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Perspectives<br />
La désignation de Michaëlle Jean à la<br />
tête de l’OIF et les attentes d’Haïti<br />
Par Jacques NESI<br />
Michaëlle Jean vient de réussir un<br />
excellent pari en passant de son<br />
statut de journaliste de télévision, d’ex<br />
gouverneur général du Canada, à celui<br />
de secrétaire général de l’Organisation<br />
internationale de la francophonie. C’est<br />
un beau parcours qui laisse plus d’un<br />
admiratif et songeur. Il est salué par<br />
la presse occidentale et haïtienne. Les<br />
deux traitements, différenciés, jouent<br />
sur les mots, choisis selon la face que<br />
l’on souhaite valoriser, déconstruire,<br />
sans se départir de l’intention voilée<br />
de la récupération. C’est d’abord « une<br />
victoire à l’arraché » pour le Canada qui<br />
a soutenu sa candidature dans toutes<br />
les capitales importantes de la francophonie.<br />
Au nom de son passé de Chef<br />
de l’Etat du Commonwealth, le premier<br />
ministre Canadien a battu la grosse<br />
caisse, aidé de la stratégie brouillonne<br />
des chefs d’Etat africains. La France de<br />
son côté y voit l’une de ses représentantes,<br />
française de surcroit, orpheline<br />
de son candidat Blaise Compaoré. Elle<br />
s’est ralliée au symbolisme et à une<br />
rupture, dans les pratiques à rechercher<br />
dans la francophonie un asile doré pour<br />
d’anciens chefs d’Etat aux mains entachées<br />
de sang, ayant un goût prononcé<br />
pour le vol des élections et le détournement<br />
de fonds publics.<br />
Derrière le choix de Michaëlle Jean,<br />
le président français François Hollande<br />
a réussi une révolution en douceur empreinte<br />
de réalisme et d’ouverture. Dans<br />
ce jeu souterrain où les intérêts sournois<br />
se cachent derrière la rhétorique<br />
diplomatique, les évocations à la patrie<br />
de Dessalines qui a viré de main d’un<br />
Chef, deux cent ans de cela, les français<br />
sur l’ile sont peu présentes dans les esprits.<br />
La « jacmélienne » pour peu qu’on<br />
s’en souvienne, n’est rappelée que par<br />
la presse haïtienne. On y découvre, à<br />
bien réfléchir, l’ambivalence de l’élite<br />
de la diaspora haïtienne, au service de<br />
toutes les bannières, sans qu’on y dessine<br />
une quelconque plaidoirie. La fierté<br />
haïtienne est incolore, inodore : passepartout,<br />
elle défendait la couronne britannique<br />
hier, aujourd’hui elle défend<br />
la France, d’autres ont vendu leur âme<br />
aux américains, aux forces onusiennes.<br />
Des fonctionnaires onusiens au service<br />
d’organisations des droits de l’homme,<br />
des organisations para-onusiennes,<br />
brillants, deviennent des pèlerins du<br />
développement, des faiseurs de paix,<br />
alors qu’Haïti se laisse conduire par un<br />
ignare avoué de la gestion politique.<br />
Une élite brillante à l’extérieur en état<br />
de formol à l’intérieur ! Une élite démissionnaire,<br />
réfugiée permanente dans les<br />
prix littéraires et les essais lumineux,<br />
mais qui abandonne son pays aux cancres,<br />
aux noceurs d’expédients, et aux<br />
marchands du crack ! De la désignation<br />
de Michaëlle Jean, elle attend un «<br />
phare d’espérances et de concorde, de<br />
solidarité et d’humanisme » comme l’a<br />
dit l’ancien président sénégalais Abdou<br />
Diouf, secrétaire général sortant<br />
au sommet de l’OIF. Plus qu’un phare,<br />
Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin,<br />
un cap.<br />
D’abord, Michaëlle Jean a été désignée<br />
par consensus. Ce qui annonce<br />
un style de commandement consensuel,<br />
et obère en même temps son mandat<br />
parce qu’elle doit composer avec des<br />
réseaux et des nombreuses structures<br />
animateurs de la francophonie. Ensuite,<br />
elle doit travailler davantage sa vision,<br />
son projet pour la francophonie qui<br />
devient aujourd’hui un espace diplomatique<br />
de pouvoirs, rivalisant avec la<br />
structure de l’Organisation des nations<br />
Unies. En effet, elle est composée de 80<br />
pays ou régions (57 membres et 23<br />
observateurs), convoitée par d’autres<br />
pays qui n’ont pas la langue française<br />
en commun (le Mexique, le Costa Rica,<br />
le Kosovo). Michaëlle Jean doit tenter<br />
de résoudre la quadrature du cercle en<br />
De la désignation de Michaëlle Jean, <strong>Haiti</strong> attend un « phare d’espérances<br />
et de concorde, de solidarité et d’humanisme » comme l’a dit l’ancien<br />
président sénégalais Abdou Diouf, secrétaire général sortant au sommet de<br />
l’OIF. Plus qu’un phare, Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin, un cap.<br />
rénovant ce cénacle de vieux crocodiles<br />
africains cooptés par la France qui investit<br />
les sommets de l’OIF comme de<br />
véritables espaces de recyclage pour des<br />
apprentis- démocrates maternés ,déçus<br />
par une politique de petits pas vers la<br />
démocratie. Enfin, elle doit être amenée<br />
à convaincre la France, notamment<br />
ses élites qui considèrent que la culture<br />
anglo-saxonne est déjà victorieuse, et<br />
quoiqu’elle fasse, l’espace francophone<br />
ne sera qu’un nain rabougri, recroquevillé<br />
autour de lui, répétant sans<br />
y croire la vulgate de l’économie de<br />
marché condamnant les plus pauvres,<br />
les plus fragiles à se soumettre aux effets<br />
désastreux de la globalisation des<br />
marchés , à la société de consommation<br />
des biens futiles. La France réduit de<br />
moitié ses crédits et s’oriente de façon<br />
résignée vers la définition d’une politique<br />
francophone aux ambitions tièdes<br />
et aux ectoplasmes émollients.<br />
La mission de Michaëlle Jean est<br />
d’accomplir trois missions : convaincre<br />
la France qu’investir dans la francophonie<br />
est un formidable retour de<br />
celle-ci dans l’imaginaire des peuples du<br />
Sud, à commencer par associer le développement<br />
de la langue aux échanges<br />
économiques. Les pratiques culturelles<br />
résultant de la langue ne sont pas<br />
antinomiques à la construction d’un<br />
vaste marché régional qui s’organisera<br />
autour des pôles de compétitivité des<br />
pays émergents de l’Afrique, et une<br />
compréhension des réseaux vétustes<br />
africains dépendants de l’extraversion,<br />
de la rente, de la politique du ventre .<br />
A ce point de vue, la pénétration d’une<br />
figure nord-américaine (le Canada la<br />
revendique), frottée à la culture anglosaxonne,<br />
exigeant moins de palabres<br />
que de résultats tangibles, peut être<br />
une source de remises en question<br />
pour le modèle africain. Haïti a besoin<br />
de l’Afrique, de ses exemples saints,<br />
de ses trajectoires aux résultats prometteurs<br />
pour recomposer son destin. Le<br />
modèle africain qui offre le spectacle<br />
de chefs d’Etat kleptocrates sourds à la<br />
distribution des revenus aux catégories<br />
les plus faibles, aux calamités, aux pandémies<br />
porteuses de repli sur soi et de<br />
décimation, doit être battu en brèche et<br />
contré par une Afrique conquérante. A<br />
ce niveau, la troisième mission de Michaëlle<br />
Jean est de concevoir la francophonie,<br />
en rupture avec l’afro-pessimisme<br />
occidental, mais plutôt comme<br />
un vaste marché d’échanges commerciaux,<br />
technologiques , culturels entre<br />
les Etats qui ont des revenus notables<br />
et d’autres qui trainent leurs pieds conduisant<br />
des stratégies de pérennisation<br />
du pouvoir en allumant des brasiers<br />
tribaux, et attendant des solutions messianiques<br />
de la France.<br />
Le mandat de Michaëlle Jean peut<br />
être un formidable élan à la poursuite<br />
du sommet de Cotonou de 1995 où<br />
Jacques Chirac insistait sur la promotion<br />
de l’entreprise privée et du partenariat<br />
d’entreprises et les actions favorisant<br />
la mobilisation de l’épargne. En effet,<br />
plus que jamais le mot de Nicéphore<br />
Dieudonné Soglo, en 1991, ancien<br />
président du Bénin, est d’actualité et<br />
Michaëlle Jean pourrait s’en inspirer :<br />
« Quant à l’Afrique francophone, elle<br />
n’aura de chance de se pérenniser que si<br />
cette Afrique au Sud du Sahara devient<br />
un partenaire économiquement fort.<br />
»La petite ONU francophone ne deviendra<br />
forte que si la pauvreté sera combattue<br />
avec la dernière énergie, la gouvernance<br />
sera débarrassée des complexes<br />
hérités de l’histoire, et les élites formées<br />
assumeront leurs responsabilités.<br />
Suite à la page (15)<br />
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Soutenance de thèse de Jacques<br />
Nesi pour l’obtention du grade<br />
de docteur en science politique<br />
Conduits sous la direction du professeur<br />
Justin DANIEL, professeur<br />
en science politique à l’université<br />
des Antilles – Guyane, les travaux<br />
de Jacques NESI seront présentés en<br />
public le samedi 13 Décembre prochain.<br />
Ils portent sur des thèmes<br />
majeurs dans l’histoire politique haïtienne<br />
des trente dernières années :la<br />
démocratisation, l’Etat, l’intervention<br />
de la communauté internationale,<br />
la reconstruction de l’Etat. Le titre<br />
de la recherche est : « HAITI A<br />
L’EPREUVE DE LA DEMOCRATISA-<br />
TION : FAIBLESSE, RECONSTRUC-<br />
TION ET REINVENTION DE L’ETAT<br />
(1986-2004).<br />
En voici le résumé :<br />
Qu’est ce qui explique la<br />
faiblesse d’un Etat qui s’est engagé<br />
depuis plus de vingt ans à rompre<br />
avec les pratiques de l’autoritarisme<br />
et du néo-patrimonialisme ? Pourquoi<br />
les promesses d’une démocratisation<br />
réussie, malgré le soutien massif des<br />
acteurs de la « société internationale »<br />
ont paradoxalement débouché sur la<br />
déstabilisation de l’Etat dans un contexte<br />
de crises récurrentes ? Ce sont<br />
les interrogations principales qui orientent<br />
cette recherche qui se donne<br />
pour ambition d’étudier les processus<br />
par lesquels les élites et les masses haïtiennes<br />
s’approprient la démocratie.<br />
De ce point de vue, la démocratisation<br />
s’analyse comme une ressource politique<br />
et institutionnelle revendiquée<br />
par ces dernières comme élément<br />
probant de leur adhésion à la grammaire<br />
démocratique. Dès lors, il s’agit<br />
de scruter les routes sinueuses et<br />
chaotiques empruntées par la démocratisation<br />
en Haïti, en interrogeant les<br />
diverses séquences marquantes de<br />
l’histoire politique haïtienne. L’accent<br />
est mis sur l’importation des technologies<br />
institutionnelles d’origine<br />
occidentale, notamment durant la<br />
période ouverte en 1994 avec la réinstallation<br />
de Jean-Bertrand Aristide<br />
dans ses fonctions de président et<br />
celle qui commence en 2004 avec<br />
son départ forcé du pouvoir. Ces deux<br />
séquences historiques, sous-tendues<br />
par des plans de reconstruction de<br />
l’Etat, sont marquées par la mobilisation<br />
de ressources diverses, en vue de<br />
jeter les bases d’une nouvelle gouvernance<br />
politique et économique. Elles<br />
circonscrivent également un champ<br />
de représentations conflictuelles, caractérisé<br />
par la compétition entre les<br />
Etats occidentaux et la lutte pour la<br />
répartition des enjeux de puissance<br />
entre les organisations internationales<br />
et les élites locales.<br />
L’analyse du processus de<br />
démocratisation conduit à des observations<br />
paradoxales : l’exacerbation<br />
de la violence, l’actualisation de<br />
l’autoritarisme, la multiplication des<br />
situations déviantes découlant des<br />
stratégies des acteurs locaux. Ces<br />
derniers tentent d’échapper aux contraintes<br />
imposées par des acteurs externes<br />
qui interviennent afin de sanctionner,<br />
d’arbitrer et d’imposer des<br />
décisions aux factions en luttes pour<br />
le pouvoir. Ainsi, la démocratisation<br />
passe par des crises d’adaptation, des<br />
phases contradictoires de recomposition,<br />
d’hybridation des institutions<br />
importées et parfois de contournement<br />
des normes et procédures. Entre les<br />
acteurs internes et externes s’établit<br />
et s’organise une dynamique interactive<br />
qui influence l’Etat dont la configuration<br />
finale est loin de correspondre<br />
aux objectifs affichés à travers les<br />
réformes engagées. Afin de mieux<br />
mettre en évidence les traits distinctifs<br />
de cet Etat forgé dans l’incertitude et<br />
l’imprécision, la thèse propose de restituer<br />
les dynamiques et l’historicité<br />
propres à la société haïtienne, en<br />
privilégiant l’hypothèse de la réinvention<br />
de l’Etat. Paradoxalement, l’État<br />
peut être le produit de processus de<br />
violence et la part chaotique que comporte<br />
la situation en Haïti peut recéler<br />
les prémices de sa construction.<br />
Le jury examinateur est<br />
ainsi composé :M. Christian<br />
GIRAULT,Directeur de recherche<br />
émérite en géographie , CREDA-CNRS<br />
, M.RAMOS Aaron G., professeur des<br />
sciences sociales de l’Université de<br />
Porto-Rico, M. Jean-Marie THEODAT,<br />
Maitre de Conférences de géographie<br />
du Campus Henri Christophe de Limonade<br />
Université d’Etat d’<strong>Haiti</strong>, et<br />
de M.WILLIAM Jean-Claude, professeur<br />
émérite de science politique de<br />
l’Université Antilles Guyane.<br />
Nous invitons tous ceux qui<br />
peuvent faire le déplacement à assister<br />
à la soutenance de cette thèse<br />
qui propose de nouvelles approches<br />
sur les questions liées à la captation<br />
du pouvoir , à sa distribution aux<br />
logiques multiples qui inspirent les<br />
stratégies des acteurs.<br />
Joel H. Poliard<br />
M.D., M.P.H.<br />
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Miami FL, 33137<br />
tel. (305) 751-1<strong>10</strong>5<br />
8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>