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Fr-29-06-2013 - Algérie news quotidien national d'information

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A C T U7Assassinat de BoudiafUne génération néede la traîtriseDepuis la mort de Mohamed Boudiaf il y a vingt et un ans, l’Algérie a augmenté de 12 millions d’habitants, autrementdit du tiers de la population d’aujourd’hui, à peu près. Ces citoyens qui ont peut-être voté les communales et leslégislatives précédentes, parce que l’âge révolu de dix-huit ans le permet en Algérie, vont devoir élire l’annéeprochaine le futur président de la République.Par Nadir BachaDans ces douze millions – il y ena qui ont certainement disparudepuis, des dizaines de milliers,peut-être beaucoup plus –«kayen ou kayen», il y a équivalemmentmoitié filles moitié garçons, desressortissants nés dans la misère, d’autresdans la classe moyenne, si elle a un sens enAlgérie, certains aussi dans la classe avantagée,dans plus ou moins le circuit du mérite,dans le hasard des vicissitudes des paradoxessocioéconomiques ou carrément au sein desfamilles mafieuses.Ils sont d’abord nés suite à une espèced’abandon de famille par la démission deChadli Bendjedid, un président élu et doncresponsable devant son peuple, six moisavant leur naissance en 1992, la date fatidiquede la double tragédie de l’assassinat duchef de l’Etat et de l’entrée en matière de laguerre civile, qui aura duré quelque sixannées pendant lesquelles la mort, la disparition,le viol, le racket, étaient le lot <strong>quotidien</strong>dans une ambiance de banqueroute<strong>national</strong>e, les uns et les autres parviennent àcette majorité «absolue» - matrimonialepour le mâle, tandis que la majorité pour lafemelle est laissée au soin d’une improbableloi fondamentale qui intériorisera qu’unenation ait besoin de deux sexes à part entièrepour se perpétuer dans le renouvellement –qui s’interrogent plus que nulle part ailleurssur la fonction d’un chef d’Etat, président dela République soit-il, ou souverain.Cette gigantesque frange démographique,qui a été au moins à l’école jusqu’àapprendre à lire et écrire, est venue aumonde d’office endettée d’une incommensurabletrahison <strong>national</strong>e. Elle appréciel’Ansej pour ne pas quémander, pour pratiquerson métier, s’il en est, ou pour frauderles institutions, mais tous ses organes sensoriauxsont braqués sur le visa pourl’Occident. « Je suis née le jour même del’assassinat de Boudiaf qui est, d’après ceque j’ai lu dans l’Histoire, parmi les grandschefs qui ont décidé de faire la guerre auxcolonialistes et alors tout enfant à l’école, j’aicompris que ma vie dans ce pays va être unemalédiction ! »Ce sont les paroles d’une employée dansun grand magasin de vêtements en banlieuealgéroise, qui possède par contre un prénomqui sonne l’espérance. Elle y travaille danscet établissement depuis son échec au baccalauréat,il y a trois années, sur lequel elle metune croix :«A quoi ça sert d’avoir un diplôme si onne trouve pas avec du boulot ? Le moindresou que je gagne ici, je le cache précieusementpour envisager un voyage sans retour,mes parents et mes frères et sœurs le saventet ils ne peuvent rien pour m’en empêcher,je vais fêter mes 21 ans et je ne sais pas ce quitourne autour du président de laRépublique depuis deux mois, tu parlesd’un pays dans lequel on éprouve une idéepositive sur son avenir ! »Un peu plus loin, sous un abribus, troisgarçons attendent silencieusement un arrivagepour embarquer, deux sont adossés à laparoi en verre et le troisième est assis sur lerebord du trottoir. Au moment de leurentreprise, l’un des deux gaillards deboutallume une cigarette ; il fera 21 ans en aoûtJe suis née le jour même del’assassinat de Boudiaf qui est,d’après ce que j’ai lu dans l’Histoire,parmi les grands chefs qui ont décidéde faire la guerre aux colonialistes...et il est malheureux que la mer n’est pas propicepour la sardine, son créneau actuelpour aller traquer quelques casiers à lapêcherie avec ses copains, qui sont avec lui àpatienter le bus de Kouba pour partir voirun ami qui a du boulot pour eux. Ils ontquitté l’école au même niveau du BEM, ilsne se sont pas inscrits au Service <strong>national</strong>mais ils possèdent tous un passeport « surlequel il ne manque que le visa pourl’Europe ou le Canada ! » MohamedBoudiaf? Ils se balancent des œillades,tiquent avec le sourire nerveux jusqu’à ceque celui qui était assis, se relève et parle dela salle qui porte le même nom. Il croit quec’est une salle de réunions de « politique oùon fait les discours ». D’où la nécessité d’uneexplication rapide sur l’événement téléviséen direct du <strong>29</strong> juin 1992 et aussitôt quelquesréminiscences éparses reviennent à lasurface de la mémoire des jeunes garçonsmais qui ne s’accompagne d’aucun point devue personnel sur les tenants et aboutissantsdu crime commis, mis à part la mort d’unchef – ils ne savent pas s’il a été élu, qui ilétait, ils ne connaissent pas l’Histoire de leurpays, l’Histoire de l’Algérie révolutionnaire,ils ignorent qu’un Abane a été assassiné pendantla guerre de Libération par ses frères,un Krim, un Khider, encore moins unKhemisti, un Mecili, dans la période del’Indépendance, celui qui fumait, Kabylegrandi à Alger, a entendu dire que MatoubLounès a été assassiné parce qu’il a «massacréQassaman ». Par contre, tous les troissont convaincus que les responsables, quiont organisé l’opération, avaient peur queMohamed Boudiaf mette en grand dangerleurs intérêts. Ils se mettent sur la chausséelorsqu’ils remarquent le bus pointer au loinet nous tentons une dernière question surALGERIE NEWS Samedi <strong>29</strong> juin <strong>2013</strong>l’absence prolongée du présidentde la République. «Même Président comme lui,je ne serais pas revenu, unpeuple comme nous n’a pasbesoin d’un Président maisd’un nabi comme RassoulAllah pour pouvoir fairequelque chose ! », a dit celui qui n’a fait quesourire depuis le début du débat, tandis quele bus arrive, il s’est retourné et a ajouté : « Acondition qu’il laisse quelqu’un pour s’occuperde l’Ansej ! »Vers le crépuscule, le cyber de la Maisonde jeunes est clairsemé parce que laconnexion est catastrophique. Dans la cour,il est difficile de déterminer l’âge autour dela vingtaine, le soleil a déjà fait assez bronzéet selon les cas, les traits peuvent vieillir ourajeunir et la misère peut jouer des tours enaccostant un adolescent de quatorze ans lecroyant étudiant à Bab Ezzouar, DelyBrahim ou Bouzaréah, ou au contraire, biennourri, bien dormi, bien épanoui dans sachambre pour lui tout seul, sa garde-robepersonnelle, son téléviseur et ses accessoires,le Smartphone qui ne quitte pas sa poche, etcetera, avec son argent de poche de milledinars par jour, on va vers un gaillard qu’ona jugé heureux dans la vingtaine mais quirépond d’une voix qui n’a pas encore opéréla mue. Bref, sur l’escalier qui monte vers lasalle de spectacles et de la conférence, desjeunes discutent du match Italie-Espagnequi doit commencer en début de soirée.La question sur Mohamed Boudiaf etson assassinat tombe mal à propos dans uneatmosphère de tension due à l’excitationpour la grande rencontre de foot et la déceptiond’Internet défectueux qui rend nerveuxles habitués programmés à cette heure de lajournée, d’autant qu’une information venaitd’être lâchée sur les résultats imminents dubac dans la Toile. Tout le monde semble prisau dépourvu dans un site supposé de culture,presque dans le même scénario d’hésitationque celui de l’abribus, mais Hakimprend le risque de dire ce qu’il a dans le ventre,beaucoup plus que ce qu’il a dans la tête– qu’il reconnaît que son papa tente de remplirde temps à autre, parce qu’il est militantactif dans un important parti. Vingt et unprintemps glanés en février, c’est-à-direqu’il avait quatre mois à l’assassinat deTayeb El Watani, il travaille comme pizzaïoloà mi-temps et à la pièce du côté deBirkhadem ; lui aussi, il a son passeport, il necompte pas faire le Service <strong>national</strong> et ilattend un bon tuyau pour voir s’il a assez defric pour acheter son visa, sinon il verracomment régler le problème dans la clandestinité,payer un navigateur dans le transportmaritime ou aller voir dans un autrepays sans visa la façon d’aller de là-bas versl’Europe.Pour lui, Boudiaf était comme les personnagesde « Ahl el kaf », en trente ansd’absence de son pays qu’il a sauvé des griffesdes colons français, il n’a pas réalisé queles gens qui y sont restés, sont devenus desétrangers pour lui, les gens du peuple et lesgens qui gouvernent. Il est revenu avec lamentalité avec laquelle il a quitté l’Algérie,brave, généreuse, patriote et désintéressée,explique Hakim, il a cru que ces qualitéssont encore partagées par la majorité descitoyens et au moins présentes dans la classequi gouverne. «C’est à la dernière secondequ’il a appris tout ça, le moment où on avidé un chargeur dans son dos ! », les jeunesqui entourent Hakim nous regardent d’unœil de vouloir dire :« Qu’est-ce que vous voulez de plus ? »Un des habitués de l’enceinte qui venaitd’arriver vers les dernières phrases de soncamarade nous a suivi jusqu’à la porte desotie pour ajouter : « Tous les Algériens quipossèdent l’amour de leur pays sont desBoudiaf et dans une liste que seul le bonDieu sait par qui elle est dressée, ils sont desgens déjà morts et enterrés ou bousillés etjetés dans la mer ! » C’est un étudiant enfinances et compatibilité et il a vingt-deuxans. Il ne m’a pas reconnu mais sa tantepaternelle est une très grande amie, redoutablepatriote du barreau et passionnée desdroits de l’Homme.N. B.

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