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« Il faut rendre à l’agriculture sa place et son rang »

Pages mensuelles de l'UAW - novembre 2018

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A la rencontre de<br />

Collaborer en toute amitié<br />

Collaborer<br />

au féminin,<br />

10 portraits<br />

d’agricultrices<br />

wallonnes<br />

Par Fanny Gerarts, Coordinatrice UAW<br />

Lorsqu’on arrive au magasin de la Ferme du Sacré-Cœur, on a l’impression<br />

d’entrer dans une joyeuse ruche. Du monde dans la boutique,<br />

devant <strong>et</strong> derrière le comptoir, le téléphone qui <strong>son</strong>ne…bref, ça bouge !<br />

Caroline explique que lors de <strong>sa</strong> formation agricole,<br />

elle a fait <strong>son</strong> stage chez Christine, qui lui a proposé de<br />

continuer c<strong>et</strong>te collaboration en indépendante lorsque<br />

<strong>son</strong> apprentis<strong>sa</strong>ge était terminé. Caroline a accepté avec<br />

enthousiasme : <strong>«</strong> Notre ferme est très isolée, dit-elle, <strong>et</strong><br />

j’ai vraiment besoin de contacts. Même si je travaille au<br />

quotidien avec mon mari, il s’occupe plutôt des cultures<br />

<strong>et</strong> moi des animaux, <strong>et</strong> si on ne prévoit pas de se voir<br />

dans la journée, on pourrait facilement ne pas se croiser,<br />

parce qu’on est tous les deux très absorbés dans nos<br />

travaux. On peut vite être très seul dans <strong>son</strong> travail si on<br />

n’y est pas attentif. Ça me plaît vraiment de venir ici un<br />

jour par semaine pour aider <strong>à</strong> la boutique <strong>et</strong> participer<br />

au proj<strong>et</strong> de Christine <strong>à</strong> ma façon, <strong>et</strong> c’est aussi pour ça<br />

que j’ai développé mon propre proj<strong>et</strong> de vente directe de<br />

colis de viande. <strong>»</strong><br />

Dans le cadre de notre proj<strong>et</strong><br />

<strong>«</strong> La collaboration/coopération : un<br />

champ de possible ! <strong>»</strong>, nous avons<br />

compilé, au sein d’un livr<strong>et</strong>, dix portraits<br />

d’agricultrices qui ont accepté<br />

de partager leurs expériences respectives<br />

en matière de collaboration.<br />

Ces dix agricultrices ont donc<br />

pu m<strong>et</strong>tre en évidence différents<br />

modèles de collaboration en agriculture<br />

:<br />

- Coopérative d’Utili<strong>sa</strong>tion de<br />

Matériel Agricole, avec Charline<br />

Lamontagne (présentée dans<br />

nos pages en août dernier) ;<br />

- Groupe de Soutien aux agriculteurs<br />

en difficultés, avec Martine<br />

Fiasse (présentée dans nos<br />

pages en septembre dernier) ;<br />

- Collaboration dans le travail<br />

;<br />

- Échanges <strong>et</strong> achats groupés,<br />

- Collaborer afin d’innover ;<br />

- Collaborer pour défendre le<br />

métier ;<br />

- Collaborer pour se former ;<br />

- Association père-fille ;<br />

- Collaborer pour transformer.<br />

La maîtresse des lieux, Christine Tasiaux, gère la<br />

situation avec efficacité, <strong>et</strong> avec le sourire. <strong>«</strong> J’étais assistante<br />

en pharmacie <strong>et</strong> j’ai décidé d’abandonner mon<br />

métier pour revenir sur l’exploitation aider mon mari, car<br />

entre la production, la transformation des produits laitiers<br />

<strong>et</strong> la vente directe, il y avait du boulot. Et puis nous<br />

avions aussi 4 jeunes enfants ! J’y ai tout de même mis<br />

une condition, raconte-t-elle malicieuse. Je n’avais plus<br />

envie de vendre nos produits <strong>sa</strong>ns une structure adaptée<br />

: on vendait déj<strong>à</strong> notre lait, notre beurre, nos yaourts, nos<br />

glaces <strong>et</strong> en <strong>sa</strong>i<strong>son</strong> des pommes de terre <strong>et</strong> des fraises. Je<br />

voulais un vrai point de vente, un magasin <strong>à</strong> la ferme où<br />

je pourrais vendre nos produits, mais aussi ceux de nos<br />

collègues agriculteurs de la région. <strong>»</strong> C’est aujourd’hui<br />

chose faite, <strong>et</strong> la jolie boutique de Christine offre désormais<br />

un magnifique échantillonnage de ce que la région<br />

offre de richesses <strong>et</strong> de <strong>sa</strong>veurs fermières. Un beau rayon<br />

d’épicerie fine vient compléter le tout.<br />

<strong>«</strong> Je pense que ce qui fait que ça marche, c’est le fait<br />

que nos clients <strong>sa</strong>vent qu’ils pourront trouver de tout,<br />

chez nous. On a vraiment voulu développer un large<br />

assortiment de produits proches <strong>et</strong> de grande qualité.<br />

Du coup, on fidélise le client, <strong>et</strong> on en attire aussi de<br />

nouveaux.<strong>»</strong><br />

<strong>«</strong> C’est vrai que c’est tout de même une fierté de<br />

r<strong>et</strong>rouver le fruit de <strong>son</strong> travail <strong>à</strong> la carte d’un restaurant<br />

gastronomique<strong>»</strong>, dit Christine.<br />

Christine <strong>et</strong> Caroline travaillent ensemble un jour par<br />

mois au magasin en fonction des besoins <strong>et</strong> de leurs<br />

disponibilités, mais se parlent tous les jours ou presque.<br />

On sent chez ces deux-l<strong>à</strong> une vraie complicité. Toutes les<br />

deux ont un parcours très similaires. Caroline travaillait<br />

aussi en pharmacie quand elle a décidé de rejoindre<br />

<strong>son</strong> mari sur la ferme familiale <strong>à</strong> Assesse. C’est par<br />

leurs maris, copains depuis longtemps, qu’elles ont fait<br />

connais<strong>sa</strong>nce.<br />

Ensemble, jeunes mariées, elles ont décidé de suivre<br />

les cours A <strong>et</strong> B qui perm<strong>et</strong>tent d’accéder <strong>à</strong> l’installation<br />

dans le secteur agricole malgré leur choix de carrière<br />

initial tout <strong>à</strong> fait hors agriculture. Pourquoi ? <strong>«</strong> Parce<br />

qu’on ne <strong>sa</strong>it jamais <strong>»</strong> disent-elles en chœur. Et elles ont<br />

eu rai<strong>son</strong>, puisque les voil<strong>à</strong> toutes deux plongées dans<br />

<strong>l’agriculture</strong> jusqu’au cou, <strong>et</strong> manifestement heureuses<br />

de l’être.<br />

Au-del<strong>à</strong> de la collaboration pratique que les deux<br />

amies ont organisée, on perçoit aussi qu’elles réfléchissent<br />

ensemble <strong>et</strong> se soutiennent dans leurs proj<strong>et</strong>s<br />

respectifs. Caroline veut développer la vente directe de<br />

la viande issue de <strong>son</strong> exploitation (Facebook – La Ferme<br />

de Coux). Christine en fait donc la publicité dans <strong>sa</strong> boutique.<br />

<strong>«</strong> Par contre, je ne veux pas vendre ma viande ici,<br />

dit Caroline, car je tiens <strong>à</strong> ce que les clients viennent <strong>à</strong> la<br />

ferme voir comment on élève nos animaux, c’est tout le<br />

sens de mon proj<strong>et</strong> ! <strong>»</strong>.<br />

Christine, quant <strong>à</strong> elle, a encore plein d’idées en<br />

tête, mais préfère se concentrer sur <strong>son</strong> magasin pour<br />

l’instant : <strong>«</strong> C’est très exigeant physiquement, comme<br />

travail, c’est très intensif. On y con<strong>sa</strong>cre aussi beaucoup<br />

de temps, <strong>et</strong> donc il <strong>faut</strong> <strong>sa</strong>voir s’arrêter <strong>et</strong> garder aussi<br />

de l’espace dans <strong>sa</strong> vie pour ses enfants, <strong>sa</strong> famille, ses<br />

amis. C’est un point de vue qu’on partage, Caroline <strong>et</strong><br />

moi, on tient beaucoup <strong>à</strong> garder c<strong>et</strong> équilibre-l<strong>à</strong>, qui est<br />

très important dans nos vies. <strong>»</strong> Et Caroline d’ajouter : <strong>«</strong><br />

C’est vrai ! Et on a choisi toutes les deux de revenir <strong>à</strong> la<br />

ferme <strong>et</strong> de développer une activité qui nous apporte<br />

du plaisir <strong>à</strong> travailler, il <strong>faut</strong> préserver c<strong>et</strong>te énergie-l<strong>à</strong><br />

aussi. <strong>»</strong><br />

Elles repensent en souriant que lorsqu’elles ont<br />

toutes les deux lâché leur travail <strong>sa</strong>larié en pharmacie,<br />

elles pen<strong>sa</strong>ient revenir vers une vie plus sereine, avec<br />

des horaires plus gérables. C’est évidemment tout le<br />

contraire, car elles travaillent toutes les deux beaucoup,<br />

<strong>et</strong> n’ont pas d’horaires fixes, comme c’est souvent le cas<br />

en agriculture.<br />

Et les maris, dans tout ça, comment vivent-ils c<strong>et</strong>te<br />

collaboration ? <strong>«</strong> Très bien, dit Christine, ils s’entendent<br />

<strong>à</strong> merveille aussi, <strong>et</strong> comme nous, ils parlent beaucoup<br />

ensemble de comment ils voient le métier, quelle direction<br />

ils veulent donner <strong>à</strong> leur exploitation. Depuis peu, ils<br />

commencent même <strong>à</strong> envi<strong>sa</strong>ger l’achat en commun de<br />

l’une ou l’autre machine qui serait utile aux deux exploitations,<br />

<strong>et</strong> de partager l’achat <strong>et</strong> l’utili<strong>sa</strong>tion de matériel.<br />

On les a <strong>«</strong> contaminés <strong>»</strong> <strong>à</strong> la coopération ! <strong>»</strong>. Même<br />

constat <strong>à</strong> la génération suivante : les enfants, déj<strong>à</strong> mordus<br />

d’agriculture, <strong>son</strong>t aussi très copains.<br />

Derrière c<strong>et</strong>te collaboration née d’une amitié solide,<br />

on sent une vraie philosophie. Caroline explique : <strong>«</strong><br />

Nous sommes une nouvelle génération d’agriculteurs<br />

<strong>et</strong> d’agricultrices, nous nous sommes installés dans un<br />

métier qui a <strong>«</strong>énormément changé par rapport <strong>à</strong> ce que<br />

nos parents ont vécu. <strong>Il</strong> évolue encore beaucoup, <strong>et</strong> il<br />

continuera <strong>à</strong> le faire. C’est <strong>à</strong> nous aussi de le faire évoluer<br />

<strong>et</strong> de réfléchir au futur de nos fermes, <strong>et</strong> de façon<br />

plus générale <strong>à</strong> celui du secteur. Christine <strong>et</strong> moi, par<br />

rapport <strong>à</strong> tout ça, nous sommes toutes les deux fermement<br />

convaincues que la collaboration, c’est vraiment<br />

une piste d’avenir ! <strong>»</strong><br />

8 novembre 2018<br />

Pour ce mois de novembre, nous<br />

continuons la présentation des agricultrices<br />

avec un portrait croisé de<br />

deux agricultrices, Christine Tasiaux<br />

<strong>et</strong> Caroline Herbi<strong>et</strong>.<br />

Christine a 38 ans, <strong>et</strong> est agricultrice<br />

<strong>à</strong> Natoye (Hamois), dans une<br />

exploitation agricole mixte d’élevage<br />

laitier <strong>et</strong> viandeux, <strong>et</strong> de grandes<br />

cultures ; avec également la production<br />

d’œufs <strong>et</strong> de fraises.<br />

Caroline a 39 ans, <strong>et</strong> est agricultrice<br />

<strong>à</strong> Maillen (Assesse), dans une<br />

exploitation mixte d’élevage viandeux<br />

<strong>et</strong> de grandes cultures ; avec<br />

également la production de chanvre<br />

<strong>et</strong> la vente directe de viande BBB.<br />

Christine Tasiaux<br />

<strong>«</strong> On a choisi un métier<br />

pour la passion,<br />

on travaille <strong>à</strong> conserver<br />

c<strong>et</strong>te énergie <strong>»</strong><br />

Caroline Herbi<strong>et</strong> renchérit : <strong>«</strong> C’est aussi l’atmosphère<br />

du magasin qui plaît aux gens, je crois. C’est très<br />

familial, on se connaît, on se tutoie, on papote avec les<br />

clients, c’est une ambiance vraiment agréable. Et puis<br />

surtout, on conseille, ce qui n’est pas toujours le cas en<br />

supermarché, <strong>et</strong> les gens apprécient beaucoup ça aussi.<br />

<strong>»</strong> Au-del<strong>à</strong> des clients qui viennent en magasin, il y a<br />

aussi tout un réseau de distribution qui s’organise <strong>et</strong> qui<br />

fournit d’autres points de vente ou des restaurants en<br />

produits issus de la ferme Tasiaux. Une belle reconnais<strong>sa</strong>nce<br />

de la qualité du travail fourni !<br />

Caroline Herbi<strong>et</strong><br />

<strong>«</strong> Nous avons ‘contaminé’<br />

nos maris<br />

<strong>à</strong> la collaboration ! <strong>»</strong>

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