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Dossier<br />
<strong>Nouvel</strong> essor n° <strong>266</strong> - Mars 2017 17<br />
En Allemagne<br />
Compromis n’est pas compromission<br />
Pas d’accord sur tout ? À travers les coalitions, ils avancent tout de même… c’est la « méthode<br />
allemande ». Un art du compromis qui a aussi sa noblesse. Infaisable chez nous ?<br />
En Allemagne, lorsque l’un des grands partis<br />
n’obtient pas la majorité requise pour<br />
former un gouvernement, et qu’il n’y a pas<br />
d’accord en vue avec un « petit » parti, leurs dirigeants<br />
se mettent autour de la table pour former<br />
ensemble une Große Koalition, une sorte de cohabitation<br />
– impensable chez nous – des deux principales<br />
forces : l’Union démocrate-chrétienne (CDU-<br />
CSU) et le Parti social-démocrate (SPD).<br />
Arrangement au sens noble<br />
Les intenses tractations entre ces trois partis<br />
pour parvenir à un programme de gouvernement<br />
commun, à l’issue des dernières législatives, il y<br />
a quatre ans, ont permis la création du #GroKo,<br />
consacré comme mot de l’année 2013… pour sa<br />
connotation ironique – il fait penser au croco.<br />
À trois reprises, 1966-1969, 2005-2009 et depuis<br />
2013, cet arrangement, au sens noble du terme,<br />
a permis de travailler ensemble pour le bien du<br />
pays : après les oppositions et déchirements de la<br />
campagne électorale, chacun a le souci de tout<br />
faire pour éviter les conflits et la mise en minorité<br />
de l’un des partenaires.<br />
Pour former l’actuel gouvernement, les partenaires<br />
de la grande coalition ont négocié, point<br />
par point et pendant près d’un mois, un document<br />
contractuel de 185 pages, véritable feuille<br />
de route qui contient l’essentiel du compromis<br />
entre les « rouges » et les « noirs » sur les dossiers<br />
sensibles : le salaire minimum à 8,50 € de l’heure<br />
– une nouveauté outre-Rhin – voulu par les sociodémocrates,<br />
les retraites, les dépenses d’investissement,<br />
une proposition de péage conforme<br />
au droit européen (à l’aide d’une vignette) pour<br />
les automobilistes étrangers, le droit à la double<br />
nationalité pour les enfants nés en Allemagne de<br />
parents étrangers, etc.<br />
Feuille de route négociée<br />
Quand 2 partis opposés s’accordent sur les premières priorités…<br />
Disposant d’une confortable majorité au Bundestag,<br />
grâce à cette alliance qui lui permet également<br />
de faire face aux risques de blocage du<br />
Bundesrat, la chambre haute où siègent les représentants<br />
des Länder, la chancelière reste néanmoins<br />
la « patronne » pour mettre en œuvre la<br />
politique voulue par les deux grands partis. Elle<br />
a en effet latitude d’accélérer ou de retarder les<br />
projets, selon les priorités qui sont les siennes ou<br />
celles que préconise la conjoncture.<br />
Femme de pouvoirs et de sagesse, Mme Merkel<br />
sait qu’elle doit éviter tout risque de crise avec<br />
le SPD, dont le président, Sigmar Gabriel, vicechancelier,<br />
se pose en challenger pour l’élection de<br />
2017.<br />
Cet art du compromis ravirait Montesquieu :<br />
« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut<br />
que par la disposition des choses, le pouvoir arrête<br />
le pouvoir. »<br />
Paroles des évêques de France…<br />
Bernard Millet<br />
« Le vrai compromis est plus qu’un entre deux…<br />
on cherche à construire ensemble quelque<br />
chose d’autre où personne ne se renie mais qui<br />
conduit forcément à quelque chose de différent<br />
des positions de départ. (…)<br />
Il n’y a pas de projet durable qu’élaboré dans un<br />
rapport de dialogue. La politique est donc un<br />
lieu essentiel de l’exercice de la parole… »