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Owanto, The Lighthouse of Memory, Go Nogé Mènè | La Biennale di Venezia 53

Owanto was the chosen artist to represent the Republic of Gabon in what was the nation’s first participation at the Venice Biennale. The curator of the artistic project was Fernando Francés from Spain, Director of the Contemporary Art Centre of Málaga (CAC Málaga), who strictly complied with the official theme of the project proposed by that year’s general artistic director Daniel Birnbaum, whose focus was to emphasize the creative processes. Texts by Fernando Frances and Owanto, 2009. 177 pages. Christian Maretti Editore. ISBN 88-89965-72-X

Owanto was the chosen artist to represent the Republic of Gabon in what was the nation’s first participation at the Venice Biennale. The curator of the artistic project was Fernando Francés from Spain, Director of the Contemporary Art Centre of Málaga (CAC Málaga), who strictly complied with the official theme of the project proposed by that year’s general artistic director Daniel Birnbaum, whose focus was to emphasize the creative processes.

Texts by Fernando Frances and Owanto, 2009. 177 pages. Christian Maretti Editore. ISBN 88-89965-72-X

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Chronologie de la Mémoire

Je suis née à Paris en 1953, de père français et mère gabonaise. A

l’age de six ans je suis allée vivre au Gabon, où notre maison était face

à l’Océan Atlantique, et la plage était mon jardin sans limites. J’ai eu la

meilleure enfance et les parents les plus aimants qu’un enfant puisse

souhaiter. J’ai couru, nagé et grimpé dans les arbres avec mes frères

Paul et Gilbert, et ma sœur Jeanne ; j’ai chassé, pêché et joué au foot

avec les garçons du quartier. Mes frontières dépendaient uniquement

de mon instinct et de la notion du bien et du mal de l’enfant. Il n’y

avait ni crime ni violence, et les personnes qui m’entouraient étaient

gentilles et pas du tout compliquées. Je me réveillais avec le lever du

soleil, je m’endormais lorsqu’il se couchait, et je me sentais en communion

avec la Nature.

En 1960, le Président Léon M’ba a rendu visite à mes parents en

France et leur a parlé de la construction d’un nouvel ordre mondial.

A la suite du décès de Jeanne, ma grand-mère française, mon père

a accepté l’invitation du Président à venir vivre en Afrique, et nous

avons déménagé à Libreville, la capitale du Gabon. C’était un moment

passionnant, plein d’espoir et d’aspiration, car l’Afrique commençait à

se dégager du contrôle colonial. En tant que fille d’un père humaniste

et d’une mère gabonaise qui se réjouissaient de la décolonisation, j’ai

été élevée avec la vision d’un monde sans limites.

Très rapidement ma grand-mère gabonaise, qui fumait la pipe, buvait

du rhum et m’apprenait à danser, est devenue quelqu’un de très spécial

pour moi. Elle avait un cœur et une âme pures et quoique physiquement

aveugle, elle voyait plus loin que la plupart des gens. J’ai hérité d’elle le

sens de l’invisible et la conscience des qualités magiques de la vie.

Pendant ces premières années, je suis allée à l’École Sainte Anne et

à l’École Mixte. Mes amis m’appelaient « Café au Lait » à cause de

la couleur de ma peau, ou « Mamiwata » parce que j’avais de longs

cheveux frisés. J’étais profondément consciente que j’appartenais à

leur monde et à un autre… simultanément.

sur la raison de l’existence : « Qui sommes nous? » « Que sommesnous

? » « Où allons-nous ? »

Après une année à l’école en Côte d’Ivoire, je suis retournée à

Libreville, mais bientôt il a fallu que j’abandonne l’école secondaire, car

l’argent manquait. A l’âge de dix-sept ans, je suis devenue la première

hôtesse de l’air de Transgabon Airlines, de nos jours Air Gabon. Cela

a été une entrée passionnante dans le monde du travail, car j’avais

envie d’explorer la planète et rencontrer ses habitants.

L’année suivante, j’ai quitté le Gabon pour l’Angleterre, puis me suis

installée à Madrid, où j’ai fait des études de philosophie à l’Institut

Catholique de Paris. En même temps j’ai commencé une carrière

réussie dans le monde des affaires.

Habitant à Madrid, je me suis liée d’amitié avec Fernando Higueras,

artiste, architecte, musicien et poète de talent, qui allait radicalement

changer le cours de ma vie. Pendant trois ans, j’ai vécu dans la

communauté d’artistes et d’intellectuels qui l’entourait, dont Antonio

López, Ricardo Vásquez, César Manrique et Lucio Muñoz. Au fur et à

mesure que mon esprit artistique se développait, je devenais désenchantée

du monde des affaires, et j’ai eu la sensation qu’une nouvelle

porte s’était ouverte.

Maintenant, en 2009, j’expose mes dernières œuvres au Pavillon de la

République du Gabon à la 53ème Biennale de Venise. Le commissaire

est Fernando Francés, Directeur du Centre d’Art Contemporain de

Málaga (CAC Málaga), et le thème de l’exposition est « Construire

des mondes ». Quand j’ai dit à Fernando que je me considérais comme

une conteuse d’histoires visuelles, il m’a aidé à articuler l’évolution de

mon œuvre et à visualiser de façon plus claire son héritage africain. Il

pouvait percevoir, sans aucun doute, le retour à ma mère et le rôle de

l’Afrique dans ma vision du monde. Il a allumé le Phare de la Mémoire,

et m’a guidée vers l’image de la cabane africaine dans les arbres. Tout

d’un coup les pièces se sont assemblées. Les photos et les panneaux

indicateurs, les lanternes et les diaporamas se sont mélangés pour

raconter une histoire d’amour et de création, d’humanité et d’espoir.

En 1964, pendant le coup d’État contre le régime de M’ba, mon père

a été blessé par les forces rebelles. Nous avons été placés immédiatement

sous la protection de l’armée française et nous sommes rentrés

en France en attendant la fin de la crise. De nouveau cela m’a rappelé

la grande différence des cultures qui formaient mon identité, et du

sens fondamental avec lequel je brouillais les limites entre les deux.

J’ai toujours adoré mon père, et chaque soir j’attendais le bruit de sa

voiture pour courir à sa rencontre. On partageait le goût de la lecture,

et on passait des heures à choisir et à discuter des livres. Quand il

est mort, j’ai eu une sensation intense de vide, et j’ai partagé avec ma

mère la violence de cette perte. Mon sens du chagrin et de la séparation

était profond. Des années après, à l’école missionnaire où des

religieuses s’occupaient de moi, j’ai commencé à poser des questions

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