Côté Cinéma n°271 - juin 2015

EN SALLE
Finalement, après quelques années difficiles pour beaucoup, je
pense qu’il est important que nos collègues distributeurs résistent
à la tentation de « battre le fer tant qu’il est chaud ». Il est clair que
certains studios ont d’incroyables line up – ce qui est une bonne
nouvelle – mais j’espère qu’ils n’utiliseront pas cela pour exercer
une pression déraisonnable sur le marché, particulièrement sur les
petits opérateurs.
C.C : Quels marchés semblent être prêts à croître lors des
prochaines années ?
P.C : Je pense que nous continuerons à voir une forte croissance
dans de nombreux pays de l’Est de l’Europe, grâce à un investissement
significatif dans de nouveaux cinémas et
à un public désireux de profiter de l’expérience
sur grand écran. Mais comme je l’ai mentionné, je
pense que nous pouvons être optimistes, et nous
attendre à ce que la plupart des pays européens
se développent dans les années qui viennent.
C.C : Il y a eu une forte croissance du box
office et des entrées en Turquie l’année
dernière ; selon vous, quels facteurs y
ont contribué ?
P.C : Il y a probablement de nombreux facteurs
qui entrent en compte ici. L’un de ceux-ci est que
la Turquie a une population extrêmement jeune,
ce qui constitue traditionnellement un cœur de
public pour les cinémas. Deuxièmement, il y a une
production de films locaux exceptionnellement
forte et vivante, avec des productions nationales
capables de rassembler près de 50 % du public,
soit même plus qu’en France ces derniers temps.
Pour finir, il serait injuste de ne pas reconnaître
la contribution d’opérateurs tels que Mars
Entertainment, dont l’investissement dans des
cinémas « dernier cri » en Turquie a contribué à
nourrir un appétit toujours plus grand pour l’expérience
sur grand écran.
C.C : L’Espagne s’est battue contre son
gouvernement qui a introduit de nouvelles
taxes sur le prix du billet, et il semblerait
que cette année soit encore difficile pour
le marché espagnol, à moins que des films
domestiques aident à booster les entrées.
Quel rôle joue une production locale forte
et vivante dans la dynamique d’un marché
et dans sa croissance ?
P.C : En Europe, chaque fois que nous voyons
un succès de l’industrie cinématographique,
cela est dû (parfois en grande partie) à une forte
contribution de la production locale. Nous avons
vu de nombreux exemples ces dernières années,
récemment en Espagne avec Ocho Apellidos
Vascos mais également en France avec Qu’estce
Qu’on a Fait au Bon Dieu, et en Suède avec Le
Vieux qui ne Voulait pas Fêter son Anniversaire.
Un seul film ne peut pas à lui seul fournir un bon
box office mais peut offrir un fil conducteur pour
un succès ailleurs.
C.C : On entend qu’il s’agit d’un business résistant à la récession
; est ce que la récente dévaluation de la monnaie
russe a affecté le marché local ?
P.C : Je pense que ces dernières années, de nombreuses circonstances
ont remis en cause la vision de l’industrie du cinéma
comme étant résistante à la récession, comme beaucoup l’avaient
pressenti auparavant. Il est certain que la durée et l’importance
des difficultés économiques que connaît le sud de l’Europe depuis
quelques années suggèrent que cette caractéristique a une limite.
Les problèmes de monnaie actuels en Russie, combinés à d’autres
facteurs, vont sans doute avoir un impact négatif sur le pouvoir
d’achat des individus. Mais avec les investissements effectués par
nos confrères sur le terrain ainsi que l’appétit des
russes pour le cinéma, nous sommes confiants
dans le fait que le pays est en mesure de dépasser
ces difficultés.
« On assiste dans certains pays à
une transition vers une offre de
cinéma plus « segmentée »,
reflétant les nouveaux modèles
économiques de construction
et d’exploitation »
C.C : En Amérique du Nord, des tendances
telles que la restauration dans la salle de
cinéma, les sièges luxueux et les places
numérotées rencontrent de plus en plus
de succès. Quelles tendances voyez-vous
émerger en Europe ?
P.C : Les tendances que vous décrivez ne sont
certainement pas propres à l’Amérique du Nord.
Je pense que l’on assiste dans certains pays à
une transition vers une offre de cinéma plus « segmentée
», reflétant les nouveaux modèles économiques
de construction et d’exploitation dans un
secteur entièrement numérique, mais aussi les
demandes du public pour une expérience plus
personnalisée et adaptée. Ceci peut inclure plus
de spécialisation ou d’offres de cinéma Art &
Essai, ou alors des boutiques et des offres VIP,
ainsi qu’un cinéma « pop-up » et « secret ».
Nous voyons actuellement dans de nombreux
pays européens que les changements économiques
que connaissent l’exploitation et la
construction de sites, en particulier avec la capacité
de programmer une plus grande variété de
films, maximisent les revenus grâce à un public
plus large. Cela conduit des cinémas à s’installer
dans des endroits où ils n’auraient pas pu être
viables dans un monde en 35mm.
Tout cela est extrêmement positif, et c’est une
vraie raison d’être optimiste.
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