Bulletin municipal n°46 - Lutterbach

RETOUR VERS LE PASSÉUn repaire de trafiquantsCela fera bientôt un siècle que Lutterbach a une frontière commune avec Mulhouse. Avant le rattachement de Dornachà Mulhouse en 1914, c’est avec le village (encore autonome) de Dornach que Lutterbach partageait sa frontière sur laDoller.Ceci étant, la proximité de Lutterbach avec la république de Mulhouse, alliée aux Suisses et autonome jusqu’en 1798,a engendré bien des remous. C’est surtout durant la Révolution que Lutterbach prend une importance stratégique,alors que les régimes français successifs tentent d’étouffer économiquement Mulhouse pour provoquer sa réunion à laFrance. Certains industriels mulhousiens négocient secrètement la réunion de la ville et investissent déjà à Lutterbach,misant sur la levée future des barrières douanières. C’est le cas de Pierre Dollfus, qui rachète l’ancienne cour de Lucelle(actuel institut St Joseph) pour en faire une manufacture… entreprise qui existe toujours aujourd’hui sous le nom de…DMC !En attendant, la Révolution contrarie tous les plans des industriels dans sa stratégie d’encerclement de Mulhouse. Ellecommence par imposer les assignats, ces premiers billets de banque, en interdisant aux villageois de toucher à la villedes salaires en monnaie métallique. Cette interdiction étant diffi cilement contrôlable, il devient finalement interdit auxLutterbachois de travailler dans les manufactures mulhousiennes, pourtant en recherche de main d’œuvre. L’industrielHugeney (Huguenin)tente quant à lui unautre stratagème : illoue un blanchiment àLutterbach et sembleimpliqué dans un traficde faux assignats, ce quile mène brièvement… enprison ! Curieusement,c’est aussi à cette époqueque se développeprovisoirement unmarché hebdomadaireà Lutterbach, lieud’échanges et decommerces parfoisillicites.Au niveau politique,Pierre Dollfus et son frèreGeorges s’établissent àLutterbach, y possèdentde fait tous les pouvoirset y créent un comité desalut public pour faire la chasse aux contre-révolutionnaires... Quel paradoxe de voir alors des Mulhousiens (alliés auxSuisses, et donc non français) faire arrêter des Lutterbachois pour non port de la cocarde tricolore ! Mais les autoritésréalisent bientôt que Georges Dollfus ne possède même pas la nationalité française… Qu’à cela ne tienne : un repasaccompagné d’une furieuse beuverie offerte au conseil municipal règle l’affaire !La chute de Robespierre entraînant de dangereux règlements de comptes entre révolutionnaires, les frères Dollfusretournent en vitesse habiter Mulhouse, comme si de rien n’était… tout en négociant avec Paris l’autorisation defaire travailler à Mulhouse de la main d’œuvre « étrangère ». Jouant sur tous les tableaux, politiquement commeéconomiquement, secrètement ou au grand jour, certains auront donc lutté à tous les niveaux pour défendre leursintérêts, transformant pour un temps Lutterbach en repaire de trafi quants. La réunion de Mulhouse à la France met finà cette période troublée.Damien Kuntz – AHLSi cet article vous a intéressé, l’Association d’Histoire propose le 30 novembre à 19 h 30, Salle des Brasseurune conférence-diaporama de Jean-Marie Nick et Damien Kuntz qui présentera en images les limites duban communal et les nombreuses histoires qui y sont liées.www.mairie-lutterbach.fr10