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Les_enfants_de_l'aurore

Il n'était pas une fois, ni même autrefois, mais bien de nos jours, sur notre bonne terre, il y avait deux enfants qui vivaient librement, au coeur d'une forêt profonde, sans s'être jamais rencontrés.

Il n'était pas une fois, ni même autrefois, mais bien de nos jours, sur notre bonne terre, il y avait deux enfants qui vivaient librement, au coeur d'une forêt profonde, sans s'être jamais rencontrés.

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enthousiasme, la même ar<strong>de</strong>ur renouvelée. Son bonheur s’avivait <strong>de</strong><br />

voir un brin d’herbe, une plante, exhaler leur fraîche haleine, ou <strong>de</strong><br />

sentir chaque fibre <strong>de</strong> la forêt lui adresser au passage un vibrant<br />

merci. L’ivresse qu’il en ressentait était telle, que souvent <strong>de</strong>s larmes<br />

<strong>de</strong> joie frangeaient ses paupières. Comme <strong>de</strong>s perles superbes roulant<br />

sur ses joues roses, elles arrosaient les plantes alentours d’une chau<strong>de</strong><br />

ondée <strong>de</strong> bonheur, et surpassaient en magnificence l’éclat même <strong>de</strong> la<br />

rosée !<br />

Pendant ce temps, ailleurs dans la forêt, l’autre enfant, tenant en<br />

main une coupe, une coupe magique, elle aussi, qui ne débordait<br />

jamais, se livrait à une occupation non moins singulière.<br />

Il prenait soin d’abord <strong>de</strong> débarrasser la nature <strong>de</strong> toutes les<br />

gouttes impures s’épanchant <strong>de</strong>s blessures que l’homme sans cesse<br />

inflige à la vie et qui s’étaient déposées un peu partout comme un<br />

hi<strong>de</strong>ux manteau. Celles-là n’avaient pas l’apparence nacrée <strong>de</strong> la<br />

rosée, et il les reconnaissait toujours au premier coup d’oeil, sans se<br />

donner la peine <strong>de</strong> les chercher.<br />

Et ainsi rendait-il à la terre, sans même savoir d’où elles venaient,<br />

toutes ses eaux les plus viles, pluies aci<strong>de</strong>s ou sources polluées, et<br />

d’autres eaux bien plus mystérieuses encore, <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> vie à l’eau<br />

<strong>de</strong> là ...<br />

Lorsqu’il avait fini d’épurer la nature et que seules les gouttes <strong>de</strong><br />

rosée jetaient leurs feux d’éclat, l’enfant ivre <strong>de</strong> plaisir les recueillait<br />

avec précaution dans sa coupe. Mais chaque fois, il était autant<br />

surpris que ravi <strong>de</strong> découvrir <strong>de</strong>s perles aussi belles que celles <strong>de</strong> la<br />

rosée, mais qui laissaient sur le bout <strong>de</strong> la langue un goût légèrement<br />

amer et salé...<br />

Ainsi vivaient éphémèrement les <strong>enfants</strong> <strong>de</strong> l’Aurore avant <strong>de</strong><br />

disparaître à l’approche du jour. Et sans doute seraient-ils restés sans<br />

jamais se connaître si les perles <strong>de</strong> rosée, dont ils prenaient tant <strong>de</strong><br />

soin, ne leur avaient glissé un jour au creux <strong>de</strong> l’oreille un conseil<br />

qui, venant <strong>de</strong> leur part, était bien naturel. Car c’est chose bien<br />

connue que <strong>de</strong> tout temps les perles <strong>de</strong> rosée ont été follement<br />

amoureuses <strong>de</strong>s roses. C’est dans leur cœur odorant qu’elles aiment à<br />

se nicher au petit matin, et nulle part ailleurs elles ne se savent mieux<br />

mises en valeur. Elles conseillèrent donc à chacun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>enfants</strong><br />

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