Dossier de presse - V7

Arlette Watelet Thozet - La Colère (encre de chine, papiers découpés et collés)
ARLETTE WATELET THOZET
Née en Lorraine. Vit à Lambesc.
Lorsque j’ai fait la connaissance de
Raymond j’avais 33 ans lui 61. Il m’est
apparu immédiatement comme un
homme très âgé, petit, un peu voûté,
casquette en tweed et pantalon de
velours... on sentait l’homme de la
terre. Il marchait un peu de guingois
à cause d’une jambe qui semblait
vouloir le quitter à chaque pas et qu’il
ramenait consciencieusement dans le
droit chemin sans jamais se plaindre.
Curieusement au fil des années, son
aspect n’a plus évolué, c’est comme
s’ il s’était figé dans le temps ... pour
moi, il était né vieux.
Ce qui frappait chez cet homme
souffreteux et tremblotant c’était
cette immense énergie créatrice
qui l’habitait entièrement, il l’avait
magistralement domestiquée et
la libérait en flot continu avec une
régularité de métronome. Vivre pour
lui c’était créer, créer en permanence,
sans relâche. Il cheminait droit devant
lui, sur un chemin labyrinthique,
rempli de méandres, d’entrelacs et de
correspondances païennes dont lui
seul avait le secret, un chemin d’une
complexité extrême, mais bordé de
part et d’autre par deux lignes bien
distinctes que personne n’aurait pu
franchir et encore moins détourner. Il
était d ‘une seule pièce, solide comme
un roc car... il s’était créé lui-même.
Sa façon de s’exprimer était aussi
une création, un discours cadencé,
dénué de toute fioriture, mais qu’il
ponctuait de termes provençaux
dont je ne connaissais pas toujours
la signification et qui me faisaient
sourire, création musicale singulière,
vivante et terriblement efficace; sans
jamais élever la voix, il avertissait
en cas de dérapage, lorsque nous
cédions à la facilité. Il nous poussait
inlassablement à retourner au plus
profond de nous-même pour y puiser
la vérité, sans jamais s’immiscer
dans notre parcours ou influer sur la
direction à prendre « Tu vas trouver »
disait-il... Et nous trouvions, c’était dur
et au final complètement libérateur, et
là son bonheur était visible...
Il nous a guidés dans ce chemin
initiatique afin que nous parvenions
à la connaissance de nous-même, son
action était assez extraordinaire car elle
provoquait une immense ouverture
en nous ramenant au plus profond, au
plus serré de nous-mêmes.
Raymond m’ a appris “la liberté”.
Arlette Watelet-Thozet
-24-