« Il faut rendre à l’agriculture sa place et son rang »
Pages mensuelles de l'UAW - novembre 2018
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Mouvement<br />
Le fabuleux destin d’Amélie Poullain<br />
par Myriam Lambillon, coordinatrice UAW<br />
Après les provinces du Hainaut<br />
<strong>et</strong> du Luxembourg, c’est au tour<br />
des agricultrices du Namurois<br />
de m<strong>et</strong>tre en valeur leur jeune<br />
pousse lors de leur journée provinciale<br />
qui s’est déroulé <strong>à</strong> Philippeville.<br />
C’est dans le charmant<br />
village de Romedenne que nous<br />
avons pu rencontrer une agricultrice<br />
qui fait rimer Passion avec<br />
Organi<strong>sa</strong>tion.<br />
Amélie Poullain est maman de deux jeunes filles<br />
Clémence <strong>et</strong> Karelle <strong>et</strong> l’épouse d’Olivier mais elle est<br />
aussi <strong>et</strong> surtout une passionnée de… la ferme.<br />
Après des études d’agronomie <strong>à</strong> Soignies, Amélie,<br />
agricultrice <strong>à</strong> titre principal, a repris la ferme en association<br />
avec ses parents, une ferme d’élevage (BBB <strong>et</strong> lait)<br />
en 2004.A l’époque <strong>son</strong> époux travaillait <strong>à</strong> l’extérieur.<br />
Ensuite, la ferme familiale a été partagée entre les deux<br />
sœurs <strong>et</strong> le mari d’Amélie souhaitait revenir travailler<br />
avec <strong>son</strong> épouse. <strong>Il</strong> y avait du travail mais pas de quoi<br />
ramener un second <strong>sa</strong>laire.<br />
Une grande décision devait être prise : rester avec une<br />
p<strong>et</strong>ite exploitation <strong>et</strong> un p<strong>et</strong>it revenu ou changer, agrandir<br />
ou se réorienter <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tre l’arrivée d’un second<br />
<strong>sa</strong>laire. C’est la seconde solution qui a été choisie …<br />
mais quel type d’agrandissement ou de réorientation ?<br />
La volonté d’Amélie était de garder la main mise sur<br />
<strong>son</strong> travail, elle voulait une spéculation <strong>sa</strong>ns quota, <strong>et</strong><br />
qui dégageait un revenu rapidement.<br />
Et l’idée du poulailler est arrivée.<br />
La ferme des vaches… <strong>et</strong> la ferme<br />
des poules<br />
C’est ainsi que les enfants ont baptisés les différents<br />
bâtiments.<br />
Amélie <strong>et</strong> <strong>sa</strong> famille étant déj<strong>à</strong> super bien intégrés<br />
dans le village, le concept du poulailler est passé comme<br />
une l<strong>et</strong>tre <strong>à</strong> la poste. Amélie a organisé avec <strong>son</strong> mari<br />
une rencontre avec les villageois <strong>et</strong> ainsi a pu expliquer<br />
leur proj<strong>et</strong> car comme elle le dit si bien : <strong>«</strong> tout est dans la<br />
communication <strong>et</strong> l’échange <strong>»</strong>.<br />
<strong>Il</strong> s’agit d’un élevage de poules pondeuses en plein<br />
air. Près de 40 000 poules qui gambadent sur plusieurs<br />
hectares.<br />
Cela veut également dire 40 000 œufs quotidiens<br />
auxquels il <strong>faut</strong> trouver un débouché.<br />
Pour vendre ces œufs, Amélie gère elle-même les<br />
contrats avec les marchands d’œufs. Ceux-l<strong>à</strong> seront destinés<br />
aux commerces ou <strong>à</strong> la <strong>«</strong> casserie <strong>»</strong> pour les filières<br />
telles que boulangeries,….<br />
Les poules restant 15 mois, vient le moment où il <strong>faut</strong><br />
s’en séparer… <strong>et</strong> l<strong>à</strong> aussi la communication joue un rôle<br />
important. Amélie propose <strong>à</strong> qui le veut de rach<strong>et</strong>er des<br />
poules. L’année passée, pas moins de 4000 poules ont<br />
rejoint les jardins des particuliers.<br />
Amélie a pris l’habitude d’aller <strong>à</strong> la rencontre de ces<br />
poules, dans <strong>et</strong> <strong>à</strong> l’extérieur du poulailler car elle peut<br />
ainsi les observer, voir si elles <strong>son</strong>t en bonne <strong>sa</strong>nté, ramasser<br />
les œufs qui pourraient ‘trainer’ <strong>et</strong> ces poules le<br />
lui rendent bien en la suivant partout.<br />
Dans c<strong>et</strong>te région, le prédateur de nos volatiles,<br />
outre le renard, est le rapace. Pour protéger <strong>son</strong> élevage,<br />
Amélie <strong>et</strong> <strong>son</strong> mari ont planté des arbres sous lesquels<br />
les poules viennent s’abriter au moindre pas<strong>sa</strong>ge du<br />
rapace. Ces pondeuses <strong>son</strong>t soignées aux p<strong>et</strong>its oignons<br />
avec une volière <strong>et</strong> deux jardins d’hiver. Un poulailler<br />
plus p<strong>et</strong>it a également été construit afin de pouvoir fournir<br />
les clients journaliers lors des vides <strong>sa</strong>nitaires qui ont<br />
lieu tous les 15 mois pendant3 semaines <strong>à</strong> un mois. Ce<br />
poulailler ne sert que pour la vente directe.<br />
A ne pas manquer<br />
Dans la tête d’un jeune agriculteur. Manger br<strong>et</strong>on demain…<br />
Ce matin, comme il me l’avait promis la semaine dernière,<br />
j’ai eu le plaisir de trouver dans ma boîte aux l<strong>et</strong>tres,<br />
le dernier ouvrage de Monsieur Remi Mer, qui avait participé,<br />
comme intervenant, au congrès UAW 2017 sur<br />
la thématique de la communication entre agriculteurs,<br />
citoyens <strong>et</strong> médias.. Au moment d’écrire ces quelques<br />
lignes, je n’ai donc pas encore pu lire <strong>son</strong> ouvrage.<br />
Celui-ci nous parle de <strong>l’agriculture</strong> br<strong>et</strong>onne d’aujourd’hui<br />
qui se renouvelle, entre autres pas ses centaines<br />
de jeunes qui, tous les ans, choisissent ce métier pour<br />
vivre leur passion <strong>et</strong> vivre au pays aussi. Agriculteurs, pay<strong>sa</strong>ns,<br />
chefs d’entreprise, producteurs de lait, de porc ou<br />
de légumes, ils <strong>son</strong>t le vi<strong>sa</strong>ge de <strong>l’agriculture</strong> de demain.<br />
Avec ses proj<strong>et</strong>s, ses espoirs mais aussi les défis (<strong>et</strong> ils<br />
<strong>son</strong>t nombreux) <strong>et</strong> ses contraintes.<br />
Rémi Mer est consultant indépendant pour des missions<br />
d’accompagnement auprès d’organi<strong>sa</strong>tion agricoles,<br />
collectivités, organismes scientifiques, collaborateur<br />
de revues professionnelles <strong>et</strong> académiques sur les<br />
crises <strong>sa</strong>nitaires, le développement durable, la communication,<br />
les relations entre agriculture <strong>et</strong> société…. autant<br />
Les œufs…. <strong>et</strong> le beurre<br />
Le beurre a toujours été confectionné <strong>à</strong> la ferme des<br />
vaches. Déj<strong>à</strong> du temps de ces parents étant donné qu’il<br />
y a un troupeau laitier. Mais il ne servait qu’<strong>à</strong> la famille.<br />
L’habitude était de faire du beurre 3 <strong>à</strong> 4 fois par an.<br />
Les clients venant de plus en plus nombreux pour les<br />
œufs, les restaurateurs commençant également <strong>à</strong> se<br />
fournir <strong>à</strong> la ferme des poules, beaucoup demandaient s’il<br />
y avait du beurre. La question a été entendue, réfléchie<br />
<strong>et</strong> mise en application. Amélie <strong>et</strong> <strong>son</strong> mari ont ainsi remis<br />
aux normes la ‘pièce <strong>à</strong> beurre’ avec un matériel performant<br />
<strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tant de pouvoir gérer les commandes.<br />
C’est ainsi que le beurre est revenu <strong>à</strong> côté des œufs.<br />
De fil en aiguille, Amélie propose ainsi des œufs plein<br />
air, du beurre doux, <strong>sa</strong>lé <strong>et</strong> gros sel en 500, 250 <strong>et</strong> 125<br />
gr, du lait cru, de la crème fraîche <strong>et</strong> du fromage blanc.<br />
Quand passion rime<br />
avec organi<strong>sa</strong>tion<br />
Les journées commencent tôt.<br />
Dès 4H00 du matin, les mardi, jeudi, <strong>et</strong> <strong>sa</strong>medi,<br />
Amélie fait le beurre ainsi elle <strong>sa</strong>it con<strong>sa</strong>crer le p<strong>et</strong>it<br />
déjeuner <strong>et</strong> les traj<strong>et</strong>s vers l’école avec ces filles le matin.<br />
Dès 9H00 elle se r<strong>et</strong>rouve dans la ferme des poules afin<br />
de ramasser les œufs grâce <strong>à</strong> un tapis roulant. Et 40 000<br />
œufs ne se ramassent pas en deux temps trois mouvements<br />
!<br />
L’après-midi est con<strong>sa</strong>cré aux commandes <strong>et</strong> livrai<strong>son</strong>s<br />
en magasin <strong>et</strong> chez les restaurateurs du coin… Et<br />
les particuliers ? <strong>Il</strong>s <strong>son</strong>t accueillis <strong>à</strong> la ferme de poules.<br />
Amélie a bien es<strong>sa</strong>yé d’instaurer des horaires d’ouverture<br />
mais voil<strong>à</strong>, le temps est compté pour tout le monde<br />
<strong>et</strong> les heures d’ouverture n’étant pas respectées, Amélie<br />
a préféré ouvrir <strong>sa</strong> porte dès que le client arrive.<br />
En plus du contrat avec ses marchands d’œufs, ses<br />
restaurateurs, ses magasins <strong>et</strong> ses clients <strong>à</strong> la ferme, elle<br />
avait commencé avec le concept de ‘La Ruche qui dit oui’<br />
mais c’était assez frustrant de ne pouvoir servir les per<strong>son</strong>nes<br />
qui avaient oublié de commander en temps <strong>et</strong> en<br />
heure. Aussi, comme Amélie aime gérer elle-même ses<br />
productions <strong>et</strong> surtout aime <strong>rendre</strong> ses clients heureux,<br />
elle va régulièrement sur la <strong>place</strong> de deux villages <strong>à</strong> la<br />
frontière française vendre ses produits. Sa camionn<strong>et</strong>te<br />
est attendu <strong>et</strong> ses produits très apprécié. L’horaire ? De<br />
de thèmes sur lesquels il a animé plusieurs dizaines de<br />
débats.<br />
Ce livre <strong>«</strong> Dans la tête d’un jeune agriculteur –<br />
Manger br<strong>et</strong>on demain <strong>»</strong> est basée sur une enquête<br />
auprès d’une vingtaine de jeunes agriculteurs br<strong>et</strong>ons, ce<br />
livre ouvre des voies de dialogue <strong>et</strong> de reconnais<strong>sa</strong>nce<br />
entre la Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> ses pay<strong>sa</strong>ns. Ceux-ci <strong>son</strong>t attendus<br />
d’abord sur la question alimentaire, mais aussi sur l’environnement,<br />
sur leur <strong>place</strong> dans l’économie <strong>et</strong> la société<br />
locale, la culture,…<br />
Des rendez-vous qu’en tant qu’agriculteurs, ils ne<br />
peuvent manquer !<br />
Persuadée que <strong>son</strong> nouvel ouvrage, comme le précédent<br />
<strong>«</strong> Le Paradoxe Pay<strong>sa</strong>n <strong>»</strong>, se dévorera avec plaisir, je<br />
ne peux que vous le conseiller.<br />
<strong>«</strong> Dans la tête d’un jeune agriculteur <strong>»</strong><br />
Rémi Mer<br />
Es<strong>sa</strong>i<br />
Préface de Patrice Moyon (journaliste <strong>à</strong> Ouest-France)<br />
éditions Skol Vreizh<br />
16H <strong>à</strong> 18H00 horaire étudié car les clients <strong>son</strong>t<br />
disponibles <strong>à</strong> ces heures <strong>et</strong> la camionn<strong>et</strong>te<br />
étant située sur un lieu stratégique, ses produits<br />
connaissent un succès <strong>sa</strong>ns mesure. C’est<br />
ainsi qu’elle vend en 2 heures près de 3000<br />
œufs, 100L de lait <strong>et</strong> près de 30 kg de beurre.<br />
Romedenne est un village très bien situé<br />
pour <strong>son</strong> commerce, proche de Giv<strong>et</strong> où les<br />
français apprécient les produits fermiers,<br />
proche des campings de la région également,<br />
les profils des clients <strong>son</strong>t aussi diversifiés que<br />
ces produits.<br />
Bref, la ferme des vaches <strong>et</strong> la ferme des<br />
poules…une histoire de famille ?<br />
C’est vrai ! Sans le soutien de mon mari,<br />
de mes parents <strong>et</strong> <strong>sa</strong>ns leur travail quotidien<br />
auprès de moi, ce ne serait pas la même chose.<br />
Mon mari trait <strong>et</strong> je peux compter sur un coup<br />
de main quotidien de mes parents<br />
J’ai beaucoup de chance d’avoir une famille<br />
qui a le feu <strong>sa</strong>cré que ce soit pour l’élevage,<br />
pour la traite, pour les poules ou pour le<br />
contact avec les clients, ils <strong>son</strong>t l<strong>à</strong> <strong>et</strong> je les en<br />
remercierai tous les jours<br />
Un p<strong>et</strong>it regr<strong>et</strong> ?<br />
Entre les dossiers pour les œufs, la recherche<br />
de contrats, la gestion du troupeau de<br />
vache, la gestion des crises tels que le Fibronil,<br />
les commandes, la fabrication du beurre, la<br />
communication avec les clients, le temps passe<br />
vite …tout cela, Amélie l’a voulu <strong>et</strong> l’assume<br />
car c’était <strong>son</strong> rêve, c’est devenu <strong>sa</strong> vie…<br />
Mais l’administratif prend une ampleur catastrophique.<br />
Les lundi <strong>et</strong> mardi, de 13H <strong>à</strong> 16H,<br />
Amélie s’adonne <strong>à</strong> ces travaux de bureau.<br />
Amélie vit <strong>sa</strong> vie avec passion, elle partage<br />
<strong>son</strong> temps entre ses vaches, ses poules <strong>et</strong> <strong>sa</strong><br />
famille. <strong>Il</strong> ne lui reste pas beaucoup de temps<br />
pour une vie sociale comme le commun des<br />
mortel l’entendrait mais voil<strong>à</strong>, c’est cela le<br />
fabuleux destin d’Amélie Poullain<br />
<strong>Il</strong> sera disponible au prix de 12€ dans les<br />
librairies <strong>à</strong> la mi-novembre.<br />
Une partie des rec<strong>et</strong>tes de la vente de ce<br />
livre (1%) sera cédée <strong>à</strong> l’association Solidarité<br />
Pay<strong>sa</strong>ns de Br<strong>et</strong>agne.<br />
8 novembre 2018<br />
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