20 LE SYCOMORE VOL. 3, N o 1L’ampleur des restrictions dépendra de la philosophie coloniale appliquéesur le terrain, notamment par la Grande Bretagne et la France, les deux grandespuissances coloniales en Afrique : l’« indirect rule », qui guidait la première, etl’assimilation préconisée par la seconde. En effet, la Grande Bretagne permettaitaux populations une certaine liberté de s’organiser localement. La France,pour sa part, entendait intégrer ses colonies au sein de son peuple ; sa politiquelinguistique était donc évidente.4. Attitudes des ÉglisesAu Cameroun, par exemple, les premiers postes missionnaires baptistesfurent implantés en 1841 à Bimbia, et en 1854 à Douala dans les Camerounsanglophone et francophone actuels. <strong>Le</strong> premier aménageur linguistique, lemissionnaire baptiste Alfred Saker, choisit le douala, en établit l’orthographe en1856 et traduisit la Bible dans cette langue en 1872. Préoccupés par l’éducationdes populations locales, les missionnaires commencèrent l’instruction en langueslocales. Cette orientation devint la marque de la pratique missionnaire en général.Pour eux, cela représentait la meilleure base d’implantation de communautéschrétiennes en Afrique.Mais au fil des années, cette approche ne put résister à l’attrait dessubventions introduites par les administrations coloniales pour promouvoir leslangues européennes. De toute évidence, compte tenu des moyens financierslimités d’application par les missionnaires de leur politique, alors que ceux desadministrations coloniales pour mettre les leurs en œuvre étaient relativementplus importants, on ne pouvait qu’aboutir à la suprématie de leur option quipossédait les ressources matérielles et potentielles plus importantes. De plus,la propension des missions à se livrer une concurrence féroce entre elles pourl’hégémonie locale encourageait les administrations coloniales à trouver en ellesdes alliés. Ces tendances semblent s’être nettement accentuées avec l’entrée enscène des églises, encore plus fragiles sur le plan financier.Pour nombre de dirigeants des églises, leurs nombreuses responsabilités,ainsi que leurs maigres ressources, ne leur offrent pas le luxe de faire de lapromotion des langues locales une priorité. Car l’aménagement des langueslocales nécessiterait des ressources colossales que l’Église ferait mieux d’utiliserailleurs si elles sont disponibles. Il n’y aurait pas suffisamment de fonds pourassurer la standardisation (ex. produire du matériel didactique) de nombreuseslangues africaines. D’aucuns prétendent que l’utilisation des langues locales dansl’éducation chrétienne ne permet ni l’affermissement en profondeur de croyants,ni une croissance qualitative. Ils évoquent à l’appui l’absence de documentationchrétienne dans ces langues. De plus, les langues africaines ne sauraient pastoujours exprimer les notions théologiques adéquates. Sans compter que lapromotion de ces langues porterait à accuser l’Église de renforcer le tribalisme.<strong>Le</strong> <strong>Sycomore</strong> Vol. 3 No 1 12 Mai 09.indd 206/4/2009 3:30:34 PM
ATTITUDES ET POLITIQUES LINGUISTIQUES...21S’agissant de la traduction de la Bible, on entend des dirigeants deséglises dire que les langues internationales se répandent, et il serait donc inutile des’inquiéter. Car les populations pourront toujours lire la Bible dans ces langues.Or, les données de la recherche semblent indiquer le contraire : au Nigeria, 33%de la population et seulement 15% au Kenya peuvent réellement tirer profit d’unelecture en langue internationale, c’est-à-dire, l’anglais. L’immense majorité seraitdonc abandonnée à elle-même dans ce cas de figure !Pourtant ces dirigeants affirment aussi ne pas comprendre pourquoi unepartie du peu de ressources matérielles et humaines disponibles à une église enmanque devraient être affectées à la traduction de la Bible et à l’alphabétisation.D’ailleurs, les traductions en langues locales existantes, se plaignent-ils, sonttrop difficiles à lire, et nos jeunes connaissent peu ces langues et s’y intéressentencore moins. Nos pays africains ont trop de langues, disent-ils. On ne peutraisonnablement s’attendre à ce que toutes ces langues aient une Bible, comptetenu des ressources qui ne font que s’amenuiser.S’agissant de l’aménagement linguistique, les orientations de l’Eglisetendent à refléter celles des gouvernements : en ville, une langue internationaleou véhiculaire est favorisée, les langues locales étant, quand on consent à lesutiliser, reléguées à la campagne. A noter, la forte implication historique deséglises initiée par leurs missions, dans le domaine de la traduction de la Biblepour utiliser les langues locales, est graduellement supplantée par l’utilisationdes langues internationales ou véhiculaires. De même, l’omniprésence des langueslocales dans la formation de cadres moyens dans les instituts de théologie estgraduellement remplacée d’abord par des langues véhiculaires, puis par deslangues internationales.<strong>Le</strong>s organismes de traduction de la Bible en viennent à se demander s’il fautpublier des textes quand on doute sérieusement qu’un lectorat existe pour elleou puisse lui être trouvé. Ils s’interrogent s’il est réaliste de penser publier desproduits qui risquent de ne jamais être lus par le public cible, puisque les jeunesn’apprennent pas à lire la langue locale ? Incombe-t-il alors aux organismes detraduction de la Bible d’assurer la survie des langues locales en procédant à latraduction de la Bible dans ces langues ?5. Attitudes de l’administrationToujours à titre d’exemple, dès 1472, les Portugais nouèrent des contactscommerciaux avec ce qui est devenu la république du Cameroun. D’autresEuropéens les suivirent. <strong>Le</strong> pidgin anglais 16résulta de ces relations (Stumpf, 197927 ).Il avait beaucoup d’attrait car cette langue pouvait être assimilée rapidement.6Ou « Pidgin English ». Un pidgin est une forme de langage que les gens utilisent quand ils ne se comprennent pas.<strong>Le</strong>s gens qui parlent un pidgin parlent une autre langue comme langue maternelle. Lorsque le pidgin est adoptépar la génération future comme unique langue d’une communauté, il devient une « créole ». En Sierre <strong>Le</strong>one, parexemple, les populations sur place et les esclaves arrivés à Freetown se sont communiqués à travers un pidgin, quiaujourd’hui est devenue une créole, une langue importante qui a sa propre Bible.7Rudolf Stumpf, La politique linguistique au Cameroun de 1884 à 1960. Berne : Peter Lang, 1979.<strong>Le</strong> <strong>Sycomore</strong> Vol. 3 No 1 12 Mai 09.indd 216/4/2009 3:30:34 PM
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