'62 LA REVUE MUSICALEDICI l'été : la musique s'évade de alles;elle emplit les dancings et les jardins.Avec la canicule, elle se fait légère,presque aérienne, et joue à l'émancipée.Pendant l'hiver, elle se plut, à ne fréquenterque les plus dignes, les plus grands,les meilleurs. Soudain, elle se fait exotique, et, dans lesàécors marocains de palmes et de poivrier, elle se laissealler à tou le caprice <strong>du</strong> voyage et des errances folles.De Beethoven, elle descend, si l'on peut dire, aux chansonshawaïennes; par de sus des millénaire de civilisation, nousvoudrion , par elle, par la mu ique importée chez nous etplus ou moins assimilée, nous faire une âme de primitif.Mode vieille comme l'après-guerrre, et dont on a pu rire,quelque temps, mais qui finalement nou aura façonné unesen ibilité neuve, ou enrichie de sen ations inédites.On songe invinciblement aux vers <strong>du</strong> poète mauditMon enfant, ma sœurange à la douceurD'aller là-bas vivre ensemble.Aimer à loisirAimer et mourir.Au pays qui te ressemble...ous ne omme pas allés, en foule, vers ces pays étranges,mais ils sont venus à nous, et nous ont pénétrés, d:abord,sauvagement, jusqu'à, de notre part, une réaction, descandale, mais maintenant, ils peuvent retourner chez eux,ils nous laissent leurs éclatants oripeaux, et nous ne seronsplus désormai ce que nou a ons été.Dans les jardin, où maintenant, pour quelques mois,nous nous reposerons, le oir, dans cette ombre propice auxvastes rêveries, quand nous aurons sacrifié aux anciens dieux,en haussant les épaules aux rythmes étonnants qui nousassailliront, nous connaîtrons aussi, qui que nous soyons,l'étrange sortilège de cette emprise de mélodies venue del'autre côté de l'O::éan, et qui, par des moyen sommaires etpuéril, nous prêndront les nerfs - et un peu de l'âme.C'est une mode, elle passera : ce propos de 1919, noune le disons plus, onze an plus tard: l'étrangère e t devenuechez nous un peu plus familière. Aujourd'hui, elle a pénétré,avec effraction à l'Opéra-Comique.Feuilletez les journaux des dernière semaine. A l'Op::raComique, qu'a-t-on joué, aux applaudis ement <strong>du</strong> public etdes connai seurs ? Musique classique? Jon pas !Le habitu - de la salle Favart ont enten<strong>du</strong> ucce Ivement:une farce en un acte de M. Jacque Ibert: Angélique;un petit opéra-bouffe de M. Manuel Ro enthal : Rayon desoieries et une chanson de gest , mi e en mu ique par M. MareelDelannoy : « Le Fou de la Dame. »
LA REVUE MUSICALE 63Il Y a dans ces trois ouvrages, qui ont connu à Paris unevogue étonnante, de mérites certains, et qui le placent dansla lignée des meilleurs : mais chaque pièce a par surcroîtle rare bonheur d'avoir incorporé à sa substance quelquesunesdes trouvailles de cette musique exotique, acclimatéechez nous depui peu, et que les compositeur ont étudiéeavec amour, afin d'en tirer des effets inédits.Ain i, dans Angélique, la critique signale la tradition persitante <strong>du</strong> Barbier de éviile, ce qui n'e t pas peu, maitout à côté, dans l'évocation de Pifallah, roi des Bambaras,sur un rythme curieux et ahurissant, la mélancolie, l'ingénuitéprimitive et les trépignements des Africains.Rayon de soieries, pour une grande part, semble une pièceboulevardière. Elle se déroule en effet dans l'atmosphèred'un grand magasin. mais elle n'eut pas été écrite en 1930,si soudain n'apparaissait, encore et toujours, non pas cettefois le roi des Bambaras, mais la reine des îles Aloah.Prétexte ans doute, mais combien amusant, puisqu"il permetd'opposer les couplets de la banlieue parisienne auxblues d une reine exotique, sorte de barcarolles écrites avecun rare bonheur par un violoniste de talent.Il n'est pas jusqu'à la chanson de geste, avec son alluremo) ennageuse, où la musique nègre n'ait fait des siennes,avec se motif où e déchaîne le axophone, et qui se terminepar un final où l'auteur a tenté un mariage fou entrela musique classique et des de sins chromatique d'un parfuméquatorial.La voilà bien, l'Invasion noire, dont le capitaine Danritécrivit jadis pour nos imaginations d'enfant, les formidablespéripétie, mais que l'on n'eut jamai osé rêver se pro<strong>du</strong>irefoudroyante, <strong>du</strong>rable, sous les e pèces <strong>du</strong> Jazz et de la Guitare.FORT 10.