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Le couscous connection

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Titre provisoireCouscous connexion : l’histoire d’un plat migrantRésuméL’immigration est un sujet d’études ancien pour les sciences humaines etsociales. <strong>Le</strong>s démographes s’intéressent ainsi aux mouvements depopulation, les historiens à la diffusion des cultures et aux colonisations, lesanthropologues voient dans la figure de l’immigré celle de « l’autre », et lessociologues s’interrogent notamment sur les transformations socialesgénérées par l’arrivée des immigrés. Plus récemment, les chercheurs enmarketing se sont aussi intéressés à l’immigration. D’abord parce que lesimmigrés représentent un marché et que parce que, dans une perspective« transformative research », cette compréhension permettrait d’améliorerleur bien être du quotidien en proposant des offres adaptées facilitant leurparticipation à la société française.La plupart des recherches en comportement de consommation étudientpar quel processus l’individu s’adapte à une culture différente de la sienne,en s’intéressant à deux phénomènes : l’assimilation et l’acculturation. <strong>Le</strong>srecherches issues de l’approche assimilationniste étudient commentl’individu s’ajuste à une nouvelle culture en s’en appropriant plus ou moinsrapidement les éléments de la nouvelle culture, au détriment de sa cultured’origine (Hirschman, 1981 ; Wallendorf et Reilly, 1983 ; Deshpande et al.1986 ; Kim, Laroche et Joy, 1990). Depuis les années 1990, les recherchesprivilégient l’approche par l’acculturation. Selon ce courant, les individus sesituent à différents niveaux d’adaptation et empruntent des éléments à leurculture d’origine comme à la culture d’accueil (Berry, 1980 ; Mendoza,1989 ; Jun, Ball et Gentry, 1993 ; Penaloza, 1994). <strong>Le</strong>s travaux les plus récentsinsistent sur le balancement (swapping) entre culture d’origine et cultured’accueil, et de ce mouvement, émergent différents modèlesd’acculturation (Oswald, 1999 ; Lindridge, Hogg et Shah, 2004 ; Askegaard,Arnould et Kjeldgaard, 2005 ; Üstüner et Holt, 2007). Dans cette recherche,nous proposons l’acculturation comme une « interpénétration descultures ».L’univers alimentaire en situation de rencontre des cultures est une piècemaîtresse de lien ou de conflit, puisque, comme le souligne Lévi-Strauss, lacuisine d’une société est « un langage dans lequel elle traduitinconsciemment sa structure » (Lévi-Strauss, 1968, p. 411). La cuisine est unensemble de pratiques, de savoir-faire, ou de règles issues de code socialet reflète donc des logiques de distinction ou d’adhésion (e.g. Bahloul,1983 ; Wilk, 2006). C’est un espace matériel où les rapports sociaux degenre et de générations ou la distribution des rôles peuvent être étudiés etdans le quel résonne la sociabilité quotidienne des individus. Parce qu’elleobéit à des rites d’élaboration et de préparation qui constituent une mise


en scène des rôles et des relations ou une représentation au monde, elle està la fois de l’ordre de l’imaginaire et de l’ordre matériel. Chaque « tribu » deconsommateurs élabore des rites en fonction des interdits, des séparationsentre pur et impur, sacré et profane, fête et quotidien, lesquels marquent lafrontière de son appartenance à un monde distinct ou donnent l’occasiond’aller à la rencontre de l’autre. Si la cuisine est le produit d’unetransmission culturelle et sociale, elle se modifie et se transforme grâce auxinfluences et aux échanges entre populations et aux circulations desmarchandises.Avec les flux migratoires, la mémoire du goût ou de l’odeur d’un met sedéplace avec l’immigrant. De même, à la suite de la colonisation, certainsmets ou coutumes alimentaires ont fait leur entrée dans la culture culinairedes colons. Dans l’expérience migratoire, la cuisine s’invente au quotidien àcause de l’absence de certains ingrédients ou ustensiles traditionnels maisaussi par la nécessité et/ou de la volonté de partager avec les « autres ».Ainsi, certains plats d’« ailleurs » sont aujourd’hui largement diffusés enEurope occidentale et réappropriés par les habitants : la pizza, la paëlla, ledöner kebap ou le <strong>couscous</strong>… De simples mets traditionnels, ces platsdeviennent porteurs d’une histoire symbolique et d’un lien entre lescommunautés et diminuent ainsi les distances géographiques (avec le paysd’origine) et les distances mentales (entre les immigrants et les habitants dupays d’accueil).Cette recherche se focalise sur le <strong>couscous</strong>, son histoire de diffusion et saplace dans l’histoire personnelle des interviewés. Plat maghrébin d’origineberbère, le <strong>couscous</strong> a réussi à conquérir la France. Dans une récenteenquête menée pour le magasine Notre temps (2006), le <strong>couscous</strong> est ledeuxième plat préféré des Français après la blanquette de veau et avantles moules frites. Ce plat est issu d’une longue histoire et porteur designification profonde. Couscous de fêtes, de mariage, de baptême ou decirconcision, <strong>couscous</strong> des villes, des montagnes, du désert, <strong>couscous</strong> desriches et des pauvres… Chaque maghrébin a une histoire liée au <strong>couscous</strong>et lui donne un sens personnel.Cette recherche a pour objectif de comprendre le processusd’acculturation des consommateurs au travers d’une pratique culinaireinterprétée par les auteurs comme vecteur de transmission culturelle entreles générations et d’interaction entre les groupe majoritaire et minoritaire.Elle permet en outre d’identifier les réseaux de relations autour de laconsommation de <strong>couscous</strong> (au sens large) ainsi que les rites ou mythesassociés à ce plat. Cette recherche s’appuie sur les entretiens approfondisdéveloppés dans le cadre de la méthode des itinéraires (Desjeux, 2000,2006). L’accent est mis au niveau micro-social : des consommateursd’origine maghrébine au sein d’une même famille mais issus de deuxgénérations (par exemple : mère-fille) sont prioritairement interrogés.Cependant, le périmètre interprétatif s’étend à la « filière de manger » ausens de Corbeau (2004) et nécessite une compréhension plus large du


marché du <strong>couscous</strong> (restaurateurs, détaillants, etc.).Bibliographie sélectiveArnould, E. J., and Thompson, C. 2005. Consumer Culture Theory (CCT):Twenty Years of Research. Journal of Consumer Research 31: 868-882.Askegaard, S., Arnould, E. J. and Kjeldgaard, D. 2005. PostassimilationistEthnic Consumer Research: Qualifications and Extensions. Journal ofConsumer Research 32 (June): 160-170.Bahloul, J. 1983. Nourritures de l’altérité: le double langage des juifsd'Algérie, Annales, E.S.C., March-April, 2:325-340.Corbeau, J.P. 2004. <strong>Le</strong>s « jeux du manger », XVIIème congrès de l’AISLF, CR17 « Sociologie et anthropologie de l’alimentation »Tours.MéthodologieEtude qualitative – Méthode des itinérairesAuteursAmina Béji-Bécheur et Nil Ozcaglar-ToulouseEtat d’avancementCollecte des données en cours

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