politique Après avoir jeté le 11 septembre lesdétaille le processus qui devrait conduire, selon lui, à la« Je veux créLANGLOIS/afpIl n’est pas le seul à appelerde ses vœux une« VI e République ». Maisl’originalité du propos deJean-Luc Mélenchon tientdavantage dans le mouvement qu’ilsouhaite initier que dans la formedéfinitive de la nouvelle architectureinstitutionnelle. C’est peudire que le projet est ambitieux. Ilnous l’a exposé au cours d’un longentretien, vendredi 19 septembre,dans l’arrière-salle d’un café duX e arrondissement parisien.Qu’avez-vous retenu de la conférence depresse de François Hollande ?Jean-Luc Mélenchon ≥ Il y a eumoitié moins de monde pourl’écouter que la dernière fois. Etmoins que pour l’émission decommentaires qui a suivi. Onvoit là que sa parole, et avec ellesa fonction, est totalement démonétisée.C’est l’un des spasmes del’agonie de la V e République. Latoute-puissance du président de laRépublique fonctionne comme unsimple rouage à l’intérieurd’une mécaniqueeuropéennetotalement opaque. D’instinct,comme chacun sait qu’il s’agitd’un menteur maladif, les gens sedisent : « Ce qu’il dit n’a aucunevaleur certaine. »N’ayant d’autre force que le rôle,le Président surcharge son interventiondans la dimension monarchique.Il est frappant de voir que,dans un contexte social pareil, ilcommence par un grand développementsur les guerres d’Irak et deSyrie, dans un registre purementsensationnaliste, destiné à mettreen scène le fruit principal : « J’aidécidé de bombarder. » On voitainsi notre pays engagé dans uneguerre sans que cela ait été discutéoù cela devrait l’être : à l’Assembléenationale, au Sénat et dans leurscommissions de la défense etdes forces armées. En ce sens, lemoment était pathétique.entretienL’autre événement de la semaine a étéle retour annoncé de Nicolas Sarkozy…La V e République, qui fait toutdépendre de personnages dont lesprogrammes sont équivalents, tuele système démocratique et républicainde la France. Hollande faitpire que Sarkozy I, et Sarkozy IIse présente en disant qu’il va fairepire que Hollande. La centralisationsur de tels personnages videla scène politique de contenupolitique, il ne reste plus que despersonnes dont tout le monde sedit qu’elles ne font ce travail quepour échapper à un autre. Lescitoyens ne sentent ni chez l’unni chez l’autre la passion du bienpublic. Et ce qui me frappe pardessustout, c’est l’aveuglementidéologique des deux.Dans quel sens ?Ils sont tellement persuadés quel’unique sujet est la question de ladette, sous sa forme la plus comptable,qu’aucun n’évoque un tantsoit peu un événement immensedans l’histoire del’humanité : lechangement climatique.Ni l’un ni l’autre ne considèreque c’est un sujet politiquepar lequel il faudrait tout commencer.Cela ne les préoccupe pasque la mer monte d’1,40 mètre.Ces gens ne sont pas capablesd’imaginer un autre monde quecelui dans lequel ils ont vécu.C’est exactement ce qui a perduLouis XVI et les autres monarqueseuropéens qui n’arrivaient pasà imaginer autre chose que lamonarchie absolue.En cette fin d’été, vous n’êtes passeul à dire qu’on arrive au bout d’unsystème, qu’il faut en finir avec laV e République.J’ai seulement le mérite d’en avoirfait mon thème de campagne présidentielleet des trois marches quiont suivi. Le terrain est mûr. Etje veux éviter l’erreur de 1992,
ases du mouvement, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle de 2012,création d’une VI e République.la semaineer un objet politique neuf »quand François Mitterrand s’enest tenu aux propositions d’unecommission d’experts.En quoi était-ce une erreur ?Le moyen par lequel on réforme laConstitution préfigure le contenude la constitution future. Ce n’estpas pour rien que De Gaulle amèneun texte tout prêt et demande uneréponse « oui » ou « non ». LaIV e République était incapable detourner la page de l’ère coloniale.La V e République a donc donné àquelqu’un la capacité d’opérer demanière césarienne en surplombanttout le champ politique pourtrancher le nœud gordien.Par la suite, les nombreux changementsde la Constitution n’ontpas été réalisés pour que le systèmepolitique colle mieux à l’arrivéed’une population éduquéeet urbanisée, mais pour améliorerla courroie de transmissiondu système autoritaire. Celui-cis’étant compliqué d’un nouvelétage, l’échelon européen, d’oùpartent des décisions prises dansdes conditions a-démocratiqueset exécutées dans des conditionsanti-démocratiques. Le systèmes’est ainsi durci dans des conditionsinouïes. La Cinquième quenous avons aujourd’hui est plusautoritaire, plus personnalisée etplus violente que ne l’était celle dugénéral de Gaulle.Vous vous distinguez en proposant unprocessus constituant. Pourquoi ?C’est un message qui peut êtreentendu très largement. Et passeulement dans les milieux habituésà cette discussion. Qui plusest, la question de l’élection d’uneassemblée constituante, qui met àson ordre du jour la rédaction d’uneconstitution, est, dans mon esprit,le moment central du processus derévolution citoyenne. C’est lorsquel’on change la Constitution par uneaction populaire, et non par desexperts qui soumettent un texte àplébiscite, lorsque le grand nombres’empare des questions débattuesdans une constitution, commecela s’est passé au Venezuela, enÉquateur, en Bolivie ou en Tunisie,que le peuple, nouvel acteur de l’histoirecontemporaine, se constitueen tant que sujet politique.Comme l’explique l’anthropologueMaurice Godelier, les communautéspolitiques humaines necommencentLa Constitutiondoit changer par uneaction populaire.pas avec lafamille. Ellescommencentpar un actequi s’appellel’exercice de la souverainetésur lui-même et sur un territoire.Quand le peuple se fait constituant,il s’identifie lui-même en se définissantdes droits. Et il affirme sa souverainetésur les membres qui composentle peuple en assignant lesdroits et l’obligation pour chacunde respecter ces droits, qui est leseul devoir qu’on reconnaisse enRépublique. En même temps, c’estl’affirmation d’une souveraineté surl’espace à l’intérieur duquel ces loiss’appliquent, d’où le caractère unet indivis de la République.Vous voyez, la VI e Républiquen’est pas un arrangement institutionnel,ni une simple aérationmodernisante des relations socialesIls seront de l’aventure…C’est sur le plateau du « GrandJournal » de Canal + que Jean-LucMélenchon a annoncé, le 11 septembre,le lancement du « Mouvement pourune VI e République ». Ou plusexactement l’ouverture d’une pageweb minimaliste, avec un logo jaune etorange enfantin, destinée à recueillirdes signatures. L’adresse simplissime(www.m6r.fr) aidant, le site s’estécroulé ce soir-là sous l’afflux deconnexions.Après le recueil de 30 000 premièressignatures, une quarantaine dedominantes d’une époque, maisl’outil pour les transformerprofondément.Une VI e République est-elle possibledans l’Europe actuelle ?Quelqu’un devra céder. Siles Français veulent faire uneVI e République, personne n’estde taille à les en empêcher. Maisl’Europe aura à connaître lacontagion subversive que le projetcontient. Toutes les structures sontdéjà en train d’exploser. Qui auraitimaginé il y a cinq ans que l’Écosseaurait à voter pour savoir si ellereste dans le Royaume-Uni ?Vous lancez un mouvement dontl’aboutissement n’est pas défini…C’est toute la difficulté. Commentamorcer un processus sans en préfigurerla conclusion ? Et commentpréfigurer – il le faut bienpour mettre en mouvement le plusgrand nombre – sans figer la capacitéd’initiative populaire ? C’estune question que l’on retrouveratout au long de la mise au point desnouvelles institutions. Voilà pourquoi,pour l’instant, je n’ai mis enavant au plan institutionnel qu’uneseule proposition concrète, combinantRépublique et révolution : leréférendum révocatoire. C’est-àdirela possibilité pour le peuple, dèspersonnalités viennent de proposerdans un appel de « constituer uncomité d’initiative, aussi large quepossible, rassemblant aussi bien despersonnalités du monde intellectuel ouculturel que des militants politiques,syndicaux, associatifs ». Ce comité,écrivent-ils, « déciderait collectivementde la façon d’animer [le m6r] et del’ouvrir à toutes celles et ceux quivoudraient y participer ». Figurentparmi les signataires de ce texte,notamment, les écrivains LaurentBinet, Annie Ernaux, Pascale Fautrierlors qu’il atteint un nombre prédéterminéde signataires inscrits surles listes électorales, de commanderun référendum pour décider si unélu, quel que soit son niveau, doitinterrompre son mandat.Vous êtes pour le retour de la notion demandat au sens fort ?Absolument. Si le concept demandat et l’obligation de compterendu de mandat se sont tant dévalorisés,dans un système qui s’estmonarchisé, c’est parce que c’étaitle seul moyen de faire accepter etsubir au peuple une orientationpolitique, le néolibéralisme, qu’ila rejetée chaque fois qu’elle a étéexplicitement soumise à ses suffrages.François Hollande a été élusur la base du rejet de la politiquenéo libérale de Nicolas Sarkozy etparce qu’il prétendait affronter lafinance. Jacques Chirac a été éluprésident de la République sur labase de la « fracture sociale »…Ce système ayant réussi à créer unehégémonie culturelle sur les grandsrouages de la politique néolibéraleen les faisant passer pour l’état denature – la concurrence libre et nonfaussée, le libre-échange commeétant spontanément bienfaisant –,la notion de mandat s’est perdue.Un mandat de quoi puisqu’il n’y aqu’une seule politique possible ?et Gérard Mordillat, le journaliste etproducteur Daniel Mermet, l’avocateMylène Stambouli, l’essayisteobjecteur de croissance Paul Ariès,l’universitaire Alain Garrigou, leséconomistes Jean Gadrey, JacquesGénéreux et Liêm Hoang Ngoc, leshumoristes Didier Porte et GéraldDahan, l’historien Claude Mazauricou Emmanuel Poilane, directeur dela Fondation France libertés. Commeun aperçu de ceux qui seront de cetteaventure.≥ M. S.25 septembre 2014 Politis 7