Litterature et alchimie au Moyen age

Didier Kahn
LITTERATURE ET ALCI-TIMIE AU MOYEN AGE:
DE QUELQUES TEXTES ALCI-ILMIQUES ATTRIBUES
A ARTHUR ET MERLIN'
Quoi quon alt pu écrire - et qu'on écrive encore - sur ]existence
prétenduc de motifs aic himiques dans les romans arthuriens mediévaux
2, force est de constater, au contrairc, que I'alchiniic s'avrc
Ctonnainrncnt absente de Li littérature du Moyen Age, si Ce West sous
forme de representations satiriqucs). C'est un point qui distingue I'al-
i. Cet exposé a fait l'objet, sous une brine trés condensêc, de I'un des cours
quej'ai consacrés en 1992-1993, dans le cadre de la conference de M. Antoine Faivrc
1 l Ve section de I'Ecole Pritique des Hautes Etudes (Paris), 3 un Historique des
rapports en Ire !itr&ature ci alchi,nie, du Mo yen Age an debut des temps ,noderne.c. Comine
tire le bait observer Laurent Loty ((-NRS, Paris). ce champ de recherches améne 3
soulever piLisleurs problCmes dc fond touchant non seulemciit aux definitions de
l'alchiniie. dc la "science et de Ia Iittérature, nials aussi 3 la validité rnC'mc de cci
concepts Ct de ces distinctions (ne serait-ce que dans le cas des sal16gorics alchinuqucs).
Ce n'cst pas ici mOo propos d'en débactre, nsaisje liens nCaniuoins 3 Sonligner
3 quel point ces distinctions apparenunent siniples, 3 bien y regarder, ne vont
nullemcn de soi. —Je remercie par aiflcurs Mnic Daniellejacquart de ses précieux
avis sur plusieum points épincux de ccl article.
2. J'ai tenté de faire justice de ces interpretations dans le résumé de mon cours
(Annuaire ,h I'E,P,H.E., Ve section (sciences religienses), Cl (1992-1993), 347-56, ici
348-51). Vmr dêjâ P.-Y. Bade!, vAlcheinical Readings of the Romance oft/ic Roses',
dans K. Brownlee, S. Huot (eds.), Rethinking i/ic vRonianre of t/ic Rose " : Text, Iniae,
Reception, Philadelphia 1992, 262-85 (trad. fr. augm.: "Lectures alchiiniques du
Roman th' la Rose", 3 paraitre dans Clirysopiria, 5 (1992-1993). Cf aussi infra, note
suivante et 228 ii. t. Une t3che parailCic vient d'être entreprise dans le doniaine de
I'histoire de Part parJaiiies Elkins, (font I'article soufire certcs d'un manque de connaissance
directe de !'alchimic ci de son histoire, mais non de réflexion critique
et de nsCthodologic (Ori die Unonportance of Alchemy in Western Painiirig,
KonsthistorisL' tidskrifi, 61 (1992), 21-26).
3. On trouvera (falls IC rCsumC de mon cours Anniiaire de I'E.P.H.E., 352) la
liste des rares textcs narratits ou poetiques niCdiCvaux que je connaisse iiienrionn-ant
I'alchiniie dc bacon positive ou l'utilisant pen ott prou 3 deS fins esthCtiqucs.
.Mcs recherches ayant avant tout porte sur la littCraturc françaisc (non sans regards
stir Ics domnaines alleiim.ind, amigLtis et italien), ii va saris (lire qu'elles demandcnt 3 Ia
Document
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1)11 )iEi& KAHN
chimie de la médecine, de l'astrologic et de la magie, dont la préscnce
est loin d'être rare dans les textes littéraires
Gene quasi-absence s'explique aisément par le statut de l'alchiniie
dans la société médiévale, le plus souvent condamnéc a rester en marge
du savoir univcrsitairc, mais aussi par le fait que I'alchimic n'était représentée
dans aucune des sources oü s'est abrcuvée et formée la littérature
du Moyen Age: sources antiques, bibliques, celtiques ou greco-Orientales
(l'alchimie grCco-égyptienne n'Ctant connue que très
exceptionnellement avant Ic XVIe siCcle) 2 , tandis qu'astrologie, magie
lois i être poursuivies et étendues do ficon systématiquC aux autrcs aires culturelles.
Pour l'ltalie, ajouter les textes du XVe s. étudis par A. Perifano (De deux nouvdllos
contenucs dans lo Traaato jusrissimofabricato per ole An. C. De la vera e de La
tda akhin,ia*, dans L'Après &vcace. La noiwdfle italienne aux XVe-XVIIe Sleek'S, Paris
1994, 79-97; Le Tractato justissinio abricak per toe An. C. De la i'era e ik La falsa air/li-
,nias, a pataitrc dans los Mélanip's Fran(ois Secret). Pour l'Aflemagne. ajoutcr H. D.
Haage, vDie Wortschátzung von Naturwisscnschaft und Medizin in der deutschen
Dichtung des Miuelaltors, SudIiofJ Archit', 70 (1986), 206-20, avec rCféreiices a
d'autres do sos articles que je n'ai pit consultcr (ci. sp&. sa note 30).
i. N'en prenuns comme exemples quo CICs de Chrétien do Troyes (c. 1176),
avec les trois niédecins do Saleruc et Is magicienne Thessala (ci. infra, 248 n. a), ou,
pour l'asrrologie cc la magic, Parzivai de Wolfram von Eschenhach (c. 12 10). Sur
les nombreuses lectures aichimiques do Parzii'al au XXe sicic, voir 10 ri'suiuC de
mon cours. La mort et la resurrection do Fenice dans CICs ont stimuiC l'iniagination
de Ch. MCla, mais non son sens critique (voir son Cd. du Conte do Craal de
ChrCticn de Troyes, Paris 1990, 15; voir aussi, dans Ic memo registre, 13). Stir Ic
phénix en aichimie - introuvahie avant Ic trjitC médiéval do 1399 qui porte cc titre
(Liber Plitrnix tnissus rc'i Aragoiiriui Martiiw, TK 346, 440 et 1062) -, Cf. S. Matton,
Le phCnix dms l'uvre do Michel Maier cc la IitiCr-ature alcIiimique. dans M.
Maier, (2/iaiisous intel?ectueiies stir la rttsurrection do phCiirx (1758), repr. Paris 1984, -
61. TK = L. Thorudike, P. Kihrc, A Catalogue of incipits of Medicrr'ai Scientific Writints
in Latin. ac Cd. Cambridge (Mass.) 1963a.
La the-se do Haage dans oDie Wersscliitzung*, 214, scion laquelle W. von
Esclienbach aurait pu connaItre l'ouroboros aichimique par ic hi;iis des manuscrits
alchiiiiiques grecs du Xc Ct du XIe s. (Marcianrts 299, Parisirirrs 2325 [sic]) manque pour
Ic moms de fondement philologique. Scul Ic Morcianus date efiectivement do cette
époque, et dans l'Ctat actuel des rechcrches, tout porte a croire qu'i.l resta Byzance
jusqu'I cc quo Ic cardinal Bessarion en fit l'acquisition (stir los dilVercnts niss. alchiiniques
grecs. cf. J .
Letrouit, cStenunatique des manuscrits alcliiiniques greCS, I paraitre
dans Chrysopiria). Point n'esc besoin do rccourir a I'alchiimc pour expliquer datis tin
tcxte littCraire medieval Is presence d'uii ourohoros, synibok d'éternitC present par
exeinpie chez Servius (rcl.iyC par Isidore do Seville) aussi bieri quo chcz Claudion ou
d'autros auteurs bien connus au Moyen Age; cf. K. Preiscndanz, tEin altos Ewigkeitssymbol
als Signet und Druckcimarke, Cutenberg-Jahrbuch, 1935, 143-49; du memo
auteur, vAus der Gcschichte des Uroboross, dans F. Herrmann, W. Treutlein (Hrsg.),
Branch nod .SinlibiId. Tiiisien Fe/irk zutu 6o. Ceburtstag, Karlsruhe 1940. 194-209; W.
I)eonna, Ourohoroso, Artibus Asiae, i (1952), 163-70.
228

LLrFERATURE ET ALCIIIMIE AU MOVEN A;E
et médecine bénéficiaient d'une haute antiquite et de modéles célébres:
I preuve les figures littéraires de Médée, de Circe, de Salomon,
de Merlin on de Nectanebo.
Mais si pour ces raisons la littérature médiévale a pour ainsi dire
ignore l'alchimie, en revanche cette dernière, accouturnée ab oi'o
faire feu de tout bois, n'a pas manqué d'utiliser a ses fins propres des
motifs empruntCs a la littCrature. C'est ainsi quc deux des plus flimeux
hCros de romans arthuriens, le roi Arthur lui-mCme et le prophète
Merlin, se sont vu attribuer divers textes aichirniques, justifiant i
l'avance les exégCses que les aichimistes de la Renaissance et des temps
modernes allaient, en retour, appliquer aux romans rn6di6vaux 2. Notre
propos sera d'examiner de prCs les figures d'Arthur et de Merlin alchimistes,
en étudiant chaque fois que possible les traités places sous
leur patronage, les mécanismes et les variantes de ces attributions, et les
problèmes spécifiques que posent certains de ces textes a l'historien de
la littérature aichimique.
Texics alchiniiques attribués a Arthur
Si l'on excepte les traités et recettes oü le nom d'Arthur dCsigne un
tout autre personnage que le roi 16gendaire 3 , ii semble que trois traitCs
lui soient attribuCs.
i. Toutefois, sur les rapports possibles entre Ic Roman d'Alexaudre et l'alchiinic
- tout au moms dans le doniaine arabe -, voir P. Carusi, olbn Uina yl al-Taminil et
Ic pseudo-Callisthène: tin exemple d'utilisation de sources littéraires dans l'alchimie
araho-islamique, clans M. Hormigon, E. Ausejo, J. Dhoinbres (eds.), XJXtJ
Iuternatioual Goniress of History of Science. Book of Abstracts. Scientific Sections, Zaragoza
1993, section Ci-z, n o z.
2. Sur ces interpretations, cf. W. Kirsop, L'exégCse aichimique des textes littCraires
i la fin du XVIc siCc1c, XVIIe siècle, 120 (1978), 145-56;J. Telle, Mythologic
und Alchemic. Zuni Forticben der antiken Götter in der frühneuzeitlichen
AIcheniieIiteratur, dans R. Schmitz, F. Krafft (Hrsg.), Hunanisnugs urn! Narunpissenschaften,
Boppard 1980 (Bcitrd'e zurI-iunranisuiusforsclmng, VI), 135-54, iCi 152-5 3;
T. Brandis, 'Eine spite MlnneredenhandscI1r1it. Codices m000scripfi, 9 (1983), 19-
25, ICI 22h-24a (je ren]crcicJ. Letrouit de ccttc derniCre réfCrence).
. Par exemple OriCans, Bibliothèque municipale, ms. 291, fol. 10 3 r (ay. 1512):
S'enuyI le secret de ojaistre Anus le Blanc, chevalier ef servireur di puissant roy Henry
d'Angleterre (titre d'après J . Corbett, Catalo,iue des nianuscrits alchiniiques lathis, II:
Manuscrirs des bibliothèqiies publiques des dèpartemcn:sfrançais antêrieurs an XVIIt' siècle,
Bruxclles 1951, 157-58).
229

I)II)IER KAHN
• Un Artus rex est cite dans le conmientaire de l'Aurora a)usi1rens,
datable du XVe siècle'. Cctte rCfércncc, qui est peut-trc aussi cclle
que donne C. I. Nazari dans la liste d'auteurs publiCe dans La prenuère
version de son traitC d'alchimie 2 , correspond A un texte inédit recensC
par D. W. Singer, dont on ne paralt connaltre qu'un manuscrit unique
du XVe siècle 3 . L'auteur s'y présente comme ego Rex Ar/us 4, mais ce
traité divisé en huit livres est coiffe dun prologue dont ii ressort que
l'ouvrage est mis en lurnière par tin certain Magister expertivus Grede et
Maroduc episcopus . La conclusion de l'ouvrage insiste i nouveau sur Ic
rot Arthur, dCtenteur des secrets de Fart: Artus rex magnusfuif hic perfictorufn
unus. La description de D. W. Singer tie permet guèrc de se
faire une idée de son contenu, mais il se trouvc juc le commentaire de
l'Aurora COHSUTgCUS donne un large extrait de son quatriCme livrc, pour
illustrer cc qu'est le style parabolique. Get extrait est en cffet tine al]égone
oü Ia noble mere trCsorièrc Aichimie, afin de soigner son étrange
corps infirme par une médecine recourant aux vertus des herbes, envoie
chercher le trés habile inédecin Macer, expert en toutes herhes,
qui guCnit effectivenient ses infirmités et Sc voit, comme pronhis, cornblé
dc r1chcsscs 6. Une telic allegoric tie permet pas d'expliquer l'attni-
i. Aurora consu 'ens [colnlnentaire scul]. dans Artis auriferae, quan Clie,uia,n
vacant, Volunien prinium, Me 1593 ('ii 72), 193: 'almi in trihus annis, ut Gchcr, &
Rex Artus*; voir aussi 195-99 (cf. infra, note 6 dc ccttc inCme page). Pour la datation,
voir M.-L. von Franz, Aurora cons:irce?is ('i 97), trad. fr., Paris t 982, 41.
2. It Meta,,iotjisi metallico ci human., Brescia 1564, fijI. 26rh: cArtus Rex.
. D. W. Singer, CataloA'ue of Latin and Vernacular Althemica! Manuscripts in Great
Britain and Ireland datinfrom bc/,re the XVI Century, Bruxelles 1928-1931 (ci-après:
DWS), n° 6 (57-60 et 1121) = TK 303 et 841 = London, British Library, ins. Sloane
3008, fol. lr-65v.
. DWS, 5 8: . ..] sic ego Rex Artus propono quedatmi ad honum inenmorie de
vera arte alchiinica cxtrahcrc et consignare [ ... *.
. DWS. $7: Magisccr expertivus Grecie ct Marochie episcopus cujus fania per
inundi climata apertis niagistris artihus liheralibus expertis insignabatur. Hic episcopus
cxpertivus Ct juveritute quuimdaiii .irteili appareba L clue onmnes h ujus niundi
artes illuminahat pauperes letiticahat ... . Sur cet évCque, cI. peLit-etre DWS n°
156: sI-Tic incipit opus Theodorici qui ait, istud est opus fici1ius cc veracius quod
ego inveni perambulando Constantinipolini Greejain tun) ci Marrocuni".
6. Artis aurifcrae, 195-96: sRefert enim Rex Artus libro suo quarto, quod imobilis
thesaurizaria mater Alchuiiiia, iiiediciiialeiii mimedicinam inter herbaruin vircs
qu;crere proponit, cum qua ej us ;mgrotum corpus curare possit. & refIcere, quod ab
ejus inttrmiutatc absolverecur, & sanaretur. Tune jam coloreni dupliceni coloratuni
splendoris. & candoris a Luna & a Sole receperit colorata, sic quod colorarur a
VertiCe capitis usque ad peccus ejus corpus est aureuni: & a parre pectoris usque ad
femur, corpus videtur argentunm: & de femorc usque ad genua, corpus apparet
230

1.11-14RAruRE ET AL(:HIMIE AU MOVEN AGE
bution du texte au mi Arthur: seule le pourrait l'étude du manuscrit
lui-mênie.
Deux siècles plus tot, le nom d'Arthur semble avoir servi de pseudonyine
a l'écrivain Richard de Fournival (tzoi-c. 1259/60), surtout
con nu pour son Bestiaire d'Amours '. 11 liii est attribué on traité d'alchimie
dont voici l'indpit: sflixit Arturus expositor huius opens: Accipe
li'ar. Accepij arsenicum et elcgi ilic in quo sunt quedam vene
aurce... . Dix inanuscrits en sont recciisés a cc jour 3 . Au moms quatre
d'entre eux, trois do XIVe siècle et un du XIlIe siècle, portent Ic
norn de Richard de Fourniva1 4 , et cc de tcllc façon que son équivalence
avcc Ic nom d'Arthur est rendue nianifeste: le rnanuscrit de Gla-
hydropicuin: 6: de gcnibus usque ad plantain pedis, corpus indicat paraliticuin:
Ideo mater A.lchimia, corpus xgrotuni hahere dicitur, quod non potest se erigere,
neque surgere: ergo infirnutur. Et nuncios ad per tissimuin Phvsicu,,i omniuni
herbaruni magiscruin Macrum, qui virihus herharuiti corpora languida curat, &
sanat, mint, quod veniret ad earn, & naturaliores herbas, meliores & lortiores colligat,
6 una secuni adducat, Ut ah hydropica & paraliuca infirinitate ipsalli absolvat.
oh qiiod ipsam ex tunc, Si san;ibitur, & renicdiuin invcnirct, illuni ditare velit, &
largillue reitiunerare [ ... ]'. Résumé en francais et interprété par I). dc Planis
Campy, I_'Oui'ertrcre de i'e.ccolle de pin osopllie transnrutatoire metallique. Paris 1633
(rcpr. Paris 1979), 29-32 (Style Paraboliquci).
m. Sur Richard de Fournival. cf. Dictio,inaire des Lettresfrancaises. Le Moyen
dir. C. Grente, nouv. éd. rev. et misc fi jour, dir. C. Hascnohr ci M. Zink, Paris
1992, 1266-68 (art. de F. Féry-Hue).
2. DWS fl° 174 (149).
. CII DWS n° m; TK 450, itellis ] Ct 2 W. J . Wilson, Catalo'ue of Latin and
Vernawlar Alchemical Manuscripts in the tJ,,ited States and Canada, Osiris, 6 (1939),
repr. Bruxelles 1939. 463-64. Voici les 10 muss. (celui de Bologric n'est pas catalogue):
Firenze, Biblioteca I.aurenziana, Laurent. Plut. 30, IllS. 29 7 fol. 73r-(79r) (X11les.):
Cambridge University Library, Add. inss. 4087, fol. 54r-61r (XIVe s.); Glasgow.
I lunteriaii Library, ins. 110, fol. 23v-27r = 2Iv-25r (XIVc s.); Oxford,
Bodleian Library. ins. Digby 28. fol. 64v-71v (XIVe s.); Oxford, Bodleian Library,
ins. Fairfax 22, fol. 44r-v (XIVe s.); Oxford, Corpus Christi College, inS. 125. fol.
91V-94V (XIVe s.): Klagenfurt, Bischöuliche l3ihliothek, ins. XXIX.d.24. fol. 278r-
2ir (a. D. 1421-23); Milano, Iiibhoteca Trivulnana, nis. 245 (E. 27), fol. r z6v-i 3 ir
(XVe s.); New York, Jewish Theological Seminary, inS. 13, mI. it et 3v-r [sic]
(XVe s.); Bologna, B,hl,otca Universitaria, liii. 457, b. XVII, fate. 4, fol. ,o6vimmv
(XVe / XVIe s.).
. Firenze, Laurenziana, Plut. 30, 1115. 29 (date du XIlIe s. par L. Thorndike,
Othcr Texts on Colours, Anibix, 8 (1960), 53-70. ICI 57, et par A. M. Bandini,
Cataioius Godic,,ni Lair nonun Bibliothecae Med iceac Lauren frame. 11, Florence 1 775,
cot. 86); Glasgow, Huntcrian Library 110; Oxford, Corpus (liristi College iz (cc
miis, a appartcnu fl John Dee; cf. H. 0. Coxc, Cataio,gus Codicum Mss. qui in Co1Ie,iis
Aulisque Oxoniensibus hodie adser,'antur, Oxford 1852, II. 4C partic, 44b); Cambridge
University Library, Add. 4087 (si je us correctenlcnt Ic classement dc TK; je n'ai
pit comisulcer la notice de cc ins. dans Ic catalogue de Cambridge).
23!

I)JDIER KAHN
sgow s'intitule Opus Arthurii quifuit magister Wilielnius de Furnival, avec
tine erreur de prenorn clue l'explicit corrige: iDicit Arthurus qui est
Ricardus tie Fornivaic ne vilipendatur ista operacio quis nunquaiii nisi
nunc exivit Cilia principis ita nuda et cetera. Explicit tractatus niagistri
Ricardi Fornivale de alkcniias '. Quant au manuscrit de Corpus Christi
College, il s'intitule plus sirnplcmcnt: Tractatus Rica rdi de 1- :ernivalle 2 . S'il
paralt difficile dejuger de la validité de cette attribution 3 , encore fautii
noter que Ic nom d'Arthur lui-mêtne n'accoinpagne pas toujours ce
texte, du moms a en croire Ic catalogue d'incipits de Thorndike et
I(ibre: il semble n'apparaitre que six lois dans les rnanuscrits 4, et se
trouve uric autre lois dôformé en Atoruus 5 , les autres nianuscrits paraissant
anonymes 6. Ii est clair, néanrnoins, que le nom d'Arthur est lie a
ce texte des le XIlIe siècle - si la datation du manuscrit de Florence est
Cable - ou des Ic debut du XIVe, comnic l'atteste sa presence dans Ic
catalogue de Palerme (c. t3z) - encore qu'il y figure sous la forme
Artusus 7. Faut-il en conclure que Richard dc Fournival, féru de romans
de chevalerie, aurait choisi pour composer un traitC d'alchirnie le
nom du roi Arthur, on au contraire que cet écrivain, lui-mCme auteur
d'un bestiaire renommé, a pam possCdcr aux yeux d'un scribe assez
d'autoritC pour sauver de l'oubli grace a son nom, opportunement rajouté,
un texte initialcmcnt mis sous le nom d'Arthur? Une autre
hypothèse, éniise par Steinschneider, consisterait a considérer Ic nom
I. DWS, 149-50. Cci explicit est le xnênie dans Ic ms. de Florence, rCputC le plus
ancien cc. de cc fait, très proche du temps (IC Richard de Fournival: iDixic Arturus
qui cit Ricardus de Furnivalle, Ne vilependatur operatio ista quia nucquam nisi
modo nunc erit fihia principis ita nuda (cite d'aprCs Thorndike, sOther Texts on
Colour',s, 7).
2. DWS, 'so; Coxe, Caralous, 46a, fl° 28.
. Un second iraitC d'alchiniie est attribué i R. dc Fournival dans un autre nis.,
peut-être sous l'iiifluence de celui que nous Ciudions (DWS n o 175 = Tl< 14 =
Oxford, Corpus Christi College, ms. 277, fol. 16r-19v, XVe s.).
. Dans les mss. Laurenziana, Plut. 30, 105. 29; Hunterian ito; Trivuiziana 245;
Jewish Theol. Seminary 13, ci Bologna 457, mais aussi dans Ic catalogue de Palerme
(ci note 7 de cette niCmc page).
. I)ans le ms. dc Klagenfurt (ci. TK 450).
6. Deux d'entre eux, ii cst vrai, ne sont que des fragments: ci DWS H° 174 Ii et
iii (mss. Digby 28 et Fairfax 22). Le Jewish Theol. Seminary 13 est aussi un fragment,
nlais Ic debut y est préservé, et avec liii Ic noni dArturus.
. Palermo, Biblioteca Conutsunale, liii. 4. Qq. A. io, ml. 370v-371v; Cd. dans
S. H. Thomson, oThe Texts of Michael Scot's Ars Alchemies, Osiris, 5 (1938), 523-
59 (525-28), ici 526, n° 34: Item liber Ariusi qul dicitur_fiUa regi.c qui incipi: Dixjt Art,,sits
(e expositor hujus libri.
232

LITTERATURE CT ALCHLMIE AU MOVEN AGE
d'Artusus comme one variante d'Eutliesia par le passage du grec (Théosébie/Eusébie)
t l'arabe et de l'arabe au latin; cc texte serait alors un
extrait pur et simple des Interrogatwnes Euthesiac ad Rosinun:, cc qui demande
i être vériflé. Les traductions latines du corpus de Zosime
n'ayant pas éte étudiées, le peu d'éléments dont nOUS disposons ne
perniet guère d'en decider ici'.
Non moms intrigante du point de vue de l'histoire des textes,
la troisièrne apparition d'Arthur dans un traité d'alchimie a été signalCe
en 1959 par Martin Plessner. Arthur est associC au dernier des
discours de la Turba pliilosopliorum dans sa version longue, découverte
par Plcssner dans trois manuscrits de Cambridge'. Cette version
longue se caractérise par le fait que le dernier discours de la version
de Ruska, celui du sPhilosophes, y figure intCgralement au lieu de
s'interrompre brusquement, et qu'il est suivi de plusicurs autres
discours absents de la version de Ruska. A en juger par soil et
son explicit, celui qui nous occupe, attribué a sa majesté Arthurs
(pietas Arthuri), est un exposé théorique plutôt qu'une allegoric 3 . Le
i. M. Steinschneider, Die enropaiscl:ci: L!/wrsetzutit'e:t ohs dein Arthischen bis J,fjtte
des 17. Jahrhunderls (art. de 1904-1905), rcpr. Graz 1956, ze part., 57, fl° 1922. Sur
les traduccions arabes dc Zosimc, cf. F. Sezgin. Geschicl,te des arabischen ScI:riftt:,ms,
IV: Alchin:ie - Chernie - Botanik - Arikultur his Ca. 430 H., Leiden 1 7 1 , 73-77; M.
Ullmann, Die t\Tatur- turd Gehein:ivissenscliaften in, Is/an,, Leiden 1972 (I-Iandbucl; der
Orientalistik, Iste Abteilung, Ergänzungsband VI, 2tCr Abschnitt), 160-63 (avec les
traductions latines do Zosime arabe). Sur Théoséhie/Euséhie dans I'alchimie grecquc,
cf. J. Letrouit. >Chronologie des alchi,uistes grecs, n. 37 ci section 3 .1.1.b, a
paraitre dans D. Kahn, S. Matton (ed). Aldrimie: art, liisto:re et unythes. Acres du icr
colloque international de ha Sociéfé d'Etude de l'Histoire de !'Ald,in,ic, Paris 1994, SOUS
presse (Textes et Tra,'a::x de Chrysopa'ia. i).
2. M. Plessner, aThe Turba Philosopliorun:. A Preliminary Report on Three
Cambridge Manuscripts>, An,bix, 7 09), 159-63, ICI 162-63. Les trois manuscrits
sont: Trinity College, nis. 0.2.18 (1122), fin du XIVc S.; St John 's College, ms.
G.14 (182), date du 10 dec. 1479; University Library, Fl. IV. 12, 13 (1255), date do
16 janv. 1529 (1530 nouveau style). Pour one bibliographic sur les deux premiers,
voir P. I3arthélemy, D. Kahn, oLes voyages d'une allegoric alchiiiiique: de la I/isio
Eduardi a I'Eur're royalle de Charles VIu, dans Counprendre Cf unaftriser ía nature all
Moycu Age. Mélanges d'J,isroire des sciences qfferts i Guy Beau jouan, Genève 1994, 481-
530, ici 485.
. St John's College, IITS. G. 14, fol. 215r (fol. r 2or dans l'ancienne foliotation):
Dicit etiam pietas Arthuri: Duo sunt corpora lucentia quibus insunt radii. Est
eniin radius nibedinc ti,lctus, est et non tinctus qui est albus. Vivunt ab albo et crcscunt,
quoniani a vita est radius, scilicet tinctura dat pondLis. . . >>. Malgré des
demandes réitCrées,je Ii'ai Pu obtenir un microfilm de ce manuscrit qui, depuis 3
ans, attend toujours d'&trc CtudiC de façon approfondie. Je cite son expi. d'après
J. Ruska , Turba Plrilosophrorrnn. El,, BeifrqQ zur Gescl,ichte der Ak/,en,ie, Berlin 1931
233

I)II)IH& KAHN
fait que cc discours, ainsi que ceux qui Ic précèdent et qui Caractérisent
la version longue, Sc trouvent places bus dans le nine
ordre et totis a la fin de la Turba dans chacun des trois manuscrits de
Cambridge étudiés par Plessner' est oparticuliCrement significatif,
chacun des trois manuscrits étant indCpendant des autres * 2. En d'autres
termes, cette version longue n'est pas imputable a la fantaisie
d'un copiste isolC, mais représcntc hcl et hicn I'une des ramifications
de Li tradition textuelic de la Trirba: aussi Messner suggérait-il que
soicnt dcsorn'iais rééxamiiiés tous les rnanuscrits de Ia 'fletha, y cornpris
ceiix deja Ctudiés par Ruska 3 - tache qu'â cc jour personne n'a
encore accomplie.
Rappelons ici quels sont les tout derniers discours de cette version
longue, ceux qui ne uigurent pas dans la version Cditée par Ruska .
AprCs Ic discours du .Philosophes (sermo 72), Ic dernier de la version
de P...uska, plus complet dans la version longue, vient celui dc Pictagoras,
suivi dc tmis discours al]égoriqucs (oil du moms snarratifss 5):
d'abord celui d'Arisleus, c'est-b-dire sa célCbre svisions, qui circula
aussi en manuscrit indépendammcnt dc la Turba, et que Ruska édita
Iui-m&me séparément dans son Iivre; introduite ici par Pictagoras
dans Ic discours qui Ia précCde, cue se trouve de cc fait pleinement
(Quc'llen und Studicu zur Gesclncl,tc der Naturu'isscuschaftc,, mid der ?vfcdizi,,, I), Si:
Quatuor igitur sum spiritus ignens non expcctantcs, ci vocantur spiritus co quod,
Si ignis egerit in ilk, evolat toturn quod qucritur in ipsis. Quorum quidem spirituurn
ex genere lipiduisi est arseniculil, et ex genere salnim cst armoniacuni, ex
genere attr.uuentoruln est sulphur, et ex genere metalloruni est argcntum vivum.
Spinius nainque est urigo et principiuni ornniuni metallorumn. Non ergo operavcris
quicquid ex collililuni niateria, quonialli iii ipsa ars inlitatur naturani. Quia
inetrice dicitur: Qui pens in nierdis secreta philosophoruni I Expensas perdis operam
tempusque laborum. Sur ces deux derniers vers, voir TK 1210, item 9.
i. Cf. Ruska, Turba, Si: Ic ins. de Trinity College a les inêmes incipit et explicit
quc ccliii dc St John's College, et Ic ins. de l'University Library s'achève ;kinsi:
sl)ixit et Pietas Arturi quia J Qui quent in inardis [sic] sccrcta philosophoruin I
Expensas perdit operant teiripusquc laborum.
2. Plessner, The Turba Plmilosoplioruni, 16o. Ccttc indépendance cst contIrmée
dans le cas des rnss. de St John's College et de Trinity College par le .ctcni,na des
mss. de la Vlsi. Edwardi (XIVe s.) donné dans Barthêlemy-Kahn, sLes voyages
d'une allégorie, 492.
. P]cssncr. sThc Turba P/ti/s pJioriimn, 160 et 161.
4 . Je resume Plcssncr, sThe Turba Phi!osophorunis, 162-63.
. Plessner, (,The Turba Phi!osophrurmi, i63: sthis narrative styles. N'ayant consuite
pour la 'lurba aucun des moss. de Caiiihridge a l'exceptiun des clichés fburnis
par Plessner et de celui que je donne moi-mCmc mci, je ne peux clue suivre aveuglénient
son analyse de la version longue sans y ricn ajouter.
234

LITTERATURE ET AL(;HIMIE AU MOYEN AGE
intégrée I l'cnscmble de la Turba'. Puis un discours de Leucippe
dont Plessner iic dit ncn, et un autre de Démocrite, stir lequel nous
reviendrons a la fin de cct article. Avcc Démocrite s'achèvent a la
lois la sequence des trois discours narratifs, et celle des orateurs de la
Turba dotes de noms de philosophes grecs. Viennent alors le(s) discours
d'Albeinazar/Abebecar (Plessner hCsitait a y voir dciix discours
distincts), celui dc Marcus rex Grccorunr, personnage non identiflé 2 et
ccliii de pietas Art/mn. Tout se passe comme si ces derniers discours
suivaicnt plus ou moms l'ordrc chronologique du développenient de
l'alchirnie, des Crecs aux Arabes et de ccux-ci t 1'Occident latin.
Toujours est-il quc le discours attrihué ii Arthur possède lui-mCmc,
tout commc Ia svision d'Aris1eus, son autonornie dans la tradition
manuscrite: Lynn Thorndike Pa en etTt repéré darts Ic manuscrit
tic Florence, peut-Ctre du XIIle siCcle, oà nous rernarquions deja Ic
texte attribuC i Artus/Richard de Fournival 3, et ii n'est pas cxciii
I. On petit sen rcndrc conipre il la tin de la trad. fr . publiée au XVIIc 5. par
Milliet tie Bosnay danc 7'rois Traitez de la Philosophic i\arurelIe, note iwpri;nez;
sca,oir, La fur/n' des Philosophes, qui est appellé Ic Code dc r'eritc en l'art, arftre que la
Latinc'. Plus, La Parole Delaissee Sc Bernard 'Ire,'isan. Et mi petit traicid, lres-a,rcien,
i pztiiuIc, L's Docs.re Panes d'Alcimynrie, attires que relIes Sc Rip/a, Paris 16i8, cc réceunmciii
réunlprimée (La Tourbc c/c's Philosop/mes, Paris 5977, 40-41). Unc version
francaisc nianuscrite étahlie an XVIc s. par Oroncc Fine, trés proche de l'imprime,
.i êié recemnient édjtée par Paulette Duval dans Les Caliiers dc l'wtenay, 33
(dec. 1983), 9-67, acconipagnCe de commentaires oü son erudition Ic dispute a la
plus haute fantaisic.
2. Plcssncr. mThe Turba Plmilosoplsorunm, 163. On pourrait songer i Ia rigucur a
Marcus Grrccis (TK 1334), quomquc Ruska signale lui-niêiiie urs Rex Marco() cite
clans un discours aruonynie stir I.0 'flirba (Ruska. Tiirba, 33 = J . -J . M.uiicet, Bi!,liothou
(,'Imr'mmcica (,,riosa, GenCve 1702, 1, 466.1, mncntionné parmi (i11i autisores, (]cii
nuagis.upe rte hoquuntur de elenientoruiiu tr.unsmnutatione). Mais cc discours, Calenient
uransnsis dans ics fuss. sous le nom d'Aksnus ci sous IC titre Rota:io elementonun
(cf. TK 1276), petit aussi bicn dCpcndrc [ui-niCnie de Is version longue de Ia
Turba. Le Thesaurus p/mdosopliiae attrihuC an ,iloinc Fcrrarius (XIVe s.) cite CgaIesilent
'Marchos rex (Cd. G. Gratarolo, d;ins Vi'rae Aichenuac artisque tuetall:cae, citra
ae,mz 'n:ata, docinina, certusque mac/us, Bile 1561, II, 237-47, ICi 243: stir cc Thesaurus,
Cf. infra , 239 II. 4).
. K 747 = 1.. Thonndike, A History of Mc'ic and Experimental Science, 8 vol.,
New York 1923-1958, III 96-97, 11. 59 = Firenze, Bibhiotcca Laurenziana,
Laurent. PIut. 30, 1115. 29, ml. 5, V (suit one vingtaune de feui]lcts avant ic rexte attrihuC
i R. de Fournival): lnquit Arturus, duo snot corpora Iucentia ... c, Son explicit
clans cc ins. est different de celuc de Is 'I'urba (cf. supra, 233 II. 3): cr... cuni albuisisne
ovi, & succo foliorum alcee, vel radicis ejus. (Bandini, Cataloqus, ccl. 84). Ce
Ins. ne contient, par aifleurs, appareniment rien qul se rapporte de prCs on de loin
a is 'flirba.
235

i)IDFER KAHN
que cc soit a cc discours que renvoie Ic Liber pliilosophiae attribué a
Dastin (déb. XIVe s.?) qui cite, parmi d'autres, sArturus 's avec
predilection Nous reviendrons plus jul ii sur la question de l'auto-
nonhie de certains discours dc ]a 'I'urba. Ajoutons seulement ici que,
meme Si le contcnu de cc texte parat pen en rapport avcc les romans
de chevalerie, du moms c'est bien Ic rot Arthur qui, dans le mann-
sent de St John's College (cf. p1. i), est représenté en marge sans Ia
moindrc equivoquc 2 . Ainsi Sc niatérialisc dans le corps m&rnc dc Ia
Turha pl:ilosoplwrum l'imprvisiblc alliance de l'alchimie avcc lc ro-
man arthurien.
• Un ultime avatar d'Arthur dans l'alchimie existe sous la for-
me d'une énigmc latine en vers léonins. Cettc ênigme, ii est vrai,
se trouve surtout en francais dans plusieurs imprimés d'alchiinie an
XVI Ic siècle, et notamment en tête des J'raittcz et Constitution Gene-
ralle du iiray set publiés par Clovis l-Iesteau de Nuysernent en 162 1.
Adressée oau lecteur et intitulêe Sur Ia fiiire de l'Esprit Alcnera! du ,nondo,
cllc ticnt en six vcrs et ne présente pour nous, sous ccttc forme,
aucun intérêt:
II est tine pat-tie en l'hotntne,
Dont Ic nom six lettres consomme;
Ausquelles un p adjoustant,
Puis [le] s en in permutant;
Tu trouveras sans nuls ambages,
Lc way nom du subject des sages 3.
Mats on la retrouve en latin dans tin manuscrit du dbut du XVIIc
siècle - d'ailleurs rout entier apparenté an traité de Nuysenient - sons
une forme différentc, intitulée ccttc fois Nomen lapidis:
Artus est hominis qui constat sex ellementis
Huic p preponas, $ in ni vertere discas
Hoc est s nostrum lapisque philosophorum.
i. Thorndike. A History. III, 96. Sur John Dastin, voir Bart héleiny-Kahn, .Lcs
voyages dune allégorie, 511, Ii. 102 et D. 103 (avec bibliogr.).
2. Les inarges de cc manuscrit comportent, au debut de chaque tcxtc, un dessin
i la plume reprCsentant l'auteur ou Ic locuteur (voir La reproduction de celui de la
Visit) Idu'ardi dans BarthCleiiiy-Kahn, Les voyages d'une allCgorie', 5 15). Tout an
long de la Iiirba, chaque discours offrc ainsi en mat-ge Ic portrait du personnagc
auquel i] est attrihuC.
3 Tai corngé Ic vers 4, qui est faux.
236

LI1 - E1&ATURE ET ALC:IIIMIE AU MOVEN AGE
Par une fortune providentielle, ces trois vers soot suivis d'une
exégèse en règlc, sous k titre d'Exposirio horum versuuni:
Artus niembruni est hominis cul nonien est lumbus qui constat sex cueinentis,
id est littens. flinc p prxpoT1JS. hwc scilicet vocahulo. Lurnhus
preponas p et fiet plumbus. S in Al vertere diScas et flet plunibuin
A la lunikrc de cc textc dont on ignore au juste la date et l'originc,
ii ne fut pas exciure l'éventualité clue parfois le nom d'Ar.rus ait pu,
inélile ancienneinent, servir de Dccknauic, de noin de code pour le
plomb. Ccttc hypothése jetterait un jour nouveau stir le r6le d'Artus
dans l'alchirnie, mais ne rendrait certes pas compte des resonances ar-
thuriennes de ce noni.
.TVIcrlin us cit yni icus
L'attribution de textes alchiiniques ii Arthur est marquee par tine
relative stabilité. Au contraire, les akhimka mis sous Ic nom de Merlin
relCvent d'unc pscudCpigraphie extrCmcment capricicuse. On pourrait
croire a premiere vuc que Merlin n'cst quun non-1 mythique parnhi
tant dautres surgis dans Ia jungle ittedievale des traitCs d'alchimie: Vir-
gile, Gallen, Dante, Cecco d'Ascoli, Guillaunie d'Occam, Pétrarquc,
Chaucer ou Nicolas FlamcI . Une étude precise inontre en rCalitC clue
i. Paris, Bibliothèque Nationale, Ills. Ir. 19980, ml. 66 i (date de 1605). Sur cc
ins., voir W. Kirsop, Cloi'is Hesteau, sicur i/c Nuysesnent, ci la littérat:rre alch:niique en
France a la fin du XVIe et an debu du XVIIe siCcle, these dactylogr.. Universit de
Paris-IV. 1960, a vol.; D. Kahn, iLe fonds Caprara de manuscrics aichimiques de la
BibliothCquc Universitaire de l3olognei, a paraitre dans Scriptorium, 48 (1994), iCClion
6.1 (inline) et 11. 138.
a. La figure de Virgile alcliiniiste (par ex. DWS 330), qui circulait au moms
depuis Vincent de Beauvais (milieu du XIIfc s,). pent 'tre considCrCc coinme une
variante dc celle de Virgile Ic inagicien, qui me constitue vers Ic milieu dii XIle S.;
Virgile pouvait aussi jouer Ic thle d'une autoritC en astrologic; cf. J . W. Spargo,
Vir'il the Necro,,:ancer Studies in Vir'ilian Li:tends, Cambridge (Mass.) 1934 (Harvard
Studies in Cotirparaiive Literature, X), 277-79 et 437, n. Ia. On sail que (a!enus ii'est
souvent qu'une deformation latine de I'arabc BJlinis (F. Sczgin, Gcsth:clite des arab,stheu
Schrifttums, 91). Dc inCme, on saic grice a Pascale BarthClemy et Guy
Beaujouan que Ic noni de G. dOccam n'est sans doutc qu 'ufle mauvaise lecture de
l'ahrCviation o. inrnr. (P. HarthClemy, ocUn anonyiric alchiiiitque devoile: Ic Li/icr
a!terqtiinuss, A rclzij'es d'histoire doctrinale ci lit iftaire du Moyoi Ae.e, 66 (1991) 1 31-53, 1CI
42). Dante, PCtrarque et Chaucer 0111 pour point conunun d'avoir criuqui l'alchi-
237

I)U)IER KAHN
le nom de Merlin a su conquérir irne place non négligeable parmi les
maltres de Fart, et qu'il a, peut-ètrc plus que d'autrcs, des raisons de
figurer SOUS un texte aichimique.
Lc nom dc Merlin s'cst en cifet propage a tel point au COUrS du
Moycn Age dans les traditions manuscrites et iniprimées de l'alchiniic,
qu'au debut du XVIIc siècle on Ic voit rCpandu dans 1'Europe entiCre.
L'Anglais Thomas Norton (1477)', l'autcur français du traitC anonyrnc
La Parolc délaisst' (fin du XVe Siècle)', l'Italien Giovan Battista Nazari
(1564) 3 , l'Allemand Michel Maier (1617) 4 citent Merlin I'alchimiste.
Le Bohémieii Daniel Stolcius l id fait place dans la grande galerie dc
mie: peut-ètre Ic fift de leur attrihuer des textes êtait-il UIIC façon de contrebalancer
le poids de leur autorité negative. Sur Dance et Cecco d'Ascoli alchiniistes,
voir Corbett, Catalogue, II, 131 et P. L. Rainbaldi, A. Saitta Revigisas, I Mano-
.ccritti Palatini della Bib! ioteca i\tazionalc Ceiztralc di Firenze, III, fasc. i, Rona 1950,
42. Stir PCirarquc alchitniste (cc aussi astrologue). cf. Corbett. Catalogue, II (i
175 et Thorndikc, A History, Ill, 221-23. Sur Chaucer alchinsiste, ci C. W. l)un-
Icavy, ,The Chaucer Ascription in Trinity College, Dublin Ms. D.2.8s, Ambix, 13
(1965), 2-21 (et aussi London, British Library, nis. Sloane 1451 (a. D. 1622), fol.
37v- 3 8v). Sur Flamcl. cf. I). Kahn, oUn tCmoin precoce tie I naissance dii inythe
de Flamel alchiniisrc: Le Litire Flame! (fin dii XVe s.) *, Chiysopaia, 5 (1992-1993),
sous prcssc.
I. Th' Ordinal! of Aichimy ('j618, en trad. latine), Cd. E. Ashinole, Theatru,n
Chemicun, Britannic,,,,,, London 1652 (repr. I Iildeshei,n 1968), 1- ro6, ici 8: Herines,
Rasis, Geber, and Avicen, I Merlin, 1 lortolan, Detiiocrit, and Morie,i,
Bacon, and Rainiond, with others many moe I Wrote under covert, and Aristotle
alsoe. Sur Th. Norton, voir l'Cd. critique de J . Reid)' (London-New York-
Toronto 1975).
2. Ps-Bernard Ic 'l'révisan, La Parole tle!aissee ( 1 1618), rCéd. clans Divers Traitcz
de la l'hilosopine Natuvelli', Paris 1672, 97-173, IC! 144-45: Cette can Cit beaucoup
cachCc par les Philosophes, sons divers & plusieurs nonis, & n'est connuë que de
peu de gens. Hermes l'a tcnuë & touchCe. Alphidus Fa traitCc. Morienus I'a Ccritc.
Le Lis Fa entenduë. Arimauld de Vile Ncufvc la hien apperccuë. R. Lulle l'a feabienient
declarCe. Geber I'a connuë, Le Tcxte tic l'a pas ignorCe. De mesme Rasis,
Aviceiine, Galieii, Hippocrate, Hally, & souvcraincment Albert I'ont sagenicnt
cachCe. Dasun, Bernard de Grave, Pythagoras, Merlin l'ancien, & Aristote l'ont
hien entenduë. Stir cc traitC, voir D. Kahn, vAlchnnie et Iranc-nlaçonnerie au
XVIIIc siCcle ", dans !i1iit,ts Liber I..atomorum.

LIT'TERATUIU ET Al CIIIMIE AU MOYEN AGE
médaillons a]chimiqucs qu'iI public en 1625 sous le titre d'Hori,,!us
Hernieticus et qui, rééditée en 1702 par Jean-Jacques Manget t ]'cxtré-
inc liii de sa Bthhotheca Citcmica Curiosa, transmet i la postérité Ic bruit
des glorieux adeptes de tous temps et de toutes nations qul itlustrérent
Fart de l'a]chiinic
Coninie Arthur, Merlin apparalt sous Ia forine Pvlirliti,is des Ic XIVe
siècic clans uiie liste d'ouvrages alchiniiques 1. Sous son norn circulèrent
essentiellement an Moyen Age quatre textes ou groupeincnts dc
textes distincts, en vers coinine en prose 3.
Lcs poCnies sont surtout reprCsentés par quelques sequences de
vers léonins. L'une an moms d'cntrc cites, conirnençant par Ic vcrs Est
lapis occultus, secret o fonic sepultus, est nCcessairernent antCrieurc au The-
saurus phsilosophiza, florilCge attribuC au inoine Ferrarius, qui la cite 4 . Le
Thesaurus philosoplttac tie saurait étre lm-mcnie antérieur an XIVe siè-
cle, car ii cite ]a Summa perfecriouis dii ps.-Gcbcr . La question Sc
coinptique iorsqu'on se rend compte quic Ic passage dii Thesaurus pltilo-
sophiiae oi sont cites ces vers Sc retrouve dans le Rosarium philosoplio-
runt, autre tlorilCge dont Ic noyan renionte Iui aussi an X IVe siècle,
mais qui ne cessa dc s'cnrichir jusqu'au XVIe siCcle. II sembic toute-
,. Bibliotheca Chi',t,ica Ci,,i'a, II. 895-904. ici Tab. Xliii, fig. 8. Ct 903, épigraniiiie
CIA. Stir Stolcius, ci. W. Kühlinanii, oPoela, Chyttiicus, Mathe,,ratirus. I)a.s
Staiiiiuhucli Lc hiihiiiischen Paracelsisten Daniel Sto]tzius von Stoltzenhcrii. dans
J . Telle (Hri.) Parera Parwelsica. Paracelsus ill mid Ge 1 e,iti'irr. Stuttgart
1991, 277-300 (avec bihliogr. antrieLire).
2. Paris, Bibliothèque nationaic (IC France, ins, tat. 6514, fol. 5 5 v (cf. J . Corbett,
Catalo,'ue, 1, 22 ciii. 3): vLiber Mirlini'.
. Pour on descriptif des différeiits textes repCrables dans DWS,c i. P. H. Goodrich,
'Flie Alchemical Merlin *, dans J . Goilnick (ed.), Conspararive Studies it: Merlinfrouu
the Vedas to C. C. Jung. Lewiston (N. Y.) - Lanipeter (U. K.) 1992, 91-110,
IC! 107. ii. 2 (seul exeniplaire consultable en France a ma connaissance: Monipelher,
B. U., section Leitres).
. Efferarius Monachus, Thesaurus phi!osopiuiae, dans Verac Akhcrniae (cf. note 2,
il page 235). II, 245-46. Stir cc moinc Effi.'r;irius on Ferrarius, encore très pen étudié,
cf. J . Telle, t' Ferrarius>, clans Lexik'oui des Mittelalters, IV, Miirichen-Zü rich, 1989,
393-94; pour Li tradition nianuscrite du 'liuesar:ru:spiuilosophia', ci. TK 135 2- 53 et 1572.
. II est vrai qu'il cite égalcunent Ic ps.-LuIlc (Thesaurus, 239 CE 240), niais de
façon negligeable, en soi et par rapport 5 ses innonthrahlcs citations dii ps.-Gchcr;
it pent elonc fort bien s'agir pour Ic ps-Tulle dc citations ajOuteeS tardivenient, suivant
Ic phénoniènc dagglutination propre a tout florilege. - Sur la Sunima perf'c-
Itotuis, voir ulans Ic present volume Li communication de William Newman.
6. Ed. J. Telle, Rosariuuui pInlosophoruim. Ein akhennsclues Florih' ,t'iutui des Spatmirtelalters,
Weinheiin 1992. 2 vol.. iCi vol. 1 (rCiinpr. de i'editio pthueps de 1550), 176-
78 (fol. Y4v-Zv dans la foliotation originale) = ! iuesauuruis, 245-46. Sur cc texte,
239

i)i!)IEI1. KAHN
fois que cc soit Ic Rosarium qui rcprcnnc cc passage entier du Thesaurus,
dont ic tcxtc s'avèrc en fait Ic plus complet
La complexité de cc cas augmente encore lorsqu'on volt que Ic
poème Est lapis occithus,,, se trouve souvent transmis en conipagnie
d'une constellation d'autres vets léonins dont Ia plupart reprennent
l'irnage de la fontaine, le tout se regroupant parfois sous un titre
général: Laudabile sanctum, ou Gernina saiuiaris 2 ... En outre, ces poemes
attribués a Merlin ont aussi circulé parfois sous d'autres noins, notamment
ceux d'Hermès et de Razi 3, quoique quantitativement Merlin
l'eniporte netternent 4 . 11 senible donc qu'il faille surtout regarder cc
poème, non pas cornme un texte posscdant sa veritable autonomic,
mais comnie, peut-être, Ic noyau autour duquel gravitèrent plusicurs
poCmes satellites reniontant apparetument tous all XIVe siècle. Sa grailde
faveur auprès des aichimistes (D. W. Singer en recense déjâ, en An-
voirJ. Telle, 4&eniarquessurle Rosarisnn pbilosop/iorrmi (trad. fr. de son étude puhliée
dans ic vol. II, 161-201 et 219-23), a paraltre dans Chrysopir'ia, 5 (1992-1993).
i. Voir cepcndant, ci-dessous, la derniëre variante de noire edition du poCrne.
2. Voir DWS, 14-22 et 523-31 (n° 793, 794 et 796), qui traite cette question
Ivec autant de clartC qu'il cst possible d'en jeter sur cc sujet coniplexe (voir aussi
I )\XIS, 265 In ° 284 iv ] et l'addendum, ibid., 1159). Colnule clle-niéme le signale,
tons ces textes ont etC CditCs par H. Condeesyanus, 1-larinonin' iniperscnsahilis diyinico-p
Jiilosopliicac, sit's' Philosophorum antiquo run: conseutien (ui,,:, lractenu.c quuls'nu plurimum
desideratonsnj, .ced nondum in lucenu pusblica:uu ,nisson,nI I)ecas 1., Fr-anctort 1625,
93-124. Le litre Geru:uia salutaris se rctrouve dans un nis. du XVIIe s.: Bologna,
B:hliotcca Univcrs:taria, 1115. 4S7, h. X, fasc. 4, P. 33-74: Vetus tesament:iru Gemma
.salutaris nuncupatunu (inc. a Vere hcnc... TK 1688 et 977).
. C'est pourquoi les editcurs dc l'Hcrmes !afi:lui5 en cours dc publication chez
Brepols out envisage d'inclure Ia Cen:u:a saluitaris dans Ic volunic consacrC aux
aichimica d'Herniès. Cf. P. Luceutini (dir.), Hennes latinus. [Mitio cnlica, Tnrnhout,
8 vol. (Corpus Cl:rt'srianorum, Co,utiuuatio Mediae:'a!is, 141-48), ici vol. VII, a
paraitre. Quant it Razi, il n'est que de voir DWS 0 796 et les titres illupri:nCs par
Condccsyanus, Hannoni, 93: Rasis Cestrensis pl:ilosopl:i acuitissimi ci inedici excel/enrissi,ni
liher q rqins, q::i dicitur Lumen luminum in expositions' compositionis Akhinna'; et
ibid., 94: Caput II. Responsi. Ra ' is Cestrensis fill. sit. Merli,w.
4. Outre I)WS, trés explicitc it cc sujct, cf. par cxcmple TK 510-11 (et 5 8o);
Corbeit, Catalogue, II, 87-88 (anon.); Corbett, Catalo'ue, 1, 156-5 7 (sous Ic 110111 de
Johannes Ascarius); Bologna, Bihlioieca Ui:iversitaria, IllS. 457, h. XXX, I,lsc. 4,
Fol. r-iiv (XVe s.). anon.: London, British Library, tits. Sloane 1567 (XVe s., non
rCpertor:é par DWS): Merlin, Dc Lapide Philosophico Carmen (cf.S. Ayscoiugh, A
Ca/al. p,c of (lu Manuscripts pre.ccr:'ed in the British Mu,sc:,,n hitherto :,i:descrs bed.' consis1i:t
of Fi:'c ihousanci I'olun:es; inc1: g(liu' the Collections of Sir Hans Sloane [ ... }, London
1782, I, 489); P. C. Bocrcn, Codices Vossiani Chy:nici, Leiden 1975 (Codices
../fanuscrlpu, XVII), 197 = Leiden. Universiteitshihliothcck. ns. Voss. Ch ym, Q. 39
(a. D. 16io), fol.7v-17r.
240

LITTERATURE El At.(:HIMIE AU MOYEN AGE
gleterre cr en Irlandc seulenlent, uric vingtaine de manuscrits) paraIt
venir dc cc que, sous une forme attrayante et aisénient inémorisable, ii
préte et dénie i la fois 1 la pierre, scion un procédé classique de l'alchimic,
les nonis et atiributs les plus divers: aussi petit-11 conimodérnent
êtrc invoqué chaquc fois qu'il fliut traiter de l'ohscurité des textes, soit
que l'on cherche divtilgucr IC now de la matiêre, soit, nu contraire,
i l'occu]ter. C'cst ainsi que ic présentent Ic 'Iicsa,rus phiiosopiiiae et le
Rosariu!n ':
Sic philosophi lapidem diversis norninibus noininaverunt, tit
sapientibtis esset nianufestus, & insipientibus occultus, scd
quocunquc flOnhifle nonhinetur, sernper tamen est Linus &
idein & de eodem.
linde Merculinus.
Est lapis occultus, & iii into fonte scpultus,
Vilis et ejectus, finio vet stercore tectus:
Unus hahet vivus lapis oninia nonuna divus,
linde Den plenus sapiens dixit Morienus
Non lapis hic lapis est animal quod gignere las est,
Et lapis hic avis [est], & lion lapis ant avis hic est:
F-tic lapis est moles, stirps, & Saturnia proles,
S Juppiter hic lapis est .. Mars, Sot, Venus, et lapis hic est.
Aliiger et Luna lucidior omnibus twa,
[Est] nunc argenturn, uuunc auruuii, nunc cleuhientLuni,
Nunc aqua, nunc vinuru, nunc sanguis, nunc crisolinunu:
12 Nunc lac virginum, mine spunia ullaris, vet acetuni,
NUflC iii sentina fcrtenti stiilat urina,
Nunc quoque gemma salis, Ainhisadir, sat gencralis,
Auripigi-nentuin priniturn statuunt elemcntuni,
16 Nunc mare purgatuni cunu suiphure purificatuin:
Siccine transponunt quod stultis pandere nolunt,
Sicque luguratur sapiens tie decipiatur,
Et quod tractatur stultis tie distribuatur.
20 Omnibus hac tuna vocatur nowinihus una.
1. J'ai suivi Ic texte du Rosaritwi (sig]e R) en Ic modiliant parfois conformément
aux corrections rccenlnlent apportécs par L. Claren et J . Huber dans leur traduclion
allemande (Rosariunu plrilosoplrorruu. Eüu alclu',rrrsriues Florilet'iu,n, II, 7-16o, ici
149-50). Les crochets signalcnt des changements iiiiposés par la versification, qui ne
figurent dans aucun des deux tcxtcs. La ponctuatioll est celle, plus claire, du Thesaurus
(sigle 7). Voici ]es variantes entre les detix tcxtes: 2. ejectus: erectus T /
luuiio: fuino 1 3. vivus: utnus R / divus: dinus R 116. avis [est], &: avis, & R TI
hic (e.st): hxc (est) T II io. lEst] nunc: Nunc R T II 12. VIrgirlulil: virgincuin T
15. Auripign-tentuni: Nunc auripigmentuin R 11 20. OflIniblis hec luna vocatur:
Hec luna vocatur omnibus R I Omnibus - una. on,. T.
24!

I)II)IER KAI IN
On aura cependant note quc, dans le Rosari,,m, ce poenie n'est
pas exactement attribnC ?i Merlin, mais a Merculinus: de niCine dills Ic
Thesaurus philosophiac. Eli outre, dans chacun de ces texce, mais aussi
dans d'autres, le nom de Merculinus - et non pas !vh'rlinus - apparait
Plus d'uiic lois l• Dans le Rosariuni, cc nom qui intriguait déjà M.
Steinschneider 2 se trouve iiièrnc une lois dCformé en Masculinus, quoique
Ics vers qu'on lui attribue alors fassent partie de la constellation
que nous venous d'6tudier 3 . Dc là a soupconner que Ic nom de Merli-
ntis pourrait fort bien n'Ctre lui-mènic qu'Line deformation (IC Mercu-
this, dont hi forme Merculiuus (var.: Masculius(s) serait le chanon ma iiquant,
ii n'y a vrainient qu'un pas. Cependant on pourrait, a I'inverse,
expliquer la forme Merciiliuus comme une contamination de Merlinus
par Merciirius: seule une étude des manuscrits permettrait peuc-Ctre de
trancher cctte question.
Un autre texte en vers, mais en anglais cctte lois, iniplique directement
Merlin: The Art,',iiiicnt betiveene Aiorien the Father, & i'tIerline
the Sotute; How the Philosophers' Stone should be wrought. EditC en 194,S
par F. S. Taylor qui le datait de la seconde moitic dii XVe siCcle 4, ii
West pas sans rappeler l'un des titres sous lesquels se trouvent re-
groupés les vers dont ii vient d'être question, ot Merlin Ctait prCsenté
COmme Ic Ills non pas de Morien, mais de Rasis Cestrensis t. Pas plus
que Ic prCcCdent, cc poeme n'cntretient de rapports - simm par le seul
noni de Merlin - avec In legende et Ia littCrature arthuriennes. Mais la
I. Thesaurus, 246-47; Rosanirni, 5 8 Ct 79 (cf. 1'Index auctorunt de J . Telle, dans son
Rosan:mi, II, 225-48. i(-i 240); A. Ricciardi, Conimcivana synthohea (i 9 i), cite par
F. Secret, "Notes stir quelques aichimistes italiens tie Li Renaissance", Rinasthuento,
13 (1973), 197-217, iCi 210, oà Mcrculinus* est a nouveau l'auteur (lu pOelliC Est
lapis occriltus (Ricciardi petit d'iilleurc avoir tins celte citation du Rosariun,) . Voir
auSsi Bologna, l3iblioteca Universii,iria, 1115. 457, b. X, Ilisc. j (XVIIe s.), fol. 40V
sqq.: Liber ct'nti:gsi versulun Merculun (inc. 'Fili doctrinam sanani... = TK 559).
2. Die ciiropa:scIiel Uberseizunc'en, ze part., 25, n. 1.
3. Royathaii, 47.
. F. S. Taylor, A The Ar'it,i,ent of Morien and Merlin. An English alchemical
poem '), Chymia. i (194,R), 23-35. II existe de cc texte an inoiiis tin autre ins, en
Angleterre: Longleat House (Wiltshire). ins. 178, item 8.4 drsputaciosie betivcene
Mr ,rlync and Mathun of the ,,iarn'a,. c hctn'ee,ie .Sylos an,! Ann! (copie datCc du iS oct.
1573); cf. Carlson. The Writings and Manuscript Collections of the Elizabethan
Alchemist, Antiquary, and Herald Francis Thynne, Time !-funtin'ton Library
Quarterly, 5 2, n° a (Spring 1989), 203-72, ICI 250.
. Voir supra, 240 ii. 3, inlhme. Peter Goodrich a observe que l'auteu r dc Time A rig,,-
,,Jent... . qui declare que IC mnercure doit être lavé daiis douze eaux, dev.iit connaltre
cc texte partois intjtulb Rasis Cestrensis di' XII aJiiis (sThe Alchemical Merlin,), 94).
242

LITTERATURE ET ALCH1MIE AU MOVEN AGE
proximitè de Ivforicuns et Merlinus conduit a Se demander i nouveau Si
Ic norn (hi prc)phète breton n'est pas Ic résultat d'une confusion
graphiquc dans certains nianuscrits, Dc f.iit, l'alternance des deux
nonis se rcmarque jusquc clans le poème Est lapis atm (Ins (ci-dessus, au
vers 4 de notre edition). Bien plus: dans certains des manuscrits de cc
poème, cette altcrnance s'excrce sur ic nom de l'auteur, Merlinus se
chaiigeant parfois en Morienus, et cc des Ic debut du XVe siècle Aussi
petit-on lCgitimement suivre l'avis dc Joseph Grennen lorsque, i pro-
OS du poCme CditC par Taylor, it se demande si cc n'est pas précisC-
ment cctte similitude de norns accideritcllc> qui est oresponsable de
I association du rCcit arthurien et de la quCte alchirnique' .
• Qu'en est-11 des deiix textes en prose mis sous Ic nom de Merliii?
L'un d'eux porte tin titre promettcur: Conuneniariu.c Ma''ni Merli-
ni super lapide philosopleico). Malhcurcusenient il semble nc s'agir que
d'unc collection d'extraits composCc a partir d'un traitC attribuC i
John Dasti114,
• L'autre texte en prose, I'Alletoria Merlini, est de loin ic plus cCiè-
bre. Dans ccttc breve allegoric, un roi souhaite dominer Ics autres souverains.
Avant de gucrroycr, it bolt tant d'cau qu'il en devient inalade.
Ses prochcs le soigncnt scion ses instructions, mais loin dc le guCrir, its
Ic retrouvcnt moribond. Ii est alors remis entre les mains de mCdecins
egypticinS qui, par leurs traitements, Ic tuent. Des médecins alexandrins
I. C'csi cc qu'avait déjà vu W. H. Black ii y a plus d'un siècle (A Descriptive,
Analytical, and Critical Catalolt1' of the Manu.cripts Bequeathed unto the University of
Ox! 'rd by Elms Ashnrole, Esq., Oxford 1845, col. 1 1 3 1, n° 7 12 1) : dans des Icuillets
du Ins. Ashmole 1416 (Oxford, Bodleian Library) datant du debut du XVe s., Ic
poCiiie figure d'abord anonymeinent ft]. 23r-24v et 68v-70v): puis ii cst A nouveau
cite sons le nom dc it-fonenns (fol. 78v), tandis quc d'autres niss. I'attrihuent ,iMerlinus
(Black. col- 1129, note au n° 7 l'l).
2. J . F. Greniien, Jargon Ira,,s,,,iued: Alchemy in Chaucer's Canon's Yeoman's
Talc, excel!entc these dactylogr., New York 1960 (Fordham University), 179, 11.
33 . Pour uric hypothCse plus avcntureuse i.iisant intervenir uric tradition gatloise,
cf. Goodrich, sThie Alchenuical Merlin, 95 ci n. 4.
. Titre d'aprCs Bocren. Codices Vossiani, 197 = Lcideii, Univcrsiccitsbjbiiotheek,
ms. Voss. Chyiis. Q . j (a. D. 16io). fol. 2v-6r. Cf. TK 982 et 715 = DWS,
321 (110 373): dcux mss. du XVc s., cc qui nc porte guCre leur noiiihrc qu'ii Uri total
tie trois.
. C'cst cc qu'atlIrmc W. Theissen, John Dastin's Letter on the Philosophers'
Stones, Ambix, 33 (186), 78-87, iCi 86, n. i. Or) regrcttera que W. Thcissen n'ait
gas chcrchC 1 Ctablir plus fcrmcnient l'attributioii a l)astin du texte qu'il Mite,
I'Crudition isianquant crLlchlelllent d'iniorruations sur eel autcur don Li bibliographic
n'est nullerncnt Ctablie. Cf. supra. 236 n. i
243

1)lI)lE-Il. KAHN
proposcnt leurs services et Ic ressuscitcnt: ii est dcvenu capable de
réduire tous scs ennemis a l'obéissance
Transmise au moms dans 14 nianuscritS latins s'échelonnaiit du
XIVc au XVIILe siècle', cctte allegoric flit aussi Fun des premiers textes
alchiniiques imprimCs 3, et connut jusqu'à nos jours un grand nonihrc
d'éditions, de traductions et de commcntaires 4 qui Ia rendirent inseparable
du noni de Merlin. Pourtant les nianuscrics sont rares i ofirir
I. Voir Ic texte ci-après en annexe, réCdttC dans deux versions distineces.
2. Voir Wilson, Catalo':ie, 507-8, qul donne une prcnsière bibliographic
incluant DWS 110 603 (= TK oa). a completer ilotamllsent par TK 1246 Ct 1360, et
les trOiS mss. suivants: New Haven (Coon.), Yak University. f3eineckc Library,
Mellon Ms. 34 (c. 1 5 so), Col. 64v-69v (cf. L. C. Witten, R. I'acliella, Alchemy and
the Occult. A Catalouc of Books and Manuscripts frour the Collection of Paul and Mary
Mellon given to Yale University Library, lit: Manuscripts 1225-1671, New Haven i
224); London, Wellcome Historical Medical Library, ins. 384 (c. 16). fist. oir-
302v, Ct ills. 374 (c. 1720). lot. 99r-loor (cf. S. A. J . Moorat, Caraioqie of [Vester:
Manuscripts on Medicine and Science in the Wlellcoine Historical Medical Library, I, London
1962, 251 II, London 1973, 729). Le ins. Ic plus ancicn dam ces Listes est echo
dc Venezia, Biblioteca Marciana, fbndo antico, ins. 326 (XIVe s.). fol. 48r-49r TK
1246 =J. Valentinelli, Bibliotheca inanuscripta ad S. Marc: Venenariitn, V. Venise 1872,
149). Mais ii faut poursuivre les rechcrches. Voir infra, note 4, 250.
. Dam Ic Liber Geber [= ps.-Gehcr. Snmnsa perfectiouis], Rome c. 1486-1488,
[2061-12101 (prCcCdanc iminCdi,stcment he Liber int'est'ationis n,a'istcnj du ps.-
Geber). sans titre, sans noin d'auteur (exenipl. a la P..Cservc de la BibliothCque
nauonale di' France). Pour Ic lieu cc Ia date d'impression, cf. Gesanjthatalo,s, der U/iciendrucke.
IX, Stuttgart-Berlin 1989. col. 322-23, n° io66.
. Voir Wilson, Catalo'ne, 507, 1 completer parJ. Ferguson, Bibliotheca Cliemica,
Glasgow (906 (rcpr. Hildesheim-New York 1974), II, 90. L'une des plus rCccntcs
editions Litines est a ma connaissance cehle dc Wilson (avec traduction anglaise), vAn
Alchemical Manuscript by Arnaldus (IC l3ruxellao, Osiris, 2 (1936), 348-51 et n.
(sans conipter Ia rCCd. de Manget, Bibliotheca Chen:ica Curiosa, II, 191-92. repr. Bologna
1976). Ferguson signale diflCrentes traductions allcniandes, la premiere des 161 3
(dans Ph. Morgenstern. Turba p/::losop/ioruin, Basel 1613, I, 340-43), nlais l'al]Cgorie
a dci Ctre traduite en allcmand des ii (elI plus has, note 2, 246). Deux traductions
anglaises nlanuscrites, I'unc du premier quart du XVlle s. (Philadelphia, University
of Pennsylvania, nis. Smith 4, fol. 94r-95r), l'autre du XVIIIe s. (l.ondon, British
Library. ins. Sloane 3506, fol. 47r-4$r), ont etC reccinment CditCes par R. Ncwhau-
5cr, #T he Merlini Allesoria in Englisho, EnrlisIi Literary Renaissance, io (1980). 120-32
(rcsp. 130-32 et 124-26, n. 14). En franç.iis, on dispose de la trad. tie L. Ftguicr, L'AIcimnie
et Ics alclwnistes, 3e Cd., Paris 1860 , 4-47, ou phis rCceinment, de cellc de J.
Rehotier etJ.-M. Agasse, Alchimie. Conu's r t bendes, Paris 1982, 85-87. En italien,
ci. R. et S. Piccolini, La Biblioleca alcheu,ica, Padova 1990 (Manuali Occulto Biblioteca,
64), 419-21. Pour les coininentaires, voir par ex. ccliii dc Michel Maier dam l'Ata-
Ianta f ie,is (1617), cnihlCine 48; Planis Campy, L'Oiwerture Sc l'escolh', 22-28 (Style
A1cgorique); Huginus a Banna. Sanirua Rtia in aureo svculo com'ersa (Paris 1657),
trad. fr. Li' RCs,'ne Sc Saturne, chait. 'é en .siicle d'or. Paris 1780 (repr. Milano 1971), 122
(sur sl'cruvre de trois j ours des Anciens).
244

LITTERATURE El' Au:IIIMIE AU MOYEN AGE
cette attribution. L'ailégoric est anonyrne dans ceux quc recensent
D. W. Singer aussi bien que J . Corbett et W. J . Wilson'. Anonyme
encore dins ceux quc signalent L. Tiiorndike et P. Kihre 2, die ne por-
te le nom de Merlin que dans les manuscrits les pills récents 3 . Des sept
manuscrits médiévaux actucilement repérés, le seul i porter une attri-
bution quelconque est en déinitive un manuscrit de Venise, relative-
nient tardif (1475), signalé par Stcinschneider et ?i sa suite par Thorn-
dike et Kibre: l'auteur de l'allégorie y est appelé Mauuu't pliilosoplms4,
cc qui pose de fiçon aiguë Ic prohiènae de son origine: comment ne
pas songer a unc traduction (IC I'arabe? Avant d'cxaminer cette eventualité,
tachons de determiner a quel moment ce texte fiit attribué a
Merlin pour la premiere fois.
L'Ctudc de la tradition nianuscrite lie flOUS ayant pas conduits avant
1550, ii nous taut nous tourner vers la tradition irnpnmce qui, par
chance, commence tat. L'cdi!io princeps incunable d'environ 1486-
1488, qui semble avoir connu tine large diffusion, est, nous ]'avons vu,
anonyme; Ic texte meme de i'allCgorie y est amputC d'une partie de sa
fin transmutatoire . L'ensembie des traités qui s'y trouvent (au premier
chef desquels la Summa pe7jc(ttoms du ps.-Geber) se transrnettra
fidClenicnt dans les editions ultCrieures qui la reprendront intégrale-
i. I)WS, 429-30 = Cambridge, Trinity College Library, ins. 916, 27-28 (XVe
S.); Oxfird, Bodleian Library, nit. Ashniole 759 , fol. i 1 4r- i i r (?) (XVe s.). Corbett,
Cazaloue, 1, 150 ci 171 = Paris, BibliothCque narionale de France, ms. kit.
11202, lol. or-v (XVc s.) ci ins, kit. 1400$, fol. Ioov- ,oir (XIVc-XVc s.). Wilson,
Cataloose, 507 = Bethlehem (Pennsylvania), Lehigh University Library, ins. i. ml .
172V-173v ((in do XVe s.).
a. Ccliii do Itndo a gifico de la Bibi. San Marco dc Vcnisc s'jntitulc Metapliora
qriaedanr res,'Lc (Vilentindili, Bibliotheca, V, 149). Cclui de Miinchen, Bayerischc
Staatsbihliothek, cliii. 2848 (aD. 153 r), fol. 8r-9or, parait anonyme.
3 . Yale Univ., Mellon Ms. 34 (c. 15 so): Merlini aleqoria; London, Wellcome ins.
384 (c. 156 5 ): Merlini elet,'i'na [sic]; London, Wellcome 1115. 374 (c. 1720): Merlin,
AlIec,'oria (j'ignore ci C 'CSt Moorat qtii ajoute Ce nom a tin dire anonymc, ou s'il
figure hien sur Ic illanuscrit).
. Venezia, Biblioteca San Marco, ins, kit. Vl.zr (a. D. 1475), fol. 228r-23or
(Valentiiielli, Bibliotheca, V. i59 [et non 59 comnse dans Steinschncidcr], XXII).
CI. Stcinschneidcr, Die europaisclten Ubersemoiqesi, ae part., 42. n° 171" = 'fK 1360.
Cc ms. a éé récemnient décrit par M. Pereira, e Un lapidano alcheniico: il Liber de
ini'esilqatioIle secreti occulti attribuito -,I Raimondo Lullo. Studio introduttivo ed cdizione,
Docunientj e sitedi sulla :radizioucfiloso/ica n,edie:'ale, 1, 2 (1990), 549-603 ici
571-72.
. Voir cette version rééditée ci-aprbs en annexe. Stir la vaste diffusion de cet
incunahlc, voir Ic Gesa,,:tkata!oc,' der Wiegendreecke: pat iitoins dc i8 exemplaires y
soni loc:i!isCs.
245

l)11)IER KAHN
merit: airisi dans celles de 1529 Ct 1531 publiées i Strasbourg chez
Johann Griininger', lequel en donne même nile version alleinande des
151 5 . Cctte tradition est pourtant rompue ds 1525 par Fausto Sabeo,
le bibliothécaire de la Vaticane, qui fait paraltre i Rome chez Marcelhis
Silber, avec l'aide de son ami Romulus Mamniacinus et SOUS un
privilege du Pape Clement VII, uric i'ersio ewendalissinia dc la Summa,
celle-là mnéme qui sera reprise parJ.-J. Manget dans sa BthliotJ,eia C/icmica
Curiosa 3. Sabeo et Mammnacinus collationnèrent, semble-t-il, dii-
fCrentes copies 4 . Ce qu'ils firent pour la Siimma du ps.-Geber, us scmblent
l'avoir égalemcnt fait pour les autres textes du recucil - tout au
moms pour l'allCgoric qui nous occupe 5 . C'est en cifet 1 partir de cet-
te edition que Ic texte mCme de sa tradition impriméc change: s'allon-
geant de six phrases finales, ii se pare désorniais d'un style d'une toutc
autre qualitC et afliche un titre et Uri 10111 d'autcur: 1'A11e, oric de Merlin.
Le nom de Merlin se trouvait-il dans l'un des manuscrits utilisCs
m. [I's.]-(;eber, Dc Akl,iniia iibn Ins, Strasbourg 1529 (exempi. ,\ Paris, Bibi. Ste-
Genevieve, incompkt de Ia flu): Id., Strasbourg 1531 (nhais impriniC cette fois sur
deux colonnes: excmpl. ii la Reserve de Li B. N. F.), ml. 5 rb-6ra, toujours sans
Litre et anoilynle.
2. Das Bitch Geberi t'onu der Verborgenheyt der Akhi,nia, Strasbourg 151 (réCd.
1530): Cf. J . Muller, Bibliogrnplrie strasbourgeoise. 11 (Rpertoirc bibliograpin qua' des lim'res
inupritius en France art SCiZiCJI1C siècle, 148; Bibliothea Bibiio¼'rapluica Artre!iana, XC),
Baden-Baden 1985. 34, 11° 124 (et 49, n° 273 pour La rCéd. dc 1530).
. Geberis philosopiri perspicacissuni Sutinnra pCtliYtU)UiS ,naqistirni in sna ilattira, ex
Bibhiothecac ticanac exein plan mt decitnique s'tnc,,daiissi,no uuper ethta, Cutti: quoruttidani
Capituloruni, T/asoru,,,, & Fornacuuj, in i 'oluturuue alias inendosissurie inipresso our nussorut,,,
Roma, Marcellus Silber, s. d. [15251 (excrnpl. 3 Paris, Bmbl. Ste-Genevieve, et
3 Besançon, Bib]. numnic., n° 3524 du Catal. thy iipres ituptitnés, Sciences CI arts). Pour
la datatioll, voir A. Tinto, Gil As,s,ali tipografici di Eucarlo e Marcell() Silber (150!-
1527), Firenze 1968. 190-92. n° 325. qui en localise deux cxcmuplamrcs 3 Rouse.
L'ouvragc purg6 de ses fautes fut republiC sous Ic mCme Litre 1 Venise. chez Peter
ScI,oeffer, Cfl 1542 (exemnpl. 3 Paris, B. N. F.). Drns Mangct, Bibliotheca, Ic texte est
au tome 1, 19-57. Stir Fausto Sabco. originaire de Chmari, prCs de Brescu,,, uionime
par LCon X bibliothCcairc de la Vaticane et mort vers 15 56, cf. Jut/ice Brot,'rafrco finlinac',
IV (m), 1218.
. C'cst ce qu'affirme Ic debut du privilege de Clement Vii, qum se trouve en
flu de voluitme: aCurn dilecti fUji Romulus Mainmnacinus ccclesix Arctina Archidiaconuc
& Faustus Sabsus clericus Brixiamius Dibliotliecx uinstre vaticanc Gustodes
& fainiliares nostrL contiuLli Comniensales, quxdam Geberis & almoruni phulosophorum
de gencratione & translnutatione umuetallorum opera, alias hiiChldOSlSSifliC
inipressa, diversis exeumuplarihus colLins (tit accepinius) eIllClldaVeriflt 1 ... 1.
. L'Cd. dc 1525 ne rcprerid pas intCgralemcnt Ic ContCnu de I'mncunahlc: l'ordre
des textcs cst nuodiuuc, Ies pocmcs Litins et it;uIuuts de La fin de l'uncunable disparamssent,
etc. (cf. note 2 3 la page suivarste).
246

LITTERATURE ET AiA:111M1E AU MOYEN AGE
par les deux éditcurs? Richard Newhauser, qui s'est penché sur Ia tradition
niaiiuscrite du texte, West pas de cet avis, car it a constaté clue
la nouvelle version de F. Sabeo est trés proche de l'un des nianuscrits
de Venise, Ic ins. lat. V1.215, attrihué, nous l'avons vu, i Mvmict
pinlosophus'. Cependant on ne volt guère pourquoi Ic norn de Merlin,
assez inattendu dans tin rccueil de textes essenticilenient attribués i des
auteurs arabes , aurait été choisi par les deux éditeurs s'ils ne l'avaient
pas trouvé dans l'un des inanuscrits qu'ils utilisèrent. Quant aux manuscrits
postérieurs i cette edition qui portent le nom de Merlin, s'cn
inspirent-ils ou Ic tiennent-ils eux-mCnies d'un modele manuscrit?
Sent tin relevC de variantes pourrait nous I'apprcndre. Du moms re-
tiendra-t-on qu'icl le nom de Merlin, quoique consacré par Ia postérite,
ne semble pas apparaltre avant le XVlc siècle.
Si l'attrihution de l'allCgorie \ Merlin seiiible tardive, I'originc du
texte pose elle-mCinc plus d'un prohlCme, Outre les nianuscrits déji
signalés ci-dessus, il flint encore cii ajouter au moms trois: ceux de
Cambridge CtudiCs par Martin Plessner m propos de la Turbo pliilo_
sophoruni, oi nous venons déja tic voir Arthur prendre place dans Li
version longue de la i'urba. Le texte connu sous ]c nom d'A116,j,'oric (IC
?IcrIin figure aussi, en effet, damis cette version tongue de Ia Turbo -
mais cette lois sous Ic nom de I)émocritc: c'est Ic dernier des trois
discours al légoriques (oil, selon Ic mot de Plessner, narratifi))) qui se
trouvent A Li suite de la version Cditée par Ruska - cc qui porte a
trois, avec Ia Vision d'Ari.cicus et Ic discours attribué a Arthur, Ic nonibre
des discours de cette version longue possédant aussi leur autonomic
hors dc Ia 1 'urba. Plessner ii 'avait certes pas identiflC cc texte, mais
ii y avait renlarquC la presence des niCdccins égyptiens et alcxandrins,
stir lesquels it n'avait pas manqué d'attirer I'attcntion 3. Deux autres
I. Newhauser, The MrrIi,ii Allt:ona in English *, 126-27.
2. Lc recuril coniporte successivement - otitre une préfsce des Cusodes
J31b/iotbecae Vatjcauae ;idrcssc aux AkIsitniw Suidiosis ci la Table des niatières - des
textes attribués a Geher (Summa pe4'(tiotmi tnat,'isrerii, Liber mr ti'atiormis ,na'LIerii,
7estamcntun: Geberis), a Kalid (Libc'r trirun verborumn), .1 Avicenne (Dc coqqe1atione ci
cO,I0ut,na1:o,ze hzpidrn), i Alexandre Ic Grand (Interpreenio Epistolac Alexandri Rc'c,'is)
et, après Un textc anonynie (Exenrplurn 'desrtiae iros(rae seue.v ... ) ci l'allégorie de
Merlin, no mnorceau de dialogue eutre Raclsaidihi ci d'autres aichimnistes (Rathaidi-
1,1, Veradiani, Rijodiani, & Kanidis p/ii!osophorunr Rtis Persan(w 1...] acutissinu' (0110quetuiunr,
1rar,'uu'ntuni). Puis viennent un poèmnc de F,rusto Sabeo au lectcur. Ic privilègc
de Clement VII ci les errata.
. Plessner, The Turbo Plrilosoplrorurno, 16 3 (et 11 ne planche en hors-texte que
je reproduis ici, pl. 2): sSpccial attention should he paid to Deinocrire's immention
247

DIDIEI& KAHN
indices peuvent, outrc celui-ci, plaider en faveur d'une origine arabe:
le fait ciue l'allôgorie ait pu ètre attrihuèe a un vMaurnet philosophus,
et la préscncc dans certains nianuscrits d'un terme latin dérivé de l'a-
rahe: barns harbatus.
L'intcrvention dc médecins égyptiens et alexandrins, et le role
dévolu i chacun des detix groupcs, renvoie ?s une distinction classiquc
depuis l'Antiquité, mais, semble-t-il, pcu répandue clans l'Occidcnt latin
au Moyen Age. A la vicille médecine égypticnne entre les mains
des prêtrcs, liée a la magic, s'opposait traditionnellement l'école
d'Alcxandrie, célêbre depuis Ic médecin grec Hérophile (environ fin
du We siècle), do6 sortit notamment Galien 1 . Dans l'allégorie attribuée
1 Merlin, les médecins égyptiens ont assez nettement IC mauvais
rOle, meme Si leurs 'soins> servcnt malgré tout dc base a ceux de leurs
honiologues du Delta: cc sont les Egyptiens qui, en effet, tuent Ic roi,
et cc sont Ics Alexandrins qui le ressuscitent. Mais dans l'état actuel des
connaissances, une pareille référcnce aux médecins égyptiens et
alexandrins ne parait guère se rencontrer dans Ic Moyen Age Latin: on
s'attendrait plutOt a voir intervenir dans un texte latin médiéval des
médecins de Salernc, comme dans la Chronique de Richer (Xc siècle)
oil Cli?s dc Chrétien de Troyes (c. 1176)1.
Lc noni de Maumet ou Malomet n'apparaIt guère en aichimie. G. B.
Nazari, qui en 1564 ne cite dans sa liste d'autetirs quc Ivierlini Allccoria3,
ajoute huit ins plus tard: Merlini alias Ma Itumeti pluio.cop/ii alle'oria 4, cc
qui niontre qu'i] a dO voir entre-temps Ic manuscrit de Venisc qui porte
cette attribution. Un texte attrihué a Rosinus, Dc dir'iuis intcrpretationibus
(mais est-ce bien du Zosinie authentique?), cite parmi d'autrcs
of medicos c ,'ipciacos et alexandrinos. A en juger d'après cette planche qui reproduit
Ic debut du texte, cclui-d correspond apparcniment dans les trois inss. de Cambridge
a TK 5 02 (= DWS n' 603).
t. Cf. H. von Staden (ed. and transi.), 1-icrophilus: The Art or Medicine in Early
Alexandria, Cambridge 1989, spec. 1-31 (Introd.): oAlexandrian and Egy,ptiari
medicine)). Sur l'ancienne médecirle Cgyptienne, cf par ex. F. Cumont, L'ç'ypzs'
des airolog:.es. Bruxellcs 1937 (repr. Bruxelles 1982). 128-29 et 171-74.
2. 164reri 1Iiytorianni qrratuor libri I Hiroire de Richer en qrcatre lion's, M. A.-M.
Poinsignon, Reims 1855, 186- 9 1 (liv. 11. chap. 59; je rcmercie Mme I)anielle Jacquart
de cette réfCrence); ChrCtien de Troyes, CJkles, Cd. A. Micha, Paris 1982,
175-81, V. 5743-5966 (cf. supra, 227 Ii. 3).
3. Cf. 238 n. 3.
. C. B. Nazari, Della tra,,,utatione tuctallica so'ni tee. Brescia 1572, 135-44 (liste
reprise dans Thorndike, A History, V 11941], 679-95, 1C1 689) = Id., ac H. Brescia
1599, 141.
248

LITTEIS.ATUItE ET ALC;HIMIE AU MOYEN AGE
sMahomecs . Le norn de Mahoma savidor se trouve dans le inanuscrit
d'Arnaud de Bruxelles étudié par 'Wilson (fin du XVe s.), au milieu
d'une liste d'alchimistes en catalan reinontant jusqu'3 Adam lui-inêine;
ii s'agit en fait d'une liste attribuée 3 Kh3lid ibn Yazid 2 . Un nianuscrit
du XVe siècle préscnte le Litre suivant: Practica locius alki,nie tradite per
Gebernin, expoSile i'ero per Machorncium 3. Malheureusement L. Frati ne
donne pas I'incipit de cc tcxtc dans son catalogue 4, mais lorsqu'on salt
que la Suniina perfectionis du ps.-Gcher s'inspirc largement du Li/icr sccrelorum
de voce Bidiacaris, traduction latine du XIIIe siècle du Kitdb a!-
Asrr de Razi (Xe siècle) 5 , on est assez fondé 3 croire que Ic nom de
Mac/ionict désigne ici R.azi lui-même (AbtTi Bakr Muhammad b.
Zakariy' ar-Rizi, 865-925). Dc fait, l'une des listes dc noms du Dc anima
in ark alchimiae pseudo-avicennien, traduit en latin au debut du XI-
Ile siècle, nous en apporte pleine confirmation. En 1934, Rush a rèéditC
ces listes 3 partir de la version du Dc anima irnprimCe en 1 57 2 (dans
Artis clieniicae priocipes, At'icenna arque Gcber, tout en icur adjoignant des
variantes ii l'aide, notamnient, d'un manuscrit de Glasgow 6 . Dans la
version tic 1572, la deuxièine dc ccs listes coniporte un sMahomet,',
mais Ic manuscrit dc Glasgow porte au mêine endroit: Mafomct de
Razi>'. Oil donc presumer que Ic nom de Ma/zomet dans l'alchimie
latine renvoie implicitement 3 Razi, même si cc renvoi cessa probablernent
assez tot d'être compris comme tel par ics alchiniistes. L'AlI6

I)II)IER KAHN
de Merlin aurait été ainsi, clans certains manuscrits, attribuéc a Razi liiiiiiênie
sous Ic nom de Mawnet qui, peu usité clans l'alchimic latinc, parait
iie renvoycr qu'i des mivres d'origine arabe.
Quant all terine botus bar/mitts, c'est Wilson qui le signale darts Ic
inanuscrit d'Arnaud tic Bruxelles conserve i la bibliothCque de Lehigh
University' 1)6forrnation latine du persan brit bar bur (crcusct
crcuscti), cc terme Sc trouve notarninent dans deux textes niajeurs de
l'alchjmje latine traduits de I'arabe au debut du XIIIe siècle: le Dc ani-
ma pscudo-a vice nnien 2 et le Dc aluniinibus et sail/ms faussement attri-
bué ii Raz1 3. Paut-il en conclurc quc l'Alléorie de Merlin scrait, die
aussi, uric traduction de l'arabe? Le texte est si brcfqu'il petit Cchapper
facilcmciit aux auteurs de catalogues de mantiscrits: ii serait vain d'attendre
Li dbcouverte d'un Cventuel original arabe 4. Une piste plus stire
pourrait Ctre - s'il existe - loriginal arabe de Ia version longue de la
flirba: encore faudrait-il quc Ics recherches avanccnt stir cc terrain
trop pcu frayC de nos jours.
R.este ii examiner un point plus général: les raisons pour lesquciles,
tous textes confondus, Ic noni de Merlin connut une telle fortune clans
l'alchimic latine du Moyen Age tardif. Ici le cas dc Merlin dolt Ctre opposé
Li celui d'Arthur. MCme s'il faut tenir compte, dans Ic cas de certains
textes, d'unc simple confusion graphique entre A'lerliuits Ct Morictitis,
cc succcs ne s'cxplique guère quc par Ic prestige attaché a la figure
R-gendaire de Merlin. Celle-ci se prCtait bien, par certains de ses aspects,
utie annexion de Ia part des alchimistes. L'aspect lc plus flagrant est
ncr nrotifbien connu du Roman de Merlin, le combat des dragons blanc
et rouge. Apparue pour la premiere fois dans l'Ilisioria re,j,'utn Britanniac
de Geoffroi de Monmouth (c. II38), cette allegoric politique s'est
diffusee ensuite dans toute hi littCrature ro irianesque elaborec :iUtOUr
c. 'Wilson, An Alchemical Manuscript>' . I it. Cf. cr-après. en annexe, l'avantderii,Cre
varcante du § 10.
2. Cf. Ruska, uDie Alchemic des Avicer,na, 39, II. 38.
3. II sagit de la seconde traduction latine, éditée par J. Rusk (Das Buch tier
Aiaune isiid Saize. Eiu Gri,ndii 'crk der spailati'inischen Aichemie, Berlin 1935, 26). Stir
l,ot,,s harhati,s, voir Ic Mittel!ateinisches Wirtcrhuclr, I, Milucheci 1967, col, 1550, 5.:'.
(art. de Ingcborg Ripe).
. On tie salt oil Ic chercher dansSezgin. Geschichte des arabi.cc/ie,, Sthrifttun:s, et
Ullmann, Die Nitur- mid (ehei,nu'issetzscha/teii un Islam. Pour la mI-i iie raison, ii est
des plus probables que de nociihreux inss., autres que ceux quc j'indique, Ic contcenncnt
égalcnient sans que ceux qum Icc out decrits sen soment rcmrdus conrptc.
. Ed. N. Wright, Cambridge 1985: trad. fr. L. Marthey-Maille: G. de Monmouth,
I-Iistoirs' des mis de Breta ',ic, Paris 1992, 156-59, § ic6-i 2.
250

HTrEI&ATUIi.E ET AL(:HIMIE AU MOYEN At;E
du personnage légendaire de Merlin, notamment dans le Roman de Merlin
en prose faussenient attrihuè i Robert de Boron (c. 1205-1210)1.
On n'en connat certes pas d'exégèse alchimique au Moycn Age, mais
ii paralt probable que des adeptes y aicnt an moms songé, quoique les
prenhièrcs traces que nous en ayons ne datcnt que de la Renaissance'.
Un autre texte susceptible d'avoir filvorisé Ic succès de Merlin en alcliirnie
est celui dc ses Prophhics poliriques, rédigées vers 1276, qui devaient
connaItre unc immense fortunejusqu't la fin de Ia Renaissance3.
I. Voir P. Zuinthor, Merlin Jr prophète. I in c/c /n littérature poléniique, de ('historio,çrapliie
ci des ronsans, Lausanne 1943 (repr. Genève 1973); E. Baurngartrier (trod.),
Merlin Ic propliète ou Ic lii're Sn Graa/, Paris 1980, 77-8 ; A. Miclia, art. Merlins du
L)ictionnaire des Letrresfrançaises. Le Moyns A i c, éd. 1992, 1008-9 J.-M. Fritz, art.
Robert de Boron (Pseudo-)*, ibid., 1281-82.
2. Discours d'authcur inci'rtaiu stir la pierre des pliilosophes (1588). éd. B. Husson, dans
Cahiers de l'Hemiétisnre: Alcisintic, Paris 1978, 68 = Paris, Bihliothèque nationale de
France, ms. fr. 19957 (fin dii XVIe s.). fol. 19v: vPjr cette grande sapience Ic
prophette Merlin descouvrit an lelups du roy Artus an Pais de la grand Bretaigne,
les deux dragons, un rouge sans aisles, et I'autre blanc avec aisles., qui avon esté cache
par Ia puccile dame du Chastcau Vermeil, par Ic conscil de l'hommc a la teste huppee.
Ii y avoit environ quatre cens ans que personne quelque saige et prudent qu'il
fut ne Ics avoit jailsais sceu trouvcr: ces niesnies dragons par similitude a laissC par
Ilienloire Nicolas F]iiiel sur sa sepulture au cinleticre des Sainctz Innocens dc ceste
vile, et nomnic par ses escrictz Ic dragon saris aisles souphrc, ci l'autre avec aisles
vii argent. M. Maier, Atalan tafu.i,'iens (j617), emblèiiie 5o. Voir déjà Le I)ixies,ne
Li,'re d'Antadis de Cattle, trod. J. Cohorv ( ' 1552), ac Cd. Paris 1 563. 4Epistre du traducteur,
fol. 4r-v: sJ'ajousteray d'avantage cc qu'ay oiiy dire a quelqucs personnages
de sçavoir rare & exquis: que tout ainsi que les sages anciens ont cache soubz
fables de Uleux, & infinies fictions poëtiqucs la cognoissancc sacrCe des secretz de
nature [.1 ainsi en out use Ics Philosoplies d'Italic, [ ... ] cc qu 'avoient fait avant
eulx en la grand'Bretaigne Merlin, Morgue, ZirphCc, & autrcs souz figures de charities
& enchantemens de la table ronde, de la queste dii saint Greal, (fit palays d'Apolidois,
tour tic I'univcrs, forteresses de Phebus & Diane, & telles autres lilagics [ ... ]'.
Voir aussi sa dCdicace de la traduction du Quator.neme Li,'re d'A,nadis Sc Gnu/c
('Anvers 1574), 2C ed. ChamhCry 1575, !'ol. * 4 r , Cr 3 la suite, sa cClèhrc 'Prcface an
lecteur, tontenant exposition gencrale des chifres des Rominans antiques ' ..Sur les
prCfaces de Gohory, voir les articles complCiucntaires de M. Simonin. La disgrace
d'Aniadis, Studifrancesi, 28 (1984), 1-35, Ct M. Funiaroli, Jacques Amyot and the
Clerical Polemic Against the Chivalric Novel ", Renaissance Quarterly, 38 ( 1 9 8 5), 22-
40. Voir aussi, de Gohory, Ic Livre Sc In imtau,e penileitse, ai'ec ía Chartre d'a,,ioiir.c,
Paris 1572. fol. 40v. Cent ans plus card, en 166, Ic catalogue de inanuscrits Vpar
lequel Isaac Vossius offrit en veffle ses Cliyntki 3 quelques princes alleniandss mentionnait
uic,ne une Merlini b,jstoria C/:yniica itt per'anleno cum fIuris, aujourd'hui
disparue. qui n'Ctait peut-Ctrc qu'un ininuscrit dii Roman de Merlin, lii d'un ceil
slchiiiiquc (cf. P. C. Boeren, Codices Vn.ssiani Gizynifri. X et 266).
. Les Prophecies di' Merlin, Cd. L. A. Patois, I-Il, New York - London 1926-1927.
L'cditio pnnceps de cc texte est de 1480. On tie Ic co,ifondra pas avec le premier
251

I)tI)TEI1. KAHN
Nombre d'entre elles se prêtaient non moms aisément i une interpretation
aichitnique - dont on connalt, l encore, des exemples a la
Renaissance' - et ce d'autant plus qu'existaient deja des liens au Moyen
Age entre aichitnie et prophétie, matCrialisés par des textes cominc la
Pretiosa margarita novella de Pettus Bonus (c. 1330) OU le Lii're de ía Salute
'Irinifé (1410-1419), mais aussi et surtout par la figure quasi cmbléina-
tique dc Jean de Roquetaillade (t c. 1365)'.
Conclusions
Pour rCsurner l'enscniblc de ces rechcrchcs, nous dirons avant tout
que Ics tcxtes aichimiqucs attribuCs i Arthur et Merlin fornient tin ensenibic
poor Ic ITiOiIIS composite. Doivent Ctrc distinguées les attributions
fortuites, qui rCsultent de deformations graphiques ou phonCtiques:
ainsi d'Artusus / Erithcsia (hypothCse de M. Stcinschneider); ainsi
de Mc'rliniis < Ivioreulinus < Mercurius, et de Merlinus < Moricnris. Toutefois,
I existence méme de ces attributions tortuites tie saurait Ctre négligée:
dCpourvues de valeur intrinseque, e]les n'en ont pas moms contribué
a rCpandre dins l'alchimie les noms d'Arthur et de Merlin.
ouvrage tie C. de Monmouth (Prij,hciie Merlini, 2V. 1135), lneOrporC ensuite
àson ilistona re',,,,r Britanniae (iILcIoirL' ties rids de Bretat,ie, 157-74; cf. C. Lanoë, art.
oGeofiroi tie Monmouth du Didionnaire des Leures/ranaises, 499-501; A. Micha,
art. 4(Merlin,, ibid., ioo8a).
E.J. Gohory, IPrctice au kcteur ... , dans Le Qiratorzieme Ln're ilAmail,s tie
Garde, ml. **3v_4r (voir aussi lot. et la dédicace ii Henriette tie Clèvcs, fol.
* 4r): Pour contenter Ic lecteur curieux, nous adjousterons pour fire fin, seulenient
les points plus renurquables des propheties de Merlin o. On y relève par
exeusple ceci, fol. ** 5r: gOr n'est il oublier a propoS de Poliphile (de qus Polie
l'arnie se dit nee en la Marche Trevisane) & d'Augurei chrysopeien qui en estoit
pareilleinent, & di, Conte Bernard Trevisan, que Merlin dit panisi ses propheties
conitne a Tarvis doibt naistre tin personnage qut fera or & argent infini>.
a. Cf. B. Obrist, Les D/buts tie l'imai'erie aichimique, Paris 1982, 134-40, spec. 'o;
C. Crisciani, IThe conception of alchemy as expressed in the Pretio.ca margarita nosiella
of l'etrus Bonus of Ferrara ' , Atnbix, 20 (1973), i66-8i, 1CI 171 et 173. Sur Jean tie
Roquetaillade, voir les articles deJ. Bi t naiiui-Odicr et R. I lalleux dans l'I-Iistoire littéraire
dc la France, XLI, Paris 1981. Plus tardivensent, voir P. Bore], Bibliotheca Chimica,
sen Catalo. ,'us libronlnl pIiilosopIiicorsni hernrerdoruoi ('1654), Heidelberg 1656
(repr. Hildesheini 1969), o: iln Brigid Proplietiis qurdaiii percepi Chimica; Ibid.,
i 6o: Nostraclanius, cx quibusdani Chiinica prrdictionihus suis interservic, quod non
fiche credidcriin, licet quedain etiam Chiniica videantur contineri, & darius in aliis
Prophetiaruin libris, ut S. Brigitti, Joachini Ahhatis, &c.
252

LITTERATUI&E ET AL(:I-IIMIE AU MOYEN AGE
Autre cas S distinguer: celui de la version longue de Ia Turba piiilosophornur.
Des sept discours fInaux qui diffCrencient cette version de
celle éditée par Ruska, Ic quatriCme discours n'est autre que la future
Allgorie 1e Merlin, attribuée ici S Démocrite, et Ic dernier discours est
mis sous le nom d'Arthur. S'il est permis de risquer ici une hypothCse
inspirée de M. Steinschneider, ii scrait peut-étre utile de verifier si Arturns
ne dolt pas Ctre, précisément ici, entendu comme une variante
d'Euthesia, cc qui s'accordcrait avec la possibilitC de I'origine arahe des
sept discours finaux de la version longue. Quoi qu'il en soit, pour en
revenir S Arthur Ct Merlin, lc manuscrit de St John's College montre
bien dans ses Inarges, en face du discours attribu S picas Arihuri, le roi
Arthur lui-niCme, couronné et brandissant son épée, de sorte que cc
nianuscrit de Ia Turbo contribuc ici niênie de facon imprévue ala fortune
dans l'alchimic d'un motif arthurien majcur.
Dc façon plus généraic, si rien dans Ic contenu des textes attribués S
Arthur Ct Merlin ne parait ernprunté aux romans arthuriens, ii n'est
pourtant pas douteux que ces attributions méines imp]iquaient de la
part des adeptes les plus cultivés unc lecture aichimique, ou tout au
moms une interrogation siir lesens alchiniiqiie possible de certains motifs dc
ces romans. On remarquera S cet égard le caractère très localisé du succès
d'Arthur et de Merlin auprCs des aichimistes: force est de reconnaltre,
dans la plupart des manuscrits quc nous avons cites, unc sorte de
marque anglais qui inontre clue la plupart des attributions alchimiques
S Merlin et Arthur sont issues des lies britanniques, leur propre
terre d'origine, et Ia terre d'élection de Ia matière arthurienne. La fortune
de ccs attributions est donc liée dans une certainc mesure 3 un
particularistue regional: de méme, les attributions de textes aichimiques
S Dante ou Cecco d'Ascoli se rencontrent plus cii Italic que dans
les autrcs pays d'Europe.
I ncontcstablement, ccs attributions de textes alchiniiques S Arthur
et Merlin ont joué un role dans l'essor de l'cxégèse alchiniique des
textes littéraires au cours du XVIe siècle. Pour des hommes de la Renaissance
empreints d'unc passion renouvelée pour l'énigme et le sens
- On en verra un exeinpie détaillé clans Barthéleiuy-Kahn, tcLes voyages d'une
allégorie, 487-88. Autre exempic caractérictiquc: en 1 5 79, John Dee donne a son
his aiDe le prénom symboliqiie d'Arthur, par référence S ses preoccupations d'ordre
politiquc stir ce que devait être, S ses ycux, Ic nouvel empire britannique (cf.
L. Abraham, sArthur l)cc, 1579-1651: A Lifc, Cauda Pa,'ouis, 13. U0 2 [fall 19941,
1-14, ici I et U. 3),
253

1)lI)ER KAHN
cache favorisant toutes sortcs d'exegèses', aux yeux desquels la signification
politique très precise de textes d'apparcnce obscure tels que les
Prophtics de Merlin s'était entièretnent Crodée, ii Ctait plus que tentant
d'exploiter les virtualitCs de parcilles attributions, Mais ? l'inverse, ii ne
faut pas exciure la possibilitC que Gohorv, Michel Maier et dautres
aient surtout fixC, dCveloppC et systématisC dans leurs écrits des traditions
hermCneutiqucs dCji préscntes an cours du XVe siècle, sans qu'il
sc soit alors rencontré d'alchimistes pour les exprimer de façon explicite.
MCme un auteur convaincu comnic l'cst Gohory du sensus diynicus
des romans médiévaux se borne surtout a en signaler les passages
essentiels, mais tie cherche aucunetuent i en rCdiger I'exCgèse, comme
Ic fera plus tard Michel Maier, Cetre difference d'attitude entre Gohory
et Maier doit certes Ctre misc an compte d'une perspective plus
speculative chez l'un, plus orientéc chez l'autre vers la pratique, mais
on salt aussi que d'autres personnages convaincus avant Gohory du
sens aichimique des romans médiCvaux - les quclques personnages de
sçavoir rare & exquis> dont il se réclame en 1552 - n'cn out pourtant
ricn dit: n'eIt etC Gohory, on I'ignorerait encore.
Reste a cxpliquer pourquoi ces attributions se dCveloppCrent surtout
aux XIVe et XVe siècles, alors que Ia fortune littCraire d'Arthur et de
Merlin était solidement Ctablie des le XlIIc siCcle. Ii fliut certes tenir
compte de ]a faible proportion de témoins nianuscrits antCrieurs an
XlVe siCcie, qui relativise clans une certaine mesure cc bilan statistique.
Mais il est clair que l'essor des attributions alchimiques a Arthur et Merlin
n'est que Fun des indices d'une diffusion croissante de l'alchimie an
cours du Moyen Age. Cette plus large diffusion - on, si l'oii prCfêre,
cette vulgarisation -, bien connue et qui suit le mouvement génCral de
l'cvolution de la culture inCdiévale, s'est notaniment traduite des Ic
XIVe siècle par ]'apparition d'une alchiniie de langue vulgaire 2 . Elie
s'est aussi traduite i partir du XVe siècle par une sorte d'CpiphénomCne
qui n'a guCre etC identiflC jusqu'a present iii rcconnu conmie tel: I'mterpretation
alcbimique des grandes fortunes bourgeoises, tout particUlièrcmcnt
celles de Nicolas Flannel, Jacques Cccur, Sigmund Wano et,
i. Ainsi Guillaume Postel lui-rnêiise kbbalisatt Ics romans de Merlin: cc. F.
Secret, Aux portes de come et d'ivoire de La Renaissance: mnythc et songe,
Eraws-JahrbucJ:, 48(1979), 239-76, iCi 273.
2. Cf. R. Halleux, L'Alchiniic. Crundns tIer romanische,, Literatirrcu des MiUelalters,
vol. V11l/i : Li Liittraturefrauçaisc aiix X11 7e ci We sides, Heidelberg 1988,
336-45.
254

LITrERATURE CT ALCUIMIE AU MOYEN ACE
pour Ic XVIC siecle, de Nicolas Le Valois'. Un autre indice marquant
de cette vulgarisation cst CU 1413 Ic p]aidoyer de l'alchimiste français
Jean de La Fontaine dirigé concre Ic savoir universitaire, considéré
comnie exciusivement livresque, auquci Jean de L.a Fontaine préfre
I inspiration divine et Ic savoir technique des artisans et des poètes, pra-
ticiens qui excellent sans avoir pour autant obtenu le titre de matres
és arts on dc docteurs 2. Dans cc vaste tiiouvement s 'inscrit lapparition
des premiers ponts jetés entre aichimic et littérature rornanesque.
Rappelons en eflet quc Ia vote s'était ouverte des le XVe siècle
une interpretation alchirnique de la litteraturc romanesque, en parti-
culier dans I'alchiniie française: Jean de La Fontaine reprend dans sa
Iontaj,ie des atnourcux th' sdeucc Ic cadre narrati Ides poe rites allCgoriqu es
dans Ia lignée du Roman de la Rose 3 ; l'autcur anonyme de La Parole tic-
laisséc lit d'un tiiI aichimiquc I allegoric aniourcuse et morale du Songe
i'ert (1348) 4; Ic ps-Bernard le Trévisan compose, dans Ia quatriCme ct
derniCre partie de son Lii'rc, on récit allCgoriquc sur Ic thCnic du rot et
de la fontaine i l'aidc dC 10pm empru ntes t cc type (IC littératlire 5; enfin,
des 1515, dans sit dCdicacc a François Icr, Jean PcrrCal situe lit dCcouvertc
fictive de sit Complainte de Nature dans Ic contexte d'un p005siéreux
château du Dauphiné, plein du souvenir des romans de
I. Voir D. Kahn, jUn ténloin précoce de la n.iissallcc du inytbe de Flansel
alchiinistc.
2. Voir textc et bibliogr. dans D. Kahn. La premiere edition de La Fontaine des
anwureux vk science (Paris: Antoine Vérard, c. I o6) *, 5 paraitre dans Chr5'sopvi'ia. 5
(1992-1993).
. Cli note precedentc. Dans tin inélnoire de licence, Sophie Bertholet a
replace cette uvrc dans k contexte do roman français allégoriquc du XVc siècle
(Reciierches sur la u'civnique aIJévriqive davis la !ilorao re/rauçaise dvi XT/e siv5c!e, nténvoire
dacty]ogr. pour I'ohtention du grade de IiccnciCe en philologie romanc, UnivcrsitC
de Liege, FacultC de Philosophic et de Lettrcs, 1979-I980.Je reinercic M. Robert
I lalleux de cette rélércncc.
. Aunnaire ik l'ii.P.H.I.i. (cf. 227 D. i). 3 53. Stir La Paroh' dilaissde, ci supra. 23
U. 2. Sur cette lecture alchiiuiquc, voir aussi D. Kahn, sLitterature ou Alchinsic? A
la recherche de l'authcntiquc Sop' i'erP', S paraltre dims les Acres (lit ii e Congrès
national des Sociécis sat'anles, Atuievis, 1994, Parts 199 5.
S. Sur Ic ps.-Bernard le Trêvisiin, cf. 1). Kahn, art. 'Bernard Ic TrCvisan tie
1'Eucyclopédie pIlilosopIvique unn'erselle, I II: Les C)eui 'res pliilosojilriqives, Paris 1992. Sur
son Ln're, cf. D. Kahn, sLc foods Caprara, 0. 133. 1)ans Ic ins. Ic plus ancien de Ce
texte, date de t 5 16 (Paris, BibliotliCsjuc nationale de France, Inc. lat. 7174, fol. 26r-
37v), le copiste coinmente en latin nii abrégC du texte francais, cc qul mnontre cliiireirient
l'origine francaisc (IU texte (Lie hit, tons Ics itiss .antCricurs S l'ed. princeps de
1567 soot en francais) et pcnnei de Ic d.itcr approxitnativeincnt de lit 6n du XVe
siècle.
255

1)Il)IER KAHN
chevalerie'. Autant dire qu'il ne restait i un Gohory que peti de chemin
a parcourir vers l'cxégèse a laquelle ii se livra sur l'ensemhle des
romans médiévaux.
Mais si c'est dans le contexte d'une vulgarisation croissantc de l'alchimie
(Iuc l'on voit se développer les connivences de cette demière
avec la littérature romanesque, encore fiut-11 prendre garde ala pertinence,
en dernière analyse, de pareiles distinctions- La 1 'htt6rature) du
Moyen Age tardif, c'est en effet bien plus que cc que nous laissent
penser les cloisonnemcnts tout arbitraires auxquels l'histoire littéraires
issue de la fin dii XIXc siècle nous a accouturnés: déhordant Ic dornaine
strictcment slittéraires an sens oi nous l'entendons de nos jours,
die se confond alors avec l'cspace encyclopédique du savoir 1 . Dans
cette perspective plus proche de la réalité culturelle de la fin du Moyen
. Ed. par A. Vernet, Jean Perré-al, poke et aichimistes, Biblioilièque d'Hutnanisnie
ci Renaissance, 3 (1943),214-52, ici 244 (repris dans A. Vernet, Etudes ,nédih'ales,
Paris 1981, 416-54 Ct 672-73): R I ... ] et seinhloit bien quc Ion des viciz chevaliers dc
Parceforests eust la, apres tons ses laheurs, esicu et choisi repos par fcntaisie. [.1 Si
me niena premier en Li basse Court, asscz longue, an meillieu de laquelle estoyent
encores les vestiges et fractures d'un parron selon eta la mode des faitz chevalleureux
de ]a Table ronde [...s. Lc fiit que Ic prologue n'ait figure Clue clans Ic manuscrit
de presentation destine ii François icr (Paris, Bibliothèque Ste-Genevieve, ms. 3220)
tendrnt a limiter la portêe de cette remarqLle, on tel Inanuscrit nayant guCre dc
circuler beaucoup; mats André Vcrnet a retronvé 1 Turin la trace d'un autre exemplaire
aujourd'hui perdu (olin: Turin, BibliothCque royak, ms. 1.1.29), date (I tort)
du XVe s., qut Contcnait mi aussi Ic prologue (A. Vernet, Etudes ,uédthvales, 672,
addition ii La P. 4 28; je dois cctte rCfCrence :1 i'aniabilitC de M. Guy Beauj ouan). Ce
ms. aurait pu provenir de Marguerite de France, file de Francois icr (i 523-1574).
qui épousa en 15 59 Emmanuel-Philihert de Savoie ci finit sesjours ii Turin, duchesse
de Savoie. kappelons que c'cst précisClflcilt i cUe quc Gohory dCdia en 15 5 2. sa traduction
du Dixiesnu' Livre dArnadis de Cattle (cf. 251 n. a); prCs de vingt ans plus
tard, en 1570, Ic méme Gohory Iui envoie 5 Turin son Jlieop/:rasti I'aracelsi PJiilosopl:iae
ci Medicinac f ... ] Compendium (cf. E. Balnias, Sagi e studi sit! Rinascinientofrancese,
Padova 1982, 51-52).
2. Cf. T. Kl.i:iicza y, E. Kushner, A. Steginann (dir.), Histoire corn parée des littéralitres
de lan, ues européennes sous it's auspices tie I 'Association uziemationak de lit térature
corn parée. A Coniparatiuc History of Literarures in European Lan, uages sponsored by the
International Comparative Literature Association, t. VII: L'Epojue de la Renaissance
100-1600. vol. i: L'Ai'Cj:e,nent ds' l'Esprit nonueau (1400-1480), Budapest 1988, p. 8:
tcau quinziCnie siècle. La Iiiiératurc tend a coVncider avec l'ensemhle du discours
social, Ia conscience du liuCraire et de sa spCcifIcité tie se faisant jour que graducilement,
au cours des siècics suivants, avec d'importants dCcalages clironologiques
scion les paysi. Sur l'évolution de la notion de IittCraturc depuis Ic Moycri Age,
voir les ourrages classiques de E. R. Curtius, Ei:rcipäisclie Literatur i:nd Iateinisches
?vftttclalter ( 1 1947 , 2 1953) , trad. fr. l.a Lirtérature européniuc Cf IL' JtIti yei: A'e latin, Paris
1956 (plusicurs reed.); P. BCnichou, Lx Sam, de i'ecn,iin, 1750-1830, Paris 1973;
256

LITTERATURE ET ALCHIMIE AU MOVEN AGE
Age, les divers rapprochements qui s'opèrent alors entre l'alchimie et
la production romanesque et ailégorique térnoignent peut-être moms
d'une connivence nouvelle entre deux domaines étrangers Fun a l'autre
clue d'une solidarité nouvelle et plus générale entre tous les secteurs
du paysage culture] médiéval, celui-ci ne cessant de s'accroItre du fait
de sa reception auprès d'un nombre croissant de categories sociales de
plus en plus diverses.
ANNEXE
On trouvera ici Ic texte de I'AlIeona Met/ii sous deux formes diffèrentes: la
version de l'incunable, et celle de l'Cdition de 1525 assortie de quelques variantes'.
[i] Quidam Rex volens alios potentes superare preparavit se ad belluni, &
cum voluit equuin ascendere, precepit uni ex militibus suis in daret ei ad potandurn
de aqua quaisi diligebat. [21 Qsii clixit ci: iDomine, que est illa aqua
quani dihgitis? Rex ait: 411a est aqua a me dilecta, que pre omnibus aliis me
diigit. tile veto statim perpendit & attulit. 131 Rex autein bibit & rebibit,
donec onmia membra ejus fuenint repleta & onincs etiam ejus vene. Et fait
M. Funharoli, L'A, e de l'é!oquence. Rhétorique et ores /iteraria de Ta Renaissance au seufi
de l'lpoque dassique, Genève 1980 (rééd. Paris 1994).
,. Ces variantes étalent établies quand j'ai pris connaissance dii travail de R.
Newbauser (spec. 124-26). Cc dernier, qui na pas connu la version de l'incunable,
distingue dans la tradition manuscrite du texte une version breve, une version plus
longue, et ceile du ms. de Venise très proche de i'éd. de 1525. Je rCédite pour ma
part la version de l'incunable (Paris, B. N., RCs. R. 1370, [2o6]-[zio): version breve
sans titre, sans nom d'auteur) et, en regard, Ia version de 1525, fol. ]] 86]v-[i 8 9]r (sigle
S, reprise par Petrus Perna dans Artis aur(Ji'rae quat;: clicmianj l'ocaut, i'olun,ina duo
(Bile 1572. 1, 420 sqq., réCd. Bile 1 593, 1, 392-96; sigle A) et plus card par Manger
(Cf. note 4, 244), en notant les variances de ]a version d'Arnaud de Bruxelles Cditée
par Wilson (Cf. 244 n. 4; version longue scion la classification de Newhauser, 126;
sigle ft), bien que cc dernier air parfois omis de transcrire des passages, signalant
ces lacunes dans sa transcription par trois points. On notera que ]'incunable est, toutes
proportions gardées, bien plus proche de IVque de S. Pour plus de commoditC
dans Ia presentation de l'apparat, j'ai divisé arbitrairement Ic texte en paragraphes
factices indiqués non par des alinCas, mais par des chiffres en gras. On se report era
dans I'apparat aux cluifres correspondants pour prendre connaissance des variances.
J'ai corrige l'incunable plusieurs lois: au § 6, on y lit Izumezativis au lieu de huinectativis:
au § 8, crediderunc au lieu de credith'rw,r; au § 9, ni'S nostras ,1:anus au lieu de i'os
nostras mantis; au § to, inorti au lieu de mortui; d'autres corrections aurajent été possibles
(ainsi au § i0, l'incunable donne vitro au lieu de nitro), mais j'ai prCIrC n'intervenir
dans Ic texte qu'en cas de coquille flagrante. J'ai enfin distingué i del, it de
v, nomialisé la ponctuation scion l'usage actuel en me bornant au strict minimum,
et introduit des guilleinets dans les dialogues suivant I 'usage actuel.
257

i)Ii)IEl& KAHN
Rex tunc discoloratus valde. Hoc facto dixerunt mi!itcs: Ecce equunl. asccnde>.
Rcsporidit Rex: Non posswu. Dixerunt milires: Quarc non potesris? Rcspondit:
Quia scntio inc gravatum & doleo caput, & oriinia inca nicrnhra a
me rcceduiit tit mihi videtur. [41 Rogo volo tit ponatis mc in caineraifl meam
lucidatu & in loco calido & tclnperato & continue per diem & noctein, & infra
sudabo & aqua quani bibi dessicahicur & eo liberatus '

LITTERATURE El ALCIJIMIE AU MOYEN AGE
potentes at) ilia hora eum honoraverunt. Et quando volebant videre de mirabilibus
epis, ponehant uncias duas inercurii loci vivi in crucibolo, & ponebant
desuper unum granum mdlii de ungula yel de capillis ant de sanguine ejus, &
sufilahant donec spissai)atur. Tn nc cooperichant de carbonihus & dintittebant
refngcrari & invenieharit corpus talc quale scio. Amen.
Ah'rlini a11e'orsa
profund:ssinttntr ph Iosophtci Lapidis arcanuin
per/'dc con tin:'ns
[i] Rex quidarn altos cupiens superare potentes, se contra cos prparavit
ad belluin. Curnque vciiet equum ascendere, prcepit cuidarn ex militibus
SWS, ut daret ci ad potanduin de aqua, quani piurirnum diligebat. [2] Qui respondens
ci dixit: Doniinc, qux aqua est illa quazu qurritis?p Et Rex au:
Aqua ilia quam qwero, aqua est a me pluritnuni aflectata, & ipsa diligit me
prx cteris*. Et tile perpendens, statini ivit, & cam detulit ci. [] Rex autem
accipiens cans, bibit & rehibit, donec oumia menibra sua repleta sunt, & omnes
venw ejus iiiflat, & tune fuit vaide discoloratus. 1-bc facto, dixenint
ei mihtes ejus: vDorninc, ecce cquuni, ascende si placet. Qni rcspondens
dixit: iSciatis me ascendere non posse *. Dixcrutnt tinlites: oQuare non potes?
Rcspondit: oQuia sentio me gravatum, & doieo caput, & ut rnihi videtur,
omnia membra inca ab invicem dividuntur. k] Jubeo igitur vobis, quod
ponatis me in cameraru unani lucidant, & ea constituatur in loco calido &
sicco, continue tCitlperato per diem & noctcin, & ita sudabo, & aqua quam
hihi dessicabitur in me, & ha liherabor '. Fecerunt ergo sicuc Rex prcceperat
eis. Coinpleto vero tempore, aperLICIA171t cainerain, & invcnerunt euni quasi
[II Tit.] Merlini - continens: Parihnla .uper lapide philosophoruni Li"
Ii] cupiens: volens 14" II contra cos im. W 11 pr.paravit: paravit 11/ 11 cuidaist: uni
14' II daret: afi'eret 14/ II ad potanduni on;. IV II piurimum on:. LV
[J Qui responderis ci dixit: Et ilk LV I I qncritis: diligitis LV I I au: dicit LV Aqua
jib qu.uii quvro: lila LV I I piurutiurit afThctaca: muituni desiderata LV I I cc ipsa:
quc W I I crtcris: omnibus LV perpendens: percipiens LV I I ivit, et earn detulic ci:
sibi dewlit W
[3] cant on,. I V sua on:, LV II sum: futerum LV I I ejus Out. LV 11 tune on:. LV I I I bc
facto, dixerunt ci inilices ejus: Quo peracto dixcrunc militcs domino LV 11 1)ozuine
on:. IV I! Qu: respondens dixit: Rex autcin inquit LV I I Sciatis tue ascendere non
posse: Non possum equitare LV I I Dixcnint - Respondit on:. LV I I sentio tue gravatuuhi,
ci dulco caput: dolco caput, et niulturn iuie sentlo gravaruns I-V dividuntur:
scparantur II'
14] Juhco igitur vohis: Prccipto ergo LV 11 ponatis: ponatis ci aptetis LV 11 unalu:
nieaiu 14" I I ea consttcuatur: constituatis usc I V II cu ita sudabo: sudabo enini I'V
hibi dessicahinir: potavi siccabicur LV I I ita liberahor: cro liberatus LV eis on:. LV
eum: regent LV
259

I)IDIER KAHN
niortuuln. [si Parentes vero statim cucurrerunt ad medicos IEgyptiacos &
Alexandrinos pr' ceteris honorandos, & adduxerunt ad eum, narrantes cis
secunduin quod Regi accidcrat. Qui quidern viso Co. dixerunt ipsum posse
procul duhio liherari. Et iii: Quis vestrurn erit magister? Responderunt
Alexandrini: Nos (si placet vobis). L)ixerunt JEgyptii: [6] Non placet nobis,
inimo nos volumus esse magistri. Antiquiores enirn vobis susnus, licet juniores
videarnuD. Alexandrini vero consenscrunt. Tune dicti niagistri acceperunt
Regern, & dilarsiaverunt eurn in partes miniiiias, terentes eas, & miscuerunt
cum niedicinis suis huinectantibus aliquantulum, & ita posuerunt ipsUni
aptatuin in camera sua, in loco calido temperato, sicut prius, per diem & noctern.
Hoc facto extraxerunt cum quasi serniinortuuln, adhuc habentem auqualituluin
vit. 171 Quern videntes parentes cJus, exciamaverunt dicentes:
' Hcu Rex mortuus esd ' Quibus Medici dixerunt: Non est rnortuus. NoJite
clamare, dormit enirn, & jam incepit terininares. Acceperunt itaque ipsum
iterum, & abluerunt curn aqua duki, donec sapor medicinarum recessit, &
niiserunt cuni eo iteruns de eadeni inedicina nova, & posuerunt cuin in loco
suo sicut prius. [8] Et quando extraxenint cum penitus rnortuum invenerunt.
Tune parentes ejus lot-titer clamantes dixerunt: ' I-leu Rex rnortuus cst!s Quibus
medici respondentes dixerunt: 1nterfccinnis eurn ideo, ut melior & fornor
fiat in hoc mundo post resurrectioneni in die judicii: quans fuisset prius.
Q uod quidern parentes ejus audientes: crediderunt eos csse truffatores. En statim
abstulerunt cis xne.dicinas suas, & expukrunt de R.egno. Hoc flscto, loquehantur
adinviceni, considerantes quid deberent agere de hoc corpore yenenato
& nlortuo. [] Et convenerunt tin sepchrent Ipsurn, tie putrefieret, ac
ejus fetor nocunientum inlet-ret. Alexandrini vero medici hoc audientes, iverunt
ad cos, & dixerunt: No1ite ipsurn sepelire, quoniani (ci placer vobis)restituemus
euni saniorem, pulchriorcrn, & potentiorem, quam pnus. Tune illi
[} post vero add. ejus 14/ 11 cucurrerunt: occurrerunt W11 ceteris: omnibus 14-' I
narrantes: narraverunt ['V I I secundurn - dubio: snatuin regis languidum, quercnttn
Si possent 14/ I I Et iUi - Dixerunt: lacuna in transcript. [V
[6] Non plaeet - dicti niagistri: lacuna in transcript. ['V II dalaniaverunt: deliiva- ['V II
in partes niiniinas: per inenibra minima 11" 11 terennes cas: tenentcs ea ['V II post
miscuerunt add. ea ['V 11 humectantibus: huntidis [V II aptatuin ouuu. IF II
171 Quetn videntes parentes ejus: Et parentes ['V I I Hcu: En ['V II post Quihus add.
rcspondcntcs W II Non est niortuus. Nolite clamare: Nolite cLiniare, quid non est
ninrtuus TV II incepit: incipiet I'V11 itaque: ergo 14/ II iterUrn - suo lacuna in (ranscript.
['V I I ante sicut add. en fecerunt ['V
181 chiuriantes dixerunt: ceperunt cl,uinare contra cos dicentes W II lieu Rex inortuus
em: 0 maledicti pessitni ['T' II Quibus - adinvicein: lacuna in transcript. ['V
considerantes: Considerabant IF I I dcberent: pcussent [V II hoc corpore vcncnato
et inortun: isto cot-pore invenenato 14'
[] Et convenerulit tit sepelirent ipsuni: quorum quidarn consnlehant sepelire [V II
ac ejus furror nocunlenturn inlet-ret: acreiiiqtie corruinperet propter fetorein 147
iverunt - et our. ['V 1 1 si placct vobis: ii vultis J'V I post cum add. vohis ['V I I potentiorew;
fortiorem ['V I I post quarn add. fuerac 11"
2.6o

irnrEitrui&r FT AL(:H1M1E AU M()YEN AGE
suhriderc ceperunt, dicentes: Vultisne truliare nos, sicut & alii? Sciatis quod
nisi feceritis quo(] [pronlittitisj, mantis nostras evadere non potcritis. [ioj
Medici autem ad hoc se obligintcs, acceperunt Regem mortuum, sicut alii
dimiserunt, terentes euni, belie abluerunt, quousque nihil de medicinis aliorum
remansit, & dessicaverunt euro. Dcinde acceperunt partem unam Salis
annoniaci, & duas de nitro alexandrino, & niisctierunt CUIII pulvere inortui,
& impastaverunt cum par-um oki lini, & posuerunt eurn in canera una, facta
ad moduni cruciboli inferius perforati, & sub foramen posuerunt ahud vas
mundum ad inodum cruciboli factum, & dimiserunt eurn ihi per unain
horam [ii] Deindc cooperuerunc euni cum igne, insufllantes donec fuit perlitus
liquefactum, in aliud cruciboluin descendens inferius per foranien, Tune
Rex ita dc morte ad vitarn resurgens, magna voce clarnavit, & dixit: icUhi stint
ininiic,? Sciant quod ornncs interficiam, nisi milli obedientes advenient sine
iiiora. Omnes igitur audiences, venerunt corani co, & dixerunt: cDomine ec-
Ce, parati sumus vestris in omnibus obedire mandatis. [ii] itaque a!) illa hora
in antea Reges oiiiiies & potentes aliaruni regionurn honoraverunt & tininerunt
eum. Et quando volehant vidcre de iiiirabilil,iis ejus, ponehant in crucibulo
unciam unam Mercurii bene loti, & projiciehant desuper tanquam until])
granum miii de ungulis, yel de capillis, atit de sanguine suo, & sufflabanc Icviter
cum carbonibus, & dirnittebant cum infrigidari cum cis, & invcniebant
lapidcmn qualem ego scio Dc quo lapide projiciebant parwn super Saturnuni
purgacum, & statini mutabatur forma ejus. sicut scio. Dc quo poscea ponebant
partem unam super deccm Veneris, & erat totuni unius colons & bonitatis.
Item aliter. Accipiebant (lictufli iapidcm tritum, & miccehant CUi1 sale & Sole
sicut pnius, & liquefaciebant eum, & projiciebant dictos sales so!uto in sero
caprinn, & time fiehat optimum ad omnia. Custodi Crater huric cractatumn, &
serva bene, quia truffa est optima inter stulcos, & non tnitfa inter sapientes.
subnidere ccrperunt, dicentes: subridentes dixerunt U' I feceritis: solvitis idern IV
I I promittitis A U': -mnittis S I I poterins: potestis [4'
ho] Medici autem ad hoc se obligances: Illi vero U' II sicut alii diniiscrunt, terentes
euro: et triverunt et U' 11 quousquc nihil de medicinisalioruin: donee nulla (IC
almorLilil zimedicina [V II eum run. U' 11 Deinde: cc poscea [41 I I paruni olei lini: pauco
de lini oleo yel de ligno aloes U' in camera - factum: in ben harbatuni U' ibi
on!. IF
r rJ euni cuni o,n. IV I I insufflantes: et sufflaverunt U' I I penitus on,. [V II in aliud
cruciholutir descendcns inferrus per foramen: descendens per foramen in cruciholo
inferiori U' II rex - dixit: rex vivificatus cepit clainare, dicens IV I I post inililici add.
mci IV I I Sciant: S-ient U' II obediences advenieric sine mona 5: obediences adveniant
sine mora A extltcrint obedientes Ii' II Omnes igicur audiences: Qui cuiri
audirt'nt U' 11 veirerunt - niandatis: sracini venerunt omnibus suis mandatis parati
cc dcvoti U'
11 21 Itaque - regionum: Onines ergo reges et potentes at) jib hora in antca U' j in
antea S U': tit antea A u I videre de mirabilibus ejus: expeniri de miraculis suis U' II
unciani: parteni IV I I cc projicrehant - inter sapientes: lacuna in transcript. [-V
261

I)I1)IFR KAHN
1131 Hac enirn est via Regurn triutit diet-urn, quoniarn parum laboris
sustinentes, magnum lucnlnl desiderant obtincre. Laudes Creatori inaximo
rcferamus, qul fidetihus suis gratuiter inspiravit, accidentia pro velle in substantiis
transnlutarc, & Lit quod in potentia rebus latitat, ad actum reduci valeat
sapicnter.
A 11(oria? Zi4erhm /in IS
1131 Hc enim est via rcgum trium dienirn, quonlani: F lec est ergo via Irium dienirn
apud reges qui W I 1 sustinentes, magnum lucruni: et multuni lucri W II Laudes -
finis: Benedictus Deus. Finis W.
262

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