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ALUMINIUM 101<br />
formes - v12 n2 - 2016<br />
28<br />
L’aluminium est léger et<br />
trois fois moins dense<br />
que l’acier. Conséquences<br />
pratiques dans<br />
un bâtiment, les mursrideaux<br />
et les revêtements<br />
en aluminium<br />
imposent une moindre<br />
charge à la structure.<br />
Détail de la façade de l'usine de<br />
traitement des eaux de Lévis.<br />
Photos: Alexandre Guérin (concours de<br />
photos Alumia) – Architecte: STGM<br />
constitue 8 % de la croûte<br />
terrestre et après l’oxygène et le silicium,<br />
c’est, en abondance, le troisième élément<br />
L’aluminium<br />
de la croûte terrestre. Mais il est rarement<br />
présent à l’état pur, et c’est dans la bauxite,<br />
sous forme d’oxyde d’aluminium, qu’on le trouve.<br />
C’est pourquoi sa découverte, comparativement<br />
au fer ou au cuivre, ne date que de 1808. Moins<br />
d’un siècle plus tard, en 1886, le processus Hall-<br />
Héroult ouvrait la porte à l’industrie de l’aluminium<br />
et depuis, l’aluminium s’est faufilé dans de<br />
multiples filières industrielles – incluant le secteur<br />
de la construction. Dans sa conférence, Michel<br />
Guillot, professeur au Centre de recherche<br />
sur l’aluminium – REGAL, à l’Université Laval,<br />
a énuméré les propriétés physiques et les procédés<br />
de transformation qui font de l’aluminium un<br />
matériau propre à répondre à l’imagination des<br />
architectes.<br />
Propriétés multiples<br />
L’aluminium est léger et trois fois moins dense<br />
que l’acier. Conséquences pratiques dans un<br />
bâtiment, les murs-rideaux et les revêtements<br />
en aluminium imposent une moindre charge<br />
à la structure que des panneaux d’acier ou de la<br />
maçonnerie. Certains rétorqueront cependant<br />
que l’aluminium manque de résistance. « Il est<br />
moins résistant, reconnaît Michel Guillot, mais<br />
comme il est léger, on peut en mettre plus pour<br />
compenser. » Le rapport résistance/poids permet<br />
de concevoir des poutres, des passerelles et même<br />
des dômes. Michel Guillot donne l’exemple d’une<br />
poutre en I de 2 m de long et de 1 730 mm 2 de<br />
section qui aurait à supporter une charge de 10<br />
KN en son centre. Le module d’élasticité de l’aluminium,<br />
trois fois plus faible que celui de l’acier,<br />
se traduit par une déflexion trois fois plus forte.<br />
Mais il suffit d’augmenter la section de la poutre<br />
de 1 730 mm 2 à 1 962 mm 2 pour réduire la déflexion<br />
et obtenir une poutre en aluminium aussi<br />
résistante que la poutre en acier. Il en résulte une<br />
augmentation de volume de l’ordre de 10 à 15 %;<br />
mais comme l’aluminium est moins dense que<br />
l’acier, la poutre en aluminium est malgré tout<br />
deux fois plus légère que la poutre équivalente en<br />
acier.<br />
Parmi les propriétés physiques, ajoutons également<br />
la réflexivité de l’aluminium qui permet<br />
d’augmenter l’apport de lumière naturelle ou<br />
d’amplifier des effets lumineux. Par contre, la<br />
conductivité thermique, si elle est un atout pour<br />
les systèmes mécaniques de chauffage, devient<br />
un inconvénient pour les fenêtres et les murs-rideaux,<br />
car l’aluminium fait office de pont thermique<br />
entre l’intérieur et l’extérieur et nuit à l’efficacité<br />
énergétique du bâtiment. Les fabricants se<br />
sont cependant adaptés à cette situation en insérant<br />
des bris thermiques dans leurs produits.<br />
Au chapitre des propriétés chimiques, l’aluminium<br />
se démarque par sa résistance à la corrosion.<br />
Plus exactement, l’aluminium s’oxyde instantanément<br />
au contact de l’air en formant une<br />
couche d’oxyde d’aluminium en surface, mais<br />
cette couche protège l’aluminium de la corrosion<br />
ultérieure, explique Michel Guillot. Il illustre son<br />
propos en donnant l’exemple du pavillon Pouliot<br />
à l’Université Laval, où il travaille. « Les devantures<br />
sont en aluminium non traité. Elles datent<br />
des années 1960; elles sont ternies, mais encore<br />
en bon état. » Cependant, il est vrai qu’il faut se<br />
méfier des réactions galvaniques qui s’établissent<br />
entre l’aluminium et un autre métal lorsqu’ils<br />
baignent tous deux dans de l’eau stagnante, et ne<br />
pas oublier ou négliger que le béton contient des<br />
traces d’autres métaux et reste souvent humide.<br />
Pour protéger l’aluminium des réactions galvaniques,<br />
il faut l’isoler de l’autre matériau par une<br />
toile élastomère ou une peinture bitumineuse et<br />
soigner la conception pour empêcher l’eau de<br />
s’accumuler. En présence d’eau salée, il faudra privilégier<br />
les alliages de la série 5000.<br />
Enfin, l’aluminium se recycle sans perdre ses<br />
propriétés, et ce, pour seulement 5 % du coût<br />
énergétique de la première fusion. Autrement<br />
dit, un lingot d’aluminium ou tout autre produit<br />
fini en aluminium, c’est de l’énergie en banque.<br />
Autant rentabiliser l’investissement énergétique<br />
de la première fusion en le recyclant. D’ailleurs,<br />
« depuis l’invention du procédé, un milliard de<br />
tonnes d’aluminium ont été produites et 75 % de<br />
celui-ci est toujours utilisé. Il n’y a pas beaucoup<br />
de matériaux qui peuvent en dire autant », faisait<br />
remarquer pendant son allocution Jean-Luc Trahan,<br />
le président-directeur général d’AluQuébec.<br />
Transformations multiples<br />
À l’aluminerie, divers éléments métalliques<br />
sont ajoutés à l’aluminium pour obtenir des alliages<br />
– les séries 3000, 5000 et 6000 étant les plus<br />
utilisées en architecture. Ces alliages sortent de<br />
l’aluminerie sous forme de lingots et billettes de<br />
tailles variables qui sont ensuite transformés pour<br />
produire une vaste diversité de formes.<br />
Les lingots sont laminés pour obtenir des tôles<br />
qui pourront ensuite être pliées, roulées, pressées,<br />
poinçonnées… pour donner des tôles ondulées,<br />
des panneaux de revêtement, des gouttières, des<br />
colonnes. Les billettes, qui contrairement à ce que<br />
le nom suggère sont des cylindres, sont transformées<br />
par extrusion. La billette est chauffée et<br />
poussée à travers une matrice pour en extraire<br />
une pièce d’aluminium profilée selon le schéma<br />
de la matrice. Des poutrelles, des éléments de<br />
cadres de fenêtres ou des colonnes peuvent être<br />
profilés par extrusion. Au Québec, les entreprises<br />
comme Metra Aluminium, Extrudex ou Pexal<br />
Tecalum produisent des profilés standards, mais<br />
aussi des profilés sur mesure ouvrant la porte à la<br />
créativité des concepteurs.<br />
Les pièces d’aluminium – qu’elles soient<br />
moulées, roulées, percées, pliées, extrudées… –<br />
peuvent être assemblées par clips, boulons, rivets<br />
et soudure. Michel Guillot a ainsi développé dans<br />
son laboratoire un plancher dont les lattes sont<br />
des profilés sur mesure qui s’assemblent par un<br />
simple clip.<br />
L’ancien siège social<br />
d’Alcoa à Pittsburgh. Un<br />
revêtement d’aluminium<br />
naturel qui s’est paré d’une<br />
patine au fil des ans, mais<br />
cinquante ans plus tard, il<br />
est encore exemplaire.<br />
Photo : Nicholas Traub – Architecte<br />
: Harrison and Abramovitz.<br />
L’aluminium constitue 8 %<br />
de la croûte terrestre. C’est,<br />
en abondance, le troisième<br />
élément de la croûte terrestre.<br />
Mais il est rarement<br />
présent à l’état pur, et c’est<br />
dans la bauxite, sous forme<br />
d’oxyde d’aluminium,<br />
qu’on le trouve.<br />
Photo : Rio Tinto Alcan<br />
En dernière étape, la finition de surface ajoute<br />
une autre couche de diversification des produits.<br />
Jean-Pierre LeTourneux, associé et concepteur<br />
principal chez Menkes Schooner Dagenais<br />
Le Tourneux Architectes (MSDL) et Kevin<br />
Massé, architecte associé au Groupe des Sept,<br />
s’entendent pour dire qu’il existe aujourd’hui des<br />
peintures très performantes, résistantes aux environnements<br />
rigoureux et offrant une garantie de<br />
trente ans. « Après trente ans, il va y avoir une décoloration,<br />
surtout avec le rouge et le jaune exposés<br />
au soleil, mais l’aluminium est encore très bon,<br />
il ne rouille pas », précise Kevin Massé. Pour une<br />
protection à plus long terme, il préconise, comme<br />
Michel Guillot, d’opter pour l’anodisation qui<br />
protège l’aluminium d’une couche d’oxyde. Mais<br />
attention, prévient Kevin Massé, cette couche<br />
est poreuse et peut piéger la pollution de l’air et<br />
salir les panneaux. Jean-Pierre LeTourneux, qui<br />
a constaté une altération aléatoire des panneaux<br />
anodisés, reste prudent avec ce procédé. Selon lui,<br />
l’aluminium dans son état brut est de toute façon<br />
un matériau de grande qualité. Il donne l’exemple<br />
de l’édifice Alcoa à Pittsburgh : « C’est de l’aluminium<br />
naturel, il prend une certaine patine, mais<br />
cinquante ans plus tard, il est encore exemplaire.<br />
Mon rêve serait de parvenir à travailler l’aluminium<br />
naturel sans procédés de recouvrement. Il<br />
y a une question d’acceptabilité dans le fait que le<br />
bâtiment se transforme. »<br />
Un faux défaut : le coût élevé<br />
L’aluminium a certes des qualités, mais il est<br />
coûteux, s’empresseront de dire certains. Ce n’est<br />
pas tout à fait vrai.<br />
« On est capable d’offrir des panneaux d’aluminium<br />
au même prix que des panneaux d’acier », a<br />
précisé Benoit Comeau, représentant technique<br />
auprès des architectes des Industries Panfab,<br />
lors de la table ronde qui a clôturé la journée de<br />
conférences. En fait, l’acier et l’aluminium ne sont<br />
pas au même prix. « C’est le produit qui est équivalent,<br />
le panneau de 2 mm en aluminium versus<br />
Les billettes, qui contrairement<br />
à ce que le nom<br />
suggère sont des cylindres,<br />
sont transformées par<br />
extrusion.<br />
Photo : Rio Tinto Alcan<br />
Les lingots sont laminés<br />
pour obtenir des tôles<br />
qui pourront ensuite être<br />
pliées, roulées, pressées,<br />
poinçonnées… pour<br />
donner des tôles ondulées,<br />
des panneaux de revêtement,<br />
des gouttières, des<br />
colonnes.<br />
Photo : EAFA<br />
le panneau de 1,2 mm en acier. Même profilé,<br />
même rendu, en ayant une plus grande stabilité<br />
mécanique avec l’aluminium, une meilleure durabilité,<br />
une meilleure garantie; eh oui, ils sont offerts<br />
au même prix », précisait-il ultérieurement<br />
en entrevue. « Ce qu’il est important de retenir,<br />
souligne également Michel Guillot, c’est que pour<br />
tous les procédés de fabrication, d’assemblage, de<br />
montage, tout est plus léger, plus facile. Tous les<br />
coûts sont plus faibles. »<br />
Le coût est aussi une question de conception.<br />
« Les gens surestiment le coût en voulant faire<br />
en aluminium ce qu’ils font en acier », regrette<br />
Michel Guillot. Or, en raison des propriétés physiques<br />
différentes, on ne peut pas concevoir en<br />
aluminium comme on conçoit avec l’acier, ni tout<br />
simplement remplacer l’acier par l’aluminium.<br />
« Un des dangers est le mot substitution, appuie<br />
pour sa part Jean Simard, président et chef de<br />
la direction de l’Association de l’aluminium<br />
du Canada. On doit concevoir avec les caractéristiques<br />
de l’aluminium et ensuite comparer les<br />
coûts. » Ce que fait Michel Guillot en reprenant<br />
l’exemple de la poutre de deux mètres de long. En<br />
acier, la poutre de 27,3 kg coûtera environ 30 $.<br />
L’aluminium coûte plus cher, mais comme il en<br />
faut moins, la poutre équivalente en aluminium<br />
pèsera 10,6 kg et coûtera environ 50 $. À priori,<br />
la poutre en aluminium revient plus chère que<br />
celle en acier, mais en fin de vie, sur le marché du<br />
recyclage, la poutre en acier ne rapportera qu’une<br />
poignée de dollars contre 20 dollars pour celle en<br />
aluminium. Au bout du compte, la poutre en aluminium<br />
n’aura pas coûté plus cher que la poutre<br />
en acier. Même mieux, en considérant le bâtiment<br />
sur l’ensemble de son cycle de vie, car l’aluminium<br />
peut apporter des économies d’entretien.<br />
« Le donneur d’ordres veut que le projet coûte le<br />
moins cher possible et ne voit pas toujours les<br />
coûts d’entretien », constate Michel Guillot. Or,<br />
comme l’a répété plusieurs fois l’architecte Michael<br />
Stacey dans sa conférence, l’aluminium ne<br />
requiert que peu d’entretien. Il aime la pluie qui<br />
Table de découpe par<br />
contrôle numérique des<br />
feuilles d’aluminium<br />
utilisée par les Industries<br />
Panfab.<br />
Plieuse à contrôle numérique<br />
avec guide laser<br />
autoajustable utilisée par<br />
les Industries Panfab.<br />
Crédit : Industries Panfab<br />
lave les surfaces d’aluminium, à condition d’éviter<br />
toute eau stagnante. Il ne s’effrite pas comme la<br />
maçonnerie, ne nécessite pas de refaire un traitement<br />
protecteur comme le bois et ne rouille pas<br />
comme l’acier. Une analyse du coût total de possession<br />
du bâtiment qui, en plus du coût d’acquisition,<br />
inclurait les coûts d’entretien et de démolition<br />
donnerait peut-être une autre vision du coût<br />
de l’aluminium.<br />
Dans le domaine des ponts et passerelles,<br />
MAADI Group a justement fait une analyse de<br />
coût total de possession pour un pont piétonnier<br />
de 21 m de long. Il est vrai que le coût d’acquisition<br />
du pont en aluminium à 42 500 $ est un peu<br />
plus élevé que celui du pont en acier qui varie<br />
de 31 500 à 36 500 $, selon le traitement de surface.<br />
Alexandre de la Chevrotière, président de<br />
MAADI Group, explique qu’en général, même si<br />
la livre d’aluminium coûte environ quatre fois plus<br />
cher que la livre d’acier, le pont en aluminium, lui,<br />
ne coûte que 15 à 25 % plus cher que le pont en<br />
acier. La raison est qu’à fonction équivalente, la<br />
structure en aluminium est deux fois plus légère<br />
que celle en acier. L’aluminium se travaille aussi<br />
plus facilement et plus rapidement que l’acier, ce<br />
qui se traduit par un gain de temps – et donc par<br />
une économie supplémentaire. En fin de vie du<br />
pont, le recyclage de l’aluminium rapportera près<br />
de 4 800 $ contre seulement 1 000 $ pour l’acier.<br />
Sur le long terme, l’aluminium rejoint donc l’acier<br />
et pourrait être meilleur si on y inclut l’entretien.<br />
Par ses propriétés physiques et l’éventail des<br />
transformations possibles, l’aluminium est un<br />
matériau polyvalent qui se prête à une grande<br />
variété d’applications. Dans les bâtiments, on le<br />
trouvera sous forme de revêtements, de fenêtres,<br />
de murs-rideaux, mais aussi de marquises, de<br />
balcons, de pare-soleil… Dans la ville, on le<br />
trouvera dans les passerelles, les équipements<br />
de scène, les mâts d’éclairage… C’est le matériau<br />
au service de l’imagination et de la créativité des<br />
concepteurs.<br />
formes - v12 n2 - 2016<br />
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