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July 2016

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PORTRAIT<br />

CHIANG MAI<br />

Une vie simple.<br />

A la question de savoir si elle n’aimerait pas exercer d’autres<br />

fonctions dans l’entreprise, Sipay lève la tête surprise, comme<br />

si une telle question était saugrenue. Bien sûr que non ! Elle<br />

fait ce qu’elle sait faire. Elle maîtrise la technique, elle connaît<br />

chaque dessin et ne désire surtout pas bouleverser le rythme<br />

de sa vie. Un long fleuve tranquille pense-t-on inévitablement<br />

en regardant travailler Sipay : cheveux court, uniforme de<br />

l’entreprise porté avec fierté, pieds nus, mains musclées,<br />

absence de maquillage et de bijoux, juste un sourire<br />

tranquille et timide. A 50 ans, sa vie est orchestrée comme “du<br />

papier à musique”. Sipay est originaire d’un petit village à une<br />

vingtaine de kilomètres de son lieu de travail. Elle vit toujours<br />

dans la maison familiale avec son frère et son père. Chaque<br />

matin, elle arrive un peu avant 8h et quitte invariablement<br />

l’entreprise à 17h. Elle ne fait généralement pas d’heures<br />

supplémentaires et travaille en alternance le week-end. Sur<br />

le chemin du retour, elle s’arrête invariablement au marché<br />

et rentre pour préparer le dîner. Son plaisir : rester à la<br />

maison. Naturellement, elle a aussi quelques amies dans son<br />

village. La plupart sont sculptrices comme elle, dans d’autres<br />

compagnies de Borsang, le poumon économique et social de<br />

ce territoire. Quand à l’idée de prendre sa retraite, elle répond<br />

amusée : “tant que mon employeur voudra de moi, je resterai”.<br />

“Peut-être, conclut-elle timidement, que tout aurait été différent,<br />

si j’avais fait des études”. Une réflexion prononcée sans regret<br />

ni amertume, comme si finalement tout était très bien ainsi.<br />

Vous pouvez rencontrer Sipay Sopahin chaque jour, dans le<br />

centre de fabrication de meubles de Sudaluck. 99/9 Chiang<br />

Mai - Sankampaeng road, Chiang Mai.<br />

Sipay Sopahin<br />

Une vie sculptee dans le bois<br />

Voilà plus de 20 ans que Sipay Sopahin manie le “siou” et le “oine” plus clairement, la machette et le burin miniatures, avec le<br />

même contentement. Un savoir-faire qu’elle a acquis grâce à sa soeur aînée, experte dans la sculpture sur bois. Toute jeune, elle<br />

va d’abord s’entraîner de longs mois, avant d’intégrer l’entreprise de fabrication de meubles Suddaluck, à Borsang, où elle officie<br />

encore aujourd’hui.<br />

Depuis deux semaines, Sipay et sa partenaire travaillent<br />

côte à côte sur la frise à fleurs de cette magnifique table.<br />

Les gestes sont précis et ne supportent aucun dérapage.<br />

Les tiges et les pétales se suivent et s’enchevêtrent selon<br />

un contour préalablement dessiné au crayon à papier. Sipay<br />

aime tout particulièrement sculpter des fleurs. Dans la “vraie”<br />

vie, les roses ont sa préférence. Et son jardin embaume le<br />

jasmin. Armée d’un petit plumeau, en fibres de noix de coco,<br />

elle va dégager la sciure des interstices du bois. Le geste n’a<br />

rien de mécanique, au contraire, Sipay prend son temps. Elle<br />

caresse le meuble, le regarde, frappe, ponce, époussette.<br />

Elle en a déjà sculpté des centaines de tables, des têtes de<br />

lits et d’armoires pour le compte de Sudaluck, essentiellement<br />

pour répondre à des commandes ou pour le show room qui<br />

reçoit chaque jour des dizaines de visiteurs. Sipay aime ce<br />

défilé de “curieux” qui la regarde travailler en silence, mais<br />

par-dessous tout elle affectionne l’ambiance de travail. Un<br />

mélange de complicité et de solidarité, tissé au fils des années.<br />

On peut voir à ses pieds un certain nombre d’outils qu’elle<br />

a acheté. Ici, l’ouvrier vient avec son matériel. Et chacun y<br />

accorde une attention toute particulière. C’est l’ancienne<br />

école ou plus exactement l’absence d’école et là est le fonds<br />

du problème. Ni Chambre des métiers, ni école de formation,<br />

pour enseigner cet art aux jeunes générations. Résultat, ce<br />

savoir-faire, et bien d’autres se perdent avec les générations.<br />

A Suddaluck, la moyenne d’âge des employées est de plus<br />

en plus élevée, sans espoir de renouvellement. Bien finie<br />

l’époque où comme Sipay, les jeunes s’enrichissaient des<br />

techniques de leurs ainés. Aujourd’hui, les étudiants suivent<br />

des cours plus théoriques, sur les matières fondamentales au<br />

risque de voir ces métiers traditionnels disparaître.<br />

SUDALUCK :<br />

99/9 Chiang Mai-Sankampaeng Road. Chiang Mai.<br />

MAP<br />

See Ring Road Map G5<br />

Tel : 053-338 006-11<br />

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