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Par les d’experts<br />
sur la transition juste<br />
Sandrine Dixson-<br />
Declève, docteure<br />
en sciences de<br />
l’environnement et<br />
spécialisée dans les<br />
politiques publiques,<br />
est coprésidente du<br />
Club de Rome. Cette<br />
organisation active<br />
depuis les années<br />
1960 rassemble<br />
des scientifiques,<br />
des décideurs et<br />
décideuses, des<br />
gestionnaires<br />
d’industries… qui<br />
travaillent ensemble<br />
aux problèmes environnementaux<br />
et<br />
sociétaux auxquels<br />
nous faisons face.<br />
Le club de Rome a<br />
été pionnier en 1972<br />
avec la publication<br />
du rapport Meadows<br />
qui alertait sur les<br />
limites de la croissance.<br />
Rencontre.<br />
04 Crédialogue n°109<br />
Il est coutume de présenter la<br />
problématique de la transition<br />
juste sous le prisme Nord/<br />
Sud, en évoquant les pays en<br />
voie de développement qui<br />
subissent les conséquences<br />
du dérèglement climatique en<br />
première ligne. Mais quid des<br />
disparités au sein même de<br />
l’Union Européenne et de la<br />
Belgique ?<br />
Sandrine Dixson-Declève : En<br />
plus des inégalités Nord-Sud,<br />
on constate effectivement de<br />
plus en plus d’inégalités croissantes<br />
au sein de l’Europe. La<br />
raison est simple : d’un côté les<br />
profits générés vont encore trop<br />
souvent aux grandes industries<br />
et aux grands actionnaires ; de<br />
l’autre, notre économie actuelle<br />
ne prend pas assez en compte<br />
les vrais besoins des citoyens<br />
et citoyennes, des consommateurs<br />
et consommatrices, ni des<br />
petites et moyennes entreprises.<br />
Or, ce sont tous ces publics qui<br />
subissent les effets de la crise<br />
plurielle dans laquelle nous nous<br />
trouvons : la situation post-pandémie,<br />
l’inflation, la guerre en<br />
Ukraine, la difficulté d’accès au<br />
logement… et les dérèglements<br />
climatiques.<br />
Y a-t-il une tension entre<br />
ces crises sociales et la crise<br />
environnementale ?<br />
Oui. D’ailleurs, toutes ces crises<br />
sociales sont utilisées par<br />
une forme de populisme qui<br />
voudrait freiner les avancées et<br />
nous éloigner de la trajectoire<br />
nécessaire en faveur d’une décarbonation<br />
de la planète. C’est<br />
pour cela qu’il est essentiel de<br />
vraiment comprendre ce que signifie<br />
la transition juste. Ce n’est<br />
pas parce qu’on transitionne<br />
vers un avenir plus vert qu’il va y<br />
avoir une hausse des prix, c’est<br />
même l’inverse : par exemple,<br />
si on ne fait rien au niveau<br />
climatique, les sols risquent de<br />
s’appauvrir en accentuant la<br />
crise alimentaire. Toutes les analyses<br />
du club de Rome confirment<br />
qu’il sera impossible d’agir<br />
sur le changement climatique<br />
sans agir conjointement sur la<br />
pauvreté et les inégalités et que<br />
l’Etat a un rôle clé de protecteur<br />
à jouer.<br />
Quels sont les leviers des<br />
politiques, des banques ou<br />
des entreprises pour une<br />
transition compatible avec la<br />
qualité de vie ?<br />
Une vraie discussion politique<br />
est nécessaire pour réorienter<br />
le capital vers une économie<br />
plus résiliente. Dans les mesures<br />
concrètes, on peut citer<br />
l’arrêt des subsides pour les<br />
secteurs des énergies fossiles,<br />
une meilleure accessibilité<br />
du renouvelable auprès des<br />
consommateurs et consommatrices,<br />
la mise en place d’une<br />
taxation positive, par exemple<br />
pour l’agriculture régénératrice,<br />
et d’une taxation négative pour<br />
la production extractive qui<br />
n’est ni verte ni sociale... Les<br />
banques aussi doivent se poser<br />
la question de la viabilité à long<br />
terme de leurs investissements<br />
et des indicateurs qui doivent<br />
être mis en place pour orienter<br />
les épargnants vers d’autres<br />
manières d’investir. Tout cela<br />
aura un impact positif non<br />
seulement au niveau environnemental<br />
et social, mais aussi<br />
démocratique<br />
Crédal fête ses 40 ans<br />
en 2024. Que nous<br />
souhaitez-vous pour les<br />
40 prochaines années ?<br />
Pour moi, Crédal est un vrai<br />
pilier pour une transition<br />
juste. Ce que je vous souhaite,<br />
c’est de ne plus être<br />
seuls, que les banquiers se<br />
rendent compte que c’est<br />
la seule façon de continuer<br />
avec de vraies valeurs humaines<br />
et planétaires.