasmefort pour notre appel,Terra Eco s’arrête. »Un chiffre n’en reste pas moinsencourageant : avec 2000 abonnéssupplémentaires, le magazinese donnerait de l’air au moinsjusqu’en 2015. Le montant collectémardi 23 septembre était de182784 euros.≥ J.-C.R.Campagne de soutien sur : www.terraeco.net25 septembre 2014 Politis 17