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culture littératureL’homme qui voulait dormirAvec Goldberg : Variations, Gabriel Josipovici signe un roman énigmatique et musical pour évoquer la difficultédu langage. Où un gentilhomme insomniaque croise la route d’un écrivain en panne d’inspiration.On ne trouvera pas declavecin ni de musiciendans Goldberg :Variations. Ce titreest sans aucun douteun hommage à Jean SébastienBach, mais plus encore à la formede son célébrissime chef-d’œuvre.Gabriel Josipovici affectionne lesstructures kaléidoscopiques ouen rhizomes. Déjà, son précédentroman traduit en français, Toutpasse (1) – Gabriel Josipovici estun écrivain de langue anglaise –,semblait constitué de bribes etd’ellipses, en cohérence avec lavie étique de son héros.Au contraire, Goldberg : Variations,à partir d’un thème initial,présente des développementsplus charnus. Ce sont 30 chapitres,comme dans la partition dumodèle musical, qui se recoupent,se prolongent, correspondentplus ou moins secrètement entreeux ou, parfois, semblent totalementétrangers les uns aux autres.Goldberg : Variations a ainsi lesatours d’un roman baroque, enharmonie, là encore, avec l’esthétiquede Bach.Le premier chapitre, thème initialdonc, met en scène, dansl’Angleterre du XIX e siècle, ungentilhomme insomniaque, TobiasWestfield, qui a engagé un écrivain,Samuel Goldberg, pour que celuicilui fasse la lecture le soir tombéet qu’ainsi le sommeil le gagne. Onassiste à leur première entrevue,faite d’un dialogue exigeant, carWestfield se pique de philosophie.Pour Goldberg, la surprise vientdu fait que son « employeur » luidemande de lui lire une compositionpersonnelle, qu’il doit, chaquejour, écrire sur place. Mais l’inspirationdélaisse l’écrivain.« Il se peut fort bien, monsieur,explique Goldberg à Westfieldpour justifier son échec, qu’àLa visionde Wander-Artist, de PaulKlee (1940),débloquel’écriture dunarrateur.Quidam éditeurl’époque de la Grèce et de Rome,et même à l’époque de notre glorieuxShakespeare, un hommede lettres aurait pu accomplircette tâche. Les écrivains de cesépoques auraient peut-être pu enune journée produire pour vousune série éblouissante de variationssur n’importe quel thèmede votre choix. […] Mais, hélas,notre propre époque est devenuebien moins inventive et plusmélancolique, et rares sont ceuxqui aujourd’hui peuvent avoir àcœur “de prendre un thème auhasard pour le tordre et le retournerà volonté, le développer un peuou beaucoup, selon ce qui paraît lemieux pour son propre dessein”,comme le dit un ancien auteur quiparlait de ces choses. »Une explication désavouée plustard, au cours du roman, dans lechapitre intitulé « le Défi », quiraconte un épisode où Goldberg,reçu à la cour, réussit à improvisersur un thème choisi par leroi – tout en étant a posteriorimécontent de sa performance.Mais il y a aussidans ce passage un clind’œil à l’entreprise mêmede Gabriel Josipovici avecGoldberg : Variations.Clin d’œil ironique – « enune journée […] une sérieéblouissante… » – maiséloquent sur l’esprit quigouverne le roman : le jeu,qui s’oppose à une époque« moins inventive et plusmélancolique ».Le lecteur se voit entraînédans une suite d’épisodesdont la logique est mystérieuse.Parfois, on seretrouve avec l’un despersonnages secondaires,dont quelques momentscruciaux de l’existencesont contés. Ainsi deJames Ballantyne, un amide Westfield, qui, dans sajeunesse, a perdu son trèscher frère, et dont la sœur,aux mains et aux piedspalmés (!), avait été éloignéed’Angleterre parceque sa mère ne la supportaitpas. Or, JamesBallantyne la retrouvedans des circonstancesétranges, en même tempsqu’il se persuade que sonfrère n’est pas mort. Un chapitrerelate comment Westfield estdevenu insomniaque, saisi unjour par cette sensation que riende ce qui se produit n’est unique,que tout est écho, réminiscence,autrement dit variation.Dans d’autres pages, le lecteurest projeté dans une époque pluscontemporaine, avec un narrateur,écrivain lui aussi (Josipovicilui-même ?), qui visite avec safemme un musée à Colmar, après22 Politis 25 septembre 2014

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