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Haiti Liberte 10 Decembre 2014

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Perspectives<br />

La désignation de Michaëlle Jean à la<br />

tête de l’OIF et les attentes d’Haïti<br />

Par Jacques NESI<br />

Michaëlle Jean vient de réussir un<br />

excellent pari en passant de son<br />

statut de journaliste de télévision, d’ex<br />

gouverneur général du Canada, à celui<br />

de secrétaire général de l’Organisation<br />

internationale de la francophonie. C’est<br />

un beau parcours qui laisse plus d’un<br />

admiratif et songeur. Il est salué par<br />

la presse occidentale et haïtienne. Les<br />

deux traitements, différenciés, jouent<br />

sur les mots, choisis selon la face que<br />

l’on souhaite valoriser, déconstruire,<br />

sans se départir de l’intention voilée<br />

de la récupération. C’est d’abord « une<br />

victoire à l’arraché » pour le Canada qui<br />

a soutenu sa candidature dans toutes<br />

les capitales importantes de la francophonie.<br />

Au nom de son passé de Chef<br />

de l’Etat du Commonwealth, le premier<br />

ministre Canadien a battu la grosse<br />

caisse, aidé de la stratégie brouillonne<br />

des chefs d’Etat africains. La France de<br />

son côté y voit l’une de ses représentantes,<br />

française de surcroit, orpheline<br />

de son candidat Blaise Compaoré. Elle<br />

s’est ralliée au symbolisme et à une<br />

rupture, dans les pratiques à rechercher<br />

dans la francophonie un asile doré pour<br />

d’anciens chefs d’Etat aux mains entachées<br />

de sang, ayant un goût prononcé<br />

pour le vol des élections et le détournement<br />

de fonds publics.<br />

Derrière le choix de Michaëlle Jean,<br />

le président français François Hollande<br />

a réussi une révolution en douceur empreinte<br />

de réalisme et d’ouverture. Dans<br />

ce jeu souterrain où les intérêts sournois<br />

se cachent derrière la rhétorique<br />

diplomatique, les évocations à la patrie<br />

de Dessalines qui a viré de main d’un<br />

Chef, deux cent ans de cela, les français<br />

sur l’ile sont peu présentes dans les esprits.<br />

La « jacmélienne » pour peu qu’on<br />

s’en souvienne, n’est rappelée que par<br />

la presse haïtienne. On y découvre, à<br />

bien réfléchir, l’ambivalence de l’élite<br />

de la diaspora haïtienne, au service de<br />

toutes les bannières, sans qu’on y dessine<br />

une quelconque plaidoirie. La fierté<br />

haïtienne est incolore, inodore : passepartout,<br />

elle défendait la couronne britannique<br />

hier, aujourd’hui elle défend<br />

la France, d’autres ont vendu leur âme<br />

aux américains, aux forces onusiennes.<br />

Des fonctionnaires onusiens au service<br />

d’organisations des droits de l’homme,<br />

des organisations para-onusiennes,<br />

brillants, deviennent des pèlerins du<br />

développement, des faiseurs de paix,<br />

alors qu’Haïti se laisse conduire par un<br />

ignare avoué de la gestion politique.<br />

Une élite brillante à l’extérieur en état<br />

de formol à l’intérieur ! Une élite démissionnaire,<br />

réfugiée permanente dans les<br />

prix littéraires et les essais lumineux,<br />

mais qui abandonne son pays aux cancres,<br />

aux noceurs d’expédients, et aux<br />

marchands du crack ! De la désignation<br />

de Michaëlle Jean, elle attend un «<br />

phare d’espérances et de concorde, de<br />

solidarité et d’humanisme » comme l’a<br />

dit l’ancien président sénégalais Abdou<br />

Diouf, secrétaire général sortant<br />

au sommet de l’OIF. Plus qu’un phare,<br />

Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin,<br />

un cap.<br />

D’abord, Michaëlle Jean a été désignée<br />

par consensus. Ce qui annonce<br />

un style de commandement consensuel,<br />

et obère en même temps son mandat<br />

parce qu’elle doit composer avec des<br />

réseaux et des nombreuses structures<br />

animateurs de la francophonie. Ensuite,<br />

elle doit travailler davantage sa vision,<br />

son projet pour la francophonie qui<br />

devient aujourd’hui un espace diplomatique<br />

de pouvoirs, rivalisant avec la<br />

structure de l’Organisation des nations<br />

Unies. En effet, elle est composée de 80<br />

pays ou régions (57 membres et 23<br />

observateurs), convoitée par d’autres<br />

pays qui n’ont pas la langue française<br />

en commun (le Mexique, le Costa Rica,<br />

le Kosovo). Michaëlle Jean doit tenter<br />

de résoudre la quadrature du cercle en<br />

De la désignation de Michaëlle Jean, <strong>Haiti</strong> attend un « phare d’espérances<br />

et de concorde, de solidarité et d’humanisme » comme l’a dit l’ancien<br />

président sénégalais Abdou Diouf, secrétaire général sortant au sommet de<br />

l’OIF. Plus qu’un phare, Haïti attend de Michaëlle Jean un chemin, un cap.<br />

rénovant ce cénacle de vieux crocodiles<br />

africains cooptés par la France qui investit<br />

les sommets de l’OIF comme de<br />

véritables espaces de recyclage pour des<br />

apprentis- démocrates maternés ,déçus<br />

par une politique de petits pas vers la<br />

démocratie. Enfin, elle doit être amenée<br />

à convaincre la France, notamment<br />

ses élites qui considèrent que la culture<br />

anglo-saxonne est déjà victorieuse, et<br />

quoiqu’elle fasse, l’espace francophone<br />

ne sera qu’un nain rabougri, recroquevillé<br />

autour de lui, répétant sans<br />

y croire la vulgate de l’économie de<br />

marché condamnant les plus pauvres,<br />

les plus fragiles à se soumettre aux effets<br />

désastreux de la globalisation des<br />

marchés , à la société de consommation<br />

des biens futiles. La France réduit de<br />

moitié ses crédits et s’oriente de façon<br />

résignée vers la définition d’une politique<br />

francophone aux ambitions tièdes<br />

et aux ectoplasmes émollients.<br />

La mission de Michaëlle Jean est<br />

d’accomplir trois missions : convaincre<br />

la France qu’investir dans la francophonie<br />

est un formidable retour de<br />

celle-ci dans l’imaginaire des peuples du<br />

Sud, à commencer par associer le développement<br />

de la langue aux échanges<br />

économiques. Les pratiques culturelles<br />

résultant de la langue ne sont pas<br />

antinomiques à la construction d’un<br />

vaste marché régional qui s’organisera<br />

autour des pôles de compétitivité des<br />

pays émergents de l’Afrique, et une<br />

compréhension des réseaux vétustes<br />

africains dépendants de l’extraversion,<br />

de la rente, de la politique du ventre .<br />

A ce point de vue, la pénétration d’une<br />

figure nord-américaine (le Canada la<br />

revendique), frottée à la culture anglosaxonne,<br />

exigeant moins de palabres<br />

que de résultats tangibles, peut être<br />

une source de remises en question<br />

pour le modèle africain. Haïti a besoin<br />

de l’Afrique, de ses exemples saints,<br />

de ses trajectoires aux résultats prometteurs<br />

pour recomposer son destin. Le<br />

modèle africain qui offre le spectacle<br />

de chefs d’Etat kleptocrates sourds à la<br />

distribution des revenus aux catégories<br />

les plus faibles, aux calamités, aux pandémies<br />

porteuses de repli sur soi et de<br />

décimation, doit être battu en brèche et<br />

contré par une Afrique conquérante. A<br />

ce niveau, la troisième mission de Michaëlle<br />

Jean est de concevoir la francophonie,<br />

en rupture avec l’afro-pessimisme<br />

occidental, mais plutôt comme<br />

un vaste marché d’échanges commerciaux,<br />

technologiques , culturels entre<br />

les Etats qui ont des revenus notables<br />

et d’autres qui trainent leurs pieds conduisant<br />

des stratégies de pérennisation<br />

du pouvoir en allumant des brasiers<br />

tribaux, et attendant des solutions messianiques<br />

de la France.<br />

Le mandat de Michaëlle Jean peut<br />

être un formidable élan à la poursuite<br />

du sommet de Cotonou de 1995 où<br />

Jacques Chirac insistait sur la promotion<br />

de l’entreprise privée et du partenariat<br />

d’entreprises et les actions favorisant<br />

la mobilisation de l’épargne. En effet,<br />

plus que jamais le mot de Nicéphore<br />

Dieudonné Soglo, en 1991, ancien<br />

président du Bénin, est d’actualité et<br />

Michaëlle Jean pourrait s’en inspirer :<br />

« Quant à l’Afrique francophone, elle<br />

n’aura de chance de se pérenniser que si<br />

cette Afrique au Sud du Sahara devient<br />

un partenaire économiquement fort.<br />

»La petite ONU francophone ne deviendra<br />

forte que si la pauvreté sera combattue<br />

avec la dernière énergie, la gouvernance<br />

sera débarrassée des complexes<br />

hérités de l’histoire, et les élites formées<br />

assumeront leurs responsabilités.<br />

Suite à la page (15)<br />

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Soutenance de thèse de Jacques<br />

Nesi pour l’obtention du grade<br />

de docteur en science politique<br />

Conduits sous la direction du professeur<br />

Justin DANIEL, professeur<br />

en science politique à l’université<br />

des Antilles – Guyane, les travaux<br />

de Jacques NESI seront présentés en<br />

public le samedi 13 Décembre prochain.<br />

Ils portent sur des thèmes<br />

majeurs dans l’histoire politique haïtienne<br />

des trente dernières années :la<br />

démocratisation, l’Etat, l’intervention<br />

de la communauté internationale,<br />

la reconstruction de l’Etat. Le titre<br />

de la recherche est : « HAITI A<br />

L’EPREUVE DE LA DEMOCRATISA-<br />

TION : FAIBLESSE, RECONSTRUC-<br />

TION ET REINVENTION DE L’ETAT<br />

(1986-2004).<br />

En voici le résumé :<br />

Qu’est ce qui explique la<br />

faiblesse d’un Etat qui s’est engagé<br />

depuis plus de vingt ans à rompre<br />

avec les pratiques de l’autoritarisme<br />

et du néo-patrimonialisme ? Pourquoi<br />

les promesses d’une démocratisation<br />

réussie, malgré le soutien massif des<br />

acteurs de la « société internationale »<br />

ont paradoxalement débouché sur la<br />

déstabilisation de l’Etat dans un contexte<br />

de crises récurrentes ? Ce sont<br />

les interrogations principales qui orientent<br />

cette recherche qui se donne<br />

pour ambition d’étudier les processus<br />

par lesquels les élites et les masses haïtiennes<br />

s’approprient la démocratie.<br />

De ce point de vue, la démocratisation<br />

s’analyse comme une ressource politique<br />

et institutionnelle revendiquée<br />

par ces dernières comme élément<br />

probant de leur adhésion à la grammaire<br />

démocratique. Dès lors, il s’agit<br />

de scruter les routes sinueuses et<br />

chaotiques empruntées par la démocratisation<br />

en Haïti, en interrogeant les<br />

diverses séquences marquantes de<br />

l’histoire politique haïtienne. L’accent<br />

est mis sur l’importation des technologies<br />

institutionnelles d’origine<br />

occidentale, notamment durant la<br />

période ouverte en 1994 avec la réinstallation<br />

de Jean-Bertrand Aristide<br />

dans ses fonctions de président et<br />

celle qui commence en 2004 avec<br />

son départ forcé du pouvoir. Ces deux<br />

séquences historiques, sous-tendues<br />

par des plans de reconstruction de<br />

l’Etat, sont marquées par la mobilisation<br />

de ressources diverses, en vue de<br />

jeter les bases d’une nouvelle gouvernance<br />

politique et économique. Elles<br />

circonscrivent également un champ<br />

de représentations conflictuelles, caractérisé<br />

par la compétition entre les<br />

Etats occidentaux et la lutte pour la<br />

répartition des enjeux de puissance<br />

entre les organisations internationales<br />

et les élites locales.<br />

L’analyse du processus de<br />

démocratisation conduit à des observations<br />

paradoxales : l’exacerbation<br />

de la violence, l’actualisation de<br />

l’autoritarisme, la multiplication des<br />

situations déviantes découlant des<br />

stratégies des acteurs locaux. Ces<br />

derniers tentent d’échapper aux contraintes<br />

imposées par des acteurs externes<br />

qui interviennent afin de sanctionner,<br />

d’arbitrer et d’imposer des<br />

décisions aux factions en luttes pour<br />

le pouvoir. Ainsi, la démocratisation<br />

passe par des crises d’adaptation, des<br />

phases contradictoires de recomposition,<br />

d’hybridation des institutions<br />

importées et parfois de contournement<br />

des normes et procédures. Entre les<br />

acteurs internes et externes s’établit<br />

et s’organise une dynamique interactive<br />

qui influence l’Etat dont la configuration<br />

finale est loin de correspondre<br />

aux objectifs affichés à travers les<br />

réformes engagées. Afin de mieux<br />

mettre en évidence les traits distinctifs<br />

de cet Etat forgé dans l’incertitude et<br />

l’imprécision, la thèse propose de restituer<br />

les dynamiques et l’historicité<br />

propres à la société haïtienne, en<br />

privilégiant l’hypothèse de la réinvention<br />

de l’Etat. Paradoxalement, l’État<br />

peut être le produit de processus de<br />

violence et la part chaotique que comporte<br />

la situation en Haïti peut recéler<br />

les prémices de sa construction.<br />

Le jury examinateur est<br />

ainsi composé :M. Christian<br />

GIRAULT,Directeur de recherche<br />

émérite en géographie , CREDA-CNRS<br />

, M.RAMOS Aaron G., professeur des<br />

sciences sociales de l’Université de<br />

Porto-Rico, M. Jean-Marie THEODAT,<br />

Maitre de Conférences de géographie<br />

du Campus Henri Christophe de Limonade<br />

Université d’Etat d’<strong>Haiti</strong>, et<br />

de M.WILLIAM Jean-Claude, professeur<br />

émérite de science politique de<br />

l’Université Antilles Guyane.<br />

Nous invitons tous ceux qui<br />

peuvent faire le déplacement à assister<br />

à la soutenance de cette thèse<br />

qui propose de nouvelles approches<br />

sur les questions liées à la captation<br />

du pouvoir , à sa distribution aux<br />

logiques multiples qui inspirent les<br />

stratégies des acteurs.<br />

Joel H. Poliard<br />

M.D., M.P.H.<br />

Family and Community<br />

Medicine<br />

Public health and Pediatrics<br />

5000 N.E. Second Ave,<br />

Miami FL, 33137<br />

tel. (305) 751-1<strong>10</strong>5<br />

8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

Vol. 8 • No. 22 • du <strong>10</strong> au 16 décembre <strong>2014</strong>

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