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tribune par Raoul Marc JennarAvant le Tafta, le Ceta :dérégulation à tous les étagesCe jeudi 25 septembre, à l’occasiond’un sommet entre l’Union européenne(UE) et le Canada, doit êtrevalidé un texte négocié depuis 2009dans le plus grand secret : l’accord économiqueet commercial global (Ceta enanglais). Ce n’est que depuis peu, grâce àdes fuites, qu’on en connaît le contenu. Ils’agit d’un document de 500 pages complétépar 1000 pages d’annexes. Ni la Commissioneuropéenne ni le gouvernement français n’ontpublié ce texte, qui compte 46 chapitres. Etpourtant, une nouvelle fois, force est deconstater que, derrière les mots « commerce »ou « libre-échange », il s’agit de remettre enquestion des choix de société fondamentaux.Lesquels devraient faire l’objet de débats nonseulement dans les instances parlementairesnationales, mais au sein des peuples.On retrouve, dans ce Ceta, une volonté généraleinscrite comme objectif majeur de toutesles négociations en faveur du libre-échangedepuis qu’existent les accords de l’Organisationmondiale du commerce (OMC) : déréguler.Et ce n’est pas le préambule de l’accord quidoit faire illusion. Si on y lit, avec beaucoupde solennité, le droit des parties de réguler surleur territoire, on ne le lira plus par la suite.Or, en droit international, le préambule d’unaccord n’a aucune force contraignante, c’estla suite du texte qui compte. Et on y trouveune foule de dispositions qui organisent trèsconcrètement la limitation des États à réguleret le droit des entreprises multinationalesd’imposer leurs volontés.On y retrouve aussi les mêmes chapitres queceux qui jalonnent le projet de grand marchétransatlantique entre les États-Unis et l’UE,popularisé sous le sigle Tafta. Avec la mêmevolonté d’appliquer les principes et obligationsde l’OMC, comme le traitement national(accorder aux entreprises canadiennesle même traitement que celui accordé auxentreprises françaises) et le traitement de lamichel soudaisRaoul MarcJennar*,spécialistedes relationsinternationales,des questionseuropéenneset du droit del’Organisationmondiale ducommerce.* Raoul MarcJennar a publiéle Grand Marchétransatlantique,la menace sur lespeuples d’Europe,éd. Cap Béar (2014).nation la plus favorisée. On ytrouve encore la même volontéd’assimiler les fournisseurs deservices publics aux fournisseursprivés.Le Ceta prévoit de réduire lesdroits de douane, en particulierdans le secteur agricole. Detrès nombreux articles traitentdes droits des investisseurs (lesmultinationales), de la libéralisationet de la protection desinvestissements. Des listes de mesures quene pourront plus prendre les États figurentdans le texte. Ainsi, par exemple, il ne seraplus possible de réguler l’usage des terres,de limiter la consommation des ressourcesnaturelles, d’imposer desrestrictions protégeant l’environnement,de limiter lesautorisations en matièrede télécommunication. Demême que dans le Tafta, lesdispositions de l’accord avecle Canada s’appliquerontnon seulement aux États,mais aussi aux collectivitésterritoriales. Celles-ci n’aurontplus le droit d’imposerdes exigences de localisationou de production locale àun investisseur canadien. Etelles ne pourront plus, dansles commandes publiques,donner la préférence à desproduits ou à des services locaux.Les investisseurs seront protégés contre touteforme d’expropriation directe ou indirecte car,désormais, la rentabilité de l’investissementsera fondée sur la stabilité réglementaire ounormative. Ce qui signifie que toute modificationlégislative ou réglementaire en Francedépendra désormais de l’accord des firmescanadiennes.Enfin, le Ceta, comme le Tafta, crée la possibilitépour les firmes canadiennes de contesterles lois et les réglementations. Ainsi quetoute décision des pouvoirs publics au traversd’un mécanisme de règlement des différendsIl ne seraplus possiblede réguler l’usagedes terres, de limiterla consommationdes ressourcesnaturelles…– transférant ainsi des tribunaux nationauxvers une structure d’arbitrage privée le pouvoirde trancher un conflit entre une firme etune autorité publique. C’est le droit des Étatsà réguler qui est ainsi directement remis enquestion.Comme dans le Tafta, le Ceta a pour objectifde rendre compatibles les normes sociales,sanitaires, environnementales ou techniquesen vigueur dans les États de l’UE et au Canada.En matière de normes sociales, on a apprisque, pendant la négociation, le Canada avaitproposé d’inclure une référence aux droits dutravail tels qu’ils sont inscrits dans les conventionssociales de l’Organisation internationaledu travail, mais que la Commission européenne,soutenue par les 28 gouvernements,avait refusé.Comme dans le Tafta, oncrée dans le Ceta une institutionsupranationale législativecontraignante, dotéedu double pouvoir de veillerau respect de l’accord et depoursuivre, après l’accord,le travail de dérégulationsans le moindre contrôleultérieur des États.Avec le Ceta, comme avec leTafta, il s’agit de dépouillerles peuples de toute capacitéde réguler, d’encadrer lesactivités du secteur privé,non seulement dans desactivités strictement industriellesou économiques,mais également dans des secteurs comme lapolitique sociale, la santé ou l’éducation. Plusaucune activité humaine ne doit échapper à lamarchandisation. Et c’est à cela que souscritle gouvernement français.12 Politis 25 septembre 2014

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