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la vie devant soi

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Texte annexe: Pseudo - AJARJ'étais figé, saisi, immobilisé, tenu, coincé. J'étais, quoi. La peur, chez moi, fait tout chavirer. C'est toutde suite naufrage et panique à bord avec SOS et absence universelle de chaloupes de sauvetage.Il nageait à côté de moi et cherchait à s'agripper à ma manche. Et je voyais qu'il avait tout aussi peurd'être Ajar que moi d'être Pavlowitch. Et comme on avait tous les deux peur de <strong>la</strong> mort, c'était <strong>la</strong>chiasse sans issue.Il se débattait, essayait de se libérer. Il avait six pattes, dans son effort de s'en sortir; trois ailes d'unetout autre espèce, des écailles très réussies en ce qu'elles n'avaient rien d'humain, et de tout petitstétons roses et maternels, car il rêvait un peu d'amour, malgré tout. Il essayait de se dépêtrer, d'êtretoute autre chose, devenait un nénuphar tacheté du règne zoologique, mais il n'y arrivait pas plus quemoi, et avait beau faire a-dada, il ne s'en sortait pas plus que les surréalistes. Il en était,indubitablement, et à fond perdu, si tant est qu'il en ait jamais eu un, avec tous les organes etéléments dans un but de souffrance. Schizo comme pas possible, et génétique, au nom du Père, de<strong>la</strong> Mère et du Fils: puant d'un côté, il se mettait à rayonner de sainteté de l'autre et, avec du sang plein<strong>la</strong> gueule, il lui venait en même temps des poèmes d'amour là où normalement il n'y aurait dû y avoirque sa bestialité foncière. Il réussissait parfois, dans un prodigieux effort de vérité, à avoir un trou ducul à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce d'un orifice buccal, mais là, donc, où normalement il aurait dû n'y avoir que de <strong>la</strong> merde,il lui sortait comme chez d'habiles fumeurs des auréoles de sainteté, de beauté et de martyre, qu'ilutilisait aussitôt habilement pour cacher ses infamies. Il faisait des chefs-d'œuvre avec desgargouillements d'agonie, et avec <strong>la</strong> puanteur de son souffle, il fabriquait des canu<strong>la</strong>rs quidégorgeaient une odeur que l'on aurait pu qualifier d'immortelle, si ce mot n'avait pas tant servi àlécher le cul de <strong>la</strong> mort. La seule chose qu'il n'arrivait pas à changer, c'était ses organes dereproduction, car il faut que le pseudo-pseudo continue, faute d'Auteur.C'est en vain qu'Ajar essayait de se muer en salsifis, en asperge, en bidule, en pléonasme aquatique,pour ne plus avoir honte de lui-même et de son imposture.Pauvre con. Plus il essayait de ne pas être un homme et plus il devenait humain.Ce texte est extrait de Pseudo d'Emile Ajar. Copyright Editions Mercure de France.A.R.Tamines Bothy G. page 22 sur 33

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