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Océanie_de_l_occupation_des_Iles_Marqui

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OCÉANIE.<br />

ms n’occnimnou DES iu:s MARQUISES ET DE L’iLE DE min.<br />

Notre intention est <strong>de</strong> nous élever d’abord contre cette idée qu’on<br />

cherche à accréditer au détriment <strong>de</strong> notre puissance maritime, que<br />

l’esprit français, promptà concevoir l’idée <strong>de</strong> colonisation , est impuis—<br />

sant à la mettre en pratique, à la poursuivre, à la réaliser. Ce n’est<br />

pas que nous veuillons prétendre que toutes les entreprises <strong>de</strong> ce genre ‘<br />

faites par la France aient toutes parfaitement réussi. Mais qu’on se<br />

rappelle le Canada , la Louisiane et Saint-Domingue , et on conviendra<br />

sans doute que la France avait su y jeter à pleines mains <strong>de</strong>s éléments<br />

<strong>de</strong> prospérité. ‘<br />

Il est inutile <strong>de</strong> dire que la où les Français colonisent, on a éprouvé<br />

<strong>de</strong>s échecs. Ces échecs sont venus <strong>de</strong> causes indépendantes <strong>de</strong> leur<br />

volonté ou <strong>de</strong> l’intervention du gouvernement; et d’ailleurs, au sein<br />

même <strong>de</strong> notre vieille Europe, voit-on réussir toutes les tentatives<br />

d’industrie, <strong>de</strong> progrès social et <strong>de</strong> bien—être?<br />

Ceci posé, examinons si la France est en situation <strong>de</strong> se créer <strong>de</strong>s<br />

colonies. Eh bien! à quelle époque <strong>de</strong> sa vie croissante une nation<br />

pense-t-elle à porter au loin le trop plein <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> sa<br />

force et <strong>de</strong> sa richesse? C’est évi<strong>de</strong>mment quand elle est arrivée , sans<br />

moyens factices, à une époque d’accroissement dans la population,<br />

combinée avec un accroissement plus considérable qu’il ne le faudrait<br />

dans la production. Alors, et comme par instinct, les‘ peuples Sont<br />

sollicités d’une part à émigrer, d’autre part à préparer pour l’avenir<br />

<strong>de</strong>s canaux d’écoulement pour les,produits <strong>de</strong> l‘industrie métropoli<br />

taine. Nier qu’il en soit ainsi, c’est nier l’évi<strong>de</strong>nce. Or, la France n’est


308 s neveu on L‘0RiBNT.<br />

peut—être pas dans la première, mais à coup sûr elle commence à se<br />

trouver dans la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux conditions.<br />

Faudrait—il attendre que le mal, que nous nommerons pléthore<br />

industrielle, soit arrivé à son <strong>de</strong>rnierterme pourychercherle remè<strong>de</strong>?<br />

cela serait peu rationnel et peu national. S’emparer <strong>de</strong>s îles <strong>Marqui</strong>ses,<br />

qui se donnent à nous, entrer dans l’archipel <strong>de</strong> Taïti, qui nous<br />

appelle, c’Ëë.poser un premier jalon, .c’est entrer dans une bonne<br />

voie , c_’es >- 1re un premier pas vers la gran<strong>de</strong> ère <strong>de</strong> progrès com—<br />

mercial vers laquelle nous”’<strong>de</strong>vons tendre, quand bien méme nous<br />

serions décidés à nous contenter du titre <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> nation maritime<br />

du globe.<br />

De ces <strong>de</strong>ux points, comme centres, pourraient plus tard partir <strong>de</strong><br />

petites expéditions, qui serviraient un jour <strong>de</strong> force complémentaire<br />

à la colonie-mère <strong>de</strong> l’océan Pacifique , et qui seraient surtout <strong>de</strong>s<br />

points militaires plutôt que <strong>de</strong> véritables colonies.<br />

'<br />

Voyons les Anglais, et en cela suivons leur exemple. A peine sont<br />

ils établis sur un point, que <strong>de</strong> ce point ils s’occupent <strong>de</strong> faire diver<br />

ger vingt établissements qui en relèvent. Par exemple, examinons—les<br />

<strong>de</strong> plus près dans la colonisation <strong>de</strong> l’Australie et <strong>de</strong>s terres environ<br />

nantes, et nous nous convaincrons que partout non—seulement ils ont<br />

mis le pied sur tous les lieux à leur convenance, mais encore qu’ils se<br />

sont emparés <strong>de</strong> ceux qui pouvaient <strong>de</strong>venir un jour à la convenance.<br />

<strong>de</strong>s autres peuples. Il semble même que sous ce <strong>de</strong>rnier rapport ils<br />

n’ont que trop étendu leurs vues occultes et prévoyantes. Car lorsque<br />

la France a songé qu’il était temps <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> nos<br />

armateurs, aux instances <strong>de</strong> nos capitaines baleiniers, <strong>de</strong>‘ces hommes<br />

<strong>de</strong> fer qui se ren<strong>de</strong>nt d’un pôle à l’autre pour y chercher laboriem<br />

sem‘ent <strong>de</strong>s éléments chanceux <strong>de</strong> fortune, et qui versent ensuite sur<br />

les bâtiments <strong>de</strong> la marine'royale leurs meilleurs et leurs plus soli<strong>de</strong>s<br />

matelots; quand, disons—nous, la France a jeté les yeux sur Non/m<br />

Hiva et Taïti , c’est toutsimplement parce que parmi tous les points<br />

qui restaient à occuper c’étaient les meilleurs ou les moins mauvais.<br />

Des colonies situées à 4,000 lieues <strong>de</strong> la métropole, et bien que s’an<br />

nonçant comme <strong>de</strong>vant être surtout <strong>de</strong>s <strong>occupation</strong>s militaires et<br />

maritimes, doivent aussi s’appuyer dans <strong>de</strong> certaines limites sur l’a<br />

griculture, le commerce et l’industrie. De plus, il est nécessaire d’y<br />

combiner ces trois éléments <strong>de</strong> succès dans d’heureuses proportions.<br />

Agir autrement,_c’est entreprendre trop ou pas assez; c’est vouloir<br />

n’arriver à rien. ' '<br />

Sous ce triple point <strong>de</strong> vue, et comme prise <strong>de</strong> possession d’une<br />

localité maritime propre à un établissement stable, l‘<strong>occupation</strong> <strong>de</strong>s


_<br />

m: L’OCCUPATION mas îu«:s MARQUISES. 309<br />

îles <strong>Marqui</strong>ses et <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Société est-elle raisonnable, avanta<br />

geuse, importante? Nous répondrons trois fois oui.<br />

Raisonnable, en ce qu’aucune objection <strong>de</strong> bon sens ne peut être<br />

faite contre l’<strong>occupation</strong>, et que ceux qui sont opposés à l’établisse<br />

ment n’ont discuté jusqu’à présent que sur le chiffre considérable <strong>de</strong>s<br />

dépenses qu’il entraînera.<br />

Auanlageuse , relativement surtout à tant d’autres localités moins<br />

bien favorisées , sous le rapport du climat, <strong>de</strong> la salubrité et <strong>de</strong> la dis<br />

position <strong>de</strong>s habitants à adopter la civilisation européenne.<br />

«Les îles Nouka-lliva, dit un <strong>de</strong>s voyageurs qui ont parcouru avec<br />

le plus <strong>de</strong> fruit l’<strong>Océanie</strong>, M. D. <strong>de</strong> Rienzi, jouissent d’un climat<br />

chaud, mais cependant très-sain, ainsi que le prouve l’état sanitaire<br />

<strong>de</strong>s insulaires et <strong>de</strong> tous les équipages qui y ont séjourné. On voit,<br />

dans le voyage <strong>de</strong> Marchand, qu’au port Martre <strong>de</strong> Dios, dans l’île<br />

SanIa-Chrislùza, le thermomètre se tenait, au mois <strong>de</strong>juin, à 27<br />

<strong>de</strong>grés au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> zéro. La hauteur <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Krusenstern, au port<br />

d’Anna-Marz‘a (Nouka-Hiva ) , a été jusqu’à 25°; mais ordinairement<br />

il marquait 23 ou 24; à terre, il peut monter à 2 <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> plus.<br />

Comme dans toutes les régions tropicales, l’hiver est ici la saison <strong>de</strong>s<br />

pluies, mais elles ne sont ni fréquentes ni continues; quelquefois même<br />

il s’écoule plusieurs mois sans qu’il tombe une goutte d’eau, ce qui<br />

occasionne souvent la disette dans cet archipel...<br />

«Nous allàmes droit à la maison du roi, située dans une vallée à un<br />

mille dans les terres. Le chemin traversait un bocage <strong>de</strong> cocotiers,<br />

d’arbres à fruits et <strong>de</strong> mayo. L’herbe était si abondante et si haute<br />

qu’elle allait jusqu’à nos genoux et retardait notre marche ;' enfin nous<br />

parvinmes àun sentier. Un ravin, rempli d’eau à un pied <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur,<br />

nous conduisit à un chemin très—bien entretenu. Nous entràmes ensuite<br />

dans une magnifique foret, qui paraissait s’étendre jusqu’à une chaîne<br />

<strong>de</strong> montagnes bordant l’horizon. Les arbres <strong>de</strong> la forêt, haüts <strong>de</strong><br />

soixante-dix à quatre-vingts pieds, étaient principalement <strong>de</strong>s coco—<br />

tiers et <strong>de</strong>s arbres à pain, qu’on reconnaissait facilement aux fruits<br />

qu’ils portaient en abondance. Les ruisseaux qui <strong>de</strong>scendaient avec<br />

rapidité <strong>de</strong>s montagnes arrosaient les habitations <strong>de</strong> la vallée; <strong>de</strong>s<br />

masses <strong>de</strong> rochers interrompant leur cours y formaient <strong>de</strong>s casca<strong>de</strong>s<br />

bruyantes et pittoresques. On voyait près <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s<br />

plantations <strong>de</strong> taro et <strong>de</strong> mûriers rangés dans le plus bel ordre, et<br />

' entourés <strong>de</strong> jolies palissa<strong>de</strong>s <strong>de</strong> perches blanches, coup d’œil qui<br />

annonçait <strong>de</strong> grands progrès dans la culture. Cette vue était vraiment<br />

ravissante...<br />

« L’histoire naturelle <strong>de</strong> l’archipel <strong>de</strong> Nouka-Hiva est aussi peu va


310 neveu DE L’omnu'r.<br />

riée que dans les autres îles polynésiennes, et présente, à peu <strong>de</strong> chose<br />

près , la même végétation.<br />

«Ces îles sont généralement volcaniques; leur couche Supérieure est<br />

un terreau composé <strong>de</strong> débris végétaux; on y trouve le cocotier, le<br />

bananier, l’ananas, l’lzibiscus à l’écorce fibreuse, l’artocarpus, le<br />

mûrier à papier, le draeœna, la canne à sucre , le tabac et le bambou,<br />

le peper methysl‘icum, dont on fait le kava, le casaorina, le gar<br />

<strong>de</strong>uia aux fleurs odorantes, l’eugenia, l’acacia , le ricin, l’inop/zyllus,<br />

les armus,‘les pandanus,l’inocarpus, qui fournit une châtaigne<br />

nourrissante, l’a/euriles, dont l’aman<strong>de</strong> donne <strong>de</strong> l’huile, et un grand<br />

nombre <strong>de</strong> fougères d’une élévation et d’une vigueur qu’on ne trouve<br />

que dans les contrées intertropicales. On y connaît, sous le nom <strong>de</strong><br />

[mm <strong>de</strong> vie, une eau minérale, d’un goût assez agréable, et qui est<br />

un spécifique puissant dans plusieurs maladies. .<br />

' «Presque toutes les îles du groupe sont hautes , montueuses et bei<br />

sées; quoique volcaniques, elles n’offrent aucun cratère en activité.<br />

La navigation côtière y est sûre, parce que les bancs <strong>de</strong> coraux n’y<br />

poussent pas leurs rameaux trop au large. La seule difficulté est dans<br />

l’attcrrage, à cause <strong>de</strong>s calmes brusques qui saisissent un navire près<br />

<strong>de</strong> la côte , et le laissent désarmé contre les courants qui le poussent<br />

yers le rivage.<br />

«Les poules, le vampire y sontnombreux; le cochon , le chien et le<br />

rat étaient, comme dans toute la Polynésie, les seuls quadrupè<strong>de</strong>s<br />

connus à Nouka—Hiva, avant l’arrivée <strong>de</strong>s Européens.»<br />

On le sait, les progrès civilisateurs <strong>de</strong>s îles Sandwich sont incontes—<br />

tables, et il est probable que les habitants <strong>de</strong>s îles <strong>Marqui</strong>ses, tout<br />

aussi bien doués du côté <strong>de</strong> l’aptitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’intelligence, marcheront<br />

à grands pas dans la même voie.<br />

Les témoignages <strong>de</strong>s voyageurs ne sont pas moins favorables aux<br />

îles <strong>de</strong> la Société qu’aux <strong>Marqui</strong>ses. ‘<br />

« L’aspect <strong>de</strong> Tutti est enchanteur: et comment en serait-ilautre—<br />

ment? Ses pics volcaniques, qui s’élèvent dans les nues, s’abaissent<br />

graduellement à leur base pour se perdre à la mer; <strong>de</strong>s gorges pro<br />

fon<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s vallées sinueuSes à colonna<strong>de</strong>s <strong>de</strong> basalte, <strong>de</strong>s rivières<br />

qui en <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt coupent en divers sens les chaînes <strong>de</strong>s principales<br />

montagnes : les rivages sont formés par un plateau horizontal et bas,<br />

constamment frais et humi<strong>de</strong>, et couvert <strong>de</strong> cocotiers. Tout le reste<br />

<strong>de</strong> l’île ne forme qu’une masse <strong>de</strong> verdure , où les plantes nourricières<br />

mêlées aux arbustes sauvages, entrelacées par <strong>de</strong>s lianes vivaces,<br />

forment un lacîs inextriéable. ’<br />

«La température, pendant notre séjour , dit M. Lesson, n’a jamais


ne L’OCCUPATION nus îuzs MARQUISES. 311<br />

dépassé 30° du thermomètre centigra<strong>de</strong> à midi et a l’ombre, et n’a pas<br />

été au—<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> 27°; son terme moyen était <strong>de</strong> 29°; à minuit, le<br />

maximum indiquait 27°, le minimum 24°. Le baromètre s’est main—<br />

tenuà28 pouces. La température <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> la mer était généra<br />

lement <strong>de</strong> 27°; la nuit, elle était d’un <strong>de</strong>gré inférieur seulement. L’h—.<br />

ygromètre à cheveux indiquait toujours une saturation complète.<br />

«Le climat <strong>de</strong> Taiti est chaud et en mème temps humi<strong>de</strong>; l’at<br />

mosphère tient sans cesse en suspension une gran<strong>de</strong> quantité d’eau :<br />

aussi est-il rare <strong>de</strong> voir un jour s’écouler sans nuage et sans que <strong>de</strong>s<br />

averses se manifestent <strong>de</strong> temps à autre. Les pitons élevés <strong>de</strong> l’Oroena<br />

se découvrent rarement dans leur entier, et le plus ordinairement ils<br />

sont voilés par d’épaisses écharpes <strong>de</strong> nuages noirs. il pleut fréquem—<br />

ment daus les gorges <strong>de</strong>s montagnes lorsque le plus beau temps règne<br />

_sur la côte. Pendant notre séjour, la presque totalité <strong>de</strong>s journées fut<br />

pluvieuse: aussi l’humidité et la chaleur, ces <strong>de</strong>ux sources <strong>de</strong> vie,<br />

ren<strong>de</strong>nt—elles la végétation <strong>de</strong> Ta‘iti extrêmement brillante et active.<br />

Souvent, dans les beaux.jours, un calme parfait règne dans l’atmos—<br />

phère; mais lorsque le vent s’élève, il souffle par grains , auxquels suc—<br />

cè<strong>de</strong>nt et du calme et <strong>de</strong> petites brises. Les vents <strong>de</strong> la partie <strong>de</strong> l’est<br />

règnent plus ordinairement dans le mois <strong>de</strong> mai.<br />

«L’île <strong>de</strong> Taiti est le résultat d’une agglomération <strong>de</strong> montagnes<br />

Volcaniques, dont les cimes sont élevées et les pieds bordés par une<br />

lisière <strong>de</strong> terres plates, produites par le détritus du sol accumulé dans<br />

les parties les plus inférieures. Cette lisière est aussi la partie fertile<br />

et productive <strong>de</strong> l’île, et celle que les habitants ont choisie pour établir<br />

leurs <strong>de</strong>meures. Les montagnes <strong>de</strong> Taitî semblent ne constituer<br />

qu’un seul plateau, dont le mont Orcena (l) est le point culminant.<br />

Tous les autres pitons ne sont que <strong>de</strong>s sommets <strong>de</strong> monts secondaires,<br />

qui s’irradient vers le pourtour <strong>de</strong> l’île : ils sont séparés par <strong>de</strong> pro<br />

fon<strong>de</strong>s crevasses, par <strong>de</strong>s précipices, par <strong>de</strong>s vallées où serpentent <strong>de</strong><br />

petites rivières. Souvent, les flancs brusquement coupés <strong>de</strong> ces mon—<br />

tagnes sont colorés en rouge vif par une sorte d’argile; tantôt <strong>de</strong><br />

hautes murailles basaltiques les terminent brusquement, et tranchent,<br />

par le noir <strong>de</strong> leurs colonna<strong>de</strong>s, dans les interstices <strong>de</strong>squelles se cram—<br />

popnemt quelques arbustes, avec la teinte verdoyante et fraîche <strong>de</strong>s<br />

masses végétales , qui partout ailleurs en voilent les surfaces.<br />

« Cette île si séduisante par une riche végétation, que l’œil suit<br />

Q) 99 lui donne 3,323 mètres d’élévation.


312 items ne n‘onmvr.<br />

partout sans interruption, cette île dont le bord <strong>de</strong> la côte est si fertile,<br />

n’est que le résultat <strong>de</strong> déjections volcaniques, et son sol est empreint<br />

partout <strong>de</strong>s traces du feu qui lui donna naissance. Les laves , les pou<br />

ces, les matières vitrifiées qu’on ’rencontre communément, réunies<br />

aux dolerites et au basalte qui forment son ossature, viennent partout<br />

affirmer cette origine , et nous savons qu’elle est commune a toutes les<br />

îles hautes <strong>de</strong> la mer du Sud. Ta’îti, Eyméo , Hua/arène, Tua. Bora<br />

bora et Maupiti, qui sont les terres les plus considérables <strong>de</strong> l’archi<br />

pel <strong>de</strong> la Société, forment une chaîne d’îles volcaniques qui s’avancent<br />

à l’est vers les Pomotous, et s’arrêtent à Ma‘îtea ou pic <strong>de</strong> la Bou<strong>de</strong>use,<br />

puis se continuent à l’ouest, par divers petits groupes , avec les archi<br />

pels <strong>de</strong> Tonga et <strong>de</strong>s Navigateurs...<br />

«La botanique <strong>de</strong> Taiti présente un bon nombre <strong>de</strong> plantes qui se<br />

retrouvent sur toutes les îles du grand Océan, entre les Tropiques,<br />

et qu’on observe communément dans les_ Moluques et jusqu’aux îles <strong>de</strong><br />

la Son<strong>de</strong>... ' .<br />

«La nature semble avoir tout fait pour l’existence <strong>de</strong>s Taîtiens :<br />

elle leur a prodigué les substances alimentaires sous toutes sortes <strong>de</strong><br />

formes; elle y a joint un sol fécond et productif, couvert <strong>de</strong> végétaux<br />

usuels, et pour lesquels la culture est peu utile. Sous un ciel tempéré ,<br />

entourés <strong>de</strong> fruits savoureux, <strong>de</strong>'racines nutritives, les Taîtiens <strong>de</strong><br />

vaient contracter dans leurs habitu<strong>de</strong>s cette mollesse et cette douceur<br />

<strong>de</strong> mœurs qu’on a reconnu faire le fond <strong>de</strong> leur caractère indolent et<br />

enclin aux plaisirs <strong>de</strong>s sens... ‘ .«<br />

«Parmi les produits commerciaux et utiles qu’un navire européen<br />

trouverait a Taïti et dans les îles environnantes, on doit citer :<br />

1° L’huile <strong>de</strong> coco. Cette huile prend une o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>-rancidité insoute<br />

nable due à l’imperfection <strong>de</strong>s moyens qu’on emploie pour la fabriquer:<br />

on pourrait, en la raffinant, atténuer ce principe. 2° La fécule d’arrow<br />

root. Cette fécule est principalement utilisée par les Anglais, qui en<br />

font une consommation prodigieuse, et qui l’etnploient dans toutes<br />

les maladies consomptives en place <strong>de</strong> salep. 3° La racine d’ava. L’usage<br />

<strong>de</strong> cette racine n’est pas encore connu en France; mais on s’en sert<br />

beaucoup en Angleterre, comme remè<strong>de</strong> stimulant. 4° La péche <strong>de</strong>s<br />

perles. Objet lucratif, et qui ne nécessiterait que <strong>de</strong>s déboursés bien<br />

faibles, puisqu’on paye les plongeurs par échange, et qu’il s’agit <strong>de</strong><br />

passer dans diverses îles, indiquer le jour où l’on doit revenir, prendre<br />

le fruit <strong>de</strong>s pêches auxquelles les naturels se seront livrés dans l’inter<br />

valle. La nacre <strong>de</strong>s huîtres a déjà par elle-même une valeur réelle.<br />

5° L’écaille <strong>de</strong> tortue. Ce reptile ovipare, nommé ehonou, est telle—<br />

ment commun dans les îles <strong>de</strong> la Société, qu’on pourrait tirer un parti


'<br />

nu L’OCCUPATION uns iras MARQUISES. ' 313<br />

avantageux <strong>de</strong> son écaille (1). 6° Le porc saté. On pourrait ainsi com<br />

pléter ses vivres <strong>de</strong> campagne, en même temps que les barils excé<br />

dants seraient avantageusement vendus au profit <strong>de</strong> l’armateur. Il<br />

faudrait apporter le sel d’Europe , et <strong>de</strong>s barils non <strong>de</strong>stinés pour la<br />

campagne, en bottes. 7° On pourrait tirer quelque peu <strong>de</strong> sucre et<br />

<strong>de</strong> coton; mais ces <strong>de</strong>ux articles, encore insignifiants, ne doivent pas<br />

étre mis en ligne <strong>de</strong> compte. 8°ll est permis <strong>de</strong> compter l’économie<br />

qui résultera pendant le séjour <strong>de</strong>s vivres ou provisions <strong>de</strong> bord, par<br />

faitement remplacés par les racines et les fruits du pays, et l’avantage<br />

qu’on aurait d’obtenir les belles fécules <strong>de</strong> tara, d’arrow-root, <strong>de</strong><br />

pya, etc.<br />

«Enfin il serait utile <strong>de</strong> s’occuper d’une neuvième branche, ou <strong>de</strong> la<br />

pèche <strong>de</strong>s trépangs ou holothuries. L’espèce, nommée priape marin ,<br />

et qui est si recherchée en Chine et dans les îles soumises aux habi<br />

tu<strong>de</strong>s malaises, où on la nomme siala, se trouve en gran<strong>de</strong> abondance<br />

sur les récifs <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Taiti. La préparation <strong>de</strong>s trépaugs est peu<br />

connue en France, et cependant peu difficile à pratiquer, puisqu’il<br />

s’agit simplement <strong>de</strong> faire dégorger les holothuries dans <strong>de</strong> l’alun en<br />

poudre ou dans <strong>de</strong> la chaux, d’en enlever l’épi<strong>de</strong>rme et <strong>de</strong> soumettre<br />

ce zoophyte ainsi écorché à une légère ébullition, puis <strong>de</strong> le <strong>de</strong>ssécher<br />

sur <strong>de</strong>s claies a la chaleur solaire. Lorsqu’il est bien sec, on le tasse<br />

régulièrement dans <strong>de</strong>s barils. Le pikoal <strong>de</strong> cette substance se vend<br />

jusqu’à 45 piastres.»<br />

L’<strong>occupation</strong> <strong>de</strong> ces îles est importante, parce que , situées au mi—<br />

lieu <strong>de</strong>s solitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> mer du Sud, elles offrent <strong>de</strong>s ports sûrs<br />

et commo<strong>de</strong>s, d’un accès facile, et parce que la culture <strong>de</strong>s lieux fertiles<br />

suffira à la subsistance <strong>de</strong>sÎ garnisons et <strong>de</strong>s navires. Ces îles sont, en<br />

outre, les plus rapprochées <strong>de</strong>s côtes <strong>de</strong> l’Amérique centrale et méri<br />

dionale, avec lesquelles nous commençons à ouvrir <strong>de</strong> fructueuses<br />

relations.<br />

La population <strong>de</strong>s îles <strong>Marqui</strong>ses est <strong>de</strong> 40,000 âmes ; celle <strong>de</strong> Taîti (2)<br />

et <strong>de</strong>s autres îles <strong>de</strong> l’archipel <strong>de</strong> la Société a considérablement dimi<br />

(1) L’écaille se vend 15 piastres la livre aux Moluques.<br />

(2‘) Forster évaluait, du temps <strong>de</strong> Cook. la population <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Taiti, seule, à<br />

plus <strong>de</strong> 160,000 habitants.<br />

« On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> , dit—il, comment une si prodigieuse quantité d’hommes rassemblés<br />

sur un si petit espace peut trouver assez <strong>de</strong> subsistance. Nous savons déjà combien<br />

ces terres sont fertiles: trois gros arbres a pain suffisent pour nourrir un homme<br />

pendant la saison du fruit à pain, c’est—à-dîre pendant huit mois. Les plus gros <strong>de</strong> ces<br />

arbres occupent, avec leurs branches, un espace <strong>de</strong> 40 pieds <strong>de</strong> diamètre ; par con<br />

séquent, chaque arbre occupe 1600 pieds carrés; ou, s’il est rond , 1290 pieds <strong>de</strong>ux


314 neveu ne L’0RIENT.<br />

nué; mais elle peut reprendre un mouvement ascensionnel. Il y a<br />

quelques années que le commerce seul du bois <strong>de</strong> sandal y était fort<br />

avantageux. Rien n’empêche <strong>de</strong> reboiser les îles occupées <strong>de</strong> ce bois<br />

précieux en Chine et dans l’ln<strong>de</strong>.<br />

' Les émigrations, en général, remplissent leur but, quand, profil;<br />

tant à la fois aux métropoles dont elles partth et aux localités où '<br />

elles s’établissent, elles créent et satisfont <strong>de</strong>s besoins communs à la<br />

mère-patrie et a la colonie. Les îles <strong>Marqui</strong>ses semblent vouloir tenir<br />

ces conditions, c’est-à-dire qu’elles j0uissent d’une certaine somme<br />

d’avantages réels et incontestables. Cela doit suffire, selon nous, pour<br />

justifier leur <strong>occupation</strong>. Il est difficile sans doute <strong>de</strong> dire à l’avance<br />

ce que ces côlonies nouvelles peuvent <strong>de</strong>venir un jour ; mais il y a lieu<br />

d’espérer qu’elles satisferont au but qu’on s’est proposé, et que, <strong>de</strong><br />

venues un asile pour nos vaisseaux , 'un point d’appui pour le com—<br />

merce, le pavillon français , qui y a été arboré avec joie , y flotterq<br />

avec honneur.<br />

Alph. DENIS.<br />

tiers; un acre d’Angleterre contient 43,560 pieds carrés. Il s’ensuit que plus <strong>de</strong> sept<br />

gros arbres à pain et trente»cinq <strong>de</strong>s moindres trouveront place sur un acre; leurs<br />

fruits nourrissent dix personnes durant huit mois dans le premier cas , et douze dans<br />

le second ; durant ces quatre mois d’hiver, ces naturels vivent <strong>de</strong> racines d’îgnames,<br />

d’eddoës (arum) et <strong>de</strong> bananes , dont ils ont <strong>de</strong>s plantations immenses dans les vallées<br />

<strong>de</strong>s montagnes înhabilées; ils font aussi une espèce <strong>de</strong> pâte aigre <strong>de</strong> fruit à pain fer<br />

menté, quîse gar<strong>de</strong> plusieurs mois, et qui est saine et agréable pour ceux qui se sont<br />

une fois accoutumés a son goût aci<strong>de</strong>. Comparons cette fertilité à la plus gran<strong>de</strong> qu’on<br />

connaisse : en France, une lieue carrée, qui contient environ 4,867 arpens, ne peut<br />

nourrir que 1390 personnes dans les pays <strong>de</strong> labourage , et 2,604 dans les pays <strong>de</strong> vi<br />

gnoble; dans les premiers, un homme a besoin, pour vivre, <strong>de</strong> trois arpents et <strong>de</strong>mi;<br />

et dans les <strong>de</strong>rniers, il faut près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux arpents pour la subsistance d’un individu: à<br />

Taiti , et aux îles <strong>de</strong> la Société , dix ou douze_personnes vivent huit mois sur un espace<br />

<strong>de</strong> terre égal à un acre d’Angleterre, c’est-à-dîre sur 43,560 pieds carrés , au lieu que<br />

l’arpent , qui est <strong>de</strong> 51,550 pieds carrés (mesure d’Angleterre ) , ne nourrit qu’un<br />

homme pendant six mois en France. D’après ce calcul, en prenant <strong>de</strong> part et d’autre<br />

les terrains les mieux cultivés , la population <strong>de</strong> Taîli est à celle <strong>de</strong> France à peu près<br />

comme dix-sept à un; <strong>de</strong> plus, supposons que sur toute l’île <strong>de</strong> Taiti 40 milles an<br />

glais seulement soient plantés d’arbres à pain , cette supposition n’est pas trop forte:<br />

chaque mille étant composé <strong>de</strong> 640 acres, 40 milles font 25,600 acres; or, dix à douze<br />

hommes vivent huit mois sur un acre; par conséquent, trente ou trente-six hommes<br />

subsistent le méme espace <strong>de</strong> temps sur trois acres, et vingt ou vingt—quatre trouveront<br />

leur subsistance pendant une année entière sur trois acres , et sur toute l’étendue <strong>de</strong><br />

25,600 acres, 170,660 personnes, suivant la première supposition , ou 234,800, suivant<br />

la secon<strong>de</strong> , peuvent y vivre annuellement; mais on a vu plus haut que le premier<br />

calcul ne suppose a Taiti que 144,125 habitants, ce qui est près <strong>de</strong> 26,535 <strong>de</strong> moins que<br />

la terre ne peut en nourrir dans le premier cas, ou 60,675 dans le second.<br />

Œnfin, dit Forster en terminant ces belles et importantes observations, j’ajouterai

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