COLLECT Belgique Octobre 2022

Derrière son apparente
simplicité, l'œuvre de Joan Miró
révèle des profondeurs et des
richesses inépuisables. Soucieux
d'expérimentations, mais aussi
d'un accès plus large à son
travail, il a laissé derrière lui une
abondante quantité d'œuvres
gravées et imprimées.
TEXTE : GILLES BECHET
André Breton le considérait
comme l'artiste le plus surréaliste
de tous. Joan Miró (1893-
1983) a pourtant toujours refusé
de se laisser cataloguer dans un style ou
une école. Artiste populaire, le catalan a
développé au cours de sa longue carrière
un style immédiatement reconnaissable et
ouvert à de multiples approches ou interprétations.
Certains voient en lui et selon
les époques un surréaliste, d'autres un
expressionniste abstrait, un minimaliste
ou encore un naïf. D'aucuns apprécient ses
couleurs vives, d'autres encore ses personnages
déstructurés ou ses épures ramenées
à quelques signes. A Paris, où il s'est
installé dans les années 1920, ou à Palma
de Majorque, où il a vécu et travaillé à partir
des années 1950, il a toujours cherché à
expérimenter en multipliant les supports
et les techniques. Son œuvre abondante
se décline en peintures, dessins, gouaches,
collages, et en autant d'estampes auxquelles
on ajoutera des sculptures, céramiques
et tapisseries. « C'est un marché relativement
stable », analyse Jean Frémon,
président et directeur général de la Galerie
Lelong à Paris. « Il évolue doucement et
n'a pas subi de secousses particulières
au cours des trente dernières années. »
Comme toujours, c'est la peinture qui tire
les chiffres vers le haut et plus particulièrement
pour Miró la période des années
1920. Ainsi Peinture (1925) était-elle adjugée
10.231.500 de livres sterling (11.869.765
euros) chez Christie's à Londres, le 23 mars
2021.
Maquette de foulard, 1964, gouache sur papier, 120 x 120 cm. Fondation Marguerite et Aimé Maeght.
© Successio Miró / SABAM Belgium 2022 / photo : Claude Germain – Archives Fondation Maeght
DES MULTIPLES EN GRAND NOMBRE
A l'aise dans tous les médiums, Joan Miró
s'est distingué par une pratique constante
du dessin et des gouaches tout au long de
sa carrière, mais aussi par des multiples,
que ce soient les gravures, eaux fortes,
aquatintes ou les lithographies qu'il produira
en grand nombre. Gravures et lithos
étaient pour lui une manière de rendre son
art accessible au plus grand nombre, mais
aussi un terrain d'expérimentation. « Miró
aimait travailler avec des artisans et utiliser
toutes sortes d'instruments différents
et nouveaux. Il lui arrivait, par exemple,
de graver des plaques de cuivre avec un
couteau ou un vieux clou », poursuit Jean
Frémon. Si on s'en tient aux seules gravures
et lithographies, il aurait produit près
de 2000 œuvres différentes. C'est en 1938,
dans l'atelier parisien de Fernand Mourlot,
que Miró commence à graver. Et c'est
après la guerre, grâce à son lien privilégié
avec Aimé Maeght, qu'il en fit une pratique
régulière. Témoin de cette première période
: Parler Seul, un livre-poème de Tristan
Tzara, accompagné de 72 lithos originales
de Miró. Il faudra deux ans à Aimé Maeght
pour imprimer la totalité des 253 exemplaires
! La cote de cet ouvrage exceptionnel
progresse d'année en année, mais
« Artiste populaire
de son vivant, Miró
savait très bien ce que
son public aimait et
pourquoi il était prêt
à payer plus cher,
mais il s'en fichait
complètement et ne se
gênait pas pour aller
dans une direction plus
expérimentale. »
Foto: Karin Borghouts, in opdracht van KMSKA.
JEAN FRÉMON
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