ON AIR MAGAZINE #7
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Voyage<br />
Une journée de plus chez les<br />
Wayanas :<br />
Comme dans la plupart des territoires<br />
où l'on vit majoritairement dehors,<br />
Antecume Pata s'anime selon les<br />
heures du soleil qui se lève tôt (vers<br />
6h du matin) et ne se couche pas<br />
tard (vers 18h). L'aube s'esquisse<br />
tout juste à l'horizon, et déjà on<br />
réveille les enfants, puis toute la<br />
famille se rend à la rivière pour se<br />
laver. Puis, tandis que la jeunesse<br />
rejoint la classe (primaire/collège),<br />
entourée des instituteurs de<br />
l'éducation nationale vivant au<br />
village, les adultes s'attellent aux<br />
tâches quotidiennes : chasser,<br />
pêcher, fabriquer des outils, cultiver,<br />
préparer à manger. Si les générations<br />
actuelles parlent le français qu'on<br />
leur a enseigné, les plus anciens s'en<br />
tiennent au wayana et apprennent à<br />
leurs descendants comment réaliser<br />
facilement des lances pour la pêche<br />
ou des arcs pour la chasse, quelles<br />
sont les vertus du manioc et<br />
comment le consommer sans<br />
risquer de s'empoisonner. C'est à<br />
l'abattis que la gente féminine fait<br />
pousser la tubercule. Le quotidien ne<br />
se déroule jamais loin du fleuve<br />
puisque c'est là qu'on nettoie la<br />
vaisselle et le linge, qu'on se<br />
douche... La sieste du début<br />
d'après-midi et la nuit interviennent<br />
chaque jour à heures régulières :<br />
alors, on s'étend dans les hamacs<br />
suspendus aux pans de bois des<br />
habitations. Pour perpétuer les<br />
coutumes amérindiennes, hommes<br />
et femmes s'impliquent plusieurs<br />
fois par semaine à la vannerie, au<br />
tissage, à la poterie. Ainsi se développe<br />
l'artisanat local dans le respect des<br />
traditions. Sont ainsi créés les cieux<br />
de carbet, des représentations<br />
zoomorphiques très colorées,<br />
symboliques des croyances et<br />
rituels wayanas selon lesquels il<br />
existerait une interpénétration<br />
constante entre les humains et les<br />
animaux.<br />
Dans ces pratiques transparaît la<br />
nécessité d'une méditation manuelle<br />
qui rappelle les enseignements des<br />
chamanes et des personnalités<br />
oratrices wayanas, comme le fut le<br />
regretté Kuliyaman décédé en 2001.<br />
Comme Antecume Pata, d'autres<br />
villages wayanas - Pidima,<br />
Twenke/Taluwen, Kumakapan,<br />
Alatalipo, Kuwepipan et Anapaike<br />
- sont implantés parmi la zone<br />
guyanaise, frontalière du Suriname<br />
et du Brésil, déclarée interdite selon<br />
des mesures de protection civile.<br />
4<br />
5<br />
André Cognat, l'Indien blanc<br />
Fondateur d'Antecume Pata en<br />
1967, ce Lyonnais, arrivé en forêt<br />
guyanaise en 1961, s'engage au<br />
quotidien pour perpétuer les<br />
valeurs initiales des Wayanas qui<br />
habitent le village, pour qu'ils<br />
puissent, sans perdre leurs<br />
fondamentaux de peuple<br />
autochtone, s'instruire, se soigner<br />
et voir survivre leur tribu, se<br />
préservant ainsi d'une extinction<br />
qui semblait au départ presque<br />
inéluctable. Depuis plus de 50 ans,<br />
vêtu du pagne rouge qui habillait<br />
autrefois tous les Wayanas,<br />
parlant couramment le karib, il<br />
œuvre pour la défense des familles.<br />
Il a notamment construit une<br />
école et un dispensaire, se bat<br />
pour limiter la pollution du fleuve<br />
par les rejets de mercure issus de<br />
l'orpaillage, et essaye d'apporter<br />
progressivement une amélioration<br />
des conditions de vie locales sans<br />
imposer une modernisation trop<br />
rapide qui serait néfaste aux<br />
villageois.<br />
Un Wayana, souhaitant rester<br />
anonyme, aurait un jour écrit à<br />
son sujet (texte ici traduit en<br />
français) : il s'est installé dans la<br />
forêt amazonienne, a épousé une<br />
Indienne, a changé de nom et est<br />
devenu membre à part entière de<br />
la tribu. Sans en être le chef - la<br />
hiérarchie n'existe pas chez nous<br />
- il organise pourtant la protection<br />
sanitaire de sa nouvelle famille,<br />
l'aidant à apprivoiser le nouveau<br />
monde sans qu'elle perde sa<br />
personnalité. Ainsi, il a gagné le<br />
respect et la reconnaissance de<br />
ses pairs indiens.<br />
NDLR : ses livres J'ai choisi<br />
d'être Indien et Antecume, une<br />
autre vie retracent l'existence<br />
atypique de cet homme au grand<br />
cœur qui jamais ne s'en retournera<br />
vivre à Lyon.<br />
6<br />
19 Le Bon Air. Mai/Juin 2012