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Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong> <strong>Haiti</strong> 20 gdes/ USA $1.50/ France 2 euros/ Canada $2.00<br />
HAÏTI LIBERTÉ<br />
JUSTICE • VÉRITÉ • INDÉPENDANCE<br />
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MARTELLY ET LAMOTHE DOIVENT<br />
PARTIR !<br />
Nou pap dòmi bliye<br />
85yèm anivèsè<br />
masak Machatè a,<br />
pandan n ap make<br />
<strong>10</strong>0 lane depi<br />
peyi a anba bòt<br />
okipasyon !<br />
Page 6<br />
English<br />
Page 9<br />
Martelly doit partir ! Lamothe doit partir !Nous restons dans les rues jusqu’à ce que Martelly et Lamothe partent. C’est avec ces cris que les<br />
manifestants démarrent chaque journée de mobilisation par devant l’église de St-Jean Bosco<br />
DOSSIER JOSEPH LAMBERT/JEAN RONY PHILIPPE<br />
LE CASEC FALANTE BOUSIQUOT<br />
MENACÉ !<br />
Voir page 4<br />
Crise politique:<br />
Quand le peuple<br />
haitien prendra<br />
t-il son destin en<br />
main?<br />
Page 7<br />
Discours de<br />
Vladimir Poutine<br />
devant l’Assemblée<br />
Fédérale de Russie!<br />
Page <strong>10</strong><br />
Voir page 4<br />
Jean Rony Philippe lors de son hospitalisation, il avait été attaqué et laissé pour mort le 4 avril <strong>2014</strong> sur la Route des Rails à Carrefour<br />
Ferguson, New<br />
York, Berkeley... :<br />
« Nous ne pouvons<br />
pas respirer »<br />
Page 17
Editorial<br />
Une déclaration scélérate d’une rare gravité!<br />
Par Berthony Dupont<br />
Les griffes de l’aigle viennent une fois de plus blesser les racines<br />
profondes de notre histoire en tant que peuple dont les<br />
ancêtres avaient combattu le colonialisme. L’impérialisme est<br />
sorti de sa cachette et vient de nous montrer son hideux visage à<br />
travers les ordres de l’ambassadrice des Etats-Unis Pamela White<br />
à savoir que: «Martelly doit terminer son mandat. Nous croyons<br />
qu’il était élu pour une période de temps. Il doit rester jusqu’à<br />
ce que son mandat prenne fin ». Ce n’est pas une surprise.<br />
C’était déjà inscrit dans la logique des faits depuis le coup d’état<br />
électoral de l’impérialisme en 2011 pour nous imposer Martelly.<br />
Ce n’est pas un incident ou un accident diplomatique, mais bien<br />
une énième provocation américaine justifiant leur domination,<br />
leur oppression et leur volonté d’établir la terreur dans le pays.<br />
Pourtant, Mme White, le gouvernement américain en<br />
1991 et en 2004 n’avait-il pas empêché qu’un président haïtien<br />
démocratiquement élu par son peuple finisse son mandat en<br />
appuyant deux coups d’état violents et sanglants ? On ne saurait<br />
encore moins oublier le coup d’état raté au Venezuela contre<br />
Hugo Chavez en 2002. Au Honduras, sous l’administration<br />
d’Obama, le président Manuel Zelaya n’a-t-il pas été destitué<br />
sous les applaudissements des Etats-Unis le 28 juin 2009 ? «<br />
C’est peut-être un salaud, mais c’est notre salaud », disait Roosevelt<br />
de Somoza père. À propos de Saddam Hussein : « c’est un<br />
fils de pute, mais c’est notre fils de pute » avait déclaré Ronald<br />
Reagan. Martelly est votre laquais, vous revendiquez donc<br />
qu’il finisse son mandat ! Bravo !<br />
Mouillé jusqu’au cou dans cette crise sordide, paniqué par<br />
le vent de changement en cours, Washington ne sait plus comment<br />
s’en sortir pour désamorcer la bombe populaire. Ainsi, par<br />
cette déclaration de Mme White, l’impérialisme américain ne fait<br />
que battre le tambour de la guerre contre le peuple haïtien. Justement,<br />
c’est verser de l’huile sur le feu. L’administration d’Obama<br />
à l’instar de toutes les autres montre qu’elle reste toujours<br />
tolérante à l’égard de ses restavèk sans influence réelle et qu’elle<br />
protège. Par contre, elle est intransigeante et acharnée à l’égard<br />
des nationalistes, des progressistes qu’elle juge irréductibles et<br />
dangereux, sans doute à juste titre. N’est ce pas là une preuve<br />
tangible d’un terrorisme psychologique que l’impérialisme veut<br />
à tout prix entretenir dans le pays !<br />
C’est vraiment se ficher de notre intelligence quand Pamela<br />
White ose déclarer « ce n’est pas du tout la position des Etats-<br />
Unis si le premier ministre reste ou s’il s’en va, c’est une question<br />
qui concerne complètement les Haïtiens ». Mais pourquoi<br />
faut-il alors que ce soit aux Etats-Unis de décider que Martelly<br />
doit rester ? Le statut de Martelly tout comme celui de Lamothe<br />
ne concerne-t-il pas les Haïtiens ? L’attitude de l’impérialisme<br />
américain ne peut avoir qu’une simple explication : Washington<br />
a peur qu’un soulèvement populaire ne vienne détruire ses intérêts<br />
et ne soit un exemple contagieux qui stimulerait d’autres<br />
peuples en lutte contre leur domination hégémonique. En vérité,<br />
c’est la situation du sultan aux abois qui craint pour son trône et<br />
est prêt à tout pour le conserver.<br />
Conscient ou non de cette situation de crise grave et multiforme<br />
que traverse le pays, le régime Martelly/Lamothe ne fait<br />
rien pour la surmonter ; sauf l’aggraver, surtout avec cette commission<br />
présidentielle de consultation qui lui a remis un rapport<br />
que le Parlement ne saurait agréer, mais qui va envenimer beaucoup<br />
plus les choses. Il faut en passant souligner l’incapacité des<br />
forces occupantes et de l’ambassade des Etats-Unis à formuler<br />
pour le régime en place, le leur, une ligne de conduite et des<br />
objectifs susceptibles de mieux répondre même à leurs propres<br />
affaires. Aussi, se prenant pour un habile manœuvrier, Martelly<br />
sous les diktats de l’impérialisme est pris à son propre piège.<br />
Les acrobaties de Pamela White disant « s’il y a des manifestations<br />
devant nos ambassades, c’est le droit des manifestants,<br />
c’est la démocratie » ne trompent guère et ne peuvent<br />
plus cacher le pourquoi de la formation de la Commission présidentielle.<br />
Martelly et Lamothe n’étant plus sûrs de leurs arrières,<br />
depuis le déclenchement de l’opération « Burkina Faso »,<br />
les inquiétudes étant grandes dans le camp du régime et également<br />
dans celui qui les ont propulsés au pouvoir, l’impérialisme<br />
a voulu à tout prix sauver sa marionnette Micky.<br />
Les récentes déclarations de Pamela White sont révélatrices<br />
et elles ont été mal perçues, suscitant des protestations sur<br />
les réseaux sociaux. Un compatriote concerné a réagi ainsi, et<br />
c’est la pure vérité : « Madame White, pourquoi ne pas dire tout<br />
simplement : C’est moi la gouverneure d’<strong>Haiti</strong>. Ç’aurait été plus<br />
simple. Cependant, c’est une honte de voir un ambassadeur<br />
étranger décider qui sera président et qui sera limogé ; quand<br />
un ambassadeur haïtien aux USA n’a même pas le droit de<br />
franchir les escaliers du Sénat, voire la Maison Blanche, sans<br />
une invitation formelle et protocolaire. Si cela devait arriver, il<br />
serait arrêté, et vu les tendances actuelles aux USA, il serait<br />
peut être battu à mort ou flingué par les membres du service<br />
secret ».<br />
Dans cette perspective, aucune moitié solution à la crise<br />
haïtienne n’est concevable. Que Lamothe démissionne ou pas,<br />
la crise reste entière ! La situation ne changera pas tant que<br />
Martelly et Lamothe resteront au pouvoir. Avec leur présence, la<br />
situation demeure figée. La position populaire étant irréversible,<br />
les deux compères doivent partir, c’est la stricte vérité !<br />
Le secrétaire d’état américain John Kerry visitera le pays, le<br />
12 décembre prochain, sans doute pour renforcer les ordres de<br />
Pamela White. Qu’il soit accueilli avec la manifestation la plus<br />
militante, la plus révolutionnaire qui exprimera la véritable volonté<br />
des masses populaires : Martelly et Lamothe doivent partir !<br />
Il s’agit de sauver la patrie en danger en bousculant le néo-colonialisme<br />
américain et ses suppôts locaux. Non à Martelly ! Non à<br />
Lamothe ! Non à Clinton ! Non à Kerry et à Pamela White ! Cette<br />
lutte est nôtre…C’est tout ou rien pour sauvegarder la dignité du<br />
peuple haïtien.<br />
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2 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
A Travers <strong>Haiti</strong><br />
Haïti chronique d’une crise électorale (30)<br />
Quand l’internationale entre en scène<br />
Par Catherine Charlemagne<br />
L’ambassadrice des Etats-Unis Pamela White et la Responsable de la<br />
MINUSTAH, Sandra Honoré, ont pris une position qui annonçait le<br />
changement de cap de la Communauté internationale<br />
Du jamais vu en trois années de pouvoir. Des opposants manifestent et<br />
crient à bas Martelly/Lamothe en face des ruines de la résidence officielle<br />
du chef de l’Etat<br />
Que se passe-t-il à Port-au-Prince<br />
ces jours-ci sur le plan diplomatique<br />
? Cette question mérite<br />
d’avoir des réponses. Une succession<br />
de signes très significatifs ne<br />
peut qu’intriguer les observateurs<br />
politiques de ce pays tout au moins,<br />
ceux ayant une connaissance des<br />
jeux et intrigues politiques en Haïti.<br />
Depuis plus de trois ans, un conflit<br />
oppose le gouvernement, plus précisément<br />
le Président Michel Martelly<br />
et l’opposition. Avant il s’agissait<br />
d’une question d’élections et au fil<br />
des mois, cela devient une opposition<br />
globale. Les revendications ne<br />
ciblent plus seulement la composition<br />
de l’organisme électoral, le CEP, mais<br />
la gouvernance même du pouvoir «<br />
Tèt Kale ». Pendant toute cette période,<br />
l’affaire semblait rester une crise<br />
haïtiano-haïtienne loin d’intéresser la<br />
Communauté internationale, particulièrement<br />
les Etats-Unis d’Amérique,<br />
sans qui, apparemment rien, ne peut<br />
être possible au pays de Dessalines<br />
depuis tantôt un siècle (1915).<br />
L’on s’inquiétait même de<br />
l’indifférence à laquelle cette crise était<br />
traitée dans la capitale américaine.<br />
Pour certains politiques et observateurs<br />
locaux, le soutien des diplomates<br />
de l’ambassade des Etats-Unis<br />
à Port-au-Prince au Président haïtien<br />
a en quelque sorte fait aggraver le<br />
conflit qui aurait pu trouver son épilogue<br />
longtemps avant que les choses<br />
ne s’enveniment. Indifférence à<br />
Washington, déclarations de soutien<br />
à Port-au-Prince des dirigeants de la<br />
Mission des Nations Unies pour la<br />
Stabilisation en Haïti (MINUSTAH),<br />
appui ouvert de la Communauté internationale,<br />
l’Administration de Martelly/Lamothe<br />
se prenait à rêver d’une<br />
fin paisible, voire une succession en<br />
douceur entre les frères siamois. Du<br />
coup, le pouvoir ne s’intéressait point<br />
à négocier avec l’opposition traitée<br />
avec mépris et dédain tant l’assurance<br />
du coté de la Communauté internationale<br />
était forte et certaine. Du coté<br />
de la police nationale d’Haïti, c’est<br />
comme si l’ordre avait été donné pour<br />
mater toutes manifestations anti-<br />
Martelly. La PNH se transforme en<br />
police politique.<br />
Pendant une longue période,<br />
pas une manifestation n’a été dispersée<br />
à coup de gaz lacrymogène,<br />
de matraques et de tirs à hauteur<br />
d’homme dans une brutalité que la<br />
société haïtienne croyait révolue.<br />
L’arrestation et l’emprisonnement des<br />
militants politiques se faisaient avec<br />
une célérité et sévérité déroutantes.<br />
Des militants et manifestants ont été<br />
appréhendés de manière préventive<br />
le jour des manifestations sous prétexte<br />
qu’ils étaient recherchés par la<br />
justice. Les prisons se remplissent de<br />
prisonniers politiques comme pour<br />
dissuader la population de manifester<br />
contre le pouvoir. Bref, le gouvernement<br />
Martelly/Lamothe donnait<br />
l’impression qu’il n’a peur de rien<br />
et agit comme s’il exécutait un plan<br />
parfaitement défini en accord avec<br />
ses supports internationaux. Mais<br />
l’opposition n’en démord pas. Le<br />
Groupe des six multiplie les manifestations<br />
contre le pouvoir un peu partout<br />
dans le pays. Du Cap-Haïtien à<br />
Petit-Goâve en passant des Cayes aux<br />
Gonaïves, partout, les manifestations<br />
s’amplifient avec l’objectif de pousser<br />
le pouvoir à la faute.<br />
Surtout pour démontrer à<br />
la Communauté internationale et<br />
à l’ambassade américaine en Haïti<br />
qu’elle ne désarme pas et que<br />
l’impopularité du Président de la République<br />
va en grandissant.<br />
En refusant toutes négociations<br />
avec l’opposition tout en choisissant<br />
de faire passer le temps à travers des<br />
consultations qui ne conduisent nulle<br />
part, la Communauté internationale<br />
a fini par comprendre la manœuvre.<br />
Elle fait évoluer ses points de vue sur<br />
la situation et finit par s’apercevoir<br />
que cette crise préélectorale est sur le<br />
point de se transformer en une crise<br />
politique et institutionnelle, si elle ne<br />
change pas son attitude vis-à-vis du<br />
locataire du Palais national. Le premier<br />
signe est arrivé des dirigeants de<br />
la force multinationale de l’ONU en<br />
Haïti. La Responsable de la MINUS-<br />
TAH, madame Sandra Honoré, a pris<br />
une position qui annonçait le changement<br />
de cap de la Communauté internationale.<br />
Dans un communiqué, la<br />
Représentante du Secrétaire général<br />
de l’ONU en Haïti émet le souhait que<br />
la population puisse manifester librement<br />
selon la Constitution haïtienne.<br />
Elle évoque la liberté et le droit<br />
de chaque citoyen de pouvoir exprimer<br />
son opinion politique sans être<br />
menacé et inquiété. Enfin, madame<br />
Sandra Honoré appelle la police haïtienne<br />
à se comporter en professionnel.<br />
Tout le monde, et les médias haïtiens<br />
en particulier, avaient souligné ce<br />
changement de ton de la part des supports<br />
étrangers du pouvoir. Quelques<br />
jours après ce fameux rappel à l’ordre,<br />
une batterie de journalistes étrangers<br />
était invitée dans la capitale haïtienne<br />
pour couvrir les manifestations<br />
anti-gouvernementales et rencontrer<br />
les leaders de l’opposition. Assez curieusement,<br />
toutes les manifestations<br />
qui s’ensuivaient ont été fort bien<br />
passées. L’on n’a enregistré aucun<br />
incident majeur du coté des manifestations.<br />
La police nationale ellemême<br />
s’est exprimée par la bouche<br />
de son Directeur général pour dire que<br />
l’institution est là pour accompagner<br />
la population dans ses revendications<br />
tout en faisant respecter la loi. Tandis<br />
que, les partis politiques d’opposition<br />
continuent de sillonner les rues du<br />
pays et se radicalisent davantage<br />
dans la lutte contre le chef de l’Etat<br />
sans qu’aucun incident ne vienne les<br />
perturber.<br />
C’est comme si soudain, le<br />
droit de manifester et de s’opposer à<br />
la politique du pouvoir devient une<br />
réalité. Il y a aussi cette rencontre<br />
de l’opposition avec l’ambassadrice<br />
américaine à Port-au-Prince, Pamela<br />
White, à sa demande, au siège d’un<br />
des partis de l’opposition, la FU-<br />
SION. Là encore, c’est une première,<br />
en tout cas officiellement. Or, il n’y<br />
a pas longtemps cette ambassadrice<br />
était considérée comme étant l’un des<br />
meilleurs supports diplomatiques du<br />
Président Martelly dans son projet de<br />
passer en force sur l’opposition pour<br />
court-circuiter la Constitution avec la<br />
caducité du Parlement le deuxième<br />
lundi de janvier 2015. Aujourd’hui,<br />
le vent semble tourner. Cette rencontre<br />
avec l’opposition au moment où<br />
elle est de plus en plus affirmée sur<br />
le terrain, a certainement un sens<br />
politique dans la mesure où en Haïti,<br />
on a l’habitude de ce genre de retournement<br />
d’alliance et de situation<br />
dans les crises politiques. Les signes<br />
avant-coureurs ne manquent pas ces<br />
temps-ci à Port-au-Prince sur le plan<br />
diplomatique et politique.<br />
Le Président Martelly lui-même<br />
montre des signes de faiblesse. Alors<br />
qu’il avait tous les éléments en main<br />
pour prendre sa décision après des<br />
mois de consultations, l’intéressé se<br />
ravise en préférant sans raison apparente<br />
monter une Commission consultative<br />
dont la mission revient à<br />
Insécurité:<br />
Un Etasunien d’origine<br />
haïtienne assassiné<br />
Après avoir passé 28 ans aux Etats-<br />
Unis, Elande Candio accompagné<br />
de sa femme Myrtha Beaugé à peine<br />
rentrée à Port-au-Prince le samedi 6<br />
décembre dernier a été assassiné au<br />
niveau de Carrefour-Marassa, sis à la<br />
commune de la Croix-de-Bouquets,<br />
à quelques kilomètres de l’aéroport<br />
international Toussaint Louverture,<br />
selon le député de Chansolme/Bassin-<br />
Bleu, Pierre Martin Tatoute. Les victimes<br />
de la montée de l’insécurité<br />
en Haïti ces derniers temps sont<br />
originaires du département du Nord-<br />
Ouest. L’Etasunien d’origine haïtienne,<br />
Elande Candio a reçu 3 balles et<br />
il est passé de vie à trépas, tandis que<br />
sa femme, elle aussi, a reçu 5 balles,<br />
mais elle n’est pas morte, elle se fait<br />
soigner à l’hôpital.<br />
Deux autres personnes, Guerda<br />
Beaugé et Adolph Tillus qui accompagnaient<br />
les victimes dans un véhicule<br />
de location basé à l’aéroport, piloté par<br />
un chauffeur guide ont fait savoir que<br />
les malfrats étaient lourdement armés<br />
au moment de commettre ce forfait.<br />
Le député Pierre Martin Tatoute exige<br />
l’ouverture d’une enquête pour que la<br />
lumière soit faite sur ce crime et qu’on<br />
mette la main au collet des bandits.<br />
Donc, c’est dans l’insécurité<br />
« Ayiti ap vanse ». Ayiti ap vanse<br />
nan diktati. Ayiti ap vanse nan<br />
Kòripsyon. Ayiti ap vanse nan bay<br />
manti.<br />
EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DU TRIBUNAL<br />
DE PREMIÈRE INSTANCE D’AQUIN<br />
AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE<br />
Le Tribunal, sur les conclusions conformes du Ministère public, maintient le défaut<br />
déjà octroyé contre la défenderesse à l’audience du jeudi vingt huit novembre deux<br />
mille treize, pour le profit accueille la demande en divorce intentée par la dame<br />
Guerline Calixte pour être conforme tant à la forme qu’au fond, en conséquence,<br />
prononce la dissolution des liens matrimoniaux existant entre les Epoux, la femme<br />
née Guerline Calixte et Emile Jean Pierre pour les causes sus-énoncées en outre,<br />
renvoie la requérante par devant l’officier de l’Etat Civil de Saint Louis du Sud<br />
pour la rédaction de l’acte du divorce et la transcription dispositive de cette décision<br />
sur les registres destinés à cet effet; compense les dépens, commet l’huissier Jean<br />
Mousson Plaisir, de ce siège pour la<br />
signification du présent jugement. Ainsi jugé et prononcé par nous, Me.Louis Fils<br />
Joseph juge, en présence de Me Claude Dorfeuille S/commissaire du gouvernement<br />
de ce ressort, avec l’assistance du citoyen Jean Claude Novembre, greffier du siège,<br />
en audience publique extraordinaire et en ses attributions civiles et de divorce de ce<br />
jour vingt décembre deux mille treize, An 2<strong>10</strong>ème de l’Indépendance.<br />
Il est ordonné à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent jugement à<br />
exécution, aux officiers du ministère public d’y tenir la main, à tous commandants et<br />
autres officiers de la force publique d’y prêter main forte lorsqu’ils en seront<br />
légalement requis. En foi de quoi la minute du présent jugement est signée du juge<br />
et du greffier susdits avec deux renvois en marge et trois mots rayés.<br />
Collationnée pour expédition conforme à la minute ; avec neuf mots rayés, mille et<br />
quarante cinq mots retouchés bons dans la présente.<br />
Me Makansley Anglade<br />
Jean-Claude Novembre, greffier<br />
lui conseiller sur ce qu’il doit décider.<br />
Certains voient dans cette reculade<br />
présidentielle non pas un signe de<br />
sagesse, mais de fortes pressions qui<br />
arrivent de Washington, de New York<br />
et de Paris lui enjoignant de trouver<br />
une sortie de crise plus ou moins<br />
consensuelle sans risque d’explosion<br />
populaire. D’ailleurs, pour faire<br />
monter davantage la pression sur<br />
l’Administration Martelly/Lamothe,<br />
un appel à la prudence a été lancé<br />
aux citoyens américains résidents ou<br />
voyageant en Haïti. Le Département<br />
d’Etat américain croit qu’il y a plusieurs<br />
risques majeurs pour les ressortissants<br />
américains surtout pour<br />
le manque d’installations médicales<br />
d’urgence et pour les manifestations<br />
imprévisibles et spontanées, etc. Si<br />
pour les spécialistes ces conseils à la<br />
prudence n’ont rien de nouveau, c’est<br />
le timing qui devait inquiéter le pouvoir<br />
en place.<br />
Ces histoires de risques de vols,<br />
de manque d’installations médicales<br />
adéquates ou encore de faiblesse des<br />
structures d’intervention d’urgence<br />
ne sont que des prétextes pour mettre<br />
le Président Martelly dos au mur à<br />
l’approche de la date fatidique du 12<br />
janvier et surtout aux recommandations<br />
que la Commission consultative<br />
doit lui présenter. Enfin, pour bien<br />
comprendre que les choses évoluent<br />
très vite en Haïti ces jours-ci, qu’un<br />
consigne a bel et bien été passé aux<br />
autorités haïtiennes et à la police, il<br />
faut prendre en compte ce qui s’est<br />
passé le vendredi 5 décembre dernier<br />
à Port-au-Prince, lors de la manifestation<br />
de l’opposition. En effet, pour la<br />
première fois depuis l’investiture à la<br />
présidence de la République de Michel<br />
Martelly, une manifestation hostile au<br />
pouvoir a pu atteindre les grilles du<br />
Palais national.<br />
Du jamais vu en trois années de<br />
pouvoir. Des opposants manifestent<br />
et crient à bas Martelly/Lamothe en<br />
face des ruines de la résidence officielle<br />
du chef de l’Etat. En plus, tout<br />
s’est passé sans qu’il y ait eu des arrestations<br />
ou d’interpellations. Dire<br />
que la police et ses forces spécialisées<br />
anti-émeutes ont été prises de<br />
court ou dépassées, c’est nier que le<br />
gouvernement a changé de tactique<br />
dans sa gestion de manifestations<br />
hostiles au pouvoir. Pour le moment,<br />
qu’importe de la façon dont les uns<br />
et les autres voient ce changement de<br />
cap, il ne reste pas moins que depuis<br />
le communiqué de la Responsable de<br />
la MINUSTAH, c’est une évidence<br />
pour tout le monde, le ton de part<br />
et d’autre a nettement changé. D’un<br />
côté l’opposition continue de montrer<br />
sa force, de l’autre le pouvoir tente de<br />
donner des gages de souplesse et enfin<br />
une Communauté internationale<br />
qui, semble-t-il, ne veut plus servir<br />
de caution à une équipe qu’elle croit<br />
finie ou qui a fait son temps. Les recommandations<br />
de la Commission<br />
consultative d’ici la fin de la semaine<br />
pourraient être soit le signal de la<br />
prolongation d’un conflit inutile, soit<br />
l’épilogue d’une crise qui a trop duré<br />
et fait trop de mal au pays.<br />
C.C<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
3
Dossier Joseph Lambert/Jean Rony Philippe<br />
Le casec Falante Bousiquot menacé !<br />
Martelly et Lamothe<br />
doivent partir !<br />
Par Marie Laurette Numa<br />
Quand la justice d’un pays est mise<br />
sous la coupe des mercenaires et des<br />
bandits, ces derniers se permettent d’agir<br />
à leur guise, kidnappant, assassinant des<br />
gens tout bonnement ; car ils savent déjà<br />
que rien ne pourra leur arriver.<br />
C’est le cas de l’ancien Sénateur<br />
du Sud’Est Joseph Lambert, actuellement<br />
l’un des conseillers politiques du<br />
président Joseph Michel Martelly, accusé<br />
d’être l’auteur intellectuel de la tentative<br />
d’assassinat sur Jean Rony Philippe.<br />
Rappelons que Philippe avait été attaqué<br />
et laissé pour mort le 4 avril <strong>2014</strong><br />
sur la Route des Rails à Carrefour par une<br />
bande de 13 malfaiteurs du Gang Kakos.<br />
(Voir HL Vol 7 # 44)<br />
Par la suite, Philippe avait bien déposé<br />
des plaintes au Service des Investigations<br />
du Commissariat et aux Parquets<br />
de Port-au-Prince et de Jacmel le 7 avril,<br />
20 et 21 août <strong>2014</strong> contre Lambert. Malheureusement,<br />
ces plaintes sont restées<br />
sans suite et même la Police Nationale<br />
qui avait conduit la victime à l’hôpital<br />
des Médecins Sans Frontières ce 4 avril,<br />
n’a fait aucun effort de suivi, d’enquête<br />
pour rechercher les bandits qui ont failli<br />
détruire sa vie. Est-ce cela l’Etat de droit<br />
et de Justice que prône ce gouvernement?<br />
Or, il arrive que Lambert, de son<br />
côté, a intenté une action en justice<br />
contre son accusateur pour diffamation.<br />
Et immédiatement, un jugement s’est<br />
soldé en sa faveur contre Philippe. Cette<br />
audience contre Philippe s’est déroulée<br />
au tribunal correctionnel de Jacmel, le<br />
mardi 21 octobre <strong>2014</strong>. Le verdict, prononcé<br />
par défaut, condamne Jean Rony<br />
Philippe à deux ans trois mois d’emprisonnement<br />
et quinze (15) millions de<br />
gourdes de dommages et intérêts au<br />
profit de Lambert et deux mille gourdes<br />
d’amende. Pour la Justice du gouvernement<br />
Martelly/Lamothe, la victime est<br />
transformée en agresseur et l’agresseur<br />
est devenu la victime.<br />
Cependant Mr Philippe par la<br />
filière de son avocat, Maitre Newton<br />
Louis Saint Juste, a cassé le faux jugement<br />
du juge Frantz Elmorin, inféodé à<br />
Joseph Lambert au cours de la séance du<br />
25 novembre <strong>2014</strong>. Ce jour là, le casec<br />
Falante Bousiquot qui est le responsable<br />
logistique de l’entreprise Philippe Supermarket,<br />
propriété de Jean Rony Philippe<br />
avait mobilisé près d’une centaine de<br />
personnes, venant en majorité de la première<br />
section communale de la Vallée de<br />
Jacmel, Muzac, en solidarité avec Jean<br />
Rony Philippe. Une façon de lancer un<br />
message au juge zafra de Lambert pour<br />
lui dire que Philippe n’est pas seul, la<br />
population est avec lui et son jugement<br />
par défaut est nul et non avenu. Ce fut<br />
aux cris scandés de « Justice pour Rony,<br />
Justice pour Rony » que certaines gens<br />
manifestaient au dehors du tribunal.<br />
Cette action en quelque sorte n’a pas aidé<br />
la justice assassine et criminelle de Lambert<br />
à faire son cours. Et c’est en réponse<br />
à cette mobilisation que les hommes<br />
de main du tout-puissant homme fort<br />
de Jacmel, Joseph Lambert, ont fait de<br />
Le Casec Falante Bousiquot<br />
Bousiquot, quant à présent, leur cible à<br />
abattre.<br />
Le casec, Falante Bousiquot a<br />
été élu aux élections de 2006 sous le<br />
chapeau du Parti Social Renouvelable<br />
qui avait pour candidat à la présidence<br />
Bonivert Claude. Il vient de recevoir sur<br />
son portable une pléiade de messages,<br />
le menaçant, juste après l’événement<br />
populaire du 25 novembre. Voici en<br />
quelque sorte certains messages venant<br />
du numéro de téléphone 4760-4980 en<br />
créole tel quel, et que nous avons traduit<br />
Falante Bousiquot rentrant à la salle du Tribunal de Jacmel où l’attendaient<br />
les gens venus en solidarité avec la victime Jean Rony Philippe<br />
en français.<br />
Le 4 décembre <strong>2014</strong>, Falante a<br />
reçu ce message: « PAtizan ou atake<br />
move dosye ki pap bon pou ou avanyè<br />
ou monte l’avale w al chèche moun vin<br />
mobilize moun kont papa avan desanm<br />
nan fini nap ba w kado Noel ou paske<br />
menm patizan nou ou te envite avan<br />
desanm nan fini n ap di sa n ap di avè<br />
w la »<br />
« Individu, vous êtes rentré dans<br />
un dossier qui ne vous sera guère profitable.<br />
Avant hier, vous avez été à Lavale<br />
chercher des citoyens pour une mobilisation<br />
contre papa. Avant la fin du mois de<br />
décembre, vous recevrez de nous votre<br />
cadeau de Noel et même nos partisans<br />
qui ont participé à votre rassemblement,<br />
avant le mois de décembre nous leur<br />
avons signalé ce que nous entretenons<br />
avec vous »<br />
Le même jour un second message<br />
« W ap tonbe par lontan desanm nan pap<br />
pase paske si nou pa fè w pe ye Frekan<br />
site sa w fè la w ap konnen se yon afè ou<br />
ye gade ou pap janm fè sa nan vi pa w<br />
ankò, fòk ou mouri kanmèm<br />
« Vous tomberez prochainement,<br />
le mois de Décembre ne passera pas.<br />
Parce que si nous ne vous faisons pas<br />
payer pour cette impertinence, vous allez<br />
croire que vous représentez une force,<br />
quand en réalité, vous n’êtes rien. Par<br />
conséquent vous allez mourir de toute<br />
façon »<br />
Peu de jours après, soit le 7 du<br />
même mois, il a reçu un autre message<br />
disant : « w ap mache pale lambert mal<br />
desanm nan pap pase pou n pa disparet<br />
ou sa w te fe nan tribinal pap rete konsa<br />
nou te monte al vizite kay ou, ou rete bò<br />
wout la, n ap panse pou avan desanm<br />
nan fini met gason sou ou, ou met vole<br />
ponpe wap mouri kanmem .<br />
Vous dites du mal de Lambert partout.<br />
Donc, le mois de décembre ne passera<br />
que vous ne soyez pas mort. Ce que<br />
vous avez fait au tribunal ne restera pas<br />
ainsi. Nous avons visité votre maison,<br />
vous habitez au bord de la route. Donc,<br />
mettez votre ceinture à votre taille, avant<br />
la fin du mois de Décembre. Quoique vous<br />
fassiez, vous mourrez quand même !<br />
Le même 7 Décembre un autre<br />
message arrive sur le portable de Falante<br />
« Lanmò w planifye deja paske w frekan<br />
patron w kite w pou panike nou, n ap<br />
disparet ou kanmem pou kaka biznis<br />
makèt la fèmen n ap fin touye w apre n<br />
ap fout boule kaka makèt la »<br />
Tout est planifié pour votre assassinat,<br />
parce que vous êtes un arrogant.<br />
Votre patron vous a laissé pour nous<br />
paniquer. Nous allons vous éliminer et<br />
puis fermer le supermarket. Nous vous<br />
tuerons puis nous brulerons le market ».<br />
Ces messages envoyés à Boursiquot<br />
ne devraient pas être pris à la légère<br />
comme dans le cadre d’une quelconque<br />
intimidation. C’est un acte criminel qui<br />
doit soulever l’indignation de tout le<br />
monde. Vu que ce n’est pas pour la première<br />
fois que le nom de Joseph Lambert<br />
fait la une des actualités, soit dans le trafic<br />
de la drogue, le kidnapping ou l’assassinat.<br />
Nous ne pouvons pas oublier les<br />
déclarations avec des données spécifiques<br />
de Sherlson Sanon faites au Cabinet<br />
d’Instruction le 3 juillet 2013, révélant<br />
qu’il travaillait à un certain moment<br />
pour un gang dirigé par l’actuel ministre<br />
de la Justice Jean Renel Sanon, Joseph<br />
Lambert et l’actuel sénateur Edo Zenny.<br />
Tout récemment, Joseph Lambert<br />
affirmait sur les ondes avoir distribué 500<br />
téléphones mobiles à ses hommes, leur<br />
confiant la tâche d’espionner toutes celles<br />
et tous ceux qui osent dire du mal de lui,<br />
afin qu’il puisse les trainer en justice. Les<br />
organismes de promotion et de défense<br />
des droits humains assimilent cette déclaration<br />
à une violation flagrante des droits<br />
garantis par la Constitution haïtienne,<br />
et à une menace à la liberté d’expression,<br />
qui méritent d’être rigoureusement<br />
condamnées. « Nous devons prendre<br />
très au sérieux cette déclaration, venant<br />
surtout d’un proche du pouvoir en place.<br />
C’est une intolérance qui frise la dictature<br />
», déclare Me Rameau Colin, responsable<br />
de la section des droits humains au sein<br />
de l’Organisation des jeunes pour le développement<br />
du Sud-Est (Ojedese).<br />
Malgré tout, Lambert est encore<br />
sain et sauf car la justice haïtienne est<br />
sous son contrôle. C’est son actuel allié<br />
au sein du gouvernement Martelly/<br />
Lamothe, Stanley Lucas qui, le 28 Juillet<br />
2011, sur son site, publiait un article<br />
titré « Joseph Lambert Sénateur impliqué<br />
dans la drogue et la corruption » dans<br />
lequel il soulignait : « La police a arrêté<br />
un bateau rempli de cocaïne à Tiburon.<br />
Selon le rapport du juge d’instruction<br />
Jacques Saint Jean préparé le 6 Septembre<br />
2007, le bateau de cocaïne appartenait à<br />
Joseph Lambert. Il ajouta : « Le sénateur<br />
Lambert est aussi impliqué dans l’assassinat<br />
de Monique Pierre, une femme qui<br />
vivait dans des milieux de la drogue et<br />
qui s‘apprêtait à faire des révélations sur<br />
Lambert » [Tout <strong>Haiti</strong> 8 juillet 2013].<br />
Un employé travaillant chez Monique<br />
Pierre a noté l’immatriculation du<br />
véhicule transportant les criminels ayant<br />
assassiné cette dame. Avec cette information<br />
l’enquête de la police a révélé que<br />
ce véhicule immatriculé OF 0032 appartient<br />
au Sénateur Joseph Lambert. Pour<br />
se défendre Lambert déclara « des religieux,<br />
de nombreux citoyens et des personnalités<br />
de Jacmel peuvent témoigner<br />
qu’il se trouvait à bord du véhicule dans<br />
le sud est et non à Port-au-Prince. Samedi<br />
matin j’ai utilisé le véhicule en question<br />
pour me rendre à Peredo et Zoranger<br />
afin de distribuer des semences et de la<br />
nourriture aux paysans » Sur ce dossier<br />
« Lambert se dit inquiet ; mais ne craint<br />
aucun mal dans le cadre de l’enquête sur<br />
l’assassinat de Monique Pierre » (Radio<br />
Métropole 2 décembre 2008)<br />
Sera-t-il toujours ainsi, puisque<br />
Lambert ne craint aucunement d’être<br />
appréhendé par la Justice. Entretemps, la<br />
vie du Casec Falante Bousiquot est menacée<br />
! On dit que c’est par la tête que pourrit<br />
le poisson. Aussi comprend-on pourquoi<br />
les proches de Martelly échappent à<br />
la Justice, car à la tête de l’État trône un<br />
président corrompu, purulent, qui laisse<br />
pourrir le corps non moins putride. Il faut<br />
à tout prix une excision chirurgicale de<br />
l’abcès rose.<br />
Daniel Tercier/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />
Daniel Tercier/<strong>Haiti</strong> Liberté<br />
Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour<br />
dire aux puissances coloniales et impérialistes que le peuple haïtien en a<br />
assez, de venir enlever les deux colis encombrants : Michel Joseph Martelly<br />
et Laurent Salvador Lamothe<br />
Par Isabelle L. Papillon<br />
Lors des deux dernières manifestations<br />
du vendredi 5 et du samedi<br />
6 décembre <strong>2014</strong>, lancées par<br />
l’Opposition, un peu partout à travers<br />
le pays, le départ de l’occupant du Palais<br />
national, Michel Joseph Martelly<br />
a fait l’unanimité. Des centaines de<br />
milliers de personnes, venues de tous<br />
les secteurs de la vie nationale et de<br />
tous les quartiers populeux, sont descendues<br />
dans les rues pour dire aux<br />
puissances coloniales et impérialistes<br />
que le peuple haïtien en a assez, de venir<br />
enlever les deux colis encombrants :<br />
Laurent Salvador Lamothe et Michel<br />
Joseph Martelly, imposé à la tête de la<br />
première République noire du monde<br />
par des élections frauduleuses en 2011.<br />
Après l’ambassade des Etats-<br />
Unis, le 29 novembre dernier, les manifestants<br />
se sont rendus devant l’ambassade<br />
de France et du Canada, puis<br />
devant le Palais national pour sommer<br />
Martelly de partir. C’était le même son<br />
de cloche de la population du Nord du<br />
pays, le samedi 6 décembre. Dans le<br />
sud du pays en commémorant le 85 e<br />
anniversaire du massacre des paysans<br />
à Marche-à-Terre par des soldats yankee,<br />
le 6 décembre 1929, la population<br />
réclamait également le départ de<br />
l’équipe tètkale du pouvoir.<br />
A Port-au-Prince, c’est avec ces<br />
cris que les manifestants démarrent<br />
chaque journée de mobilisation par devant<br />
l’église de St-Jean Bosco : « Martelly<br />
doit partir ! Martelly doit partir !<br />
Martelly doit partir ! A bas Martelly !<br />
Martelly dehors du Palais ! Nous restons<br />
dans les rues jusqu’à ce que Martelly<br />
et Lamothe partent. Nous ne voulons<br />
pas de ce régime. Martelly divise<br />
nos familles, détruit notre système<br />
éducatif, détruit les institutions républicaines,<br />
persécute notre leader, Dr.<br />
Jean Bertrand Aristide, emprisonne nos<br />
frères pour leur conviction politique,<br />
tue nos camarades de combats…. »<br />
Après avoir parcouru le quartier<br />
populeux de la Saline, l’un des bastions<br />
de Lavalas, la foule surchauffée s’est<br />
dirigée en direction de la rue Saint-Martin<br />
pour se rendre au Bel Air où une<br />
branche de la manifestation se réunit.<br />
Partis du Bel Air, les manifestants anti-<br />
Martelly ont sillonné la rue St-Martin,<br />
le quartier Solino, les rues Sans-Fil et<br />
Borgella, la rue des Miracles se rendant<br />
devant le Parlement haïtien, pour<br />
dire aux parlementaires que leur mandat<br />
arrive à échéance et qu’ils doivent<br />
partir. Ils se sont ensuite dirigés vers la<br />
Primature pour sommer le Premier ministre<br />
corrupteur, maffieux, racketteur,<br />
minable, Laurent Lamothe de vider les<br />
lieux. En scandant « Arrêtez Lamothe !<br />
A bas Lamothe ! Lamothe doit partir.<br />
Lamothe est en train de faire business<br />
avec l’Etat. Lamothe vole 5 milliards de<br />
gourde. Lamothe transfère 700 millions<br />
de dollars US en République Dominicaine,<br />
Lamothe vend à l’Etat des lampadaires<br />
à 3000 $ US l’unité, Lamothe<br />
est un fieffé menteur. »<br />
En passant devant les tribunaux<br />
du Palais de justice, au Bicentenaire,<br />
les manifestants scandaient : « Arrêtez<br />
Lamarre Bélizaire ! Lamarre Bélizaire<br />
est un vendeur de justice. Lamarre Bélizaire<br />
est un corrompu. Le peuple va juger<br />
Lamarre Bélizaire. Lamothe a donné<br />
à Céant 40 millions de dollars pour<br />
démolir les maisons de 63 familles au<br />
centre-ville. Lamothe est un criminel !<br />
Me Céant est un criminel. Nous les attendons<br />
aux élections. On va les sanctionner.<br />
» Ils ont ensuite parcouru plusieurs<br />
rues de la capitale avant d’arriver<br />
devant l’ambassade de France en Haïti,<br />
à la rue Capois. Et là, les manifestants<br />
ont dit « Non à l’ingérence étrangère. La<br />
France doit restituer à Haïti les 90 millions<br />
de franc or escroqués de la jeune<br />
République des Nègres. Cette somme<br />
est évaluée à plus de 21 milliard de dollars<br />
US depuis l’année 2003. Laissez le<br />
peuple haïtien prendre son destin en<br />
main. Cessez de violer le doit à l’autodétermination<br />
du peuple haïtien. » Des<br />
manifestants ont brandi des photos du<br />
président de la Russie, Vladimir Poutine<br />
pour montrer au monde qu’on veut se<br />
libérer du joug impérialiste étasunien et<br />
colonialiste français.<br />
Après avoir délivré le message<br />
de circonstance à la France, la foule a<br />
pris tête droite la direction du Palais<br />
national en passant devant la Faculté<br />
d’Ethnologie. Les mains en l’air, les<br />
manifestants sont arrivés à pénétrer<br />
Suite à la page (15)<br />
4 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
Twa Fèy, Twa Rasin O!<br />
Un gouvernement, un État à vau-l’eau<br />
Par Fanfan la Tulipe<br />
Aller à val l’eau est un ancêtre,<br />
pour ainsi dire, de la locution<br />
à vau-l’eau. Jusqu’au milieu du<br />
XVI e siècle, on disait encore aller à<br />
val ou aller à vau. C’était pour dire<br />
« en descendant le long, en suivant<br />
la pente de ». Bien entendu on a à<br />
l’esprit qu’un vau est une vallée. Par<br />
la suite, Rabelais aidant, l’expression<br />
aller à vau, à vau-l’eau vint à<br />
signifier concrètement: suivant le<br />
courant, suivant le cours de l’eau. Or<br />
un cours d’eau se perd irrémédiablement<br />
quelque part. Petit à petit à vaul’eau<br />
venait à signifier, de façon plus<br />
abstraite, partir à la dérive, aller sans<br />
contrôle, péricliter, aller en se dégradant,<br />
et même aller au désastre.<br />
Dans cet ordre d’idées, on peut<br />
se rappeler qu’en 2005 l’ouragan Katrina<br />
avait causé d’apocalyptiques dégâts<br />
dans le sud des Etats-Unis, avec<br />
de sombres et tragiques retombées<br />
sociales et politiques. La catastrophe<br />
climatique avait frappé en particulier<br />
la Nouvelle Orléans. Les digues de la<br />
ville s’étaient rompues. L’administration<br />
du président d’alors, George W.<br />
Bush, avait laissé comprendre que les<br />
digues une fois réparées résisteraient<br />
aux assauts de la nature. Un an plus<br />
tard, le journaliste Laurent Mauriac<br />
avait parlé de «digues à vau-l’eau».<br />
Selon lui, «Il n’y a guère que le gouvernement<br />
américain pour penser que<br />
les digues de La Nouvelle-Orléans<br />
sont ‘‘prêtes’’ à affronter un nouveau<br />
cyclone» (Libération, 29 août 2006).<br />
Depuis assez longtemps, manifestement,<br />
les digues de la Nouvelle<br />
Orléans périclitaient, se dégradaient,<br />
partaient à la dérive. Elles étaient<br />
sans contrôle, les instances responsables<br />
de leur maintien en bon état<br />
ayant failli à la tâche. Sous la poussée<br />
de la colossale quantité d’eau<br />
apportée par Katrina, rien ne pouvait<br />
retenir la furie du «cours de l’eau». Le<br />
pays tout entier se réveilla abasourdi,<br />
noyé voudrait-on dire, assommé,<br />
effaré, hébété de constater les cruels<br />
manquements et limites du système.<br />
L’administration Bush ne put rester<br />
que «saisie par ce cimetière d’eaux<br />
mortes, par ce vau-l’eau poignant<br />
d’une ville à son suprême échouage»,<br />
pour reprendre cette saisissante<br />
image empruntée à Julien Gracq dans<br />
son célèbre roman Le Rivage des<br />
Syrtes.<br />
Mais ne nous laissons ni porter<br />
ni emporter par «le cours de l’eau»,<br />
le «courant» de références littéraires,<br />
climatiques, hydrauliques, mécaniques,<br />
électriques, apocalyptiques,<br />
historiques. Laissons reposer en<br />
paix, sur le rivage du dernier voyage,<br />
l’âme de François Rabelais et celle de<br />
Gracq rejointe par celle des milliers<br />
de victimes de Katrina la folle et du<br />
système capitaliste fou et violent. En<br />
Haïti, bien des choses, depuis plus de<br />
trois ans déjà, s’en vont à vau-l’eau.<br />
On a aussi l’impression qu’une katrinisation<br />
des forces populaires est en<br />
cours. Elle suit le cours inexorable<br />
d’une dynamique politique menaçant<br />
de rompre les digues du pouvoir,<br />
malgré les menées ténébreuses d’endiguement<br />
de l’ambassadrice étatsunienne<br />
Pamela White.<br />
Depuis ce fatidique deuxième<br />
tour «clintonien», lequel en 2011 a<br />
imposé un saltimbanque vulgaire et<br />
obscène au peuple haïtien, le pays<br />
suit un bien mauvais «courant». En<br />
effet la pente d’une dégringolade<br />
politique et surtout morale avait été<br />
amorcée. Sauf l’entourage immédiat<br />
de Martelly, personne ne se doutait du<br />
degré d’immoralité et de malfaisance<br />
du pouvoir. Personne ne pouvait<br />
s’imaginer des gouvernants enfoncés<br />
Se manmnan, se pitit : deux faces d’un même médaille de corruption.<br />
Martelly souriant, «vainqueur», roublard, avec devant lui ses huit<br />
passeports dont les journalistes n’ont pas pu vérifier l’entière authenticité.<br />
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aussi profondément dans le vice sous<br />
toutes ses formes: la drogue, les kidnappings,<br />
l’argent sale, le mensonge<br />
éculé, une corruption à ciel ouvert.<br />
En septembre 2013, un proche<br />
du pouvoir, en l’occurrence le citoyen<br />
Evinx Daniel se faisait pincer par le<br />
commissaire du gouvernement des<br />
Cayes, Me Jean Marie Salomon pour<br />
trafic présumé de drogue. Daniel prétendait<br />
avoir découvert par hasard,<br />
en haute mer, 33 paquets de marijuana<br />
qu’il avait honnêtement gardés<br />
chez lui (sic) avant de les livrer,<br />
dans un élan citoyen, aux autorités<br />
concernées. Le lendemain, Daniel<br />
était libéré. Quarante-huit heures<br />
plus tard, le commissaire Jean-Marie<br />
Salomon était «mis en disponibilité»,<br />
révoqué quoi, pour avoir agi de «manière<br />
fantaisiste et précipitée». Imparable<br />
et tortueuse parade politicienne<br />
d’un ministère de la Justice immoral<br />
et aux abois.<br />
Dans l’impossibilité de prouver<br />
qu’il n’avait jamais renoncé à sa<br />
nationalité haïtienne, dans l’impossibilité<br />
de présenter à la commission<br />
parlementaire chargée de faire<br />
la lumière sur l’affaire, le président<br />
Martelly mystifie, soudoie peut-être<br />
un groupe de responsables religieux,<br />
naïfs ou consentants, réunis au sein<br />
de l’organisation «Religion pour la<br />
paix». Il présente donc huit passeports<br />
dont l’un conçu sans doute en<br />
vitesse et frauduleusement présente<br />
une page en plus d’un passeport ordinaire.<br />
Pour ajouter au grotesque de<br />
la bouffonnerie des huit documents,<br />
l’ambassadeur meriken en Haïti est<br />
intervenu pour déclarer : « Avec la<br />
permission que le Président vient de<br />
me donner je peux vous informer<br />
que le Président Martelly n’est pas<br />
un Américain, c’est un Haïtien». Et<br />
flatteurs, sousou, bakoulou, nigauds,<br />
lourdauds, koyo, tous d’applaudir à<br />
tout casser. Dans ce parterre de flagorneurs<br />
fieffés figurait la francolâtre<br />
Michaëlle Jean qui perdit alors le peu<br />
de respect qu’on pouvait avoir pour<br />
elle. On s’imagine mal un président<br />
d’Haïti, supposé haïtien, recourant<br />
au subterfuge d’une commission religieuse<br />
et à la duplicité d’un ambassadeur<br />
coquin pour prouver sa nationalité<br />
haïtienne. Signe assuré d’un<br />
gouvernement, d’un système rose à<br />
vau-l’eau.<br />
Le «courant» continuait son<br />
inexorable dérive. La femme du président<br />
et son fils aîné allaient être<br />
l’objet d’une poursuite judiciaire<br />
pour « usurpation de fonction ».<br />
Madame pour sa part devait comparaître<br />
au tribunal pour répondre de<br />
l’accusation. Cette humiliation devait<br />
accélérer le «courant». Le président<br />
Martelly irrité, indisposé et exaspéré<br />
par l’audace et la témérité de deux<br />
«petits avocats pòv» allait devoir<br />
sniffer une «prise calmante» avant<br />
de faire venir, de force, le juge Serge<br />
Joseph au cabinet de son avocat Me<br />
Gary Lissade. La rencontre, violente,<br />
s’était tenue en présence du premier<br />
ministre Lamothe et du ministre de<br />
la Justice Jean Renel Sanon. Sous<br />
le choc du caractère intempestif,<br />
brutal et illégal de cette réunion, le<br />
juge Joseph avait été victime d’une<br />
poussée hypertensive conduisant à<br />
Dr. Kesler Dalmacy<br />
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Le docteur de la<br />
Communauté Haïtienne<br />
à New York<br />
une hémorragie cérébrale mortelle.<br />
Pour contrer une opposition<br />
tenace face à ses velléités non voilées<br />
de gouverner par décret à partir du<br />
12 janvier 2015 et pour se donner le<br />
beau rôle à appliquer le fameux article<br />
16 de la constitution, le président<br />
Martelly monte un autre scénario<br />
digne du comédien qu’il est, assuré<br />
du soutien inconditionnel de partis<br />
bidon qu’il vient de mettre sur pied<br />
à cet effet. Un show médiatique à El<br />
Rancho sous la houlette apparente<br />
d’un évêque mystifié sinon consentant<br />
tient les nigauds en haleine. Il<br />
en sort un bouyivide politique dont<br />
bénéficient de nouveaux profiteurs de<br />
la vache à lait gouvernementale, particulièrement<br />
deux politiciens fieffés,<br />
le rusé Himmler Rébu et le sans-gêne<br />
Rudy Hériveaux, transfuge lavalassien<br />
dont on ne savait pas qu’il était<br />
friand de ravèt (et d’immondices).<br />
La force du «courant» s’est accrue<br />
avec trois événements majeurs<br />
ces derniers jours : la mise sur pied<br />
par le président d’une commission<br />
consultative de onze membres dont<br />
au moins deux sont presque centenaires,<br />
la mobilisation croissante<br />
et puissante de l’opposition toutes<br />
tendances confondues, et la parade<br />
de l’ambassadrice Pamela White qui<br />
s’est réunie avec des représentants de<br />
six partis de l’opposition au local de<br />
la Fusion. Le fait de ces trois événements<br />
survenant de façon simultanée<br />
en dit long sur une dynamique politique<br />
à vau-l’eau.<br />
En passant, le mot vau est<br />
aussi employé dans l’expression à<br />
vau-de-route, dans le sens de précipitamment<br />
et en désordre. Ainsi, la<br />
cavalerie s’en allait à vau-de-route.<br />
On a l’impression que la cavalerie<br />
rose menace de s’en aller, de fuir à<br />
vau-de-route. Le «courant» coule vite<br />
suivant la pente très marquée d’une<br />
dégringolade morale et politique accélérée<br />
du pouvoir. Le vent ne souffle<br />
pas dans la bonne direction pour lui.<br />
En fait, l’expression à vau-vent ou à<br />
vau-le-vent (signifiant dans la direction<br />
du vent) est une parente de à<br />
vau-l’eau. Elle vient à point nommé<br />
pour illustrer mon propos. Le vent<br />
semble souffler dans la direction d’un<br />
départ de Martelly, arrangé ou spontané,<br />
mais preseprese.<br />
Pour finir, l’expression à vaul’eau,<br />
en Espagne, se rend par ir de<br />
culo, aller du cul. Une formulation qui<br />
sied parfaitement au sulfureux et vulgaire<br />
Micky Martelly.<br />
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Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
5
Kwonik Kreyòl<br />
Ansèyman syans sosyal an<br />
Ayiti ki ansèyman? pou<br />
ki kalite sitwayen?<br />
Nou pap dòmi bliye 85yèm anivèsè masak<br />
Machatè a, pandan n ap make <strong>10</strong>0 lane depi<br />
peyi a anba bòt lokipasyon !<br />
Yon moun pa bezwen espesyalis<br />
nan domèn edikasyon pou li konnen<br />
ansèyman an Ayiti ap mache sou<br />
beki. Depi Minis Joseph C. Bernard (1)<br />
te bay siyal pou refòm sistèm edikatif la<br />
derape nan mwa janvye 1980, Ministè<br />
Edikasyon Nasyonal poko janm ka fini<br />
tabli nouvo kourikoukoum nan. Apre<br />
twa deseni nouvo segondè a (ki pou<br />
ofri yon bakaloreya teknik) ap tann<br />
pou li tounen reyalite. Epi antretan san<br />
okenn evaliyasyon refòm Bernard la,<br />
de lòt Minis Edikasyon vini: youn avèk<br />
yon Plan Nasyonal Edikasyon (2), lòt<br />
la ak yon Plan Nasyonal Edikasyon ak<br />
Fòmasyon (3) Sanble nou tounen ekspè<br />
nan lanbinen sou chimen pèdi tan,<br />
jan powèt la ta di. Annatandan dènye<br />
rezilta egzamen ofisyèl klas tèminal yo<br />
se yon katastwòf (4).<br />
Plan etid syans sosyal nan Plan<br />
kad Pwogram pedagojik operasyonèl<br />
ministè a mete ansanm: Istwa Ayiti,<br />
Istwa jeneral, Jewografi Ayiti ak Istwa<br />
jeneral nan kourikouloum 3èm sik lekòl<br />
fondamantal jis rive nan klas filozofi.<br />
Pedagoji aprantisaj anseyan yo<br />
itilize se sitou metòd dediktif ki chita<br />
sou memorizasyon ekstrèm, olye<br />
metòd endiktif ki favorize eksperimantasyon.<br />
Pwogram Istwa Ayiti a konsidere<br />
peryòd ki soti depi 1492 pou rive<br />
nan lane 1986 ak yon prezantasyon<br />
kwonolojik evennman istorik ki se zèv<br />
yon bann gwo gason yo venere tankou<br />
ewo. Se menm epòk la 1 e ak 2èm sik<br />
la kouvri lan yon vèsyon abreje e ki pi<br />
senp. Lan nivo segondè a disètasyon<br />
ak analiz istorik te sipoze jwenn yon<br />
atansyon patikilye. Men elèv yo pa rive<br />
metrize de aspè sa yo akòz pwofesè yo<br />
pito dikte yo tèks pou yo aprann pa kè.<br />
Istwa jeneral, yon matyè elèv yo etidye<br />
nan 3èm sik, se sitou istwa Lafrans nan<br />
epòk medyeval pwofesè ap rabache ak<br />
lekti fatigan epi kòmantè ki pa adapte.<br />
\Lè nou konsidere ansèyman<br />
matyè yo rele jewografi a ki sa nou<br />
konstate ? Etid jewografi fizik peyi d<br />
Ayiti se yon priyorite pou de premye<br />
sik lekòl fondamantal la. Anseyan yo<br />
met aksan sou relyèf, sètadi: mòn,<br />
plenn, platon, vale elatriye ansanm ak<br />
flèv, rivyè, letan eksetera. San konte<br />
limit teritoryal ak zile ki tou pre yo.Depi<br />
timoun yo piti y ap fè yo repete : <strong>Haiti</strong><br />
est un pays essentiellement agricole.<br />
Men yo pa janm fè yo chita reflechi<br />
sou enpòtans espas jewogafik la ak<br />
potansyalite ekonomik li. Kanta pou<br />
klas segondè yo afè jewografi d Ayiti a,<br />
yo pa wè sa. Jewografi jeneral la repoze<br />
sitou sou reprezantasyon fizik lemonn<br />
ak yon ti lòsyè sou jewografi imèn kote<br />
yo pa pè repete zafè twa ras blan, nwa<br />
,wouj la. Pa yon jefò pou montre orijin<br />
lèzòm, dinamik devlopman popilasyon<br />
yo ak pwosesis evolisyon ras yo.<br />
Analiz Evelyne Trouillot (5) te<br />
pibliye nan revi Lire Haïti an septanm<br />
2001 an vin ranfòse apresyasyon<br />
anpirik sa a sou sistèm edikatif ayisyen<br />
an. Tit analiz la se : De la survivance<br />
de la colonisation dansles manuels<br />
d’histoire. Se yon atik enteresan ki<br />
fouye manyèl istwa d Ayiti soti 1912<br />
pou rive 1995 ak non otè ki fè pati<br />
entelijennsya ayisyen an tankou : J.<br />
B. ak J. C. Dorsainvil, Stephen Alexis,<br />
Dantès Bellegarde ak Stenio Vincent,<br />
Justin Lhérisson, Odette Roy-Fombrun,<br />
René Piquion elatriye. Konsiderasyon<br />
ak konklizyon otè atik la fè anpil sans.<br />
Daprè Evelyne Trouillot, reprezantasyon<br />
diferan pwotagonis nan sosyete<br />
Ispayola ak Sendomeng la konfòm<br />
ak diskou dominan ki travèse sosyete<br />
ayisyen an k ap repwodui pèsepsyon<br />
kolonizatè yo sou wòl ak rapò ki dwe<br />
egziste ant diferan aktè lan pwosesis<br />
repwodiksyon mòd pwodiksyon yo.<br />
Yon ideyoloji ki ap fè apoloji opresè ak<br />
eksplwatè yo yon bò e yon lòt bò ap<br />
kilpabilize fòs pwodiktif anba dominasyon<br />
yo. Adjektif ki karakterize swadizan<br />
endyen yo se endolan, parese ki<br />
renmen plezire; epitèt yo jwenn pou<br />
afriken yo mete nan esklavaj nan koloni<br />
karibeyen an se sovaj, san santiman<br />
ki pi andiran. Yo fè nou konprann<br />
tout espayòl yo pa t mechan ak endyen<br />
yo. Dayè èske youn lan otè manyèl yo<br />
pa mande : Ki sa nou fè ak mèvèy sa<br />
a yo te rele Ayiti a ? Sa pa raple nou<br />
pawòl yon ansyen diktatè ki te mande<br />
kisa nou fè ak peyi l ? Nou konprann<br />
poukisa anpil ayisyen kondisyone pou<br />
regrèt Haïti, la perle des antilles. Sèl<br />
bagay, yo bliye se syè ak san nèg ki te<br />
mare nan chenn esklavaj ki te pwodui<br />
byen materyèl Sendomeng yo. Yo pa<br />
sonje sa k fè Ayiti/Kiskeya/Boyo te yon<br />
mèvèy nan zye wa ak renn Lespay se<br />
valè lò anba tè a espayòl yo t ap bwote<br />
ba yo. Depi nou piti y ap fè nou repete :<br />
Le 6 décembre 1492 Christophe Colomb<br />
découvrit Haïti. Mo dekouvèt la<br />
pa inosan. Li la pou fè nou konprann<br />
nou kòmanse egziste lemoman Kristòf<br />
Kolon debake sou zile a. Se blan an, se<br />
etranje a ki pou ba nou rekonesans. Li<br />
nòmal pou jounen jodi a se kominote<br />
entènasyonal anpil moun ap tann pou<br />
di nou kisa pou n fè.<br />
Pwofesè Trouillot remake nan<br />
atik li a dilèm lelit la konfwonte nan<br />
reprezantasyon ewo lendepandans yo.<br />
Lelit la bezwen valorize aksyon ewoyik<br />
yo epi kapitalize sou fyète patriyotik yo<br />
charye, an menm tan l ap voye toya<br />
sou gran tèt nwa yo. Se swa evennman<br />
ki montre valè yo mèveye, swa yo fèt<br />
ak mechanste. Yon bò yo rekonèt entelijans<br />
Tousen Louvèti, talan estratèj<br />
li ak estim menm lennmi l te gen pou<br />
li ; yon lòt bò yo di li te rize, vyolan,<br />
ipokrit. Apre lanmò Desalin yo mande<br />
pou nou venere anprè a malgre fot li te<br />
komèt. Se pa yon aza si pou yon faksyon<br />
nan klas dominan yo Aleksann<br />
Petyon te yon nonm bonas, yon bon<br />
papa alòske Desalin ak Kristòf te sanginè<br />
ak kriyèl. Ofèt pwojè kont revolisyonè<br />
Petyon ak Bwaye te met kanpe<br />
avèk sasinay fondatè nasyon an toujou<br />
anplas jounen jodi a. Senbolis yo pa<br />
twonpe. Se pa yon zak inosan lè chèf<br />
Leta a deside abiye nenpòt jan, yon<br />
lane, pou l patisipe nan seremoni ofisyèl<br />
pou medite sou lanmò Desalin. (6)<br />
Se pa yon zak inosan lè menm dirijan<br />
sa a, lane apre a, òganize banbòch pou<br />
selebre lanmò anprè a (7). Se pa yon<br />
zak inosan lè de pi gwo dirijan peyi a<br />
chwazi pou yo pa nan peyi a pou selebre<br />
anivèsè batay Vètyè a. (8) Alòske<br />
yon sitwayen franse ap raple kijan 18<br />
novanm se yon gran jou ak kijan Vètyè<br />
Samdi 6 desanm <strong>2014</strong> la fè 85 lane<br />
depi militè fòs okipasyon amerikèn<br />
te fè koule san peyizan yo yon lòt fwa<br />
ankò nan yon masak nan Machatè<br />
nan antre nò vil Okay. Nan yon moman<br />
kote peyizan nan plenn Okay t<br />
ap manifeste, yo t ap pwoteste kont<br />
yon lwa 28 dawout 1928, fòs okipasyon<br />
an te pran pou ogmante taks<br />
sou kleren ak tabak. Ogmantasyon<br />
taks sa yo te lakòz peyizan yo te oblije<br />
malgre yo, fèmen yon bann gildiv<br />
ki te prensipal pwodiksyon ki ba yo<br />
mwayen antre lajan. Desizyon sa a te<br />
detwi ekonomi peyizan yo, epi lage yo<br />
nan lamizè. Se konsa, jou 6 desanm<br />
lan, pandan plizyè milye peyizan t ap<br />
manifeste nan Machatè, kote yo t ap<br />
rele « aba enpo, aba okipasyon, aba<br />
lamizè » militè ameriken yo louvri<br />
kout zam sou yo. Sou plas, fòs okipasyon<br />
an touye 22 peyizan epi blese<br />
51 lòt. Alòske, se te yon manifestasyon<br />
pasifik. Divès lòt zak tankou :<br />
fè kadejak sou fanm ak tifi, mete dife<br />
nan kay peyizan yo, te montre nivo<br />
babari ak karaktè fachis militè okipan<br />
yo.<br />
N ap raple, nan peryòd sa a,<br />
grèv etidyan Damyen yo te jwenn<br />
anpil solidarite nan peyi a. Men aprè<br />
masak Machatè a, manifestasyon te<br />
gaye nan yon bann vil tankou : Jakmèl,<br />
Jeremi, Gonayiv, Pòdepè, Kap<br />
Ayisyen, Leyogàn, Tigwàv, Senmak<br />
elatriye… Pèp la te revòlte kont ni fòs<br />
okipasyon an, ni gouvènman Bòno a.<br />
Malerezman, 85 lane aprè, nou<br />
gen yon fòs okipasyon MINISTA nan<br />
peyi a, ki kontinye fè egzaksyon sou<br />
pèp la. Men sa k pi grav la, nou gen<br />
yon polis ki tounen lame woz gouvènman<br />
Mateli Lamòt la k ap touye<br />
KOMEMORASYON 16 DESANM 1990<br />
16 Desanm 1990 - 16 Desanm <strong>2014</strong>, 24 lane depi Pèp Ayisyen an te<br />
chwazi yon prezidan nan yon eleksyon lib ak demokratik.<br />
Nan lespri pou kontinye kenbe diyite memwa nou toujou toulimen<br />
ak drapo rezistans lan pi djanm, Konbit Ayisyen pou Kore Lakay<br />
(KAKOLA) ak Ayiti Libète ap envite n nan komemorasyon<br />
dat sila jou kap dimanch 14 desanm <strong>2014</strong>.<br />
N ap envite tout konpatriyòt pwogresis, tout nasyonalis, nan yon sware<br />
refleksyon alokazyon konkèt istorik pèp Ayisyen an nan eleksyon 16<br />
Desanm 1990 yo. N ap pwofite okazyon sa a, pou nou foubi je nou sou<br />
dènye konplo (komisyon konsiltatif, demisyon Lamothe, vizit<br />
Kerry, elatriye) enperyalis yo pou toufe demokrasi pèp la.<br />
Solidarite ak mouvman demokratik popilè a k<br />
ap mande demisyon Martelly ak Lamothe !<br />
Aba Okipasyon ! Non ak tout eleksyon malachong anba okipasyon<br />
Dimanch14 desanm <strong>2014</strong>, 7 è p.m.<br />
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Moniman an sa a te fèt 6 desanm<br />
1988 nan memwa lit peyizan<br />
Machatè yo ; Malerezman yo te<br />
kraze l nan lane 1991/1994 nan<br />
peryòd koudeta jeneral Cedras<br />
Crédits -copyrigts: PI-IHAM-CHRD<br />
moun nan manifestasyon, k ap touye<br />
tibebe 3 mwa ki kouche sou kabann<br />
anndan lakay li.<br />
Pati Kan Pèp La, pwofite okazyon<br />
sa a, pou kondane zak represyon,<br />
arestasyon ak ansasinay lapolis<br />
ap fè kont popilasyon an k ap manifeste<br />
pandan l ap pwoteje patizan<br />
gouvènman an. Pati a voye senpati<br />
ak solidarite l bay tout moun ki viktim<br />
nan popilasyon an k ap manifeste<br />
espesyalman nan vil Wanament, Fò<br />
libète ak Kabarè pou revandike sèvis<br />
tankou : dlo potab, elektrisite elatriye…<br />
se yon gwo evennman nan listwa limanite<br />
(9). Se pa yon zak inosan lè yon<br />
minis edikasyon bay yon peyi etranje<br />
bati kalandriye eskolè Ayiti epi nou<br />
sezi wè 17 oktòb pa jou ferye ankò.<br />
(<strong>10</strong>) Anpil sitwayen te fè tande vwa yo<br />
anvan yo te sètoblije korije erè a. Se pa<br />
yon zak inosan lè nou remake depi kèk<br />
tan peyi a pa komemore ankò envazyon<br />
1915 la ak rezistans ewoyik kako<br />
yo sou kòmannman Chalmay Peral ak<br />
Benwa Batravil. Non, listwa pa inosan.<br />
Se pa yon aza si apre 1986 dirijan yo<br />
chwazi retounen ak drapo Petyon an<br />
olye yo adopte drapo Desalin ak Kristòf<br />
la.<br />
Nan De la survivance de la colonisation<br />
dans les manuels d’histoire<br />
Evelyne Trouillot raple nou : menm<br />
jan apwopriyasyon diskou kolonizatè<br />
yo non sèlman pwodui konpòtman<br />
kouto famasi/woule m de bò apati yon<br />
pèsepsyon byeze ki chita sou prejije<br />
ak mepri, yo pwodui silans tou kòm<br />
rezilta. Se konsa nouvo edisyon laplipa<br />
manyèl yo pa mansyonnen Makandal<br />
ankò ni fanm vanyan tankou Henriette<br />
St Marc, Marie-Jeanne ak Toya. W ap<br />
wè yo pale de bonte ak tandrès Claire<br />
Heureuse ki te sove anpil viktim inosan<br />
pandan masak franse yo. Yo pase<br />
konplètman sou silans diferan fòm<br />
batay fanm nan esklavaj yo te mennen<br />
kont kondisyon denigran sa a.<br />
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Fòk nou kontinye mobilize pou<br />
fòse Leta pèpè sa a respekte dwa nou<br />
e bay sèvis. Nou pa ka aksepte yo<br />
konstwi izin elektrik pou bay envestisè<br />
faktori kouran sèlman nan yon<br />
peyi kote EDH genyen 300.000 abone<br />
sou <strong>10</strong> milyon abitan. Se ak lajan<br />
Pèp ayisyen yo bati ni pak endistriyèl<br />
Karakòl la, ni izin elektrik sa a.<br />
Nou pa ka aksepte pou yon antrepriz<br />
prive ki ap jere izin elektrik Karakòl<br />
la ap ranmase lajan epi li derefize bay<br />
popilasyon an sèvis. N ap raple tout<br />
moun yon bon valè nan 446 milyon<br />
dola vèt ki envesti nan Karakòl se<br />
lajan ki te rive nan peyi a pou ede viktim<br />
tranbleman tè 12 janvier 20<strong>10</strong> la.<br />
Pati a ankouraje tout viktim yo<br />
pote plent lajistis kont polisye yo. Lè<br />
gouvènman sa a pa la ankò, depi nou<br />
te fè plent, nou kapab pouswiv yo<br />
devan lajistis. Yon lòt fwa ankò, Pati<br />
RASIN Kan Pèp La mande pou lajistis<br />
libere tout prizonye politik yo.<br />
Pati a salwe manifestasyon ki<br />
te fèt nan Kriswa 3 desanm kont anbasadè<br />
ameriken an kote popilasyon<br />
an t ap denonse wòl enperyalis la nan<br />
kriz peyi nou an. Nou wè kijan Gouvènman<br />
Mateli Lamòt la kouri sòti<br />
yon kominike pou mete ajenou pou<br />
mande madan White padon alòske<br />
okenn moun nan pouvwa a poko di<br />
yon mo sou lanmò tibebe 3 mwa polis<br />
nasyonal la ansasinen nan Wanament.<br />
Aba tout enperyalis yo, Aba<br />
Leta restavèk, Aba okipasyon, viv<br />
yon Ayiti granmoun<br />
Pou Sekretarya Ekzekitif<br />
Nasyonal Pati a<br />
Marc Athur Fils Aimé<br />
Liv yo pa trete non plis ni kesyon<br />
lang kreyòl la ni kesyon vodou an ki<br />
se de eleman fondamantal nan idantite<br />
nouvo abitan koloni Sendomeng<br />
yo. Genyen liv Karitas yo ki ekri nèt<br />
an kreyòl ; ou pa twouve yo nan lekòl<br />
ki pa lekòl Karitas. E se pa yon<br />
aza, si yon manyèl ki rele Syans Sosyal<br />
Ayiti Dantan, Ayiti Kounyeya, yon<br />
ekip elaboratè te pwodui pou IPN (11)<br />
an 1987 disparèt san kite tras. Malgre<br />
tou sa nou di la a, nou dwe admèt<br />
yon lè konsa ou ka jwenn yon manyèl<br />
ki eksprime yon lide kòrèk parapò ak<br />
kontèks eksplwatasyon ak opresyon ki<br />
egziste nan koloni a.<br />
Suite à la page (15)<br />
6 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
Perspectives<br />
Crise politique:<br />
Quand le peuple haitien prendra t-il son destin en main?<br />
Par Thomas Péralte<br />
La crise politique profonde qu’Haïti<br />
connait actuellement était prévisible<br />
depuis l’arrivée à la tête de l’Etat<br />
d’Haïti de cet imposteur, de ce fossoyeur<br />
de la République en la personne<br />
de Michel Joseph Martelly. Cette crise a<br />
atteint une dimension insupportable,<br />
intolérable depuis le refus systématique<br />
de l’occupant du Palais national<br />
d’organiser des élections, l’arrestation<br />
arbitraire et la détention illégale des<br />
militants politiques pour leur conviction<br />
politique, l’assassinat des opposants<br />
politiques, la persécution des dirigeants<br />
politiques, la violation systématique<br />
des droits civils et politiques des citoyens,<br />
la violation de la Constitution<br />
haïtienne de 1987, la vassalisation<br />
des institutions républicaines, autant<br />
de viols de la légalité qui soulèvent la<br />
colère populaire.<br />
Pour essayer de calmer cette<br />
colère populaire, l’occupant du Palais<br />
national sur l’injonction de ses patrons<br />
de l’international a mis sur pied une<br />
commission consultative présidentielle<br />
composée des ennemis traditionnels<br />
du peuple haïtiens et des corrompus<br />
de grand chemin tels : Me. Gérard<br />
Gourgue, Mgr. Patrick Aris, Evans<br />
Paul, Paul Loulou Chéry, Odette Roy<br />
Fonbrun, Réginald Boulos, Gabriel<br />
Fortuné, Rony Mondestin, Mgr Ogé<br />
Beauvoir, Charles Suffrard, Chavannes<br />
Jeune. Le peuple se souvient encore du<br />
boycottage de la célébration, le premier<br />
janvier 2004, du bicentenaire de l’indépendance<br />
de la première République<br />
des Nègres d’<strong>Haiti</strong> par ces personnages.<br />
Il garde encore à l’esprit les massacres<br />
du 29 novembre 1987, notamment à<br />
la Ruelle vaillant. Cette commission<br />
qui disposait de 8 jours pour produire<br />
son rapport visant à apporter une<br />
éventuelle solution à la crise politique<br />
a remis ledit rapport à Michel Martelly<br />
ce mardi 9 décembre <strong>2014</strong>, lors d’une<br />
cérémonie organisée au Palais national.<br />
Dans ce rapport, il est question<br />
du renvoi du Premier ministre, Laurent<br />
Salvador Lamothe, le limogeage de Me<br />
Anel Alexis Joseph à la tête de la Cour<br />
de Cassation et du Conseil Supérieur du<br />
Pouvoir Judiciaire (CSPJ), la démission<br />
des membres du Conseil Electoral Provisoire<br />
(CEP) et la libération de tous les<br />
prisonniers politiques. Dans la foulée,<br />
le commissionnaire Gabriel Fortuné a<br />
fait savoir qu’il ne va pas signer le rapport<br />
si tous les prisonniers politiques ne<br />
sont pas libérés immédiatement. Il avait<br />
fait une sortie fracassante le dimanche<br />
7 décembre dernier contre le coordonnateur<br />
de la commission bidon, selon<br />
plus d’un, Reginald Boulos. Ce dernier<br />
refusait que soit insérée dans les débats<br />
la question de reddition de comptes sur<br />
le Fonds National de l’Education (FNE)<br />
et le fonds Petro Caribe. A la surprise de<br />
plus d’un, on apprend néammoins que<br />
tous les commissionnaires ont paraphé<br />
le rapport lundi soir à l’hôtel Ritz Kinam,<br />
suite à une rencontre avec le président<br />
du Senat, Desras Simon Dieuseul<br />
et monsieur Michel Martelly. Cela démontre<br />
très clairement que ladite commission<br />
était constituée de magouilleurs<br />
professionnels qui cherchaient par<br />
tous les moyens et en toutes occasions<br />
de tirer profit de leur présence au sein<br />
de la Commission pour se constituer un<br />
capital politique au mépris des revendications<br />
populaires et au détriment de<br />
Le peuple haïtien rejette donc le rapport de ladite commission comme il a rejeté l’accord d’El Rancho<br />
l’intérêt supérieur de la Nation.<br />
En dépit de petites divergences<br />
entre deux commissionnaires pro-tètkale<br />
pour jeter de la poudre aux yeux<br />
de la population, ils se sont entendus<br />
pour renvoyer le Premier ministre Lamothe<br />
sans rien dire sur la véritable revendication<br />
du peuple haïtien qui n’est<br />
autre que le départ de Michel Joseph<br />
Martelly. Aucune solution à cette crise<br />
politique n’est possible sans le départ<br />
de Martelly, selon certains observateurs<br />
très avisés. Martelly est un cancer pour<br />
le peuple haïtien, déclarent les manifestants,<br />
il doit partir. Il n’a jamais bénéficié<br />
de légitimé populaire, puisqu’il n’a<br />
été imposé que par la Communauté<br />
internationale. Le peuple haïtien rejette<br />
donc le rapport de ladite commission<br />
comme il a rejeté l’accord d’El Rancho.<br />
C’est pourquoi le peuple haïtien<br />
doit renouveler sa détermination à lutter<br />
pour prendre son destin en main. Tous<br />
les Haïtiens conséquents, les fils de<br />
Dessalines, qui ne veulent pas qu’Haïti<br />
reste agenouillée devant les bottes des<br />
forces étrangères et prise en otage par<br />
un petit groupe de l’oligarchie traditionnelle,<br />
sont attendus dans les rues du<br />
pays, lors de la prochaine manifestation<br />
fixée pour le vendredi 12 décembre<br />
devant coïncider avec une éventuelle<br />
visite du Secrétaire d’Etat des Etats-<br />
Unis en Haïti. La rue va parler et dire<br />
NON à toute forme d’ingérence étrangère.<br />
La rue va demander à Pamela<br />
Ann Withe de respecter les dispositions<br />
de la Convention de Vienne sur les relations<br />
diplomatiques et consulaires. Un<br />
principe démocratique enseigne que<br />
lorsque les institutions échouent, le<br />
peuple doit prendre en main son destin.<br />
Il ne doit pas laisser les autres agir à<br />
sa place.<br />
C’est dans cet ordre d’idées que le<br />
peuple déterminé, on ne peut plus doit<br />
continuer à gagner les rues pour exiger<br />
le départ inconditionnel de Martelly<br />
et de Lamothe afin que des élections<br />
générales soient organisées en toute<br />
souveraineté.<br />
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Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
7
Perspectives<br />
La désignation de Michaëlle Jean à la<br />
tête de l’OIF et les attentes d’Haïti<br />
Par Jacques NESI<br />
Michaëlle Jean vient de réussir un<br />
excellent pari en passant de son<br />
statut de journaliste de télévision, d’ex<br />
gouverneur général du Canada, à celui<br />
de secrétaire général de l’Organisation<br />
internationale de la francophonie. C’est<br />
un beau parcours qui laisse plus d’un<br />
admiratif et songeur. Il est salué par<br />
la presse occidentale et haïtienne. Les<br />
deux traitements, différenciés, jouent<br />
sur les mots, choisis selon la face que<br />
l’on souhaite valoriser, déconstruire,<br />
sans se départir de l’intention voilée<br />
de la récupération. C’est d’abord « une<br />
victoire à l’arraché » pour le Canada qui<br />
a soutenu sa candidature dans toutes<br />
les capitales importantes de la francophonie.<br />
Au nom de son passé de Chef<br />
de l’Etat du Commonwealth, le premier<br />
ministre Canadien a battu la grosse<br />
caisse, aidé de la stratégie brouillonne<br />
des chefs d’Etat africains. La France de<br />
son côté y voit l’une de ses représentantes,<br />
française de surcroit, orpheline<br />
de son candidat Blaise Compaoré. Elle<br />
s’est ralliée au symbolisme et à une<br />
rupture, dans les pratiques à rechercher<br />
dans la francophonie un asile doré pour<br />
d’anciens chefs d’Etat aux mains entachées<br />
de sang, ayant un goût prononcé<br />
pour le vol des élections et le détournement<br />
de fonds publics.<br />
Derrière le choix de Michaëlle Jean,<br />
le président français François Hollande<br />
a réussi une révolution en douceur empreinte<br />
de réalisme et d’ouverture. Dans<br />
ce jeu souterrain où les intérêts sournois<br />
se cachent derrière la rhétorique<br />
diplomatique, les évocations à la patrie<br />
de Dessalines qui a viré de main d’un<br />
Chef, deux cent ans de cela, les français<br />
sur l’ile sont peu présentes dans les esprits.<br />
La « jacmélienne » pour peu qu’on<br />
s’en souvienne, n’est rappelée que par<br />
la presse haïtienne. On y découvre, à<br />
bien réfléchir, l’ambivalence de l’élite<br />
de la diaspora haïtienne, au service de<br />
toutes les bannières, sans qu’on y dessine<br />
une quelconque plaidoirie. La fierté<br />
haïtienne est incolore, inodore : passepartout,<br />
elle défendait la couronne britannique<br />
hier, aujourd’hui elle défend<br />
la France, d’autres ont vendu leur âme<br />
aux américains, aux forces onusiennes.<br />
Des fonctionnaires onusiens au service<br />
d’organisations des droits de l’homme,<br />
des organisations para-onusiennes,<br />
brillants, deviennent des pèlerins du<br />
développement, des faiseurs de paix,<br />
alors qu’Haïti se laisse conduire par un<br />
ignare avoué de la gestion politique.<br />
Une élite brillante à l’extérieur en état<br />
de formol à l’intérieur ! Une élite démissionnaire,<br />
réfugiée permanente dans les<br />
prix littéraires et les essais lumineux,<br />
mais qui abandonne son pays aux cancres,<br />
aux noceurs d’expédients, et aux<br />
marchands du crack ! De la désignation<br />
de Michaëlle Jean, elle attend un «<br />
phare d’espérances et de concorde, de<br />
solidarité et d’humanisme » comme l’a<br />
dit l’ancien président sénégalais Abdou<br />
Diouf, secrétaire général sortant<br />
au sommet de l’OIF. Plus qu’un phare,<br />
Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin,<br />
un cap.<br />
D’abord, Michaëlle Jean a été désignée<br />
par consensus. Ce qui annonce<br />
un style de commandement consensuel,<br />
et obère en même temps son mandat<br />
parce qu’elle doit composer avec des<br />
réseaux et des nombreuses structures<br />
animateurs de la francophonie. Ensuite,<br />
elle doit travailler davantage sa vision,<br />
son projet pour la francophonie qui<br />
devient aujourd’hui un espace diplomatique<br />
de pouvoirs, rivalisant avec la<br />
structure de l’Organisation des nations<br />
Unies. En effet, elle est composée de 80<br />
pays ou régions (57 membres et 23<br />
observateurs), convoitée par d’autres<br />
pays qui n’ont pas la langue française<br />
en commun (le Mexique, le Costa Rica,<br />
le Kosovo). Michaëlle Jean doit tenter<br />
de résoudre la quadrature du cercle en<br />
De la désignation de Michaëlle Jean, <strong>Haiti</strong> attend un « phare d’espérances<br />
et de concorde, de solidarité et d’humanisme » comme l’a dit l’ancien<br />
président sénégalais Abdou Diouf, secrétaire général sortant au sommet de<br />
l’OIF. Plus qu’un phare, Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin, un cap.<br />
rénovant ce cénacle de vieux crocodiles<br />
africains cooptés par la France qui investit<br />
les sommets de l’OIF comme de<br />
véritables espaces de recyclage pour des<br />
apprentis- démocrates maternés ,déçus<br />
par une politique de petits pas vers la<br />
démocratie. Enfin, elle doit être amenée<br />
à convaincre la France, notamment<br />
ses élites qui considèrent que la culture<br />
anglo-saxonne est déjà victorieuse, et<br />
quoiqu’elle fasse, l’espace francophone<br />
ne sera qu’un nain rabougri, recroquevillé<br />
autour de lui, répétant sans<br />
y croire la vulgate de l’économie de<br />
marché condamnant les plus pauvres,<br />
les plus fragiles à se soumettre aux effets<br />
désastreux de la globalisation des<br />
marchés , à la société de consommation<br />
des biens futiles. La France réduit de<br />
moitié ses crédits et s’oriente de façon<br />
résignée vers la définition d’une politique<br />
francophone aux ambitions tièdes<br />
et aux ectoplasmes émollients.<br />
La mission de Michaëlle Jean est<br />
d’accomplir trois missions : convaincre<br />
la France qu’investir dans la francophonie<br />
est un formidable retour de<br />
celle-ci dans l’imaginaire des peuples du<br />
Sud, à commencer par associer le développement<br />
de la langue aux échanges<br />
économiques. Les pratiques culturelles<br />
résultant de la langue ne sont pas<br />
antinomiques à la construction d’un<br />
vaste marché régional qui s’organisera<br />
autour des pôles de compétitivité des<br />
pays émergents de l’Afrique, et une<br />
compréhension des réseaux vétustes<br />
africains dépendants de l’extraversion,<br />
de la rente, de la politique du ventre .<br />
A ce point de vue, la pénétration d’une<br />
figure nord-américaine (le Canada la<br />
revendique), frottée à la culture anglosaxonne,<br />
exigeant moins de palabres<br />
que de résultats tangibles, peut être<br />
une source de remises en question<br />
pour le modèle africain. Haïti a besoin<br />
de l’Afrique, de ses exemples saints,<br />
de ses trajectoires aux résultats prometteurs<br />
pour recomposer son destin. Le<br />
modèle africain qui offre le spectacle<br />
de chefs d’Etat kleptocrates sourds à la<br />
distribution des revenus aux catégories<br />
les plus faibles, aux calamités, aux pandémies<br />
porteuses de repli sur soi et de<br />
décimation, doit être battu en brèche et<br />
contré par une Afrique conquérante. A<br />
ce niveau, la troisième mission de Michaëlle<br />
Jean est de concevoir la francophonie,<br />
en rupture avec l’afro-pessimisme<br />
occidental, mais plutôt comme<br />
un vaste marché d’échanges commerciaux,<br />
technologiques , culturels entre<br />
les Etats qui ont des revenus notables<br />
et d’autres qui trainent leurs pieds conduisant<br />
des stratégies de pérennisation<br />
du pouvoir en allumant des brasiers<br />
tribaux, et attendant des solutions messianiques<br />
de la France.<br />
Le mandat de Michaëlle Jean peut<br />
être un formidable élan à la poursuite<br />
du sommet de Cotonou de 1995 où<br />
Jacques Chirac insistait sur la promotion<br />
de l’entreprise privée et du partenariat<br />
d’entreprises et les actions favorisant<br />
la mobilisation de l’épargne. En effet,<br />
plus que jamais le mot de Nicéphore<br />
Dieudonné Soglo, en 1991, ancien<br />
président du Bénin, est d’actualité et<br />
Michaëlle Jean pourrait s’en inspirer :<br />
« Quant à l’Afrique francophone, elle<br />
n’aura de chance de se pérenniser que si<br />
cette Afrique au Sud du Sahara devient<br />
un partenaire économiquement fort.<br />
»La petite ONU francophone ne deviendra<br />
forte que si la pauvreté sera combattue<br />
avec la dernière énergie, la gouvernance<br />
sera débarrassée des complexes<br />
hérités de l’histoire, et les élites formées<br />
assumeront leurs responsabilités.<br />
Suite à la page (15)<br />
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Soutenance de thèse de Jacques<br />
Nesi pour l’obtention du grade<br />
de docteur en science politique<br />
Conduits sous la direction du professeur<br />
Justin DANIEL, professeur<br />
en science politique à l’université<br />
des Antilles – Guyane, les travaux<br />
de Jacques NESI seront présentés en<br />
public le samedi 13 Décembre prochain.<br />
Ils portent sur des thèmes<br />
majeurs dans l’histoire politique haïtienne<br />
des trente dernières années :la<br />
démocratisation, l’Etat, l’intervention<br />
de la communauté internationale,<br />
la reconstruction de l’Etat. Le titre<br />
de la recherche est : « HAITI A<br />
L’EPREUVE DE LA DEMOCRATISA-<br />
TION : FAIBLESSE, RECONSTRUC-<br />
TION ET REINVENTION DE L’ETAT<br />
(1986-2004).<br />
En voici le résumé :<br />
Qu’est ce qui explique la<br />
faiblesse d’un Etat qui s’est engagé<br />
depuis plus de vingt ans à rompre<br />
avec les pratiques de l’autoritarisme<br />
et du néo-patrimonialisme ? Pourquoi<br />
les promesses d’une démocratisation<br />
réussie, malgré le soutien massif des<br />
acteurs de la « société internationale »<br />
ont paradoxalement débouché sur la<br />
déstabilisation de l’Etat dans un contexte<br />
de crises récurrentes ? Ce sont<br />
les interrogations principales qui orientent<br />
cette recherche qui se donne<br />
pour ambition d’étudier les processus<br />
par lesquels les élites et les masses haïtiennes<br />
s’approprient la démocratie.<br />
De ce point de vue, la démocratisation<br />
s’analyse comme une ressource politique<br />
et institutionnelle revendiquée<br />
par ces dernières comme élément<br />
probant de leur adhésion à la grammaire<br />
démocratique. Dès lors, il s’agit<br />
de scruter les routes sinueuses et<br />
chaotiques empruntées par la démocratisation<br />
en Haïti, en interrogeant les<br />
diverses séquences marquantes de<br />
l’histoire politique haïtienne. L’accent<br />
est mis sur l’importation des technologies<br />
institutionnelles d’origine<br />
occidentale, notamment durant la<br />
période ouverte en 1994 avec la réinstallation<br />
de Jean-Bertrand Aristide<br />
dans ses fonctions de président et<br />
celle qui commence en 2004 avec<br />
son départ forcé du pouvoir. Ces deux<br />
séquences historiques, sous-tendues<br />
par des plans de reconstruction de<br />
l’Etat, sont marquées par la mobilisation<br />
de ressources diverses, en vue de<br />
jeter les bases d’une nouvelle gouvernance<br />
politique et économique. Elles<br />
circonscrivent également un champ<br />
de représentations conflictuelles, caractérisé<br />
par la compétition entre les<br />
Etats occidentaux et la lutte pour la<br />
répartition des enjeux de puissance<br />
entre les organisations internationales<br />
et les élites locales.<br />
L’analyse du processus de<br />
démocratisation conduit à des observations<br />
paradoxales : l’exacerbation<br />
de la violence, l’actualisation de<br />
l’autoritarisme, la multiplication des<br />
situations déviantes découlant des<br />
stratégies des acteurs locaux. Ces<br />
derniers tentent d’échapper aux contraintes<br />
imposées par des acteurs externes<br />
qui interviennent afin de sanctionner,<br />
d’arbitrer et d’imposer des<br />
décisions aux factions en luttes pour<br />
le pouvoir. Ainsi, la démocratisation<br />
passe par des crises d’adaptation, des<br />
phases contradictoires de recomposition,<br />
d’hybridation des institutions<br />
importées et parfois de contournement<br />
des normes et procédures. Entre les<br />
acteurs internes et externes s’établit<br />
et s’organise une dynamique interactive<br />
qui influence l’Etat dont la configuration<br />
finale est loin de correspondre<br />
aux objectifs affichés à travers les<br />
réformes engagées. Afin de mieux<br />
mettre en évidence les traits distinctifs<br />
de cet Etat forgé dans l’incertitude et<br />
l’imprécision, la thèse propose de restituer<br />
les dynamiques et l’historicité<br />
propres à la société haïtienne, en<br />
privilégiant l’hypothèse de la réinvention<br />
de l’Etat. Paradoxalement, l’État<br />
peut être le produit de processus de<br />
violence et la part chaotique que comporte<br />
la situation en Haïti peut recéler<br />
les prémices de sa construction.<br />
Le jury examinateur est<br />
ainsi composé :M. Christian<br />
GIRAULT,Directeur de recherche<br />
émérite en géographie , CREDA-CNRS<br />
, M.RAMOS Aaron G., professeur des<br />
sciences sociales de l’Université de<br />
Porto-Rico, M. Jean-Marie THEODAT,<br />
Maitre de Conférences de géographie<br />
du Campus Henri Christophe de Limonade<br />
Université d’Etat d’<strong>Haiti</strong>, et<br />
de M.WILLIAM Jean-Claude, professeur<br />
émérite de science politique de<br />
l’Université Antilles Guyane.<br />
Nous invitons tous ceux qui<br />
peuvent faire le déplacement à assister<br />
à la soutenance de cette thèse<br />
qui propose de nouvelles approches<br />
sur les questions liées à la captation<br />
du pouvoir , à sa distribution aux<br />
logiques multiples qui inspirent les<br />
stratégies des acteurs.<br />
Joel H. Poliard<br />
M.D., M.P.H.<br />
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8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
This Week in <strong>Haiti</strong><br />
As PM’s Removal is Proposed:<br />
Martelly’s Government Totters on Eve of Kerry Visit<br />
By Kim Ives<br />
<strong>Haiti</strong>’s political crisis deepened on<br />
Tue., Dec. 9 as an 11-member<br />
presidential “advisory commission”<br />
proposed that Prime Minister Laurent<br />
Lamothe step down, a recommendation<br />
which will swell the ranks<br />
of thousands of demonstrators nationwide<br />
calling for President Michel<br />
Martelly’s resignation. The capital’s<br />
next major demonstration, planned<br />
for Dec. 12 when U.S. Secretary of<br />
State John Kerry visits <strong>Haiti</strong>, is expected<br />
to be massive.<br />
The advisory commission’s <strong>10</strong>-<br />
page report also recommended the<br />
sacking of Martelly-pawn Anel Alexis<br />
Joseph, who heads the Supreme<br />
Court and the Superior Council of the<br />
Judiciary Power (CSPJ), the resignation<br />
of the Electoral Council, and the<br />
release of all political prisoners.<br />
“The country is facing an economic<br />
and structural crisis,” says the<br />
report, according to the Miami Herald.<br />
“To avoid a worsening of the<br />
Le Nouvelliste<br />
U.S. Ambassador to <strong>Haiti</strong> Pamela<br />
White said that President Martelly<br />
“must stay” but said that PM<br />
Lamothe’s departure was “not a<br />
U.S. decision.”<br />
current situation, ‘the most credible<br />
solution to the crisis’ should allow a<br />
return, in a reasonable time, to constitutional<br />
normalcy and well-functioning<br />
institutions.”<br />
“This is a rescue operation by<br />
the international community aimed<br />
at saving the mandate of President<br />
Martelly while Martelly is primarily<br />
responsible for the crisis,” said outspoken<br />
lawyer Andre Michel, a leader<br />
of the Patriotic Movement of the<br />
Democratic Opposition (MOPOD),<br />
the Miami Herald reported.<br />
In its eight days of existence,<br />
the advisory commission had some<br />
clashes. On Sun., Dec. 7, former Sen.<br />
Gabriel Fortuné, who was expelled<br />
from the anti-Martelly Dessalines<br />
Children platform for taking part in<br />
the commission, made headlines<br />
when he said that commission coordinator<br />
Reginald Boulos refused<br />
to allow investigation into the unaccounted<br />
funds of the National Education<br />
Fund (opaquely filled with and<br />
emptied of millions of dollars in illegal<br />
taxes of $1.50 on every international<br />
money transfer and 5 cents<br />
on every minute of <strong>Haiti</strong>’s overseas<br />
phone calls over the past three years)<br />
and the PetroCaribe account (which<br />
holds about 40% of the revenues<br />
from <strong>Haiti</strong>’s Venezuelan oil sales).<br />
Fortuné also said he would not sign<br />
the report unless all <strong>10</strong> prominent<br />
political prisoners were immediately<br />
released.<br />
To the surprise of many, all the<br />
commissioners signed the report on<br />
the evening of Mon., Dec. 8 at the<br />
Ritz Kinam Hotel in Pétionville following<br />
a meeting with Senate President<br />
Simon Desras Dieuseul and<br />
President Martelly. The commission<br />
then handed the report to Martelly in<br />
an official ceremony at the National<br />
Palace on Dec. 9.<br />
In the run-up to Kerry’s muchawaited<br />
visit, U.S. Ambassador to<br />
<strong>Haiti</strong> Pamela White reiterated Washington’s<br />
support for Martelly. “We<br />
believe he was elected for a certain<br />
period of time,” she told Le Nouvelliste<br />
in an interview. “He must stay<br />
until his mandate ends” on May 14,<br />
2016.<br />
But the tens of thousands expected<br />
to march on Dec. 12 disagree<br />
and are calling for Martelly’s immediate<br />
resignation, as they have in many<br />
demonstrations, each larger than the<br />
last, over the past two months.<br />
Asked by Le Nouvelliste about<br />
Lamothe, White responded that “it is<br />
not at all the decision of the United<br />
States if the Prime Minister stays or<br />
goes.” But she added that she felt he<br />
“has done many good things for the<br />
country.”<br />
Lamothe is expected to run for<br />
President of <strong>Haiti</strong> at the end of 2015.<br />
On Dec. 5 and 6, Port-au-<br />
Prince saw giant marches calling for<br />
both Martelly and Lamothe to step<br />
down. Demonstrators hurled epithets<br />
RINCHER<br />
Daniel Tercier/Haïti Liberté<br />
Tens of thousands marched through Port-au-Prince again on Dec. 6 to demand Martelly’s resignation, the sixth<br />
huge demonstration in the capital in three weeks.<br />
in front of the French and Canadian<br />
embassies, as they had on Nov. 29 in<br />
front of the U.S.’s, and held up pictures<br />
of Russian President Vladimir<br />
Putin as a way to express their rejection<br />
of U.S. and French imperialist<br />
meddling in <strong>Haiti</strong>.<br />
On Dec. 6, thousands also<br />
marched for Martelly’s resignation<br />
in Cap Haïtien, <strong>Haiti</strong>’s second largest<br />
city, and in the southern city of Aux<br />
Cayes, where protestors were also<br />
marking the 85 th anniversary of the<br />
1929 massacre by U.S. Marines of a<br />
dozen demonstrating <strong>Haiti</strong>an peasants<br />
in Marche-à-Terre during the<br />
first U.S. military occupation of <strong>Haiti</strong><br />
(1915-1924).<br />
From Dec. 3-5, 11 of <strong>Haiti</strong>’s remaining<br />
20 senators, most of them<br />
pro-Martelly, held a desperate conclave<br />
at the fancy Club Indigo resort<br />
in Montrouis near St. Marc to “find<br />
a way to save state institutions” and<br />
to “avoid disruption, dislocation, and<br />
chaos.” Their final pathetic resolution<br />
called on President Martelly to<br />
“urgently convoke all the major powers<br />
of the State to take all necessary<br />
measures to safeguard the Nation-<br />
State of <strong>Haiti</strong>,” and all that before<br />
Christmas. Needless to say, the six<br />
senators who have opposed Martelly’s<br />
efforts to ram through a rigged<br />
electoral law and electoral council did<br />
not sign the final document.<br />
Martelly plans to begin ruling<br />
by decree on Jan. 12, 2015 if no<br />
agreement is reached and Parliament<br />
is allowed to expire. But demonstrators<br />
want Martelly to step down and<br />
to have a provisional government set<br />
up a new electoral council that will<br />
hold elections now delayed for over<br />
three years. It is a high-stakes game<br />
of chicken into the middle of which<br />
Kerry will be stepping.<br />
“We are definitely witnessing<br />
the final days of the regime,” said<br />
Sen. Moïse Jean-Charles, who has<br />
been at the forefront of the anti-<br />
Martelly protests. “We do not expect<br />
to celebrate <strong>Haiti</strong>’s independence on<br />
New Years 2015 with Martelly still in<br />
power. We are not going to negotiate<br />
now with Martelly. We simply want<br />
Martelly and Lamothe to go.”<br />
The cholera epidemic in <strong>Haiti</strong> has devastated the country for over four years.<br />
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call upon the United Nations to adequately address the<br />
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Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
9
DISCOURS DE VLADIMIR POUTINE DEVAN<br />
Chers membres du Conseil de la Fédération,<br />
Députés de la Douma,<br />
Citoyens de Russie !<br />
Le discours d’aujourd’hui sera<br />
consacré, bien entendu, à la situation<br />
et aux conditions actuelles du<br />
monde dans lequel nous vivons,<br />
ainsi qu’aux défis auxquels nous<br />
sommes confrontés. Mais je tiens<br />
tout d’abord à vous remercier tous<br />
pour le soutien, l’unité et la solidarité<br />
dont vous avez fait preuve<br />
au cours des récents événements<br />
historiques et cruciaux qui vont<br />
sérieusement influencer l’avenir de<br />
notre pays.<br />
Cette année, nous avons été<br />
confrontés à des épreuves auxquelles<br />
seule une nation unie et<br />
mature et un Etat véritablement<br />
souverain et fort peuvent résister.<br />
La Russie a prouvé qu’elle peut<br />
protéger ses compatriotes et défendre<br />
l’honneur, la vérité et la justice.<br />
La Russie a pu accomplir<br />
cela, grâce à vous, les citoyens<br />
de la Russie [Applaudissements],<br />
grâce à votre travail et aux résultats<br />
que nous avons obtenus ensemble,<br />
et grâce à notre profonde<br />
compréhension de l’essence et de<br />
l’importance des intérêts nationaux.<br />
Nous avons pris conscience<br />
de l’indivisibilité et de l’intégrité<br />
de la longue histoire millénaire de<br />
notre patrie. Nous sommes venus<br />
à croire en nous-mêmes, à croire<br />
que nous pouvions faire beaucoup<br />
de choses et atteindre tous nos objectifs.<br />
Aujourd’hui, nous ne pouvons<br />
bien évidemment pas ne pas<br />
évoquer les événements historiques<br />
qui ont eu lieu cette année. Comme<br />
vous le savez, un référendum a été<br />
organisé en Crimée en mars, dans<br />
lequel les habitants de la péninsule<br />
ont clairement exprimé leur désir<br />
de rejoindre la Russie. Après cela,<br />
le Parlement de Crimée – il convient<br />
de souligner que c’était un<br />
parlement tout à fait légitime, qui<br />
avait été élu en 20<strong>10</strong> – a adopté<br />
une résolution d’indépendance.<br />
Et enfin, nous avons assisté à<br />
la réunification historique de la<br />
Crimée et de Sébastopol avec la<br />
Russie. [Applaudissements]<br />
Ce fut un événement d’une<br />
importance particulière pour notre<br />
pays et notre peuple, parce que la<br />
Crimée est une terre où vivent nos<br />
compatriotes, et que son territoire<br />
est d’une importance stratégique<br />
pour la Russie, car c’est là que se<br />
trouvent les racines spirituelles de<br />
la Nation russe, diverse mais solidement<br />
unie, et de l’Etat russe<br />
centralisé. C’est en Crimée, dans<br />
l’ancienne ville de Chersonèse ou<br />
Korsun, comme les anciens chroniqueurs<br />
russes appelaient, que le<br />
Grand Prince Vladimir a été baptisé<br />
avant d’apporter le christianisme<br />
aux Rus.<br />
En plus de la similitude ethnique,<br />
de la langue commune, des<br />
éléments communs de leur culture<br />
matérielle, d’un territoire commun<br />
– même si ses frontières n’étaient<br />
pas tracées et stables –, d’échanges<br />
économiques émergents et d’un<br />
gouvernement naissant, le christianisme<br />
fut une puissante force<br />
unificatrice spirituelle qui a contribué<br />
à impliquer dans la création<br />
de la Nation russe et de l’Etat russe<br />
les diverses tribus et alliances tribales<br />
du vaste monde slave oriental.<br />
C’est grâce à cette unité spirituelle<br />
que nos ancêtres, pour la première<br />
fois et pour toujours, se considérèrent<br />
comme une nation unie.<br />
[Applaudissements] Tout cela nous<br />
amène à affirmer que la Crimée,<br />
l’ancienne Korsun ou Chersonèse,<br />
et Sébastopol, ont une importance<br />
civilisationnelle et même sacrée inestimable<br />
pour la Russie, comme le<br />
Mont du Temple à Jérusalem pour<br />
les adeptes de l’Islam et du Judaïsme.<br />
Et c’est ainsi que nous les<br />
considèrerons toujours. [Applaudissements]<br />
Chers amis,<br />
Aujourd’hui, il est impossible<br />
de ne pas revenir sur notre point de<br />
vue au sujet des développements<br />
en Ukraine et de la façon dont nous<br />
avons l’intention de travailler avec<br />
nos partenaires à travers le monde.<br />
Il est bien connu que la Russie a<br />
non seulement soutenu l’Ukraine<br />
et d’autres républiques frères de<br />
l’ancienne Union soviétique dans<br />
leurs aspirations à la souveraineté,<br />
mais qu’elle a aussi grandement<br />
facilité ce processus dans les années<br />
1990. Depuis lors, notre position<br />
n’a pas changé.<br />
Chaque nation a le droit souverain<br />
et inaliénable de déterminer<br />
sa propre voie de développement,<br />
de choisir ses alliés, son régime<br />
politique et la forme d’organisation<br />
de sa société, de créer une économie<br />
et d’assurer sa sécurité. La Russie<br />
a toujours respecté ces droits et les<br />
respectera toujours. Ils s’appliquent<br />
pleinement à l’Ukraine et au peuple<br />
ukrainien frère. Il est vrai que nous<br />
avons condamné le coup d’Etat et<br />
la prise violente du pouvoir à Kiev<br />
Le président Russe Vladimir Poutine s’adressant aux citoyens de son pays<br />
en février dernier. Les développements<br />
auxquels nous assistons<br />
actuellement en Ukraine et la tragédie<br />
qui se déroule dans le sud-est<br />
du pays confirment pleinement la<br />
justesse de notre position.<br />
Comment tout cela a-t-il commencé<br />
? Je vais devoir vous rappeler<br />
ce qui s’est alors passé. Il est<br />
difficile de croire que tout a commencé<br />
avec la décision technique<br />
par le Président Ianoukovitch de<br />
reporter la signature de l’accord<br />
d’association entre l’Ukraine et<br />
l’Union européenne. Ne vous méprenez<br />
pas sur ce point, il n’a pas<br />
refusé de signer le document ; mais<br />
il a seulement reporté la finalisation<br />
de cet accord en vue d’y faire<br />
quelques ajustements. Comme<br />
vous le savez, cette décision a été<br />
prise en pleine conformité avec le<br />
mandat constitutionnel d’un chef<br />
d’Etat tout à fait légitime et internationalement<br />
reconnu.<br />
Dans un tel contexte, il n’était<br />
pas question pour nous de soutenir<br />
le coup de force, la violence et les<br />
meurtres. Il suffit de considérer les<br />
événements sanglants à Odessa,<br />
où des gens ont été brûlés vifs.<br />
Comment les tentatives ultérieures<br />
de répression des populations du<br />
sud de l’Ukraine, qui s’opposent<br />
à ce carnage, pourraient-elles être<br />
soutenues ? Je répète qu’il nous<br />
était absolument impossible de<br />
cautionner ces développements.<br />
Qui plus est, ils ont été suivis par<br />
des déclarations hypocrites sur la<br />
protection du droit international<br />
et des droits humains. C’est du<br />
cynisme à l’état pur. Je crois fermement<br />
que le temps viendra où<br />
le peuple ukrainien fera une juste<br />
évaluation de ces événements.<br />
Comment le dialogue sur cette<br />
question a-t-il commencé entre la<br />
Hommage à l’Armée rouge et à sa victoire sur les nazis en novembre 1941-Février 1942.<br />
Russie et ses partenaires américains<br />
et européens ? Je mentionne<br />
nos amis américains à dessein, car<br />
ils influencent continuellement les<br />
relations de la Russie avec ses voisins,<br />
ouvertement ou en coulisses.<br />
Parfois, nous ne savons pas même<br />
avec qui parler : avec les gouvernements<br />
de certains pays ou directement<br />
avec leurs mécènes et<br />
sponsors américains ?<br />
Comme je l’ai mentionné,<br />
dans le cas de l’accord d’association<br />
UE-Ukraine, il n’y eut absolument<br />
pas de dialogue. On nous a dit que<br />
ce n’était pas notre affaire, ou,<br />
pour le dire simplement, on nous a<br />
dit « où » aller.<br />
Tous les arguments rappelant<br />
que la Russie et l’Ukraine sont<br />
des membres de la zone de libreéchange<br />
de la CEI, que nous avons<br />
historiquement établi une coopération<br />
profonde dans l’industrie et<br />
l’agriculture, et que nous partageons<br />
essentiellement la même infrastructure<br />
– personne ne voulait<br />
entendre ces arguments, et encore<br />
moins en tenir compte.<br />
Notre réponse a été de dire<br />
: très bien, si vous ne voulez pas<br />
avoir de dialogue avec nous, nous<br />
allons devoir protéger nos intérêts<br />
légitimes unilatéralement et nous<br />
ne paierons pas pour ce que nous<br />
considérons comme une politique<br />
erronée.<br />
Quel a donc été le résultat de<br />
tout cela ? L’accord entre l’Ukraine<br />
et l’Union européenne a été signé<br />
et ratifié ; mais la mise en œuvre<br />
des dispositions concernant le<br />
commerce et l’économie a été reportée<br />
jusqu’à la fin de l’année<br />
prochaine. Cela ne prouve-t-il pas<br />
que c’est nous qui avions raison ?<br />
Il faut aussi poser la question des<br />
raisons pour lesquelles tout cela<br />
a été fait en Ukraine. Quel était le<br />
but du coup d’Etat contre le gouvernement<br />
? Pourquoi tirer et continuer<br />
à tirer et à tuer des gens ?<br />
De fait, l’économie, la finance et le<br />
secteur social ont été détruits et le<br />
pays a été ravagé et ruiné. Ce dont<br />
l’Ukraine a besoin actuellement est<br />
d’une aide économique pour mener<br />
des réformes, pas de politique de<br />
bas étage et de promesses pompeuses,<br />
mais vides. Toutefois, nos<br />
collègues occidentaux ne semblent<br />
pas désireux de fournir une telle<br />
assistance ; tandis que les autorités<br />
de Kiev ne sont pas prêtes à résoudre<br />
les problèmes de leurs citoyens.<br />
A ce propos, la Russie a déjà<br />
apporté une contribution énorme<br />
en aide à l’Ukraine. Permettez-moi<br />
de rappeler que les banques russes<br />
ont déjà investi 25 milliards de dollars<br />
en Ukraine. L’année dernière,<br />
le ministère russe des Finances a<br />
accordé un prêt de 3 milliards de<br />
dollars. Gazprom a encore fourni<br />
5,5 milliards de dollars à l’Ukraine<br />
et a même offert un rabais qui<br />
n’était pas prévu, en exigeant du<br />
pays qu’il ne rembourse que 4,5<br />
milliards. Additionnez le tout et<br />
vous obtenez de 32,5 à 33,5 milliards<br />
de dollars récemment fournis.<br />
Bien sûr, nous avons le<br />
droit de poser des questions. Pour<br />
quelles raisons cette tragédie a-telle<br />
été menée en Ukraine ? N’étaitil<br />
pas possible de régler toutes les<br />
questions, même les questions litigieuses,<br />
par le dialogue, dans un<br />
cadre légal et légitime ? Mais maintenant,<br />
on nous dit qu’il s’agissait<br />
de mesures politiques équilibrées<br />
et compétentes auxquelles nous<br />
devrions nous soumettre sans discussion<br />
et les yeux bandés. Cela<br />
n’arrivera jamais. [Applaudissements]<br />
Si pour certains pays européens,<br />
la fierté nationale est un<br />
concept oublié depuis longtemps<br />
et que la souveraineté est trop de<br />
luxe, pour la Russie, une véritable<br />
souveraineté est absolument<br />
nécessaire pour la survie.<br />
Principalement, nous devrions<br />
prendre conscience de cela en<br />
tant que Nation. Je tiens à souligner<br />
ceci : soit nous restons une<br />
Nation souveraine, soit nous nous<br />
dissolvons sans laisser de trace et<br />
perdons notre identité. Bien sûr,<br />
d’autres pays doivent comprendre<br />
cela aussi. Tous les acteurs de<br />
la vie internationale doivent être<br />
conscients de cela. Et ils devraient<br />
utiliser cette compréhension pour<br />
renforcer le rôle et l’importance<br />
du droit international, dont nous<br />
avons tellement parlé ces derniers<br />
temps, plutôt que d’en plier<br />
les normes en fonction d’intérêts<br />
<strong>10</strong> <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
T L’ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE RUSSIE !<br />
stratégiques tiers, contraires aux<br />
principes fondamentaux du droit<br />
et au bon sens, considérant tout le<br />
monde comme des gens peu instruits<br />
qui ne savent ni lire ni écrire.<br />
Il est impératif de respecter les<br />
intérêts légitimes de tous les participants<br />
au dialogue international.<br />
Alors seulement, non pas avec des<br />
mitraillettes, des missiles ou des<br />
avions de combat ; mais précisément<br />
avec la primauté du droit,<br />
pourrons-nous efficacement protéger<br />
le monde d’un conflit sanglant.<br />
Alors seulement, il n’y aura pas<br />
besoin d’essayer d’effrayer quiconque<br />
avec la menace d’un isolement<br />
imaginaire et trompeur, ou de<br />
sanctions qui sont, bien sûr, dommageables,<br />
mais dommageables<br />
pour tout le monde, y compris ceux<br />
qui les initient.<br />
En parlant des sanctions,<br />
elles ne sont pas seulement une<br />
réaction impulsive de la part des<br />
États-Unis ou de leurs alliés à notre<br />
position concernant le coup d’Etat<br />
ou les événements en Ukraine, ou<br />
même au soi-disant « printemps de<br />
Crimée ». Je suis sûr que si ces événements<br />
ne s’étaient pas produits<br />
– je tiens à le souligner, chers collègues,<br />
spécialement pour vous,<br />
politiciens, présents dans cet auditorium<br />
–, même si rien de tout cela<br />
ne s’était passé, ils auraient trouvé<br />
une autre excuse pour tenter<br />
d’endiguer les capacités croissantes<br />
de la Russie, de nuire à notre pays<br />
d’une quelconque manière, ou d’en<br />
tirer quelque avantage ou profit.<br />
La politique d’endiguement<br />
n’a pas été inventée hier. Elle a été<br />
menée contre notre pays depuis<br />
de nombreuses années, toujours,<br />
depuis des décennies, sinon des<br />
siècles. En bref, chaque fois que<br />
quelqu’un pense que la Russie est<br />
devenue trop forte ou indépendante,<br />
ces mesures sont immédiatement<br />
déployées contre elle.<br />
Cependant, parler à la Russie<br />
d’une position de force est un exercice<br />
futile, même quand elle est<br />
confrontée à des difficultés internes,<br />
comme ce fut le cas dans<br />
les années 1990 et au début des<br />
années 2000.<br />
Nous nous souvenons bien<br />
de l’identité et des procédés de<br />
ceux qui, presque ouvertement,<br />
ont à l’époque soutenu le séparatisme<br />
et même le terrorisme pur et<br />
simple en Russie, et ont désigné<br />
des meurtriers, dont les mains<br />
étaient tachées de sang, comme<br />
des « rebelles », et ont organisé<br />
des réceptions de haut niveau pour<br />
eux. Ces « rebelles » se sont encore<br />
manifestés en Tchétchénie. Je<br />
suis sûr que les gens sur place, les<br />
forces de l’ordre locales, s’en occuperont<br />
de la manière appropriée.<br />
Ils œuvrent en ce moment même à<br />
stopper un autre raid de terroristes<br />
et à les éliminer. Donnons-leur<br />
tout notre soutien. [Applaudissements]<br />
Permettez-moi de le répéter,<br />
nous nous souvenons des réceptions<br />
de haut niveau organisées<br />
pour des terroristes présentés comme<br />
des combattants pour la liberté<br />
et la démocratie. Nous avons alors<br />
réalisé que plus nous cédions du<br />
terrain, plus nos adversaires devenaient<br />
impudents et leur comportement<br />
se faisait de plus en plus cynique<br />
et agressif.<br />
Malgré notre ouverture sans<br />
précédent alors, et notre volonté de<br />
coopérer sur tous les points, même<br />
sur les questions les plus sensibles,<br />
malgré le fait que nous considérions<br />
– et vous êtes tous conscients<br />
de cela, vous en avez tous le souvenir<br />
– nos anciens adversaires<br />
comme des amis proches et même<br />
des alliés, le soutien occidental au<br />
Une habitante de Stravropol, dans le sud-est de la Russie, regarde le président russe Vladimir Poutine<br />
prononcer son discours annuel devant l'Assemblée ...<br />
séparatisme en Russie, incluant un<br />
soutien informationnel, politique<br />
et financier, en plus du soutien des<br />
services spéciaux, était absolument<br />
évident et ne laissait aucun doute<br />
sur le fait qu’ils seraient heureux<br />
de laisser la Russie suivre le scénario<br />
yougoslave de désintégration<br />
et de démantèlement, avec toutes<br />
les retombées tragiques que cela<br />
entraînerait pour le peuple russe.<br />
Cela n’a pas fonctionné. Nous<br />
n’avons pas permis que cela se<br />
produise. [Applaudissements]<br />
Tout comme cela n’a pas<br />
fonctionné pour Hitler avec ses<br />
idées de haine des peuples, qui a<br />
entrepris de détruire la Russie et de<br />
nous repousser au-delà de l’Oural.<br />
Tout le monde devrait se rappeler<br />
comment cela a fini. [Applaudissements]<br />
L’année prochaine, nous<br />
allons marquer le 70e anniversaire<br />
de la Victoire dans la Grande<br />
Guerre patriotique. Notre armée a<br />
écrasé l’ennemi et a libéré l’Europe.<br />
Cependant, nous ne devons pas<br />
oublier les défaites amères en 1941<br />
et 1942 afin de ne pas répéter les<br />
erreurs à l’avenir.<br />
Dans ce contexte, je vais<br />
aborder une question de sécurité<br />
internationale. Il y a beaucoup de<br />
questions liées à ce sujet. Elles incluent<br />
notamment la lutte contre le<br />
terrorisme. Nous assistons encore<br />
à ses manifestations, et bien sûr,<br />
nous participerons aux efforts conjoints<br />
pour lutter contre le terrorisme<br />
sur le plan international. Bien<br />
sûr, nous allons travailler ensemble<br />
pour faire face à d’autres défis, tels<br />
que la propagation des maladies<br />
infectieuses.<br />
Cependant, à ce propos,<br />
j’aimerais parler de la question<br />
la plus grave et la plus sensible :<br />
Une vue de l’Assemblée Fédérale de Russie<br />
la sécurité internationale. Depuis<br />
2002, après que les États-Unis se<br />
soient unilatéralement retirés du<br />
Traité ABM, qui était une pierre<br />
angulaire absolue de la sécurité<br />
internationale, un équilibre stratégique<br />
des forces et de la stabilité,<br />
les États-Unis ont travaillé sans<br />
relâche à la création d’un système<br />
planétaire de défense antimissile, y<br />
compris en Europe. Ceci constitue<br />
une menace non seulement pour la<br />
sécurité de la Russie, mais pour le<br />
monde dans son ensemble – précisément<br />
en raison de la perturbation<br />
possible de l’équilibre stratégique<br />
des forces.<br />
Je considère que ce projet est<br />
également mauvais pour les Etats-<br />
Unis, car il crée une dangereuse illusion<br />
d’invulnérabilité. Il renforce<br />
la tension vers des décisions qui<br />
sont souvent, comme nous pouvons<br />
le constater, irréfléchies et<br />
unilatérales, et amènent des risques<br />
supplémentaires.<br />
Nous avons beaucoup<br />
parlé de cela. Je ne vais pas entrer<br />
dans les détails maintenant. Je dirai<br />
seulement ceci – peut-être que<br />
je me répète : nous n’avons nullement<br />
l’intention de nous engager<br />
dans une course aux armements<br />
coûteuse ; mais en même temps,<br />
nous allons garantir de manière fiable<br />
et efficace la défense de notre<br />
pays dans ces nouvelles conditions.[Applaudissements]<br />
Il n’y a<br />
absolument aucun doute à ce sujet.<br />
Cela sera fait. La Russie a à la fois<br />
la capacité et les solutions innovantes<br />
pour cela.<br />
Personne ne pourra jamais<br />
parvenir à une supériorité militaire<br />
sur la Russie. Nous avons une armée<br />
moderne et prête au combat.<br />
Comme on dit actuellement, une<br />
armée courtoise, mais redoutable.<br />
Nous avons la force, la volonté et<br />
le courage de protéger notre liberté.<br />
[Applaudissements]<br />
Nous allons protéger la diversité<br />
du monde. Nous dirons la<br />
vérité aux peuples à l’étranger, de<br />
sorte que tout le monde puisse voir<br />
l’image réelle et non déformée et<br />
fausse de la Russie. Nous allons<br />
promouvoir activement les affaires<br />
et les échanges humanitaires, ainsi<br />
que les relations scientifiques, éducatives<br />
et culturelles. Nous le<br />
ferons même si certains gouvernements<br />
tentent de créer un nouveau<br />
rideau de fer autour de la Russie.<br />
Nous n’entrerons jamais dans<br />
la voie de l’auto-isolement, de la<br />
xénophobie, de la suspicion et de<br />
la recherche d’ennemis. Ce sont là<br />
des manifestations de faiblesse, alors<br />
que nous sommes forts et confiants.<br />
Notre objectif est d’avoir autant<br />
de partenaires égaux que possible,<br />
à la fois à l’Ouest et à l’Est.<br />
Nous allons étendre notre présence<br />
dans ces régions où l’intégration<br />
est à la hausse, où la politique n’est<br />
pas mélangée avec l’économie,<br />
et où les obstacles au commerce,<br />
aux échanges de technologies et<br />
d’investissements et à la libre circulation<br />
des personnes sont levés.<br />
En aucun cas, nous n’allons<br />
limiter nos relations avec l’Europe<br />
ou l’Amérique. Dans le même<br />
temps, nous allons restaurer et<br />
étendre nos liens traditionnels avec<br />
l’Amérique du Sud. Nous allons<br />
poursuivre notre coopération avec<br />
l’Afrique et le Moyen-Orient. Nous<br />
voyons à quelle vitesse l’Asie-<br />
Pacifique s’est développée au cours<br />
des dernières décennies. En tant<br />
que puissance du Pacifique, la<br />
Russie tirera pleinement parti de ce<br />
potentiel énorme.<br />
Tout le monde connaît les dirigeants<br />
et les « locomotives » du<br />
développement économique mondial.<br />
Beaucoup d’entre eux sont<br />
nos amis sincères et des partenaires<br />
stratégiques.<br />
L’Union économique eurasienne<br />
va commencer à être pleinement<br />
opérationnelle le 1er Janvier<br />
2015. J’aimerais vous rappeler<br />
ses principes fondamentaux. Les<br />
principes majeurs sont l’égalité,<br />
le pragmatisme et le respect mutuel,<br />
ainsi que la préservation de<br />
l’identité nationale et de la souveraineté<br />
de l’Etat de tous les pays<br />
membres. Je suis convaincu qu’une<br />
coopération étroite sera une puissante<br />
source de développement<br />
pour tous les membres de l’Union<br />
économique eurasienne.<br />
Pour conclure cette partie de<br />
mon discours, j’aimerais dire encore<br />
une fois que nos priorités sont<br />
d’avoir des familles saines et une<br />
nation saine ; ce sont les valeurs<br />
traditionnelles que nous avons<br />
héritées de nos ancêtres, combinées<br />
avec un accent sur l’avenir,<br />
la stabilité comme une condition<br />
essentielle du développement et du<br />
progrès, le respect des autres nations<br />
et États, et la sécurité garantie<br />
de la Russie et la protection de<br />
ses intérêts légitimes. Telles sont<br />
nos priorités. [Applaudissements]<br />
[…]<br />
Chers amis, Chers concitoyens<br />
de Russie,<br />
Je vais conclure mon adresse<br />
par où je l’ai commencée. Cette année,<br />
comme cela a été le cas à plusieurs<br />
reprises lors des moments<br />
cruciaux de l’histoire, notre peuple<br />
a clairement démontré la vitalité de<br />
son enthousiasme national, de sa<br />
résistance et de son patriotisme.<br />
Les difficultés auxquelles nous<br />
sommes confrontés aujourd’hui<br />
créent également de nouvelles opportunités<br />
pour nous. Nous sommes<br />
prêts à relever tous les défis<br />
avec succès.<br />
Je vous remercie. [Applaudissements]<br />
Kremlin, Moscou,<br />
4 décembre <strong>2014</strong><br />
LGS 6 décembre <strong>2014</strong><br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
11
Perspectives<br />
Entretien avec Edward Snowden<br />
(1ère partie)<br />
Par Katrina Vanden Heuvel et Stephen F. Cohen<br />
« Les révélations sur la surveillance de<br />
masse ont indiqué que nos droits sont<br />
en train d’être redéfinis en secret »<br />
Le 28 octobre <strong>2014</strong>, l’hebdomadaire<br />
américain The Nation a publié un<br />
grand entretien réalisé avec le lanceur<br />
d’alerte Edward Snowden [1]. Mémoire<br />
des luttes propose une version<br />
exclusive de ce document en français.<br />
Notre rédaction a enrichi le texte, qui<br />
est ici présenté dans sa quasi-intégralité,<br />
de plusieurs notes.<br />
Lundi 6 octobre <strong>2014</strong>, les journalistes<br />
Katrina vanden Heuvel et Stephen F.<br />
Cohen se sont entretenus à Moscou,<br />
pendant près de quatre heures, avec<br />
l’ancien consultant des services secrets.<br />
Dans cet échange, Edward<br />
Snowden évoque sa situation et ses<br />
rapports avec les autorités russes. Il<br />
rappelle que ce sont les Etats-Unis<br />
qui l’empêchent de sortir de son «<br />
exil ». L’ancien employé de la CIA et<br />
de la NSA (Agence nationale de sécurité)<br />
aborde plusieurs sujets centraux :<br />
est-il possible de renforcer le contrôle<br />
démocratique des actions des gouvernements<br />
et des entreprises sur Internet<br />
? Si oui, de quelle manière ? Pourquoi<br />
est-il nécessaire de s’engager pour de<br />
nouvelles formes de « désobéissance<br />
civile » et de se battre pour défendre<br />
nos droits fondamentaux ? Faut-il saluer<br />
les initiatives des pays qui prônent<br />
le renforcement de leur souveraineté<br />
digitale ? De quelle manière Internet<br />
recompose-t-il les relations sociales<br />
et les pratiques politiques au niveau<br />
planétaire ? Pourquoi faut-il élaborer<br />
une Magna Carta (Grande Charte des<br />
libertés) pour Internet ? Quels seraient<br />
les contours de nos nouveaux « droits<br />
numériques » ?<br />
Enfin, Edward Snowden expose pourquoi,<br />
selon lui, l’organisation de la<br />
production mondiale et la robotisation<br />
progressive des économies imposent<br />
la mise en place d’un revenu garanti<br />
pour tous.<br />
1ère partie : De la nécessaire<br />
désobéissance civile<br />
The Nation : Nous sommes très heureux<br />
d’être ici avec vous. Nous venons<br />
souvent à Moscou pour notre travail<br />
et pour voir de vieux amis ; mais, de<br />
votre côté, vous n’avez pas choisi de<br />
venir vivre en Russie. Arrivez-vous à<br />
travailler ici, à sortir et à rencontrer des<br />
gens ? Ou vous sentez-vous enfermé et<br />
vous ennuyez-vous ?<br />
Edward Snowden (ES) : Je suis<br />
plutôt casanier, parce que je suis accro<br />
à l’ordinateur et je l’ai toujours été. Je<br />
ne sors pas ou je ne joue pas au football<br />
ou ce genre de choses — ce n’est<br />
pas mon truc. Je veux réfléchir, je veux<br />
construire, je veux parler, je veux créer.<br />
Aussi, depuis que je suis ici, ma vie est<br />
entièrement prise par mon travail, ce<br />
qui me satisfait pleinement.<br />
The Nation : Avez-vous tout ce<br />
qu’il faut pour continuer à travailler ?<br />
ES : Oui [mais n’oubliez pas que]<br />
je suis en exil. Mon gouvernement m’a<br />
confisqué mon passeport intentionnellement<br />
pour que je reste en exil. S’il<br />
voulait réellement me capturer, il me<br />
permettrait de voyager en Amérique latine<br />
parce que là-bas, la CIA peut opérer<br />
impunément. Ce n’est pas ce que voulait<br />
mon gouvernement : il a choisi de<br />
m’obliger à rester en Russie.<br />
The Nation : Nous voyons que<br />
vous êtes une personne qui n’accordez<br />
pas une grande importance à la<br />
vie sociale, mais avez-vous quelques<br />
contacts et amis ici à Moscou ?<br />
ES : Oui. Disons, assez pour satisfaire<br />
mes besoins.<br />
The Nation : Si vous voulez<br />
juste rencontrer des gens pour discuter<br />
Edward Joseph Snowden<br />
avec eux, pouvez-vous le faire ?<br />
ES : Oui. Et je sors. On me reconnaît<br />
ici ou là. C’est toujours dans les<br />
magasins d’informatique. C’est comme<br />
une association par la pensée, parce<br />
que dans les épiceries, on ne me reconnaît<br />
pas. Même avec mes lunettes,<br />
j’ai beau ressembler exactement à ma<br />
photo, personne ne me reconnaît. Mais,<br />
même si je me rase, que je mets un chapeau<br />
et ne me ressemble plus du tout,<br />
dans les boutiques d’informatique, on<br />
me dit : « Snowden ? »<br />
The Nation : Est-ce que ces<br />
gens se montrent amicaux ? Est-ce que<br />
ce sont en général des jeunes ?<br />
ES : Oui. Oui.<br />
The Nation : Parlons de la question<br />
de votre vidéo à la grande conférence<br />
de presse de Poutine cette année…<br />
ES : Oui ça a été terrible. Ca s’est<br />
retourné contre moi ! J’espérais prendre<br />
Poutine en train de mentir, comme<br />
c’est arrivé avec James Clapper, le directeur<br />
de l’Agence nationale de renseignement<br />
(lorsqu’il a témoigné devant<br />
le Congrès). Aussi, j’ai posé la même<br />
question à Poutine sur la surveillance<br />
de masse en Russie. Je savais qu’il en<br />
fait autant, mais il a nié. Si une seule<br />
source russe sortait, il serait dans de<br />
beaux draps. Et aux États-Unis, ce que<br />
j’ai fait en apparaissant à la conférence<br />
de presse de Poutine ne valait pas le<br />
coup.<br />
The Nation : Alors, vous ne<br />
vous sentez pas prisonnier ici ?<br />
ES : Non, par exemple, je suis<br />
allé à Saint-Pétersbourg — c’est une<br />
ville abominable.<br />
The Nation : Vous regardez la<br />
télévision ?<br />
ES : Je fais tout sur ordinateur.<br />
Pour moi, la télé est une technologie<br />
dépassée.<br />
The Nation : Vous regardez des<br />
chaînes américaines ?<br />
ES : Oui, récemment j’ai regardé<br />
la série The Wire.<br />
The Nation : Alors vous avez<br />
toujours des contacts avec les États-<br />
Unis via Internet ? Vous vous intéressez<br />
à la culture populaire ?<br />
ES : [petits rires] Oui, mais je déteste<br />
ces questions — je déteste parler<br />
de ça, c’est tellement… pour moi, c’est<br />
tellement banal.<br />
The Nation : Mais ça prouve<br />
que vous êtes un Américain qui regarde<br />
les séries que nous regardons tous aux<br />
Etats-Unis.<br />
ES : Oui, je regarde tout ça, Game<br />
of Thrones et toutes les autres séries. Si<br />
je regarde House of Cards ? Pour Boardwalk<br />
Empire— c’est une autre période<br />
de gouvernement tentaculaire ; mais<br />
au moins ils ont recours au processus<br />
d’amendements ! Dans la vie réelle,<br />
l’exécutif, en violant la Constitution,<br />
utilise des lois au lieu d’amendements<br />
constitutionnels pour réduire nos libertés.<br />
The Nation : Comment faitesvous<br />
pour vos entretiens par Internet ?<br />
ES : J’ai construit mon propre<br />
studio. Je ne connais pas les termes<br />
techniques pour décrire ça parce que<br />
je ne suis pas un professionnel de la<br />
vidéo. Mais je suis un technicien. J’ai<br />
une caméra, tout le matériel qui permet<br />
de transférer ce que je filme sur<br />
l’ordinateur. J’ai mis au point une session<br />
« live » (séance en direct), et j’en<br />
assure la sécurité : j’ai mis un fond<br />
d’écran, aussi je peux le supprimer à<br />
partir de mon clavier, comme le font les<br />
présentateurs de nouvelles, et le remplacer<br />
par ce que je veux — et je peux<br />
être partout où il faut que je sois.<br />
The Nation : Ceci nous conduit<br />
à vous demander : comment vos connaissances<br />
de « technicien » — comme<br />
vous vous qualifiez — ont-elles commencé<br />
à affecter votre manière de<br />
penser politiquement ?<br />
ES : Ce qui m’intéressait lorsque<br />
je travaillais au sein des services de<br />
renseignement — en étant une personne<br />
qui avait un plus large accès que<br />
les individus ordinaires à des rapports,<br />
qui avait une meilleure compréhension<br />
de la situation globale — c’est<br />
que, après la seconde guerre mondiale,<br />
après la guerre froide, les sociétés sont<br />
allées dans deux directions : soit en<br />
gros autoritaire, soit [en gros] libérale<br />
ou libertarienne. Le modèle de société<br />
autoritaire considérait que les droits<br />
individuels étaient essentiellement octroyés<br />
par les gouvernements et déterminés<br />
par les États. L’autre modèle, le<br />
nôtre, tendait à penser qu’une grande<br />
partie de nos droits étaient des droits<br />
fondamentaux et qu’ils ne pouvaient<br />
pas être abrogés par les gouvernements,<br />
même si cela paraissait nécessaire.<br />
Et la question qui se pose, surtout<br />
après les attentats du 11 septembre, est<br />
de savoir si les sociétés deviennent plus<br />
libérales ou plus autoritaires. Nos concurrents<br />
— par exemple la Chine, qui<br />
est un pays profondément autoritaire<br />
—, deviennent-ils plus autoritaires ou<br />
plus libéraux avec le temps ? Le centre<br />
de gravité s’est-il déplacé à ce point<br />
que tous les gouvernements ont plus de<br />
pouvoirs et moins de restrictions que jamais<br />
auparavant ? Et qu’ils voient leurs<br />
pouvoirs renforcés par la technologie<br />
comme jamais auparavant ? Comment<br />
faire pour préserver nos droits civiques,<br />
nos traditions en tant que démocratie<br />
libérale, à une époque où le pouvoir du<br />
gouvernement s’étend et est de plus en<br />
plus difficile à contrôler ? Voulons-nous<br />
faire concurrence à la Chine de la même<br />
manière qu’elle veut faire concurrence<br />
à l’Occident ? Je crois que la majorité<br />
des Américains répondraient non à<br />
cette question.<br />
The Nation : Vos révélations<br />
ont ouvert un débat et provoqué<br />
l’indignation dans le monde politique<br />
(…). Comment voyez-vous le système<br />
politique, pas seulement aux Etats-Unis<br />
? De façon plus générale, quel système<br />
politique serait nécessaire pour réaliser<br />
les réformes que réclame l’ampleur de<br />
vos révélations ?<br />
ES : Il y a des pays où les choses<br />
bougent plus. L’Allemagne a lancé une<br />
très sérieuse enquête qui révèle tous les<br />
jours de nouvelles découvertes. Ils viennent<br />
de découvrir une importante violation<br />
de la Constitution allemande qui<br />
a été cachée au Parlement. Aux Etats-<br />
Unis, il n’y a pas eu de grands changements<br />
législatifs sur la question de la<br />
surveillance, même s’il y a quelques<br />
propositions sans grande portée.<br />
The Nation : Le dernier article<br />
écrit par Jonathan Schell pour The Nation<br />
— il est décédé en mars dernier —<br />
vous présentait comme un dissident,<br />
comme un perturbateur et un défenseur<br />
radical de la vie privée. Jonathan posait<br />
une question fondamentale : « Que<br />
font les Américains quand les canaux<br />
officiels dysfonctionnent ou ne répondent<br />
plus ? » Le changement exige-til<br />
qu’il y ait des gens comme vous qui<br />
Suite à la page (16 )<br />
« Google nous espionne et en<br />
informe les Etats-Unis »<br />
Entretien exclusif avec Julian Assange<br />
Par Ignacio Ramonet<br />
Julian Assange et Ignacio Ramonet<br />
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(1ère partie)<br />
Depuis trente mois, Julian Assange,<br />
héros de la lutte pour une information<br />
libre, vit à Londres, refugié dans les<br />
locaux de l’Ambassade de l’Equateur.<br />
Ce pays latino-américain a eu le courage<br />
de lui offrir l’asile diplomatique<br />
quand le fondateur de WikiLeaks était<br />
persécuté par les gouvernements des<br />
Etats-Unis et de plusieurs de ses alliés<br />
(Royaume-Uni, Suède). Le seul<br />
crime de Julian Assange est d’avoir<br />
dit la vérité et d’avoir divulgué, via<br />
WikiLeaks, des révélations sur les<br />
sinistres réalités cachées des guerres<br />
d’Iraq et d’Afghanistan, et sur les<br />
manigances de la diplomatie américaine.<br />
Julian Assange, au même titre<br />
qu’Edward Snowden, Chelsea Manning<br />
et Glenn Greenwald, fait partie<br />
d’un nouveau groupe de dissidents<br />
qui, pour avoir révélé des vérités, sont<br />
désormais traqués et pourchassés non<br />
pas par des régimes autoritaires, mais<br />
par des Etats qui prétendent être des «<br />
démocraties exemplaires ».<br />
Dans son nouveau livre, « Quand<br />
Google rencontra WikiLeaks »<br />
(Clave intelectual, Madrid, <strong>2014</strong>)<br />
dont l’édition espagnole est en librairie<br />
depuis le 1er décembre [1], Julian Assange<br />
va plus loin dans ses révélations,<br />
comme toujours formidablement documentées.<br />
Tout part d’une longue conversation<br />
d’Assange avec Eric Schmidt,<br />
le président exécutif de Google, en juin<br />
2011. Ce dernier était venu interviewer<br />
le créateur de WikiLeaks pour un essai<br />
qu’il préparait alors sur l’avenir de l’âge<br />
numérique.<br />
Lorsque ce livre, intitulé « The<br />
New Digital Era » (2013), fut publié,<br />
Assange constata que ses déclarations<br />
avaient été changées et que les<br />
thèses soutenues par Schmidt étaient<br />
passablement délirantes et mégalomaniaques.<br />
Le nouvel ouvrage du créateur<br />
de WikiLeaks est donc sa réponse aux<br />
élucubrations du patron de Google.<br />
Parmi d’autres révélations, Assange<br />
raconte ici comment Google — et<br />
Facebook, Amazon, etc., — nous espionnent,<br />
nous surveillent et comment<br />
ces firmes transmettent ces informations<br />
aux agences d’espionnage des<br />
Etats-Unis. Il montre aussi comment<br />
la principale entreprise de technologie<br />
numérique est étroitement liée, de façon<br />
presque structurelle, au Département<br />
d’Etat. Assange affirme aussi que<br />
les grandes entreprises de la galaxie<br />
numérique nous surveillent et nous<br />
contrôlent bien plus que les Etats euxmêmes.<br />
« Quand Google rencontra<br />
WikiLeaks » est une œuvre intelligente,<br />
stimulante et nécessaire. Un régal pour<br />
l’esprit. Le livre nous ouvre les yeux<br />
sur nos propres pratiques de communication<br />
quotidiennes, quand nous<br />
nous servons d’un téléphone intelligent<br />
(« smartphone »), d’une tablette,<br />
d’un ordinateur ou tout simplement<br />
Suite à la page (16 )<br />
12 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
Perspectives<br />
L’extraordinaire bilan médical global de Cuba fait honte<br />
au blocus des États-Unis<br />
Par Seumas MILNE<br />
De Ebola aux tremblements de terre,<br />
les médecins de La Havane ont sauvé<br />
des millions de vies. Obama doit lever<br />
l’embargo !<br />
Quatre mois après la déclaration<br />
internationale de situation<br />
d’urgence contre Ebola qui a dévasté<br />
Afrique de l’Ouest, Cuba mène le<br />
monde dans l’appui médical de lutte<br />
contre l’épidémie. Les États-Unis et la<br />
Grande-Bretagne ont envoyé des milliers<br />
de soldats et, avec d’autres pays,<br />
ont promis de l’aide - dont la plupart ne<br />
se sont pas encore matérialisées. Mais,<br />
comme l’Organisation Mondiale de la<br />
Santé l’a souligné, ce qui est nécessaire<br />
de toute urgence ce sont des travailleurs<br />
de la santé. L’île des Caraïbes,<br />
avec une population de seulement 11<br />
millions et un revenu par habitant officiel<br />
de $ 6,000, a répondu à l’appel<br />
avant même qu’il ne soit lancé. Elle<br />
était la première sur la ligne de front<br />
et a envoyé le plus gros contingent de<br />
médecins et d’infirmières - 256 sont<br />
déjà sur le terrain, et 200 autres volontaires<br />
sont en route.<br />
Alors que l’intérêt des médias occidentaux<br />
a disparu avec le recul de la<br />
menace d’une épidémie mondiale, des<br />
centaines de travailleurs des services<br />
de santé britanniques se sont portés<br />
volontaires pour se joindre à eux. Les<br />
30 premiers sont arrivés à Sierra Leone<br />
la semaine dernière, pendant que<br />
les soldats construisaient des cliniques.<br />
Mais les médecins cubains sont en<br />
force sur le terrain depuis octobre et ne<br />
sont pas près de partir.<br />
La nécessité ne pouvait être<br />
plus urgente. Plus de 6000 personnes<br />
sont déjà mortes. L’humiliation de<br />
l’opération cubaine a été telle que les<br />
politiciens britanniques et américains<br />
se sont sentis obligés d’offrir leurs félicitations.<br />
John Kerry a décrit la contribution<br />
de l’État que les États-Unis<br />
tentent de renverser depuis un demisiècle<br />
d’ « impressionnante ». Le premier<br />
médecin cubain à contracter le virus<br />
Ebola a été traité par des médecins<br />
britanniques et les responsables américains<br />
ont promis de « collaborer » avec<br />
Cuba pour lutter contre Ebola.<br />
Mais ce n’est pas la première<br />
fois que Cuba fournit la part du lion de<br />
l’aide médicale, suite à une catastrophe<br />
humanitaire. Il y a quatre ans, après le<br />
séisme dévastateur à la pauvre Haïti,<br />
Cuba a envoyé le plus gros contingent<br />
médical et pris en charge 40% des victimes.<br />
Au lendemain du tremblement<br />
de terre de 2005 au Cachemire, Cuba<br />
a envoyé 2400 travailleurs médicaux<br />
au Pakistan et a traité plus de 70% des<br />
personnes touchées ; Les Cubains ont<br />
également laissé derrière eux 32 hôpitaux<br />
de campagne et Cuba a fait don<br />
d’un millier de bourses médicales.<br />
Cette tradition des secours<br />
d’urgence remonte aux premières années<br />
de la révolution cubaine. Mais ce<br />
n’est qu’une partie d’un internationalisme<br />
médical global extraordinaire<br />
qui se développe à grande vitesse. Il<br />
y a maintenant 50000 médecins et<br />
infirmières cubains dans 60 pays en<br />
voie de développement. Comme le dit<br />
le professeur canadien John Kirk : «<br />
l’internationalisme médical cubain a<br />
sauvé des millions de vies. » Mais cette<br />
solidarité sans précédent a à peine été<br />
mentionnée dans les médias occidentaux.<br />
Les médecins cubains ont effectué<br />
3 millions d’interventions chirurgicales<br />
oculaires gratuitement dans<br />
33 pays, principalement en Amérique<br />
latine et dans les Caraïbes, en grande<br />
partie financées par le Venezuela révolutionnaire.<br />
C’est ainsi que Mario Teran,<br />
le sergent bolivien qui a tué Che<br />
Guevara sur les ordres de la CIA en<br />
1967, a retrouvé la vue 40 ans plus<br />
tard grâce à des médecins cubains et<br />
une intervention financée par le Venezuela<br />
dans la Bolivie radicale d’Evo<br />
Morales.<br />
Alors que l’aide d’urgence a<br />
souvent été financée par Cuba ellemême,<br />
les services médicaux globaux<br />
du pays sont généralement payés<br />
par les gouvernements bénéficiaires<br />
et sont devenus de loin la plus importante<br />
exportation de Cuba, reliant<br />
idéaux révolutionnaires avec le<br />
développement économique. Cela<br />
grâce au rôle central de la santé publique<br />
et de l’éducation à Cuba ; alors<br />
que La Havane a construit une industrie<br />
de la biotechnologie à faible coût<br />
et des programmes d’infrastructure<br />
médicaux et d’alphabétisation dans<br />
les pays en voie de développement où<br />
elle intervient - plutôt que d’organiser<br />
la fuite de cerveaux du personnel<br />
médical, sur le modèle occidental.<br />
L’Internationalisme fait partie de l’ADN<br />
de Cuba. Comme dit la fille de Guevara,<br />
Aleida, elle-même médecin qui a servi<br />
Il y a quatre ans, après le séisme dévastateur à la pauvre Haïti, Cuba<br />
a envoyé le plus gros contingent médical et pris en charge 40% des<br />
victimes<br />
en Afrique : « Nous sommes Afro-Latino-Américains<br />
et nous apporterons<br />
notre solidarité aux enfants de ce continent.<br />
» Mais ce qui a commencé comme<br />
une tentative d’étendre la révolution<br />
cubaine dans les années 60 pour<br />
devenir l’intervention militaire décisive<br />
d’appui à l’Angola contre l’apartheid<br />
dans les années 80, s’est maintenant<br />
transformée dans le projet de solidarité<br />
médicale la plus ambitieuse au monde.<br />
Son succès a reposé sur la marée<br />
progressiste qui a balayé l’Amérique<br />
latine au cours de la dernière décennie,<br />
inspirée par l’exemple de Cuba<br />
socialiste pendant les années de dictatures<br />
militaires de droite. Les gouvernements<br />
de gauche et de centre-gauche<br />
continuent d’être élus et réélus dans la<br />
région, permettant de Cuba à se réinventer<br />
comme phare de l’humanitaire<br />
international.<br />
Mais l’île est toujours étouffée<br />
par l’embargo commercial américain<br />
qui a maintenu un étau économique et<br />
politique depuis plus d’un demi-siècle.<br />
Si Barack Obama veut faire quelque<br />
chose de valable pendant ses dernières<br />
années de présidence, il pourrait utiliser<br />
le rôle de Cuba dans la crise de<br />
l’Ébola comme une ouverture pour<br />
commencer à lever ce blocus et réduire<br />
progressivement la guerre de déstabilisation<br />
des États-Unis.<br />
Les signes ne manquent pas.<br />
Dans ce qui a ressemblé à une opération<br />
de pression contre l’administration,<br />
le New York Times a publié six éditoriaux<br />
en cinq semaines, en Octobre et<br />
Novembre, louant le bilan médical de<br />
Cuba, exigeant la fin de l’embargo, attaquant<br />
les efforts états-uniens pour<br />
inciter les médecins cubains à faire<br />
défection, et appelant à un échange de<br />
prisonniers.<br />
La campagne du journal a été<br />
publiée alors que l’Assemblée générale<br />
des Nations Unies votait pour la 23e<br />
fois, par 188 voix contre 2 (États-Unis<br />
et Israël), pour exiger la levée du blocus<br />
des États-Unis, imposé à l’origine<br />
en guise de représailles à la nationalisation<br />
des entreprises américaines et<br />
maintenant justifié au motif d’atteintes<br />
aux droits de l’homme - par un État<br />
allié à certains des régimes les plus répressifs<br />
du monde. L’embargo ne peut<br />
être levé que par le Congrès, lui-même<br />
entravé par les héritiers de la dictature<br />
corrompue soutenue par les Etats-Unis<br />
et renversée par Fidel Castro et Guevara.<br />
Mais le président américain a des<br />
pouvoirs exécutifs, lui permettant de le<br />
desserrer sensiblement et de restaurer<br />
des relations diplomatiques. Il pourrait<br />
commencer par libérer les trois agents<br />
cubains restants des « Cinq de Miami »<br />
emprisonnés il y a 13 ans pour espionnage<br />
sur les groupes d’activistes anti-<br />
Cubains liés au terrorisme.<br />
Le moment évident pour Obama<br />
pour appeler à la fin de la campagne<br />
américaine de 50 ans contre<br />
l’indépendance cubaine serait pendant<br />
le Sommet des Amériques au mois<br />
d’avril prochain – que les gouvernements<br />
latino-américains ont menacé<br />
de boycotter , si Cuba n’était pas invitée.<br />
La plus grande contribution de<br />
ceux qui sont vraiment préoccupés par<br />
les libertés démocratiques à Cuba serait<br />
d’obtenir que les États-Unis lui fichent<br />
la paix.<br />
Si le blocus était démantelé, ce<br />
ne serait pas seulement une reconnaissance<br />
du bilan remarquable de Cuba<br />
en matière de justice sociale et de solidarité<br />
sur l’île ; mais aussi à l’étranger,<br />
soutenue par la confiance croissante<br />
d’une Amérique latine indépendante.<br />
Ce serait également une aubaine<br />
pour les millions de personnes dans le<br />
monde qui pourraient bénéficier d’une<br />
Cuba sans entraves - et une démonstration<br />
de ce qui peut être accompli<br />
lorsque les gens sont placés avant le<br />
profit.<br />
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Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong><br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
13
Perspectives<br />
Comment Vladimir Poutine a renversé la stratégie de l’Otan<br />
par Thierry Meyssan<br />
La Russie réagit dans la guerre<br />
économique que lui livre l’Otan à la<br />
manière dont elle l’aurait fait dans<br />
une guerre classique. Elle s’est laissée<br />
atteindre par les sanctions unilatérales<br />
pour mieux emmener son<br />
adversaire sur le terrain qu’elle a<br />
choisi. Simultanément, elle a conclu<br />
des accords avec la Chine pour<br />
préserver son avenir, puis avec la<br />
Turquie pour désorganiser l’Otan.<br />
Comme jadis, face à la France ou<br />
à l’Allemagne, sa défaite initiale<br />
pourrait être la garantie de sa victoire<br />
finale.<br />
Lors du sommet annuel sur la<br />
sécurité, organisé par la Fondation<br />
Bertelsmann et l’Otan à Munich,<br />
en 2007, le président Vladimir<br />
Poutine avait souligné que l’intérêt<br />
des Européens de l’Ouest n’était<br />
plus uniquement outre-Atlantique,<br />
mais aussi et surtout avec la Russie.<br />
Depuis cette date, il n’a cessé<br />
de tenter de nouer des relations<br />
économiques, dont la construction<br />
du gazoduc North Stream sous la<br />
direction de l’ancien chancelier allemand<br />
Gerhard Schröder. De leur<br />
côté, les États-Unis ont tout fait<br />
pour empêcher ce rapprochement,<br />
dont l’organisation du coup d’État<br />
de Kiev et le sabotage du gazoduc<br />
South Stream.<br />
Selon la presse atlantiste, la<br />
Russie aurait été gravement impactée<br />
par les « sanctions » unilatérales<br />
—en réalité des actes de guerre<br />
économique— prises à l’occasion<br />
du rattachement de la Crimée à la<br />
Fédération ou de la destruction du<br />
Boeing de la Malaysia Airlines et<br />
par la baisse du prix du pétrole. Le<br />
rouble a perdu 40 % de sa valeur,<br />
les investissements inutiles dans<br />
le gazoduc South Stream ont coûté<br />
4,5 milliards de dollars, et l’embargo<br />
alimentaire a coûté 8,7 milliards<br />
de dollars. En définitive, assure la<br />
presse atlantiste, la Russie est aujourd’hui<br />
ruinée et isolée politiquement.<br />
La presse atlantiste fait par<br />
contre l’impasse sur les conséquences<br />
de cette guerre économique<br />
dans l’Union européenne. Outre que<br />
l’interdiction des exportations alimentaires<br />
est susceptible de détruire<br />
des pans entiers de son agriculture,<br />
le renoncement à South Stream<br />
pèsera très gravement sur l’avenir<br />
de l’Union en renchérissant le prix<br />
de l’énergie.<br />
Il semble que les « sanctions »<br />
unilatérales aient eu comme conséquence<br />
imprévue la chute des cours<br />
du pétrole. En effet, ceux-ci ont débuté<br />
le 20 juin ; mais ils ne sont sortis<br />
des variations habituelles qu’à la<br />
fin juillet, lors des premières « sanctions<br />
» économiques. Le prix du pétrole<br />
n’ayant aucun rapport avec la<br />
loi de l’offre et de la demande, mais<br />
comme pour tout marché spéculatif,<br />
avec le volume des capitaux qui y<br />
spéculent, le déplacement des capitaux<br />
russes à l’annonce des sanctions<br />
ont accéléré le mouvement.<br />
Dans un premier temps, on avait<br />
attribué la baisse du prix du pétrole<br />
à un effort de l’Arabie saoudite pour<br />
plomber les investissements étatsuniens<br />
dans le gaz de schiste et les<br />
pétroles non-conventionnels. Mais,<br />
lors de la réunion de l’Opep, il s’est<br />
avéré que les Saoudiens n’y étaient<br />
probablement pour rien. Au demeurant,<br />
il semblait impossible que<br />
l’Arabie saoudite spécule contre son<br />
suzerain états-unien.<br />
Quoi qu’il en soit, la Russie a<br />
surpris Washington en renversant<br />
l’échiquier diplomatique : Vladimir<br />
Poutine s’est rendu en Turquie,<br />
États membre de l’Otan, juste après<br />
le vice-président états-unien Joe<br />
Biden, pour y conclure de gigantesques<br />
accords économiques. Non<br />
seulement, ils contournent les sanctions<br />
unilatérales de l’Alliance, mais<br />
ils la désorganisent profondément.<br />
La Turquie actuelle est un<br />
État en passe de redevenir une<br />
terrible dictature. Selon le département<br />
d’État —pourtant complaisant<br />
vis-à-vis d’un membre de l’Otan—<br />
l’internet est censuré ; le gouvernement<br />
a abusé de son pouvoir pour<br />
stopper les enquêtes de corruption<br />
conduites contre ses membres et<br />
leurs familles ; il a sanctionné les<br />
policiers et les magistrats qui ont<br />
conduit ces enquêtes ; les minorités<br />
n’ont aucun droit, à l’exception<br />
des trois minorités désignées dans<br />
le Traité de Lausanne en 1923 ;<br />
l’administration Erdoğan détient des<br />
centaines de prisonniers politiques<br />
(principalement des officiers supérieurs<br />
coupables d’avoir pris contact<br />
avec l’Armée chinoise, des responsables<br />
politiques d’opposition, des<br />
journalistes et des avocats) ; la torture<br />
est généralisée, les détentions<br />
arbitraires et les assassinats extrajudiciaires<br />
sont légions<br />
Le président Erdoğan s’est<br />
fait construire le plus grand palais<br />
du monde. Il l’a fait dans un parc<br />
naturel, alors que la Justice le lui<br />
avait interdit. Il en a coûté 615<br />
millions de dollars à ses contribuables.<br />
La dérive criminelle de l’administration<br />
Erdoğan est devenue un<br />
grave sujet de préoccupation au sein<br />
de l’Otan. D’autant que la Turquie<br />
s’avère devenir aussi un allié récalcitrant.<br />
Ainsi, elle persiste à aider<br />
les jihadistes dans leur lutte contre<br />
le peuple kurde (pourtant très majoritairement<br />
sunnite) au lieu de<br />
rejoindre activement la coalition<br />
états-unienne contre l’Émirat islamique.<br />
C’est pourquoi le vice-président<br />
Joe Biden s’est rendu le 22<br />
novembre à Ankara, manifestement<br />
pour menacer le président Erdoğan<br />
s’il ne rentrait pas dans l’ordre<br />
états-unien.<br />
Or, le 1er décembre, Vladimir<br />
Poutine se rendait également à<br />
Ankara. Distinguant les questions<br />
économiques des politiques, il présentait<br />
une offre longuement préparée<br />
: une alliance économique sans<br />
précédent entre les deux nations.<br />
Comprenant que cette offre inattendue<br />
était sa seule issue face à Washington,<br />
le président Erdoğan signait<br />
tous les documents qui avaient été<br />
rédigés par les Russes. Il acceptait le<br />
renforcement du gazoduc sous-marin<br />
reliant son pays à la Russie via<br />
la Mer Noire ; il achetait à bon prix<br />
du gaz russe et même des centrales<br />
nucléaires civiles pour alimenter<br />
son industrie ; il livrait ses produits<br />
agricoles à la Russie malgré l’embargo<br />
de tous les autres États atlantiques<br />
; etc.<br />
Pour l’Otan, le problème turc<br />
vire au cauchemar.<br />
Vladimir Poutine n’a certes pas<br />
changé d’avis sur Recep Tayyip<br />
Erdoğan. C’est un petit criminel qui<br />
a rejoint les Frères musulmans, a été<br />
propulsé au pouvoir avec l’aide de la<br />
CIA, et qui se comporte aujourd’hui<br />
comme un vrai chef mafieux. Mais<br />
le président russe a l’habitude de<br />
traiter avec des oligarques ou des<br />
chefs d’État d’Asie centrale qui ne<br />
valent pas mieux. Lui-même est<br />
parvenu au Kremlin en s’infiltrant<br />
dans le cercle de Boris Elstine et de<br />
Boris Berezovski.<br />
De son côté, Recep Tayyip<br />
Erdoğan sait qu’il doit son pouvoir<br />
à l’Otan, et qu’aujourd’hui elle lui<br />
demande des comptes. Il n’a aucune<br />
difficulté à faire le grand écart : allié<br />
de Washington en politique<br />
et de Moscou en économie. Il sait<br />
qu’aucun État n’a jamais pu sortir<br />
de l’Alliance, mais il imagine se<br />
maintenir au pouvoir par ce double<br />
jeu.<br />
Maintenant observons la<br />
stratégie de Vladimir Poutine.<br />
La puissance des États-Unis réside<br />
à la fois dans leur monnaie, qu’ils<br />
imposent au reste du monde via le<br />
contrôle du marché du pétrole, et<br />
dans leur armée.<br />
L’Otan vient de lancer une<br />
guerre économique contre la Russie.<br />
Pour les besoins de la propagande,<br />
elle masque ses attaques sous le vocable<br />
de « sanctions ». Pourtant des<br />
sanctions supposeraient une mise<br />
en examen, un procès et un verdict.<br />
Pas dans ce cas. Les « sanctions »<br />
les plus importantes ont même été<br />
décidées après la destruction d’un<br />
avion civil en Ukraine alors que,<br />
selon toute probabilité, il a été<br />
abattu par les nouvelles autorités<br />
de Kiev.<br />
Pour y répondre, Vladimir<br />
Poutine a d’abord fait basculer<br />
l’avenir de son pays de l’Europe occidentale<br />
vers l’Extrême-Orient en<br />
signant les plus importants contrats<br />
de l’histoire avec ses partenaires<br />
chinois. Puis, il a utilisé la Turquie<br />
contre l’Otan pour contourner les<br />
« sanctions » commerciales occidentales.<br />
Que ce soit avec la Chine ou<br />
avec la Turquie, la Russie vend son<br />
énergie en monnaies locales ou en<br />
troc, jamais en dollars.<br />
Les experts russes ont calculé<br />
que Washington interviendrait si le<br />
cours du pétrole se maintenait plus<br />
de six mois à un cours inférieur à<br />
60 dollars le baril. Il y a deux mois,<br />
le gouverneur de la Banque centrale<br />
russe, Elvira S. Nabiullina, attestait<br />
devant la Douma être prête pour ce<br />
scénario, son institution détenant<br />
suffisamment de réserves.<br />
Par conséquent, si pour le<br />
moment la Russie est gravement<br />
touchée par l’attaque économique<br />
de l’Otan, la situation pourrait<br />
s’inverser dans six mois. Pour<br />
maintenir sa domination sur le reste<br />
du monde, Washington serait alors<br />
contraint d’intervenir pour faire remonter<br />
les prix du pétrole. Mais entre<br />
temps, cette guerre aura plombé<br />
l’Union européenne et l’Otan, tandis<br />
que la Russie aura muté son économie<br />
vers son allié chinois.<br />
En définitive, la Russie agit ici<br />
comme elle l’a toujours fait. Jadis,<br />
elle pratiquait la « stratégie de la<br />
terre brûlée » lorsque la France de<br />
Napoléon ou l’Allemagne d’Adolf<br />
Hitler l’envahissait. Elle détruisait<br />
elle-même ses propres richesses à<br />
la place des troupes ennemies et ne<br />
cessait de reculer vers l’Extrême-<br />
Orient. Puis elle refluait contre les<br />
envahisseurs exténués par leur trop<br />
longue pénétration.<br />
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14 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
Suite de la page (8)<br />
Suite de la page (4)<br />
Haïti attend beaucoup de Michaelle<br />
Jean. Le succès de sa mission sera un<br />
atout d’abord pour elle, et aussi pour<br />
Haïti. Ses échecs un désavantage pour<br />
celle-ci. Le vrai gagnant reste le Canada<br />
qui doit un tribut de reconnaissance à<br />
Danny Lafferrière et à Michaëlle Jean<br />
: ils représentent une chance pour le<br />
Canada qui tout en maintenant la confusion<br />
de son statut de bilinguiste conserve<br />
son identité canadienne « dans<br />
un monde confronté à la globalisation<br />
des cultures ».Cette fois, il ne s’agit pas<br />
pour Michaëlle Jean d’inaugurer des<br />
chrysanthèmes ; elle doit frapper les esprits<br />
par une gouvernance rigoureuse et<br />
révolutionnaire, traduire dans la réalité<br />
les aspirations des Etats membres. Elle<br />
a l’avantage d’être un sous-produit de<br />
la culture nord-américaine, de ne pas<br />
être issu du réseau de chefs d’Etats et<br />
de dirigeants africains en retraite. Ainsi,<br />
elle doit avoir des stratégies propres<br />
pour rompre les résistances naturelles<br />
et renoncer aux relents du corporatisme<br />
africain.<br />
En Haïti, il revient aux élites<br />
de clarifier leurs ambiguïtés, face à<br />
la langue française, de sortir de leur<br />
schizophrénie. Ses figures brillent à<br />
l’extérieur, alors que les usagers du<br />
français, face à la politique agressive<br />
des Etats-Unis d’Amérique, ne cessent<br />
de décliner. Ses élites ne vont plus se<br />
former en France ; alors que les textes<br />
de lois, les référents institutionnels sont<br />
d’inspiration française. Le pays est<br />
sous-scolarisé, les dépenses d’éducation<br />
sont faibles, alors que le système éducatif<br />
continue à préparer des cadres en<br />
fuite pour l’Amérique du Nord. Boudée<br />
par la jeunesse, la langue française<br />
Suite de la page (6)<br />
Syans sosyal se yon disiplin ki gen pou<br />
domèn etid egzistans moun sou planèt la<br />
ak rapò yo devlope youn ak lòt apati enterè<br />
diferan gwoup sosyal yo atravè tan<br />
ak espas. Kòm objè etid syans sosyal la<br />
tan reprezante sou fòm peryòd e teritwa<br />
popilasyon yo okipe reprezante espas.<br />
Li nòmal pou rapò sosyal lèzòm ap devlope<br />
pandan y ap evolye pa fouti ann<br />
amoni tout tan. Rapò sa yo devlope nan<br />
mitan kontradiksyon tou. Ositou metòd<br />
ki pi daplon pou analize, konprann epi<br />
transmèt konesans an rapò ak lavi ak<br />
evolisyon lèzom se materyalis istorik ak<br />
materyalis dyalektik la. Yon ansèyman<br />
syans sosyal ki djanm dwe baze sou :<br />
metriz konsèp yo, rapò sosyal yo, pwosesis<br />
pwodiksyon byen yo, nati lagè ant<br />
nasyon ak pèp yo, enterè dèyè konkèt yo.<br />
Fòk nou pa bliye lekòl, menm jan ak legliz<br />
fè pati aparèy ideyolojik leta, ki li menm<br />
osèvis klas dominan yo. Kalite sosyete ou<br />
genyen detèminen kalite lekòl ou genyen.<br />
Jodi a, malgre moun ap klewonnen<br />
tout jounen : yon sèl lekòl, yon sèl drapo,<br />
yon sèl Ayiti, pa gen yon kourikouloum<br />
inifòm tout moun ap suiv nan diferan nivo<br />
sistèm edikatif la. Ansèyman syans sosyal<br />
fèt nan lekòl yo sivan oryantasyon ideyolojik<br />
pwofesè yo. Anfennkont, inivèsite<br />
a, ki gen pou misyon fòme entelektyèl ki<br />
dwe pwodui panse k ap defini politik pou<br />
oryente nasyon an, se espas natirèl pou<br />
s’est confondue avec les survivances<br />
du colonialisme, vécue comme l’un<br />
des facteurs explicatifs du sous-développement<br />
; elle est reléguée au rang<br />
de langue élitaire et discriminante. Elle<br />
est concurrencée par les succès des<br />
rappeurs américains dont la trajectoire<br />
donne le tournis aux jeunes haïtiens<br />
devenus créolophones par rejet de la<br />
culture française et anglophones par attraction<br />
du modèle américain.<br />
Or la France n’a plus les moyens<br />
de financer la politique culturelle qui<br />
a fait son succès en Haïti vers les années<br />
70 et 80, quand les coupes sombres<br />
et les réformes structurelles ont<br />
fini d’achever l’effondrement en cours<br />
du royaume jadis prospère. La jeunesse<br />
haïtienne, du moins la fraction<br />
la plus réduite croit à une francophonie<br />
qui au-delà de tous complexes associe<br />
l’économie à la diversité d’une langue<br />
dynamique, qui combat les injustices,<br />
les inégalités ; construit la démocratie<br />
et rend aux peuples qui y croient leur<br />
dignité. Pour mener ces combats-là,<br />
les exemples des femmes qui ont laissé<br />
leur empreinte parce qu’elles furent<br />
courageuses et obstinées, peuvent inspirer<br />
Michaëlle Jean : Louise Michel*,<br />
Ségolène Royal, Catherine de Médicis,<br />
Catherine Flon. Alors la presse occidentale<br />
finira par reconnaitre la petite jacméliénne<br />
originaire d’un pays « où l’on<br />
ne renonce à rien ».<br />
Jacques NESI<br />
Ndlr. * Louise Michel, fut une<br />
institutrice, militante anarchiste, francmaçonne,<br />
aux idées féministes et l’une<br />
des figures majeures de la Commune de<br />
Paris. Morte le 9 janvier 1905 d’une<br />
pneumonie, à l’âge de 74 ans.<br />
ouvè deba sou ansèyman syans sosyal<br />
epi elabore yon dokiman syantifik, ki ka<br />
sèvi referans pou yon refòm kourikouloum<br />
nan domèn nan.<br />
Guy-Gérald MÉNARD<br />
Akademisyen<br />
Pwofesè Ekspresyon Kreyòl<br />
Inivèsite Leta d Ayiti<br />
Notes<br />
Minis Edikasyon Nasyonal soti 20 avril<br />
1979 rive 12 jiyè 1982.<br />
2<br />
Charles Tardieu soti 16 me 1990 pou rive<br />
24 dawou 1990.<br />
3<br />
Victor Benoit soti 1 septanm 1993 pou<br />
rive 16 me 1994.<br />
4<br />
Pousantaj reyisit global: 28.42%<br />
(www.communication.gouv.ht/archives/6347).<br />
5<br />
Evelyne Trouillot, “De la survivance<br />
de la colonisation dans les manuels<br />
d’Histoire”, Lire <strong>Haiti</strong>, vol. 1, no 2.<br />
6<br />
Roberson Alphonse, nan Le Nouvelliste<br />
18 oktòb 2012.<br />
7<br />
Thomas Péralte, « Dessalines assassiné<br />
une ènième fois Jean-Jacques Dessalines<br />
», Haïti Liberté vol. 8, no 15, du 22<br />
au 28 octobre <strong>2014</strong>.<br />
8<br />
“Les chefs de l’exécutif absents du pays<br />
à l’occasion du 209ème anniversaire de la<br />
bataille de Vertières”, Alter Presse 19 novembre<br />
2012, (http://www.alterpresse.<br />
org/spip.php?article 1369#. VHoeNySt-<br />
DIU).<br />
9<br />
Jean-Pierre Le Glaunec, <strong>2014</strong>, L’armée<br />
indigène. La défaite de Napoléon en Haïti.<br />
Éditions de l’Université d’État / Ateliers<br />
Jeudi Soir.<br />
Les Manifestants au Champ de Mars<br />
le périmètre du Palais national, restant<br />
jusqu’à date un véritable défi pour les<br />
protestataires anti-Martelly : « Nous<br />
y arrivons aujourd’hui. Nous sommes<br />
devant le Palais national, pour dire à<br />
monsieur Martelly, vous n’êtes plus le<br />
président, vous devez partir. Le peuple<br />
est souverain, la voix du peuple, c’est<br />
la voix de Dieu. Le peuple a décidé, c’en<br />
est fait. Nous sommes plus de 4 millions<br />
Haïtiens dans les rues à travers le pays<br />
qui revendiquent votre départ. Alors que<br />
seulement 700 mille personnes vous<br />
ont approuvé après avoir été sélectionné<br />
par l’OEA et l’ONU et le Premier ministre<br />
d’alors, Jean Max Bellerive. La Communauté<br />
internationale a échoué avec Martelly.<br />
Elle doit se ressaisir, » déclaraient<br />
les manifestants.<br />
Le lendemain samedi 6 décembre<br />
<strong>2014</strong>, c’était la même chose, à la différence<br />
qu’ ils se sont rendus devant<br />
l’ambassade du Canada à Delmas 75<br />
pour dire NON à l’ingérence étrangère<br />
dans les affaires internes d’Haïti. « Nous<br />
voulons la coopération avec toutes les<br />
Nations du monde, mais pas qu’on s’immisce<br />
dans les affaires d’un autre Etat<br />
indépendant et souverain. Les Etats-<br />
Unis, la France et la Canada symbolisent<br />
le triangle de la mort pour le peuple haïtien,<br />
» déclaraient les protestataires.<br />
De l’ambassade du Canada étant,<br />
ils prennent la direction de la route de<br />
Bourdon vers le Palais national la tête<br />
droite. Arrivés au Champ-de-Mars les<br />
agents des unités de la Police Nationale<br />
leur en ont interdit l’accès. Les manifestants<br />
ont essayé de contourner les cordons<br />
de policiers, ils ont pénétré l’aire<br />
du Champ-de-Mars par petits groupes,<br />
ils ont débarrassé les places publiques<br />
entourées de tôles rouges. « Regarde<br />
le peuple haïtien, Martelly et Lamothe<br />
sont des bluffeurs. Il n’y a aucun travail<br />
à l’intérieur des tôles rouges. Ils ont empêché<br />
à la population l’accès aux places<br />
publiques pour rien.<br />
Martelly doit partir ! Lamothe doit<br />
partir ! Ils prônent l’école gratuite, nous<br />
ne le voyons pas, les élèves n’ont pas de<br />
professeurs, les professeurs manifestent<br />
dans les rues pour exiger leur dû. » Les<br />
manifestants ont mis à nu le régime<br />
constitué de bluffeurs, de menteurs,<br />
ayant à sa tête Martelly et Lamothe.<br />
Au Cap-Haïtien, la deuxième ville<br />
du pays, des milliers de personnes ont<br />
également gagné les rues le samedi<br />
6 décembre à l’appel de l’Opposition<br />
constituée du Collectif des militants pour<br />
la libération d’Haïti, branche MOPOD et<br />
Fanmi Lavalas. Rassemblées au rondpoint<br />
Samari, dès dix heures du matin,<br />
les manifestants parcourent diverses<br />
rues de la ville dont, shada, lòtbò pon,<br />
Barrière Bouteille, Vertières. Des militants<br />
sont venus des 19 communes du<br />
département du Nord, des communes du<br />
département du Nord ’Est et de l’Artibonite<br />
pour participer à la grande mobilisation<br />
anti-Martelly. Les manifestants<br />
vêtus tout de noir, disent venir chanter<br />
l’enterrement du régime tètkale. « Nous<br />
ne voulons pas négocier avec un dictateur,<br />
comme Martelly. Nous n’envoyons<br />
personne négocier avec Martelly et les<br />
représentants yankee en Haïti. Nous<br />
réclamons le départ de Martelly et ceci<br />
sans condition. Nous ne reconnaissons<br />
pas la commission consultative présidentielle<br />
constituée de GNBistes et putschistes.<br />
Son rapport sera rejeté par le<br />
peuple comme il l’a fait pour El Rancho.<br />
En 2003-2004 Martelly participait<br />
au côté du groupe des 184 d’André<br />
Apaid, Charles Henry Baker, Réginald<br />
Boulos, Rosny Desroches et consorts,<br />
représentants l’oligarchie haïtienne,<br />
pour kidnapper le président Aristide. En<br />
<strong>2014</strong>, c’est le peuple tout en entier qui<br />
se soulève contre Martelly. Le sénateur<br />
Moïse Jean Charles, farouche opposant<br />
au régime tètkale, présent à la manifestation,<br />
continue d’exiger, lui aussi, le<br />
départ de Martelly. « C’est définitivement<br />
la fin du régime. Nous ne comptons<br />
pas les fêtes de fin d’année <strong>2014</strong><br />
avec Martelly au pouvoir. Nous ne<br />
sommes pas dans la négociation avec<br />
Martelly. Nous ne voulons que le départ<br />
de Martelly et de Lamothe, » a-t-il déclaré<br />
en substance.<br />
En somme, ces trois dernières<br />
manifestations à Port-au-Prince et au<br />
Cap-Haïtien, sans oublier Petit-Goâve<br />
qui manifeste quotidiennement contre<br />
Martelly, réveillent la conscience collective<br />
contre Martelly. Toutes les<br />
couches de la population ont pris part<br />
aux manifestations : des gens des<br />
quartiers populeux, des chômeurs, des<br />
ouvriers et responsables syndicaux,<br />
des artistes, des hommes aux cheveux<br />
tressés, protestent contre la violation de<br />
leurs droits ; des femmes qui subissent<br />
des harcèlements sexuels de la part des<br />
proches du pouvoir tètkale, des professeurs,<br />
des écoliers, des étudiants à<br />
l’UEH, des chauffeurs de taxis moto,<br />
des petits commerçants brandissant<br />
des pancartes « Aba SGS sansi woz !».<br />
Des entrepreneurs et ingénieurs de la<br />
classe moyenne décapitalisés, des travailleurs<br />
de profession manuelle tels :<br />
des contremaîtres, des maçons, des<br />
charpentiers, ferrailleurs, plombiers,<br />
électriciens et autres se plaignent d’être<br />
abandonnés par le pouvoir tètkale au<br />
profit des compagnies dominicaines.<br />
Pour eux, le pouvoir tètkale ne dirige<br />
que dans l’intérêt de ses amis et des<br />
étrangers. Les nationaux sont livrés<br />
à eux-mêmes, victimes de l’insécurité<br />
récurrente.<br />
Pour preuve, 5 personnes sont<br />
mortes lundi premier décembre <strong>2014</strong><br />
à Cité Soleil, lors de l’affrontement de<br />
deux groupes de gangs constitués par<br />
les bras armés du pouvoir rose tètkale.<br />
Ce même jour, un employé de l’Autorité<br />
Portuaire Nationale (APN), l’étudiant à<br />
l’INAGHEI, Frantz Compère, âgé de 35<br />
ans a été victime d’une attaque armée<br />
à la Saline en sortant de son travail. Il<br />
a reçu 5 balles des bandits armés, alors<br />
qu’il circulait à bord d’une moto. Il a<br />
rendu l’âme sur le champ.<br />
Fanmi Lavalas appelle tous ses<br />
membres, partisans sympathisants, travailleurs,<br />
paysans, chômeurs étudiants,<br />
ouvriers, professeurs, les victimes du<br />
goudougoudou Lamothe-Céant au<br />
centre-ville à rester mobilisés contre le<br />
pouvoir. Le prochain rendez-vous sur le<br />
béton est fixé pour le vendredi 12 décembre<br />
en prévision de l’éventuelle visite<br />
du secrétaire des Etats-Unis en Haïti.<br />
En attendant d’autres manifestations<br />
se poursuivent pour des revendications<br />
spécifiques telles : eau potable, électricité,<br />
le paiement des arriérés de salaire des<br />
professeurs, des employés des mairies<br />
de la zone métropolitaines contre l’augmentation<br />
des taxes sur les petits entrepreneurs,<br />
contre la violation des droits<br />
humains à l’approche de la célébration<br />
du 66 e anniversaire de la Déclaration<br />
Universelle des Droits l’Homme, le <strong>10</strong><br />
décembre <strong>2014</strong>. Le peuple haïtien doit<br />
continuer à revendiquer le respect de ses<br />
droits à la souveraineté et à l’autodétermination.<br />
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Jacques Édouard Alexis (juin 1997).<br />
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15
Suite de la page (12)Entriten... Suite de la page (12)Google..<br />
lancent des alertes ?<br />
ES : Nous sommes une démocratie<br />
représentative. Mais comment sommes-nous<br />
arrivés à ce résultat ? Nous y<br />
sommes parvenus par l’action directe.<br />
Et cela est inscrit au plus profond de<br />
notre Constitution et de nos valeurs.<br />
Nous avons le droit de nous révolter,<br />
de faire la révolution. La révolution ne<br />
se fait pas nécessairement toujours par<br />
les armes et la lutte armée. Elle a aussi<br />
à voir avec les idées révolutionnaires.<br />
Elle a à voir avec les principes que<br />
nous estimons être représentatifs du<br />
type de monde dans lequel nous voulons<br />
vivre. Un ordre politique donné<br />
peut, à un moment donné, ne plus être<br />
capable de représenter ces valeurs, et<br />
même travailler contre elles. Je pense<br />
que c’est la dynamique à laquelle nous<br />
assistons aujourd’hui. Nous sommes<br />
face à des partis politiques traditionnels<br />
qui répondent de moins en moins<br />
aux besoins de la population ; c’est<br />
pourquoi les gens sont à la recherche<br />
de leurs propres valeurs. Si le gouvernement<br />
ou les partis n’apportent<br />
plus de réponses à nos demandes, alors<br />
c’est ce que nous ferons. Ce sera<br />
l’action directe ou même la désobéissance<br />
civile. De son côté l’État nous<br />
dit : « Bien, pour que nous puissions<br />
légitimer l’idée de désobéissance civile,<br />
alors vous devez suivre par ailleurs<br />
ces règles ». Il découpe notre<br />
liberté d’expression en « zones contrôlées<br />
». Il nous dit : « Vous ne pouvez<br />
la pratiquer qu’à tel moment et<br />
que de cette façon, et vous ne pouvez<br />
pas interrompre le fonctionnement du<br />
gouvernement ». Il restreint l’impact<br />
que peut avoir la désobéissance civile.<br />
Nous devons nous rappeler que<br />
la désobéissance civile doit être une<br />
désobéissance si on veut qu’elle ait<br />
quelque efficacité. Si nous nous contentons<br />
de suivre les règles que nous<br />
impose un État lorsque cet État agit<br />
à l’encontre de l’intérêt général, nous<br />
ne faisons pas vraiment progresser les<br />
choses. Nous ne changeons rien.<br />
The Nation : Quelle est la<br />
dernière fois où la désobéissance civile<br />
a engendré un changement ?<br />
ES : Occupy Wall Street.<br />
The Nation : L’un de nous<br />
pourrait ne pas être d’accord. On peut<br />
dire qu’Occupy a été une initiative très<br />
importante, mais elle est vite retombée.<br />
Es : Je suis intimement persuadé<br />
qu’Occupy Wall Street s’est retrouvé<br />
confronté à ces limites parce que les<br />
autorités ont été capables d’imposer<br />
à notre imagination une image de<br />
ce qu’est la désobéissance civile —<br />
une forme de désobéissance qui est<br />
tout simplement inefficace. Tous ces<br />
gens qui sont descendus dans la rue<br />
n’avaient pas de travail, ne touchaient<br />
pas de salaire. C’étaient des hommes<br />
et des femmes qui étaient déjà victimes<br />
des effets de l’inégalité ; aussi<br />
n’avaient-ils pas grand-chose à perdre.<br />
Et alors, ceux qui criaient plus<br />
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fort, qui étaient davantage perturbateurs<br />
et, très souvent, parvenaient<br />
plus efficacement à attirer l’attention<br />
sur leurs problèmes ont été immédiatement<br />
réprimés par les autorités. Ils ont<br />
été encerclés par la police, dispersés au<br />
gaz lacrymogène, jetés en prison.<br />
The Nation : Mais pensez-vous<br />
quand même qu’Occupy a eu un impact<br />
?<br />
ES : Occupy a eu un impact<br />
sur la prise de conscience. Il n’a pas<br />
réussi, en revanche, à devenir un<br />
acteur opérationnel du changement.<br />
Mais trop souvent, on oublie que les<br />
mouvements politiques et sociaux ne<br />
se réalisent pas du jour au lendemain.<br />
Ils n’apportent pas tout de suite le<br />
changement — il faut d’abord susciter<br />
une prise de conscience critique des<br />
problèmes et des enjeux. Mais rendre<br />
les gens conscients des inégalités<br />
a été une chose importante. Tous les<br />
ténors de la politique qui évoquent<br />
aujourd’hui des élections de <strong>2014</strong> et<br />
de 2016 parlent des inégalités.<br />
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The Nation : Vous avez parlé<br />
ailleurs de l’obligation de rendre des<br />
comptes. Sommes-nous face à la fin<br />
de cette obligation dans notre pays ?<br />
Ceux qui ont causé la crise financière<br />
sont à nouveau aux commandes.<br />
Ceux qui nous ont apporté le désastre<br />
de la guerre d’Irak sont les mêmes qui<br />
aujourd’hui conseillent Washington et<br />
influencent l’opinion publique sur la<br />
politique étrangère américaine. Autre<br />
illustration : comme vous l’avez souligné,<br />
James Clapper ment au Congrès<br />
sans même se faire taper sur les doigts.<br />
ES : Les révélations sur la surveillance<br />
de masse sont absolument<br />
fondamentales parce qu’elles ont indiqué<br />
que nos droits sont en train d’être<br />
redéfinis en secret par des institutions<br />
secrètes dont ce n’est pas la vocation.<br />
Cela se fait de surcroît sans le<br />
consentement du peuple, sans même<br />
que la majorité de nos élus soit au<br />
courant. Cependant, même si cela est<br />
très important, je ne crois pas que ce<br />
soit là l’essentiel. Je crois que le point<br />
majeur est le fait que le directeur des<br />
services de renseignement de la nation<br />
ait fait devant le Congrès — et sous<br />
serment — une fausse déclaration,<br />
ce qui est un crime (contre l’État). Si<br />
nous permettons à nos dirigeants officiels<br />
de bafouer sciemment et publiquement<br />
la loi, nous instaurons une<br />
culture de l’impunité. Pour moi, c’est<br />
ce point qui sera considéré, au regard<br />
de l’histoire, comme la plus grave déception<br />
des années de l’administration<br />
Obama. Je ne pense pas que ce seront<br />
les politiques sociales ou économiques<br />
qui produiront le plus cette déception.<br />
Ce qui sera en cause, c’est le fait qu’il<br />
aura dit : il faut aller de l’avant, ne pas<br />
retourner en arrière sur les violations<br />
de la loi qui se sont produites sous<br />
l’administration Bush. Il y avait un<br />
vrai choix à faire lorsqu’il est devenu<br />
président. C’était un choix très difficile<br />
: soit dire « Nous n’allons pas demander<br />
aux hauts responsables politiques<br />
de rendre des comptes en leur<br />
appliquant les mêmes lois que celles<br />
auxquelles sont soumis tous les autres<br />
citoyens de ce pays » ou « Nous sommes<br />
une nation qui croit en l’État de<br />
droit ». Et l’État de droit signifie que<br />
c’est à la police de le garantir, mais<br />
que nous sommes tous assujettis aux<br />
mêmes lois.<br />
The Nation : Pensez-vous que<br />
ceux qui faisaient partie des commissions<br />
chargées des services de<br />
renseignement au Congrès [il y a 2<br />
commissions : une au Sénat et une<br />
à la Chambre des représentants] en<br />
savaient plus que d’autres élus au Sénat<br />
ou à la Chambre des représentants<br />
? Qu’ils savaient qu’on leur mentait et<br />
qu’ils se sont tus ?<br />
ES : Les présidents des commissions<br />
le savaient à coup sûr. Ils font<br />
partie du « Gang des huit » (Gang of<br />
Eight » [2]). Ils sont informés de tout<br />
programme d’action secrète et autres<br />
opérations de ce genre. Ils savent<br />
où tous les cadavres sont enterrés…<br />
Ils reçoivent aussi beaucoup plus de<br />
fonds pour leurs campagnes électorales<br />
que tous les autres candidats de<br />
la part des entreprises qui travaillent<br />
pour la défense, des firmes du renseignement<br />
et des entreprises militaires<br />
privées [qui procurent à l’État des services<br />
de sécurité armée].<br />
Notes<br />
[1] Edward Joseph Snowden est<br />
né le 21 juin 1983. Cet ancien consultant<br />
des services secrets américains a<br />
été l’employé de la CIA et de la National<br />
Security Agency (NSA) — Agence<br />
nationale de sécurité —. Il a révélé les<br />
détails de plusieurs programmes de<br />
surveillance de masse américains et<br />
britanniques. A la suite de ses révélations,<br />
Edward Snowden est inculpé<br />
le 22 juin 2013 par le gouvernement<br />
américain sous les chefs d’accusation<br />
d’espionnage, de vol et d’utilisation<br />
illégale de biens gouvernementaux.<br />
Exilé à Hong Kong en juin 2013, puis<br />
à Moscou, Edward Snowden a obtenu<br />
le 31 juillet 2013 l’asile temporaire en<br />
Russie. Le 1er août <strong>2014</strong>, il obtient le<br />
droit de résidence pour trois ans dans<br />
ce pays. (Source : Wikipédia). Sur le<br />
sujet, lire Christophe Ventura, « La bataille<br />
du cyberespace ».<br />
[2] Le gang des huit (Gang of<br />
Eight) est un groupe au sein du Congrès<br />
de huit responsables qui sont tenus<br />
informés des dossiers classés du<br />
renseignement par l’exécutif (conformément<br />
à l’article 50 §413-1) de la<br />
Constitution). Il comprend : les dirigeants<br />
des deux partis au Sénat et à<br />
la Chambre des représentants et les<br />
présidents et représentants des partis<br />
minoritaires des commissions du renseignement<br />
du Sénat et de la Chambre<br />
des représentants (source : Wikipédia).<br />
Mémoire des luttes 25 novembre<br />
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croit plus libre que jamais. Attention<br />
!, nous dit Assange, Comme le Petit<br />
Poucet, vous laissez derrière vous des<br />
traces de votre vie privée que certaines<br />
firmes, comme Google, recueillent avec<br />
le plus grand soin et archivent secrètement.<br />
Un jour, elles s’en serviront contre<br />
vous…<br />
Pour nous entretenir de tout cela<br />
et de bien d’autres sujets, nous avons<br />
rencontré Julian Assange, lucide et fatigué,<br />
à Londres, le 24 octobre dernier,<br />
dans un petit salon accueillant de<br />
l’Ambassade de l’Equateur. Il est arrivé,<br />
pâle et souriant, avec une barbe blonde<br />
de plusieurs jours, avec sa tête d’ange<br />
préraphaélite, de longs cheveux, des<br />
traits fins, des yeux clairs… Il est grand<br />
et mince ; parle d’une voix basse et<br />
lente. Ce qu’il dit est profond et pensé,<br />
on sent que cela lui vient du fond<br />
de lui-même. Il a quelque chose d’un<br />
gourou… Nous avions prévu parler une<br />
demi-heure, pour ne pas le fatiguer,<br />
mais la conversation devenant de plus<br />
en plus intéressante, nous avons finalement<br />
conversé pendant plus de deux<br />
heures et demie…<br />
Ignacio Ramonet (IR) : Le<br />
cœur de ton nouveau livre — « Quand<br />
Google rencontra WikiLeaks » — est<br />
ta rencontre, en juin 2011, avec Eric<br />
Schmidt, le président exécutif de<br />
Google. A un certain moment tu dis : «<br />
Google est la société la plus influente du<br />
monde ». Qu’entends-tu par « la plus<br />
influente » ?<br />
Julian Assange (JA) : Ce que<br />
j’essaie de dire est que le monde vit<br />
actuellement un changement très profond,<br />
et que Google est l’entité qui a<br />
le plus d’influence sur l’essence de ce<br />
changement et peut-être aussi sur sa<br />
vitesse. Nous pouvons même nous demander<br />
si Google n’est pas, en termes<br />
absolus, l’entreprise la plus influente. Je<br />
n’en suis pas sûr. Il y a plusieurs mégaentreprises<br />
qui pourraient occuper cette<br />
position, celle d’être la plus influente en<br />
termes absolus.<br />
Mais au moins parmi les entreprises<br />
de communication, oui, Google<br />
est, absolument, la plus influente. Il y<br />
en a d’autres qui peuvent avoir aussi<br />
une très grande influence, comme General<br />
Electric, ou Raytheon, ou Booz<br />
Allen Hamilton, ou Exxon Mobil, ou<br />
Chevron, mais elles répondent toutes<br />
plus ou moins à un modèle d’affaires<br />
stabilisé et le genre d’influence qu’elles<br />
peuvent exercer n’est pas si évident.<br />
Elles sont très grandes, c’est sûr, mais<br />
elles sont statiques. Google, en revanche,<br />
est en constante évolution ;<br />
elle a doublé sa valeur en Bourse entre<br />
2011 et aujourd’hui, passant de 200<br />
milliards de dollars à 400 milliards… Et<br />
sa pénétration dans la société globale,<br />
en termes d’interaction avec les individus,<br />
a augmenté plus que toute autre<br />
entreprise de même envergure.<br />
IR : Plus que les firmes financières…<br />
?<br />
JA : Oui, sans aucun doute.<br />
IR : Tu écris que « le progrès de la<br />
technologie de l’information, incarnée<br />
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par Google, annonce la mort de la vie<br />
privée pour la plupart des personnes et<br />
ramène le monde vers l’autoritarisme ».<br />
N’es-tu pas trop pessimiste ?<br />
JA : Je ne crois pas que l’on<br />
puisse regarder le monde et décider si<br />
nous voulons des faits optimistes ou<br />
pessimistes. Les faits sont ce qu’ils<br />
sont. D’autres phénomènes sont en<br />
cours et nous pouvons considérer qu’ils<br />
sont optimistes, mais pas ce que Google<br />
est en train de faire. Il s’agit d’autres<br />
processus en cours.<br />
IR : Nous en parlerons plus tard.<br />
Maintenant je voudrais te demander :<br />
sur quoi te fondes-tu pour affirmer que<br />
« les technologies de la Silicon Valley<br />
sont un instrument au service de la<br />
politique étrangère des Etats-Unis ? ».<br />
JA : Sur plusieurs données que je<br />
décris dans le livre. En premier lieu, la<br />
longue histoire de collaboration entre le<br />
complexe militaro-industriel des Forces<br />
Armées des Etats-Unis et la Silicon<br />
Valley. Toute personne ayant fait des<br />
recherches sur la Silicon Valley le sait.<br />
Noam Chomsky a dénoncé avec force<br />
ce qui s’y est passé dans les décennies<br />
de 1970 et 1980 [2]. En fait, si nous<br />
regardons en arrière et songeons à la<br />
conception que l’on avait à l’époque<br />
des ordinateurs, c’étaient des machines<br />
énormes que les militaires mettaient au<br />
service des grandes entreprises américaines.<br />
L’idée que les gens se faisaient<br />
du superpouvoir des ordinateurs se<br />
reflète dans des films comme, par exemple,<br />
Colossus [3]. En tout cas, à<br />
l’époque c’étaient les militaires qui pilotaient<br />
le développement de l’Etat : en<br />
aidant à aller sur la Lune, à construire<br />
des armes atomiques, à dessiner des<br />
missiles ICBM [4], à accélérer la vitesse<br />
des sous-marins nucléaires, en aidant<br />
le Service des Impôts à surveiller la fiscalité<br />
de chaque personne… Tout cela a<br />
changé dans les années 1990, quand<br />
la Silicon Valley a commencé à développer<br />
un marché de consommation, à<br />
mettre les progrès de la technologie informatique<br />
à la portée du grand public.<br />
C’est à ce moment là que commença à<br />
se créer ce qu’on pourrait appeler une «<br />
bulle de perception » qui présentait les<br />
entreprises de la Silicon Valley comme<br />
« amies » des gens, « amies » des consommateurs.<br />
Apple, Google, Amazon<br />
et plus récemment Facebook, ont encouragé<br />
cette vision et en ont profité.<br />
Et tout cela a créé une illusion… qui a<br />
permis d’oblitérer la vision précédente,<br />
négative, celle que la plupart des universitaires<br />
avaient de la Silicon Valley,<br />
une Sillicon Valey qui collaborait avec<br />
les militaires.<br />
En deuxième lieu, ces nouvelles<br />
sociétés, comme Google, que je décris<br />
dans mon livre, ont établi des liens<br />
étroits avec l’appareil d’Etat, à Washington,<br />
en particulier avec les responsables<br />
de la politique étrangère. Cette<br />
relation est devenue une évidence.<br />
C’est celle des dirigeants de Google, Eric<br />
Schmidt [5], Jared Cohen [6]... Ils ont<br />
les mêmes idées politiques et partagent<br />
une vision du monde identique. Et, au<br />
bout du compte, les liens étroits et la<br />
vision du monde commune de Google<br />
Suite à la page (19)<br />
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16 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
A travers le monde<br />
Ferguson, New York, Berkeley... :« Nous ne pouvons pas respirer »<br />
Par David Brooks *<br />
Dans les rues de New York, comme dans les autres des grandes villes,<br />
des jeunes afro-américains et anglo-saxons marchent ensemble pour<br />
dénoncer la brutalité policière (photo Tony Savino/<strong>Haiti</strong> Liberté)<br />
« Je ne peux pas respirer » on<br />
l’écoute, on le crie, on l’écrit dans les<br />
rues de New York et d’autres villes.<br />
C’étaient les derniers mots d’Eric Garner,<br />
afro-américain, avant de mourir entre les<br />
mains – littéralement, par une clef appliquée<br />
par un policier qui l’a étouffé – des<br />
autorités.<br />
Ce slogan se combine avec « mains<br />
en haut, ne tirez pas », « les vies noires<br />
valent », « Eric Garner, Michael Brown /<br />
Shut it down (stoppez cela) », et « arrêtez<br />
de nous tuer », les slogans qui jaillissent<br />
pas seulement pour les morts et les abus<br />
des autorités contre des minorités, surtout<br />
contre des hommes et des jeunes afroaméricains<br />
désarmés, mais aussi pour<br />
l’impunité qui prévaut dans presque tous<br />
les cas.<br />
La vague de manifestations dans<br />
des dizaines de villes avec des milliers de<br />
participants (qui se sont soldés par des<br />
centaines de détentions) est un chœur<br />
in crescendo d’indignation contre l’abus<br />
des autorités contre les minorités tant<br />
aux mains de la police que du système<br />
judiciaire.<br />
Presque deux fois par semaine<br />
un policier blanc tue un noir aux États-<br />
Unis d’Amérique, comme l’explique USA<br />
Today en se basant sur des données officielles<br />
du FBI. On ne sait pas combien<br />
de ces homicides commis par des policiers<br />
ont été « justifiables » – il n’y a pas de<br />
données précises sur combien de gens la<br />
police aux USA a tués– mais oui, on sait<br />
que dans les cas où tout indique un homicide<br />
non justifiable, l’impunité règne.<br />
Le problème n’est pas tout à fait<br />
nouveau, mais le mouvement suscité,<br />
oui. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une<br />
demande d’une seule communauté minoritaire<br />
ou d’un secteur racial, car les<br />
marches, les actions de désobéissance civile,<br />
les veilles et les manifestations sont<br />
maintenant multiraciales et multi générationnelles.<br />
Dans les rues de New York,<br />
comme dans les autres des grandes villes,<br />
des jeunes afro-américains et anglo-saxons<br />
marchent ensemble, avec des vétérans<br />
de la lutte pour les droits civiques d’il<br />
y a un demi-siècle, avec des vétérans de<br />
mouvements très récents comme Occupy<br />
Wall Street. Syndicalistes, religieux et militants<br />
communautaires marchent ensemble<br />
avec des jeunes lycéens et ajoutent<br />
leur première expérience en participant à<br />
un acte politique.<br />
Jeudi dernier deux groupes<br />
de milliers de personnes ont marché sur<br />
deux routes, l’un pour occuper le Pont de<br />
Brooklyn, l’autre qui s’est dirigé au milieu<br />
du trafic de l’artère centrale de Broadway,<br />
avançant entre les coups de klaxons au<br />
milieu des véhicules bloqués par la mobilisation,<br />
avec des banderoles et des pancartes<br />
; certaines en espagnol, et mêmes<br />
plusieurs en hébreu, et qui après avoir<br />
traversé un coin de Chinatown, à la hauteur<br />
du Canal, ont été salués par quelques<br />
chinois qui ont levé le poing en signe de<br />
soutien.<br />
Ces jours ci, des groupes de manifestants<br />
se sont couchés par terre au principal<br />
étage du grand magasin de Macy’s,<br />
du magasin Apple dans la Cinquième Avenue<br />
et plusieurs fois à la gare de Grand<br />
Central Terminal. De la même façon, des<br />
actes de protestation ont été menés dans<br />
des collèges publics, comme Harvest Collegiate<br />
à New York, ainsi que dans les<br />
universités. Ces scènes se répètent dans<br />
d’autres grandes et petites villes partout<br />
dans le pays.<br />
Certains disent que c’est la naissance<br />
du nouveau « mouvement de<br />
droits civiques », juste 50 ans après que<br />
se fêtent les principaux succès du premier<br />
mouvement de droits civiques,<br />
mais avec des différences remarquables.<br />
Et de souligner que ce n’est pas seulement<br />
une manifestation contre des abus<br />
; mais aussi une affirmation de droits de<br />
l’homme fondamentaux. D’un autre côté,<br />
l’usage des réseaux sociaux, où information,<br />
images et sons sont partagés depuis<br />
un endroit où la colère éclate quelque part<br />
dans le pays avec tous les autres endroits,<br />
permet un dialogue constant qui est en<br />
quelque sorte une narration collective in<br />
live de ces expressions ; même si parfois<br />
cela devient seulement une cacophonie<br />
de colère partagée.<br />
Une autre caractéristique attire<br />
l’attention : il n’y a pas de leaders, pour<br />
l’instant. Il est clair qu’il y a des vieilles<br />
organisations qui participent, mais il n’y a<br />
pas de leaders politiques ou religieux dans<br />
la conduite de ces expressions. « La diffusion<br />
virale des manifestations –et la large<br />
gamme des étatsuniens qui les organisent<br />
et y participent– démontrent que ce qui se<br />
percevait à un moment comme un sujet<br />
afro-américain est en train d’être perçu<br />
comme un problème central usaméricain<br />
», affirme un éditorial du New York Times.<br />
Il remarque que « la question du moment<br />
est si le leadership politique du pays a la<br />
volonté de freiner les pratiques de police<br />
La vague de manifestations dans des dizaines de villes avec des milliers<br />
de participants (qui se sont soldés par des centaines de détentions) est<br />
un chœur in crescendo d’indignation contre l’abus des autorités contre<br />
les minorités tant aux mains de la police que du système judiciaire.<br />
abusives et discriminatoires … »<br />
Le président, les parlementaires, les<br />
maires et les chefs de police promettent<br />
des changements, reconnaissent qu’il<br />
faut réparer le « manque de confiance »<br />
entre les communautés de couleur et la<br />
police, proposent une formation des policiers<br />
et plus d’investigations. Les manifestants<br />
semblent être peu convaincus<br />
et, pour l’instant, les manifestations ne<br />
cessent pas parce que ce qu’ils dénoncent<br />
ne s’arrange pas.<br />
Ce week-end ont eu lieu les obsèques<br />
d’Akai Gurley, jeune afro-américain de<br />
28 ans mort aux mains d’un policier le<br />
mois dernier dans un ensemble de logements<br />
publics à Brooklyn. Les autorités<br />
affirment que c’était « un accident ». C’est<br />
un nom de plus dans la liste des homicides<br />
récents : Garner, Michael Brown à<br />
Ferguson, l’enfant de 12 ans à Cleveland,<br />
l’homme qui revenait avec le dîner pour<br />
sa famille à Phoenix la semaine dernière.<br />
Rien de cela n’est tout à fait nouveau :<br />
dans la mémoire collective il y a des cas<br />
comme celui d’Amadou Diallo, abattu à<br />
l’entrée d’un immeuble par des policiers<br />
qui ont tiré 41 fois (sujet de la chanson<br />
de Bruce Springsteen American Skin-41<br />
Shots) en 1999 et Patrick Dorismond en<br />
2000, un autre noir désarmé, parmi des<br />
centaines d’autres. Mais la douleur des<br />
familles et des communautés « de couleur<br />
» devient, enfin, une douleur partagée,<br />
et cela s’est traduit par une colère collective<br />
; le message se transforme de « je ne<br />
peux pas respirer » en « nous ne pouvons<br />
pas respirer ». Certains rappellent ici que<br />
Frantz Fanon a dit, en faisant référence<br />
aux peuples opprimés qui se soulèvent :<br />
« nous nous rebellons simplement parce<br />
que, pour plusieurs raisons, nous ne pouvons<br />
déjà plus respirer ».<br />
* David Brooks est journaliste et<br />
correspondant aux USA pour le<br />
quotidien mexicain La Jornada<br />
La Jornada. Mexique,<br />
8 décembre <strong>2014</strong>.<br />
Traduit de l’espagnol par :<br />
Estelle et Carlos Debiasi.<br />
El Correo. Paris, 8 décembre <strong>2014</strong>.<br />
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<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
17
Fenêtre ouverte sur la communauté haïtienne de New York (IX)<br />
Le succès peu visible de certains restaurants traditionnels<br />
Par Lesly Eustache<br />
Récemment dans cette rubrique,<br />
nous avons souligné les progrès<br />
réalisés par les Haïtiens dans l’industrie<br />
de la restauration à New York. Nous<br />
avons mis l’accent sur les nouveaux<br />
venus sur la scène tels que les restaurants<br />
de style cafeteria, les fritures, et<br />
les traiteurs pour toutes les occasions<br />
à cause de leur multiplication. Nous<br />
avons également remarqué que les restaurants<br />
traditionnels, c’est-à-dire ceux<br />
dans lesquels les clients sont accueillis<br />
par une serveuse qui prend charge de<br />
la table, reçoit les commandes, et apporte<br />
la nourriture, vu les circonstances<br />
et les conditions de fonctionnement de<br />
ses clients sont de moins en moins<br />
fréquentés.<br />
A présent, ces restaurants sont<br />
censés être au second plan pour de<br />
nombreuses raisons. Il y a la qualité<br />
du service qui souvent n’est pas la<br />
meilleure, le manque de compétence<br />
de la majorité des serveuses en service<br />
à la clientèle, le prix élevé des repas,<br />
une barrière linguistique qui empêche<br />
les étrangers de fréquenter ces restaurants,<br />
enfin et surtout, la prolifération<br />
des restaurants de type cafétéria dans<br />
la communauté.<br />
En dépit de la tendance à la<br />
baisse dans l’ensemble des restaurants<br />
traditionnels, nous ne pouvons nier<br />
qu’ils jouent un rôle important dans<br />
notre communauté. Tout d’abord, ils<br />
restent les restaurants préférés des<br />
gens qui aiment la gastronomie haïtienne,<br />
car ils offrent une plus grande<br />
variété de plats typiques dans leurs<br />
menus. Ainsi, ils sont fréquentés par<br />
de nombreuses familles.<br />
D’une part, il y a des familles<br />
dans notre communauté qui choisissent<br />
de prendre un répit dans la cuisine<br />
familiale et d’aller manger dans<br />
un restaurant, parfois, le dimanche en<br />
particulier. Quand elles le font, elles<br />
choisissent les restaurants traditionnels<br />
parce que la grande majorité des<br />
restaurants de style cafeteria et des<br />
fritures ne prévoient pas de salle à<br />
manger pour leurs clients. Il y a aussi<br />
des couples, des amants, des amis, ou<br />
même des individus qui ne veulent pas<br />
manger chez eux parfois et qui choisissent<br />
ces restaurants pour les raisons<br />
susmentionnées.<br />
D’autre part, il y a ceux qui travaillent<br />
dans le secteur du transport,<br />
en particulier les chauffeurs de taxi,<br />
indépendamment du statut. Ils représentent<br />
les pierres angulaires de ces<br />
restaurants parce qu’ils constituent le<br />
gros de leurs clients. Ils préfèrent manger<br />
dans ces restaurants parce que c’est<br />
là que les genres de repas auxquels ils<br />
sont habitués en Haïti sont servis pour<br />
le déjeuner, le dîner aussi bien que pour<br />
le souper. C’est là aussi qu’ils peuvent<br />
s’asseoir et avoir une conversation<br />
avec un ami ou un associé.<br />
La majorité des clients des restaurants<br />
traditionnels est de sexe masculin.<br />
Beaucoup d’entre ces hommes<br />
sont célibataires ou ont quitté leurs<br />
femmes en Haïti. Dû au fait que, traditionnellement,<br />
les hommes ne cuisent<br />
pas en Haïti, la plupart d’entre eux ne<br />
savent même pas comment faire cuire,<br />
ce qui signifie qu’ils dépendent de ces<br />
restaurants pour leur survie.<br />
Ainsi la prolifération des nouveaux<br />
types de restaurants ne veut<br />
pas dire que les restaurants traditionnels<br />
vont disparaître, car ils jouent<br />
un rôle important dans notre communauté.<br />
Beaucoup ont fermé leur porte<br />
pour céder la place à d’autres. Il y en a<br />
plusieurs qui existent depuis de nombreuses<br />
années tels que : Venus Restaurant,<br />
Ambiance Restaurant, Katou<br />
Restaurant, Kreyòl Flavour, Immaculée<br />
Restaurant ; pour ne citer que ceuxlà.<br />
Ils ont passé l’épreuve du temps<br />
et continuent de nourrir beaucoup de<br />
compatriotes.<br />
La plupart de ceux-là qui ont<br />
survécu ont construit une clientèle,<br />
composée surtout d’hommes, qui reste<br />
fidele pour de nombreuses raisons. Certains<br />
ont employé des cuisiniers dont<br />
les talents culinaires sont exceptionnels.<br />
Ainsi, ces restaurants sont connus<br />
pour leur bonne cuisine, ce qui est un<br />
atout majeur pour leur longévité. Certains<br />
fournissent des divertissements<br />
en plus de la nourriture. Certains de<br />
ces propriétaires ont de bonnes compétences<br />
en relations publiques. Ils ont pu<br />
établir et maintenir de bonnes relations<br />
avec leurs clients au fil des ans, ce qui<br />
est un facteur important qui leur permet<br />
de poursuivre leurs activités même<br />
quand la compétition bat son plein.<br />
En plus de fournir un service qui<br />
permet à de nombreux compatriotes de<br />
satisfaire un besoin fondamental en<br />
cette terre étrangère, ces restaurants<br />
devraient participer aux activités communautaires<br />
en apportant un soutien à<br />
de nombreuses organisations de base<br />
en leurs fournissant de la nourriture<br />
gratuitement pour des événements<br />
culturels et sociopolitiques de petite<br />
échelle.<br />
Si des changements positifs dans<br />
la taille et la valeur économique d’une<br />
entreprise étaient les seuls facteurs déterminants<br />
de son succès, ces restaurants<br />
seraient considérés comme des<br />
échecs. Mais c’est plus compliqué que<br />
cela. Le fait que malgré les compétitions<br />
et les obstacles qu’ils rencontrent,<br />
ils continuent de fournir leurs services<br />
après de nombreuses années d’existence,<br />
c’est la preuve qu’ils ont réussi.<br />
Bravo pour ces institutions !<br />
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18 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>
Suite de la page (16)<br />
et de l’Administration américaine<br />
sont au service des objectifs de la<br />
politique étrangère des Etats-Unis.<br />
IR : Précisément, sur ce<br />
même sujet, tu écris que quand<br />
Eric Schmidt a visité la Chine, la<br />
Corée du Nord et la Birmanie en<br />
2013, il était clair qu’il menait une<br />
opération de « diplomatie occulte<br />
» pour Washington. En as-tu des<br />
preuves ?<br />
JA : Je me fonde sur mon<br />
expérience. Nous avons pu prouver<br />
que quand il y avait un flux<br />
d’information entre Eric Schmidt<br />
et moi, cette information arrivait<br />
immédiatement au plus haut<br />
niveau du Département d’Etat [7].<br />
Et quand Eric Schmidt me contactait<br />
à travers Lisa Shields [8],<br />
le flux d’information se produisait<br />
auparavant, dans le sens<br />
contraire, du Département d’Etat<br />
à Eric Schmidt… En ce qui concerne<br />
la diplomatie occulte avec la<br />
Corée du Nord et autres pays avec<br />
lesquels Washington ne veut pas<br />
que l’on sache qu’il communique<br />
directement, ce n’est pas moi qui<br />
l’affirme, je me limite à répéter<br />
et à reproduire les affirmations<br />
d’autres personnes expertes. Mais<br />
comme je viens de te le dire, j’ai eu<br />
l’expérience concrète du rôle d’Eric<br />
Schmidt d’informateur du Département<br />
d’Etat ; d’autres experts<br />
ont su également évaluer ce que<br />
Schmidt a fait en Corée du Nord et<br />
dans d’autres pays.<br />
A suivre<br />
Notes<br />
[1] L’ouvrage n’est pas encore<br />
traduit en français.<br />
[2] Lire l’entretien avec<br />
Noam Chomsky (réalisé le 15 août<br />
2012 par Jegan Vincent de Paul),<br />
« Noam Chomsky on Government,<br />
Silicon Valley and the Internet ».<br />
[3] Colossus : The Forbin<br />
Project (Colossus : le projet Forbin),<br />
1970, Dir : Joseph Sargent. Film de<br />
science fiction qui raconte comment<br />
le gouvernement des Etats-<br />
Unis cède la défense du pays à un<br />
super-ordinateur qui contacte le<br />
super-ordinateur des soviétiques,<br />
appelé Guardian, pour former<br />
un hyper-ordinateur qui prenant<br />
conscience de son pouvoir, prend<br />
le contrôle de la planète.<br />
[4] Missile Balistique Intercontinental.<br />
[5] Après avoir été de 2001<br />
à avril 2011, directeur exécutif<br />
(conseiller délégué) de Google, Eric<br />
Schmidt est, depuis le 4 avril 2011,<br />
président exécutif du Conseil d’administration<br />
de Google.<br />
[6] Jared Cohen est le directeur<br />
de Google Ideas, un think tank<br />
sponsorisé par Google dans le but<br />
d’« identifier les défis globaux et de<br />
définir les solutions technologiques<br />
qui pourraient y répondre ». Il a été<br />
conseillerdeCondoleeza Rice et de<br />
Hillary Clinton, Secrétaires d’Etat<br />
(ministres des affaires étrangères)<br />
de George W. Bush et de Barack<br />
Obama, respectivement.<br />
[7] Ministère des affaires<br />
étrangères des Etats-Unis.<br />
[8] Lisa Shields, directrice<br />
des communications du Council<br />
on Foreign Relations (Conseil<br />
des affaires étrangères), le plus<br />
important think tank de relations<br />
extérieures, lié aux démocrates du<br />
Département d’Etat ; fiancée d’Eric<br />
Schmidt.<br />
(Londres, le 24 octobre <strong>2014</strong>.<br />
Le texte de l’interview a été<br />
revu par Julian Assange)<br />
Mémoire des luttes<br />
4 décembre <strong>2014</strong><br />
Suite de la page (20)<br />
nous avons consolidée dans<br />
la Patrie que Chavez nous a<br />
léguée et qui nous permettra<br />
d’arriver à l’irréversibilité de<br />
notre construction Socialiste.<br />
Evidemment, nous<br />
devons apprendre à surmonter<br />
la culture du gaspillage,<br />
nous devrons être plus<br />
efficaces et nous habituer à<br />
épargner, nous devons finir<br />
de surmonter la mentalité du<br />
«Venezuela Saoudite» et du<br />
«Ta’Barato» (Bon marché)<br />
pour devenir un peuple créatif,<br />
inventif, enthousiaste et<br />
entreprenant qui continuera<br />
à transformer le modèle<br />
hérité de la IV° République<br />
et voir la «crise» comme ce<br />
qu’elle est: une opportunité<br />
pour commencer à dépasser<br />
une fois pour toutes le rentisme<br />
pétrolier.<br />
Comme l’a dit une fois<br />
notre Commandant Eternel,<br />
le 25 octobre 20<strong>10</strong>, en rentrant<br />
d’une tournée historique<br />
en Europe, en Asie, en<br />
Afrique, une croisade pour<br />
renforcer l’OPEP: «nous<br />
donnerons des détails sur les<br />
69 accords que nous avons<br />
signés avec ces pays frères,<br />
pour des logements, des logements<br />
pour le peuple, un<br />
commerce pour nos produits<br />
pour rompre avec le modèle<br />
pervers qu’ils nous ont imposé,<br />
le modèle de la monoproduction<br />
pétrolière. La<br />
dépendance pétrolière, nous<br />
devons la rompre». Et nous<br />
y arriverons, Commandant<br />
Eternel, que personne n’en<br />
doute! Nous continuerons à<br />
vaincre!<br />
Vive Chavez!<br />
Vive la souveraineté Pétrolière!<br />
Vive la Patrie Productive!<br />
Vive le Socialisme Bolivarien!<br />
Barinas,<br />
30 novembre <strong>2014</strong><br />
Traduction Françoise Lopez<br />
Viva Venezuela<br />
3 Décembre <strong>2014</strong><br />
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19
Venezuela: pétrole et socialisme<br />
Par Adan Chavez Frias<br />
Avec la baisse des prix du baril de<br />
pétrole, l’extrême-droite vénézuélienne<br />
a lancé une offensive de<br />
propagande pour essayer d’effrayer le<br />
peuple. Il est certain que la grande majorité<br />
de la population ne maîtrise pas<br />
encore complètement certains termes<br />
et certains concepts comme fracking,<br />
réduction de quotas, volatilité des marchés<br />
; et pour cette raison, certains<br />
pourraient être une proie facile de soidisant<br />
«analystes», d’acteurs politiques<br />
des secteurs putschistes qui promettent<br />
une sorte «d’apocalypse» dans les prochains<br />
mois. Rien n’est plus loin de la<br />
réalité ; mais pour combattre ces mensonges,<br />
il faut que nous étudiions plus<br />
et que chacun de nous devienne sans<br />
aucun doute un expert en pétrole.<br />
Il est primordial de rappeler que<br />
quand, en 1998, le Commandant Eternel<br />
Hugo Chavez est arrivé à la Présidence,<br />
le prix du pétrole vénézuélien<br />
était à environ 8 dollars le baril. Notre<br />
pétrole ne valait pratiquement rien.<br />
C’était une partie de la politique impérialiste<br />
qui avait transformé l’Organisation<br />
des Pays Exportateurs de Pétrole<br />
(OPEP) en garde-fou au service des<br />
grandes puissances. Et avec ce prix<br />
du baril, a commencé la Révolution<br />
Bolivarienne. Mais, cela n’a pas empêché<br />
le président Chavez de réaliser la<br />
promesse qu’il avait faite au peuple et<br />
il appela à une Assemblée Constituante.<br />
Mais le plus problématique n’était<br />
pas le prix bas ; mais la politique mise<br />
en place par la IV° République avec<br />
la néfaste Ouverture Pétrolière. A ce<br />
moment-là, l’économie nationale perdait<br />
avec n’importe quel prix parce que<br />
les bénéfices, les transnationales les<br />
emmenaient. Les entreprises payaient<br />
seulement 1% de ce cadeau à l’Etat<br />
et gardaient le reste. Dit d’une autre<br />
manière, pour chaque <strong>10</strong>0 barils qu’ils<br />
extrayaient, ils en payaient seulement<br />
1 et ils gardaient le bénéfice que produi-<br />
Le Commandant Eternel Hugo<br />
Chavez Frias<br />
saient les 99 autres. Ils ne payaient pas<br />
non plus d’impôts et PDVSA avait une<br />
participation minoritaire bien que le pétrole<br />
soit dans le sol vénézuélien. Sans<br />
compter la maltraitance de la classe<br />
ouvrière, les dégâts écologiques et les<br />
pratiques d’exploitation irrationnelle.<br />
Au Venezuela de AD et de COPEI,<br />
les entreprises transnationales gardaient<br />
la majorité des ressources de<br />
l’entreprise pétrolière. Le peu d’argent<br />
qui entrait dans les coffres de la nation<br />
enrichissait de plus en plus la bourgeoisie<br />
créole et remplissait les bourses des<br />
fonctionnaires corrompus ; c’est pourquoi,<br />
dans les dernières décennies de la<br />
IV° République, la faim et la pauvreté<br />
atteignirent dans le pays des niveaux<br />
encore jamais vus auparavant. Cela fut<br />
une des causes du Caracazo, en 1989,<br />
et des rébellions civico-militaires du 4<br />
février et du 27 novembre 1992.<br />
Le Commandant Chavez a démonté<br />
l’Ouverture Pétrolière. Pour<br />
cela, il était indispensable que le peuple<br />
prenne le contrôle de l’industrie. Quand<br />
Chavez a commencé à récupérer PDV-<br />
SA, il a été la cible d’un coup d’Etat en<br />
2002. Et depuis ce moment, la droite et<br />
les secteurs conservateurs et fascistes<br />
n’ont pas cessé de faire une guerre économique<br />
pour remettre la main sur la<br />
rente pétrolière.<br />
Chavez a promulgué la Loi Organique<br />
sur les Hydrocarbures qui a<br />
établi une taxe de 30%, le sabotage<br />
pétrolier a été vaincu, les conventions<br />
d’exploitation qui portaient atteinte aux<br />
intérêts de la Patrie ont été démontées.<br />
On a réformé la Loi Fiscale sur la Rente<br />
en même temps qu’on nationalisait la<br />
Bande Pétrolifère de l’Orénoque (FPO).<br />
Sous la IV° République, ils disaient<br />
que nos réserves pétrolières<br />
étaient de 78 000 millions de barils<br />
de pétrole et ils ne comptaient pas la<br />
Bande qu’ils s’étaient déjà répartie<br />
entre les transnationales pour l’exploiter<br />
à 4 dollars le baril, parce que, selon<br />
eux, ce n’était pas du pétrole mais du<br />
bitume. Le Commandant Chavez, avec<br />
Le camarade président<br />
Nicolas Maduro<br />
le Plan Semence Pétrolière a informé<br />
sur nos réserves attestées qui avaient<br />
augmenté de 282% pour atteindre 294<br />
770 millions de barils de pétrole. Cela<br />
faisait de nous la plus grande réserve<br />
de pétrole de la planète.<br />
L’héritage de Chavez est une<br />
industrie pétrolière du peuple et pour<br />
le peuple. La Révolution Bolivarienne<br />
a le contrôle strict du négoce pétrolier<br />
et sur les recettes brutes par baril, 94%<br />
restent à l’Etat. Grâce à Chavez, nous<br />
avons la Pleine Souveraineté Pétrolière<br />
et nous avons utilisé ces recettes<br />
pour commencer la construction d’un<br />
modèle économique de production<br />
d’orientation socialiste qui nous permet<br />
de dépasser le capitalisme rentier.<br />
Nous avons utilisé et nous allons<br />
utiliser toute cette richesse pétrolière<br />
Quand Chavez a commencé à récupérer PDVSA, il a été la cible d'un coup<br />
d'Etat en 2002<br />
non seulement pour donner au peuple<br />
l’alimentation, la santé, l’éducation la<br />
qualité de la vie ; mais aussi pour élargir<br />
toutes nos capacités industrielles et<br />
toutes nos forces productives.<br />
Les changements actuels sur le<br />
marché pétrolier international, produits<br />
par l’anarchie capitaliste, ne vont pas<br />
nous faire reculer. Ce n’est pas la première<br />
fois que nous vivons une situation<br />
semblable. En 2008, à cause de<br />
la catastrophe financière mondiale, le<br />
pétrole est tombé de 140 dollars à 35<br />
dollars le baril. Et la Révolution Bolivarienne<br />
est là, invaincue.<br />
Adan Chavez Frias<br />
Le marché se stabilisera tôt ou<br />
tard. Un prix à la baisse est insoutenable<br />
pendant longtemps pour l’industrie<br />
pétrolière mondiale parce que le<br />
prix juste du baril est celui qu’a signalé<br />
le Gouvernement Bolivarien, quelques<br />
<strong>10</strong>0 dollars. De plus, nous continuerons<br />
à faire les démarches internationales<br />
nécessaires pour atteindre cette<br />
stabilisation en un temps raisonnable.<br />
Il est certain que cette conjoncture<br />
nous affectera ; mais comme l’a dit<br />
le camarade président Nicolas Maduro,<br />
les ressources pour couvrir les besoins<br />
de base et le bien vivre de notre population<br />
sont garanties.<br />
Pour ceux qui se frottent les<br />
mains en prédisant la chute de la Révolution<br />
avec les prix du baril de pétrole,<br />
nous leur disons de ne pas se presser. Le<br />
soubresaut de ce déséquilibre des prix<br />
met seulement en évidence la rapidité<br />
avec laquelle diminuent les dépenses<br />
du consommateur mondial à cause de<br />
la crise systémique du capitalisme.<br />
C’est à dire que dans le monde<br />
capitalisme, augmenteront la faim, la<br />
pauvreté, le chômage, la perte des prestations<br />
et des retraites, le manque de<br />
combustible. Mais au Venezuela Bolivarien<br />
et Chaviste, il n’y a pas de faim<br />
actuellement et nous avons fait un long<br />
chemin pour surmonter la pauvreté.<br />
Il est possible que nous voyions avec<br />
tristesse la façon dont la misère augmente<br />
dans les pays du nord alors que<br />
nous restons avec des difficultés mais<br />
stables et nous verrons la force que<br />
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