la semainesociété L’Assemblée nationale a adopté le 17 septembre le projet de loi « sur l’adaptation de la sociétéau vieillissement ». Totalement sous-dimensionné, selon Jérôme Pellissier.Nos aînés sont-ils respectés ?Adapter la société au vieillissementest une ambitionà la hauteur des enjeux.Évoquons seulementdeux réalités, à peine pensables ily a cinquante ans. Premièrement,l’existence, désormais, de très nombreusespersonnes qui sont à la foisà la retraite et en bonne santé.Une nouvelle étape de vie faceà laquelle les politiques ne proposentgénéralement comme horizonsocio culturel que des « ateliersmémoire » pour prévenirl’Alzheimer ou des « ateliers équilibre» pour prévenir les chutes…Une nouvelle étape de vie qui impliqueraitde repenser radicalementla sacro-sainte trinité « formation/travail/retraite » et de tenir comptedes pratiques de nombreux retraitésqui, d’associations en mairies,tiennent à bout de bras le tissusocial du pays.Au lieu de quoi, la loi ne prévoitque des mesurettes, telle la créationd’un « volontariat civiquesenior » pour « valoriser l’engagementbénévole des personnesâgées » par « la remise d’uncertificat en préfecture ». Avecmédaille en chocolat ?Deuxième réalité, inédite dansl’histoire de nos sociétés : de nombreusespersonnes vivent avec desmaladies chroniques et/ou invalidantes(cancer, diabète, maladiesneurologiques – dont la maladied’Alzheimer et les maladies apparentées),en situation de handicap,ayant besoin d’être aidées.Parmi ces personnes, évidemment,des personnes âgées qui souffrentd’abord d’être victimes d’un systèmediscriminatoire. Un systèmeque le PS s’était engagé à supprimer,et qui sépare les personnes handicapéesde moins de 60 ans de cellesde plus de 60 ans, dites « personnesâgées dépendantes ». Cette discriminationn’est pas supprimée parla loi qui vient d’être votée.Le dispositif réservé aux « vieuxhandicapés » (APA) brille parses manques, ses insuffisanceset son incapacité à répondre18 Politis 25 septembre 2014s. monierLes personnesâgées pauvresayant besoind’être aidéesle sont parleur seulentourage.KOALL/GettyImages/AFPJérômePellissierÉcrivain, docteuret chercheuren psychogérontologie.convenablementaux besoins. À cela,la nouvelle loi ne change quasimentrien. Actuellement, toutes lespersonnes âgées, pauvres et handicapéesayant besoin d’être aidéeset soignées cinq, dix ou quinzeheures par jour,ne le sont pasou le sont pardes proches.À toutes cespersonnes, quepropose la loi ? Un relèvement duplafond qui, pour les personnes lesplus handicapées – celles qui ontsouvent besoin d’être aidées plusde dix heures par jour –, fera passerles heures d’aide quotidienne detrois à quatre environ…Besoin de vivre dans une maison deretraite ? Coût moyen : entre 2 200et 2 800 euros par mois. Moyennedes retraites : 1 100 euros (et cettemoyenne cache celle des femmes,bien plus basse). Sur ce volet, riendans la nouvelle loi. Et donc latribune4 milliards pour lesmalades âgés ? Oùdiable les dégotter…persistance de cessituations de personnesayant besoin d’être soignéeset aidées dans des établissementset, faute de moyens, restant soussoignéeset sous-aidées à domicile.La loi annonce la prise en comptedes « aidants »,ces conjointsde personnesâgées handicapéesou atteintesde la maladied’Alzheimer, qui les assistent engénéral 24 h sur 24, sans être euxmêmessoutenus. Des situationsd’épuisement telles, sur des années,que ces aidants meurent très souventavant ceux qu’ils aident ! Que leurpropose la loi, qui affirme « instaurerenfin le droit au répit » ? Uneaide annuelle de 500 euros pour, parexemple, « partir une semaine envacances » !Précisons que les mesurettes quenous venons d’évoquer se veulentles mesures phares de la loi.Laquelle contient une autre particularité: elle sera financée parla Contribution additionnellede solidarité pour l’autonomie(Casa), une taxe sur les retraites.Autrement dit, ce sont les seulsretraités qui vont payer pour lesdépenses liées aux maladies chroniqueset aux handicaps des personnesde plus de 60 ans.À quand une taxe sur les allocationsde chômage pour financerles aides et soins des chômeursmalades ou handicapés ? Ou unetaxe sur les salaires des femmes demoins de 50 ans pour financer lesmaternités ? C’est le principe mêmedu financement des risques sociauxpar l’ensemble de la communautéqui est dégradé.Les arguments avancés pour justifierqu’une réformette soit l’aboutissementd’une « loi d’adaptation dela société » ? Le premier est financier.Pensez : il faudrait au moins4 ou 5 milliards d’euros (1) pourque les malades âgés et/ou handicapéssoient, en France, correctementaidés et soignés ! Où diable dégotterait-onune telle somme quandon ne trouve que 60 milliards pouraider et soigner la « compétitivitédes entreprises »… ?Deuxième argument, celui de lasecrétaire d’État aux Personnesâgées, Laurence Rossignol, affirmantle 17 septembre que « mieux,c’est toujours plus que rien ».Implacable, comme un slogan delessive. L’écart entre les réels besoinset ces fausses réponses se révèle tellementimportant qu’oser parler de« mieux » en devient une insulte. Etune imposture de faire passer pourde la solidarité ce qui n’est qu’uneforme de charité. Il n’est pas sûrque ce mieux-là soit vraiment « plusque rien ». Et pas sûr que, politiquement,la nullité de cette loi soitvraiment mieux que le vide.≥ J. P.(1) C’est environ le montant des réductionsfiscales et sociales dont bénéficient les 10 % lesplus aisés des Français utilisateurs des servicesà la personne, selon une étude de la Dares(août 2014).
la semaineétats-unis Les employés de la restauration rapide se mobilisent pourle doublement du revenu minimum. Correspondance, Alexis Buisson.Fast-foods : des salairespas assez gras«Je fais de mon mieux pourm’en sortir. Je demandede l’argent à mon entourage,à mon église… »À 31 ans, Andrew McConnelltente de survivre. Ce père quiélève seul ses cinq enfants à KansasCity, dans le centre des États-Unis,travaille à temps partiel chezMcDonald’s pour 7,45 dollars(environ 5,75 euros) de l’heure.En parallèle, il vend des produitsde beauté. « C’est difficile. On seretrouve à faire des choix en permanence: payer l’essence ou leloyer, les factures d’électricité oula nourriture… »Dans les fast-foods de l’Amérique,la misère est légion. Pour luttercontre cette précarisation, AndrewMcConnell et plusieurs milliers detravailleurs du secteur sont descendusle 4 septembre dans les rues de150 villes américaines pour réclamerune augmentation du salaireminimum. Un montant dérisoire :7,25 dollars (5,60 euros) au niveaufédéral. « Pas assez pour vivre »,affirment ces forçats de la restaurationrapide. Réunis dans descoalitions localescomme « FastFood Forward » ou« Fight for 15 », ilsréclament le doublementde cette somme : 15 dollarsde l’heure. « Nous pouvonsy parvenir. Même un petit coupde pouce serait le bienvenu. Et sice n’est pas assez, nous nous battrons», affirme Andrew.Cela faisait longtemps que lesalaire minimum n’avait pas mobiliséaux États-Unis. Sa dernière augmentationremonte à 2009. Puis lacrise en a eu raison. Mais, avec lerecul du chômage et l’embellie del’économie américaine, le sujetLe smic américainest le plus faibledes pays développés.revient sur la table. En septembre,soutenu par une opinion publiquemajoritairement favorable, BarackObama a réaffirmé son intentionde le relever à 10,10 dollars del’heure. Une mesure qui, si elle avaitété prise en 2011,aurait poussé pasmoins de 5 millionsde travailleursau-dessus duseuil de pauvreté, selon une étuderéalisée cette même année par lelobby Restaurant OpportunitiesCenters United. Et les rangs des grévistescontinuent de grossir : l’actionnationale du 4 septembre est la plusimportante à ce jour.« Contrairement aux mouvementsde travailleurs classiques,les groupes d’employés issus de larestauration rapide, comme Fightfor 15, envisagent leur action surle long terme. Les syndicats ontBurton/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFPLamobilisationnationale du4 septembrea réuni desmilliers detravailleursdans 150villes.travaillé avec des leaders locaux,comme des responsables associatifset d’églises, pour protéger lesgrévistes. Si l’un d’eux se fait licencier,un pasteur peut appeler sesfidèles à boycotter McDonald’s ouPizza Hut », explique StevenAshby, spécialiste des mouvementsde travailleurs et enseignant à l’universitéde l’Illinois.À sa création, en 1938, sous l’impulsionde Franklin D. Roosevelt,le salaire minimum fédéral était de0,25 dollar de l’heure. L’oppositiond’une partie du patronat et desconservateurs explique sa lente augmentation,en moyenne un dollartous les dix ans jusqu’à présent. En1997, Bill Clinton autorise les villes,les comtés et les États à adopter leurpropre salaire minimum, avec pourconséquence une myriade de planchers.L’État le plus « généreux »est Washington, à l’ouest du pays,où il est exclu que les travailleurssoient payés en dessous de 9,32 dollars(7,19 euros). Ces planchersne peuvent pas être inférieurs ausalaire minimum fixé au niveaufédéral par le Congrès. Problème :en dollars réels (sans l’effet de l’inflation),ce salaire minimum n’acessé de chuter depuis 1968. Il estaujourd’hui le plus faible de tousles pays développés.Barack Obama espérait augmenterle smic avant les élections demi-mandat en novembre. Il n’ensera rien. Les Républicains, quicontrôlent la Chambre des représentants,y sont opposés. Toutcomme plusieurs grands syndicatsde patrons. Et certains économistes,divisés sur les bienfaitsdu salaire minimum, mettent engarde contre un relèvement soudainet important dans un contextede reprise. Pour le moment, lePrésident s’est donc limité à signerune ordonnance qui augmentera à10,10 dollars le salaire minimum,mais uniquement pour les travailleursen contrat avec l’État fédéral.Entrée en vigueur de la mesure : le1 er janvier 2015.« Les États-Unis sont un paysétrange. Nous avons des entreprisesmagnifiques, commeFacebook, Google, Apple, maisaussi les pires lois du travail.Les Américains commencent àle réaliser, résume Steven Ashby.Mais, avec la droitisation du partirépublicain et le manque de visibilitédes pauvres dans les campagnesélectorales, rien ne changeà la Chambre des représentants.Nous verrons… »≥ A. B.25 septembre 2014 Politis 19