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Demain ce sera vachement mieux (Soanne édition n°14)

Recueil d'histoires sur une des croyances les mieux partagées : trois nouvelles autour de personnages qui, à des âges différents, croient que demain, ce sera vachement mieux, précédées par des fragments d'attente.

Recueil d'histoires sur une des croyances les mieux partagées : trois nouvelles autour de personnages qui, à des âges différents, croient que demain, ce sera vachement mieux, précédées par des fragments d'attente.

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<strong>Demain</strong><br />

<strong>ce</strong> <strong>sera</strong><br />

<strong>vachement</strong> <strong>mieux</strong><br />

<strong>Soanne</strong> <strong>édition</strong> <strong>n°14</strong>


<strong>Demain</strong> <strong>ce</strong> <strong>sera</strong> <strong>vachement</strong> <strong>mieux</strong><br />

C’est dur aujourd’hui peut-être<br />

<strong>Demain</strong> <strong>ce</strong> <strong>sera</strong> <strong>vachement</strong> <strong>mieux</strong><br />

(Higelin, « Aujourd’hui la Crise »)<br />

Elle se dit, en insérant sa carte bleue pour payer son abonnement<br />

annuel au fitness, que comme ça, elle <strong>sera</strong> obligée d’y aller,<br />

puisqu’elle aura payé d’avan<strong>ce</strong>. On est fin septembre, le soleil se<br />

fait moins chaud et elle ignore encore qu’elle va se sentir plus<br />

coupable encore que l’an passé.<br />

*


C’est la sieste, ils soufflent enfin. Ils se regardent et échangent<br />

un sourire léger mais confiant. Ils se disent que c’est normal,<br />

que c’est le début qui est le plus dur, que c’est une période<br />

difficile à passer mais qu’il y a un âge où ça ira <strong>mieux</strong>, où les<br />

choses deviendront plus faciles. Il se dit dans un an et demi,<br />

quand il ira à l’école. Elle se dit vers 7 ans, quand il saura lire. La<br />

peur passe en éclair dans leurs yeux, presque simultanément :<br />

ils pensent à l’adoles<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong>.<br />

*<br />

Il prend le soleil sur le pas de la porte pendant que sa mère<br />

finit de préparer le repas. Il pense au moment où il aura un lieu<br />

pour lui tout seul, à la façon dont il organi<strong>sera</strong> le salon pour<br />

re<strong>ce</strong>voir le plus grand nombre d’amis. Il pense au moment où<br />

il saura enfin précisément <strong>ce</strong> qu’il veut faire de sa vie, à la façon<br />

dont il consacrera toutes ses for<strong>ce</strong>s à un seul projet, il ne sait<br />

pas encore lequel. Il s’imagine célèbre, <strong>ce</strong>la lui est naturel.<br />

*


Voilà des années qu’ils sont persuadés que tout va changer<br />

quand ils emménageront enfin ensemble. Que leurs filles et<br />

fils respectifs seront heureux de partager leurs jouets, que<br />

les week-ends ne seront plus une compétition internationale<br />

d’organisation domestique, qu’ils pourront faire la grasse<br />

matinée pendant que les plus jeunes s’occuperont gentiment<br />

dans le jardin, qu’ils caleront des dimanches où ils sont chez<br />

les « autres » papa et maman, de façon à <strong>ce</strong> qu’il n’y ait pas<br />

d’enfant dans le jardin. Ils pourront alors jouer au jeune couple.<br />

Ils croient à la virginité, au nouveau départ, jusqu’à <strong>ce</strong> jour où,<br />

accompagnés par un agent immobilier, ils commen<strong>ce</strong>nt les<br />

visites de maison.<br />

*<br />

Assise dans la salle d’attente, elle se sent bien vieille, elle qui est<br />

pourtant si jeune. Vieille d’avoir attendu si longtemps pour que<br />

l’on considère enfin qu’à 18 ans, elle pouvait décider seule de se<br />

faire refaire le nez. Ses parents surtout s’y étaient féro<strong>ce</strong>ment<br />

opposés, comme si c’était leur territoire qu’ils défendaient.<br />

Ils avaient été secondés mollement par les médecins qui


se contentaient de dire « on n’opère pas sur un coup de tête.<br />

Il faut que la décision soit mûrement réfléchie », un peu par<br />

automatisme, un peu pour rassurer les parents, tout en voyant<br />

bien que c’était tout réfléchi. Aux avis mitigés et aux conseils de<br />

pruden<strong>ce</strong>, elle avait opposé une <strong>ce</strong>rtitude absolue. Elle se voyait<br />

heureuse après l’opération. Une sorte de préscien<strong>ce</strong>.<br />

*<br />

Elle regarde ses murs blancs et ses plinthes crème. Elle les trouve<br />

tristes. Elle se dit qu’elle aimerait bien repeindre son salon qui<br />

est de loin sa piè<strong>ce</strong> principale. Des plinthes de couleurs vives, et<br />

des murs gris ou des murs écru et des plinthes marron ou même<br />

orange, si elle osait. Mais c’était interdit dans son bail, enfin,<br />

plus exactement son bail lui signifiait qu’elle devait repeindre<br />

l’appartement en « couleurs neutres », si elle s’avisait de changer<br />

pendant son séjour. Comme elle ne comptait pas rester ici<br />

de nombreuses années, 2 ou 3 ans, peut-être moins, et que la<br />

perspective du déménagement la décourageait d’avan<strong>ce</strong>, elle<br />

préférait laisser les pin<strong>ce</strong>aux où ils étaient, en magasin. Quand<br />

elle aura enfin un endroit à elle, bien sûr, <strong>ce</strong> <strong>sera</strong> différent. Elle


pourra changer autant de fois qu’elle voudra. Essayer de peindre<br />

une moitié de piè<strong>ce</strong> en rouge et doré, l’autre en noir mat, ou un<br />

papier peint… Ou alors ocre et jaune – ambian<strong>ce</strong> mas provençal<br />

–, ou bleu métallisé – c’était tellement à la mode… Mais auraitelle<br />

vraiment envie de bleu métallisé à <strong>ce</strong> moment-là ?<br />

*<br />

Il la regarde s’agiter autour de la table de la cuisine où il est<br />

calmement assis depuis qu’elle lui a annoncé la nouvelle. Ils<br />

allaient avoir un enfant, pas tout de suite, mais assez bientôt<br />

tout de même. Elle s’inquiète déjà de sa santé, des né<strong>ce</strong>ssaires<br />

aménagements de l’appartement, du temps de travail et de vie.<br />

Lui reste profondément serein. Il attendait la nouvelle avec<br />

impatien<strong>ce</strong>, il savait que la maternité allait lui fournir le nouvel<br />

amour qu’elle cherchait depuis si longtemps. Que nombre<br />

d’inquiétudes existentielles qui les avaient paralysés tous deux<br />

pendant des années s’envoleraient d’elles-mêmes avec un bébé.<br />

Que la présen<strong>ce</strong> de <strong>ce</strong>t enfant arrondirait bien des angles et<br />

étoufferait dans l’œuf bien des conflits. Il le savait. À for<strong>ce</strong> de<br />

trop l’espérer.


*<br />

« Quand j’aurai une voiture, tout <strong>ce</strong>la <strong>sera</strong> fini, les galères de<br />

bus et de tram ». Sur ses trajets habituels, en général, tout se<br />

passait bien, mais dès que ça sortait un peu de l’ordinaire, elle<br />

pouvait passer des heures en temps cumulé à attendre comme<br />

ça un tram qui ne passe plus après 20h, à tourner dans des<br />

zones résidentielles tristes et homogènes à la recherche de<br />

l’arrêt déplacé. Heureusement que souvent elle osait demander<br />

aux gens qu’elle croisait, au risque de passer pour une nouvelle<br />

venue alors que ça faisait presque 3 ans qu’elle avait emménagé<br />

ici. Le pire c’était le soir et le week-end. Comme en public elle<br />

s’évertuait à chanter les louanges des transports en commun,<br />

elle refusait toujours qu’on vienne la chercher ou qu’on la<br />

raccompagne en voiture. Mais elle avait fini par craquer : son<br />

mari lui avait offert une voiture... Une voiture nouvelle, très<br />

écolo... Bientôt les galères seront enfin terminées. Bientôt<br />

aussi, elle n’aura plus tant d’occasions de parler à des inconnus.<br />

*


Il économisait chaque mois entre 30 et 50% de son argent de<br />

poche. Il n’en avait parlé à personne mais ça faisait bientôt<br />

six mois qu’il passait devant tous les matins, qu’il lui jetait un<br />

bref regard compli<strong>ce</strong>. C’était une belle veste en daim, marron<br />

clair. Visiblement de la belle qualité – coutures fines, doublure<br />

élégante. Il avait compris que <strong>ce</strong>tte veste allait changer sa vie la<br />

première fois qu’il l’avait essayée. La coupe était parfaite. Elle<br />

mettait sa silhouette min<strong>ce</strong> et juvénile en valeur, le vieillissant<br />

juste <strong>ce</strong> qu’il fallait en lui renforçant les épaules. Le dos<br />

tombait au début de la renflure des fesses et donnait même<br />

aux pantalons enfantins qu’il n’avait pas les moyens de changer<br />

une classe folle. Voilà un vêtement qui le rendait beau et qui<br />

allait le rendre heureux : respect des adultes, désir des femmes,<br />

envie des hommes. Le sésame de sa nouvelle vie. Les mois ont<br />

passé dans une attente de plus en plus impatiente. Un matin, la<br />

veste avait disparu de la vitrine et le bail était à céder.<br />

*<br />

La maison était chère – très chère. Une folie ou un pla<strong>ce</strong>ment<br />

important, selon les points de vue. Mais ils voulaient trois


chambres et un jardin. C’était le prix. Elle avait eu beau ouvrir<br />

de grands yeux, ça n’avait rien changé. Trois chambres car<br />

ils avaient deux garçons. Et un jardin, car ils avaient deux<br />

garçons aussi. La vie en appartement était devenue impossible.<br />

Surtout l’été. Ils devenaient surexcités et couraient partout.<br />

Elle, qui travaillait à un scénario compliqué, qu’elle reprenait<br />

intégralement pour la 8e ou 9e fois – elle avait perdu le fil –<br />

n’arrivait plus à se con<strong>ce</strong>ntrer au milieu du bruit. Avec un<br />

jardin, elle pourrait travailler à l’intérieur en regardant ses<br />

fils jouer par la fenêtre, derrière les doubles vitrages. Ce <strong>sera</strong>it<br />

comme un film dont on aurait coupé le son, comme Mortal<br />

Kombat auquel elle jouait quand elle était petite avec son<br />

frère, sans son pour que les parents continuent à croire qu’ils<br />

faisaient leurs devoirs. Oui, un jardin, c’était exactement <strong>ce</strong><br />

qu’il fallait. Elle allait pouvoir avan<strong>ce</strong>r un bon coup dans son<br />

texte et remettre une version dont elle <strong>sera</strong>it enfin fière. Alors<br />

ils verraient de quoi elle était capable. Et si le jardin ne suffisait<br />

pas, elle pourrait toujours essayer les jeux vidéos…<br />

*


Elle avait passé une part non négligeable de sa vie à faire des<br />

listes de choses à faire ou à penser. Des bouts de papier de<br />

tout format et de toute couleur peuplaient son univers. Ils<br />

étaient tous remplis de tirets et de scribouillages indiquant des<br />

éléments verbaux ou nominaux destinés à améliorer, enrichir,<br />

simplifier, nourrir, organiser ou embellir sa vie. Un jour, elle<br />

arrêta de faire des listes : elle avait l’impression de vivre dans<br />

un futur fait de tirets et d’injonctions. Elle avait créé autour<br />

d’elle des milliers de petits fœtus colériques et monstrueux,<br />

aux couleurs fluo des post-its et aux bords dentelés des papiers<br />

déchirés. La bêtise des pense-bêtes…


L’avenir leur appartient : la jeunesse<br />

Je ne suis pas vendeur de disques, mais pour l’instant, je vends<br />

des disques. Le mois prochain, j’irai peut-être har<strong>ce</strong>ler les<br />

étudiants dans le hall de la fac de Toulouse pour qu’ils signent<br />

avec la Smerep et pas avec les autres mutuelles. J’irai peut-être<br />

vendre des journaux pour l’OFUP. Ou autre.<br />

Je me suis réinscrit à la fac. Bing, 450 €. Li<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong> de gestion.<br />

Bhôôh… Histoire d’avoir une sécu et une convention de<br />

stage. La librairie de BD où j’ai bossé l’an dernier veut bien me<br />

reprendre en stage de 3 mois. Ça fera toujours un peu d’argent<br />

de poche, pour les sorties, comme disent mes parents.<br />

Cette année, je vais essayer de sortir un peu plus, justement, de<br />

pas traîner uniquement avec Alex. Il est sympa Alex, mais bon,<br />

on fait pas grand-chose. Faudrait que je termine ma BD, enfin<br />

au moins que je l’avan<strong>ce</strong>. Cela fait tellement longtemps que j’y<br />

ai pas touché que je ne suis même plus sûr d’aimer encore les<br />

premières planches.<br />

Bientôt, je vais pouvoir la montrer à des gens, des types<br />

dans l’<strong>édition</strong>, ou peut-être d’abord au mec de la librairie, il a


<strong>ce</strong>rtainement des contacts.<br />

Et plus tard, je ferai ça à plein temps, je m’enfermerai dans ma<br />

chambre des journées entières, à dessiner jusqu’à épuisement.<br />

J’aurai des dessins de commande, payés en avan<strong>ce</strong>, ou une<br />

bourse d’artiste.<br />

Faudra que je fasse un book, et que je refasse mon CV et que<br />

je m’occupe un peu de mon blog.<br />

Plus tard, je m’achèterai un pantalon blanc, un costume blanc<br />

même, très classe. Avec un chapeau.<br />

Plus tard, je saurai exactement que faire de ma vie, je ne perdrai<br />

plus jamais un seul instant. Je ne supporterai même plus de<br />

glander cinq minutes. Une fois qu’on a trouvé sa voie, il n’y a<br />

pas de temps à perdre. Je <strong>sera</strong>i même peut-être malade de tout<br />

<strong>ce</strong> temps perdu à 20 ans.<br />

À 30 ans, j’offrirai des voyages à mes parents, je les inviterai à<br />

manger dans mon grand appartement. Ils seront fiers de moi.<br />

On ne se prendra plus la tête sur des petites choses mesquines.<br />

On discutera tranquillement et on parlera d’art. Ils raconteront<br />

à leurs amis que je dessine depuis tout petit et qu’on pouvait<br />

voir que j’avais du talent, même à 6 ans.<br />

À 30 ans, j’aurai plein d’expérien<strong>ce</strong>s professionnelles, il faudra


que je réfléchisse quelques secondes quand on me demandera<br />

où je travaillais en telle année et dans quelles circonstan<strong>ce</strong>s j’ai<br />

rencontré machin. À 30 ans, je n’hésiterai plus des plombes<br />

entre deux options du récit que je <strong>sera</strong>i en train de dessiner.<br />

Les choix se feront tout seuls et la meilleure option <strong>sera</strong><br />

toujours la plus évidente. La vie paraîtra alors facile et j’aurai<br />

de l’énergie pour lan<strong>ce</strong>r sans <strong>ce</strong>sse de nouveaux projets. Je <strong>sera</strong>i<br />

bien entouré et je jouerai le rôle de la locomotive dans bien des<br />

domaines.<br />

À 30 ans, j’aurai du style et aucun doute sur les vêtements<br />

à enfiler avant de sortir de chez moi. Je <strong>sera</strong>i tellement bien<br />

dans mes chaussures classes que j’oublierai de les enlever en<br />

rentrant, en chaussures de ville chez moi jusqu’au brossage de<br />

dents, au moins.<br />

Bientôt aussi, il faudra que je tombe amoureux. C’est peut-être<br />

ça qui me manque. Être tout seul avec des pensées sans suite<br />

qui tournent dans la tête. L’habitude de la masturbation aussi,<br />

une hygiène de vie. C’était peut-être pas des conneries en fait,<br />

<strong>ce</strong> qu’on disait au XIXe siècle, que ça rend fou, malade.<br />

20 ans et seul dans mon lit.<br />

Quand j’avais 15 ans, je pensais qu’à 20 ans, j’aurais des


culottes oubliées dans ma salle de bains, une boîte de capotes<br />

bien entamée dans le tiroir de ma table de nuit. Un répertoire<br />

téléphonique difficile à gérer. Mais, non, depuis que je suis<br />

dans <strong>ce</strong>tte chambre, il n’y a pas eu une seule fille qui ait dormi<br />

là. Deux sont venues. Une pour parler, ça n’en finissait pas,<br />

jusqu’à 6h du mat. L’autre pour baiser. On s’est tellement<br />

dépêchés qu’elle est repartie par le dernier métro. Elle avait<br />

aucune envie de discuter ou de rester, ça se voyait. Il faudrait<br />

que je m’entraîne pour être moins rapide, quand même. Alex<br />

m’a expliqué que c’était une question d’habitude, que plus tu<br />

baisais, moins tu avais envie et plus ça durait. Plus tard, quand<br />

j’aurai plein de copines, j’y arriverai. Ou peut-être qu’il faut<br />

être amoureux. Les gars amoureux, ils ont l’air bien, sûrs d’eux,<br />

bien dans leur peau. C’est peut-être ça.<br />

Il me faudrait une copine, une vraie, avec qui on se marrerait,<br />

avec qui on ferait les cons. Peut-être que le sexe alors, j’y<br />

arriverai <strong>mieux</strong>.<br />

Et puis quand j’aurai une copine, j’emprunterai la caisse de<br />

papi, il s’en sert presque plus de toute façon, et on partira en<br />

vacan<strong>ce</strong>s. On ira à la mer, comme ça, on le décidera un soir<br />

tard et on dormira sur la plage, à l’arrache, avec nos duvets.


L’avenir leur appartient : la lucidité<br />

Elle n’y pensa pas un matin en se réveillant. Ce ne fut pas une<br />

révélation. Ce fut plutôt l’objet d’une très lente découverte.<br />

La boutique « dessous chics » dans laquelle on ne pouvait<br />

entrer sans être assuré d’éveiller la curiosité de toute la ville.<br />

Le salon de thé de la rue principale, <strong>ce</strong>lui où l’on ne va jamais,<br />

qui semble réservé aux vieux.<br />

Les magasins de fringues désespérément fermés entre midi et<br />

14h.<br />

Les conversations de déjeuners en terrasse où n’affleurent que<br />

les mots « chef », « vacan<strong>ce</strong>s » et « bureau ».<br />

Les valises et les sacs plastiques contenant des déjeuners tous<br />

prêts que l’on trimballe jusqu’à la gare où l’on parle de « Paris »<br />

et de « correspondan<strong>ce</strong>s ratées » en se moquant des Parisiens.<br />

Le coiffeur qui vient de refaire sa déco et chez qui ça sent<br />

encore la peinture.<br />

Toutes <strong>ce</strong>s boutiques d’assuran<strong>ce</strong>s et de portes blindées qui ont<br />

pignon sur rue.<br />

Les conversations autour de la voiture, du stationnement


surtout. Les PV, la peur des flics.<br />

La boulangerie ouverte le lundi, le tabac ouvert le dimanche.<br />

Le jardin des remparts où il est dangereux de s’aventurer le<br />

soir.<br />

Les trophées de « ville fleurie ».<br />

Le magasin de jouets qui a fait rêver plusieurs générations<br />

d’enfants.<br />

La parfumerie et son enseigne désuète.<br />

Les permanen<strong>ce</strong>s locales miteuses des grands partis politiques<br />

nationaux.<br />

Sa boutique de téléphones « débloqués » aux couleurs de<br />

mauvais goût.<br />

Ses faux pubs irlandais.<br />

Ses vrais pavés, ses frontons émiettés, ses niches de pierre bien<br />

nettoyées, son patrimoine.<br />

Ses rideaux en dentelle et ses stores roulants.<br />

Ses zones piétonnes bien délimitées, devenues évidentes.<br />

Ses balcons en fer forgé repeints de la même couleur que les<br />

bancs de l’arrêt de bus.<br />

Ses boutiques de vêtements pour enfants bien sages.<br />

Ses brûleries de cafés, ses revendeurs de thé et ses chocolatiers


que l’on conseille aux gens qui s’installent.<br />

Ses restaurants et ses boulangeries que l’on conseille aux gens<br />

de passage.<br />

Ses boutiques où l’on achète de l’or, où l’on revend des « diamants<br />

d’occasion ».<br />

Ses bus que l’on attend toujours trop longtemps le samedi mais<br />

dont on ne pense pas à se plaindre.<br />

Ses gendarmes en voiture qui ralentissent devant les bars pour<br />

leur trouver quelque chose de louche.<br />

Ses fontaines publiques où se rafraîchissent les chiens des<br />

clochards sous un regard désapprobateur unanime.<br />

Cette ville où tout le monde s’appelle Madame, où ça bouchonne<br />

à 17h30. Cette ville où l’on va « en ville ».<br />

Cette ville où l’on va manger chez ses beaux-parents.<br />

Cette ville où le mot « socialiste » ne fait plus peur à personne<br />

depuis bien longtemps.<br />

Cette ville où l’on se renseigne sur le programme hebdomadaire<br />

de cinéma auprès de ses amis.<br />

Ses fous que l’on connaît et dont on n’a plus peur.<br />

Ses kebabs – <strong>ce</strong>ux où l’on ne va jamais au grand jamais et <strong>ce</strong>ux<br />

qui peuvent dépanner à la rigueur.


Son marché du samedi dont on est fier.<br />

Ses œuvres d’art contemporain devenues points de ralliement<br />

d’adoles<strong>ce</strong>nts désœuvrés.<br />

Ses fresques murales décoratives qui ne frappent plus que <strong>ce</strong>ux<br />

qui sont de passage.<br />

Ses gens qui klaxonnent pour se dire bonjour.<br />

Son journal qui titre sur les statistiques des cambriolages<br />

locaux : en hausse pour les résiden<strong>ce</strong>s principales, en baisse<br />

pour les secondaires.<br />

Sa maison de la presse qui vend des cartes postales et des<br />

ouvrages sur l’histoire de la ville.<br />

Ses caméras de surveillan<strong>ce</strong> qui se montrent.<br />

Ses innombrables magasins de chaussures.<br />

Son actualité locale – une gamine de la région remporte un<br />

tournoi de karaté, les visites guidées « histoire et terroir »<br />

connaissent un grand succès <strong>ce</strong>t été, les travaux sur la pla<strong>ce</strong> de<br />

la mairie ont commencé…<br />

C’est tout <strong>ce</strong>la que lentement, elle n’a plus su voir et qu’elle n’a<br />

pu que fuir.<br />

Elle n’avait rien contre lui. Elle se sentait même très bien quand<br />

il était là. Parfois ils riaient ensemble des habitudes des voisins,


de la propreté exagérée des rues de la ville et de <strong>ce</strong> qu’ils y<br />

étaient devenus.<br />

Quelques années plus tôt, elle avait eu peur que <strong>ce</strong> soit plus<br />

dur, le couple, la peur de l’amour qui se délite, qu’on sent partir<br />

imper<strong>ce</strong>ptiblement. Rien de tout <strong>ce</strong>la n’était arrivé.<br />

Elle aurait presque souhaité que <strong>ce</strong> soit plus compliqué, qu’ils<br />

traversent des crises, plusieurs petites crises : il l’aurait trompé,<br />

elle lui aurait pardonné, elle l’aurait accusé de mille petites<br />

choses, il se <strong>sera</strong>it transformé. Ou d’une grosse crise : une<br />

maladie grave, la mort d’un enfant. Elle avait honte de penser<br />

<strong>ce</strong>la. Pour rien au monde elle ne souhaitait de mal à leur fille.<br />

Mais quelque chose qui les eut secoués, remis les pendules<br />

à l’heure, défini les priorités, fait table rase… « comme un<br />

ouragan ». Elle se faisait rire elle-même.<br />

La vie avec lui était dou<strong>ce</strong>. Il avait voulu un enfant. Ils l’avaient<br />

eu et il s’en était occupé plus qu’elle. Il était aux petits soins. Il<br />

faisait divinement la ratatouille. Il aimait prendre son temps<br />

pour faire l’amour. Il cherchait l’harmonie. Il était à l’écoute. Il<br />

était heureux de sa vie. Mais après tout, peut-être souffrait-il<br />

aussi. Peut-être la nuit rêvait-il de bateaux, de sacs à dos, de<br />

voitures décapotables ou d’horaires de train. Ils n’en avaient


jamais parlé. Il y avait eu dès le début entre eux un accord<br />

tacite. Ils iraient là où <strong>sera</strong>it proposé un travail intéressant<br />

pour l’un d’entre eux, l’autre suivrait. Ç’avait été elle, ç’aurait<br />

pu être lui.<br />

Elle se souvenait d’un soupir particulier au moment de la<br />

signature du crédit pour la maison à la banque. Mais il s’était<br />

tourné vers elle et avait souri. Enfin, ils allaient pouvoir<br />

s’installer, être bien.<br />

Elle n’avait pas l’impression d’avoir renoncé à quoi que <strong>ce</strong> soit.<br />

Mais aujourd’hui, les choses lui apparaissaient clairement : elle<br />

ne supportait plus sa vie.<br />

Elle n’avait pas de grand rêve. Elle n’en avait jamais eu. Jeune<br />

fille, on lui avait conseillé de se con<strong>ce</strong>ntrer sur les petites<br />

choses, de ne penser qu’au quotidien pour choisir <strong>ce</strong> qu’elle<br />

allait faire de sa vie. Elle n’avait pas compris <strong>ce</strong> conseil alors.<br />

Aujourd’hui, elle pouvait en faire la liste.<br />

Elle trouvait important de pouvoir passer chez ses amis à<br />

l’improviste et qu’ils passent manger quand ils veulent, un soir<br />

au hasard. Elle voulait que ses enfants grandissent avec d’autres<br />

enfants. Louer de vieilles maisons baignées de soleil pendant<br />

un mois l’été, avec une dizaine de familles. Enfants en liberté.


Elle aimait se baigner dans des rivières, des fleuves dont elle<br />

ne connaissait ni le nom ni la teneur en nitrates. Elle voulait<br />

apprendre une nouvelle langue, une pour laquelle elle n’aurait<br />

aucun souvenir scolaire, aucune vilaine liste photocopiée de<br />

verbes irréguliers en tête. Se remettre sérieusement à la flûte.<br />

Elle avait essayé quand elle était en<strong>ce</strong>inte, mais elle s’était sentie<br />

trop vite fatiguée. Développer une petite activité lucrative<br />

et artistique – création de bijoux, reliure de livres anciens<br />

– qu’elle ferait le soir, en plus de son activité d’assistante de<br />

communication. Monter sa boîte, choisir ses collègues,<br />

louer de beaux bureaux lumineux. S’inscrire dans un jardin<br />

communautaire. Créer des déguisements pour enfants. Partir<br />

en mission à l’étranger. Vivre d’hôtel en hôtel. Écrire des<br />

lettres d’amour. Revoir son amie du lycée, une fille fantasque<br />

qui avait fini « en institution ». Déménager. Visiter de petits<br />

appartements humides. Partir hors saison. Passer un nouvel<br />

an sur la plage, sur l’Atlantique. Aller faire les soldes à Londres.<br />

Aller danser dans une boîte de nuit, très sombre, dans une<br />

cave. Se faire pier<strong>ce</strong>r le nombril. Déposer son vieux manteau<br />

de cuir au pressing. Porter de nouveau des mini-jupes. Mettre<br />

des collants de couleur. Acheter une maison de campagne en


multi-propriété. Rencontrer des gens. Tenir un cahier sur les<br />

œuvres d’art qu’elle aime. Trier ses photos. Dire merde à sa<br />

voisine envahissante. Dire merci à ses parents. Lire la liste de<br />

livres indispensables qu’un ex exalté lui avait laissée. Arrêter<br />

le psy, lui dire au revoir sérieusement, sans sourire en coin.<br />

Essayer une nouvelle couleur de cheveux. Aller voir le Machu<br />

Picchu avant qu’ils n’en interdisent l’accès. Arrêter d’avoir peur<br />

de l’inconnu. Se for<strong>ce</strong>r à faire des choses qui ont l’air absurdes<br />

et que l’on sait essentielles.<br />

Tout <strong>ce</strong>la avait toujours été là. Mais toujours pour plus tard,<br />

pour après. En réalité, elle avait toujours su qu’il y aurait un<br />

après. Pourquoi n’avait-elle pas choisi d’y entrer plus tôt ?<br />

Elle avait maintenant en main toutes les piè<strong>ce</strong>s du puzzle.<br />

Comment remettre les choses dans le bon ordre ?


L’avenir leur appartient : la postérité<br />

Il n’était pas vraiment affecté par la tournure que prenait sa vie.<br />

Les grosses factures inattendues, sa dernière rupture, le zip<br />

de son pantalon préféré qui saute, son chômage qui diminue<br />

de mois en mois, les embouteillages du dernier week-end,<br />

même les lettres de refus à ses essais littéraires n’arrivaient<br />

pas l’atteindre profondément. Contrairement à nombre de<br />

ses congénères de Pôle emploi, sa situation professionnelle ne<br />

l’alarmait pas plus que ça, il ne se sentait pas perdu dans l’offre<br />

des formations et trouver la bonne personne pour fonder une<br />

famille ne lui semblait pas de la première urgen<strong>ce</strong>. Sa famille<br />

le trouvait optimiste, ses amis pensaient qu’il se contentait<br />

de peu, quant à ses voisins, ils soupçonnaient un héritage<br />

imminent. Or, la vérité était ailleurs. Il croyait simplement en<br />

sa destinée et avait toujours eu une confian<strong>ce</strong> toute particulière<br />

en la postérité.<br />

Parfois, <strong>ce</strong>rtes, il se demandait quand allait se produire son<br />

revers de fortune, et par quelle porte de sa vie <strong>ce</strong>lui-ci allait<br />

bien arriver. Mais il se rassurait vite en se disant qu’il mourrait


sans doute avant, mais qu’il aurait une postérité heureuse.<br />

Il se doutait bien qu’il y avait peu de chan<strong>ce</strong> que la postérité<br />

retienne son habileté à réussir la purée Mousseline ou la<br />

quiche thon-moutarde, ou son talent pour localiser et mettre à<br />

mort un moustique dans une piè<strong>ce</strong> sombre, pour découper un<br />

poulet, pour rouler en vélo sur la neige, pour régler un ampli,<br />

pas même pour assortir ses chaussures à sa chemise.<br />

Il avait décidé depuis déjà des années de mettre tous ses œufs<br />

dans la littérature. Mais il pataugeait dans de petits textes<br />

depuis longtemps. Il les reprenait parfois pour s’amuser mais<br />

à chaque fois qu’il se lançait dans un texte plus ambitieux, il<br />

n’avait pas le souffle et abandonnait assez vite. C’est pour <strong>ce</strong>tte<br />

raison qu’il avait décidé il y a peu d’aller passer quelques mois<br />

au bord de la mer pour écrire l’œuvre de sa vie. Tout au moins<br />

une œuvre qui <strong>sera</strong>it sus<strong>ce</strong>ptible d’attirer l’attention de la<br />

postérité. 6 semaines pour Bonjour Tristesse, un ou deux mois<br />

pour <strong>ce</strong>rtains Balzac, ou le fameux Hugo qui donne chacune<br />

des dates de ses Contemplations. Il avait toujours été fasciné<br />

par les dates qui figurent parfois à la fin des livres : <strong>ce</strong>rtains<br />

étaient incroyablement rapides, mais les écrivains se laissaient<br />

sans doute aller à quelques mensonges…


La tâche s’avéra plus ardue que prévue : la mer était là, bien<br />

présente, les embruns accompagnaient comme il s’y attendait<br />

de belles et longues promenades romantiques sur la plage.<br />

La cité balnéaire semblait vidée de ses habitants, réchappée<br />

d’une catastrophe planétaire, alors qu’elle était justement<br />

revenue à son état normal. Il s’était gavé de fruits de mer,<br />

avait sérieusement avancé une collection de cailloux rouges<br />

et il était même allé s’acheter une authentique marinière et<br />

un pull marin bien chaud à la Capitainerie – la vraie, sur le<br />

port de pêche, pas la fausse qui est sur le port de plaisan<strong>ce</strong>.<br />

Il n’y avait pourtant rien à faire, ça ne prenait pas. L’œuvre de<br />

sa vie piétinait comme toutes les autres œuvres de sa vie. Ses<br />

personnages étaient inconsistants, artificiels, il n’arrivait même<br />

pas à se figurer leurs visages. Chaque action qu’il imaginait<br />

manquait de souffle et était bien vite bâclée tant les péripéties<br />

secondaires éventuelles auraient fait ressortir leur faiblesse.<br />

Cette précipitation, jointe aux fréquents et bien connus<br />

moments de pédalage dans la semoule et de regard dans le<br />

vide, donnait au tout l’apparen<strong>ce</strong> d’un film burlesque. Son<br />

livre avait un chapeau trop petit, des chaussures de clown, un<br />

pantalon à la couleur ridicule, une veste trop grande et élimée


et un prétentieux petit gilet sagement boutonné.<br />

Il ne se désespéra pas le moins du monde pour autant. Peutêtre<br />

que la postérité frapperait par surprise, peut-être qu’elle<br />

ne s’intéres<strong>sera</strong>it qu’à <strong>ce</strong> qui pour lui n’avait aucun intérêt à<br />

<strong>ce</strong> moment-là. Il travaillait peut-être, comme Voltaire, à des<br />

tragédies dont il attendait beaucoup alors qu’on ne retiendrait<br />

de lui que des petits contes philosophiques écrits avec légèreté,<br />

pour s’amuser. Quels étaient donc ses contes philosophiques<br />

à lui ? Il parcourut d’un œil morne les répertoires bleutés<br />

du fichier « Documents » de son ordinateur. Ses premières<br />

poésies ? Non, tout de même, tout transpirait la réécriture,<br />

même pas consciente. Ses petits textes rédigés pour des<br />

concours de nouvelles ? Aussi mauvais que les textes de<br />

commande de chansonniers mondains. Ses essais de scénario ?<br />

Il n’en revenait pas d’en voir <strong>ce</strong>rtains finis tant ils avaient eu<br />

du mal à retomber sur leurs pattes. Ses ébauches de lettres<br />

d’amour et de lettres d’insultes, curieusement classées dans un<br />

même répertoire sobrement intitulé « Lettres » ? Ses premières<br />

esquisses numériques quand il avait suivi une formation de<br />

dessin digital ? La fortune <strong>sera</strong>it bien ironique…<br />

Sans vraiment s’en rendre compte, il passa presque trois jours


à se relire et à rêvasser sur ses brouillons. Il imaginait les<br />

déchiffreurs professionnels et les spécialistes de littérature se<br />

pencher sur ses notes manuscrites, explorer son ordinateur,<br />

craquer ses mots de passe de fichiers protégés, de messageries<br />

servant de boîte de sauvegarde, tentant se faire réparer toute<br />

une série de disques durs ne répondant plus aux sollicitations<br />

extérieures. Il rêvait d’œuvres complètes. Sa Pléiade. On<br />

discuterait de la pertinen<strong>ce</strong> d’indiquer ou non les phrases<br />

biffées. Faut-il toujours respecter le choix de l’auteur ? L’exemple<br />

de Kafka ? L’exemple de Rimbaud ? de Salinger ? de Sagan ? Ces<br />

exemples lui donnaient un grand sourire. Il s’émouvait déjà à<br />

la pensée des proches qu’on interviewerait.<br />

La vie à la mer suivit son cours, sans chef d’œuvre et sans<br />

nouveaux amis. Au bout de deux mois, la pluie l’exaspérait<br />

et la presse locale ne le faisait même plus rire. Il tournait en<br />

boucle du matin au soir sur les mêmes sites internet.<br />

Sans inspiration, fallait-il s’acharner ? Il choisit de renon<strong>ce</strong>r à<br />

son roman. Pas amer pour un sou : la postérité choisirait un<br />

autre faire-valoir.<br />

Il décida de rentrer chez lui et de faire autre chose : de la<br />

politique, du cinéma, de l’art contemporain. En réalité, le


choix importait peu puisqu’un jour il <strong>sera</strong>it reconnu, peut-être<br />

même de son vivant. C’était encore <strong>mieux</strong> la gloire quand on<br />

était vieux : on stresse moins. On peut envoyer paître les gens<br />

et sortir des vérités ou de grosses exagérations sur le ton de<br />

<strong>ce</strong>lui qui ne doute pas.<br />

Et, qui sait ? Peut-être que la postérité le prendrait par la bande<br />

et exhumerait des tiroirs de ses petits enfants ses nombreux<br />

essais de romans, qui colleront exactement avec la tendan<strong>ce</strong> de<br />

2100. Il pas<strong>sera</strong>it alors pour un précurseur. On achèterait ses<br />

livres et on se dirait « J’aimerais tellement connaître la suite,<br />

quel dommage qu’il n’ait pas continué, quel dommage qu’il<br />

soit mort avant d’avoir terminé… »


Ce livre est dédié au Père Noël qui a les yeux bleus.<br />

L’illustration de couverture, libre de droits, est d’Albert Robida : « La<br />

lune rapprochée. Départ de la première commission scientifique et<br />

colonisatri<strong>ce</strong> », Le Vingtième siècle, 1883.<br />

Les « demain » proviennent de recherches sur Flickr en 2012 et 2019.

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