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4 / Même pas peur N o 8 / MAI 2016 MAI 2016 / Même pas peur N o 8 / 5<br />
Peter Hartz, l’homme qui a remis<br />
Cul-cul la praline<br />
l’Allemagne au travail !<br />
Au début des années 2000, soucieux de<br />
régler le problème du chômage, le chancelier<br />
socialiste allemand Schröder confie à<br />
Peter Hartz une mission destinée à réformer<br />
le marché du travail, en gros, cela<br />
signifie s’attaquer au chômage.<br />
Hartz, ancien responsable des ressources<br />
humaines dans l’irréprochable entreprise<br />
VW se met au travail et propose des mesures<br />
drastiques finalement assez proches de<br />
celles qui firent saigner le cœur de Di Rupo<br />
chez nous : limitations des allocations de<br />
chômage dans le temps, suppression des<br />
allocations dites d’attente pour les jeunes<br />
n’ayant pas encore travaillé, contrôle renforcé,<br />
sanctions et exclusions systématisées.<br />
Les résultats ne se font pas attendre, les<br />
chiffres baissent, mais à quel prix ?<br />
Parallèlement à ces mesures, le Dr Hartz a<br />
inventé les mini-jobs et les jobs à 1 € !<br />
Une aubaine pour les employeurs,<br />
évidemment.<br />
Le principe est simple, découragé de ne<br />
pas trouver l’emploi qui convient à ses aspirations<br />
et à ses compétences, le demandeur<br />
d’emploi est obligé d’accepter un travail<br />
rémunéré moins de 500 € par mois. Ces<br />
salaires exonérés de taxes pour l’employeur<br />
vont faire fureur - je sais, elle est facile -<br />
dans les entreprises allemandes, puisqu’en<br />
2013, on estimait que plus de 7 millions de<br />
citoyens survivaient dans ce système, obligés<br />
bien souvent de mener de front deux<br />
carrières pour nouer les deux bouts.<br />
Les jobs à un euro de l’heure que sont<br />
obligés d’accepter les chômeurs menacés<br />
de perdre leurs droits sont essentiellement<br />
proposés dans le secteur du caritatif, ce qui<br />
est bien le comble du foutage de gueule.<br />
Bien entendu, quand l’Allemagne sort ses<br />
statistiques de chômage, ces catégories de<br />
travailleurs n’en font pas partie, le tour est<br />
joué. 1<br />
Pour l’anecdote (ou pas), notons qu’en<br />
2007, le grand dératisateur Hartz fut accusé<br />
de détournement de fonds dans plus de<br />
44 cas et condamné à une peine de prison<br />
avec sursis et une substantielle amende de<br />
576.000 €, soit 576.000 heures de travail 2 au<br />
tarif qu’il préconise.<br />
On imagine que l’on a ri jaune dans les<br />
chaumières allemandes en ouvrant les<br />
boîtes de raviolis de chez Lidl !<br />
1 Pourtant, Le Bureau International du Travail (BIT)<br />
définit un chômeur comme une personne sans emploi, à<br />
la recherche d’un emploi et disponible pour occuper un<br />
tel emploi. Cette définition internationale ne précise pas si<br />
la personne est indemnisée ou non. Par conséquent, pour<br />
dénombrer la population en chômage, il faut dépasser<br />
la notion de chômage indemnisé. (Source : Les actualités<br />
sur l’analyse du marché de l’emploi (AMEF, avril 2016)<br />
2 30 ans au turbin !<br />
Jean-Philippe Querton<br />
Pour une économie du temps libre !<br />
Florian Houdart<br />
L’anthropologie, étude de l’homme<br />
et de sa société au-delà des barrières<br />
de l’espace et du temps, nous<br />
permet de démonter de nombreux<br />
mythes libéraux, notamment ceux<br />
qui concernent notre rapport au<br />
travail.<br />
Avec son ouvrage La Société contre<br />
l’État, Pierre Clastres, anthropologue<br />
libertaire, met à mal le stéréotype<br />
de l’indigène qui consacrerait<br />
l’essentiel de son temps à chercher<br />
sa nourriture. Les longues années<br />
qu’il a passées à étudier les tribus<br />
indiennes du Paraguay nous<br />
enseignent que l’économie dite de<br />
subsistance cache, dans ce cas, des<br />
sociétés qui refusent délibérément<br />
le travail aliéné. Celles-ci produisent<br />
simplement des biens dans<br />
le seul but de répondre aux besoins<br />
des membres du groupe tout en prévoyant<br />
un surplus. L’activité subie<br />
et inutile à la subsistance des individus<br />
est, pour nos Indiens, du temps<br />
perdu.<br />
Grâce à cette conception de l’économie,<br />
les Indiens du Paraguay<br />
travailleraient au maximum quatre<br />
heures par jour et jouiraient donc de<br />
bien plus de loisirs que nous !<br />
Trêve de pusillanimité !<br />
Sokolov<br />
Quatre heures par jour ! En 1977 déjà, le Groupe<br />
Adret soutenait qu’il suffisait de « Travailler<br />
deux heures par jour » (http://2hparjour.canalblog.com/archives/2013/05/03/27074572.html).<br />
Plus récemment, le groupe BIZI a publié<br />
un document revendiquant de travailler<br />
une heure par jour (http://www.bizimugi.eu/<br />
travailler-une-heure-par-jour).<br />
Compagnons, encore un effort pour être radicalement<br />
radical !<br />
Mais il nous faut encore aller plus<br />
loin. En effet, le travail est ici défini<br />
en tant que « activité non choisie ».<br />
Pour établir une comparaison,<br />
nous devrions donc ajouter, à nos<br />
trente-huit heures hebdomadaires,<br />
la durée des navettes entre notre<br />
domicile et notre lieu d’occupation,<br />
le temps dévolu aux corvées ménagères<br />
et aux courses...<br />
Édifiant. Comment justifier<br />
qu’avec une technologie sophistiquée<br />
à notre service, nous en soyons,<br />
nous, réduits à courir tout le temps,<br />
dans l’espoir de bénéficier d’un peu<br />
de temps libre ?<br />
Conseil pour se sentir plus heureux au travail<br />
« Il est très important d’être heureux dans sa vie professionnelle. Si vous<br />
avez un emploi qui vous plaît, vous vous sentirez mieux, non seulement au<br />
travail mais aussi pendant votre temps libre. Le soir, vous rentrerez satisfait à<br />
la maison et vos enfants, votre partenaire ou vos amis vous accueilleront avec<br />
joie. » (Stepstone)<br />
Si vous ne travaillez pas, c’est pareil, mais vous ne perdrez pas huit<br />
heures par jour pour arriver au même résultat.<br />
A. Cl.<br />
Les attentats aveugles commandités<br />
par des cerveaux présumés et exécutés<br />
par des sans cerveau avérés, ça va encore<br />
nous tomber dessus. C’est, en tout cas,<br />
l’avis émis, paraît-il, par la Sûreté de l’État<br />
(pas si sûre que ça, apparemment), le service<br />
secret belge (pas si secret que ça non<br />
plus d’ailleurs, puisqu’il donne son avis).<br />
Si nous, citoyens obscurs, ne pouvons<br />
rien de majeur pour contrer ces drames,<br />
nous avons, en revanche, le pouvoir – le<br />
devoir même – de gérer correctement les<br />
célébrations qui les suivent. Et là, désolé<br />
de faire la fine bouche, mais il faut se ressaisir.<br />
Si je ne craignais de choquer des<br />
enfants qui savent lire, je le dirais encore<br />
plus durement : sur ce plan, aujourd’hui,<br />
on frise le conventionnel. L’ultraconventionnel<br />
même ! Ça sent la dinde imposée<br />
à Noël, la chasse aux œufs obligatoire<br />
à Pâques, le tour des cimetières dans le<br />
sens des aiguilles d’une montre à la Toussaint<br />
et les défilés de voitures klaxonnantes<br />
après chaque match de Coupe du<br />
Monde de l’équipe nationale.<br />
Pour ne pas sombrer dans les rituels<br />
figés, profitons de la relative accalmie<br />
du moment entre deux explosions<br />
pour repenser toutes les manifestations<br />
citoyennes des lendemains d’attentat.<br />
Passons-les donc en revue et dégageons<br />
ensemble des hommages plus inventifs.<br />
Premier rituel : le<br />
rassemblement silencieux<br />
Je sais que c’est le geste le moins coûteux<br />
et le moins fatigant, mais c’est d’un<br />
banal à décoiffer un cancéreux à moumoute.<br />
Ça existe déjà partout à tout<br />
moment. Sur les quais de gare, tous les<br />
matins, les navetteurs sont en rassemblement<br />
silencieux. Dans les cortèges<br />
d’enterrement, les gens sont en rassemblement<br />
silencieux. Et dans les queues<br />
devant les caisses de supermarché, le<br />
samedi, les clients, ils sont en quoi ? En<br />
rassemblement silencieux. Même dans<br />
les rangs des écoles pour sourds-muets,<br />
les élèves sont en rassemblement silencieux.<br />
Alors, brisons ce silence ennuyeux<br />
en utilisant les armes des rebelles de ces<br />
autres rassemblements. Racontons des<br />
blagues salaces comme entre collègues<br />
navetteurs. Ou disons du mal des morts<br />
comme à tout enterrement. Ou engueulons-nous<br />
comme aux caisses de supermarché.<br />
Ou faisons-nous mutuellement<br />
des bras d’honneur comme dans les disputes<br />
d’école de sourds-muets.<br />
Depuis le 1er janvier 2016, Actiris et le<br />
Forem ont obtenu leur permis de chasse aux<br />
chômeurs.<br />
Jusque-là, c’était l’Onem qui gérait le contrôle<br />
et les sanctions des chômeurs, les offices régionaux<br />
se chargeant de leur accompagnement.<br />
Désormais, ceux-ci tiennent à la fois la laisse<br />
et le bâton. On le sait, l’expression consacrée<br />
voudrait plutôt que l’on parle de carotte et de<br />
bâton. Seulement voilà, sachant qu’il y a environ<br />
60 chômeurs pour une offre d’emploi, c’est<br />
râpé pour la carotte. Il ne reste que le bâton<br />
pour faire marcher le client. Sans rire, c’est<br />
comme ça qu’ils appellent les demandeurs<br />
d’emploi dans les services publics : « clients » !<br />
Il y a deux sortes de clients : le client de type<br />
« chômeur » et le client de type « employeur ».<br />
Quand on offre des clients à ses clients, l’un des<br />
deux est forcément une marchandise. On vous<br />
laisse deviner lequel.<br />
À défaut de carotte, le Forem offre des pralines<br />
à ses clients privilégiés. Pas aux chômeurs,<br />
non. Les clients privilégiés, ce sont<br />
les PME. En avril, à l’occasion de l’Employer’s<br />
day, organisé par le réseau européen des Services<br />
publics de l’emploi, le Forem, Actiris et<br />
le VDAB, ont déployé tous leurs charmes pour<br />
« présenter aux employeurs les services mis<br />
gratuitement à leur disposition pour recruter<br />
du personnel, organiser le développement des<br />
Deuxième rituel : la chanson<br />
improvisée<br />
Imagine de John Lennon ou Quand on<br />
n’a que l’amour de Jacques Brel, soi-disant<br />
entonné à l’improviste sous l’impulsion<br />
d’un type qui débarque, comme par<br />
hasard, avec sa guitare sur le dos, sans vouloir<br />
être rabat-hommage, ça ne donne pas<br />
envie de se trémousser. Je ne suis pas discjockey,<br />
mais je pense qu’il y a plus guilleret<br />
pour électriser les foules. Mon expérience<br />
des boums est plus qu’ancienne, mais, à<br />
l’époque, pas question d’une série de slows<br />
sans être passé auparavant par un torrent<br />
de rock ou de disco. Un Hotel California, ça<br />
se méritait en supportant une avalanche<br />
de Barry White, de Cloclo ou de U2… ou<br />
une interminable chenille de Big Bisous.<br />
Alors, ne nous laissons pas formater par<br />
un type qui n’a que Imagine, La Maison bleue<br />
de Maxime Leforestier, Stewball de Hugues<br />
Aufray et les trois premières mesures<br />
de Jeux Interdits à son répertoire : un bon<br />
karaoké d’hommage et c’est la variété<br />
assuréééée-olé, olé, olé-oléééé…<br />
Troisième rituel : le parterre de<br />
bougies<br />
Tapisser un coin de trottoir d’un champ<br />
de bougies chauffe-plat, ça ne réchauffe<br />
André Clette<br />
compétences, bénéficier d’aides financières ou<br />
encore accueillir des stagiaires. »<br />
Le Forem a lancé un mailing auprès de<br />
quelque 16.000 employeurs wallons, déjà<br />
clients ou non, afin de les inviter à rencontrer<br />
un de ses « conseillers entreprises ». Ceux-ci<br />
se sont ensuite rendus chez les employeurs<br />
intéressés pour proposer leurs services et leur<br />
offrir un ballotin de chocolats.<br />
Offrir du chocolat est assurément une excellente<br />
opération de marketing. Des sources<br />
aussi sérieuses que Flair ou Le Figaro Madame<br />
nous apprennent que la dopamine présente<br />
dans le cacao est un neurotransmetteur qui<br />
augmente l’excitation. De plus, un acide aminé,<br />
le L-arginine, également présent dans le chocolat,<br />
a un effet vasodilatateur sur l’homme,<br />
ce qui tend à booster sa libido. On raconte<br />
que Casanova consommait régulièrement du<br />
chocolat avant de se rendre à ses rendez-vous<br />
galants, et que Madame du Barry, maîtresse de<br />
Louis XV, en donnait à ses amants pour augmenter<br />
leur virilité.<br />
Avec de tels arguments, nul doute que les<br />
conseillers du Forem devraient susciter chez<br />
leurs clients employeurs un ardent désir<br />
d’entub… pardon, d’embaucher leurs clients<br />
chômeurs.<br />
À raison d’une offre d’emploi satisfaite pour<br />
60 chômeurs, ça devrait leur permettre de se<br />
consacrer aux 59 autres.<br />
Le Scoop de WATRIN<br />
Comment rendre hommage<br />
aux victimes d’attentat<br />
sans plomber la bonne humeur des autres ?<br />
Dominique Watrin<br />
personne et ça salope les dalles d’horribles<br />
auréoles graisseuses, mon fils me<br />
ferait ça sur le seuil de la porte de la<br />
maison que je lui en colle une. Et le pire,<br />
c’est que ça gonfle le chiffre d’affaires<br />
déjà mirobolant d’IKEA, fournisseur<br />
principal des hommages, à qui ça pourrait<br />
donner l’idée – sans être parano – de<br />
financer le terrorisme international pour<br />
augmenter le profit de son département<br />
« bougies ». Prenons garde et, en plus,<br />
vivons avec notre temps, que diable ! Si<br />
ces bougies, c’est pour se réchauffer sur<br />
les lieux d’hommage, tirons une allonge<br />
avec un radiateur électrique, c’est propre<br />
et sans odeur. Si c’est pour la lumière,<br />
posons des lampes de poche par terre, on<br />
rend hommage, chacun reprend la sienne<br />
et les trottoirs sont rendus aux crottes de<br />
chien le lendemain.<br />
Enfin, quatrième rituel : les<br />
inscriptions à la craie<br />
J’éviterai de parler de l’orthographe souvent<br />
déplorable, parce que ça fait monter<br />
ma tension, mais badigeonner le sol et les<br />
murs de messages de paix, c’est perdre<br />
son temps, sauf si c’est juste fait exprès<br />
pour cochonner les lieux publics pour<br />
une fois que c’est autorisé. La paix, tout<br />
le monde la veut. Demandez à un facho<br />
moyen d’accueillir un réfugié moyen<br />
dans son salon moyen, il vous répondra :<br />
foutez-moi la paix ! CQFD ! Alors, passons<br />
de la craie au marqueur indélébile<br />
pour que le message traverse le temps<br />
et arrêtons de parler de paix pour inscrire<br />
des propos plus utiles. Griffonnons<br />
« Mon voisin de palier a l’air d’avoir quelque<br />
chose à se reprocher : son adresse est… » Calligraphions<br />
« Cherche femme pour partager<br />
moments torrides. Veuve de victime acceptée !<br />
Téléphonez au… » Ou, si vous êtes un terroriste<br />
qu’un rassemblement transforme<br />
miraculeusement en repenti, rédigez une<br />
offre de type « À vendre, ceinture d’explosifs<br />
taille médium, premier propriétaire, état<br />
neuf, s’adresser à… ». Non seulement vous<br />
dégagerez votre planque minuscule d’un<br />
objet encombrant, mais le seul risque que<br />
vous prendrez, c’est de faire un heureux.<br />
Bons hommages aux victimes d’attentat<br />
à tous !