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Éclairage 17<br />
qui compromettent manifestement l’intérêt<br />
de la personne protégée (C. civ. art. 499, al.<br />
2). Le texte leur impose alors d’en avertir le<br />
juge des tutelles, à peine d’engager leur responsabilité<br />
civile à l’égard de celle-ci.<br />
Si un tel renforcement du rôle de surveillance<br />
des tiers apparaît comme un utile contrepoids<br />
à l’autonomie de gestion de l’administrateur,<br />
l’arrêt du 11 octobre 2017 en réduit considérablement<br />
la portée, en renvoyant la sanction<br />
de la mauvaise gestion de ce dernier à ses<br />
rapports internes avec le mineur.<br />
Le devoir d’alerte des tiers,<br />
un tempérament limité<br />
à l’autonomie de l’administrateur<br />
5. Autonomie de l’administrateur légal.<br />
Pour écarter la responsabilité civile de la<br />
banque à raison d’un manquement à une<br />
obligation de vigilance, l’arrêt relève que<br />
l’administrateur légal, même placé sous<br />
contrôle judiciaire, peut faire seul les actes<br />
d’administration, dont les dépôts ou retraits<br />
de fonds sur le compte du mineur, et que<br />
la banque n’est pas garante de l’emploi des<br />
capitaux. Il rappelle que, non seulement,<br />
les actes accomplis par l’administrateur<br />
dans le périmètre de ses pouvoirs immunisent<br />
la banque contre le risque d’une mise<br />
en jeu de sa responsabilité civile mais,<br />
encore, les tiers ne sont pas garants de l’emploi<br />
des capitaux du mineur ou du majeur<br />
en tutelle (C. civ. art. 499, al. 2).<br />
La solution est conforme au souci tout à la<br />
fois d’assurer la fluidification de la gestion<br />
du patrimoine de la personne mineure ou<br />
majeure vulnérable et la sécurité juridique<br />
des tiers. Elle conduit à conférer à l’administrateur<br />
légal une parfaite indépendance<br />
de gestion pour procéder à l’investissement<br />
des capitaux de la personne protégée. Il est<br />
vrai qu’il est tenu, sous la tutelle, de respecter<br />
les prescriptions de l’ordonnance<br />
de gestion du juge des tutelles, relatives au<br />
remploi du prix d’aliénation des biens du<br />
mineur ou du majeur (C. civ. art. 501). En<br />
revanche, l’administrateur ne doit aucun<br />
compte aux tiers.<br />
6. Ces derniers n’ont pas à entraver les opérations<br />
relatives aux avoirs du mineur ou<br />
du majeur par des contrôles qui ne leur<br />
incombent pas. Les tiers « ne sont pas<br />
garants de l’emploi des capitaux » de la personne<br />
protégée (C. civ. art. 499, al. 2 reprenant<br />
C. civ. 455 ancien issu de la loi 64-1230<br />
du 14-12-1964). Ils ne peuvent donc être<br />
tenus responsables, en principe, des dysfonctionnements<br />
imputables à l’administrateur<br />
liés à une mauvaise utilisation des<br />
capitaux du mineur ou du majeur.<br />
C’est dire, par exemple, dans le cas de la<br />
vente d’un bien appartenant à la personne<br />
protégée, que l’acquéreur n’a pas à se préoccuper<br />
du remploi du prix d’aliénation,<br />
quand bien même il aurait été judiciairement<br />
prescrit dans l’ordonnance de gestion.<br />
La situation du notaire est, elle, plus<br />
délicate car, s’il n’est pas non plus garant<br />
de l’emploi des capitaux du mineur, il doit<br />
néanmoins s’assurer, à l’occasion de cet<br />
emploi, de la validité des actes qu’il instrumente.<br />
Solution transposable<br />
sous l’empire<br />
du nouveau régime<br />
de l’administration légale<br />
7. Si elle peut surprendre de prime abord,<br />
comme apparaissant peu respectueuse de<br />
la protection patrimoniale de la personne<br />
vulnérable, la solution se justifie, à mieux<br />
y regarder, à l’aune de l’esprit du droit tutélaire.<br />
Il convient ici de rappeler le ratio legis<br />
du texte, lequel repose sur la volonté<br />
« d’éviter que la gestion tutélaire soit paralysée<br />
par la multiplication de formalités<br />
dont l’expérience du passé montre qu’elle<br />
peut se révéler désastreuse pour les personnes<br />
que l’on entend protéger et qu’il<br />
peut être nécessaire de permettre au tuteur<br />
de saisir les opportunités favorables qui<br />
peuvent se présenter » (sur tout ceci, v. J.<br />
Massip : Tutelle des mineurs et protection<br />
juridique des majeurs Defrénois – Lextenso<br />
Éditions 2009 n os 633 à 635).<br />
8. Autonomie tempérée. Au demeurant, si<br />
elle a conservé le principe de l’irresponsabilité<br />
des tiers, et notamment des établissements<br />
bancaires, dans la gestion des<br />
capitaux du mineur ou du majeur, la loi du<br />
5 mars 2007 n’y a pas moins apporté un<br />
tempérament dans l’hypothèse où, à l’occasion<br />
de cet emploi, ils ont connaissance<br />
d’actes ou omissions qui compromettent<br />
manifestement l’intérêt de la personne protégée.<br />
Ils sont alors tenus d’en aviser le juge<br />
à peine d’engager leur responsabilité à<br />
l’égard de celle-ci.<br />
9. Depuis la réforme de l’administration<br />
légale. L’ordonnance du 15 octobre 2015<br />
précitée a supprimé la soumission de l’administration<br />
légale aux règles de la tutelle,<br />
et donc à l’article 499 du Code civil, en<br />
abrogeant le renvoi opéré par l’ancien<br />
article 389-7 à ces dernières. Il n’en<br />
demeure pas moins que ces solutions sont<br />
transposables mutatis mutandis sous les<br />
nouveaux textes. Il est prévu que les tiers<br />
« ayant connaissance d’actes ou omissions<br />
qui compromettent manifestement et substantiellement<br />
les intérêts patrimoniaux du<br />
mineur ou d’une situation de nature à porter<br />
un préjudice grave à ceux-ci » ont un<br />
devoir d’alerte du juge des tutelles (C. civ.<br />
art. 387-3, al. 2). Le texte complète cette<br />
disposition en précisant que « les tiers qui<br />
ont informé le juge de la situation ne sont<br />
pas garants de la gestion des biens du<br />
mineur faite par l’administrateur légal »<br />
(C. civ. art. 387-3, al. 3).<br />
Il en résulte que leur responsabilité ne peut<br />
être recherchée ici, comme sous la tutelle<br />
(C. civ. art. 499, al. 2), qu’en cas de carence<br />
à leur devoir d’alerte, c’est-à-dire s’ils ont<br />
omis de dénoncer une situation manifestement<br />
et gravement préjudiciable au<br />
mineur.<br />
10. Si elle fait écho à l’article 499, la règle<br />
n’en apparaît pas moins plus exigeante. Elle<br />
recouvre une plus grande variété d’opérations<br />
que celles visées sous la tutelle, dont<br />
le domaine d’application est limité aux<br />
seules hypothèses d’emploi ou de remploi<br />
des capitaux du tutélaire. La différence de<br />
rédaction des textes tient à ce que, sous<br />
l’administration légale, le devoir d’alerte<br />
des tiers est conçu comme un tempérament<br />
à la déjudiciarisation de la gestion des<br />
biens du mineur et à l’accroissement corrélatif<br />
des pouvoirs de l’administrateur<br />
légal unique.<br />
Rappelons, en effet, que sous l’empire des<br />
dispositions antérieures, l’administrateur<br />
légal sous contrôle judiciaire ne pouvait<br />
accomplir sans l’autorisation du juge des<br />
tutelles que les seuls actes d’administration.<br />
L’ordonnance a étendu, dans le souci<br />
de parvenir à un traitement égalitaire de<br />
tous les modèles familiaux, cette autonomie<br />
de gestion à la plupart des actes de<br />
disposition. Désormais, l’administrateur,<br />
qu’il soit unique ou conjoint, peut en principe<br />
conclure, sans autorisation judiciaire,<br />
tous les actes relatifs aux biens du mineur,<br />
y compris les actes de disposition à<br />
SOLUTION NOTAIRE <strong>HE<strong>BD</strong>O</strong> 9 novembre 2017 n° 9