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Haiti Liberte 16 Septembre 2020

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La Tribune de Catherine Charlemagne (133)<br />

Réforme constitutionnelle ou élections générales,<br />

le flou persiste !<br />

Le Président Jovenel Moïse en train de supplier pour qu’on le facilite à<br />

monter son Conseil Electoral Phtkiste<br />

(Dernière partie)<br />

Ces dernières semaines les choses<br />

semblent s’accélérer. Depuis l’assassinat<br />

sauvage de l’éminent juriste<br />

et Bâtonnier du Conseil de l’Ordre des<br />

avocats de Port-au-Prince, le plus<br />

ancien des Caraïbes, Me Monferrier<br />

Dorval, dans la soirée du vendredi<br />

28 août <strong>2020</strong>, le Président de la République,<br />

Jovenel Moïse, passe à une<br />

vitesse supérieure sur les deux dossiers.<br />

Ce meurtre qui a ébranlé tout<br />

le pays dont l’écho parvient dans le<br />

monde entier serait le catalyseur de la<br />

marche forcée du chef de l’Etat quand<br />

on observe en même temps une<br />

levée de bouclier de l’opposition et<br />

d’une partie de la Société civile contre<br />

le locataire du Palais national. Si<br />

des deux côtés les acteurs politiques<br />

font tout pour récupérer cyniquement<br />

cet odieux assassinat afin d’attirer<br />

les sympathies de la population et<br />

des futurs partisans dans leur camp,<br />

personne ne peut avoir la certitude<br />

laquelle des deux parties remporterait<br />

la manche. Dans la mesure où le feu<br />

professeur n’était l’homme d’aucun<br />

secteur particulier ni lié à aucune<br />

mouvance idéologique compte tenu<br />

de sa haute estime pour la « Res Publica<br />

» (les choses publiques) et son<br />

amour immodéré pour la démocratie<br />

en Haïti.<br />

D’où une campagne farouche<br />

de récupération du pouvoir et de<br />

l’opposition en général pour s’accaparer<br />

ou approprier le cadavre de l’illustre<br />

avocat en lui rendant les plus<br />

dignes hommages de la République.<br />

N’empêche que dans ce combat pour<br />

attirer les bénéfices politiques et sociaux<br />

sur le corps encore chaud de cette<br />

énième victime de cette transition<br />

politique qui perdure, ironiquement,<br />

chaque partie compte mobiliser sa<br />

troupe pour la bataille qui s’annonce<br />

inéluctable dans les mois suivants<br />

peut-être dans les semaines à venir<br />

selon certaines confidences en provenance<br />

du Palais national. D’une part,<br />

la quasi-totalité des leaders politiques<br />

de l’opposition multiforme annonce<br />

des mobilisations populaires contre le<br />

régime PHTK en profitant du choc et<br />

de l’émoi qu’a provoqué dans l’opinion<br />

la mort brutale de Me Monferrier<br />

Dorval qui suscite encore bien des<br />

interrogations même avec l’arrestation<br />

de quelques lampistes. D’autre<br />

part, c’est le Président Jovenel Moïse<br />

en personne qui monte en première<br />

ligne pour dénoncer et condamner cet<br />

horrible assassinat.<br />

Après avoir décrété trois jours<br />

de deuil national en mémoire du<br />

feu Bâtonnier de l’Ordre qui a été<br />

assassiné une seconde fois dans la<br />

mesure où sa résidence, le lieu du<br />

crime, mal protégée par les autorités<br />

judiciaires et policières a été vandalisée<br />

quelques jours après et où sa<br />

bibliothèque a été saccagée et que le<br />

fameux Bâton St Nicolas, symbole<br />

de la basoche, a lui aussi disparu, le<br />

Président relance d’une façon spectaculaire<br />

le dossier sur les deux sujets<br />

qui font plus que jamais l’actualité :<br />

la réforme constitutionnelle et le CEP<br />

(Conseil Electoral Provisoire). En effet,<br />

dans les multiples prises de positions<br />

et de condamnations de part et<br />

d’autre sur l’horrible crime dont pratiquement<br />

tout le monde est persuadé<br />

qu’il s’agit d’un assassinat commandité,<br />

la présidence de la République<br />

surprend tout le monde en annonçant<br />

pour les semaines prochaines deux<br />

grandes initiatives, en l’occurrence :<br />

la publication des noms des nouveaux<br />

membres du Conseil Electoral<br />

Provisoire et dans la foulée la constitution<br />

d’une Commission devant<br />

travailler sur la formation de la très<br />

contestée Assemblée Constituante.<br />

Le moins qu’on puisse dire est<br />

que ces deux annonces sont très attendues<br />

par tout le monde, mais pas<br />

pour les mêmes raisons. En fait, ce<br />

n’est même pas une attente, c’est de<br />

curiosité qu’il s’agit ; puisque ni l’une<br />

ni l’autre des deux décisions qui seraient<br />

prises n’aura la bénédiction ou<br />

le soutien, et ne sera pas acceptée par<br />

aucun Parti politique de l’opposition<br />

voire des acteurs de la Société civile.<br />

Curiosité, disons-nous, dans la mesure<br />

où aucun des Secteurs pourvoyeurs<br />

habituels des membres au CEP<br />

n’a accepté officiellement, en tout<br />

cas jusqu’à l’heure, de répondre positivement<br />

à la sollicitation ou à l’invitation<br />

de la présidence d’envoyer<br />

des représentants. Une situation qui<br />

agace énormément le chef de l’Etat et<br />

qui le désespère même.<br />

Puisque, selon des informations<br />

qui courent au sein de la « République<br />

de Port-au-Prince », le Président<br />

Jovenel Moïse a dû s’adresser à des<br />

Secteurs insignifiants peu crédibles et<br />

qui n’ont aucun impact ni influence<br />

sur la population pour monter son<br />

organisme électoral qui sera forcément<br />

contesté comme nous venons<br />

de l’écrire. On sait que la Fédération<br />

des Barreaux d’Haïti, présidé par Me<br />

Jacques Létang dont Me Monferrier<br />

Dorval était membre ayant été<br />

sollicité par le Palais national pour<br />

désigner un membre au CEP avait<br />

décidé de bouder l’appel du chef de<br />

l’Etat. « La Fédération des Barreaux<br />

d’Haïti avait décidé de ne donner<br />

aucune suite à cette correspondance<br />

de la présidence. Le contexte ne s’y<br />

prête pas. Les conditions ne sont pas<br />

réunies pour qu’il y ait des élections.<br />

La population a d’autres préoccupations<br />

» estime le Président de cet<br />

organisme de la Société civile.<br />

À voir ce prosélytisme du pouvoir<br />

auprès d’autres secteurs du pays,<br />

on savait déjà que le Président Jovenel<br />

Moïse chercherait à contourner<br />

l’obstacle et voudrait court-circuiter<br />

les organismes fréquemment sollicités<br />

par le Pouvoir Exécutif depuis<br />

la Constitution de 1987 pour former<br />

l’organisme électoral provisoire.<br />

Même s’il y a toujours eu des frictions<br />

entre le pouvoir et les responsables<br />

des partis politiques, bon gré mal gré,<br />

tous les Secteurs concernés ont toujours<br />

répondu à la sollicitation du Palais<br />

national. Aujourd’hui, la crise est si<br />

profonde, si clivant que plus rien ne<br />

semble possible donc pouvant pousser<br />

les secteurs sociaux à renouveler<br />

leurs représentants au CEP. Ainsi,<br />

les observateurs locaux et étrangers<br />

de la politique haïtienne s’impatientent<br />

donc de découvrir les visages<br />

et les têtes des nouveaux membres<br />

de ce CEP devant organiser les nouvelles<br />

élections générales souhaitées<br />

uniquement par la Communauté internationale.<br />

Il reste enfin la mise en<br />

place de cette Commission qui aura<br />

pour mission de faire des propositions<br />

et de constituer ou de nommer les<br />

membres qui devraient former la très<br />

attendue Assemblée constituante qui,<br />

si elle parvient à entrer en fonction<br />

sous l’Administration de Jovenel<br />

Moïse, serait un nouvel élément de<br />

conflit dans la discorde entre le pouvoir<br />

et l’opposition plurielle.<br />

Or, selon une source confidentielle<br />

au Palais national du quotidien<br />

Le Nouvelliste daté du 4 septembre<br />

<strong>2020</strong> qui a rapporté la nouvelle « La<br />

semaine prochaine, nous allons publier<br />

la composition du Conseil Electoral<br />

Provisoire et mettre sur pied<br />

une Commission qui aura à former<br />

l’Assemblée constituante » a indiqué<br />

l’anonyme du Palais. Là où l’affaire<br />

devient intéressante, on constate que<br />

si l’information s’est révélée juste<br />

c’est que le Président Jovenel Moïse a<br />

décidé de prendre les taureaux par les<br />

cornes tout en forçant la nature. Puisque,<br />

sachant que de toute manière ses<br />

deux initiatives vont être contestées<br />

par l’opposition, il a décidé de passer<br />

en force avec « yon sèl kout kle »<br />

comme l’aurait dit l’ancien Président<br />

du Sénat de la République, Dieuseul<br />

Simon Desras. Certes, pour temporiser<br />

un peu le mouvement de contestation<br />

qui ne tardera pas à se mettre<br />

en marche, le Président n’a pas osé<br />

nommer ou désigner coup sur coup<br />

les membres de la Constituante comme<br />

il va certainement le faire pour le<br />

CEP. D’ailleurs, à travers les sources<br />

de Le Nouvelliste, Jovenel Moïse s’en<br />

défend : « Ce n’est pas nous l’Exécutif<br />

qui allons former l’Assemblée constituante<br />

», a rajouté cette source qui<br />

serait proche du Président.<br />

Mais c’est tout comme puisque<br />

les membres de la Commission<br />

seront bien nommés par le chef de<br />

l’Etat. Et, pour accepter de faire partie<br />

de cette Commission, il faudrait<br />

au moins partager l’avis du Président<br />

sur ce dossier de la réforme<br />

constitutionnelle. Tout comme l’était<br />

le constitutionnaliste, Me Monferrier<br />

Dorval, convaincu que l’actuelle Constitution<br />

a vécu et qu’il faudra passer<br />

à quelque chose de mieux structurée<br />

capable de fédérer la Nation et sortir<br />

le pays du piège de la « Transition<br />

permanente » et de l’instabilité politique<br />

et institutionnelle. Alors, la curiosité<br />

et l’attente sont de mises. Tout<br />

corps social, chaque entité, chaque<br />

observateur, chaque leader politique<br />

et d’opinion guette, sans grand espoir<br />

de sortir de la crise, l’arrivée de<br />

ces femmes et hommes qui auront à<br />

désigner les membres de l’Assemblée<br />

constituante. Une chose est certaine,<br />

le Président Jovenel Moïse est un spécialiste<br />

des « Commissions » sans lendemain.<br />

Il en a déjà beaucoup à son<br />

palmarès depuis 2017.<br />

Très peu, sinon aucune n’a servi<br />

à quelque chose ou n’a apporté une<br />

réponse concrète à la problématique<br />

pour laquelle elle avait été formée ;<br />

sauf peut-être à faire oublier le sujet<br />

en question ou le dossier controversé<br />

comme ce sera encore le cas<br />

aujourd’hui. En tout cas, la mort<br />

téléguidée de Me Monferrier Dorval<br />

semble précipiter les choses. Le chef<br />

de l’Etat ne veut plus perdre de temps<br />

dans ces deux dossiers bien qu’il ne<br />

soit pas convaincu de la véracité des<br />

élections en temps de crise et de conflit<br />

aigu avec l’opposition. On l’a vu si<br />

le Président trouve maintes difficulté<br />

à constituer un organisme électoral<br />

composé de neuf membres depuis<br />

la démission collégiale de l’équipe<br />

du CEP de 20<strong>16</strong>, on voit bien qu’il<br />

cherche le soutien des Organisations<br />

Populaires (OP), d’autres organismes<br />

et acteurs sociaux qui recouvrent<br />

le pays pour son projet de nouvelle<br />

Constitution. Le jeudi 20 août <strong>2020</strong><br />

passé, c’est au Palais national que le<br />

chef de l’Etat a reçu avec « honneur »<br />

ces innombrables associations venues<br />

de différents endroits du pays afin<br />

de partager les réflexions que ces organisations<br />

ont eu avec le pays profond<br />

dans le cadre des débats ayant<br />

eu lieu sur la nouvelle Constitution.<br />

Selon un des responsables<br />

d’une des organisations qui ont pris<br />

part à cette audience au Palais national,<br />

il est même urgent que Haïti<br />

se dote d’une nouvelle Loi mère afin,<br />

dit Coraslin Josué, que le pays sorte<br />

de l’instabilité politique et institutionnelle.<br />

Ce Porte-parole croit que c’est le<br />

souhait de tous les Haïtiens : « C’est<br />

ce que veut la population. C’est ce<br />

qu’elle attend. Le changement passera<br />

par une nouvelle loi mère. Elle<br />

devra définir les droits et les devoirs<br />

de tous les Haïtiens. Cette nouvelle<br />

Constitution devra ouvrir la porte à<br />

tout le monde y compris aux femmes<br />

et à la diaspora dans les affaires<br />

du pays. Celle-ci devra garantir la<br />

démocratie dans le respect de la<br />

loi, renforcer la justice et mettre un<br />

terme à l’impunité » récite celui qui<br />

parle au nom de toutes les Organisations<br />

Populaires qui ont organisé<br />

plusieurs Forums publics sur le sujet<br />

et en ont fait un Rapport. Ce jeudi<br />

20 août, le Président Jovenel Moïse<br />

était aux anges parmi les membres<br />

de ces dizaines d’associations, organisations<br />

de base et autres structures<br />

favorables à son idée de doter le pays<br />

d’une nouvelle Constitution.<br />

Il a annoncé que plusieurs<br />

initiatives de ce genre sont en cours<br />

dans le pays pour accompagner son<br />

projet. Ainsi, le chef de l’Etat a laissé<br />

entendre qu’« Il y a eu plusieurs Forums<br />

réunissant des intellectuels,<br />

des journalistes, des écrivains, des<br />

hommes de loi. À Port-au-Prince<br />

comme dans les villes de province.<br />

Ils parlent tous d’un même sujet.<br />

Une nouvelle Constitution. J’ai demandé<br />

à mes conseillers de contacter<br />

tous ces intellectuels. J’ai reçu<br />

des invitations pour prendre part à<br />

l’ouverture ou à la fermeture de ces<br />

Forums. Je ne m’y suis pas rendu par<br />

contrainte de temps certes. Mais je<br />

pense que la nouvelle Constitution<br />

ce n’est pas l’affaire du Président<br />

de la République, ou de son équipe,<br />

mais du peuple haïtien, de la capitale,<br />

comme des villes de province<br />

ou de la diaspora. Tout ceci doit se<br />

faire dans la nouvelle Constitution<br />

qui doit être indépendante. » Toujours<br />

prêt à appuyer là où ça fait mal,<br />

Jovenel Moïse a profité de la présence<br />

de ces citoyens engagés qui militent<br />

en faveur d’une nouvelle Constitution<br />

et venus de partout pour lancer une<br />

nouvelle fois un pic à l’encontre de<br />

ce qu’il appelle un « Petit groupe qui<br />

prend le pays en otage » pour préciser<br />

Le président de la Fédération des Barreaux d’Haïti, Me Jacques Létang<br />

sa volonté de réformer le pays avant<br />

de quitter le pouvoir en 2022.<br />

Le chef de l’Etat appelle toute<br />

la population à soutenir son idée de<br />

remplacer la Constitution de 1987. Il<br />

a remercié par avance tous ceux de<br />

la Société civile ayant contribué et<br />

qui contribuent à alimenter le débat<br />

sur le sujet. Et ce n’est pas le Coordonnateur<br />

général du Rassemblement<br />

des Associations Visionnaires<br />

pour le Développement et le Progrès<br />

(RAVIDEP), Coraslin Josué, qui<br />

s’en plaindra. Puisque, avant même<br />

l’ouverture de la fameuse rencontre à<br />

la présidence de la République, il avait<br />

déclaré : « Nous avons pris l’initiative<br />

d’initier des réflexions avec tous<br />

les secteurs, de toutes les tendances<br />

politiques, sur la nouvelle Constitution<br />

réclamée par la majorité de la<br />

population. Nous avons écouté leurs<br />

revendications.<br />

Après les réflexions, nous<br />

avons organisé plusieurs conférences<br />

de presse afin de nous adresser<br />

directement à la population. Nous<br />

nous sommes rencontrés récemment<br />

à l’hôtel Karibe dans une grande<br />

conférence débat sur la question.<br />

Après la conférence, ces 10 organisations<br />

ont jugé nécessaire de<br />

signer une pétition que nous allons<br />

remettre au Président de la République<br />

». Tous ces mouvements prouvent<br />

que c’est le projet constitutionnel<br />

du chef de l’Etat qui demeure sa<br />

priorité même si l’éventail électoral<br />

est mis en avant pour camoufler le<br />

vrai objectif de l’homme qui veut être<br />

le dernier Président de la transition<br />

post-Duvalier.<br />

C.C<br />

8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

Vol 14 # 11 • Du <strong>16</strong> au 22 <strong>Septembre</strong> <strong>2020</strong>

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