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Seine-Saint-Denis, territoire sacrifié - tolle, lege

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DOSSIERLe Monde 3Dimanche 28 - Lundi 29 septembre 2008a Yamina Benguigui, réalisatrice de « 9/3, mémoire d’un <strong>territoire</strong> »« Je suis toujours en colère »YAMINA Benguigui, née à Lillede parents algériens, construitune œuvre tournée sur l’histoiredes immigrés en France. Elles’est fait connaître notammentpar son documentaire Mémoiresd’immigrés, l’héritage maghrébin,réalisé en 1998 pour Canal+ etlargement diffusé en salles. DansLe Plafond de verre (2005), elleétudie les discriminations à l’embauchesubies par les jeunes Françaisd’origine étrangère. Elle aréalisé Aïcha, une série de fictionpour France 2. En mars, elle aété élue à la Mairie de Paris, surla liste de Bertrand Delanoë.Votre film se termine par unhommage aux deux jeunes quisont morts électrocutés dansun transformateur en fuyantdes policiers en 2005, et s’ouvrepar les images des émeutes quiont suivi. Pourquoi ?Lors de ces événements, laquestion de l’histoire de ce <strong>territoire</strong>n’a pas été abordée. J’aipensé qu’il fallait prendre letemps de replonger dans la mémoireet traiter les émeutescomme une longue nuit des désespérés,sans qu’on entende lesmots de « Kärcher » ou de « racaille». Je voyais une terre malade,oubliée par la France depuisVINCENT FLOURET/CANAL+le XIX e siècle, un continent quise détache à la dérive. Après deuxannées de travail sur ce documentaire,je me suis trouvée avec155 heures de rushes et de quoifaire quatre heures de film ! Je finissaispar avoir l’impression quecette terre allait m’engloutir et j’aidécidé d’ordonner le film autourde trois axes, le logement, l’industrie,les populations.A cette jeune génération desémeutes, que souhaitez-vousdire ?Je veux leur dire qu’à la discriminationsociale – on mettaittous les pauvres ensemble dansce nord-est de Paris – a succédéla discrimination raciale. Dire àces jeunes, Blacks et Arabes enmajorité, que leurs arrière-grandspèresvirtuels étaient Bretons,Auvergnats, Espagnols, qu’ils ontchèrement payé pour la modernisationde la France.Vous dénoncez les responsabilitésde l’Etat. Votre film est-ilune charge politique ?C’est le film le plus politiqueque j’aie jamais fait et je suis toujoursen colère. Ces dernières années,on a redoré le ghetto, c’esttout. Mon but est de contribuer àfaire cesser cette relégation. Unghetto, ce ne sont pas des gensqui s’adorent et décident de semettre ensemble ! En réalité, c’estune marginalisation organisée,une discrimination raciale.J’ai fait ce film pour ouvrir ledébat et pour rendre hommage àtous ces héros du 93, comme onrend hommage aux héros deVerdun. Leur condition, c’étaitLes Temps modernes. Il a fallu enpasser par là pour que le mondeentre dans la modernité. Il faudraitque l’Etat reconnaisse quece poumon européen de l’industriea été un <strong>territoire</strong> sacrifié.Propos recueillis par C. Bapart de nombreuses usines et laperte des emplois qui en dépendent,tandis que les attributionsde logements sociaux continuentà réunir les populations les pluspauvres. Commence alors l’èredu chômage, de la maladie, desRHAMA KONÉ. Avocate aubarreau de Montreuil, elle a grandià la cité des Francs-Moisins, à<strong>Saint</strong>-<strong>Denis</strong>. « Je ne trouvais pasd’emploi et je suis partie travaillerdans un cabinet d’avocats àWashington. Quand les émeutesont éclaté en 2005, j’ai pensé queje serais plus utile ici. »drogues. « Certains parents ontperdu trois ou quatre enfants. Ilsétaient dépassés et ne comprenaientpas ce qui arrivait », estimeYahia Bellakhal, dont lepère, ancien ouvrier d’Idéal Standard,ne voulait pas avouer sonSIBY SEDATI. Ancien ouvrierchez Idéal Standard, fabricantde chaudières et de sanitaires,il habite toujours à Montfermeil.« Les gens crevaient danscette usine. Qui sait combiende Maliens y sont morts, enaspirant des gaz ou dansla chaleur de la fonderie ? »licenciement : « Je me souviensde ses quintes de toux. Il voulaitnous montrer qu’il était encore lehéros de l’histoire, mais j’ai comprisqu’il fallait aller voirailleurs. »Les logements vieillissent mal,faute d’entretien : « Ils mettent lesgens dans des ghettos, après on peutrester six mois sans ascenseur. Onhabite au 18 eétage et il faut biensortir », dénonce Ginette René.Un <strong>territoire</strong> polluéAujourd’hui, l’ensemble du<strong>territoire</strong> est gravement pollué,expliquent plusieurs experts. Lesbombardements sur les usinespendant la seconde guerre mondiale,l’accumulation de matièresdangereuses ont contribué àdéposer dans les sous-sols deshydrocarbures, des métauxlourds, de l’arsenic, etc. Selondes études citées par Anne-Claire Lefort, acides sulfuriqueet citrique, soude et plomb ontcontaminé les nappes phréatiques.Le dynamitage des barresd’immeuble, dans les années1990, a projeté des poussièresd’amiante dans tout le voisinage.De nombreuses écoles sontbâties à moins de 500 mètresd’un établissement gravementpolluant.La construction du stade deFrance et l’implantation de bureauxet d’entreprises à proximitédynamisent certaines zones du département.Mais les emplois neconcernent pas les habitants.Comme le déplore Georges Guilbert,ancien président de la chambrede commerce et d’industrie,« quand Air France a embauché1 500 personnes à Tremblay-en-France, seulement cinq d’entre ellesvenaient du 93 ».Lycéen vivant dans la cité desBosquets, à Montfermeil, Abderrahimexplique que ses frères onttous fait des études supérieures.L’un est devenu chauffeur detaxi, après avoir envoyé en vaindes centaines de CV. L’autre afini par décrocher un emploi,grâce à une petite ruse : « Il a enlevél’adresse “93 Montfermeil” etécrit “94 Vincennes”. "Catherine Bédarida9/3, mémoire d’un <strong>territoire</strong>, lundi29 septembre à 20 h 50 surCanal+. Le film sortira en salle enfin d’année..

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