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Q<br />

Quant à Serafim, qu’on découvre aussi par petites touches, quand il débarque à<br />

Montréal, il reste hanté par un amour perdu qui continue de l’obséder. D’origine<br />

portugaise, le jeune homme racé et impétueux immortalise ses visions comme le<br />

temps en pratiquant la photographie de rue, une passion que le héros de cette<br />

fiction a en commun avec son créateur et qui y tient un rôle de premier plan puisque<br />

l’auteur, sans avoir ajouté des photos à son texte, fait tout comme, en décrivant des<br />

images comme s’il s’agissait de clichés. « Dans chaque journal, de 1925 à 1934, les<br />

photos qui accompagnent les articles illustrent des portraits de personnages, sans<br />

égard au sujet de la nouvelle. Si l’événement photographié concernait, par exemple,<br />

l’écroulement d’un pont, on y retrouvait des visages d’individus! C’est absurde. Or il<br />

y avait des photographes de rue qui montraient autre chose, qui allaient au-delà des<br />

simples portraits, comme Henri Cartier-Bresson. Et, cette manière de faire a explosé<br />

dans les années 30. C’est en quelque sorte les débuts du photojournalisme qu’on<br />

connaît aujourd’hui et que j’aime exercer. »<br />

Émerger à deux<br />

À travers la turbulence de ces années sombres de dépression qui prend d’assaut la<br />

métropole montréalaise, au milieu de la corruption, de l’omniprésence du clergé,<br />

des divisions entre les francophones et les anglophones – qui occupaient davantage<br />

les postes de pouvoir –, l’émergence de mouvements sociaux revendicateurs comme<br />

les suffragettes, Claire et Serafim se croiseront pour battre le fer côte à côte et, ainsi,<br />

émerger des flots, plus forts à deux.<br />

La sensibilité avec laquelle Lavorato, né de père italien, saisit cette réalité pourtant<br />

si loin de ses racines albertaines est étonnante. « Je viens d’une famille conservatrice,<br />

d’une ville conservatrice, où règnent des sentiments négatifs sur les Québécois et le<br />

français… On dit parfois que les Québécois veulent tout, qu’ils ne sont jamais satisfaits<br />

de ce qu’ils ont, qu’on leur en donne déjà assez... Mais en venant ici, j’ai compris autre<br />

chose, que le peuple ici, avant la Révolution tranquille, avait toujours été persécuté par<br />

le pouvoir anglo et le reste du Canada… Ça m’a fait un choc, ça m’a rendu curieux au<br />

sujet de votre province, et… charmé aussi! Montréal est si belle, et il y a une tradition<br />

ici, une âme, quelque chose d’unique comme un feu qui a pris en moi. »<br />

Si bien que l’écrivain, qui a grandi à l’ombre des Rocheuses, a choisi il y a six ans de<br />

s’y installer, d’y écrire, d’y photographier ce qui l’ébranle et l’émeut.<br />

Regard étranger<br />

Si savoir que Serafim et Claire sera lu par des Québécois francophones l’angoisse un<br />

peu, il n’en demeure pas moins convaincu que n’étant pas d’ici, il a le recul salutaire<br />

pour observer les enjeux québécois et y imaginer un univers.<br />

Serafim and Claire a suscité des réactions d’étonnement chez plusieurs qui ignoraient<br />

le chemin parcouru par nos ancêtres québécois. « En 1934, chez les anglophones de<br />

Montréal, il y avait un des plus bas taux de mortalité infantile au monde. Chez les<br />

francophones, il y avait le plus haut taux après Calcutta! Cette statistique fait toujours<br />

son effet et je pense que cette histoire l’illustre bien. Malgré ces chiffres, on ne<br />

remettait pas en doute l’Église, le pouvoir, le gouvernement… Pourquoi ce silence?<br />

Ça fait partie de ma fascination pour vous. Et n’allez pas penser que c’est sombre, je<br />

crois qu’il y a beaucoup d’espoir entre les lignes. »<br />

Pas de doute ici, car Claire et Serafim symbolisent ce qui est sur le point de changer<br />

à l’orée des années 30, comme une promesse qui se profile à l’horizon et qui non<br />

seulement fait exploser leur art respectif, mais leur vie aussi et celle de milliers d’autres.<br />

SERAFIM ET CLAIRE<br />

(trad. Annie Pronovost)<br />

Marchand de feuilles<br />

462 p. | 34,95$<br />

AU PÉRIL DE LA MER<br />

Dominique Fortier, Alto, 176 p., 21,95$<br />

Dominique Fortier, depuis Du bon usage des étoiles,<br />

nous a toujours habitués à la grande histoire. Celle qui<br />

se déroule loin, tant sur la frise chronologique que sur<br />

les cartes et le territoire. Lorsqu’on aborde Au péril de<br />

la mer, l’action se pose tout doucement au Mont-Saint-<br />

Michel en plein cœur du XV e siècle, laissant présager un<br />

Fortier pur jus. Lorsqu’on se retrouve quelques pages<br />

plus tard dans un parc d’Outremont avec la mère et<br />

l’écrivaine qui se croisent en réflexion, on assiste à<br />

la découverte de la romancière, dans ses doutes, ses<br />

questionnements, ses certitudes et une sorte d’intimité. Pour la première<br />

fois, Dominique Fortier marie la grande et la petite histoire, la sienne,<br />

laissant présager qu’il y a peut-être vraiment eu révolution dans sa façon<br />

d’aborder l’écriture.<br />

Jérémy Laniel Carcajou (Rosemère)<br />

CHEMIN SAINT-PAUL<br />

Lise Tremblay, Boréal, 112 p., 17,95$<br />

Avec Chemin Saint-Paul, nous pénétrons dans l’univers<br />

si particulier de Lise Tremblay. Tout d’abord, la chambre<br />

bleue où elle partagera avec son père agonisant les<br />

souvenirs d’une enfance pauvre marquée par la violence,<br />

l’enfermement dans le silence et la résignation. Et cette<br />

phrase du père qui revient toujours, « pas un mot à ta<br />

mère », afin d’éviter toute confrontation. La chambre<br />

blanche dans laquelle se réfugie sa mère sera le théâtre<br />

de tous les drames : anorexie, folie, obsessions, mais<br />

aussi amour passionnel et irraisonné pour sa propre<br />

mère psychotique. C’est dans la chambre blanche que<br />

Lise Tremblay dira de sa mère qu’« elle n’arrive jamais à passer l’été sans<br />

drame » : menace de suicide, internement en hôpital psychiatrique. Et c’est<br />

à l’adolescence que Lise Tremblay choisira sa propre voie de salut.<br />

Line Miron Carcajou (Rosemère)<br />

EN ATTENDANT RUSSELL<br />

François Lévesque, Tête première, 136 p., 15,95$<br />

Enfin un premier roman « hors genre » pour François<br />

Lévesque! L’auteur délaisse ici ses affinités pour le<br />

fantastique et l’horreur pour nous plonger dans le<br />

quotidien bien réel d’un jeune garçon à l’époque<br />

charnière dans la vie qu’est l’adolescence. Pris<br />

entre des séances d’intimidation à son école et des<br />

questionnements existentiels, il fera la rencontre d’une<br />

jeune fille intrigante qui lui fera découvrir le cinéma et un<br />

certain Russell Crowe… Enfin un roman psychologique<br />

par un auteur qui nous a déjà épatés avec ses œuvres<br />

précédentes. Avec son écriture assurée, il nous transporte avec cette<br />

histoire dont la finale, à l’instar de ses autres romans, sera vous surprendre!<br />

Billy Robinson De Verdun (Montréal)<br />

LES CORPS EXTRATERRESTRES<br />

Pierre-Luc Landry, Druide, 264 p., 22,95$<br />

Pierre-Luc Landry nous propose une histoire à la<br />

construction surprenante de deux hommes, Xavier et<br />

Hollywood. Chacun vit une sorte de quête existentielle.<br />

Ils sont différents, mais si semblables dans le fond. Tout<br />

comme son premier roman, l’excellent L’équation du<br />

temps, ce roman propose des univers qui se veulent<br />

parallèles, mais qui se croisent finalement. Un roman<br />

contemporain et singulier. Entre rêves et réalité, le<br />

récit se dévoile tout en nuance et, surtout, évite les<br />

clichés. Cet étrange mélange de banalités et de moments<br />

extraordinaires, comme Hollywood qui vit sans cœur et se réveille, souvent<br />

après des semaines, dans d’autres lieux, donne un roman étonnant et<br />

complètement déroutant. Si vous avez le goût d’être surpris, il faut lire<br />

absolument ce livre!<br />

Billy Robinson De Verdun (Montréal)<br />

l i t t é r a t u r e Q U É B É C O I S E<br />

LES LIBRAIRES • FÉVRIER-MARS 2016 • 15

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