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EUROPE<br />

Partenariat stratégique<br />

Union européenne - Afrique<br />

La non-utilisation des fonds du Fed par les<br />

pays africains : un manque à gagner<br />

Avec l’inscription de deux principes fondamentaux<br />

sur lesquels doivent reposer les<br />

relations entre les pays membres de l’Union<br />

européenne (UE) et les Etats d’Afrique, des<br />

Caraïbes et du Pacifique (ACP), l’adoption<br />

de l’Accord de Cotonou, en 2000, a suscité<br />

beaucoup d’attentes des citoyens européens<br />

et ACP. Celui-ci introduit en effet<br />

l’égalité des partenaires et l’appropriation<br />

des stratégies de développement, ainsi que<br />

la participation de la société civile comme<br />

fondements des relations UE-ACP. Le<br />

Fonds européen de développement (FED),<br />

principal instrument d’aide de l’UE envers<br />

les pays ACP géré par la Commission européenne,<br />

devrait donc être programmé et mis<br />

en œuvre de façon à respecter ces principes<br />

fondamentaux.<br />

Le rapport REPAOC-Coordination SUD<br />

sur le 10ème FED démontre pourtant qu’il<br />

n’en est rien. Les principes fondamentaux<br />

de Cotonou restent peu concrétisés sur le<br />

terrain. Les modalités de programmation du<br />

FED ne per- mettent pas d’améliorer l’« appropriation<br />

» démocratique des stratégies de<br />

lutte contre la pauvreté, de même qu’elles<br />

ne contribuent que très faiblement à la participation<br />

citoyenne dans la définition, la<br />

mise en œuvre et l’évaluation des politiques<br />

publiques de développe- ment et des stratégies<br />

de coopération de la Commission.<br />

La programmation du 10ème FED a été<br />

fortement contestée par les organisations<br />

de la société civile (OSC) des pays ACP<br />

et d’Europe, ainsi que par les parlements.<br />

Etant souvent écartés des discussions, OSC<br />

et parlements ont fréquemment perçu ce<br />

processus de programmation comme un<br />

moyen d’imposer les priorités économiques<br />

et géostratégiques des Européens, au détriment<br />

des réels besoins des populations les<br />

plus pauvres.<br />

Dans ce contexte, la révision à mi-parcours<br />

du 10ème FED, qui s’est déroulé en 2010,<br />

revêt une importance accrue. Après la phase<br />

initiale de programmation, elle a en effet<br />

permis d’analyser l’impact de la coopération<br />

au développement de la Communauté<br />

et a conduit à des modifications de la stratégie<br />

de coopération, du montant de l’enveloppe<br />

allouée ou de l’allocation des fonds.<br />

Un nouveau cadre pour le dialogue en matière de gouvernance<br />

En l’espace de quelques années, la gouvernance a pris une<br />

ampleur considérable dans la coopération au développement<br />

européenne. A l’occasion de la programmation du 10 ème<br />

FED, la Commission a mis en place un nouveau cadre pour<br />

le dialogue en matière de gouvernance. Celui-ci repose sur<br />

l’élaboration, par la Commission, d’un profil de gouvernance<br />

de l’Etat ACP, auquel ce dernier doit répondre par l’adoption<br />

d’un plan d’action. En fonction de l’appréciation portée par la<br />

Commission sur les mesures contenues dans ce plan d’action,<br />

une tranche incitative gouvernance est débloquée. Elle peut<br />

représenter jusqu’à 35% de l’enveloppe initialement accordée<br />

au pays sur le 10 ème FED.<br />

Ce nouveau cadre, à partir duquel la Commission envisage<br />

d’enrichir le dialogue politique tel que défini par l’Accord de<br />

Cotonou, est largement déséquilibré. Il repose en effet sur un<br />

diagnostic unilatéral de la gouvernance des Etats ACP,<br />

caractérisé de plus par une très grande opacité. Les profils<br />

de gouvernance sont, pour certains pays, confidentiels, et les<br />

différentes parties prenantes aux questions de gouvernance sont<br />

généralement exclues du processus d’élaboration des profils.<br />

Ceux-ci ne permettent à aucun processus de dialogue de se<br />

mettre en place, le gouvernement ACP étant tenu de proposer<br />

des mesures de réformes en réponse au diagnostic établi par la<br />

seule Commission.<br />

Le profil de gouvernance couvre neuf séries de critères, allant du<br />

respect des droits humains et de l’Etat de droit à des questions de<br />

politiques économiques, sécuritaires ou migratoires fortement<br />

liées aux priorités domestiques européennes. L’accès à un<br />

tiers des fonds de l’enveloppe nationale est donc, à travers le<br />

mécanisme de la tranche incitative gouvernance, conditionné<br />

au respect des demandes européennes, notamment en<br />

matière de politiques économiques, migratoires ou encore<br />

de lutte contre le terrorisme. La définition de ces critères n’a<br />

fait l’objet d’aucun débat large, pas même en Europe.<br />

Le fait que les critères incluent tant le respect des droits<br />

humains et l’Etat de droit que des priorités purement<br />

européennes telles que la libéralisation, les migrations ou le<br />

terrorisme porte atteinte à la crédibilité de l’UE en matière<br />

de dialogue politique.<br />

Une participation très faible et un dialogue<br />

déséquilibré<br />

Le débat démocratique autour de la programmation<br />

du 10ème FED est particulièrement<br />

restreint. A l’échelle nationale, la<br />

programmation du 10ème FED s’est traduite<br />

par un dialogue faible avec les institutions<br />

publiques et les OSC des Etats<br />

ACP. Le dialogue avec le gouverne- ment<br />

reste en effet fortement centralisé sur l’ordonnateur<br />

national, principal interlocuteur<br />

de la délégation de la Commission. Ceci<br />

a pour conséquence d’écarter des négociations<br />

les autres membres du gouvernement<br />

et les administrations des ministères. La<br />

programmation de l’aide européenne ne<br />

constitue pas une occasion de débat au sein<br />

du gouvernement et des administrations<br />

sur leurs attentes.<br />

La programmation<br />

régionale est, quant<br />

à elle, fortement déconnectée<br />

de l’échelon<br />

national, tant au<br />

niveau des délégations<br />

de la Commission<br />

que des administrations<br />

nationales.<br />

La circulation de<br />

l’information est très<br />

faible. Les mécanismes<br />

de redevabilité<br />

entre l’échelle régionale<br />

et nationale restent à trouver, afin<br />

de garantir la pleine participation des administrations<br />

nationales à la construction<br />

et la transparence du processus d’intégration<br />

régionale, en accord avec les attentes<br />

des citoyens.<br />

Les parlements nationaux ACP font partie<br />

des grands exclus du processus de programmation,<br />

n’étant appelés à se prononcer<br />

ni dans le cadre des négociations, ni<br />

pour valider le document final signé avec<br />

la Commission, qu’il s’agisse de l’exercice<br />

de programmation nationale ou régionale.<br />

Leur niveau d’information sur les accords<br />

de coopération au développement signés<br />

avec la Commission est très faible et ceuxci<br />

ne font l’objet d’aucun débat de fond au<br />

parlement.<br />

Les « consultations » de la société civile<br />

sont également peu satisfaisantes. Elles<br />

constituent pourtant une caracté- ristique<br />

essentielle de l’exercice, d’après les orientations<br />

officielles en matière de programmation<br />

données par la Commission.<br />

Une opacité qui s’accroit avec l’échelon<br />

de programmation<br />

Si l’exercice de programmation à l’échelle<br />

nationale est encore insuffisamment participatif<br />

et transparent, l’échelon régional<br />

contribue certainement à l’opacité accrue<br />

des négociations entre l’Afrique de l’Ouest<br />

et la CE. La participation des citoyens des<br />

Etats membres et des parlements nationaux<br />

dans les négociations régionales est très<br />

faible, ce qui ne permet pas de garantir un<br />

processus d’intégration régionale soutenu<br />

par tous, transparent et démocratique.<br />

La programmation<br />

intra-ACP comporte<br />

un degré supplémentaire<br />

d’opacité.<br />

L’exercice de programmation<br />

de l’enveloppe<br />

intra-ACP<br />

du 10ème FED représente<br />

certes un<br />

progrès par rapport à<br />

l’opacité qui régnait<br />

sur les processus<br />

d’allocation de ces<br />

fonds dans le cadre<br />

du 9ème FED. Toutefois,<br />

les orientations données à cette enveloppe<br />

dans le cadre du 10ème FED confirment<br />

que le déséquilibre dans le rapport de<br />

négociations entre les pays ACP et la CE<br />

est encore plus important qu’à l’échelle nationale<br />

ou régionale.<br />

Le manque de transparence démocratique<br />

est égale- ment une lacune importante en<br />

Europe. Le FED étant un mécanisme extrabudgétaire,<br />

il n’est pas soumis au contrôle<br />

du Parlement européen, mais d’un comité,<br />

qui rassemble des représentants des<br />

Etats membres de l’UE. Ces derniers sont<br />

donc redevables vis-à-vis de leurs parlements<br />

nationaux, qui devraient exercer un<br />

rôle de contrôle sur l’implication de leur<br />

gouverne- ment dans les politiques européennes.<br />

Dans les faits, on constate que les<br />

débats au sein des parlements nationaux de<br />

l’UE restent rares. Le contrôle démocratique<br />

sur la coopération UE – ACP au sein<br />

de l’Europe est très faible.<br />

L’aide budgétaire,<br />

instrument privilégié de mise<br />

en oeuvre du Fed<br />

En l’espace de quelques années, la<br />

gouvernance a pris une ampleur considérable<br />

dans la coopération au développement<br />

européenne. A l’occasion de la programmation<br />

du 10 ème FED, la Commission a mis en<br />

place un nouveau cadre pour le dialogue<br />

en matière de gouvernance. Celui-ci repose<br />

sur l’élaboration, par la Commission, d’un<br />

profil de gouvernance de l’Etat ACP, auquel<br />

ce dernier doit répondre par l’adoption d’un<br />

plan d’action. En fonction de l’appréciation<br />

portée par la Commission sur les mesures<br />

contenues dans ce plan d’action, une tranche<br />

incitative gouvernance est débloquée. Elle<br />

peut représenter jusqu’à 35% de l’enveloppe<br />

initialement accordée au pays sur le 10 ème<br />

FED.<br />

Ce nouveau cadre, à partir duquel la<br />

Commission envisage d’enrichir le dialogue<br />

politique tel que défini par l’Accord de<br />

Cotonou, est largement déséquilibré. Il repose<br />

en effet sur un diagnostic unilatéral de la<br />

gouvernance des Etats ACP, caractérisé<br />

de plus par une très grande opacité. Les<br />

profils de gouvernance sont, pour certains<br />

pays, confidentiels, et les différentes parties<br />

prenantes aux questions de gouvernance<br />

sont généralement exclues du processus<br />

d’élaboration des profils. Ceux-ci ne<br />

permettent à aucun processus de dialogue<br />

de se mettre en place, le gouvernement<br />

ACP étant tenu de proposer des mesures de<br />

réformes en réponse au diagnostic établi par<br />

la seule Commission.<br />

Le profil de gouvernance couvre neuf séries<br />

de critères, allant du respect des droits<br />

humains et de l’Etat de droit à des questions<br />

de politiques économiques, sécuritaires<br />

ou migratoires fortement liées aux priorités<br />

domestiques européennes. L’accès à un tiers<br />

des fonds de l’enveloppe nationale est donc,<br />

à travers le mécanisme de la tranche incitative<br />

gouvernance, conditionné au respect des<br />

demandes européennes, notamment<br />

en matière de politiques économiques,<br />

migratoires ou encore de lutte contre le<br />

terrorisme. La définition de ces critères n’a<br />

fait l’objet d’aucun débat large, pas même en<br />

Europe.<br />

Le fait que les critères incluent tant le respect<br />

des droits humains et l’Etat de droit que des<br />

priorités purement européennes telles que la<br />

libéralisation, les migrations ou le terrorisme<br />

porte atteinte à la crédibilité de l’UE en<br />

matière de dialogue politique.<br />

P 10 - Le Relais - N°12 - Décembre 2016 Le Relais - N°12 - Décembre 2016 - P 11

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