Créer diffuser protéger
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Les faux débats<br />
suscités par le Marché Unique Numérique<br />
L’analyse des enjeux du Marché Unique Numérique implique d’écarter certaines idées reçues relatives au droit<br />
de la propriété intellectuelle.<br />
La théorie du vide juridique<br />
Parmi ces idées reçues, circule celle selon laquelle la propriété<br />
intellectuelle n’appréhenderait tout simplement pas l’environnement<br />
numérique et que les nouveaux usages relèveraient d’un vide<br />
juridique. D’une manière générale, les « vides juridiques » sont plus<br />
rares qu’on ne le prétend. La propriété intellectuelle a démontré<br />
son agilité et sa capacité d’adaptation aux nouveaux modes de<br />
communication. Ainsi par exemple, en protégeant toute création,<br />
qu’elle qu’en soit la forme, le mérite ou la destination, dès lors<br />
qu’elle est suffisamment originale et mise en forme, le droit d’auteur<br />
a pu embrasser des formes de créations utilitaires, comme le<br />
logiciel, dont le droit des brevets ne voulait pas.<br />
De même, la notion « d’œuvre composite » a permis<br />
d’appréhender l’œuvre transformative sans trop de difficultés.<br />
Il n’est donc pas encore d’usage qui ne soit appréhendé par la<br />
propriété intellectuelle.<br />
Enfin, la réforme équilibrée des contrats d’édition mise en œuvre<br />
par l’ordonnance du 12 novembre 2014 constitue un exemple<br />
d'adaptation des pratiques contractuelles entre auteurs et éditeurs<br />
au numérique sans pour autant faire table rase du passé.<br />
Cette ordonnance, qui prévoit notamment une obligation<br />
permanente et suivie des œuvres (imprimées et numériques), des<br />
clauses de « rendez-vous » permettant une renégociation des<br />
conditions contractuelles, ou encore des possibilités nouvelles<br />
de sorties du contrat, consacre un long travail préalable de<br />
concertation entre les représentants des éditeurs et des auteurs,<br />
sous l’égide du ministère de la Culture.<br />
La propriété intellectuelle tuerait la création<br />
et la liberté d’expression<br />
Selon une autre idée reçue, la propriété intellectuelle tuerait la<br />
création. La révolution numérique serait ainsi l’occasion de se<br />
débarrasser d’une menace.<br />
En réalité, la création existera avec ou sans propriété intellectuelle.<br />
En revanche, et ce à l’exception du mécénat, les écosystèmes qui<br />
permettent à la création de trouver les structures et financements<br />
qui lui sont nécessaires dépendent, eux, directement, de ce fragile<br />
équilibre à trouver entre droits privatifs et liberté d’expression.<br />
Aussi la valorisation du domaine public, par exemple, n’implique<br />
pas forcément de défaire la propriété intellectuelle.<br />
Est également critiqué « l’absolutisme » du droit d’auteur,<br />
qui paralyserait notamment la liberté d’expression. Pourtant,<br />
l’analyse de la jurisprudence récente révèle au contraire une<br />
recherche d’équilibre entre la protection du monopole des auteurs<br />
et la liberté d’expression.<br />
Ainsi, pour la Cour de Justice des Communautés Européennes, le<br />
fait que la propriété intellectuelle soit consacrée notamment par<br />
l’article 17, paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de<br />
l’Union européenne n’en fait pas pour autant un droit intangible,<br />
dont la protection devrait être assurée de manière absolue. Pour la<br />
Cour de Justice, « la protection du droit fondamental de propriété,<br />
dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être<br />
mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux » 1 .<br />
1<br />
Source : CJUE, 24 nov. 2011, aff. C-70/10, Scarlett Extended SA c/ Sté belge des auteurs,<br />
compositeurs et éditeurs (SCRL) : JurisData n° 2011-032131 ; Comm. Com. Electr. 2012,<br />
com. 63, note A.Debet.<br />
24 | <strong>Créer</strong>, <strong>diffuser</strong>, <strong>protéger</strong> - L’agilité de la propriété intellectuelle à l’épreuve du Marché Unique Numérique