La femme, une femme…La femme n’existe pas, nous dit Lacan,comment l’abor<strong>de</strong>r ? Il n’y a pas, en effet,<strong>de</strong> signifi ants proprement dits pour direLa femme par contre plusieurs manièrespour une femme d’abor<strong>de</strong>r sa féminitéentre semblants <strong>de</strong> subsistance et l’illimitéed’une jouissance qui peut la ravager. Lesfemmes sont réel<strong>le</strong>ment énigmatiqueset mystérieuses ; désorientées, sensib<strong>le</strong>s,angoissées ou égarées, el<strong>le</strong>s tententchacune <strong>de</strong> trouver l’essence <strong>de</strong> <strong>le</strong>urféminité à travers diverses solutions soit dansune relation particulière à un partenaire soitdans l’investissement coûteux d’une passionsalvatrice ou dévorante. Camil<strong>le</strong> Clau<strong>de</strong>l faitpartie <strong>de</strong> ces femmes qui se laissent emporterpar la passion <strong>de</strong> son art, perdue dansl’absolue d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. L’ambiva<strong>le</strong>nce<strong>de</strong> sa position subjective qui s’écrit dans ethors <strong>de</strong> l’œuvre nous donne <strong>le</strong>s clés <strong>de</strong> cequi s’y dénoue. Pour créer, el<strong>le</strong> puise soninspiration dans <strong>le</strong>s courantsartistiques en vogue,mais aussi dans cequi la constitueet la met àl’épreuve.El<strong>le</strong> agit et réagit guidée par <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>ursobscures et secrètes et son <strong>de</strong>stin s’en trouveperturbé. Son parcours <strong>de</strong> femme et d’artiste,ne s’inscrit pas dans une communauté <strong>de</strong>femmes, comme femme, lui permettant <strong>de</strong>répondre d’el<strong>le</strong> en tant que femme/artisteni à ce qui fait sa différence avec l’homme/artiste. Son ambition subvertit la différence,et fait fi <strong>de</strong>s semblants qui limitent et régu<strong>le</strong>ntson rapport à une jouissance particulière,qui prône l’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s sexes. Dans l’espacecirconscrit <strong>de</strong> la matière, el<strong>le</strong> iso<strong>le</strong> cettejouissance et l’expérimente à l’infi ni. Sonœuvre s’enrichit <strong>de</strong> cette substance et<strong>de</strong>vient objet d’art. El<strong>le</strong> occupe la scène<strong>de</strong> la création et réalise quelque chose<strong>de</strong> p<strong>le</strong>inement épanoui, dénué <strong>de</strong> doute,d’ennui et <strong>de</strong> peur.D’un quelque chose qui la happe et lasecoue s’élabore quelque chose qui lasecourt. Insatiab<strong>le</strong>, « el<strong>le</strong> explore une régionsans marques, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières » etarpente une zone inconnue, semblab<strong>le</strong> àun trou béant et s’y égare. La création <strong>de</strong>l’œuvre, sa <strong>de</strong>struction enterrée ainsi que sonarrêt décisif pose <strong>le</strong> problème crucial <strong>de</strong> lapsychose <strong>de</strong> Camil<strong>le</strong> Clau<strong>de</strong>l, par rapportà la relation à l’Autre <strong>de</strong> la reconnaissance.Comprendre ce qui l’aspire, la soutient etl’engloutit s’ordonne selon nous autour <strong>de</strong>trois signifi ants, femme, folie et création.Camil<strong>le</strong> Clau<strong>de</strong>l – De la grâce à l’éxil10La femme, la folie, la création
Une logique à l’œuvreLa femme, la folie, la création procè<strong>de</strong>nt eneffet d’une logique signifi ante qui fait échoà <strong>de</strong>s temps forts <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Camil<strong>le</strong>. Cettelogique s’articu<strong>le</strong> dans un nouage qui a sonimportance dans l’abord du cas Camil<strong>le</strong>Clau<strong>de</strong>l. Ces trois signifi ants offrent plusieursgril<strong>le</strong>s <strong>de</strong> <strong>le</strong>cture et peuvent s’entendredifféremment selon que nous <strong>le</strong>s abordionssous l’ang<strong>le</strong> <strong>de</strong>s courants esthétique,historique ou psychanalytique.Ces regards différents apportent dans <strong>le</strong>urensemb<strong>le</strong> la possibilité <strong>de</strong> mieux comprendrela femme, l’artiste et la particularité <strong>de</strong> sonart. Des citations nous orientent et fournissentun trésor inestimab<strong>le</strong> sur <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> réelsque la psychanalyse tente <strong>de</strong> repérer et <strong>de</strong>dénouer. Ils s’affi chent éga<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>marbre et dans <strong>le</strong> cheminement <strong>de</strong> sa vie.La femme, la folie, la création doit doncs’entendre comme une problématique quiouvre sur ces bouts <strong>de</strong> réel circonscrits et surl’origine <strong>de</strong> ce qui fait point d’achoppement,point <strong>de</strong> rupture et mise en exergue d’unesouffrance à l’œuvre chez Camil<strong>le</strong>. Ceréel met en lumière l’énigme d’unecertaine étrangeté reconnue dansl’œuvre et la mise en évi<strong>de</strong>nced’une solution que Camil<strong>le</strong>a construite avec hargne etcourage <strong>le</strong>s trente premièresannées <strong>de</strong> sa vie, créant uneœuvre incarnée <strong>de</strong> ce qu’ily a <strong>de</strong> plus intime et ce plussombre en el<strong>le</strong>.La puissance <strong>de</strong> création et d’invention <strong>de</strong>Camil<strong>le</strong> rési<strong>de</strong> dans cette réussite provisoire<strong>de</strong> puiser continûment dans ce qui laconstitue intrinsèquement. Femme, folie etcréation sont en conséquence trois signifi antsindissociab<strong>le</strong>s qui concrétisent ce qu’el<strong>le</strong>parvient temporairement à faire tenir dans savie et dans l’œuvre. Trois termes, au fond, quenous avons extraits <strong>de</strong> cette riche élaboration.Pris dans cette logique, ils désignent combienl’intime occupe une place prépondérantedans l’œuvre.Désolidarisés et pris individuel<strong>le</strong>ment, ilsouvrent sur une autre problématique révélatrice<strong>de</strong> cette psychose qui l’exi<strong>le</strong> peu àpeu. Épuisée, en effet, el<strong>le</strong> s’est égarée dansun cheminement chaotique et douloureuxinhérent à la ru<strong>de</strong>sse <strong>de</strong> son art, aux diffi cultésfi nancières écrasantes et nombreuses ainsiqu’à son combat absolu <strong>de</strong> reconnaissance.La folie s’extrait <strong>de</strong> ce bricolage précairemettant en exergue un mon<strong>de</strong> crépusculairedans <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> va s’enfermer. Au fond, lacréation ne soutient plus cel<strong>le</strong> qui se laissetomber dans <strong>le</strong> trou noir <strong>de</strong> l’horreur. Le vi<strong>de</strong>se déploie, son mon<strong>de</strong> se délite et produitune femme désarrimée <strong>de</strong> l’Autre et dumon<strong>de</strong>. Et cette logique signifi ante femme,folie, création ne tient plus que dans unassemblage désordonné, délié. De la grâceà l’exil explicite donc <strong>le</strong> long cheminementd’une femme qui entre dans la lumière parl’art puis s’éteint peu à peu dans l’ombred’une effroyab<strong>le</strong> tragédie personnel<strong>le</strong>.Camil<strong>le</strong> Clau<strong>de</strong>l – De la grâce à l’éxil11La femme, la folie, la création