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culture théâtrePhotographieTom ArndtDans un coffee-shop du Minnesota,une brinquebale d’hommes sirotantleur breuvage ; un bus traversantLas Vegas au cours d’une nuittapissée d’enseignes lumineuses ;l’échoppe d’une baraque à hotdogs; des mômes au coin d’uneruelle qui semblent attendre la find’un désœuvrement ; un passant,dans la verticalité architecturale deChicago… En noir et blanc, depuisles années 1970, Tom Arndt travailleavec les reflets, les vitrines, les jeuxde miroir, une signalétique partoutprésente, mise sur la profondeurde champ, parfois glisse son sujetdans le coin de son objectif. Peuconnu du grand public, Arndt n’enest pas moins un photographe derue remarquable, captant avecforce des bribes d’instantanésuniversels, tout ce qui va, vient,fugace, ou fait sa pause. Bien calédans l’humanisme photographique.Tom Arndt’s Minnesota, galerie les Douches,5 rue Legouvé, Paris X e , jusqu’au 31 octobre.CensureLes Squames à AngersÀ Angers, le 12 septembre, au coursdu festival des Accroche-Cœurs, unedouzaine d’intégristes musulmans,soutenus par quelques-uns deleurs homologues catholiques, ontinterrompu une représentation d’unspectacle de la compagnie de théâtrede rue Kumulus, les Squames. Cesesprits exaltés ont accusé de racismeun spectacle qui, précisément, selonson auteur, Barthélémy Bompard,« invite à se questionner sur le regardque nous portons sur l’autre, sur lamanière dont on traite la différence ».Le maire UMP, Christophe Béchu,a dans un premier temps interdit lespectacle. Selon l’adjoint à la culture,celui-ci n’aurait « pas cédé faceaux intégristes et à l’intimidation »,mais aurait « voulu privilégier, sousla pression, la sécurité du publicfamilial ». Puis le maire s’est raviséen autorisant la représentation dece spectacle de rue… dans une salle,sous haute surveillance policière.Dans un communiqué intitulé « Desartistes accusés de déranger,des élus tentés de censurer »,l’Observatoire de la liberté decréation, placé sous l’égide de laLDH, dresse le constat suivant pourle déplorer : « Depuis plusieursmois, nous assistons à des actesd’entrave ou de censure des libertésartistiques. Ils sont de plus enplus souvent accompagnés d’uneingérence politique qui porteatteinte aux libertés d’expression,de création et de programmation. »24 Politis 25 septembre 2014Yerma,de FedericoGarcia Lorca,jusqu’au5 octobre auThéâtre 13, www.theatre13.com.Tragédie d’un ventreDaniel San Pedro signe une mise en scèneépurée de Yerma, de Federico Garcia Lorca.Une aube qui ne se lèvejamais tout à fait, ou uncrépuscule qui refuse delaisser place à la nuit noire.Telle est la Yerma, de FedericoGarcia Lorca, mise en scène parDaniel San Pedro. Baignés parune lumière trouble, hésitantecomme le jour qui filtre à traversun rideau opaque, les personnagesde cette tragédie pastorale écriteen 1934 sont englués dans unbrigitte Enguerandnuage sépia. Pas comme sur desphotos anciennes ; plutôt commesur des clichés d’aujourd’hui donton aurait retravaillé la couleur.Quelques degrés de gris-marronen plus, et on aurait eu le sentimentde la reconstitution d’une époquerévolue. Quelques couleurs supplémentaires,et nous aurions étédans une campagne d’aujourd’hui.Grâce à la finesse des éclairages deBertrand Couderc, Yerma échappeà l’histoire. Elle se fait pure tragédiedu vide.Avec son corps de liane et ses cheveuxlongs qui la cachent autantqu’ils la révèlent, Audrey Bonnetdonne à l’héroïne éponyme de lapièce de Lorca une ambiguïté quilui permet de se fondre dans cettecouleur sépia. Comme les femmesde Noces de sang (1932) et de laMaison de Bernarda Alba (1936),les deux autres volets de la trilogiede l’auteur espagnol, son personnagesouffre d’enfermement dansun carcan pétri de religion. Mariée àJean (incarné par Daniel San Pedro,qui excelle à investir chaque gested’une violence difficilement contenue),un éleveur qu’elle avoue nepas aimer, elle est soumise à lamuette tyrannie de la petite sociétéqui s’active autour d’elle commeautour d’un fantôme ayant perdule seul pouvoir qui lui tenait à cœur :celui d’effrayer les imbéciles. De cespectre, Audrey Bonnet fait un tissude solitudes qui parfois rayonnecomme une étoffe de fête.La Yerma de Daniel San Pedro estune femme à robe et à rangers.Une épouse qui sait se tenir droiteet exécuter les tâches qu’on attendd’elle, mais qui sait aussi tourner ledos aux conventions et aller courirseule sur la montagne. Ou dégusterle quartier de pomme que luia soigneusement épluché Victor(Stéphane Facco, aux apparitionstendres et mystérieuses), un autreéleveur qui lui rend parfois visite etla fait sourire.Muette, cette scène dit toute lacomplexité de Yerma. Sa tristesse,et l’infime distance qui la sépare dubonheur et de la liberté. Une demipommeen plus, et le sépia seraitpeut-être devenu rose bonbon ourouge passion.Daniel San Pedro est un grandaccordeur de silences. Comme l’épisodede la pomme partagée, plusieursscènes sans paroles viennentsemer un trouble sur les gestes et lesmots des personnages. La plainterécurrente de Yerma, surtout, estcomme étouffée par les silencesqui l’entourent. Elle qui ne cesse depleurer sur sa stérilité semble alorspleurer sur la vie tout entière. Surles corps trop faibles pour affronterle vide. Car si autour de Yermatout le monde parle de Dieu, lascénographie de Karin Serres criel’absence de transcendance. Sagrande porte coulissante en boisplantée au milieu d’une scène nuene débouche que sur deux autresportes identiques, dont la dernières’ouvre pour laisser entrer un Jeanplein d’amertume et ses sœurs auvisage fermé.Si cette Yerma excède la questionde la fécondité, c’est tout de mêmela tragédie d’un ventre. Et, commetous les ventres, celui de Lorcaaspire à être rempli d’amour. Maisle temps le flétrit. Les silences de lapièce sont pleins de ce temps quifrustre et abîme sans y faire attention.Pour figurer cet ennemi indifférent,des images d’un paysage ruralsont projetées sur la scène durantles trois ellipses qui découpent lapièce. On y voit les saisons défileren même temps que s’étiole l’espoird’une vie libre et simple, où croquerun fruit ne serait plus synonyme depensées troubles.≥ Anaïs Heluin

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