Education et cohésion sociale I. La cohésion sociale : un enjeu pour ...

la société pour la société. Cependant, l’ouverture vers la société globalisée,mondialisée qui apparaît dans tous les discours curriculaires crée un vide, celuilaissé par l’abandon des liens qui retenaient l’enseignement en otage des réseauxdes pouvoirs locaux, des traditions et des valeurs d’une société repliée sur ellemême,dont les membres cultivaient la conviction de la supériorité de leursmodes d’existence. Si d’un côté l’exaltation du développement de l’économiemondiale et des enjeux planétaires dans les programmes d’enseignement sontune contrepartie au renferment sur les intérêts patriotiques et nationalistes de lasociété du 19 ième siècle, on ne peut pas perdre de vue les effets traumatisants etdéstabilisants de la cassure du lien avec le local. Cette fracture laisse la placelibre aux injustices les plus douloureuses, aux formes d’exploitations cachées,aux oppressions silencieuses. Aucune fuite en avant n’offre une solution stableaux malheurs de tous les jours. Les politiques de l’enseignement peuvent doncs’approprier d’enjeux sociaux délaissés qui étaient autrefois blindés par lesnotables qui contrôlaient les systèmes d’enseignement. Elles ont une occasionunique de prêter une plus grande attention aux délaissés, aux exclus, auxnouveaux pauvres produits par la globalisation, aux catégories socialesmarginales qui constituent les laissés pour compte de la mondialisation. La luttepour la cohésion sociale ne se déroule pas sur le plan générique d’une nouvelleentente cordiale qui embrasse tout le monde et entraîne toute l’humanité vers unbien-être grandissant. Cette option a le défaut d’oublier ou de refouler lesperdants, de les ignorer et ce faisant d’alimenter un malaise diffus, uneinsécurité généralisée, car les exclus ne manqueront pas, tôt ou tard, de seprésenter à la table du banquet. C’est donc une grande erreur de les ignorer dansun discours lénifiant et incantatoire. Dans les sociétés du bien-être la cohésionsociale passe par un choix clair, partisan : celui du champ des exclus, des laisséspour compte.L’enseignement a perdu de son importance comme instrument de contrôle et degestions de la société, car les techniques de gouvernement de la populationpeuvent se passer aisément désormais de l’idéologie éducative inculquée dansles écoles ; par ailleurs, l’apprentissage des mœurs nécessaires pour fonctionnerdans une société administrée par la bureaucratie peut se faire sans l’école. A lalimite on pourrait envisager de très bien survivre sans apprendre à lire ou àécrire, ce qui constituait, encore jusqu’à une époque récente, la grandejustification de l’école. Les sociétés globalisées de masse peuvent se permettrevraisemblablement une proportion élevée de personnes ayant de vaguescompétences, des niveaux basiques de littératie. On pourrait imaginer qu’onparviendra à survivre fort bien à l’avenir sans des niveaux élevés de culture et àgouverner les populations sans les outils et l’éducation que l’école était censéetransmettre. Cette option est tout à fait compatible avec un certain modèle dedéveloppement. Cependant il y a d’autres raisons, non éthiques, non politiques,