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PORTRAIT<br />
CHIANG MAI<br />
Une vie simple.<br />
A la question de savoir si elle n’aimerait pas exercer d’autres<br />
fonctions dans l’entreprise, Sipay lève la tête surprise, comme<br />
si une telle question était saugrenue. Bien sûr que non ! Elle<br />
fait ce qu’elle sait faire. Elle maîtrise la technique, elle connaît<br />
chaque dessin et ne désire surtout pas bouleverser le rythme<br />
de sa vie. Un long fleuve tranquille pense-t-on inévitablement<br />
en regardant travailler Sipay : cheveux court, uniforme de<br />
l’entreprise porté avec fierté, pieds nus, mains musclées,<br />
absence de maquillage et de bijoux, juste un sourire<br />
tranquille et timide. A 50 ans, sa vie est orchestrée comme “du<br />
papier à musique”. Sipay est originaire d’un petit village à une<br />
vingtaine de kilomètres de son lieu de travail. Elle vit toujours<br />
dans la maison familiale avec son frère et son père. Chaque<br />
matin, elle arrive un peu avant 8h et quitte invariablement<br />
l’entreprise à 17h. Elle ne fait généralement pas d’heures<br />
supplémentaires et travaille en alternance le week-end. Sur<br />
le chemin du retour, elle s’arrête invariablement au marché<br />
et rentre pour préparer le dîner. Son plaisir : rester à la<br />
maison. Naturellement, elle a aussi quelques amies dans son<br />
village. La plupart sont sculptrices comme elle, dans d’autres<br />
compagnies de Borsang, le poumon économique et social de<br />
ce territoire. Quand à l’idée de prendre sa retraite, elle répond<br />
amusée : “tant que mon employeur voudra de moi, je resterai”.<br />
“Peut-être, conclut-elle timidement, que tout aurait été différent,<br />
si j’avais fait des études”. Une réflexion prononcée sans regret<br />
ni amertume, comme si finalement tout était très bien ainsi.<br />
Vous pouvez rencontrer Sipay Sopahin chaque jour, dans le<br />
centre de fabrication de meubles de Sudaluck. 99/9 Chiang<br />
Mai - Sankampaeng road, Chiang Mai.<br />
Sipay Sopahin<br />
Une vie sculptee dans le bois<br />
Voilà plus de 20 ans que Sipay Sopahin manie le “siou” et le “oine” plus clairement, la machette et le burin miniatures, avec le<br />
même contentement. Un savoir-faire qu’elle a acquis grâce à sa soeur aînée, experte dans la sculpture sur bois. Toute jeune, elle<br />
va d’abord s’entraîner de longs mois, avant d’intégrer l’entreprise de fabrication de meubles Suddaluck, à Borsang, où elle officie<br />
encore aujourd’hui.<br />
Depuis deux semaines, Sipay et sa partenaire travaillent<br />
côte à côte sur la frise à fleurs de cette magnifique table.<br />
Les gestes sont précis et ne supportent aucun dérapage.<br />
Les tiges et les pétales se suivent et s’enchevêtrent selon<br />
un contour préalablement dessiné au crayon à papier. Sipay<br />
aime tout particulièrement sculpter des fleurs. Dans la “vraie”<br />
vie, les roses ont sa préférence. Et son jardin embaume le<br />
jasmin. Armée d’un petit plumeau, en fibres de noix de coco,<br />
elle va dégager la sciure des interstices du bois. Le geste n’a<br />
rien de mécanique, au contraire, Sipay prend son temps. Elle<br />
caresse le meuble, le regarde, frappe, ponce, époussette.<br />
Elle en a déjà sculpté des centaines de tables, des têtes de<br />
lits et d’armoires pour le compte de Sudaluck, essentiellement<br />
pour répondre à des commandes ou pour le show room qui<br />
reçoit chaque jour des dizaines de visiteurs. Sipay aime ce<br />
défilé de “curieux” qui la regarde travailler en silence, mais<br />
par-dessous tout elle affectionne l’ambiance de travail. Un<br />
mélange de complicité et de solidarité, tissé au fils des années.<br />
On peut voir à ses pieds un certain nombre d’outils qu’elle<br />
a acheté. Ici, l’ouvrier vient avec son matériel. Et chacun y<br />
accorde une attention toute particulière. C’est l’ancienne<br />
école ou plus exactement l’absence d’école et là est le fonds<br />
du problème. Ni Chambre des métiers, ni école de formation,<br />
pour enseigner cet art aux jeunes générations. Résultat, ce<br />
savoir-faire, et bien d’autres se perdent avec les générations.<br />
A Suddaluck, la moyenne d’âge des employées est de plus<br />
en plus élevée, sans espoir de renouvellement. Bien finie<br />
l’époque où comme Sipay, les jeunes s’enrichissaient des<br />
techniques de leurs ainés. Aujourd’hui, les étudiants suivent<br />
des cours plus théoriques, sur les matières fondamentales au<br />
risque de voir ces métiers traditionnels disparaître.<br />
SUDALUCK :<br />
99/9 Chiang Mai-Sankampaeng Road. Chiang Mai.<br />
MAP<br />
See Ring Road Map G5<br />
Tel : 053-338 006-11<br />
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