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16<br />
éclairage<br />
Famille L<br />
ADMINISTRATION lÉgale<br />
La banque n’est pas garante<br />
de l’emploi des capitaux échus<br />
au mineur par l’administrateur<br />
Inf. 11<br />
Nathalie Peterka,<br />
Professeur à l’Université<br />
Paris-Est Créteil<br />
(UPEC, Université Paris 12),<br />
Directrice du Master 2 Droit privé<br />
des personnes et des patrimoines<br />
et du Master 2 Protection<br />
de la personne vulnérable<br />
L’administrateur légal a le pouvoir de recevoir puis de retirer du compte<br />
de son enfant mineur les capitaux échus à ce dernier, dont l’emploi n’est<br />
pas garanti par la banque.<br />
Cass. 1 e civ. 11-10-2017 n° 15-24.946 F-PBI<br />
1. L’arrêt du 11 octobre 2017, promis à une<br />
très large diffusion, fournit d’importantes précisions<br />
sur l’articulation des pouvoirs de l’administrateur<br />
légal et de la responsabilité civile<br />
des tiers confrontés à ses fautes de gestion.<br />
2. Les faits. Une femme, en sa qualité d’administratrice<br />
légale sous contrôle judiciaire,<br />
avait placé sur un compte ouvert au nom de<br />
son fils mineur, la somme de 20 000 € échue<br />
à ce dernier dans le cadre de la succession de<br />
son père. Elle a, par la suite, prélevé à son<br />
profit, en 2007, dans un espace de temps assez<br />
court, la somme totale de 14 000 €. Le jeune<br />
garçon ayant été placé sous la tutelle du département,<br />
l’aide sociale à l’enfance agissant en<br />
qualité de tuteur a assigné la banque en versement<br />
de dommages-intérêts en réparation<br />
du préjudice subi par l’enfant.<br />
La cour d’appel fait droit à sa demande au<br />
motif que « les prélèvements effectués par la<br />
mère sur le compte de celui-ci (…) auraient<br />
dû, par leur répétition, leur importance et la<br />
période resserrée d’une semaine sur laquelle<br />
ils ont eu lieu, attirer l’attention de la banque<br />
et entraîner une vigilance particulière de sa<br />
part, s’agissant d’un compte ouvert au nom<br />
d’un mineur soumis à une administration<br />
légale sous contrôle judiciaire. »<br />
La solution se justifie<br />
à l'aune de l’esprit<br />
du droit tutélaire<br />
3. La solution. La Cour de cassation exclut,<br />
au contraire, la responsabilité de la banque :<br />
celle-ci n’est pas garante de l’emploi des<br />
capitaux fait par l’administrateur légal,<br />
même placé sous contrôle judiciaire. Elle<br />
statue en application des dispositions issues<br />
de la réforme de la protection juridique des<br />
majeurs (Loi 2007-308 du 5-3-2008) mais<br />
antérieures à celle de l’administration légale<br />
(Ord. 2015-1288 du 15-10-2015).<br />
Cette solution est conforme à sa jurisprudence<br />
(Cass. 1 e civ. 20-3-1989 n° 87-15.899 :<br />
Bull. civ. I n° 126, D. 1989 p. 406, note J. Massip,<br />
JCP N 1990 II p. 33, note Th. Fossier).<br />
Elle montre combien il est délicat d’articuler<br />
l’autonomie de gestion de l’administrateur,<br />
la protection patrimoniale du mineur<br />
et la sécurité juridique des tiers, sans en<br />
passer par le sacrifice de l’un des intérêts<br />
en présence.<br />
4. Rappel du contexte législatif. Rappelons<br />
que dans le souci de renforcer la surveillance<br />
de la gestion du tuteur, la loi du<br />
5 mars 2007 précitée a accru le rôle des<br />
mécanismes de contrôle de sa mission<br />
(Loi 2007-308 du 5-3-2008 ; N. Peterka,<br />
A. Caron-Déglise : Protection de la personne<br />
vulnérable, Dalloz Action 2017-2018<br />
n° 352. 22). Il en est ainsi tout spécialement<br />
de la surveillance de l’emploi ou du remploi<br />
des capitaux du mineur ou du majeur<br />
en tutelle. Non seulement, lorsqu’un<br />
subrogé tuteur a été nommé, il atteste<br />
auprès du juge des tutelles du bon déroulement<br />
des opérations que le tuteur a l’obligation<br />
d’accomplir, notamment en matière<br />
d’emploi ou de remploi des capitaux. Mais<br />
encore, les tiers, en particulier les prestataires<br />
de l’administrateur (notaires, établissements<br />
bancaires), s’ils ne sont pas<br />
garants de l’emploi des capitaux, peuvent<br />
néanmoins informer le juge des tutelles des<br />
actions ou des omissions de l’administrateur<br />
qui leur paraissent de nature à porter<br />
préjudice au mineur ou au majeur en<br />
tutelle (C. civ. art. 499, al. 1 et 2). Surtout,<br />
cette faculté est transformée en un devoir<br />
d’alerte si, à l’occasion de cet emploi, ils<br />
ont connaissance d’actes ou d’omissions<br />
SOLUTION NOTAIRE <strong>HE<strong>BD</strong>O</strong> 9 novembre 2017 n° 9