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N°31<br />
30/09/<strong>2022</strong><br />
PB- PP<br />
BELGIE(N) - BELGIQUE<br />
België-Belgique • PB-PP /B 43 • P2A6221 • Afgiftekantoor 9099 Gent X • Driemaandelijks tijdschrift • Afz. VU: Iris Haentjens Maaidonk 13 9290 Uitbergen<br />
Profff<br />
Revue des professeurs de français en Flandre<br />
Nous, c’est vous!<br />
Rencontre<br />
Patrimoine<br />
Samir Marzouki<br />
Céline<br />
Musique<br />
Pomplamoose
© RTBF
STADSBEZOEK • LUIK • NAMEN • RIJSEL<br />
Daguitstap voor scholen<br />
Op een heel amusante manier ontdekken je leerlingen Luik, Namen<br />
of Rijsel en oefenen ze ongedwongen hun Frans.<br />
• Voor jongeren van 12-18 jaar<br />
• In groepjes van 10 leerlingen (tot 120 leerlingen)<br />
• Volledige dag in de stad (10u-16u)<br />
• Van september tot juli<br />
• Geen begeleiding door de school vereist<br />
• Taal en cultuur gecombineerd op 1 dag<br />
Reserveer vandaag nog.<br />
www.roeland.be/stadsbezoeken<br />
Naamloos-1 1 12/07/<strong>2022</strong> 09:36
Profff<br />
Éditorial<br />
Crise dans l’enseignement?<br />
Nous démarrons cette nouvelle année scolaire de bonne humeur<br />
et heureux de retrouver nos classes. Les professeurs motivés et<br />
enthousiastes ne manquent pas et nous sommes nombreux à<br />
comprendre l’importance d’un enseignement de qualité. Seulement<br />
voilà, il y a pénurie et donc crise. Trop peu de jeunes choisissent<br />
la voie de l’enseignement et les autorités proposent toutes sortes<br />
de pistes pour faire face au manque d’enseignants, à tous les<br />
niveaux de l’enseignement obligatoire. D’où vient ce désintérêt<br />
pour l’enseignement? Est-ce que les entrants latéraux désirant<br />
commencer une nouvelle carrière dans l’enseignement sont la<br />
solution? Est-ce que le cirque juridique touchant les objectifs<br />
finaux, les «eindtermen», contribue à la crise, en est une émanation<br />
ou, au contraire, constitue une sorte de solution? Autant de sujets<br />
qui nous préoccupent et que nous voudrions mieux comprendre.<br />
Dans ce numéro de Profff, nous vous proposons en tout cas de<br />
quoi alimenter vos cours et nous partageons avec vous quelques<br />
témoignages qui prouvent que la passion pour l’enseignement est<br />
bien encore vivante.<br />
Qui fait des études supérieures? Qui veut<br />
devenir enseignant?<br />
Les têtes fortes qui quittent l’enseignement secondaire optent<br />
résolument pour des études scientifiques, académiques et se<br />
rendent à l’université. Cela signifie que les études dans les Hautes<br />
Écoles menant au bachelier professionnel ou éducatif, attirent des<br />
candidats très différents: jeunes issus de l’enseignement général,<br />
technique et professionnel, jeunes ayant fait déjà d’autres études<br />
supérieures, entrants latéraux. Tout ce beau monde se retrouve à<br />
différents niveaux de l’enseignement supérieur et dans toutes les<br />
filières. Dans les départements de formation d’enseignants nous<br />
les retrouvons également, de plus en plus, depuis quelques années.<br />
Pour ce qui est des entrants latéraux, ce que nous avons appris<br />
jusqu’ici, c’est que les mêmes différences qu’on constate chez<br />
les jeunes étudiants, caractérisent ces candidats ayant déjà une<br />
carrière derrière eux: le bagage scolaire, le profil intellectuel, le cadre<br />
socio-culturel et économique dans lequel ils ont évolué influencent<br />
fortement leurs chances et le taux de réussite. Il est vrai qu’une<br />
plus grande maturité et une motivation très prononcée compensent<br />
parfois. Toutefois, la vie de famille, le profil psychologique, le cadre<br />
socio-économique ne rendent pas toujours facile la reprise du<br />
régime scolaire. Les autorités ont décidé de miser sur ce groupe<br />
d’entrants latéraux afin de faire face à la pénurie. Aujourd’hui,<br />
nous savons que ce n’est qu’une demi-solution. Le trajet raccourci<br />
n’est pas toujours réaliste dans la formation d’enseignants et<br />
souvent ces candidats parcourent un trajet de 3 ans, comme les<br />
autres. Leurs études sont payées, leurs frais de déplacement et<br />
de garde des enfants également. Cette aubaine attire donc pas<br />
mal de candidats. Tous ne conviennent pas forcément au métier<br />
d’enseignant. À suivre...<br />
Où sont les jeunes?<br />
Quelle est la perception qu’ont les jeunes du métier d’enseignant?<br />
Aujourd’hui, il est clair que cette perception n’est pas toujours des<br />
plus positives: manque de respect, de statut, de reconnaissance,<br />
de sécurité de travail, d’exemples qui inspirent. Aucun contrat<br />
n’accueille le/la jeune professeur(e). Souvent il/elle doit se rendre<br />
dans différentes écoles afin d’avoir un horaire complet. Les jeunes<br />
savent très bien dans quelles situations difficiles les enseignants<br />
se retrouvent au sein d’une école. Coincés entre la direction, les<br />
parents et les élèves, les enseignants voulant mener jusqu’au bout<br />
leur conviction et leur passion ont du mal et se heurtent à beaucoup<br />
d’obstacles. Ceux qui ne se battent pas ou plus ne réussissent<br />
bien entendu pas à inspirer ces jeunes, qui sont demandeurs de<br />
profils forts, qui leur servent d’exemples. Si à cela s’ajoutent des<br />
propositions faites par les politiques et qui consistent à traiter le<br />
métier d’enseignant comme un «job» qu’on peut faire de façon<br />
flexible, à côté d’un autre job, ou à «attirer» les entrants latéraux (au<br />
lieu de les sélectionner), la boucle est bouclée. Nos jeunes loups<br />
ambitieux ne s’engageront plus dans ce domaine.<br />
Encore une guerre scolaire?<br />
Pays de plusieurs guerres, entre autres scolaires, la Belgique<br />
s’est fédéralisée depuis quelque temps et la Région flamande<br />
gère son propre enseignement. Comme dans tous les pays<br />
où l’enseignement est obligatoire, mais surtout un droit, des<br />
programmes balisent l’organisation de l’enseignement par les<br />
écoles. Nous avons depuis une bonne vingtaine d’années des<br />
objectifs finaux (les «eindtermen») qui déterminent le cadre<br />
dans lequel les écoles devront travailler (voir aussi dans Profff<br />
n°28 les deux articles sur les nouveaux objectifs minimaux et<br />
finaux). Écoles qui sont payées ou subventionnées par la Région.<br />
Rien de plus évident qu’un système qui, porté par la contribution<br />
de la société, se base sur un consensus pour ce qui est du<br />
programme des écoles. La démocratisation et la qualité minimale<br />
de l’enseignement passent par là. C’est exactement ce qui s’est<br />
fait pour les objectifs finaux qui, aujourd’hui, sont «annulés» par la<br />
Cour constitutionnelle sur demande des écoles catholiques et les<br />
écoles de pédagogie Steiner. Les objectifs entraveraient la liberté<br />
d’enseignement, qui est un droit constitutionnel. Il faudrait préciser<br />
ce qu’on entend par «liberté» bien sûr. La liberté des écoles s’arrête<br />
là où il n’y a pas ou plus consensus politique ni social. Rien de cela<br />
dans ce dossier... Le parlement a approuvé... La liberté dont parlent<br />
les écoles catholiques concerne le fait que les objectifs finaux ne<br />
permettraient plus de réaliser un projet pédagogique propre. Le<br />
débat est là. Drôle de débat, car les mêmes acteurs qui ont introduit<br />
le recours à la Cour constitutionnelle étaient aussi présents dans<br />
les Commissions de développement des objectifs, les ont co-écrits<br />
et les ont approuvés. Toute cette affaire n’est pas propre à redorer le<br />
blason de l’image quelque peu ternie de notre cher enseignement.<br />
Au lieu de courir à la Cour constitutionnelle, ne serait-il pas plus<br />
sage d’investir dans de bonnes formations d’enseignants, dans<br />
du bon matériel didactique, dans un cadre confortable pour les<br />
professeurs (voir aussi le rapport de la Talenplatform dans la<br />
rubrique «Infos»)? La liberté est grande, surtout si on ose se<br />
distancier de cette course effrénée dans laquelle se retrouvent les<br />
écoles afin d’inscrire le plus possible d’élèves dans leur école.<br />
4 Profff
Profff<br />
Dans ce numéro<br />
Ne nous décourageons pas! Dans ce numéro 31 de Profff, vous<br />
lirez des articles qui vous réchaufferont le cœur, car témoins d’un<br />
engagement professionnel d’enseignants qui font leur métier avec<br />
le cœur (Rencontre, On se lance!, Bonne pratiques/Didactique).<br />
Lectures pour vous et pour eux (1er degré!) ne manquent pas au<br />
programme. Nous restons dans la sphère de l’enseignement avec<br />
le film Compagnons, où un enseignement professionnel (artisanal)<br />
exceptionnel est mis en avant. L’enseignement CLIL est au centre<br />
de l’article de Liesbeth Martens et illustré de façon très authentique<br />
par Kevin De Rijck dans le témoignage qui suit. Le duo californien<br />
«Pomplamoose» sera une découverte pour beaucoup parmi vous.<br />
Ça l’était pour moi en tout cas. La choucroute alsacienne, très<br />
connue et réputée, le sera peut-être un peu moins, mais quel plaisir<br />
de retrouver une recette authentique et l’histoire de ce plat célèbre<br />
(Pains-pépins-papilles). Dans notre rubrique «Patrimoine» deux<br />
articles: un article sur Les Compagnons du Devoir, l’initiative qui se<br />
trouve à la base du film dont il est question et un article sur Louis<br />
Ferdinand Céline qui, avec la publication posthume de ses écrits<br />
(un premier intitulé Guerre) continue à polémiser. L’œuvre de Céline<br />
nous raconte l’Europe, les guerres et le tourment d’une personne<br />
au génie littéraire. Lisez ou relisez-le, il ne vous lâchera pas et vous<br />
ne lâcherez pas.<br />
Pour finir, ne ratez pas les infos qui vous tiennent au courant des<br />
évènements qui pourraient vous intéresser.<br />
Une très belle année scolaire <strong>2022</strong>-2023 de la part de toute l’équipe!<br />
Valeria Catalano<br />
Dans ce 31e<br />
numéro de Profff<br />
Éditorial<br />
Points de vue<br />
Comment le prof de français peut<br />
contribuer au projet CLIL 06<br />
Témoignage<br />
Een verrijkend, grensverleggend en<br />
beklijvend uitwisselingsavontuur over<br />
de taalgrenzen heen! 09<br />
Lu pour vous<br />
Des romans dépaysants 13<br />
Lu pour eux<br />
Le roi du jazz:<br />
une histoire d’amitié bien particulière 16<br />
Bonnes pratiques / Didactique<br />
Pour un enseignement explicite mais<br />
intégré de la grammaire dans le premier<br />
degré de l’enseignement secondaire 18<br />
La littérature et les auteurs en classe<br />
de FLE 24<br />
Rencontre<br />
Colofon<br />
Profff<br />
Tijdschrift van Profff vzw<br />
Verantwoordelijke uitgever: Profff vzw,<br />
Iris Haentjens, iris.haentjens@telenet.be,<br />
Maaidonk 13, 9290 Uitbergen<br />
Ondernemingsnummer 0441 390 283<br />
Redactie: Valeria Catalano (eindredactie),<br />
Pascale Fierens, Joke Baele, Giedo Custers,<br />
Joëlle De Pessemier, Pascale Fierens, Daniel<br />
Leroy, Iris Haentjens, Vincent Kortleven, Jeannine<br />
Willemse<br />
Lay-out: Julia Wolff (hello@designjw.de)<br />
Publiciteit: Joke Baele (baele.joke@hotmail.com)<br />
Druk: Graphius Group<br />
Auteurs die niet behoren tot de redactie van<br />
Profff vertolken enkel hun eigen standpunt.<br />
Samir Marzouki 26<br />
Musique<br />
Pomplamoose, duo californien avec<br />
une touche française 30<br />
Cinéma<br />
Compagnons 33<br />
Patrimoine<br />
Les compagnons du devoir 35<br />
Céline: histoire d’un phénomène 37<br />
Pains, pépins et papilles<br />
La choucroute d’Alsace 43<br />
Vie de Profff<br />
Le projet FrancoForm édition <strong>2022</strong> :<br />
le séjour à Vichy 45<br />
On se lance !<br />
Le feu sacré 47<br />
5 Profff
Profff<br />
Points de vue<br />
Comment le prof de français<br />
peut contribuer au projet CLIL<br />
Liesbeth Martens<br />
Connaissez-vous des jeunes qui sont scolarisés dans une filière CLIL/EMILE 1 ? C’est-à-dire qui suivent<br />
certains cours dans une autre langue que la langue principale de scolarisation? En Flandre, il s’agit<br />
par exemple d’un cours de géographie en anglais, d’éducation physique en français ou d’économie en<br />
allemand. Peut-être que des élèves CLIL se trouvent au sein de l’établissement scolaire où vous travaillez.<br />
Peut-être même que vous les avez dans vos classes de français. Le professeur de français est-il censé<br />
adapter ses cours quand il enseigne à des élèves CLIL?<br />
Mettons-nous un instant dans la peau d’un de ces élèves,<br />
nommé – mettons – Sem. Il s’est inscrit en première année<br />
en CLIL, tout en sachant qu’il recevra des cours de – disons<br />
– histoire en français. Est-ce qu’il a fait ce choix lui-même<br />
ou ses parents l’y ont-ils un peu «poussé»? Supposons<br />
qu’il était enthousiaste lui-même et que ses parents l’ont<br />
encouragé. Il attend avec impatience ses premiers cours<br />
d’histoire; il est curieux, emballé, un peu anxieux tout de<br />
même. Comprendra-t-il le professeur et la matière? Sera-t-il<br />
capable de participer au cours? De répondre aux questions?<br />
Lors de la journée d’information, les professeurs ont<br />
rassuré Sem et ses parents: il sera bien entouré, il recevra<br />
tout le support nécessaire et l’enseignant tiendra compte<br />
du niveau des élèves. Sem est quelque peu tranquillisé. Si<br />
c’est difficile pour lui, ce sera pareil pour ses camarades.<br />
Après tout, se dit-il, les profs ne laisseront pas tomber les<br />
élèves. Et il y a encore le prof de français qui pourra les<br />
soutenir, n’est-ce pas?<br />
L’introduction de CLIL dans une école, n’est-ce pas le rêve<br />
de tout professeur de langue étrangère? En effet, pour les<br />
élèves, cela offre de plus amples possibilités de mise en<br />
pratique de la langue, vu que le temps d’exposition à la<br />
langue se prolonge. À cela s’ajoutent une augmentation<br />
du courage à prendre la parole et une stimulation de la<br />
motivation à apprendre la langue étrangère (e.a. Vlaamse<br />
Onderwijsinspectie, 2017). De plus, le français que les<br />
élèves mettront en pratique va nettement plus loin que<br />
ce qu’un simple cours de langue ne peut offrir. Du côté<br />
du professeur de langue, le CLIL offre des possibilités<br />
de professionnalisation concernant les exigences<br />
linguistiques de la discipline scolaire. Le professeur de<br />
FLE pourra étendre ses propres connaissances lexicales<br />
s’il s’ouvre à cette opportunité. Il pourra dès lors, s’il le<br />
souhaite, se pencher sur les contenus disciplinaires offerts<br />
en français, afin d’être au courant des défis que doivent<br />
relever ses élèves. Finalement, l’entrée du CLIL ouvre la<br />
voie à une collaboration transdisciplinaire où les objectifs<br />
du cours de français pourront désormais se réaliser dans<br />
d’autres disciplines également.<br />
Cependant, puisque tout n’est pas toujours rose dans la<br />
vie, il nous faut mentionner quelques possibles réfutations.<br />
Pensons au fameux courage de prendre la parole qui serait<br />
tant stimulé dans les cours CLIL. Est-ce bien le cas? Et estce<br />
si évident? Par ailleurs, cela voudrait-il dire que le cours<br />
de FLE dégénèrera en camp pénitentiaire des erreurs de<br />
langue, alors que le cours CLIL deviendra le terrain de jeu<br />
où règne l’impunité totale? De plus, est-ce que l’introduction<br />
du CLIL dans une école n’engendrera pas du travail<br />
supplémentaire pour le prof de FLE? Ce sont des questions<br />
bien légitimes.<br />
6 Profff
Profff<br />
Tout un chacun qui creuse un peu la matière, tombe sur une<br />
inconséquence indéniable. Dans les cours de langue, les<br />
élèves apprennent ce que Cummins (2000) appelle BICS:<br />
Basic Interpersonal Communication Skills. C’est-à-dire<br />
l’usage quotidien de la langue: se présenter, dire bonjour,<br />
décrire des vêtements, exprimer ses préférences, parler de<br />
ses hobbies, etc. Ces compétences sont opposées à CALP,<br />
Cognitive Academic Language Proficiency, ou bien l’usage<br />
académique de la langue, caractérisé par son abstraction,<br />
son contexte particulier et sa spécialisation. Il est clair que<br />
c’est plutôt ce langage-là qui sera privilégié dans les cours<br />
CLIL. Ce décalage entre BICS (cours de langue) et CALP<br />
(cours de la discipline) est un problème qui se manifeste<br />
surtout dans les premières années de l’enseignement<br />
secondaire. Autrement dit: là où, dans les cours de langue,<br />
l’apprentissage des élèves se situe au niveau A1 ou A2,<br />
il leur faut un niveau B1, voire B2 dans les cours de la<br />
discipline CLIL. Même si, au troisième degré, les objectifs<br />
minimaux pour le français tendent vers un niveau B2, l’écart<br />
avec la terminologie spécialisée de l’étude disciplinaire<br />
reste important. Ce fait constitue un défi tant pour les<br />
enseignants que pour les élèves.<br />
Dans la littérature sur le CLIL, peu d’attention est accordée<br />
au rôle spécifique des professeurs de langue. Dans une<br />
étude récente, Dale, Oostdam et Verspoor (2017) se sont<br />
penchés sur les contenus abordés dans les cours de langue<br />
dans un contexte CLIL. Ils ont inventorié différents types de<br />
contenus, mais sans creuser les possibilités de coopération<br />
entre profs de langue et de discipline CLIL. En 2015, Chopey<br />
a étudié les conditions, facteurs et processus favorisant ou<br />
faisant obstacle à la coopération transdisciplinaire entre<br />
prof de langue et prof de discipline CLIL. Chopey conclut<br />
que la «vraie» collaboration se situe dans ledit «espace<br />
d’intégration» (integration space), où une compréhension<br />
mutuelle et critique se cultive concernant d’une part les<br />
identités et rôles respectifs des deux profs et d’autre<br />
part leurs préoccupations communes pour les élèves<br />
CLIL. Il s’agit non seulement de veiller à ce que les élèves<br />
apprennent et utilisent la langue, mais également à ce qu’ils<br />
apprennent le contenu à travers cette langue cible. De plus,<br />
les profs aspirent à ce que leurs élèves développent tant<br />
des compétences liées à la discipline que des littératies<br />
académiques. Cet espace d’intégration collaborative<br />
permet aux enseignants de repenser, ensemble et en<br />
interaction, le développement de «plurilittératie». Ce terme<br />
occupe une place de plus en plus importante dans la<br />
littérature sur l’enseignement bilingue. Il désigne la capacité<br />
à exprimer («verbaliser») les concepts et connaissances de<br />
plusieurs disciplines dans un style approprié, en utilisant un<br />
genre adapté aux objectifs communicatifs de la discipline,<br />
et ce, en plus d’une langue (Meyer et al., 2015, p. 50).<br />
Plusieurs disciplines et plusieurs langues, donc. D’où le<br />
terme plurilittératies. Autrement dit, c’est dans cet espace<br />
d’intégration que les professeurs de la discipline et de la<br />
langue étrangère se retrouvent, chacun avec sa propre<br />
identité professionnelle et son rôle spécifique, pour réfléchir<br />
ensemble, à partir d’un sens commun de responsabilité<br />
envers les élèves, à comment développer ces plurilittératies<br />
auprès des apprenants.<br />
Pour le professeur de la langue étrangère, il s’agit là d’un<br />
véritable changement de paradigme. Son rôle n’est plus<br />
séparé des autres matières, bien au contraire. Le prof<br />
de langue devient le complice de ses collègues dans<br />
le développement des compétences académiques des<br />
apprenants. Les deux enseignants poursuivent certains<br />
objectifs communs. Pour cela, il leur faut repenser leur rôle<br />
dans le processus d’apprentissage. Il va de soi que cette<br />
nouvelle façon de collaboration favorise un apprentissage<br />
professionnel mutuel (Chopey, 2015, p. 2<strong>03</strong>-204). À y<br />
regarder de plus près, de nombreuses caractéristiques de<br />
l’approche actionnelle peuvent se retrouver dans ces idées<br />
de collaboration: les apprenants sont considérés comme<br />
«des acteurs sociaux, ayant à accomplir des tâches dans des<br />
circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un<br />
domaine d’action particulier.» (Cadre Européen Commun de<br />
Référence). Cependant, les circonstances sont différentes.<br />
Là où le prof de langue dans une situation «normale» doit<br />
chercher ou inventer un contexte pertinent pour les tâches<br />
langagières, ce même professeur dans une filière CLIL peut<br />
s’appuyer sur le contexte de la discipline CLIL. Abordons<br />
quelques exemples pour clarifier l’affaire.<br />
1. Dans le cours de français, l’apprentissage de l’impératif<br />
présent et du vocabulaire des parties du corps peut<br />
donner lieu à une tâche directement liée au cours<br />
CLIL d’éducation physique. Les apprenants travaillent<br />
en groupes de quatre, répartis en deux binômes. Les<br />
élèves du premier binôme reçoivent des photos ou une<br />
vidéo avec des exercices de fitness. Ils visent à faire<br />
exécuter ces mêmes exercices par leurs camarades<br />
du deuxième binôme, mais sans leur montrer la vidéo<br />
ni les photos. Ils doivent dès lors se servir du langage<br />
7 Profff
Profff<br />
(et donc utiliser l’impératif et les parties du corps)<br />
pour faire bouger leurs condisciples. En même temps,<br />
l’autre binôme prépare un exercice semblable. Après<br />
la préparation, chaque binôme donne ses instructions<br />
aux camarades, qui les exécutent: soit un cours de<br />
fitness au sein du cours de FLE, ou inversement.<br />
2. Pour parler du passé, il faut les temps du passé. Déjà<br />
en première année, les élèves d’un cours d’histoire<br />
donné en CLIL utilisent régulièrement l’imparfait et<br />
le passé composé. Voilà pourquoi le prof d’histoire<br />
a besoin de son collègue de langue. Pour décrire<br />
l’origine du monde et des hommes, par exemple, les<br />
apprenants se servent de la structure «il y a … années».<br />
Pas simple pour des débutants en français! Surtout<br />
pas s’il s’agit de millions et de milliards d’années.<br />
Une bonne opportunité donc pour une intégration<br />
fructueuse entre cours CLIL et cours de français.<br />
Figure 1: Dia PowerPoint présentant des structures langagières de support<br />
au cours d’histoire en français<br />
3. Encore dans le cours d’éducation physique, les<br />
élèves jouent au basket dans différentes équipes<br />
compétitives. Les scores de chaque équipe sont notés<br />
sur un panneau d’affichage dans la salle de sport. Une<br />
comparaison entre ces scores donne lieu à une tâche<br />
langagière où les apprenants mettent en pratique les<br />
acquis du cours de français en utilisant le comparatif<br />
et le superlatif. Si les profs de gym et de français se<br />
retrouvent dans l’espace d’intégration, ils planifient leurs<br />
contenus en interaction pour que les élèves en profitent<br />
au maximum. Les schémas grammaticaux du cours de<br />
FLE peuvent même s’installer dans le cours de sport.<br />
Figures 3 et 4: Pour comparer les scores des différentes équipes sportives:<br />
fiches de support pour les élèves<br />
Les exemples ci-dessus montrent comment une<br />
collaboration peut être significative. Sur le site web du<br />
projet de recherche «CLIL tot de vierde 2 », mené au sein de<br />
la haute école UCLL, l’équipe des chercheurs a publié toute<br />
une liste de recommandations pour la coopération entre<br />
profs de langue et de CLIL. Tout prof de français enseignant<br />
à des élèves en CLIL et désirant les soutenir au maximum<br />
dans leur apprentissage y trouvera une excellente source<br />
d’inspiration.<br />
Pour tirer le meilleur parti de CLIL et pour en faire un<br />
véritable succès, il faut que la collaboration entre profs de<br />
langue et de discipline passe à la vitesse supérieure. Nous<br />
le devons bien à Sem et ses camarades. Si vous êtes à la<br />
recherche de coaching gratuit pour réaliser la coopération<br />
avec votre collègue CLIL, n’hésitez pas à contacter<br />
liesbeth.martens@ucll.be. Je vous aiderai avec plaisir!<br />
1. CLIL: Content and Language Integrated Learning<br />
EMILE: l’Enseignement d’une Matière Intégré à une Langue Etrangère<br />
2. www.cliltotdevierde.be<br />
Références<br />
Chopey, M. (2015). Investigating teacher partnerships for CLIL: Developing a model for subjectcontent<br />
and language teacher pedagogic collaboration towards integration. European Doctorate<br />
at the University of Aberdeen in collaboration with UNamur. University of Aberdeen, School of<br />
Education, CLIL.<br />
Cummins, J. (2000). Language, power, and pedagogy: Bilingual children in the crossfire. Clevedon,<br />
UK: Multilingual Matters.<br />
Dale, L., Oostdam, R., & Verspoor, M. (2017). Searching for identity and focus: towards an<br />
analytical framework for language teachers in bilingual education. International Journal of<br />
Bilingual Education and Bilingualism, 21(3), 366-383. doi: 10.1080/13670050.2017.1383351<br />
Division des Politiques Linguistiques Strasbourg (2005). Cadre européen commun de référence<br />
pour les langues. Paris: Didier. ISBN 978-2-278-05813-6<br />
Vlaamse Onderwijsinspectie (2017). Twee jaar CLIL in het Vlaams secundair onderwijs: een<br />
evaluatie. [Online]<br />
Figure 2: Panneau d’affichage d’un cours d’éducation physique en français, www.onderwijsinspectie.be/sites/default/files/atoms/files/CLIL-RAPPORT%20met%20<br />
mentionnant les membres des équipes sportives et leur score total<br />
bijlagen%20-%2020170112.pdf<br />
8 Profff
Profff<br />
Témoignage<br />
Een verrijkend, grensverleggend en<br />
beklijvend uitwisselingsavontuur over de<br />
taalgrenzen heen!<br />
Kevin De Ryck<br />
Kevin de Ryck studeerde recentelijk af aan de Thomas<br />
More Hogeschool bij de opleiding Business Translation &<br />
Interpreting en aan HELHa Mons als Assistant de Direction.<br />
Kevin is een oud-leerling van de Vrije Sint-Lambertusschool<br />
Westerlo waar hij de richting Office Management &<br />
Communicatie gevolgd heeft. In die richting had hij al kunnen<br />
proeven van een 2x driedaagse uitwisseling met l’Institut<br />
Sainte-Marie Jambes. In onderstaand artikel vertelt hij met<br />
veel enthousiasme over zijn ervaringen in Mons en getuigt hij<br />
over het belang van over de taalgrens heen te durven gaan<br />
kijken!<br />
Uitzicht Mons<br />
Ondertussen is het ongeveer een jaar geleden dat ik me<br />
voorbereidde op een grensverleggend, uniek en onvergetelijk<br />
avontuur. Uitgerust met een onuitputtelijke motivatie<br />
maakte ik mijn koffers en besloot ik om de geijkte paden te<br />
verlaten door tijdens het derde jaar van mijn bachelorstudie<br />
Business Translation & Interpreting in Thomas More de<br />
uitdaging van een bidiplomering in Wallonië aan te gaan en<br />
de studie Assistant de Direction te volgen in HELHa Mons.<br />
Nooit had ik gedacht dat ik in de zuidelijke deelstaat van<br />
België maar liefst een jaar zou wonen en studeren. Angstig<br />
voor het onbekende nam ik toch deel aan het avontuur met<br />
maar één doel voor ogen: grenzen verleggen. Niet alleen<br />
wou ik de nuances van de prachtige taal van Molière beter<br />
beheersen, maar ik streefde ook een meer persoonlijke<br />
ontwikkeling na, op onder meer sociaal en zelfstandig vlak.<br />
Al sinds het middelbaar spookte het idee door mijn hoofd<br />
om aan de bidiplomering deel te nemen. Ik zie het nog<br />
glashelder voor me hoe mijn leerkracht Frans van de derde<br />
graad me destijds inspireerde om zulke uitdagingen aan<br />
te gaan. Het is immers zo, vertelde ze, dat je bepaalde<br />
vaardigheden en kennis enkel kunt verwerven in hun<br />
taalgebied en nooit op hetzelfde niveau kunt verkrijgen op<br />
school. Woorden zijn robuuste instrumenten die de kracht<br />
hebben iemands leven aanzienlijk te beïnvloeden.<br />
Die woorden zijn me namelijk steeds bijgebleven en vormden<br />
het kompas van mijn unieke traject. Het leven is bovendien<br />
te kort om niet alle mogelijke pogingen te ondernemen<br />
om de beste versie van mezelf te kunnen worden en<br />
daar is grenzen verleggen nu eenmaal onlosmakelijk aan<br />
verbonden. Hoewel de angst voor wat komen zou een jaar<br />
geleden de boventoon voerde, wist ik iets heel zeker: als ik<br />
deze kans niet grijp, betreur ik dat nog voor de rest van mijn<br />
leven.<br />
Na een stressvolle autorit van ongeveer twee uur belandde<br />
ik voor het eerst op de plek waar ik het komende jaar zou<br />
wonen. Het appartement dat ik gehuurd had, bevond zich<br />
op een steenworp van het imponerende schoolgebouw van<br />
HELHa Mons en was bestemd voor Erasmus-studenten.<br />
Toch zat ik er nog alleen. Ik herinner me nog haarscherp<br />
hoe mijn eerste lesmoment op school eruit zag: een hele<br />
voormiddag lang ingewikkelde uitleg over de volledige<br />
regelgeving rondom de stage en het eindwerk in wat voor<br />
mij toen razendsnel Frans leek. De afzondering van mijn<br />
vertrouwde omgeving in Vlaanderen, de isolatie van anderen<br />
door een naargeestige taalbarrière en de eenzaamheid<br />
in mijn appartement maakten dat de eerste weken niet<br />
eenvoudig waren.<br />
9 Profff
Profff<br />
Schoolgebouw HELHa<br />
Na enkele weken begon<br />
de situatie gelukkig<br />
te keren. Ik werd het<br />
Frans telkens machtiger<br />
waardoor ik de lessen<br />
beter kon volgen, sociaal<br />
contact eenvoudiger liep<br />
en ik me simpelweg meer<br />
thuis voelde in het Zuiden<br />
van het land. Na een<br />
maand was ik overigens<br />
niet meer alleen in mijn<br />
appartement. Ik kreeg<br />
gezelschap van onder<br />
meer een Engelse, Franse<br />
en Italiaanse huisgenoot.<br />
Wat mijn ervaring ongetwijfeld behaaglijker maakte, was<br />
mijn avondles français langue étrangère aan de universiteit<br />
van Mons, een cursus voor Erasmus-studenten om Frans<br />
te leren als anderstalige. Niet zozeer de inhoud van de<br />
cursus, die voor mij niet heel moeilijk bleek te zijn gezien<br />
mijn sterkere taalkundige vooropleidingen, maar meer het<br />
contact met andere Erasmus-studenten maakte van die<br />
cursus een vreugdevolle bezigheid. Zij begrepen beter dan<br />
wie dan ook hoe het voelt om zo’n ervaring te beleven. Er<br />
waren Italianen, Engelsen, Spanjaarden, Chinezen, Russen,<br />
Duitsers en nog zoveel meer interessante culturen.<br />
specifieke woordenschat eigen aan het domein. Woorden<br />
zoals note de bas de page, publipostage, titrisation en<br />
primogéniture behoorden niet tot mijn actief gekende<br />
woordenschat. Daardoor heb ik het positieve effect van het<br />
zogenaamde Content and Language Integrated Learning<br />
(CLIL), een taal leren door een niet-taalvak te volgen in<br />
een vreemde taal, wel aan den lijve ervaren. Na een tijd<br />
beheerste ik het Frans veel beter in dat specifieke domein<br />
omdat ik er net meermaals mee in aanraking kwam.<br />
De moeilijkheid van de anderstalige taalvakken Duits en<br />
Engels lag dan weer een stuk lager in HELHa dan in Thomas<br />
More. “Tant mieux”, dacht ik bij mezelf, want ik had mijn<br />
handen al vol met alle andere Franstalige vakken. Het vak<br />
dat mij de meeste zorgen baarde, was français des affaires,<br />
het vak Frans voor de Franstaligen zoals ik Nederlands<br />
had in Thomas More. Met veel puffen en zweten heb ik<br />
gestreden in een dappere poging om het net zo onberispelijk<br />
te doen als de Franstaligen. Een korte anekdote: in HELHa<br />
zijn de studenten verplicht om deel te nemen aan enkele<br />
certificaatexamens. Eén daarvan was le Certificat Voltaire<br />
voor het vak français des affaires, een certificaat dat je in<br />
staat stelt om te meten in welke mate je de Franse spelling<br />
beheerst. Een prestatie waar ik wel trots op ben, is dat ik als<br />
Nederlandstalige een betere score heb behaald dan al mijn<br />
Franstalige medestudenten.<br />
Tijdens het tweede semester heb ik de kans gekregen om<br />
een stage te volgen in FuturoCité, een innovatiecentrum<br />
gericht op de ontwikkeling van steden. Daar heb ik mee mijn<br />
schouders kunnen zetten onder de organisatie van Citizens<br />
of Wallonia, de grootste hackathon van Wallonië, een<br />
evenement waarbij programmeurs gedurende een weekend<br />
een oplossing uitwerken rond een bepaalde problematiek.<br />
Kevin met twee medestudenten op de avondschool<br />
Tijdens die ervaring heb ik gemerkt hoe verschillend de<br />
ervaring van een anderstalige stage ten opzichte van een<br />
anderstalige studie is. De stage en bijgevolg het gebruik<br />
van de taal is veel praktischer dan de meer theoretische<br />
schoolse context. Beide ervaringen vormen elk op hun<br />
eigen manier een waardevolle verrijking.<br />
De moeilijkheid van de lessen was erg afwisselend. Vooral<br />
in het begin voelde ik me overweldigd door alles wat op<br />
me afkwam. Zo had ik vakken zoals recht, economie en<br />
informatica in het Frans met elk een immens rijke en<br />
10 Profff
Profff<br />
Groepsfoto medestudenten van de afdeling ‘Économique’<br />
Naast de verrijking op taalkundig vlak heeft deze ervaring<br />
mij ook in staat gesteld de lokale en de Waalse cultuur veel<br />
beter te leren kennen. Toch heb ik naast alle verschillen<br />
tussen Walen en Vlamingen vooral geleerd dat, hoewel we<br />
een andere taal spreken, onze harten op hetzelfde ritme<br />
slaan en we allemaal hetzelfde nastreven in het leven:<br />
gelukkig zijn.<br />
Met al die rijke kennis en waardevolle ervaringen op zak<br />
kijk ik met dankbaarheid terug op een prachtige periode.<br />
Dankzij de uitwisseling ben ik op taalkundig, cultureel en<br />
vooral op persoonlijk vlak enorm gegroeid. Ze bestond<br />
uit zoveel mooie momenten die ik eeuwig zal koesteren,<br />
maar ook uit moeilijkere momenten die mij in staat hebben<br />
gesteld te groeien. De draagwijdte van een uitwisseling<br />
naar Wallonië op de ontwikkeling van je taal, je cultuur en<br />
vooral jezelf is niet in woorden uit te drukken. Ik raad het<br />
beklijvende avontuur van een uitwisseling naar Wallonië,<br />
dat ongetwijfeld een onuitwisbare indruk nalaat, dan ook<br />
aan iedereen met klem aan.<br />
Mons<br />
Met trots kan ik zeggen dat ik erin geslaagd ben om met<br />
grote onderscheiding af te studeren aan HELHa Mons, om<br />
mijn grenzen te verleggen, om te ontwikkelen, om angsten<br />
te overwinnen en om de kansen die het leven te bieden<br />
heeft met twee handen te grijpen. Gewapend met al die<br />
levenservaring is het tijd om de bladzijde om te slaan en de<br />
tocht verder te zetten met nieuwe avonturen aan de horizon.<br />
Groepsfoto medestudenten avondschool<br />
Kevin op de dag van de proclamatie<br />
11 Profff
A-stroom &<br />
doorstroomfinaliteit<br />
(domeinoverschrijdend)<br />
Doorstroomfinaliteit<br />
(domeingebonden)<br />
Dubbele finaliteit<br />
B-stroom<br />
www.vanin.be/frans
Profff<br />
Lu pour vous<br />
Des romans dépaysants<br />
Joëlle De Pessemier en Jeannine Willemse<br />
Qu’ils se situent en France ou à l’étranger, les romans que nous vous proposons dans ce numéro nous ont<br />
fait voyager dans l’espace et dans le temps. Bonne lecture!<br />
1<br />
555<br />
Ce roman au titre mathématique<br />
et énigmatique parle en réalité<br />
de musique et nous entraine<br />
dans le monde intrigant des<br />
collectionneurs d’art.<br />
Alors qu’il s’apprête à restaurer<br />
un vieil étui de violoncelle<br />
en bois, Grégoire Coblence,<br />
ébéniste, découvre un<br />
mince fascicule caché dans<br />
la doublure. Il s’agit d’une<br />
partition ancienne pour clavecin. Grégoire et son associé<br />
Giancarlo Albizon, un luthier renommé, se rendent chez<br />
la célèbre claveciniste Manig Terzian et lui demandent<br />
de jouer le morceau. Tous trois pensent reconnaitre une<br />
sonate de Domenico Scarlatti. Mais cette sonate ne fait<br />
pas partie des 555 sonates répertoriées du compositeur.<br />
Serait-ce une sonate inédite? À peine déchiffrée, la partition<br />
disparait aussi mystérieusement qu’elle était apparue. Cinq<br />
personnes dont l’existence est liée à l’œuvre de Scarlatti se<br />
lancent alors à la recherche du précieux fascicule. Leur vie<br />
en sera bouleversée.<br />
555 se lit comme un polar impossible à lâcher, notamment<br />
par sa construction remarquable. Les cinq «chasseurs de<br />
partition» prennent la parole à tour de rôle, et cela à 13<br />
reprises, donnant au roman un rythme alerte et captivant.<br />
D’autant plus que l’autrice y ajoute régulièrement une «voix<br />
off» qui semble diriger les opérations…<br />
Inutile d’être un grand connaisseur de musique ancienne<br />
pour apprécier pleinement ce captivant roman «musical»!<br />
Hélène Gestern, 555, Arlea, 448 p.<br />
(Grand Prix RTL-Lire Magazine littéraire <strong>2022</strong>)<br />
Les envolés<br />
Les envolés, c’est d’abord l’histoire d’un homme qui a<br />
vraiment existé et dont l’auteur a découvert, un peu par<br />
hasard, la fin tragique en visionnant des vidéos sur internet.<br />
Cet homme, c’est Franz Reichelt, jeune tailleur pour dames<br />
dans le quartier de l’Opéra, à Paris. Vers 1910, l’aviation<br />
prend son essor, mais les accidents sont nombreux. Reichelt<br />
se lance alors dans un projet fou: concevoir un parachute<br />
révolutionnaire qui s’ouvrirait instantanément et sauverait<br />
ainsi la vie de bien des pilotes. Convaincu d’avoir créé le<br />
parachute idéal, il décide de l’essayer lui-même en sautant<br />
du premier étage de la Tour Eiffel. Il convoque la presse,<br />
fait admirer son parachute, grimpe les escaliers de la Tour<br />
et, après quelques hésitations, s’élance… Pour l’auteur, les<br />
images de cet homme qui a pris son envol pour retomber<br />
aussitôt font écho à la disparition soudaine de personnes<br />
de son entourage qui, elles aussi, se sont «envolées»,<br />
laissant un grand vide dans la vie de leurs proches.<br />
Sans être un roman historique, Les envolés dresse le<br />
portrait de la Belle Époque, une période de l’histoire de<br />
France marquée par une soif débridée d’innovations, où<br />
les inventions se multiplient.<br />
Le personnage de Franz<br />
Reichelt y fait figure d’antihéros,<br />
«un homme battu<br />
d’avance, mais qui adresse<br />
un grand sourire à la caméra<br />
avant d’aller sauter. Bref, un<br />
perdant magnifique, un peu<br />
à l’image de son époque, qui<br />
court elle-même à sa perte<br />
sans en avoir conscience<br />
puisque l’épisode se situe<br />
deux ans seulement avant la<br />
Première Guerre mondiale.»<br />
2<br />
13 Profff
Profff<br />
Récit délicat et ciselé laissant percer l’empathie de l’auteur<br />
et sa douce ironie, Les Envolés s’est vu décerner le Prix<br />
Goncourt du premier roman <strong>2022</strong>.<br />
Étienne Kern, Les envolés, Gallimard, 160 p.<br />
Le Mage du Kremlin<br />
Voici un roman qu’il faut lire<br />
impérativement! La guerre qui<br />
sévit en Ukraine depuis plusieurs<br />
mois nous interpelle, nous<br />
4<br />
3<br />
La Tour<br />
On le sait d’entrée de jeu: la<br />
tour Melbourne, 4 ascenseurs,<br />
37 étages, 296 fenêtres est<br />
le fruit de l’imagination de<br />
l’autrice. Mais le quartier<br />
des Olympiades où elle<br />
est située, au cœur du<br />
Chinatown parisien, lui, existe<br />
bel et bien. Dans l’esprit<br />
de ses concepteurs, ce<br />
quartier comportant tours,<br />
espaces verts, commerces,<br />
infrastructures sportives, devait attirer des cadres<br />
supérieurs désirant se loger à des prix abordables. Mais<br />
la réalité fut autre… Longtemps restée déserte, la tour<br />
Melbourne s’est peuplée peu à peu au gré des vagues<br />
d’immigration encouragées par les politiques. Parmi ses<br />
habitants actuels, il y a la famille Truong, des boat people<br />
ayant fui le Vietnam à la fin des années 1970. Victor, le père,<br />
doit son prénom à Victor Hugo et éprouve une affection<br />
particulière pour le subjonctif imparfait. Alice, sa femme,<br />
est une fan inconditionnelle de Justin Bieber. Quant à leur<br />
fille célibataire, Anne-Maï, elle est revenue vivre avec ses<br />
parents, fuyant la solitude de son petit studio en ville. Dans<br />
cette tour où se mêlent toutes les langues et toutes les<br />
cultures, vit également Virgile, un sans-papiers sénégalais<br />
raconteur d’histoires qui squatte le parking souterrain. Ou<br />
encore Ileana, la pianiste roumaine qui gagne sa vie comme<br />
nounou, ayant abandonné sa fille et sa carrière dans son<br />
pays d’origine. Et puis, il y a Clément, originaire du Mans,<br />
obsédé par le Grand Remplacement et par le chien de<br />
Michel Houellebecq, qui habite le quartier. Dans ce premier<br />
roman foisonnant à la forme audacieuse, les destins des<br />
personnages se croisent et s’entrechoquent, traversant<br />
les lieux et les époques. Mêlant ironie, poésie, tendresse<br />
et même burlesque, Doan Bui, grand reporter à L’Obs, nous<br />
dresse le portrait sans concessions d’un Paris méconnu<br />
qui ne fait pas vraiment rêver. Mais si le propos est réaliste<br />
et sombre, l’écriture spirituelle de Doan Bui séduit dès les<br />
premières pages. Un vrai coup de cœur!<br />
choque et nous laisse perplexes.<br />
En lisant Le Mage du Kremlin, on<br />
comprend mieux l’âme russe,<br />
manipulée depuis des siècles<br />
par un pouvoir impitoyable et<br />
cynique. Le constat est glaçant.<br />
Giulano Da Empoli raconte la<br />
vie «fictive» de Vadim Baranov, un<br />
des hommes de Poutine. En réalité, il s’agit de Vladislav<br />
Sourkov, surnommé «le Raspoutine de Poutine». Le récit<br />
prend la forme d’un monologue enregistré dans une<br />
datcha, où Baranov s’est réfugié après avoir quitté les<br />
antres du pouvoir. Il s’y confie au narrateur, un universitaire<br />
occidental. Son récit couvre les années de Eltsine jusqu’à<br />
l’invasion de la Crimée. Le personnage principal n’était<br />
pas à priori destiné au pouvoir. Homme de théâtre et de<br />
télévision, Baranov est convoqué un jour au Kremlin. Là,<br />
un Poutine en pleine ascension lui promet le pouvoir et le<br />
prévient: s’il préfère gagner beaucoup d’argent, il vaut mieux<br />
qu’il reste producteur de télévision. Baranov accepte, déjà<br />
fasciné par celui qui sera vite surnommé «le Tsar». S’ensuit<br />
une description bien documentée de l’exercice du pouvoir<br />
(de plus en plus) absolu de Poutine, qui ne poursuit qu’un<br />
seul objectif: la reconquête impériale, après la débâcle du<br />
démantèlement de l’URSS. Tous les moyens sont permis:<br />
le recours à une mythologie kitch, l’infox généralisée, les<br />
incarcérations arbitraires et les liquidations politiques à<br />
grosses doses de polonium.<br />
Le Mage du Kremlin, roman prémonitoire de la guerre en<br />
Ukraine, est à la fois passionnant et instructif. Certes, il ne<br />
présage rien de bon pour l’avenir diplomatique et pacifique<br />
en Europe, mais il a le mérite de nous éclairer sur une réalité<br />
implacable.<br />
Giuliano Da Empoli, Le Mage du Kremlin, Gallimard, 288 p.<br />
Le naufrage de Venise<br />
Isabelle Autissier est une autrice dont nous avons déjà<br />
présenté plusieurs romans dans Profff. Grande navigatrice,<br />
elle a quatre tours du monde en voilier à son actif.<br />
Passionnée des océans, elle avait choisi ce décor pour<br />
L’amant de Patagonie ou le thriller haletant Soudain seuls<br />
(Profff n° 5). Également passionnée d’écologie, Isabelle<br />
Doan Bui, La Tour, Grasset, 352 p.<br />
14 Profff
Profff<br />
5 6<br />
Autissier est présidente<br />
du WWF-France depuis de<br />
nombreuses années. Dans<br />
son nouveau roman, Le<br />
Naufrage de Venise, elle<br />
lance un message d’alerte<br />
écologique.<br />
Le roman débute sur une<br />
vision apocalyptique de la<br />
ville de Venise dévastée<br />
et engloutie suite à une<br />
catastrophe tant redoutée:<br />
la grosse tempête combinée<br />
avec la haute marée (acqua alta). Il raconte ensuite ce qui<br />
a mené à ce cataclysme. Guido Malegatti, un entrepreneur<br />
ambitieux, ne jure que par l’essor économique, alimenté par<br />
le tourisme de masse. Issu d’un milieu modeste, il assure<br />
son entrée dans la cour des grands, grâce à son mariage<br />
avec Maria Alba, descendante d’une famille noble de<br />
Venise. Il devient un homme influent au sein d’instances<br />
politiques et va largement contribuer à la catastrophe<br />
écologique. Sa fille Léa, quant à elle, suit des études d’art.<br />
Elle se passionne pour les splendeurs de la Sérénissime.<br />
La période du confinement avait fait naitre l’espoir d’une<br />
prise de conscience collective pour sauver la ville. L’autrice<br />
nous rappelle que pendant la pandémie, les dauphins<br />
étaient revenus dans les eaux de la lagune. Pourtant, dès<br />
la fin du confinement, la logique commerciale se remet<br />
irrémédiablement en place. Choquée par le retour des<br />
excès de l’exploitation touristique, Léa décide de rejoindre<br />
une ZAD et signe ainsi sa séparation avec ses parents. La<br />
barque familiale des Malegatti est bien malmenée sur les<br />
eaux tumultueuses de la lagune, avant de se fracasser sur<br />
le barrage du MOSE, le système qui devait protéger Venise<br />
de la montée des eaux.<br />
Isabelle Autissier nous a de nouveau conquises par son<br />
écriture finement stylée et ses descriptions psychologiques<br />
efficaces. Dans ce roman, l’autrice veut nous faire sortir<br />
du déni. Il faut réagir et vite, dit-elle. «C’est un truc que j’ai<br />
appris en mer, la mort aux trousses. Réagir pour garantir ma<br />
survie m’a empêchée de couler.»<br />
Isabelle Autissier, Le naufrage de Venise, Stock, 266 p.<br />
Les silences<br />
d’Ogliano<br />
Il est de ces lectures d’été qui se<br />
font de préférence dans le cadre<br />
naturel où se situe l’action du<br />
roman. Les silences d’Ogliano en<br />
est un. Il nous transporte dans<br />
un petit village de montagne<br />
dans un Sud imaginaire où<br />
la splendeur des paysages<br />
contraste avec la rudesse des<br />
hommes. Le narrateur, Libéro<br />
Solimane, revient dans son village<br />
natal, de nombreuses années après le drame qui a marqué<br />
ses 17 ans. Le lecteur découvre, à travers ses souvenirs,<br />
une société féodale où les pratiques mafieuses sont<br />
monnaie courante. Des secrets enfouis depuis longtemps<br />
ont fomenté des silences pesants entre les familles. Or, rien<br />
ne peut arrêter la force du Destin.<br />
Le jour de la fête organisée pour célébrer la fin des études<br />
de Raffaele, le fils du baron Delezio, le drame éclate.<br />
Raffaele est kidnappé par un petit mafieux, las de subir le<br />
sort des gens pauvres. Libéro surprend les ravisseurs et<br />
vient en aide à Raffaele, son ami. Le drame de l’enlèvement<br />
permettra de révéler les secrets transmis de génération<br />
en génération. Il aura aussi un profond impact sur la vie<br />
personnelle du jeune adolescent.<br />
L’Antigone de Sophocle n’est jamais bien loin dans ce roman<br />
aux allures de tragédie grecque. Et l’on est pris de pitié<br />
pour ces personnages luttant contre le Destin qui vient les<br />
frapper impitoyablement. Tous, bons et méchants, aspirent<br />
à un monde meilleur. Mais tétanisés face aux traditions<br />
ancestrales, ils sont entrainés, tels des héros tragiques,<br />
vers leur sort. Du pur plaisir!<br />
Elena Piacentini, Les Silences d’Ogliano, Actes Sud 204 p.<br />
15 Profff
Profff<br />
Lu pour eux<br />
Le roi du jazz: une histoire<br />
d’amitié bien particulière<br />
Joke Baele<br />
Le livre Le roi du jazz nous parle de deux meilleurs amis, Léon et Noël qui sont passionnés par la musique,<br />
particulièrement par la trompette. Les deux veulent devenir trompettistes de jazz professionnels, devenir<br />
roi du jazz. Cette passion les unit, même si beaucoup de choses les distinguent.<br />
Un but commun mais deux voies séparées<br />
L’histoire se déroule dans la ville de Nouvelle-Orléans, au début du vingtième<br />
siècle. Le contexte culturel ne permettra pas aux deux garçons d’origine<br />
différente de faire leur vie ensemble et de pouvoir accomplir leurs rêves<br />
ensemble comme ils le veulent tant. À ce moment-là, les habitants noirs<br />
de la ville (et des États-Unis) n’ont pas les mêmes droits que les blancs. Le<br />
racisme est très présent dans la vie quotidienne.<br />
Et en classe?<br />
Le bleu est la couleur qu’ils ont en commun. C’est la couleur de leur<br />
sentiment intérieur. C’est la couleur de leur sentiment interne comme de<br />
l’extérieur c’est leur point de différence.<br />
Malheureusement, à l’anniversaire de Noël, les chemins se séparent suite à<br />
ce qui s’avérera plus tard être un malentendu. Les garçons grandissent et<br />
se retrouvent plus tard malgré les défis qu’ils ont vécus.<br />
L’auteur<br />
Alain Gerber était professeur de philosophie avant de devenir journaliste et<br />
écrivain. Les thèmes de société sont récurrents dans ses textes. Il partage<br />
une passion avec les personnages de son livre: le jazz. Il publie également<br />
des critiques et des essais sur le jazz. Pour l’ensemble de son œuvre, il a<br />
reçu le Grand Prix du roman de la ville de Paris.<br />
Le livre est très accessible aux élèves du premier degré ou début deuxième degré. Le vocabulaire n’est pas compliqué et<br />
le langage est abordable. Les discussions sur les hobbies, les instruments de musique et surtout le racisme sont toujours<br />
très actuelles. Dans le livre, il y a plusieurs exemples concrets qui montrent les souffrances de Léon d’une part et la vie<br />
plus aisée de Noël.<br />
Pour l’exploitation en classe, ne manquez pas de lire l’article sur «La littérature et les auteurs en classe de FLE», dans ce<br />
numéro de Profff. ll pourra vous inspirer!<br />
Alain Gerber, Le roi du jazz, Bayard Jeunesse (2017), 80 p.<br />
16 Profff
Défi<br />
Lesmethode voor (jong)volwassenen<br />
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SPREEKOEFENINGEN<br />
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Profff<br />
Bonnes pratiques / Didactique<br />
Pour un enseignement explicite mais<br />
intégré de la grammaire dans le premier<br />
degré de l’enseignement secondaire<br />
Valeria Catalano<br />
«Il ne faut pas faire de la grammaire, il faut communiquer grâce à la grammaire!»<br />
Dans le cadre d’un travail de fin d’études menant au diplôme de bachelier éducatif dans l’enseignement secondaire,<br />
Arnaud Debevere, étudiant à la Hogeschool PXL, s’est penché sur le difficile problème de la place de la grammaire et de<br />
son enseignement dans le premier degré du secondaire. Comment l’enseigner? Dans la langue cible? Est-ce possible? Ou<br />
faut-il recourir à la langue maternelle? Faut-il passer par l’induction ou par la déduction? Faire un enseignement implicite<br />
ou explicite? Arnaud, pour sa part, s’est posé les questions importantes pour ensuite tenter de mettre en pratique les<br />
recommandations didactiques qu’il a analysées dans la littérature. Il s’est confronté au paradoxe que nous constatons<br />
dans les écoles secondaires quant à l’enseignement de la grammaire: les professeurs consacrent beaucoup de temps à<br />
l’enseignement de la grammaire, mais les résultats sont de plus en plus décevants. Comment expliquer cette situation?<br />
Comment aider les professeurs à sortir de l’impasse? Bilan d’une recherche et d’une mise en pratique intéressantes.<br />
D’où vient le paradoxe?<br />
Bien que la grammaire occupe une<br />
place importante aussi bien dans les<br />
manuels pour le premier degré que<br />
dans la pratique de classe, force est<br />
de constater que la maitrise de cette<br />
grammaire, à la fin de l’école secondaire,<br />
est en baisse permanente et ce depuis<br />
belle lurette (Isabelle Peeters, 2020).<br />
Selon Isabelle Peeters, professeur de<br />
linguistique à la KUL, cela s’expliquerait<br />
en partie par les grands changements<br />
en didactique qui ont passé la revue ces<br />
dernières décennies. Tout en donnant<br />
son importance à la grammaire, les<br />
professeurs essaient de la transmettre<br />
de façon implicite, intégrée dans une<br />
approche communicative et actionnelle,<br />
où le sens a plus d’importance que la<br />
forme. En entrainant moins la forme, les<br />
erreurs et les insécurités s’accumulent…<br />
et se fixent. Comme la grammaire est<br />
répartie en fonction des thèmes abordés<br />
18 Profff
Profff<br />
et des besoins communicatifs qui en découlent, les élèves ont une vision fragmentée du système de la langue. Dans sa<br />
conclusion, Isabelle Peeters prône une approche plus explicite de la grammaire lorsque celle-ci est nécessaire dans un<br />
besoin communicatif.<br />
Arnaud Debevere s’est souvent référé au manuel Adomania pour le 1er degré (2019, Averbode/Hachette) et au guide du<br />
professeur qui l’accompagne (Catalano V., Handleiding Adomania, 2019) pour remarquer que les auteurs de la méthode<br />
essaient de combiner systématiquement le travail sur le sens et sur la forme. Vouloir aller trop vite et courir vers la<br />
production communicative libre et créative, empêche de fixer les savoirs et les savoir-faire linguistiques. Le tout est,<br />
dans un premier temps, d’intégrer ces savoirs et savoir-faire linguistiques dans des contextes puissants (enseignement<br />
explicite + approche inductive), de donner une place à la réflexion, de travailler la réception, puis de fixer la production de<br />
segments du discours dans des micro-situations. Ce n’est qu’après ce travail que les élèves entrainent les compétences<br />
communicatives pour s’engager ensuite sur la voie de la tâche.<br />
Sinds enkele decennia ondergaat het onderwijs in het algemeen maar ook het onderwijs vreemde taal een sterke evolutie.<br />
Het traditionele aanbod van (literaire) teksten, grammatica, woordenschat en spelling uit het verleden werd vervangen door<br />
functionele, communicatieve contexten die de leerling moeten leren zichzelf uit te drukken, schriftelijk en mondeling, in<br />
wat men relevante situaties noemt (‘dagelijkse situaties’ die ‘aansluiten’ bij ‘het leven van de jongere ...’) en die hem/haar<br />
moeten in staat stellen met anderen te communiceren. Dat betekent dat we in functie van de communicatieve situaties<br />
kenniselementen aanbieden. Dat geeft wat opbouw en coherentie betreft wel een probleem. De kenniselementen worden<br />
over het hele parcours verspreid en versnipperd. Het overzicht is weg en leerlingen studeren niet meer systematisch de<br />
grammatica en de woordenschat. De spreidstand die hier gemaakt werd en wordt is nog steeds gaande. Want welke inhouden<br />
zijn er dan? Waarover communiceren we? En hoe komen we tot die communicatie? (Handleiding Adomania 1, p.17)<br />
Arnaud Debevere ajoute: «Une autre explication, basée sur l’histoire des méthodologies, est que le/la professeur(e) aurait<br />
du mal à se retrouver dans les différentes approches des dernières décennies. Il/Elle aurait tendance à mélanger différentes<br />
approches dans une même situation d’enseignement (Fougerouse, 2001). Recourant souvent à la traduction et à l’utilisation<br />
de la langue maternelle, alternant déduction et induction, l’enseignant se perd régulièrement dans l’offre fragmentée des<br />
éléments de grammaire et dans la place à donner à l’évaluation de cette grammaire (Catalano, <strong>2022</strong>). Ainsi, il se retrouve dans<br />
une situation d’insécurité et ne sait plus comment atteindre les objectifs fixés. Cela engendre un manque de structure, claire<br />
et nécessaire pour l’élève dans une perspective cognitiviste où on suppose que l’élève construit lui-même son enseignement»<br />
(Debevere, Bachelorproef, <strong>2022</strong>).<br />
Het lijdt geen twijfel dat de kenniselementen (grammatica, woordenschat, spelling, uitspraak) hierdoor op de achtergrond<br />
komen en dat men, door te snel naar de communicatie over te gaan, de leerling in een weinig comfortabele positie duwt. Want<br />
als de woorden niet voldoende verankerd worden, kunnen we niet communiceren. Als we de woorden niet met elkaar kunnen<br />
verbinden (zinsbouw) en ze niet kunnen uitspreken (fonetiek) zijn er geen zinnen of verstaanbare boodschappen en komen<br />
we niet ver. Als we daarenboven de andere niet verstaan omdat hij/zij het woord anders uitspreekt dan dat wat wij geleerd<br />
of onthouden hebben, blokkeert de communicatie. We zien dan ook dat leerlingen vandaag niet beter communiceren dan<br />
vroeger en bovendien een dramatisch gebrek aan kennis hebben. Het verhaal van het kind en het badwater... Leerlingen zijn<br />
bijgevolg onzeker, zien door de bomen het bos niet meer en... haken te vaak af. (Handleiding Adomania 1, p. 17)<br />
Le malaise dont il est question ici pourrait (partiellement) être résolu en explicitant les caractéristiques et les points de<br />
vue des approches qui sont en vigueur aujourd’hui. Ainsi, il serait bien de donner des exemples concrets aux professeurs<br />
sur la façon d’enseigner des éléments grammaticaux de façon explicite et structurée, tout en respectant les objectifs des<br />
approches communicative et actionnelle.<br />
19 Profff
Profff<br />
La difficulté à étudier la grammaire en tant qu’ensemble cohérent est inhérente à la place qui lui est donnée dans les manuels<br />
scolaires. En effet, ce sont le manuel ou le matériel didactique utilisés qui déterminent le choix des items grammaticaux.<br />
Le/La professeur(e) a la tâche (difficile) de voir et de combler les lacunes du matériel didactique, tout en exploitant le cadre<br />
méthodologique proposé.<br />
Les recommandations: langue cible - enseignement explicite - approche inductive/déductive -<br />
intégration<br />
Dans les recommandations qu’il énumère dans son texte, Arnaud Debevere insiste sur l’utilisation de la langue cible, aussi pour<br />
l’enseignement de la grammaire. Il souligne que les programmes sont clairs quant à l’utilisation de la langue cible et il cite un<br />
passage tiré d’une étude faite par Camille Dahrib: «Un des objectifs fondamentaux de l’enseignement des langues étrangères<br />
est l’emploi de la langue cible, et ce, d’une part, par les élèves, pour qu’ils soient capables de communiquer dans des contextes<br />
quotidiens, et d’autre part, par le professeur, pour donner vie à cette langue et pour exposer le plus possible les élèves à cette<br />
langue cible. Ceci leur permet de repérer et de reproduire des sons, des mots, des structures, de faire des liens, de remarquer les<br />
différences et les similarités avec leur propre langue et de créer des repères pour améliorer leur propre expression orale.» (Dahrib,<br />
Bachelorproef, Hogeschool PXL, 2018). Il est important d’ajouter que les moments de médiation (voir plus loin) offrent des<br />
moments de repos et rassurent les élèves.<br />
Ensuite, il est important d’intégrer systématiquement la grammaire dans l’entrainement des compétences (l’écoute, la production<br />
orale, l’interaction, la lecture, l’expression écrite) et donc d’évaluer la grammaire de façon intégrée. Cela signifie qu’un contrôle ou<br />
qu’une interrogation qui focalisent uniquement sur les éléments isolés de la grammaire sont certes nécessaires, mais ne peuvent<br />
constituer l’évaluation finale de l’élève quant à sa maitrise de la grammaire.<br />
Dans la série de leçons qu’Arnaud a élaborées, il intègre ces recommandations. Pour ce qui est de l’approche inductive, il<br />
montre qu’elle est combinable avec l’approche déductive à condition qu’il soit tenu compte de la situation initiale et de la phase<br />
d’apprentissage dans laquelle se trouvent les élèves: induction lors de la découverte, déduction lors de la récapitulation.<br />
Le trajet proposé<br />
Afin de visualiser le trajet qu’il a parcouru dans l’élaboration du matériel<br />
et l’exécution de sa leçon, Arnaud propose le schéma reproduit cidessous.<br />
On voit qu’il prévoit une phase «structurelle» (enseignement<br />
explicite/approche inductive), une phase «communicative» et une phase<br />
«actionnelle». Le tout est emballé dans un contexte précis, soutenu par<br />
des documents puissants et inspirants. Son trajet permet de focaliser<br />
sur la forme, elle-même véhiculée par le contexte, puis de passer aux<br />
compétences communicatives pour finalement déboucher sur la tâche<br />
finale.<br />
Le matériel développé<br />
Riche de ses lectures, réflexions et interrogations, Arnaud s’est mis à développer son matériel. Matériel qu’il a testé (partiellement)<br />
dans quelques classes du premier degré de l’école secondaire Campus het Spoor à Mol, où il a fait son stage. Il a créé des<br />
fiches pour six leçons et prévu à chaque fois une fiche pour l’élève et une fiche pour l’enseignant. Le thème central est inclus<br />
dans la chanson de Céphaz, «On a mangé le soleil» (voir sur YouTube www.youtube.com/watch?v=rq_8joarOjY ) et porte sur la<br />
surconsommation. Vous trouverez les fiches sur le site de Profff. Les six fiches font partie d’un seul trajet. En voici quelques<br />
extraits:<br />
20 Profff
Profff<br />
À cette première page, les thèmes, le public, la durée et le nombre de leçons sont explicitées. Le cadre général est donné. Le<br />
document «puissant» est la chanson de Céphaz.<br />
Ici, on voit qu’on travaille d’abord le sens des mots et des concepts, nécessaires à la compréhension de la chanson qui sera,<br />
après, exploitée en vue de l’élément grammatical.<br />
21 Profff
Profff<br />
Ici, on voit clairement qu’après une série d’étapes parcourues, on<br />
soumet un récapitulatif à l’élève qui recourt à la déduction et aux<br />
stratégies d’apprentissage. L’intérêt consiste en la visualisation de<br />
la théorie.<br />
L’idée du matériel est d’arriver à faire face au paradoxe de la<br />
grammaire décrit par Isabelle Peeters. De présenter la brique<br />
grammaticale de façon explicite et inductive en partant d’un thème<br />
et un contexte fort pour soutenir le sujet grammatical et lui donner<br />
du sens. De créer un besoin de communication et d’entrainer la<br />
compréhension et la production orale et écrite ainsi que l’interaction<br />
orale et écrite.<br />
La pratique de classe: évaluation<br />
Arnaud a eu l’occasion de tester les leçons «modèles» dans<br />
deux classes de première année à Campus het Spoor, à Mol.<br />
Avec ses élèves, il a fait les différentes activités et est arrivé à la<br />
conceptualisation de la formation du passé composé avec «avoir».<br />
Le premier objectif du cours était d’enthousiasmer et de motiver<br />
les élèves. Cet objectif-là a été atteint. Les atouts de la fiche<br />
didactique sont, entre autres, les documents, le contexte et la<br />
thématique exploités. Céphaz est un artiste français qui chante<br />
avec le sourire. Ses chansons nous rendent instantanément de bonne humeur. Dans sa chanson «On a mangé le soleil»,<br />
Céphaz dénonce la surconsommation, l’appétit insatiable de l’homme. L’énergie positive que le chanteur dégage est<br />
motivante et la thématique donne envie aux élèves de comprendre et d’en parler. Les élèves étaient motivés et voulaient<br />
participer au cours. Le premier visionnement du clip de Céphaz, sans son, les a rendus curieux. Ils voulaient partager leur<br />
avis, formuler une hypothèse et répondre aux questions, malgré́ le fait qu’ils devaient le faire en français. Le deuxième<br />
visionnement les a rendus joyeux. Certains élèves fredonnaient durant la chanson. Durant le bingo, les élèves écoutaient<br />
activement et voulaient à tout prix gagner.<br />
Les élèves ont souvent eu recours à la médiation. La plupart des activités ont été faites à deux, et les élèves se sont<br />
entraidés pour les accomplir. Ils se sont corrigés et se sont aidés à mieux comprendre. Dans ce premier degré, il est tout<br />
à fait possible de donner l’occasion aux élèves de le faire dans leur langue maternelle. Il s’agit de courts moments et le<br />
professeur reformule systématiquement en français. Arnaud et les élèves se sont régulièrement arrêtés pour une mise<br />
en commun. Les élèves ont raconté ce qu’ils avaient compris de la chanson et de l’article. Ils ont expliqué la formation<br />
du passé récent, du futur proche et du passé composé, ainsi que l’emploi des prépositions de lieu. Cela leur a permis de<br />
réfléchir au sens des documents et à la forme de la conjugaison des verbes.<br />
Arnaud souligne que le développement de ce matériel prend beaucoup de temps et qu’il est impossible de le faire pour<br />
chaque item grammatical, vu le nombre d’heures que les professeurs ont au programme et le travail de préparation qui<br />
s’impose pour organiser les cours. L’objectif de sa démarche était plutôt de tester le trajet qu’il a pensé et concrétisé. Le/La<br />
professeure pourra, à partir du matériel qu’il/elle a à sa disposition, dessiner et prévoir un parcours basé sur les principes<br />
préconisés.<br />
Bien que le nombre de leçons qui ont été données soit limité, la mise en pratique de la fiche didactique a permis de<br />
montrer que le parcours proposé est possible et confirme l’importance des différents éléments de la fiche didactique.<br />
22 Profff
Profff<br />
Ainsi, on constate que la langue cible n’est pas un obstacle dans l’enseignement de la grammaire, que les approches<br />
inductives et déductives ne s’excluent pas, à condition de les prévoir au bon moment, que les contextes forts sont très<br />
importants et que, finalement, une grammaire explicite est non seulement possible mais aussi nécessaire. Arnaud conclut:<br />
«L’induction de la grammaire a l’avantage de faciliter l’apprentissage de la grammaire, même en langue cible, car elle rend<br />
obsolète une explication trop théorique. L’élève découvre la règle, ce qui rend la conceptualisation plus aisée. De plus, les<br />
élèves ont découvert un artiste francophone et un monde francophone (radio francophone et pays d’Afrique francophones).<br />
Ils ont aussi parlé d’un gros problème actuel : la surconsommation. Nous avons donc à la fois fait de la culture, travaillé la<br />
compétence clé́ qui vise la citoyenneté́, entrainé les compétences communicatives et acquis des savoirs. Le tout… en parlant<br />
et en communiquant en français.»<br />
www.didierfle.com/edito<strong>2022</strong><br />
Découvrez la nouvelle version d'Edito !<br />
Nouvelle maquette, nouvelles rubriques et nouveaux documents<br />
S’immerger dans le français de la vie quotidienne<br />
Entrer dans le niveau A1 de façon progressive sur 10 unités<br />
Améliorer l’ancrage des acquis<br />
Optimiser la mémorisation du lexique<br />
Comprendre le fonctionnement de la langue grâce à un apprentissage guidé de la grammaire<br />
Travailler la compétence de médiation avec un « atelier-médiation » dans chaque unité<br />
Favoriser l’immersion<br />
23 Profff
Profff<br />
Bonnes pratiques<br />
La littérature et les auteurs en<br />
classe de FLE<br />
Valeria Catalano<br />
Nous répétons souvent cette question: comment stimuler le plaisir de lire? Comment mettre en contact nos élèves avec la<br />
littérature et/ou avec des auteurs contemporains, qu’ils peuvent vraiment rencontrer (physiquement ou en ligne)? Nicolas<br />
Ancion, auteur belge vivant en France 1 s’engage, pour sa part, à entrer en contact avec de jeunes apprenants de français langue<br />
étrangère et à échanger avec eux. Ainsi, il se rend dans différentes écoles, en Wallonie, en Flandre et ailleurs, afin de mettre sur<br />
pied, avec les professeurs des écoles, un projet intéressant, collaboratif, qui exploitera les talents parfois très différents des élèves.<br />
Nous vous présentons, dans cet article, un projet en particulier. Chaque année, l’auteur liégeois se rend à Heule, à l’école Spes<br />
Nostra, où il rencontre des élèves de la 3e année de l’enseignement général et leur professeur Griet Depoortere. Chronique d’un<br />
projet inspirant qui offre du concret tout en visant une dimension plus abstraite, celle de la sensibilisation littéraire.<br />
Nicolas Ancion<br />
Griet Depoortere<br />
Avant de rencontrer l’auteur dont ils ont lu un texte (roman, nouvelle), les élèves parcourent tout un trajet avec leur<br />
professeur. En effet, Griet structure rigoureusement ce travail et le répartit sur plusieurs cours. L’objectif, c’est de les<br />
mettre au travail, de les impliquer de différentes façons et de les rendre autonomes dans l’élaboration des tâches qui leur<br />
sont soumises. Le contexte authentique, offert tant par le texte en question que par la visite de l’auteur, est stimulant et<br />
offre pas mal de possibilités didactiques: la lecture du texte, l’expression écrite, l’interaction à l’oral, la tâche créative qui<br />
sera présentée à l’auteur, autant d’activités qui enrichissent l’expérience de lecture et qui correspondent parfaitement aux<br />
objectifs visés par les programmes. Voici le trajet que Griet Depoortere propose à ses élèves:<br />
• La création d’un horizon d’attente (formuler des hypothèses, inventer une intrigue, comparer son histoire au texte sur<br />
la quatrième de couverture...)<br />
• Lecture à domicile et tâche personnelle:<br />
• Griet propose par exemple de visualiser la tension ressentie par les<br />
élèves pendant la lecture sous forme d’une courbe qui traverse les<br />
différents chapitres tout en leur demandant d’y ajouter les pages en<br />
question. Elle évalue cette tâche en donnant un score si la tâche a<br />
complètement été effectuée.<br />
• Les élèves sont invités à sélectionner des passages drôles,<br />
humoristiques, de les noter ainsi que la page où ils se trouvent.<br />
1. Voir les informations sur Nicolas Ancion sur www.liege-lettres.be/nicolas-ancion<br />
Nicolas Ancion échange avec les élèves<br />
24 Profff
Profff<br />
• Après la lecture: inventer un titre pour chaque chapitre. L’évaluation<br />
porte aussi bien sur l’originalité (garder le suspens, dépasser<br />
le niveau purement descriptif, respecter le contenu) que sur la<br />
langue.<br />
• Tâche créative en groupe: afin de stimuler l’autonomie des élèves<br />
et de faire appel à leurs différents talents, les élèves ont le choix<br />
entre plusieurs tâches et les groupes sont formés en fonction de<br />
ces choix:<br />
• Dessiner: couverture, chapitre, BD, diorama, théâtre de<br />
marionnettes, jeu de société<br />
• Filmer, jouer: scène, adaptation d’une scène, journal télévisé<br />
• Écrire: roman-photo, réécrire un chapitre, poème, haïku, journal, quiz<br />
• Parler: interview avec l’auteur en ligne ou en classe<br />
Pour chacune des tâches, Griet développe une fiche de travail qui précise<br />
la méthode de travail, le planning et quel matériel il faudra prévoir (vous<br />
trouverez les fiches en question sur le site de Profff). Elle prévoit également<br />
des grilles d’évaluation très élaborées avec des critères qui se rapportent<br />
aux différents objectifs de chaque tâche. L’objectif final consiste à présenter<br />
le travail à l’auteur. Cette présentation sera également préparée en classe et Griet joue alors le rôle de l’auteur. Dans chaque<br />
groupe, d’autres compétences communicatives et créatives seront mises en avant. Tous, ils devront prendre la parole et<br />
s’adresser à l’auteur.<br />
Le résultat de tout ce travail est impressionnant. Nicolas Ancion raconte lui-même que, lors de ces séances, il constate<br />
régulièrement que les élèves connaissent mieux la trame de ses histoires que lui-même! Voici quelques images qui<br />
montrent quelques réalisations des élèves.<br />
Ce projet peut se faire de différentes façons, mais demande une bonne préparation et une réflexion quant à l’évaluation<br />
des différentes étapes. Laissez-vous-en inspirer et lancez-vous à votre tour!<br />
25 Profff
Profff<br />
Rencontre<br />
Samir Marzouki<br />
Giedo Custers<br />
Depuis des années, dans le cadre de la FIPF, je<br />
connais Samir Marzouki, professeur émérite,<br />
écrivain, poète et actuellement vice-président de la<br />
FIPF. Homme érudit, pendant la période du Covid,<br />
il nous a fait le plaisir d’animer une conférence en<br />
ligne au sujet de la littérature magrébine. Il était<br />
donc grand temps d’avoir une rencontre avec lui.<br />
Pouvez-vous vous présenter?<br />
Je m’appelle Samir Marzouki et j’ai 71 ans. Je suis tunisien.<br />
Je suis professeur émérite de littérature française et<br />
francophone à l’Université de Manouba à Tunis. Durant une<br />
carrière de 47 ans, outre l’enseignement et la recherche,<br />
j’ai été directeur général de l’enseignement supérieur au<br />
ministère tunisien de l’Enseignement supérieur et de la<br />
Recherche scientifique, directeur<br />
de l’École normale supérieure<br />
de Tunis, directeur de l’Institut<br />
supérieur de l’éducation et de la<br />
formation continue de l’Université<br />
virtuelle de Tunisie, directeur de<br />
l’Éducation et de la Formation,<br />
puis directeur de l’Observatoire<br />
mondial de la langue française à<br />
l’Organisation internationale de la<br />
Francophonie, membre du conseil<br />
d’administration de l’Agence<br />
universitaire de la Francophonie.<br />
J’ai fondé, en 1989, l’Association<br />
tunisienne pour la pédagogie du<br />
français que je préside depuis<br />
quelques années et j’ai été élu<br />
vice-président de la FIPF lors<br />
du dernier congrès mondial de<br />
la Fédération. J’ai également<br />
été, durant deux mandats,<br />
président de la Commission<br />
du monde arabe de la FIPF. Je<br />
suis aussi écrivain bilingue, poète, nouvelliste et auteur<br />
d’ouvrages jeunesse. J’anime, depuis 1983, une émission<br />
hebdomadaire littéraire sur les ondes de la chaine<br />
internationale de Radio Tunis. En tant que chercheur<br />
universitaire, j’ai publié une vingtaine d’ouvrages et plus<br />
de 200 articles sur la littérature française, contemporaine<br />
et médiévale, la littérature francophone, la littérature<br />
comparée, la traduction, la francophonie. Bref, j’ai une vie<br />
bien remplie et je suis reconnu par mes pairs, chez moi et<br />
dans le monde francophone.<br />
Vous avez un parcours important au service<br />
de la langue française. D’où vient cet intérêt?<br />
Quelles sont les réalisations dont vous êtes<br />
fier?<br />
La langue française est la deuxième langue employée en<br />
Tunisie avec l’arabe, première langue dans ses variétés<br />
savante et dialectale. Je l’ai apprise dès la troisième année<br />
du primaire et ne l’ai plus quittée depuis. Mon intérêt pour<br />
cette langue est l’œuvre de mes enseignants tunisiens et<br />
français, au primaire, au secondaire et dans le supérieur<br />
ainsi que de mes lectures. Je lisais, très jeune, tout ce<br />
qui me tombait sous la main: bandes dessinées, romans,<br />
recueils de poèmes, journaux et j’écoutais les chansons<br />
françaises sur la chaine internationale de Radio Tunis,<br />
la chaine où j’anime une émission littéraire en français<br />
depuis janvier 1983.<br />
C’est vrai que j’ai beaucoup contribué à la diffusion du<br />
français, dans mon pays et dans le monde, mais ce dont je<br />
26 Profff
Profff<br />
suis particulièrement fier, c’est ma contribution à la réforme<br />
du français sous le ministère de feu Mohamed Charfi, mon<br />
travail associatif au sein de l’association tunisienne que<br />
je préside et aussi au service de la FIPF, de même que je<br />
me sens comblé d’avoir donné à mon pays des centaines<br />
d’excellents enseignants de français, bien formés et<br />
dévoués à leur métier. Je n’ai pas honte non plus du travail<br />
que j’ai accompli au sein de l’Organisation internationale<br />
de la Francophonie ou de l’Agence universitaire de la<br />
Francophonie.<br />
Quelle est la situation de la langue française dans<br />
votre pays? Dans votre région? Quelle évolution<br />
voyez-vous?<br />
Cette question suscite une réponse nuancée, car la situation<br />
de la langue française est, elle aussi, très contrastée.<br />
Globalement, en Tunisie et sans doute même dans l’ensemble<br />
du Maghreb, y compris en Algérie où des voix hostiles au<br />
français se font de plus en plus entendre, il y a une élite<br />
très francophone, celle des élèves des lycées prestigieux<br />
et des grandes écoles et une masse peu francophone,<br />
celle des écoles publiques ordinaires où l’enseignement du<br />
français, tout en étant obligatoire et plutôt précoce, souffre<br />
d’immenses difficultés dues principalement au niveau<br />
général très médiocre des enseignants. Cela est dû à<br />
plusieurs raisons sur lesquelles j’ai déjà publié de nombreux<br />
articles et que je ne peux résumer en quelques mots. S’il<br />
y a une évolution à prévoir, ce serait malheureusement<br />
l’accentuation de cette dichotomie, mais, pour quelques<br />
dizaines d’années encore, compte tenu des raisons<br />
objectives que sont le flux des échanges commerciaux<br />
entre le Maghreb, la France et les pays francophones,<br />
la proximité géographique entre le Maghreb et l’Europe,<br />
l’existence d’une importante communauté magrébine en<br />
Europe et l’alimentation constante de l’économie française<br />
par les élites magrébines excellemment formées en<br />
Europe et au Maghreb, le français est appelé à demeurer la<br />
deuxième langue du Maghreb.<br />
En plus de vos activités professionnelles, vous<br />
êtes écrivain, poète. Vous écrivez aussi bien en<br />
arabe qu’en français. D’où provient ce choix?<br />
Je suis fils d’une famille érudite. Mon père, M’hamed<br />
Marzouki, était un chercheur et un grand écrivain tunisien<br />
très connu, spécialiste de littérature populaire, historien,<br />
mais aussi poète, nouvelliste, dramaturge, auteur de<br />
scénarios de films, homme de radio et journaliste, mais<br />
exclusivement arabophone. L’usage de l’arabe dans mon<br />
écriture littéraire est une sorte d’héritage naturel. J’ai<br />
écrit mon premier poème en arabe à l’âge de huit ans et<br />
le premier livre que j’ai publié est arabophone. Le français<br />
s’est imposé plus tard, assez vite, avec les études et il fut<br />
aussi nécessaire que l’avait été l’arabe. En cela, ma carrière<br />
d’écrivain ne diffère pas beaucoup de celles de beaucoup<br />
d’auteurs compatriotes, bilingues en raison de la situation<br />
linguistique du pays, mais aussi par choix, par conviction,<br />
pour ne pas abandonner un pan de leur culture et je dirais<br />
même de leur identité.<br />
Y a-t-il une différence entre vos écrits en arabe<br />
et en français?<br />
Oui et non. Non parce que, quelle que soit la langue<br />
employée, l’écrivain est la même personne et que,<br />
globalement, son univers propre, celui qui se reflète dans<br />
ses œuvres est le même. Non parce que, chaque fois qu’il<br />
écrit dans une de ces deux langues, il s’adresse à un public<br />
différent. Il y a une complicité culturelle différente à chaque<br />
fois; les clins d’œil, les allusions ne reposent pas sur les<br />
mêmes connaissances communes. Du reste, c’est encore<br />
plus compliqué par le fait que j’écris en arabe classique<br />
et en arabe tunisien, deux langues dont l’une est issue de<br />
l’autre, mais qui sont différentes dans leurs références et<br />
leurs connotations. À chaque texte donc, selon la langue<br />
adoptée, les enjeux scripturaux changent. Mes textes en<br />
arabe sont par exemple plus virulents, plus critiques, plus<br />
ironiques que mes textes en français (qui aime bien châtie<br />
bien). Cependant, ce n’est pas vraiment un choix que je<br />
fais, chaque texte nait dans une langue particulière et je<br />
ne perçois cette langue qu’à la naissance du texte. Vivant<br />
à Tunis, j’ai surtout écrit en français, mais, ayant vécu<br />
longtemps à Clermont-Ferrand puis à Paris, je m’y suis<br />
surpris à écrire en arabe et aussi en français.<br />
27 Profff
Profff<br />
l’originalité profonde des êtres. J’y ai beaucoup de grands<br />
amis, des amis très proches. À présent, je suis lié à jamais<br />
à la Belgique, car mon fils ainé s’y est installé et y travaille.<br />
Il est marié à une Tuniso-belge et ils ont une fille, ma petitefille,<br />
Sandra, qui a aussi la double nationalité. Du coup,<br />
je vais moins en France et, quand j’y vais, je fais presque<br />
toujours un saut à Bruxelles.<br />
Vous êtes spécialiste de la littérature magrébine.<br />
Il y a des écrivains que vous préférez?<br />
Plusieurs, cette littérature étant très variée. Les classiques:<br />
l’Algérien Kateb Yacine, le Marocain Driss Chraïbi, les<br />
Tunisiens Albert Memmi et Abdelwahab Meddeb qui furent<br />
mes amis, mais nous ont quittés. Mais aussi d’autres,<br />
l’Algérien Tahar Djaout, le Marocain Foued Laroui, les<br />
Tunisiens Rafik Ben Salah, Béchir Garbouj, Emna Belhadj<br />
Yahia, Mohamed Harmel. Il y a, dans les pays du Maghreb,<br />
un grand renouvèlement littéraire. C’est très inégal, mais ce<br />
bouillonnement culturel est très intéressant.<br />
Y a-t-il un livre (des livres) que tout prof de FLE<br />
devrait lire?<br />
Un livre en particulier, non. Je ne crois pas aux recettes.<br />
Tout dépend du public que l’on a, de son niveau, de son<br />
degré de motivation, de ses antécédents. Il faut que<br />
l’enseignant s’adapte aux apprenants et tienne compte d’un<br />
ensemble de paramètres très variables selon la situation<br />
de classe. Mais, bien sûr, pour pouvoir s’adapter, il faut des<br />
dons pédagogiques – qui ne s’apprennent pas sauf par la<br />
pratique – et aussi beaucoup de lectures, une bonne culture<br />
didactique en somme.<br />
Il parait que vous avez des liens spéciaux avec la<br />
Belgique. Pouvez-vous en dire un peu plus?<br />
J’aime la Belgique depuis le premier voyage que j’y ai fait,<br />
dans les années 70 et ce pour l’ambiance qui y règne, la<br />
beauté de ses petites villes qui sont à l’échelle humaine et<br />
À un certain moment, vous avez décidé de poser<br />
votre candidature à la vice-présidence de la FIPF.<br />
Pourquoi? Qu’est-ce que vous voulez réaliser?<br />
Je crois à la FIPF, c’est-à-dire à l’importance d’avoir un<br />
réseau mondial d’enseignants de français et je pense avoir<br />
l’expérience et la motivation nécessaires pour contribuer<br />
à rendre ce réseau efficace. J’ai beaucoup donné au<br />
niveau national en fondant puis en présidant l’association<br />
tunisienne et j’ai aussi donné beaucoup d’énergie et de<br />
temps au niveau régional en présidant la Commission du<br />
monde arabe. Je me suis donc dit qu’il était peut-être temps<br />
pour que j’agisse au niveau mondial, d’autant qu’en tant que<br />
membre du bureau élargi et du conseil d’administration,<br />
j’avais joué un rôle dans le rayonnement international de la<br />
FIPF. Ma grande idée, en me présentant à la vice-présidence,<br />
c’était de favoriser les contacts entre commissions. Je n’ai<br />
pas encore dit mon dernier mot sur cette question, mais<br />
je me suis heurté aux difficultés budgétaires de notre<br />
fédération qui sont dues à la diminution des subventions<br />
des bailleurs et aux aléas rencontrés par ces mêmes<br />
bailleurs dans un contexte mondial assez préoccupant.<br />
Vous avez encore un message pour nos lecteurs,<br />
les professeurs de français en Flandre?<br />
Plusieurs messages en vérité. D’abord un salut solidaire<br />
et fraternel depuis la Tunisie et la région du monde arabe.<br />
Ensuite une grande manifestation d’intérêt en raison de la<br />
similarité de nos préoccupations didactiques, car, comme<br />
nous, ils enseignent une deuxième langue très présente<br />
dans leur paysage linguistique. Enfin ma disponibilité, à<br />
distance ou en présentiel, à discuter avec eux, à leur exposer<br />
le peu que je sais dans les divers domaines auxquels je me<br />
suis intéressé et, en retour, à apprendre tout ce que je peux<br />
apprendre en établissant des ponts avec eux.<br />
Merci, Samir. Et merci pour le poème que vous<br />
nous permettez de publier en avant-première.<br />
C’est vraiment un beau cadeau pour nos lecteurs.<br />
28 Profff
Profff<br />
Francophone<br />
Je suis arabe ouvert au monde<br />
Je suis nord-africain d’Afrique<br />
Je suis chez moi à Cotonou<br />
Et à Dakar chez mes cousins<br />
Un peu français et vietnamien<br />
Quelquefois j’ai l’âme wallonne<br />
Ou l’allure d’un Québécois<br />
Je m’enracine au Vanuatu<br />
Et vis ma vie en Moldavie<br />
Grâce à mes langues je remue<br />
Les sédiments de vos cultures<br />
Et je m’y baigne et je m’y vautre<br />
Je suis moi-même et suis un autre<br />
Je suis heureux et attristé<br />
Ivre de mon humanité<br />
Mais je sais que rien n’est facile<br />
Et les frontières barbelées<br />
Que certains fous dans l’univers<br />
Veillent au grain l’arme à l’épaule<br />
Je sais la foi du charbonnier<br />
Je sais la haine et le mépris<br />
Je sais la peur je sais la guerre<br />
Et les soucis du quotidien<br />
Je suis arabe ouvert au monde<br />
Je frappe à sa porte fermée<br />
Et j’y frappe à coups redoublés<br />
Je suis arabe ouvert au monde<br />
Cette porte je l’ouvrirai<br />
Samir Marzouki<br />
À paraitre dans Sur la descente à reculons<br />
29 Profff
Profff<br />
Musique<br />
Pomplamoose, duo californien avec<br />
une touche française<br />
Iris Haentjens<br />
89 millions de vues en 2020, une vidéo sur YouTube<br />
par semaine, des reprises originales de chansons<br />
françaises classiques: découvrez sans tarder le<br />
génie musical et commercial de ce duo américain!<br />
Il était une fois Pomplamoose<br />
Dans une vidéo qui s’appelle «Pomplamoose is a Weird<br />
“Band”» 1 , Jack Conte et Nataly Dawn expliquent les origines<br />
et le parcours de leur duo musical, né en 2008. Un parcours<br />
incroyable, stupéfiant: au début, disent-ils «on faisait tout<br />
nous-mêmes: créer la musique et enregistrer tous les<br />
instruments, faire les mixages, chercher des idées pour<br />
les vidéos et les tourner, en faire le montage, bref, tout».<br />
À présent, toute une équipe s’organise de façon efficace,<br />
sous la direction de Nataly, pour présenter le talent musical<br />
de Pomplamoose. Chaque semaine on publie une vidéo sur<br />
YouTube. Pomplamoose est devenu une entreprise rentable<br />
construite sur un modèle économique viable et durable et<br />
qui permet une certaine stabilité financière. Jack et Nataly<br />
sont particulièrement fiers que chaque coéquipier, chaque<br />
collaborateur soit rémunéré pour son travail et reçoive<br />
un bon salaire. Les chansons, mais aussi les concepts<br />
artistiques, les pochettes des albums, les produits dérivés<br />
montrent à quel point Pomplamousse est un conte de fées<br />
devenu réalité pour Jack et Nataly, couple musical mais<br />
aussi compagnons de vie.<br />
Le «French Touch»<br />
La première reprise d’une chanson<br />
française date de 2010: La vie en rose<br />
(regardez la vidéo d’une version en live 2 où<br />
au début, tout ne fonctionne pas comme<br />
il faut). Depuis, leur succès croissant<br />
a fait redécouvrir aux Français et aux<br />
francophones les classiques de Brassens,<br />
Brel, Renaud et autres, grâce aux albums<br />
«En Français» (2020) et «Impossible à<br />
Prononcer» (2021).<br />
Nataly Dawn, qui a passé une partie de son enfance et<br />
de son adolescence en France et en Belgique, explique:<br />
«Bien que j’aie grandi en France, lorsque je chantais en<br />
français j’éprouvais le syndrome de l’imposteur.» (note<br />
de la rédaction: on n’en remarque rien dans les clips des<br />
chansons en français, où le charme, la sensualité, la voix<br />
douce et séduisante et la prononciation soignée de Nataly<br />
sautent aux yeux et aux oreilles). «Nous avons repris La vie<br />
en rose parce que j’aimais cette chanson, mais nous étions<br />
convaincus que personne ne s’y intéresserait. Or, les gens<br />
ont réagi de manière incroyable! Nous avions un public<br />
potentiel pour des chansons en français; j’ai été naïve<br />
de ne pas croire dès le début que c’était possible. L’idée<br />
d’enregistrer un album a pris forme plus tard, après avoir<br />
enregistré Je me suis fait tout petit, en 2019.<br />
À mon avis c’est une des meilleures<br />
chansons jamais écrites: elle est<br />
merveilleusement conçue, ludique,<br />
j’adore la mélodie. Désormais, sur<br />
Spotify, la ville dans laquelle nous<br />
comptabilisons le plus d’écoutes<br />
est Paris! Un vrai changement s’est<br />
opéré.»<br />
30 Profff
Profff<br />
Pourtant, l’amour de Nataly pour la chanson française ne<br />
date pas de la période où elle a vécu dans ces deux pays<br />
francophones. Parmi les artistes qui l’ont influencée et qui<br />
sont pour elle une source d’inspiration, elle cite Matthieu<br />
Chedid («M») et Camille. Elle raconte aussi que c’est avec<br />
la guitare basse, son instrument, qu’elle a commencé à<br />
écrire des chansons. «Quand j’entends des mélodies, c’est<br />
de façon polyphonique. Beaucoup de gens entendent des<br />
accords, tandis que je perçois des mélodies qui s’entrelacent.<br />
Composer à la basse, puis écrire la mélodie chantée sur<br />
la ligne de basse est un des principes fondamentaux de<br />
Pomplamoose. Mais ce n’est qu’aux États-Unis que j’ai<br />
commencé à vraiment m’intéresser de manière plus vaste à<br />
la chanson. Peut-être la culture française commençait-elle<br />
à me manquer.»<br />
Les adeptes de Brassens pourraient avancer tout de même<br />
une petite critique: les textes ont parfois été raccourcis!<br />
C’est un choix réfléchi du point de vue commercial, car «une<br />
des raisons de cette décision est la courte durée d’attention<br />
du public sur YouTube. En tant qu’artistes, nous sommes<br />
influencés par le support sur lequel nous produisons notre<br />
musique. Il était difficile de s’y résoudre, et de choisir quels<br />
couplets enlever. Mais je suis la seule de l’équipe à parler<br />
français. Les autres n’ont pas les mêmes scrupules quant à<br />
couper une partie du texte. Ils entendent juste la musicalité<br />
de l’ensemble et trouvent un intérêt à placer un solo<br />
instrumental là où il y avait un couplet, de manière à ce que<br />
la chanson soit intéressante musicalement jusqu’au bout!»<br />
Les vidéos: ça passe ou ça casse<br />
Pour la création des vidéos, Pomplamoose travaille avec<br />
une feuille de route mais demande aussi aux collaborateurs<br />
d’improviser et de s’adapter sur le vif. Il n’y a pas beaucoup<br />
de temps pour répéter: le défi fait partie intégrante du plaisir,<br />
voilà le principe. «Nous tenons à mettre très régulièrement<br />
en ligne des chansons plutôt que tendre vers la rareté de<br />
la perfection. J’ai fait une petite erreur dans les paroles de<br />
Champs-Elysées: je l’entends à chaque fois, mais nous ne<br />
sommes pas revenus en arrière pour la réenregistrer!»<br />
La qualité des clips est remarquable, surtout si on sait que<br />
le rythme des publications est si élevé.<br />
Un atout particulier pour nous, en tant que profs de FLE,<br />
est que les vidéos des chansons françaises présentent<br />
clairement une atmosphère différente de celle des<br />
chansons en anglais. «Il y a un côté plus cinématographique,<br />
un travail sur l’image et la lumière qui nous plonge dans<br />
des atmosphères d’époque. (…) Pour les deux albums en<br />
français, nous avons beaucoup réfléchi à l’atmosphère que<br />
nous voulions restituer, aux lumières que nous voulions<br />
chaudes et nostalgiques.»<br />
Nataly explique encore: «Produire les vidéos a été pour moi<br />
une expérience d’apprentissage: comment construit-on une<br />
chanson? Quels éléments entrent en jeu? Monter une vidéo,<br />
c’est entrainer son oreille à percevoir tout ce qui est là. Le<br />
montage est aussi l’occasion de montrer aux gens ce qu’ils<br />
entendent. Chaque vidéo de Pomplamoose a un aspect<br />
éducatif: on voit ce qu’on entend, on entend ce qu’on voit,<br />
rien de plus.»<br />
Parcours virtuel mais aussi réel<br />
Même si Pomplamoose doit son succès en grande partie<br />
à Internet et aux outils numériques qu’ils ont choisis pour<br />
la promotion professionnelle de leur musique, leur vie et<br />
les moments musicaux qu’ils partagent ne se déroulent<br />
pas que sur le web: «Nous donnons aussi des concerts et<br />
le public n’est pas virtuel!» Pourquoi alors avoir choisi de<br />
ne pas suivre la trajectoire de la plupart des artistes? Pour<br />
Nataly, ce qui est important, elle le trouve surtout dans les<br />
petites choses «normales» de la vie en couple: pouvoir<br />
passer du temps avec son mari, chez soi, sans être en<br />
tournée tout le temps, par exemple. Et pour elle «les vidéos<br />
que nous publions régulièrement nous permettent de tisser<br />
et cultiver un lien particulier avec notre public.»<br />
Pas que des classiques<br />
Pour les profs de FLE, rien de plus intéressant que de faire<br />
découvrir des classiques de la chanson française par le<br />
biais d’artistes contemporains. Mais écoutez aussi d’autres<br />
chansons de Pomplamoose, où Nataly et Jack montrent<br />
leurs talents de créateurs musicaux et d’artistes multiinstrumentistes.<br />
Dans la chanson Le Coquelicot («This song<br />
is in French yay» 3 ) par exemple, on voit Nataly à la basse.<br />
31 Profff
Profff<br />
Leur propre commentaire sur les paroles un peu absurdes: «Hope you enjoy this song I wrote ‘en Français’. The lyrics are<br />
either very profound or not profound at all. When you figure it out, please let me know.»<br />
Le Coquelicot – paroles<br />
Quand la cloche t’appelle<br />
Faut pas t’affoler<br />
Parce qu’on fait table rase<br />
On fait table rase<br />
Et quant au violoncelle<br />
C’est trop compliqué<br />
Mais je joue bien la basse<br />
Je joue bien la basse<br />
Oooo<br />
Le coquelicot<br />
Ooo<br />
J’en fais trop<br />
Ooo<br />
Le coquelicot il m’a tout dit<br />
Alors chute<br />
Quand le bail t’appelle<br />
Faut pas t’affoler<br />
Parce qu’on fait table rase<br />
On fait table rase<br />
Faut que tu me rappelles<br />
Le deuxième couplet<br />
Mais joue bien la basse<br />
Je joue bien la basse<br />
Oooo<br />
Le coquelicot<br />
Ooo<br />
J’en fais trop<br />
Ooo<br />
J’trouve pas les mots<br />
Ooo<br />
Polyglot<br />
Ooo<br />
Le coquelicot il m’a tout dit<br />
Alors chute<br />
1. www.youtube.com/watch?v=ye2dEokIyKE<br />
2. www.youtube.com/watch?v=F7jBt7ie9Y4<br />
3. www.youtube.com/watch?v=NYKqVDMH4DA&list=PLiJey_76CkNTY2tlFDttdRI2A0As27BGT&index=4<br />
32 Profff
Profff<br />
Cinéma<br />
Compagnons<br />
Giedo Custers<br />
Avec son film Compagnons, le cinéaste François<br />
Favrat nous offre une comédie dramatique, facile<br />
à digérer, qui confronte deux mondes: celui des<br />
«Compagnons du Devoir» et celui des jeunes des<br />
cités.<br />
Commençons par une petite mise en garde: il s’agit d’une<br />
œuvre de fiction. Bien qu’à certains moments on ait<br />
l’impression que le film nous montre de façon presque<br />
documentaire le fonctionnement et les valeurs du<br />
compagnonnage, il faut se rendre compte que le scénariste<br />
s’est inspiré des «Compagnons du Devoir» tout en ajoutant<br />
beaucoup d’imagination. Les cérémonies montrées ne<br />
reflètent pas la réalité et la verrerie ne figure pas parmi les<br />
métiers exercés par les Compagnons 1 .<br />
quartiers HLM comme celui de Bellevue, construit dans<br />
les années 1960. En 2012, ce quartier est classé en zone<br />
de sécurité prioritaire, ZSP. Il s’agit donc d’un territoire<br />
géographique qui souffre plus que d’autres d’une insécurité<br />
quotidienne et d’une délinquance enracinée et qui connait<br />
depuis plusieurs années une dégradation importante de<br />
ses conditions de sécurité. Un tel territoire est l’objet d’une<br />
surveillance augmentée et assurée par des gendarmes et<br />
des policiers supplémentaires.<br />
Synopsis<br />
À 19 ans, passionnée de l’art de la rue, street art, Naëlle est<br />
contrainte de suivre avec d’autres jeunes un chantier de<br />
réinsertion, sa dernière chance pour éviter d’être séparée<br />
de ses proches. Touchée par la jeune fille, Hélène, la<br />
responsable du chantier, lui présente un jour la maison de<br />
Nantes, Les Compagnons du Devoir, un monde de traditions<br />
qui prône l’excellence artisanale et la transmission entre<br />
générations. Aux côtés de Paul, compagnon vitrailliste qui<br />
accepte de la prendre en formation dans son atelier, Naëlle<br />
découvre un univers aux codes bien différents du sien… qui,<br />
malgré les difficultés, pourrait donner un nouveau sens à<br />
sa vie.<br />
Nantes<br />
Le film est situé à Nantes, deuxième agglomération des<br />
Pays de la Loire. Auparavant ville industrielle importante,<br />
depuis le mi-XXe siècle, elle souffre beaucoup de la<br />
désindustrialisation. Autour du périphérique, on trouve des<br />
Situer l’histoire de Naëlle dans cette zone permet de donner<br />
le contexte nécessaire pour comprendre la complexité<br />
de sa situation. Elle est à la recherche de sa vie à elle.<br />
Dans son expression artistique – elle aussi illégale – elle<br />
cherche à fuir l’illégalité du petit banditisme. Finalement, à<br />
Nantes même, elle découvre cette autre société, ile paisible<br />
pleine de générosité, où elle peut développer ses talents<br />
artistiques.<br />
Dans le dossier de presse, François Favrat explique:<br />
«Nantes était un décor idéal. La maison de Nantes, Les<br />
Compagnons du Devoir, avec sa bibliothèque lambrissée,<br />
sa salle à manger où des figues peintes incarnent les<br />
valeurs de cette organisation, le bureau du Prévôt orné de<br />
symboles compagnonniques, et son sympathique Prévôt!…<br />
Tout correspondait. Comme la cité de Bellevue nous tendait<br />
les bras, j’ai vite choisi de tout tourner à Nantes, tant pour<br />
les décors, que pour les gens rencontrés sur place, dont<br />
certains jouent d’ailleurs dans le film…»<br />
33 Profff
Profff<br />
Acteurs<br />
Le réalisateur est parti<br />
du principe que certains<br />
gestes, certaines postures<br />
ne sont jamais aussi bien<br />
exécutés que par les gens<br />
dont c’est le quotidien. Il a<br />
donc encadré ses acteurs professionnels par des Nantais,<br />
non-acteurs. Des jeunes du quartier Bellevue interprètent les<br />
jeunes du quartier. Le prévôt – responsable de la maison –<br />
dans le film est en réalité le prévôt de la maison de Nantes.<br />
Cela apporte une touche naturelle au film.<br />
L’actrice Najaa Bensaid tient le rôle de Naëlle. Après avoir<br />
joué de petits rôles dans une dizaine de films, c’est la<br />
première fois qu’elle est l’actrice principale. Et comment!<br />
La presse française applaudit sa performance. On la décrit<br />
comme jeune comédienne de très grande qualité dont tout<br />
laisse à penser qu’elle est à l’aube d’une très belle carrière.<br />
Critiques<br />
Les critiques vont dans tous les sens. Jérémy Gallet,<br />
aVoir-aLire, par exemple, écrit «Compagnons a des valeurs<br />
à transmettre. Péché mortel: la fiction devient une fable<br />
édifiante.» Il donne une seule étoile tandis qu’Isabelle Danel<br />
de Bande à part dit «Il y a beaucoup de joie à regarder ce<br />
film qui expose, avec autant de naïveté que de justesse, une<br />
urgente volonté du vivre ensemble.» Elle donne 4 étoiles.<br />
Conclusion<br />
Il n’existe pas beaucoup de films français qui mettent en<br />
valeur le travail manuel. Néanmoins, comme il est dit dans<br />
le film: «Les mains, aussi, sont intelligentes». Et que dire de<br />
la phrase «Ado, j’avais honte, je pensais que j’étais débile<br />
parce que j’étais doué de mes mains», prononcée par Paul,<br />
compagnon vitrailliste? De ce point de vue, la projection<br />
de ce film est fortement intéressante pour nos apprenants<br />
dans des sections techniques et professionnelles. Le<br />
simple fait de nous permettre de découvrir l’existence des<br />
Compagnons du Devoir est un atout majeur.<br />
Une autre qualité du film est qu’il montre, de façon discrète,<br />
que tous les jeunes des cités ne sont pas des trafiquants de<br />
drogue ou des djihadistes en puissance. Ce regard positif<br />
sur la jeunesse d’aujourd’hui peut servir d’inspiration pour<br />
beaucoup d’activités dans la classe.<br />
Un film positif à utiliser sans modération.<br />
Les spectateurs, eux aussi, sont partagés. Sur allocine.fr on<br />
donne entre 5 et 1 étoiles. Virginie P. donne 5 étoiles et écrit:<br />
«Voilà un beau film sensible où 2 univers s’entrechoquent<br />
et s’enrichissent. Naaja est une jeune comédienne<br />
extraordinaire de justesse. Agnès Jaoui est toujours à la<br />
hauteur de sa grandeur d’actrice et Pio Marmaï est un vrai<br />
talent que l’on prend plaisir à découvrir au fur et à mesure<br />
de ses films. Quant aux acteurs amateurs, Compagnons<br />
du Devoir et Cité Bellevue de Nantes, tout était parfait. Un<br />
film touchant et éducatif aussi qui sort des clichés et de<br />
l’individualisme ambiant; à voir absolument.» Hastenep<br />
donne 1,5 étoiles et écrit: «Grande déception pour ce film.<br />
Le sujet est intéressant et le jeu des actrices et des acteurs<br />
vraiment bon. En revanche, une avalanche de clichés sur la<br />
vie en banlieue, sur la transmission et une réalisation lisse<br />
ont eu raison de mon engouement. Vraiment dommage.»<br />
1. L'article à la page suivante donne plus d'infos sur Les Compagnons du Devoir.<br />
34 Profff
Profff<br />
Patrimoine<br />
Les Compagnons<br />
du Devoir<br />
Giedo Custers<br />
Il y a quelques années, lors d’un voyage scolaire à Paris, nous avons diné au «Aux Arts et Sciences<br />
Réunis», le restaurant des Compagnons Charpentiers situé dans le 19e arrondissement de Paris. Après<br />
le repas, on a visité la salle annexe qui abrite les chefs-d’œuvre monumentaux du XIXe siècle. Pour nos<br />
élèves de la section “menuiserie”, cette soirée représentait le point culminant de notre séjour parisien.<br />
Le film Compagnons se déroule dans le milieu des<br />
Compagnons. Dans le film les faits on été transformés en<br />
fiction, mais on retrouve... un certain nombre d’éléments<br />
réels. Le Compagnonnage connait une longue tradition.<br />
Les premières traces de ce mouvement remontent au<br />
Moyen Âge. Il existe plusieurs hypothèses sur l’origine des<br />
compagnonnages. La plus probable et la plus ancienne<br />
concerne les tailleurs de pierre. On pense que leur<br />
organisation en compagnonnage est intervenue assez tôt:<br />
la construction des grands édifices nécessitait une maind’œuvre<br />
qualifiée que les architectes allaient chercher<br />
bien au-delà des chantiers. Le déplacement des ouvriers<br />
à travers toute la France et parfois à l’étranger aurait ainsi<br />
développé l’assistance mutuelle, entrainé la mise en place<br />
de relais lors de leurs déplacements et aurait imposé des<br />
rites de reconnaissance et de réception.<br />
Le Compagnonnage actuel s’inscrit dans cette ligne<br />
historique tout en étant contemporain. Madame Astrid<br />
Gudin de Vallerin, chargée de communication, nous<br />
explique: «L’Association ouvrière des Compagnons du<br />
Devoir et du Tour de France (AOCDTF) est une association<br />
de loi 1901 1 reconnue d’utilité publique, qui réunit des<br />
femmes et des hommes de métier mobilisés autour d’un<br />
même idéal: permettre à chacun de s’accomplir dans et par<br />
son métier, dans un esprit d’ouverture et de partage. Les<br />
Compagnons du Devoir proposent des formations allant du<br />
CAP à la licence professionnelle. Ils forment actuellement<br />
10°000 jeunes suivant un parcours de formation en<br />
alternance en entreprise, dont la spécialité est la mobilité<br />
en France et à l’étranger. Les Compagnons du Devoir et du<br />
Tour de France sont aujourd’hui présents dans 4 filières:<br />
bâtiment et aménagement, technologies de l’industrie,<br />
matériaux souples et métiers du gout.»<br />
Les formations au sein des Compagnons allient trois<br />
principes de base: tradition et innovation, technique<br />
et culture et, troisièmement, savoir-faire et savoir-être.<br />
L’apprentissage d’un métier se fait toujours en entreprise<br />
sous un statut de salariés. Les expériences pratiques sont<br />
complétées par des enseignements généraux, techniques<br />
et culturels au sein des maisons des Compagnons.<br />
© Daniel Le Stanc<br />
Le Tour de France, élément fondamental de la formation, est<br />
l’opportunité de multiplier les expériences professionnelles:<br />
les apprenants changent régulièrement d’entreprise et de<br />
ville, en principe une fois par an.<br />
35 Profff
Profff<br />
En plus, le Tour complet<br />
comprend une étape<br />
internationale d’un an.<br />
Il est possible de suivre<br />
un parcours raccourci,<br />
mais celui-ci ne donne<br />
pas accès au titre de<br />
Compagnon. Il s’agit<br />
d’un stage technique de<br />
quinze jours, un trajet de<br />
mobilité de 3 semaines<br />
ou un trajet de mobilité<br />
de 3 mois à un an.<br />
Si, avec des élèves d’une filière technique ou professionnelle,<br />
vous organisez une excursion à Bruxelles, il peut être<br />
intéressant de visiter la Maison des Compagnons, installée<br />
au n°°42 de la rue T’Kint. Elle abrite de nombreux chefsd’œuvre<br />
réalisés par des compagnons à la fin d’un long<br />
parcours de formation.<br />
Pour en savoir plus sur les Compagnons du devoir, visitez<br />
leur site www.compagnons-du-devoir.com.<br />
© Sarah Mineraud<br />
Les Compagnons du<br />
Devoir sont présents<br />
en Belgique. À ce<br />
sujet, Astrid Gudin de<br />
Vallerin nous dit: «Les<br />
Compagnons du Devoir<br />
sont arrivés en Belgique<br />
au début des années 1980. Durant les premières années,<br />
une petite équipe vivait dans une maison sur la commune<br />
d’Alsemberg. Par la suite, les Compagnons du Devoir<br />
envisagent d’ouvrir une maison de Compagnons de 50<br />
places sur la région bruxelloise. C’est chose faite en 1993<br />
avec l’inauguration de la maison de Bruxelles située rue<br />
T’Kint. Cette même année, les Assises, l’assemblée générale<br />
de l’association, ont eu lieu à Bruxelles. Durant les années<br />
2000, le dynamisme croissant des Compagnons du Devoir<br />
en Belgique leur a permis d’ouvrir, avec leurs partenaires,<br />
leurs propres sections de formation en menuiserie et en<br />
charpente. Depuis, chaque année, plus de 60 apprentis sont<br />
formés à Bruxelles et en Wallonie.»<br />
Aujourd’hui les Compagnons du Devoir en Belgique c’est:<br />
• une présence dans une grande partie de la Wallonie<br />
(Liège, Étalle, Mettet);<br />
• l’ouverture de sections de formation en Belgique sur<br />
les métiers du bois: charpentier et menuisier;<br />
• 72 Compagnons installés dans toute la Belgique;<br />
• plus de 3000 jeunes venus du monde entier qui ont eu<br />
l’occasion de découvrir et de travailler en Belgique;<br />
• plus de 550 Belges qui ont appris un métier avec les<br />
Compagnons du Devoir.<br />
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Patrimoine<br />
Céline: histoire d’un<br />
phénomène<br />
Valeria Catalano<br />
Le Hors-Série du journal Le Monde, sorti à l’occasion de la<br />
découverte de manuscrits inédits de Céline<br />
Louis Ferdinand Auguste Destouches, connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline ou tout court, Céline, a marqué<br />
un tournant important dans l’évolution de la littérature française du 20e siècle. Né à Courbevoie (tout près de Paris)<br />
en 1894, dans une famille de petits-bourgeois, d’un père de vague ascendance nobiliaire et d’une mère aux origines<br />
ouvrières, il jouera un rôle prédominant sur la scène littéraire en France et dans le monde. Les sujets de tous ses textes<br />
sont tirés d’évènements liés à son existence: son enfance, ses séjours en Allemagne et en Angleterre pendant son<br />
adolescence, son entrée dans l’armée en 1912 et puis... la guerre... qui éclate en 1914, qui le mènera en Flandre et dont<br />
il sortira transformé, dégoûté et tourmenté pour toujours. La Première Guerre mondiale, puis la Seconde, marqueront<br />
en effet profondément son œuvre. Écrivain très contesté, antisémite, inventeur d’une nouvelle langue littéraire, il<br />
continue à susciter la polémique aujourd’hui. Le 5 mai <strong>2022</strong> est publié le roman Guerre, dont le manuscrit a été retrouvé<br />
après de longues années, parmi d’autres écrits inédits. L’auteur de Voyage au bout de la nuit nous revient dans ce texte<br />
bouleversant, écrit d’une plume trempée dans le désespoir, le cynisme et la haine la plus explicite envers le monde et la<br />
société. Comme dans le fameux Voyage, nous lisons ce texte d’un trait, entrainés par un style d’écriture inégalable, qui<br />
choque, surprend, provoque et ne laisse personne indifférent. Profil d’un auteur hors du commun...<br />
Le numéro Hors-Série du journal Le Monde (<strong>2022</strong>) s’intitule<br />
Céline L’imprécateur. C’est dire à quel point on résume ce<br />
profil pourtant tellement complexe d’un auteur hors pair.<br />
En 122 pages, différents spécialistes de Céline jettent une<br />
lumière intéressante tant sur sa vie que sur son œuvre. Le<br />
Hors-Série parait à l’occasion de la découverte inattendue<br />
de manuscrits inédits de Céline. Cet article de Profff<br />
s’inspire de ce document fouillé qui invite à relire tout Céline<br />
et permet de mieux situer ses textes.<br />
Témoin d’une époque, naissance<br />
d’un écrivain<br />
Enfant unique, Louis Ferdinand Auguste Destouches passe<br />
son enfance dans la sérénité, entouré d’une mère qui tient<br />
une boutique de dentelles et d’un père qui, tout en ayant<br />
des ambitions artistiques et intellectuelles, travaille comme<br />
simple rédacteur pour une compagnie d’assurances. Il<br />
évoquera son enfance dans Mort à crédit (1936, Denoël et<br />
Steele), même si, aux dires d’Émile Brami (De Destouches<br />
à Céline, «Une œuvre vie», Hors-série, Le Monde, <strong>2022</strong>,<br />
p. 7-17), il le fera en exagérant considérablement.<br />
Louis (Céline) à 9 ans, entre ses parents<br />
Au lieu de continuer ses études à l’école secondaire, il fera<br />
un séjour en Allemagne (1907), puis en Angleterre (1909),<br />
afin d’apprendre les langues étrangères. Ses parents<br />
ambitionnent pour lui une carrière dans le commerce<br />
international. Il retourne à Paris en 1910, à l’âge de 16 ans et<br />
s’engage, en 1912, pour 3 ans, au 12e régiment de cavalerie<br />
de Rambouillet. Il a dix-huit ans. Il y subira la brutalité des<br />
sous-officiers, la vulgarité de la troupe et la promiscuité.<br />
Comble de l’horreur, il est terrorisé par les chevaux, ce qui<br />
rend terriblement compliqué son statut de cavalier, à tel<br />
37 Profff
Profff<br />
point qu’il songe au suicide. C’est dans cet état d’esprit qu’il<br />
vit le début de la guerre en 1914. Il est envoyé en Flandre<br />
et sera blessé gravement au bras droit à Poelkapelle.<br />
Il en gardera de graves séquelles physiques mais c’est<br />
surtout le choc psychologique qui le minera. Céline évoque<br />
brièvement cet évènement dans le Voyage, mais surtout<br />
et plus en détail dans Guerre: «C’est la première fois dans<br />
cette mélasse pleine d’obus qui passaient en sifflant que j’ai<br />
dormi, dans tout le bruit qu’on a voulu, sans tout à fait perdre<br />
conscience, c’est-à-dire dans l’horreur en somme. Sauf<br />
pendant les heures où on m’a opéré, j’ai plus jamais perdu<br />
tout à fait conscience. J’ai toujours dormi ainsi dans le bruit<br />
atroce depuis décembre 1914. J’ai attrapé la guerre dans ma<br />
tête. Elle est enfermée dans ma tête.» (Guerre, Gallimard,<br />
<strong>2022</strong>, p. 25-26).<br />
Dans son article «De Destouches à Céline, «Une œuvre vie»»<br />
(ibid. p. 7-17), Émile Brami commente et illustre amplement<br />
ce point tournant dans la vie de Céline. Jusqu’à dire que<br />
c’est à Poelkapelle que l’écrivain Céline est né.<br />
Car c’est à partir de ce moment-là qu’il se transforme «en<br />
une sorte de petit voyou affranchi des obligations et de la<br />
morale de son temps» (ibid. p. 8). Aujourd’hui, nous dirions<br />
qu’il souffrait probablement du syndrome post-traumatique<br />
de soldats qui reviennent de la guerre.<br />
évoqués dans ses écrits: Londres dans Guignol’s Band,<br />
l’Amérique (où il rencontre Elizabeth) et l’Afrique (il prend la<br />
direction d’une plantation au Cameroun après son premier<br />
mariage annulé à Londres) dans le Voyage.<br />
Au cours de l’été 1936, il fait un voyage en URSS. «Il ne voit<br />
dans le régime qu’une dictature sanglante, asservissant un<br />
peuple réduit à la misère» (ibid. p. 36). À son retour, il publie<br />
Mea culpa, un pamphlet anti-communiste. Suivra en 1937 un<br />
premier pamphlet antisémite, Bagatelles pour un massacre.<br />
Il y parle en son nom propre. Le ton est violent, agressif,<br />
même si on y trouve des passages magnifiques, comme<br />
celui où il décrit la ville de Saint-Petersbourg: «Rectangles<br />
durs…à coupoles…marbres…énormes bijoux durs…au bord<br />
de l’eau blême…À gauche, un petit canal tout noir…qui se<br />
jette là…contre le colosse de l’Amirauté, doré sur toutes les<br />
tranches…chargé d’une Renommée, miroitante, tout en or…»<br />
«Bouffer du Juif» par Louis-Ferdinand Céline, Le Magazine, no 306, 16 mars 1941<br />
(présentation d’extraits du pamphlet Les Beaux Draps). L’article est illustré par une<br />
caricature antisémite dépeignant Édouard Daladier et Léon Blum en train de sacrifier<br />
un soldat français à «Vichnou» à l’occasion de la déclaration de guerre à l’Allemagne<br />
nazie en septembre 1939.<br />
Il enchaine avec l’École des cadavres (1938), où il pousse<br />
Après avoir été blessé au front en octobre 1914, Louis-Ferdinand Céline a été soigné<br />
à Hazebrouck<br />
Il se marie une première fois à Londres en 1916 (où il est<br />
affecté au consulat français de Londres), une seconde<br />
fois en 1919 (année où il passera son baccalauréat en<br />
France et entamera des études de médecine), mais c’est<br />
en 1926 qu’il rencontre la femme de sa vie, la danseuse<br />
américaine Elizabeth Craig. Il en tombe follement amoureux<br />
et supportera très mal la séparation, quelques années plus<br />
tard, en 1932. Ces évènements et ces lieux seront tous<br />
plus loin encore sa haine des juifs, responsables d’une<br />
guerre qui s’annonce: «Perclues, affolées par la propagande<br />
youtre 1 : Radio, Ciné, Presse, Loges, fripouillages électoraux,<br />
marxistes, socialistes, laroquistes, vingt-cinquièmeheuristes,<br />
tout ce qu’il vous plaira, mais en définitive:<br />
conjuration juive, satrapie juive, tyrannie gangrenante juive».<br />
Céline se forge une personnalité remplie de haine et de<br />
cynisme, qui se traduira en un style d’écriture incomparable.<br />
38 Profff
Profff<br />
En 1943, pendant l’Occupation, il épouse Lucette Almanzor,<br />
qui sera sa compagne jusqu’à sa mort. Cette période est<br />
importante pour Céline, célèbre depuis la publication de<br />
Voyage au bout de la nuit (prix Renaudot 1932), mais le<br />
figera pour la postérité dans le camp des collaborateurs.<br />
Quand les alliés débarquent en Normandie, Céline sent<br />
bien qu’il est temps de quitter la France. Il se réfugie en<br />
Allemagne, puis au Danemark. Son exil durera 8 ans,<br />
période qu’il passera en partie (du 17 décembre 1945 au<br />
24 juin 1947) en prison, faute d’avoir été livré à la France,<br />
qui demandait son extradition et où il aurait sans doute été<br />
exécuté. La prison le brise physiquement et moralement.<br />
Il retourne à Paris en 1951, s’installe avec Lucette à<br />
Meudon, dans la villa du 27, route des Gardes, y travaille<br />
comme médecin et continue à écrire. Peu compris par<br />
ces contemporains, trainant derrière lui un passé de<br />
collaborateur et d’antisémite virulent, le succès n’est plus<br />
systématiquement garanti. Il publie D’un château l’autre<br />
(1957), qui raconte la collaboration agonisante dont il fut<br />
témoin lors de son séjour à Sigmaringen (Allemagne), où<br />
se sont réfugiés le gouvernement vichyste et de nombreux<br />
collaborateurs. Recherchant la provocation, il profite de<br />
l’occasion pour faire une apparition à la télévision. La France<br />
ayant encore le souvenir très vif de l’occupation et de la<br />
collaboration, les réactions au roman sont nombreuses et le<br />
roman se vendra bien. Il publiera encore de son vivant, Nord<br />
(1960), roman qui, avec Rigodon, paru de façon posthume<br />
en 1969, et D’un château l’autre formera ce que l’on appelle<br />
«la trilogie allemande»<br />
La ville et le château de Sigmaringen<br />
Louis Destouches meurt le 1er juillet 1961. Il laisse une<br />
œuvre impressionnante, dont une partie est encore à<br />
découvrir et qui divise toujours les critiques aujourd’hui.<br />
Un style: du jamais vu<br />
Son premier roman, Voyage au bout<br />
de la nuit, «fut jugé scandaleux,<br />
tant pour son style que pour le<br />
regard impitoyable que Céline<br />
porte sur l’humanité» (ibid. p. 28).<br />
Pour Henri Godard, spécialiste du<br />
roman français du 20e siècle et de<br />
Céline, ce qui importe, c’est de voir<br />
l’unité fondamentale de l’œuvre<br />
célinienne et de ne pas séparer<br />
la forme et le fond. (voir aussi,<br />
dans la bibliographie, le dossier<br />
pédagogique sur Voyage au bout de<br />
la nuit).<br />
Les idées fortes (le fond) lancées dans le Voyage ne<br />
manquent pas: «C’est pas vrai! La race, ce que t’appelles<br />
comme ça, c’est seulement ce grand ramassis de miteux<br />
dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont échoué<br />
ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid,<br />
venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient<br />
pas aller plus loin à cause de la mer. C’est ça la France et<br />
puis c’est ça les Français.» Le choix du vocabulaire, le ton,<br />
le rythme (la forme), tout est là pour appuyer cette idée<br />
profonde qui ne le lâchera plus, celle d’un désespoir rempli<br />
de haine. Ou l’inverse.<br />
La langue de Céline évolue à travers les textes qu’il publie.<br />
Expérience non aboutie dans le Voyage, son style s’affinera<br />
et atteindra son comble dans ses derniers romans. Les<br />
germes de son écriture y sont en revanche bien présents.<br />
Un ensemble de marqueurs de la langue populaire<br />
caractérisent d’emblée son texte. Dès la première phrase<br />
du Voyage, il se lance avec les deux «ça»: «Ça a débuté<br />
comme ça.» Côté syntaxe, il recourt systématiquement au<br />
rappel, introduisant ainsi une tonalité populaire: «Je l’aurais<br />
bien donné aux requins à bouffer moi, le commandant<br />
Pinçon, et puis son gendarme avec, pour leur apprendre à<br />
vivre…»<br />
Selon Henri Godard, son évolution passe ensuite par un<br />
passage du populaire à l’oral. Céline s’aperçoit que le<br />
registre populaire est indissociable à l’oral. «Avant lui, la<br />
langue populaire ne se lisait pas, sauf anecdotiquement: elle<br />
s’entendait» (ibid. p. 64). Il brisera l’unité grammaticale et<br />
sémantique de la phrase pour lui «substituer des segments<br />
39 Profff
Profff<br />
de sens séparés par des trois points» (ibid. p. 65) qui ne<br />
sont plus un signe de ponctuation, mais installent une<br />
sorte de silence, cassent les enchaînements, organisent<br />
une déconstruction systématique du discours: «J’ai donc<br />
pris par le long d’un petit bois et puis là, figure-toi, que j’ai<br />
rencontré notre capitaine... Il était appuyé à un arbre, bien<br />
amoché le piston!... En train de crever qu’il était... Il se tenait<br />
la culotte à deux mains, à cracher... Il saignait de partout<br />
en roulant des yeux... Y avait personne avec lui. Il avait son<br />
compte... “Maman! maman!” qu’il pleurnichait tout en crevant<br />
et en pissant du sang aussi...» (Voyage au bout de la nuit, éd.<br />
Kindle, p. 42).<br />
Godard regrette qu’on réduise Céline à Voyage au bout de la<br />
nuit, car il va beaucoup plus loin ensuite et arrivera à donner<br />
une forme à la manière dont nous pensons, «c’est-à-dire non<br />
pas en phrases, mais en petits éclairs, en jaillissements de<br />
sens» (ibid. p. 65).<br />
C’est ce que nous retrouvons déjà dans Guerre, texte que<br />
Céline a probablement écrit après le Voyage (préface de<br />
Guerre, éd. Gallimard, p. 15 – Jérôme Dupuis, Céline, foudre<br />
de «Guerre», Hors-Série, p. 108). ): «Et comme j’ai dit, j’ai<br />
fait. Je m’ai soulevé encore avec mon bras et mon oreille,<br />
le sang partout, et je suis reparti du côté de l’ennemi d’où<br />
qu’on venait. Le compagnon alors il m’a engueulé et que je<br />
comprenais tous les mots.» (Guerre, <strong>2022</strong>, éd. Gallimard, p.<br />
22).<br />
entraîné dans son texte comme il l’est dans le métro.» (Hors-<br />
Série, Céline L’imprécateur, p. 68).<br />
Polémiques et postérité<br />
L’œuvre de Céline divise la critique. «Rares sont ceux que<br />
ses textes laissent indifférents: on aime avec excès ou<br />
on déteste en bloc.» (ibid. p. 77). Sûr de son immense<br />
talent, Céline était certain de surpasser tous les écrivains<br />
de son temps. Comment réconcilier l’admiration pour<br />
ce génie littéraire et le dégoût qu’inspirent ses idées<br />
radicales? Comment séparer l’auteur des romans et celui<br />
des pamphlets antisémites? Si sa puissance littéraire est<br />
indéniable, comment évaluer sa responsabilité historique?<br />
Car Céline est le porte-voix d’idées grégaires et lyncheuses<br />
de son temps… De plus, il n’hésite pas à continuer à<br />
propager ses idées antisémites, aussi après la guerre.<br />
Elles apparaissent, de façon masquée, dans un livre paru<br />
en 1955, Entretiens avec le professeur Y, où le «Y» renvoie<br />
discrètement à «youtre, yitre ou youpin». Ou encore dans<br />
ce qu’on consent être un roman admirable, Rigodon (1969)<br />
et où on retrouve la phobie du métissage et l’annonce de<br />
la «bougnoulisation du blanc». Les critiques s’opposent,<br />
et contrairement à un Max Gallo, qui dans un article de<br />
1996 déclarait assumer Céline, d’autres (comme Philippe<br />
Muray, Eric Melchior et Jérôme Sulim, voir leurs articles<br />
dans le Hors-Série de Le Monde) contestent clairement et<br />
n’assument pas. Céline jurait la mort contre les juifs et les<br />
étrangers, au nom de la «France aux Français», cherchant<br />
dans «une improbable francité ethnique l’essence du fait<br />
national» (ibid. p. 94). L’intelligentsia de gauche, qui se veut<br />
héritière des Lumières, refuse de faire abstraction de cette<br />
responsabilité écrasante de l’auteur.<br />
«Céline n’est pas un faux innocent qu’il serait urgent de<br />
démasquer. C’est un vrai coupable.»<br />
(Philippe Muray, ibid. p. 87)<br />
Lors d’une interview qu’il a donnée au journal Le Monde en<br />
1960, Céline lui-même définit son style: «Moi, j’ai fait passer<br />
le langage parlé à travers l’écrit. D’un seul coup. (…) Je<br />
l’appelle «petite musique» parce que je suis modeste, mais<br />
c’est une transposition dure à faire, c’est du travail. Ça n’a l’air<br />
de rien comme ça, mais c’est calé.» Ce qui est certain, c’est<br />
que chez Céline, il ne faut jamais redémarrer la lecture car<br />
on avance sans cesse. Le lecteur, disait Céline, «doit être<br />
D’autre part, il est difficile d’ignorer la grande influence qu’a<br />
eue et qu’a toujours Céline sur les générations suivantes,<br />
et plus particulièrement sur la Beat generation. Ainsi, Jack<br />
Kerouac, le romancier américain, qui en est le symbole, lui<br />
rend hommage, tout comme Allen Ginsberg, Norman Mailer<br />
et Charles Bukowski (qui ressuscite Céline dans son roman<br />
Pulp): «Il me semblait que Céline était vraiment l’écrivain<br />
français le plus compatissant de son époque. (…)<br />
40 Profff
Profff<br />
Mais Céline lui-même, ses sources étaient issues de bien plus<br />
loin dans la littérature française: il a pour ancêtre Rabelais, et<br />
même le viril Hugo. (…) Il est l’influence principale sur l’œuvre<br />
de Henry Miller (…)». (Kerouac J., Letter on Céline, Paris<br />
Review n° 31, Winter-Spring, 1964).<br />
Céline aura bousculé les traditions littéraires et introduit ce<br />
qu’on appelle la modernité dans la littérature. Nous l’avons lu<br />
et relu avec stupéfaction, horreur, voire dégoût, mais il était<br />
impossible d’arrêter la lecture. Les analyses proposées par<br />
les spécialistes de Céline s’avèrent révélatrices et offrent<br />
un cadre passionnant qui invite à la réflexion. Réflexion sur<br />
la place de la littérature et sur la nature du génie.<br />
«Je disais plus rien. Jamais j’ai vu ou entendu quelque chose<br />
d’aussi dégueulasse que mon père et ma mère. J’ai eu l’air<br />
de m’endormir. Ils sont partis, pleurnichant vers la gare.»<br />
(Guerre, p. 54)<br />
Bibliographie<br />
• Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Denoël et Steele, 1932<br />
• Louis Ferdinand Céline, Mort à crédit, Denoël et Steele, 1936<br />
• Louis Ferdinand Céline, D’un château l’autre, Gallimard, 1957<br />
• Louis Ferdinand Céline, Guerre, Gallimard, coll. «Blanche», <strong>2022</strong>, 183 p.<br />
• Hors-Série, Céline L’imprécateur, <strong>2022</strong>, Le Monde<br />
• Dossier pédagogique Voyage au bout de la nuit:<br />
www.theatre-martyrs.be/wp-content/uploads/2016/11/DOSPED-Voyage-au-bout-de-la-nuit-VD.pdf<br />
Pour aller plus loin:<br />
• www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-louis-ferdinand-celine-l-ecrivain-controverse<br />
• www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/grande-traversee-louis-ferdinand-celine-au-fond-de-la-nuit<br />
41 Profff
Profff<br />
Pains, pépins et papilles<br />
La choucroute<br />
d’Alsace<br />
Daniel Leroy<br />
"Je t’aime, mon chou"<br />
On pourrait dire que la gastronomie alsacienne est une gastronomie de bons vivants.<br />
Le nombre de restaurants et de winestubs est considérable; on les trouve surtout dans les villages vinicoles. On croit<br />
souvent que ceux-ci sont réservés aux foules de touristes qui envahissent l’Alsace en été et en automne, mais quand le<br />
froid s’annonce et que la morte saison s’installe, on constate que les Alsaciens désertent leur maison pour aller manger au<br />
restaurant et pour arroser leur repas.<br />
Le plat le plus célèbre est incontestablement la choucroute. Olivier Nasti, chef étoilé à Kaysersberg, considère la choucroute<br />
de Colmar comme la plus traditionnelle et la plus complète. Elle inclut en plus du chou, du jambonneau, du carré salé, du<br />
lard fumé et salé, des boudins et surtout des saucisses de Strasbourg et de Montbéliard. Ce plat convivial s’arrose de<br />
Sylvaner, de pinot blanc ou gris ou d’un excellent Riesling Grand Cru. On peut dire que le Belge est connu comme un des<br />
visiteurs les plus assidus de l’Alsace.<br />
Le chou, légume roi de l’Alsace<br />
Au sud de Strasbourg, de vastes champs de choux s’étendent autour de Krautergersheim, littéralement la «ville du chou».<br />
Chaque famille cuisine encore sa choucroute à sa façon et le plat porte en lui l’âme de toute la région. N’oublions pas les<br />
bienfaits du chou, riche en fibres et en antioxydants, et qui préviennent certains cancers, des maladies cardiovasculaires<br />
et d’autres maladies chroniques.<br />
La choucroute était jadis accommodée de mille manières: avec du porc, mais<br />
aussi avec du bœuf, du mouton, des cuisses d’oie fumées, des quenelles de<br />
foie et même avec du hareng.<br />
Aujourd’hui, c’est surtout la charcuterie qui prime. L’ Alsace en possède toute<br />
une gamme, aussi bien d’origine française qu’allemande.<br />
La recette que propose ma fille Eline est adaptée un peu au goût de ses filles<br />
jumelles de 8 ans, c.-à-d. avec des saucisses de Strasbourg, de Pologne ou<br />
de Francfort. En plein hiver, elle y ajoute un jambonneau ou un jarret salé. Je<br />
peux témoigner que nos deux petites-filles Dauphine et Marilou sont fans de<br />
la choucroute: elles adorent!<br />
42 Profff
Profff<br />
Recette<br />
Ingrédients (pour 4 pers.):<br />
Préparation:<br />
1 chou blanc (ou 800 g de choucroute crue si disponible)<br />
2 oignons émincés finement<br />
2 c. à soupe de saindoux<br />
2 clous de girofle<br />
10 baies de genièvre (facultatif)<br />
2 feuilles de laurier<br />
sel et poivre<br />
2 saucisses Francfort (ou s. de Pologne)<br />
2 saucisses de Strasbourg<br />
150 g de lardons salés<br />
1 (petit) verre de vin blanc sec<br />
1. Dans une casserole, faites fondre le saindoux et<br />
ajoutez-y les oignons émincés. Faites-les revenir<br />
sans coloration.<br />
2. Ajoutez-y le chou blanc détaillé en longs<br />
filaments (ou la choucroute crue). Mouillez à l’eau<br />
froide et laissez étuver pendant 10 minutes.<br />
3. Ajoutez les feuilles de laurier, éventuellement les<br />
baies de genièvre, les clous de girofle et puis les<br />
saucisses et les lardons salés.<br />
4. Amenez à frémir sur feu moyen (15 à 20 min.).<br />
Ajoutez le petit verre de vin blanc et assaisonnez<br />
de sel et de poivre.<br />
5. Laissez mijoter 1h à 1h30 sur feu doux. Astuce:<br />
laissez-la reposer une nuit pour obtenir un gout<br />
plus prononcé.<br />
6. Faites doucement réchauffer la choucroute. Ce<br />
plat peut être servi avec des pommes de terre.<br />
Bon appétit!<br />
43 Profff
Deze methode wil de leerlingen het plezier van het communiceren in een vreemde taal<br />
bijbrengen. Dat gebeurt door de leerlingen onmiddellijk inzetbare woordenschat aan<br />
te reiken en gebruik te maken van fris, authentiek en creatief tekstmateriaal.<br />
B-stroom en<br />
A-finaliteit<br />
sluit volledig<br />
aan op de<br />
nieuwe<br />
eindtermen<br />
1 e en 2 e graad<br />
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Wordt verwacht:<br />
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Profff<br />
Vie de Profff<br />
Le projet FrancoForm<br />
édition <strong>2022</strong> :<br />
le séjour à Vichy<br />
Pascale Fierens<br />
Le 9 juillet <strong>2022</strong>, 9 heures du matin. 15 profs flamands se retrouvent devant le bâtiment du Cavilam<br />
à Vichy. Les attentes sont élevées: un programme de formation en didactique du FLE, des rencontres<br />
internationales, des activités sportives et (inter)culturelles et surtout… le plaisir d’apprendre. Est-ce que<br />
ces attentes ont été comblées? Jugez par vous-mêmes à partir des témoignages.<br />
Le programme FrancoForm prévoit également la conception d’une fiche pédagogique. Les participants sont fiers de pouvoir<br />
partager leur travail avec vous, via notre site www.profff.peepl.be/nl/documents/23634/.<br />
Le point de départ de chaque fiche est toujours une vidéo. Il y a 4 sujets: Breakdance, Influenceurs, Les nouvelles technologies<br />
et Street Art. Les élèves du 2e et du 3e degré (tous types d’enseignement) constituent le public cible. Bonne découverte!<br />
Katrien Gadeyne<br />
Deborah Debel<br />
Tim Vanhecke (infographie)<br />
Leen Engels (vidéo)<br />
45 Profff
Profff<br />
Sofie Van Gestel a créé un nouveau verbe: «s’en allier»,<br />
inextricablement lié à Vichy et à sa rivière, l’Allier.<br />
Définition de s’en allier (verbe pronominal)<br />
• Après une journée entière remplie de leçons souvent<br />
intéressantes, de bons ajouts à notre expérience<br />
d’enseignement déjà étendue, partir à pied vers la<br />
rivière. Le matin, devoir choisir: dois-je emporter<br />
mon ordinateur portable ou mon maillot de bain? Être<br />
influencé par les jeunes d’opter pour le maillot de bain.<br />
• Commander une bouteille de rosé pour passer en<br />
revue tout ce qui s’est passé dans la journée et<br />
discuter de ce que nous avons trouvé bon, de ce qui<br />
était superflu, des sites web intéressants qui ont été<br />
mentionnés...<br />
• Discuter des activités extrascolaires qui sont encore<br />
au programme et voir avec qui nous ferons du kayak.<br />
• Garder une distance parce que quelqu’un a une toux.<br />
Et puis danser ensemble le soir et ne pas s’en soucier.<br />
• Se préparer pour le jour suivant, se réjouir des<br />
nouvelles choses qu’on va apprendre, des professeurs<br />
enthousiastes qu’on va rencontrer, des expériences<br />
inoubliables qu’on va vivre.<br />
LE STAGE À VICHY<br />
CULTUREL<br />
ÉDUCATIF<br />
Le stage est aussi un bain culturel. On peut visiter<br />
l'opéra, faire un tour avec un guide, vivre dans<br />
une famille d'accueil, se relaxer dans les thermes<br />
de Vichy.<br />
Chaque jour il y avait plein de cours intéressants.<br />
L'interculturel, la pédagogie positive, TV5monde,<br />
la musique française, le grammaire pratique... on y<br />
apprend plein de choses!<br />
UN BAIN DE<br />
LANGUES<br />
C'est évident bien sûr! On y reste 15 jours et on y<br />
parle seulement le français! Des Italiens, des<br />
Américains, des Allemands... on y parle tous le<br />
français!<br />
LA DÉTENTE<br />
On n'y travaille pas seulement! On se détend<br />
régulièrement: une belle randonnée dans le Puyde-Dôme,<br />
danser dans un bar au bord de la<br />
rivière, se reposer dans un des beaux parcs, fêter<br />
le 14 juillet...<br />
46 Profff
Profff<br />
On se lance !<br />
Le feu sacré<br />
Pascale Fierens<br />
La pénurie de professeurs de français est souvent évoquée dans les médias. Heureusement, il y a également<br />
des personnes qui décident de devenir enseignant après une carrière dans le privé. Ward Smeulders en<br />
est un bel exemple. Je l’ai rencontré pour la première fois il y a deux ans dans le cadre de la formation des<br />
enseignants à la VUB. Entre-temps, il travaille comme professeur de français dans une école secondaire<br />
à Zaventem (ZAVO). En tant qu’étudiant, il se distinguait déjà par son enthousiasme. Comme je me<br />
demandais s’il avait toujours le feu sacré, je suis allée le voir.<br />
Bonjour Ward. Pourriezvous<br />
vous présenter aux<br />
lecteurs de Profff?<br />
Avec plaisir! Je m’appelle Ward<br />
Smeulders. J’ai 43 ans. Je suis marié<br />
et j’ai 2 jeunes enfants. J’ai travaillé<br />
dans le secteur privé pendant 20<br />
ans. Pendant les 10 dernières<br />
années, en tant que responsable<br />
«learning & development», j’étais<br />
en charge de la formation et du<br />
coaching. C’est donc là où l’amour<br />
est né d’être «devant la classe» au<br />
quotidien. Je suis quelqu’un de très<br />
passionné, qui s’investit à fond et<br />
qui est toujours à la recherche du<br />
compromis.<br />
Serait-il possible de nous<br />
donner une idée de votre fonction et de votre<br />
travail, de vos responsabilités avant votre<br />
entrée dans l’enseignement?<br />
Avant d’entrer dans l’enseignement, j’ai travaillé pour des<br />
entreprises françaises pour lesquelles je me déplaçais<br />
en permanence, comme au siège à Paris et dans d’autres<br />
capitales européennes. Puisque j’étais chargé de la<br />
formation, je me trouvais quasi tous les jours devant un<br />
groupe. Je formais les équipes de vente ainsi que leurs<br />
responsables.<br />
Qu’est-ce qui vous a<br />
poussé à vous orienter vers<br />
l’enseignement?<br />
Dans le secteur privé, on m’a<br />
toujours dit que je formais<br />
avec une réelle passion et<br />
beaucoup d’énergie. Passer des<br />
connaissances à un public cible<br />
intéressé, pour moi c’est un vrai<br />
privilège. Dans ma tête, tout ce<br />
que j’ai appris dans le secteur<br />
privé à travers mes différentes<br />
fonctions, je l’ai fait avec l’idée de<br />
le mettre un jour en pratique dans<br />
l’enseignement. En plus, j’étais<br />
convaincu que mes expériences<br />
professionnelles récentes dans<br />
le monde des affaires pourraient<br />
«inspirer» les jeunes ayant les<br />
mêmes intérêts.<br />
Et comment avez-vous vécu cette transition?<br />
Vos attentes ont-elles été comblées?<br />
La transition s’est très bien passée et mes attentes<br />
ont même été dépassées. Grâce à des collègues très<br />
compétents qui m’ont épaulé et soutenu dès le début.<br />
Car comme pour chaque métier, il y a des spécificités à<br />
apprendre. L’avantage c’est qu’il y a déjà tant de «knowhow»<br />
présent dans l’enseignement sur lequel les nouveaux<br />
arrivants comme moi peuvent s’appuyer. On ne se sent<br />
jamais seul, bien au contraire… il y a la volonté de réussir<br />
ensemble, en tant qu’équipe!<br />
47 Profff
Profff<br />
Aviez-vous acquis certaines qualités ou<br />
compétences dans votre emploi précédent<br />
qui sont maintenant également utiles dans<br />
l’enseignement?<br />
Je suis d’opinion que plusieurs qualités et compétences<br />
pédagogiques, didactiques et aussi techniques m’ont<br />
réellement servi dans mon métier actuel. Par contre, la vraie<br />
passion pour l’être humain et la volonté d’accompagner des<br />
jeunes restent primordiales… il faut l’avoir dans le sang!<br />
Quel est votre meilleur souvenir de l’année<br />
scolaire 2021-<strong>2022</strong>?<br />
Les feedbacks des élèves (et de leurs parents) à la fin de<br />
l’année. C’est là qu’on se rend compte qu’on a pu faire une<br />
vraie différence pour certains jeunes. Si même les parents<br />
vous disent que vous avez été beaucoup plus qu’un prof<br />
mais au-delà de ça un vrai mentor et coach (mental) pour<br />
leurs adolescents, c’est exactement ce qui nous pousse à<br />
aller encore plus loin dans nos efforts car on sait que c’est<br />
apprécié.<br />
Quel est le message que vous aimeriez passer<br />
à tous ceux qui hésitent encore à devenir<br />
professeur de FLE?<br />
Sincèrement, pour moi c’est un métier qui me donne<br />
énormément de satisfaction. C’est sûr qu’on donne<br />
beaucoup mais on reçoit aussi beaucoup en retour de la<br />
part de nos élèves. On les voit «grandir» devant nos yeux, on<br />
les accompagne, on les dirige,… cela vaut tous ces efforts!<br />
Merci pour l’interview et bonne continuation!<br />
Avec plaisir!<br />
Et qu’est-ce que vous avez trouvé difficile?<br />
Il y a un côté administratif qui peut paraitre assez lourd<br />
lorsqu’on est nouveau. Mais là aussi, grâce à de nouveaux<br />
outils qui se développent en permanence, nos dirigeants<br />
essaient de nous faciliter la tâche.<br />
Si vous faites le bilan, êtes-vous satisfait de<br />
votre choix?<br />
Je suis très content de mon choix. En plus, les jours ne se<br />
ressemblent pas du tout. C’est pour ça que j’adore travailler<br />
avec des jeunes car on peut avoir de bonnes (et moins<br />
bonnes) surprises tous les jours! Ce métier est tellement<br />
varié et enrichissant!<br />
Quels sont vos projets pour la nouvelle année<br />
scolaire?<br />
En dehors de mes responsabilités quotidiennes, je fais<br />
également partie de plusieurs groupes de travail. Je pense<br />
que c’est important de sortir régulièrement du quotidien afin<br />
de garder la vue hélicoptère et de travailler sur des projets<br />
à long terme comme sur la vision stratégique de l’école (ce<br />
qu’on appelle le plan 2021-2026).<br />
48 Profff
Profff<br />
Infos<br />
Infos<br />
Valeria Catalano<br />
Formations<br />
DiWeF: Didactische<br />
Werkgroep Frans<br />
Congrès du DiWeF: le 17<br />
novembre <strong>2022</strong> à l’Université<br />
de Hasselt (Diepenbeek).<br />
Programme: (voir le programme détaillé sur www.uhasselt.<br />
be/nl/aparte-sites-uhasselt/interculturalis/diwef-congres)<br />
• Stimuler l’interaction orale (Diane Debruyne)<br />
• Le travail collaboratif (Pascale Fierens)<br />
• Les stratégies d’apprentissage (Joëlle De Pessemier -<br />
Isabelle Delnooz)<br />
• La remédiation en classe (Philippe Cuylaerts)<br />
• Exploiter des documents artistico-littéraires dans le 2e<br />
degré de l’enseignement général (Valeria Catalano)<br />
• La prononciation, le parent pauvre de l’enseignement<br />
du FLE (Valeria Catalano)<br />
• Créer des exercices numériques avec Bookwidgets -<br />
niveaux débutant et avancé (Dimitri Bongers)<br />
• Le jeu d’évasion: une activité pour la classe de FLE<br />
(Giedo Custers)<br />
• Comment marier un ancrage durable de la matière et<br />
une approche didactique axée sur les compétences<br />
dans les cours de grammaire française? (Isabelle<br />
Peeters)<br />
• Écrire pour être lu, parler pour être entendu (Françoise<br />
Masuy)<br />
• Het rapport van het Talenplatform: resultaten<br />
onderzoek en stand van zaken (Tine De Koninck)<br />
• Conférence interactive: de Taalbarrière (Sandrine<br />
Morgante)<br />
Het rapport van het Talenplatform<br />
“Naar een talenonderwijs in<br />
topvorm. Een bevraging van de<br />
Vlaamse taalleerkracht.”<br />
Het talenonderwijs staat<br />
vandaag onder druk met tanende taalvaardigheid<br />
bij leerlingen, een uitdijend lerarentekort, dalende<br />
instroomcijfers voor talenopleidingen... Sinds 2019 zet het<br />
Vlaams Talenplatform zich ervoor in om dat tij te keren<br />
met acties en beleidsvoorstellen die ingrijpen op de vele<br />
factoren die ons talenonderwijs beïnvloeden. Aangezien<br />
taalleerkrachten zelf op de eerste rij zitten, wil het Vlaams<br />
Talenplatform zijn Talenplan verder verfijnen met de inbreng<br />
van taalleerkrachten uit het secundair onderwijs.<br />
Het Vlaams Talenplatform nam tussen december<br />
2021 en februari <strong>2022</strong> een online bevraging af bij 1029<br />
taalleerkrachten uit de verschillende onderwijsnetten,<br />
graden en onderwijsvormen van het secundair onderwijs.<br />
De vragen peilden naar hun kijk op leermateriaal,<br />
professionalisering, een talencampagne en enkele actuele<br />
onderwerpen (zoals de eindtermen, leerplannen en<br />
acties voor het talenonderwijs). Alle antwoorden werden<br />
statistisch verwerkt en leidden tot opvallende bevindingen,<br />
die op hun beurt vertaald werden naar aanbevelingen voor<br />
het talenonderwijs.<br />
Eindrapport “Naar een<br />
Kwaliteitsalliantie”:<br />
persconferentie<br />
georganiseerd door<br />
minister Ben Weyts op<br />
maandag 10 oktober<br />
Publicatie van het eindrapport “Naar<br />
een Kwaliteitsalliantie”. Rapport van de werkgroep die<br />
zich boog over de criteria die moeten toelaten de kwaliteit<br />
van handboeken en digitale leermiddelen in het Vlaamse<br />
onderwijs te evalueren. Coördinator van deze onafhankelijke<br />
werkgroep is Luc De Man, hoofd van de pedagogische<br />
begeleidingsdienst van het GO! en voorzitter van de Raad<br />
Secundair Onderwijs.<br />
49 Profff
Un monde<br />
Schrijf je in voor de<br />
inspiratiemomenten<br />
Focus Franse Film<br />
JEF selecteert elk schooljaar recente Franse of<br />
Franstalige films die door scholen aangevraagd<br />
kunnen worden voor een schoolvoorstelling in een<br />
bioscoop of cultuurcentrum in de buurt.<br />
Mes frères et moi<br />
Maak in september kennis met ons nieuw aanbod<br />
voor schooljaar <strong>2022</strong>-2023 en deel je ervaringen<br />
met collega-leerkrachten. We trakteren op een<br />
gratis filmvertoning en een vormingsmoment.<br />
WOENSDAG 14 SEPTEMBER<br />
Sphinx cinema (Gent), 13u<br />
Vorming + filmvertoning Un monde + nagesprek<br />
met regisseur Laura Wandel<br />
Mon cirque à moi<br />
WOENSDAG 21 SEPTEMBER<br />
Lumière Antwerpen, 13u<br />
Vorming + filmvertoning Mes frères et moi<br />
Ga naar professionals.jeugdfilm.be/events<br />
of scan de QR-code om je in te schrijven.<br />
Ouistreham<br />
L’événement<br />
Focus Franse Film maakt deel uit van het filmaanbod JEF in<br />
de klas. Met een programma van films, lesmateriaal, nagesprekken,<br />
workshops, vormingen en extra projecten maak je<br />
jouw leerlingen filmwijs.<br />
Meer info op focusfransefilm.be<br />
In samenwerking met:<br />
La brigade<br />
AMBASSADE<br />
DE FRANCE<br />
EN BELGIQUE
Onderwijsvernieuwing tweede graad<br />
Ontdek ons lesmateriaal<br />
CONFORM<br />
ONDERWIJS-<br />
VERNIEUWING<br />
Nouveau Quartier français 3<br />
Nouveau Quartier français 4<br />
Doorstroomfinaliteit<br />
Domeinoverschrijdend<br />
• Aangepaste opdrachten voor<br />
de studierichting Moderne talen<br />
• Juiste mix van kennis en vaardigheden<br />
• Hulp bij evaluatie en zelfevaluatie<br />
Nouveau Quartier libre 3 /<br />
Nouveau Quartier libre 3 Plus<br />
Nouveau Quartier libre 4 /<br />
Nouveau Quartier libre 4 Plus<br />
Dubbele finaliteit,<br />
Doorstroomfinaliteit Domeingebonden,<br />
Dubbele finaliteit richtingen Taal en communicatie en Toerisme<br />
• Tal van mogelijkheden voor een gedifferentieerde aanpak<br />
• Juiste mix van kennis en vaardigheden<br />
• Hulp bij evaluatie en zelfevaluatie<br />
Nouveau Quartier couleurs 3<br />
Nouveau Quartier couleurs 4<br />
Arbeidsmarktfinaliteit<br />
• Juiste mix van kennis en vaardigheden<br />
• Geïntegreerd differentiatiemateriaal<br />
• Hulp bij evaluatie en zelfevaluatie<br />
Benieuwd naar het nieuwe lesmateriaal voor het<br />
vierde jaar?<br />
Contacteer je regioverantwoordelijke via<br />
pelckmans.be/regioverantwoordelijken.<br />
pelckmanssecundair<br />
pelckmans_educatief<br />
A_<strong>2022</strong>_08_Proff.indd 1 24/08/<strong>2022</strong> 10:50