chirurgie du pied - Biblioteca Digital de Obras Raras e Especiais ...

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ENCYCLOPÉDIE CADÉAC
CHIRURGIE DU PIED
DES
Animaux domestiques
PA K
J. BOURNAY & J SENDRAIL
J -B. BAILLIÊRE * FILS

iK«Haaau>

LIBRAIRIE J.-B. BAVIÈRE ET FILS
CAGNY^rM et GOBERT (H.-J.). —- Dictionnaire vétérinaire.
1902-19Q3, 2 vol. gr. m-8 à 2 colonnes de chacun
800 pages, avec planches en couleurs et 1500 figures.
Es VENTE : T. H, 'A-H, 1 vol. gr. in-8 de 768 pages» avec
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du T. Il 32 fr.
Aussitôt l'ouvrage complet, le çrix sera porté à... 35 fr.
CAGNY (P.).— Formulaire des Vétérinaires praticiens.
-4" édition, 1902, 1 vol. in-I8 de 348 pages, carir 3 fr.
CHAMPÊTIER (P.). — Les Maladies du jeune Cheval,
par.P. CHAMPETIEIC, vétérinaire de l'armée. 1892, 1 vol. in-16
de 348 pages, avec 8 planches coloriées, cart. '. 4 fr.
CHAUVEAU. — Traité d'Anatomie comparée des
Animaux domestiques, par A. CHAUVEAU, inspecteur.
général des coles vétérinarres, membre de , l'Institut^
4« édition, revue par S. AHLODCG, directeur de l'École vétérinaire
de Lyon. 1890, 1 vol. gr. in-8 de 1064 pages, avec
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COLIN (G.). — Traité de Physiologie comparée des
. Animaux, considérée dans ses rapports avec les sciences
naturelles, la médecine, la zootechnie et l'économie rurale,
ar G. Cous, professeur à 1' xole vétérinaire d'Alfort, mem-
E
re de l'Académie de médecine. 3 e édition. 1888, 2 vol. in-8,
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CORNEVIN (Ch.) et LESBRE. — Traité de l'Age des Animaux
domestiques, d'après les dents'et les productions,
épidermiques, par Ch. CORNEVIN et X. LESBRE, professeurs àv
l'Ecole vétérinaire de Lyon. 1895, 1 vol. gr. in-8 de 462 pages,
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CUYER et ALIX. — Le Cheval. Extérieur, régions, pied,
proportions, aplombs, allures, âges, aptitudes, robes, tares,
vices, achat et vente, structures et fonctions, races, origine,
production et amélioration, démontrés à l'aide.de planches
coloriées, découpées et superposées. Dessins d'après nature
par E. CCYEB. Texte par E. Aux, vétérinaire milrtaire. 1886,
ï vol. gr. in-8 de 700 pages de texte avec 172 figures et
1 atlas de 16 pi. col. Ensemble 2 vol. gr. in-8, cart. 60 fr.
DUMONT (R.h — Manuel pratique de l'Alimentation
du bétail. 1903, 1 vol. in-16 de 350 pages, cart..... 4 fr.
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DUPONT (M.-P.). - L'Âge du Cheval et des principaux
animaux domestiques.: ane,.mulet, boeuf, mouton, chèvre,
chien, porc et oiseaux. 1893, 1 vol. in-16 de 180 pages avec
36 planches, dont 30 coloriées 4 fr.
FONTAN (J.-M.). -T L'Art de conserver la santé des
Animaux dans les campagnes. Nouvelle médecine vétérinaire
domestique. 1894, 1. vol. in-16 de 378 pages, avec
Î85 figures, cart. (Bibl. des Connâiss. utiles) 4 fr.
GALISSET et MIGNON. — Traité des Vi.es rédhibitoires.
1864, 1 vol. ih-18 de 542 pages ,6 fr.
GALLIER. — Le Cheval anglo-normand, par GALLIEB,
vétérinaire inspecteur de Caen. 1900, 1 vol.. in-16 de 374 pages,
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— Jurisprud >nce vétérinaire. Traité des vices'rédhibitoires
dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques.
3« édition, 1896, 1 vol. in-8 de 791 pages 8 fr.
GOYAU. — Traité pratique d? Maréchalerie, comprenant
le pied du cheval, la maréchalerie ancienne et moderne,
la ferrure appliquée aux divers genres de service, la médecine
et l'hygiène du pied. 3 e édition, 1890, 1 vol. in-18 de
'528 pages, avec 364 figures 8 fr..
GUÉNAUX. — L'Élevage en Normandie, 1902, 1 vol.
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GUYOT(E.) — Les Animaux de la Ferme. 1890, 1 vol.
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NICOLAS (E.) et FROMAGET (C). - Précis d'Ophtalmoscopie
vétérinaire. 1898, 1 vol. in-8 de 120 pages, avec
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PERTUS. — Guide pratique de l'Acheteur de Chevaux.
1902, 1 vol. in-i6 de 148 pages, avec 78 figures 2 fr.
— Le Chien. Races, hygiène et maladies. 1893, l vol. in-18
jésus de 208 pages, avec 77 figures, cart. (Bibl. des Connâiss.
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RELIER. — Guide pratique de l'Élevage du Cheval.
1889, 1 vol. in 16 de 382 pages, avec 128 figures, cart. (Bibl.
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RIDER (C.). — Étude médicale sur l'Équitation. 1870,
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clt? 648 pages, avec 411 figures, cart 7 fr.
3609-02. — COUBEIL. Imprimerie ÉD. CK*TE.

ENCYCLOPÉDIE CADÊAC
XXIII
CHIRURGIE DU PIED
DES
ANIMAUX DOMESTIQUES

LIBRAIRIE J.-B. BAILL1ERE ET FILS
Encyclopédie vétérinaire, publiée sous la
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de G. CADÉAC, professeur de clinique à l'École vé vétérinaire
de Lyon. Collection nouvelle de 30 volumes de 500 pages
in-18 illustrés. Chaque volume cartonné , 5 fr.
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Animaux domestiques, par C. CADÉAC. 1' vol. in-18 de
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Animaux domestiques, par C CADÉAC. 2 vol. in-18, de
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à l'Ecole vétérinaire de Lyon. 1 vol. in-18 de 504 p.,
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Police sanitaire, par CONTÉ, professeur à l'Ecole vétérinaire
de Toulouse. 1 vol. in-18 de 518 pages, cartonné 5 fr.
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nasale?, sinus. — IV. Larynx, trachée, bronches, poumons. — V. Plèvres
péricarde, cœur, endocarde, artères. — VI. Maladies du sang. Maladies
générales. Maladies de l'appareil urinaire. — VII. Maladies de
l'appareil urinaire (fin). Maladies de la peau et maladies parasitaires
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Chaque volume se vend séparément 5 fr.
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chefs des travaux aux Ecoles de Toulouse et d'Alfort. 1 vol.
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Jurisprudence vétérinaire, par A. CONTE, professeur à l'Ecole
vétérinaire de Toulouse. 1 vol. in-18 de 553 p., avec fig.,
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Chirurgie du pied des Animaux domestiques, par J. BOURNAY
et J. SEXDRAIL. 1 vol. iu-18 de 492 pages, avec 135 figures,
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L'Extérieur du Cheval, par L. MONTANÉ, professeur à l'Ecole
vétérinaire de Toulouse. 1 vol. in-18 de 530 p., avec
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ENCYCLOPÉDIE VÉTÉRINAIRE
Publiée sous la direction de C. CAliÈAC
CHIRURGIE DU PIED
DES
ANIMAUX DOMESTIQUES
PAR
J. BOURNAY et J. SENDRAIL
PROFESSEURS » I.'lCOLE VÉTÉRINAIRE SE TOULOUSE
Avec 135 figures intercalées dans le texte. ~~%- y-I C- j "
• -—— J •"•
MONOGRAFiJAS
N.» QJ^Stl fwAy^O;
N.» TOMBO
PARIS Sy^o O i ^ ^ l
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS
49, rue Hantefetille, iris do Bonlemd Saint-Germain
1903
Tous droits réservés.
rl ,0TrrA E DOCUMENTAÇAO
SEMICO & ^?lwcm VETERiNAR»A
^ CUL °fz0OTECNlAOAUSP

PRÉFACE
L'importance considérable des affections du pied
«hez les animaux domestiques, l'intérêt que les vétérinaires
ont toujours accordé à leur étude justifient
notre tentative de leur consacrer un livre spécial.
Ce livre manquait en France, nous avons essayé
de combler cette lacune.
Iljr a un demi-siècle, H. Bouley en avait formé
le projet, il en avait préparé en partie les matériaux,
qu'il répandit dans son Dictionnaire Vétérinaire,
sous forme d'articles d'une incontestable
valeur, mais qui ont vieilli.
La physiologie mécanique en général et celle de la
région digitée en particulier ont été, depuis, l'objet
de très intéressantes études qui ont beaucoup
éclairé la patbogénie des affections du pied.
Celle partie de notre pathologie a aussi largement
profilé des progrès de l'anatomie pathologique, si
rapides en ces dernières années.
Enfin la thérapeutique a fait sur ce même point
d'importantes acquisitions.
Nous avons puisé à ces différentes sources.
La clinique de l'École vétérinaire de Toulouse nous
a également fourni de nombreux enseignements.

VIII PRÉFACE.
Nous avons pensé qu'il était urgent de reprendre,
avec tous les développements qu'il mé'rrte, ce chapitre
de pathologie vétérinaire et de synthétiser les
connaissances acquises à ce jour, sur cet intéressant
sujet.
Nous avons tenté ce travail avec le désir d'être
utiles à notre profession. Puissions-nous avoir réussi.
La mort prématurée du très regretté professeur
Bournay, survenue le 26 octobre 1901, me laisse la
charge de présenter seul ce livre au public vétérinaire.
Bournay consacra ses dernières forces à la préparation
de cet ouvrage ; nos lecteurs regretteront que
sa collaboration ait été trop tôt interrompue.'
Mon laborieux ami avait projeté une œuvre plus
complète et plus étendue, il avait bien voulu m'y
associer. Je conserve à la mémoire de ce maitre si
bienveillant une reconnaissance affectueuse.
Toulouse, le I e " 1 juillet 1902.
J. SENDRAIL.

CHIRURGIE DU PIED
SOLIPÈDES
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Les affections du pied, chez les solipèdes (1), sont nombreuses,
fréquentes et ordinairement graves. Les vétérinaires
ont toujours accordé un intérêt tout particulier
à leur étude.
L'importance de ce chapitre de la pathologie hippique
est liée au rôle considérable du pied ; celui-ci tient sous
sa dépendance le mécanisme locomoteur tout entier et,
par conséquent, la principale fonction économique du
cheval, presque exclusivement utilisé comme moteur.
Le pied supporte le poids du corps, c'est par lui que
l'animal prend contact avec le sol, il est au cheval ce que
sont à tout édifice les fondements ; il représente le point
d'appui définitif de tous les leviers locomoteurs ; il participe
dans la plus large mesure à l'amortissement des
pressions et réactions locomotrices ; il est enfin un organe
de tact d'une sensibilité suffisante pour permettre au
cheval de se mouvoir dans l'obscurité avec quelque assurance,
pour suppléer, chez l'aveugle, à la vision abolie.
Un fonctionnement aussi actif et aussi varié appelait
(I) En Pathologie, comme en Extérieur, on entend par pied — chez les
-solipides — l'extrémité du doigt, c'est-à-dire le sabot et son contenu.
Chirurgie du pied. 1

2 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
une organisation spéciale à laquelle la nature a admirablement
pourvu.
L'alliance de tissus multiples, l'agencement d'organes
délicats, leur protection par une enveloppe résistante,
la solidité et la souplesse des adhérences de cette dernière,
l'interposition de coussinets élastiques, la richesse
et la distribution des réseaux sanguins et nerveux, tout
a été prévu. Mais, quelle que soit la perfection de ce chefd'œuvre,
les conditions hors nature imposées à nos machines
animées en compromettent souvent l'intégrité.
Le surmenage fonctionnel sur un sol artificiellement
durci et la nécessité même de l'application d'un appareil
protecteur complémentaire (ferrure), suffisent à expliquer
la fréquence des altérations du pied. La complexité
anatomique de cette région, le nombre des organes
qu'elle renferme et les qualités si différentes des tissus
qui la constituent permettent de prévoir la diversité de
ces altérations. La gravité de celles-ci découle tout
naturellement de la délicatesse des organes affectés, de
ce qu'elles sont dissimulées et rendues moins accessibles
par la présence de l'enveloppe cornée ; enfin et surtout
de l'entrave apportée au fonctionnement du pied dont
nous avons dit l'importance.
L'intégrité absolue de cet appareil est indispensable
à la bonne utilisation du cheval; c'est ce qu'on entendait
exprimer autrefois par l'aphorisme bien connu que Ion
ne saurait manquer de rappeler : « Pas de pied, pas de
cheval ».
PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED
Étiologie. — On peut diviser les causes des maladies
du pied en deux groupes principaux : causes prédisposantes
et causes déterminantes, et trouver dans chacun de
ces groupes des causes individuelles et des causes ambiantes.
A. Causes prédisposantes. — a. CAUSES INDIVIDUELLES.

ETI0L0G1E. 3
— Les défectuosités du pied, constituent les plus importantes.
Les pieds dont l'aplomb est mauvais ont une avalure
irrégulière ; les pressions s'y répartissent mal ; de ce fait,
des accidents peuvent survenir (seime, bleime,etc).
Les pieds irréguliers de forme sont dans le même cas :
La qualité de la corne influe sur la conservation du
pied; trop dure, elle est cassante, le pied est bientôt
dérobé, il perd son fer et ne tarde pas à être blessé ; trop
molle, elle protège mal le pied contre les injures extérieures.
Les allures relevées surmènent la poulie formée par le
petit sésamoïde : l'animal est prédisposé à la maladie
naviculaire.
Le tempérament joue un rôle considérable sur certains
animaux : le crapaud est l'apanage de quelques sujets
sur lesquels il apparaît et récidive avec la plus grande
facilité.
L'hérédité, invoquée par nombre d'auteurs, ne paraît
avoir quelque importance qu'en ce qui concerne la forme
des pieds, la qualité de la corne. Son influence se confond
avec celle de la race.
b. CAUSES AMBIANTES. — La ferrure est incontestablement
la cause prédisposante par excellence des maladies
du pied. Elle provoque souvent l'encastelure et expose
à de nombreux accidents traumatiques.
Le genre de service intervient par les dangers auxquels
il expose les animaux (les chevaux des entrepreneurs
de démolition sont souvent atteints de clous de rue) ; —
par l'usure plus ou moins rapide du fer (la ferrure souvent
répétée pouvant être nocive). Les chevaux qui travaillent
en ville sont beaucoup plus exposés aux maladies
de pied que ceux qui vivent à la campagne.
L'hygiène des écuries, les alternatives de sécheresse et d'humidité
(chevaux de halage), Y émigration sont à prendre
en considération : c'est dans les écuries sales que se dé-

4 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
veloppe le crapaud et que se compliquent les traumas ;
c'est sur une paroi fendillée que naissent facilement les
seimes. Tout le monde sait que les chevaux émigrés sont
souvent des encasteléa.
B. Causes occasionnelles. — a. CAUSES INDIVIDUELLES.
— Certaines défectuosités d'allures peuvent occasionner
directement une maladie de pied. Le cheval qui s'atteint,
se blesse parfois gravement le bourrelet; c'est là le point
de départ d'un javart, d'une seime, etc.
Les infections primitives (fourbure a frigore),ou secondaires
(fourburepostpartum) constituent des causes occasionnelles
sur lesquelles nous aurons longuement à revenir.
6. CAUSES AMBIANTES. — Citons immédiatement, comme
pour les causes prédisposantes, la ferrure. Elle est le
point de départ de la majorité des maladies traumatiques
du pied.
Les traumalismes variés qui atteignent le sabot : efforts
ou pressions excessives (seime), blessures diverses (clou
de rue), contusions, arrachement, etc., sont innombrables.
Les agents chimiques doivent trouver place ici. Appliqués
comme médicaments (sublimé corrosif), ils peuvent
dépasser la zone qu'ils doivent influencer. Plus rarement
il s'agit de brûlures dues au bris de bonbonnes
d'acides transportées par les animaux.
Le froid, enfin, peut, à lui seul, provoquer des phlegmasies
vives du pied. Pendant les campagnes exécutées
par des hivers rigoureux, des cas de ce genre ont été
observés.
Symptomatologie. — En règle générale, les maladies
du pied se traduisent par une claudication plus ou moins
forte et par des iroubles locaux, plus ou moins perceptibles.
Certaines affections donnent en outre naissance
à des symptômes généraux.
La claudication peut manquer complètement (crapaud,

SYMPTOMATOLOGIE. 5
javart cartilagineux, etc.), ou bien se réduire à une
simple attitude vicieuse à l'écurie : le cheval pointe (maladie
naviculaire au début) ou se campe du devant
(fourbure antérieure), etc. Le plus souvent, la claudication
est très nette. Elle présente comme caractère
constant, mais plus ou moins apparent, une certaine hésitation
dans le poser du pied ; le malade redoute l'ébranlement
des tissus malades, la battue est moins forte qu'à
l'état normal.
•
Il est de règle également de voir le patient chercher à
prendre appui par les parties du pied les moins douloureuses
(les talons dans la fourbure), ou les plus
propres à soulager l'organe malade (la pince lors de
maladie naviculaire). Cette claudication est toujours
plus forte sur un terrain dur que sur un terrain mou.
La boiterie est proportionnelle à la gravité et à l'étendue
des lésions, elle est continue, rémittente ou intermittente.
Lorsque les deux pieds antérieurs sont atteints
(encastelure, maladie naviculaire, etc.), l'animal limite
le jeu de ses membres : les épaules sont chevillées.
Lors d'affections graves accompagnées de mortification
de tissus (clou de rue pénétrant) ou de compression de
parties enflammées (pododermatite profonde), l'animal
agite constamment son membre, il présente des lancinations.
L'examen du pied permet de constater d'une manière
plus ou moins nette (lorsqu'ils existent) les symptômes
cardinaux de l'inflammation, ainsi que des lésions
diverses, apparentes ou cachées, sous l'enveloppe
cornée.
Les symptômes de l'inflammation : chaleur, douleur,
tumeur, rougeur, lors de maladies aiguës du pied, sont
peu apparents.
La chaleur anormale du pied se perçoit avec la main.
On la constate d'autant plus facilement que la paroi est
plus mince. Sa perception est beaucoup plus sûre avec

6 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
le dos qu'avec la paume do la main. On n'oubliera point,
à ce sujet, que la température superficielle du sabot est
plus élevée au voisinage du bourrelet que vers le bord
plantaire. Lorsque l'on veut préciser le point où l'hyperthermie
atteint son maximum, on enduit le sabot d'argile
ou de craie délayée dans l'eau : la dessiccation plus
rapide de cette substance dans les points les plus chauds
indique la région qui souffre.
La douleur est la cause de la boiterie. Elle est d'autant •
plus vive que les tissus éprouvent plus de difficultés à se
gonfler. La percussion, la pression, l'exagèrent. Dans beaucoup
de cas, elle atteint son maximum dans des
points déterminés : au niveau des rivets (enclouure),
du corps de la fourchette (maladie naviculaire), des talons
(bleime), etc.
La tuméfaction des tissus enfermés dans le sabot est
impossible en l'absence d'une brèche présentée par ce
dernier ; ce fait explique l'intensité des souffrances
qu'occasionne la fourbure. Lorsque la cuirasse cornée
manque sur une faible étendue, les tissus se congestionnent
et bourgeonnent dans la brèche pour former
une cerise. — La tuméfaction de la région de la couronne,
du paturon, etc., est au contraire facile à percevoir: elle
accompagne les maladies du pied compliquées de suppuration
ou de mortification de tissus. Il est possible aussi
de percevoir, ou de trouver plus fortes (selon les sujets)
les pulsations des artères collatérales du doigt. Ce
symptôme ne s'observe que dans les processus aigus ; il
ne serait perçu, d'après Gutenacker,'que sur l'artère correspondante
si les lésions sont localisées à une moitié
du pied seulement.
La rougeur n'existe que si la peau est blanche. Elle se
voit alors sur la couronne et le paturon, la corne blanche
est quelquefois elle-même plus ou moins rouge.
Les autres signes objectifs locaux que peut présenter le
pied sont très variables : la muraille est parfois fissurée,

COMPLICATIONS, DIAGNOSTIC. 7
irrégulière à sa surface, anfractueuse à son bord plantaire
(pied dérobé), la sole est bombée, la fourchette est
atrophiée, etc. On trouve, dans d'autres circonstances des
lésions traumatiques de gravité variable, la cutidure est
décollée, du pus a fusé aupoil ; le tissu velouté est recouvert
de végétations, etc.
Les symptômes fébriles sont inconstants. Ils accompagnent
les processus microbiens intéressant les tissus vifs
du pied. Ils s'accusent par l'abattement, l'anorexie,
l'accélération du pouls et de la respiration, l'hyperthermie,
etc. La température s'élève à 39°, 40°, et même 41°.
Complications. — Elles sont très fréquentes. Les unes
résultent du fonctionnement insuffisant de certains organes,
telles l'encastelure, les atrophies musculaires, la
bouleture, etc., d'autres sont dues à un fonctionnement
excessif, telle la fourbure d'un pied consécutive à une
maladie du pied opposé. Il en est enfin qui relèvent de
l'infection; dans ce groupe se placent les lymphangites
profondes, le tétanos, l'infection purulente, la gangrène
gazeuse, elc.
Diagnostic. — Il est bon de rappeler à propos du diagnostic
des maladies du pied l'aphorisme par lequel les
hippiatres disaient leur fréquence : Pour un cheval qui boite
de l'épaule ou de la hanclie, il y en a cent qui boitent du pied.
On ne saurait trop, en effet, se pénétrer de cette notion
confirmée chaque jour par la clinique, qu'il faut s'attacher
à explorer méthodiquement le pied chez tous les
animaux boiteux, alors même que cette exploration peut,
à première vue, paraître inutile.
Les particularités présentées par la boiterie et par
l'attitude du malade à l'écurie ont une valeur diagnostique
considérable. Les renseignements sont aussi d'un
grand secours : on ne peut guère s'empêcher de penser
que l'animalaété piqué, brûlé, etc., lorsque l'on apprend
que la boiterie s'est montrée immédiatement après le
renouvellement de la ferrure.

8
PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
L'inspection du pied est faite avec le plus grand soin.
L'observateur se plaçant successivement en face et par
côté, note avec soin les moindres particularités présentées
par le sabot :
De face, l'attention est portée surtout sur l'égalité de
volume, de largeur (au bord plantaire et au bord coronaire),
de hauteur, etc., des
deux sabots du bipède (thoracique
ou pelvien) malade.
On note l'état de la corne,
la présence de fissures,
(seimes), de sillons horizontaux(maladies
diverses),
de saillies allongées dans
le sens des fibres de la
muraille (kéraphyllocèle).
On compare avec soin les
deux pieds, les régions de
la couronne et du paturon.
L'usage du compas d'épaisseur
peut rendre des services
dans cet examen
(ûg- !)•
De profil, soit à droite,
soit à gauche, il y a lieu
de procéder de la même
manière et de Constater notamment
l'état des quartiers,
la hauteur des talons, l'absence de rivets, ou leur
présence en un point trop élevé.
Dans ces deux positions, les fistules, les plaies, la tuméfaction
de la couronne, l'engorgement du bas du
membre peuvent être observés.
Le pied est ensuite levé. On constate alors l'état
de la fourchette et de la sole (crapaud), l'absence de
clous (piqûres probables), la présence de blessures plus

DIAGNOSTIC. 9
ou moins graves (clous de rue), la déformation de la
sole accompagnée ou non de fourmilière (fourbure), la
fissure des barres (seime en barre), etc.
La percussion et Impression donnent des renseignements
précieux.
La percussion peut être pratiquée à l'aide d'un marteau
quelconque. Il est bon
d'employer
ment dont la tète ne soit pas trop large, afin délocaliser
avec plus de facilité les parties sensibles (fig. 2 et 3).
Le pied opposé étant levé, l'organe malade est percuté
méthodiquement. L'opérateur a soin de com-

10
PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
mencer par de légers coups, dont il augmente graduellement
la force. Chaque coup est frappé isolément.
L'œil correspondant au pied percuté est recouvert par
la main d'un aide, afin que l'animal ne puisse voir les
mouvements de l'opérateur, ce qui provoquerait des déplacements
inopportuns. La ligne des rivets, la région
des quartiers sont percutées avec soin.
Portée sur les talons, la percussion met en évidence
la sensibilité liée à l'encastelure, à la bleime podophylleuse,
etc.
La percussion se fait ensuite sur la face plantaire.
Elle ne doit porter — si l'on veut un résultat précis —
que sur la partie centrale du pied : voisinage de la pointe
de la fourchette, corps de la
fourchette, et branches de la
sole. Pratiquée sur le fer, elle
donne peu de renseignements,
même dans le cas d'enclouure ;
car le fer amortit et dissémine
le choc. — La percussion de
la face plantaire renseigne sur
l'existence de la maladie naviculaire,
par la sensibilité du
corps de la fourchette ; de la
bleime veloutée, par la sensibilité
des branches de la
sole, etc. (fig. 4).
Fig. 4. — Curetle et marteaucurelte
d'eiploration.
Le pied est ensuite déferré
pour être inspecté avec plus
de soin et comprimé méthodi­
quement. Mais, auparavant, on peut exécuter la compression
au moyen d'une pince qui, grâce à ses dimensions,
puisse embrasser une grande partie du pied, pardessus
le fer (fig. 5).
Le déferrage est pratiqué sans violence ; les rivets
doivent être relevés à petits coups de mailloche. Chaque

DIAGNOSTIC. . H
clou retiré est examiné avec soin; en trouve-t-on un
maculé de sang, humide, etc., on note son point d'implantation
sur lequel on intervient ensuite.
Privé de son fer, le pied est blanchi; ses lacunes
sont nettoyées ; on voit mieux alors et on peut préciser
les caractères des lésions aperçues au simple lever
du pied, les changements de coloration de la corne, les
orifices de pénétration des corps vulnéranls, etc.
La pression s'effectue sur le pied déferré à l'aide de
pinces de formes variées (fig. 6). Des tricoises goulues sont

12 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
souvent utilisées (fig. 7). Il convient, pour prévenir le
glissement, que les mors qui prennent appui sur lamuraille
soient dentelés ou gar.
nis d'aspérités.
En serrant, en comprimant
successivement les
différentes régions du bord
plantaire du sabot (fig. 8),
on reconnaît très facilement les régions qui souffrent: les
talons (bleime, encastelure), le trajet d'un clou (piqûre,
enclouure), etc.
L'amincissement de la région sensible se pratique ordinairement
sans retard. 11 se fait, en respectant la paroi
leiplus possible, et en faisant agir l'instrument d'abord
à quelque distance du centre de la lésion pour se rapprocher
ensuite peu à peu de ce dernier. En procédant
ainsi, la partie lésée se trouve au milieu d'une dépression
en entonnoir, les tissus congestionnés peuvent se gonfler;

DIAGNOSTIC. 13
si quelque hémorragie se produit, c'est toujours à la
fin de l'opération et elle est moins gênante que si elle
apparaît dès le début.
Par l'amincissement, on constate les modifications
subies par la corne dans son épaisseur (bleime étagée) ;
on met à découvert des foyer3 purulents (bleime suppurée)
*, on reconnaît la présence d'une colonne de corne
sous-pariétale (kéraphyllocèle), etc.
Par les moyens sus-indiqués on arrive à un diagnostic
précis dans la grande majorité des cas. Cependant, alors
même qu'il s'agit d'une maladie du pied, ces diverses
manœuvres peuvent rester sans résultat.
Lorsque les commémoratifs, l'absence de lésions dans les

14 PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
autres parties du membre, et les caractères de la claudication
portent à croire que cette dernière résulte d'une
lésion du pied, sans que l'on puisse se prononcer nettement
pour l'affirmative, il convient de procéder à un
nouvel examen; le cheval est mis pendant unoudeuxjours
au repos et le pied suspect est maintenu, pendant ce
temps, dans un cataplasme émollient.
Par l'inspection, la percussion, la compression répétées
sur le pied malade et, comparativement, sur le pied sain
du même bipède, on arrive à recueillir quelques signes
qui, rapprochés des renseignements et des constatations
laites sur les particularités de la boiterie, permettront,
par un travail de synthèse, de porter un diagnostic
précis.
Au reste, après de pareils examens, l'opérateur n'a pas
épuisé tous ses moyens.
Il peut insensibiliser le pied par une injection de
cocaïne sur chaque nerf plantaire et faire ainsi disparaître
la boiterie si elle dérive du pied (Dassonville,
Deysine et Vidron, Pader, Desoubry, Pécus, etc.). L'injection
se fait immédiatement au-dessus du boulet, dans
le tissu conjonctif sous-cutané, sur le trajet des nerfs
plantaires. On utilise une solution de chlorhydrate de
cocaïne dans de l'eau bouillie à 10 p. 100 ; on injecte 2 à
3 centimètres cubes de chaque côté; on masse légèrement.
Le cheval est exercé dix minutes après ; la boiterie
a disparu ou a sensiblement diminué si la lésion est
dans le pied. Ces effets persistent vingt à trente minutes.
L'anesthésiecocainiqueest un moyen de diagnostic très
commode et très élégant, il nous a souvent rendu service ;
il ne doit cependant être utilisé que si les autres méthodes
d'exploration donnent des résultats nuls ou douteux.
Nous ne parlerons que pour mémoire des renseignements
que l'on pourrait demander à la radiographie.
Cette méthode ne parait pas être encore utilisable dans
le cas particulier qui nous occupe.

DIAGNOSTIC. la
Pronostic. — La gravité des maladies du pied est
extrêmement variable; pour chaque cas observé, des
éléments particuliers peuvent intervenir pour modifier
le pronostic.
Les maladies des pieds antérieurs sont plus graves que
celles des pieds postérieurs. Le rôle dévolu à chaque bipède,
thoracique ou pelvien, est la cause de ce fait clinique
connu de tous. Les pieds antérieurs, préposés au soutien
de l'animal, se fatiguent beaucoup plus vite que les postérieurs,
lorsqu'une lésion les intéresse; conséquemment,
lorsqu'un pied antérieur ne participe plus au soutien,
son congénère est beaucoup plus exposé aux complications
que ne l'est le postérieur placé dans les mêmes
conditions.
L'utilisation de Vanimal à un service rapide aggrave le
pronostic, car il est à craindre que la maladie récidive ou
que le pied reste déformé ou anormalement sensible
après laguérison et que l'aptitude du sujet soit compromise.
L'étendue des lésions, l'ancienneté de la maladie, sont
toujours des circonstances aggravantes. Dans le premier
cas, les complications graves sont à craindre et la réparation
des tissus demande un temps toujours long. Dans
le second, la guérison est souvent incertaine et il existe
presque inévitablement des affections secondaires :
amyotrophies, encastelure, bouleture, etc., qui demandent,
de leur côté des soins longs et difficiles.
Le pronostic est plus grave lorsqu'il s'agit d'une maladie
dépendant d'une conformation vicieuse du sabot que s'il
s'agit d'une maladie survenue accidentellement ; la bleime,
sur un beau pied est moins grave que sur le pied à talons
bas, sur le pied encastelé, etc.
Les maladies d'origine traumatique qui n'intéressent que
des tissus riches en vaisseaux : membrane kératogène, coussinet
plantaire, etc., sont moins redoutables que celles qui
naissent sur des organes à vitalité obscure: aponévrose plan-

16 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
taire, ligaments, fibro-cartilages complémentaires de la troisième
phalange. Les premières guérissent plus facilement
que les secondes, parce que le bourgeonnement cicatriciel
y est très rapide.
Les traumatismes du pied obéissent, quant à leur pronostic,
à cette loi générale de pathologie chirurgicale :
Les blessures sont d'autant moins à craindre que le corps
vulnérant est plus propre, plus ténu, plus aseptique. Les
piqûres du pied faites par un clou mince, effilé, propre,
guérissent très souvent sans phénomènes de suppuration,
de mortification de tissus, etc., alors que celles qui
sont produites par des corps mousses, souillés par la
boue ou la poussière des rues, occasionnent presque
toujours de graves désordres.
Enfin, une indication pronostique générale découle
de l'aspect du pus fourni par les lésions suppuratives
des tissus intràcornés : le pus noirâtre, liquide, dénote une
lésion superficielle en voie de guérison ; le pus jaunâtre
crémeux, indique une lésion plus profonde; le pus lie
de vin, traduit la mortification de la membrane kératogène,
etc.
L'application des règles de l'antisepsie et de l'asepsie au
traitement des maladies du pied a diminué leur gravité.
Non seulement les interventions chirurgicales donnent
une plus forte proportion de succès, mais en outre, la
durée du traitement peut, dans certains cas, être considérablement
réduite. La suture du bourrelet au tissu
podophylleux immédiatement après l'extirpation du cartilage
dans l'opération du javart cartilagineux a permis
à Almy de remettre les opérés en service de douze à
quinze jours après l'opération, alors qu'il faut attendre
de trente à quarante jours en procédant autrement.
L'antisepsie et l'asepsie permettent de faire de la
chirurgie conservatrice. Par elles, on peut limiter l'intervention
au point malade et faire un foyer traumatique
minimum.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 17
C'est ainsi que l'opération partielle du javart cartilagineux
évite des délabrements considérables, tout en
donnant toutes les chances de guérison désirables.
Anatomie pathologique générale. — II conviendrait de
passer en revue ici les lésions principales que peuvent
présenter les diverses parties constituantes du pied, mais
on ne saurait procéder ainsi sans empiéter sur la description
de certaines maladies et s'exposer à des redites.
Laissant systématiquement de côté les lésions du sabot,
parce que nous aurons à les décrire à propos des seimes,
du kéraphyllocèle, des défectuosités du pied, etc., nous
allons étudier les formes diverses et l'évolution des
accidents traumatiques et des processus inflammatoires
qui s'observent dans les parties vivantes du pied.
Nous aurons à envisager successivement : la membrane
kératogène, la troisième phalange, le petit sésamoïde,
le coussinet plantaire, l'aponévrose plantaire, les
fibro-cartilages complémentaires de la troisième phalange,
la partie terminale du tendon de l'extenseur antérieur
des phalanges, la petite gaine sésamoïdienne et
l'articulation du pied.
A. Membrane kératogène. — La membrane kératogène
est le tissu du pied sur lequel on remarque le plus fréquemment
des lésions. Ces lésions sont superficielles ou
profondes, aseptiques ou infectieuses, localisées ou
généralisées.
Étalée à la surface de la troisième phalange, du coussinet
plantaire, des fibro-cartilages complémentaires,
de l'expansion terminale du tendon de l'extenseur
antérieur des phalanges, cette membrane repose sur un
canevas fibreux extrêmement riche en vaisseaux qui, à
la surface de l'os, se confond avec le périoste, et prend le
nom, sous le tissu podophylleux, de reticulum processigerum
(Bracy-Clark), sous le tissu velouté, de reticulum
plantaire (Bracy-Clark).

18
PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
En tous ses points, bourrelet, podophylle, tissu velouté,
^^^^^^^^^^^^^^^_^_ elle est remarquable
I par sa densité, sa résistance,
son inextensibilité
presque complète,
sa richesse en
vaisseaux et en nerfs.
— Elle se divise naturellement
en deux
couches : une couche
profonde, étalée en
&m
mm
plan continu, c'est la
couche réticulaire, une
I couche superficielle ou
couche papillaire com-
• prenant les papilles
I dubourreletetdutissu
I velouté, ainsi que les
I lames podophylleuses
• ("g- 9).
Les processus pa-
I thologiques dont elle
I est le siège peuvent
I intéresser l'une ou
l'autre des régions qui
• M
demi-schématique).
viennent d'être distin­
guées : couche papil-
I, corne de la paroi ; 1, couche papillaire;
IUCIIO périostaie ; laire, couche réli-
I culaire, reticulum fibreux
(stratum vasculosum
d'Eberlein) et périoste (face profonde du reticulum
fibreux) (1).
(1) Moller, Eberlein, distinguent, dans la membrane kératogène, de la profondeur
à la superficie : t» le stratum périostale ; 2° le stratum vasculosum ;
3» le stratum phyllodes; 4° le stratum mucosum. — Le stratum périostale
est la face profonde du canevas fibreux signalé ci-dessus; le stratum vascu-

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 19
Dans les points où la membrane kératogène et son
reticulum fibro-vasculaire ne reposent pas sur la
troisième phalange, |
c'est-à-dire sur le
coussinet plantaire
et sur les cartilages,
elle est doublée
d'une couche de
tissu conjonctif qui
l'unit à l'organe
sous-jacent(fig. 10).
1° CONTUSIONS. —
Les contusions de
la membrane kératogène
sont très fréquentes.
Selon leur
intensité, elles donnentlieuàun
simple
processus congestif
sans importance ou
à des phénomènes
inflammatoires plus
ou moins graves.
Lorsque la lésion
reste protégée parle
sabot et qu'elle est légère, elle guérit très rapidement,
— étant aseptique. On trouve, à son niveau, la corne
infiltrée et jaunâtre, puis, après la guérison, friable et
colorée en jaune ou en rouge (bleime sèche). Si la lésion
est plus importante et si l'infection du foyer traumatique
se produit, une pododermatite prend naissance et évolue
sous l'une des formes indiquées plus loin.
Produite et répétée dans les points où la membrane
losum est constitué par le réseau vasculaire qui se joue dans ce canevas; le
stratum phyllodes forme, avec le stratum mucosum (corps de Malpighi), la
couche que nous appelons couche papillaire.

20 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
kératogène ne sécrète pas normalement de la corne, la
contusion légère, ne s'accompagnant pas d'infection,
met en jeu le pouvoir kératogène latent de cette membrane
; ainsi s'explique la formation de kéraphyllocèles.
2° PLAIES. — Les plaies de la membrane kératogène
sont ordinairement des plaies pénétrantes, c'est-à-dire
des plaies qui intéressent cette membrane dans toute son
épaisseur et s'étendent aux organes sous-jacents.
Leur avenir est, en règle générale, commandé par les
suites de la blessure de ces derniers. Ces plaies se cicatrisent
rapidement si la lésion profonde elle-même
guérit.
Cependant, il peut arriver qu'une blessure faite par
un corps vulnérant de faible volume se ferme par cicatrisation
rapide, alors que des phénomènes inflammatoires
ou nécrotiques se produisent dans la profondeur
du pied. II importe, en clinique, comme l'a fait remarquer
H. Bouley, de connaître la possibilité de ce phénomène.
L'état de la membrane tégumentaire ne paraît
pas alors en rapport avec l'intensité d'une boiterie ayant
manifestement son siège dans le pied.
Même lorsqu'elles sont produites par des corps mousses,
les plaies de la membrane kératogène se réparent, par
cicatrisation médiate, avec une assez grande rapidité. Mais,
si les tissus sont comprimés, si l'infection est apportée
par le corps vulnérant,le traumatisme donne naissance
à une pododermatite plus ou moins grave.
3° INFLAMMATIONS (PODODERMATITES.) — L'inflammation de
là membrane kératogène, la pododermatite, se présente
sous un certain nombre de formes anatomo-pathologiques
bien étudiées dans ces derniers temps par Eberlein (1).
Cet auteur distingue :
1° La pododermatite séreuse.
(i) Eberleiri, Ueber den Begriff und die Former» der Podoiermalitis bein
Pferde (Monatshefte f.pr. Thierheilkunde, t. IX, 1898, p. 447).— Hufkrankheitein
des Pferdes {Handbûch der th. Chirurgie und Gebnrtshilfe, 1000).

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 21
2° La pododermatite hémorragique.
3° La pododermatite suppurée.
4° La pododermatite gangreneuse.
5° La pododermatite hyperplastique.
Les première, deuxième et cinquième formes sont des formes
aseptiques.
Les troisième et quatrième sont des formes infectieuses.
Nous n'entrerons pas ici dans la description de chacune
de ces formes, car nous les retrouverons comme
modalités cliniques dans les diverses maladies du
pied.
Il suffira de dire que la pododermatite séreuse, la pododermatite
hémorragique et la pododermatite hyperplastique
(bleime humide, bleime hémorragique, kéraphyllocèle,
etc.) sont à peu près toujours d'origine traumatique
simple, alors que la pododermatite suppurée et la pododermatite
gangreneuse sont le résultat d'infections consécutives
à des traumas divers (1).
Les microbes qui peuvent donner lieu à ces deux
dernières formes de pododermatite sont assez nombreux.
D'après Eberlein, la pododermatite suppurée est occasionnée
par les agents de la suppuration : Staphylococcus
pyogenes aureus, Staphylococcus pyogenes albus,
Staphylococcus citreus, Slreptococcus pyogenes. Ce dernier
-micro-organisme est celui qui se rencontre le plus
souvent.
Lors de pododermatite gangreneuse, l'action des germes
est puissamment aidée par les phénomènes de compression
résultant de l'inextensibilité du sabot. Aux microbes
ci-dessus cités, il faut ajouter le bacille spécifique de la
nécrose (Bang) que Gutenacker (2), Eberlein ont rencontré.
Que la pododermatite évolue sous l'une ou l'autre des
(!) Eberlein, Die Nekrose der Uuflederhaut des Pferdes und ihre Bekanlung
(Monatshefte f. pr. Thierheilkunde, t. VII, 1896, p. 529).
(2) Gutenacker, Die Hufkrankheiten des Pferdes, 1001, p. 73.

22 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
cinq formes distinguées par Eberlein, elle peut, dans
chacune d'elles, être superficielle ou profonde, c'est d'ailleurs,
en la considérant sous ces deux derniers aspects
que Vatel, Môller, Bayer, Lùngwilz, Gutenacker, Siedamgrotzky
l'ont étudiée. La division en pododermatite
traumatique, rhumatismale et métastatique, adoptée par
Hertwig, Mayer, Fricker, ne doit pas être retenue
ici.
Nous envisagerons la pododermatite aseptique, la
pododermatite suppurée superficielle et profonde, et la
pododermatite gangreneuse.
Loré de pododermatite aseptique, la partie de la membrane
kératogène intéressée subit les modifications
histologiques qu'apporte toujours le processus inflammatoire
dans les tissus. 11 y a congestion et tuméfaction,
etc., et, si la cause a agi avec assez d'intensité,
exsudation ou hémorragie. La sérosité ou le sang s'interposent
entre la membrane kératogène et le sabot ;
il y a désengrènement entre les lames podophylleuses
et les lames kéraphylleuses ou entre les papilles du tissu
velouté et la sole.
Tantôt ces liquides se résorbent, tantôt le foyer traumatique
qui les contient s'infecte et la pododermatite
devient microbienne. Dans le premier cas, la pododermatite
se termine par résolution ; la partie liquide de
l'exsudat ou du sang est absorbée par la corne qui s'en
imbibe ou passe dans la circulation de la membrane
kératogène ; si le vide créé par le désengrènement n'a
que de faibles dimensions, la corne reprend contact avec
la membrane. Mais, lorsque l'épanchement a été considérable,
comme dans certains cas de fourbure, la partie
du sabot désengrenée reste à distance; un vide persiste,
une fourmilière est créée.
La corne qui est imbibée par les liquides exsudés se
distingue facilement de la corne ordinaire ; elle est
jaunâtre, vitreuse, ecchymosée.

ANAT0M1E PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 23
Quant à la partie solide de l'exsudat ou du sang, elle
se fragmente, se résout en granulations que la pousse
du sabot entraînera dans son mouvement. Les débris
d'exsudats légers simplement fibrineux sont insignifiants
et passent inaperçus. Ceux que laisse un foyer
hémorragique sont au contraire remarqués tôt ou tard,
lorsque la couche qui les véhicule arrive sous le boutoir
du maréchal.
Lorsque l'exsudat ou l'hémorragie augmente rapidement
d'importance, le désengrènement se produit
naturellement sur une plus grande étendue. Le sens
suivant lequel il s'effectue est réglé par la disposition des
cannelures du tissu podophylleux.
L'extension des exsudats ou des foyers hémorragiques
formés à la surface du tissu podophylleux aboutit toujours
à la montée du liquide vers le bourrelet. Il arrive
au dehors en décollant ce dernier et souille les poils
et le sabot : la matière fuse au poil, dit-on ordinairement.
Jamais la disjonction podophyllo-kéraphylleuse ne se
fait dans le sens horizontal. — L'extension des exsudats
ou des foyers hémorragiques placés entre le tissu velouté
et la sole se fait également selon des règles connues ; formé
en un point quelconque, le produit tend à se diriger en
arrière en suivant l'angle formé par l'union de la sole avec
la muraille et à sortir en décollant les talons ; de là cette
indication clinique importante de savoir chercher vers
les parties antérieures de la sole une lésion qui se traduit
par un suintement des talons.
Les collections liquides superficielles peuvent exceptionnellement
occasionner des lésions de gangrène par
suite de l'intensité de la compression qu'éprouvent les
tissus malades. Mais il s'agit toujours alors d'une gangrène
limitée, dont l'extension cesse dès que le liquide
a pu fuir au dehors. Elle est d'autant plus à craindre
que les liquides exsudés ont plus de difficulté à trouver

24 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
une issue, c'est-à-dire que les feuillets podophylleux
sont plus développés.
La pododermatite suppurée est superficielle ou profonde.
Produite d'emblée par un traumatisme infectant
ou consécutive à l'infection d'une pododermatite aseptique,
elle évolue en surface ou intéresse la membrane
tégumentaire dans toute son épaisseur.
La pododermatite suppurée superficielle présente, dans
son évolution, de nombreux points de ressemblance
avec la pododermatite séreuse et la pododermatite
hémorragique. Le pus auquel elle donne naissance
désengrène la corne de la membrane kératogène et,
s'accumulant en quantité plus ou moins considérable,
il occasionne l'extension de la phlegmasie jusqu'à ce qu'il
se soit frayé une voie à l'extérieur. Le pus fuse au poil,
comme le fait le sang ou la sérosité.
Toutes les fois que l'élimination du pus est impossible,
la compression de la membrane kératogène peut
être suivie de nécrose locale et de l'extension du processus
pyogénique à la couche réticulaire, au reticulum
processigerum, au périoste, etc. (pododermatite profonde).
La pododermatite suppurée profonde consiste dans l'inflammation
pyogénique de la couche superficielle et
de la couche profonde ou réticulaire de la membrane
kératogène. Par extension, on y comprend l'inflammation
de même nature du canevas fibro-vasculaire et du périoste
ou du tissu conjonctif de la face inférieure du
coussinet plantaire.
La marche et le caractère des lésions propres à cette
forme de pododermatite offrent une physionomie particulière.
L'extension du processus inflammatoire est
toujours plus rapide que pour la pododermatite superficielle,
car elle peut se faire dans tous les sens, grâce à
la facilité avec laquelle l'infection se propage dans

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 25
l'épaisseur des tissus affectés. En deux, trois, quatre
jours, on peut voir la membrane kératogène envahie
dans le quart, le tiers, la moitié de son étendue. Toujours
des complications se produisent : c'est la membrane
elle-même qui se mortifie par compression et
intoxication ; ce sont le périoste, la troisième phalange, le
coussinet plantaire, l'aponévrose plantaire, etc., qui
subissent l'action nécrosante du pus.
Il va sans dire que cette pododermatite profonde amène
des modifications plus ou moins graves dans l'état général
: perte d'appétit, fièvre, lancinations, etc.
La pododermatite gangreneuse est superficielle ou profonde.
Quant à sa cause, elle est simple ou spécifique.
La pododermatite gangreneuse simple, superficielle ou
profonde, résulte de causes banales (compression, anémie,
intoxication par les produits de déchet des microbes
du pus) ; elle est généralement localisée et se
délimite rapidement par un sillon disjoncteur.
La pododermatite gangreneuse spécifique paraît liée
exclusivement au pouvoir nécrosant de certains microbes
pathogènes sur la nature desquels on n'est pas encore
nettement fixé. En dehors du bacille de la nécrose
(Bang), des faits observés par Baruchello, Bossi, autorisent
à penser que certains streptocoques très virulents
peuvent lui donner naissance.
La membrane kératogène mortifiée est insensible, relativement
froide, de teinte lavée, d'odeur fétide. La
coupe en est jaune verdâtre, elle laisse écouler une
faible quantité de sérosité lie de vin ou grisâtre, elle est
exsangue. La partie du reticulum fibro-vasculaire correspondant
à la zone de la membrane kératogène détruite
est toujours frappée de nécrose, sa teinte est jaune
verdâtre. On peut trouver enfin des lésions de même
ordre sur le périoste et la troisième phalange.
B. Troisième phalange. — La troisième phalange
Chirurgie du pied. 2

26 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
est le siège de lésions importantes dans la plupart
des maladies du pied. Ces lésions sont d'origine traumatique
ou d'origine inflammatoire simple ou microbienne.
Les lésions traumatiques succèdent aux chocs violents
(chutes, arrêts brusques, etc.), aux piqûres, à la compression
prolongée, à l'écrasement du pied, etc. ; leur
production est considérablement favorisée par l'atrophie
qu'éprouve l'organe dans certaines affections (encastelure,
fourbure chronique, kéraphyllocèle, etc.).
Les fractures de la troisième phalange se voient rarement.
Elles intéressent ordinairement la surface articulaire,
s'accompagnent d'une hémorragie limitée et d'un
gonflement de la région coronaire.
Les piqûres sont fréquentes. Une ostéite en résulte.
Tantôt la plaie osseuse se cicatrise sans complication,
tantôt il y a nécrose limitée portant sur le tissu traumatisé,
tantôt enfin, lorsque le corps vulnérant est souillé, la
carie osseuse apparaît. Lorsque la piqûre est profonde,
l'ostéite qu'elle provoque peut suffisamment affaiblir
l'os pour qu'il se fracture, si l'animal est remis au travail
trop tôt. La compression prolongée de la troisième
phalange détermine l'atrophie.
L'écrasement du pied produit des fractures multiples
ou esquilleuses. Il arrive aussi que le tissu osseux est
broyé, et, par cela même, frappé de mort par suite de
suppression de la circulation.
Dans la plupart des cas, les lésions inflammatoires
aiguës de la troisième phalange coïncident avec des lésions
de pododermatite suppurée ou gangreneuse et elles
se trouvent plus ou moins à découvert.
L'ostéo-myélite aiguë suppurée (carie) se rencontre
très fréquemment sur la troisième phalange, et son
extension y est toujours rapide, grâce à l'abondance du
tissu spongieux.
La carie superficielle n'intéresse que la couche corticale

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 27
de l'os : celle-ci est alors ramollie, friable, de teinte
brunâtre ou noirâtre ; la sonde la pénètre facilement
en donnant, à la main, une sensation de crépitation.
Cette forme de carie évoluant sur une substance
osseuse compacte, s'étend moins rapidement que la
suivante.
La carie profonde se caractérise par le ramollissement
et la teinte jaune verdâtre du tissu osseux. Celui-ci se
laisse facilement entamer par l'instrument tranchant;
il dégage une odeur infecte.
La périostite chronique du troisième phalangien s'observe
dans plusieurs maladies. Elle s'accuse par l'épaississement
du feuillet périostal et par la production de
végétations osseuses — ostéophytes. La fourbure chronique
en produit sur la face antérieure de la troisième
phalange.
La nécrose de la troisième phalange résulte habituellement
d'un traumatisme (clou de rue, enclouure, compres^
sion puissante et prolongée déterminée par un kéraphyllocèle,
etc..) qui a détruit ou oblitéré la lumière des
vaisseaux de la partie nécrosée. Dans d'autres cas, elle
résulte d'une ostéite aiguë occasionnant un arrêt de la
circulation.
Tantôt la partie nécrosée (séquestre) est libre, tantôt
elle adhère par tout son pourtour ou en un point seulement
à la masse principale de l'os. Selon son ancienneté,
ce séquestre est blanc, grisâtre ou noirâtre ; il a
conservé la dureté de l'os; si on le sectionne, il n'y a
pas écoulement de sang. Lorsque le travail éliminateur
est avancé, Je séquestre est séparé du reste de l'os, par
des bourgeons charnus.
La nécrose osseuse consécutive à une piqûre, à un
clou de rue, etc., est quelquefois recouverte par une
membrane kératogène normale. Ce cas se produit
lorsque le corps vulnérant est de faible volume; la membrane
blessée se cicatrise pendant que l'os se mortifie.

28 PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
Par une incision convenable, la lésion se voit nettement.
L'atrophie de la troisième phalange est un phénomène
très fréquemment observé. Il se produit inévitablement,
toutes les fois que l'os est soumis à des compressions
locales soutenues pendant un temps prolongé; il consiste
en une ostéite raréfiante rendant l'os plus poreux, plus
léger, grâce à l'agrandissement des aréoles spongieuses
par résorption des travées osseuses (Gutenacker).
Cette atrophie est manifeste lors d'encastelure grave
et ancienne ; l'os est rétréci, surtout dans la région
correspondant aux quartiers et aux talons. On la constate
très nettement aussi dans le kéraphyllocèle.
C. Petit sésamoïde. — L'os petit sésamoïde ne présente
guère de lésions que dans les clous de rue graves, dans
les bleimes compliquées et, surtout, dans la maladie
naviculaire.
Les fractures et les piqûres suivies d'ostéite simple ou
de carie sont les principales lésions traumatiques.
L'ostéite raréfiante est commune dans la maladie naviculaire.
Nous y reviendrons en étudiant cette dernière
affection.
D. Tissus fibreux. — Les lésions présentées par le coussinet
plantaire, l'aponévrose plantaire, les fibro-cartilages
complémentaires de la troisième phalange et l'expansion terminale
du tendon extenseur antérieur des phalanges, offrent
un lien de parenté étroit, par suite des analogies histologiques
qui les rapprochent.
Les lésions traumatiques que ces organes peuvent présenter
se cicatrisent sans complications lorsque le corps
vulnérant est petit, à surface polie et qu'il est propre.
Lorsque, au contraire, il y a meurtrissure des tissus,
ceux-ci se nécrosent immédiatement ou bien se laissent
envahir par la carie et se détruisent progressivement.
La résistance de ces tissus, aux causes de destruction
qui les atteignent, est inversement proportionnelle à leur
richesse vasculaire ; le coussinet plantaire se drfend

ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE. 29
mieux que l'aponévrose plantaire et, celle-ci, mieux que
le fibro-cartilage.
Il y a lieu néanmoins, dans cette aptitude à la nécrose
et à la carie, de remarquer que, dans chaque organe, il
est des régions où la résistance se fait mieux, grâce à
l'abondance relative des vaisseaux : c'est ainsi que les
parties postérieures des fibro-cartilages complémentaires
de la troisième phalange et du coussinet plantaire sont
moins vulnérables que les parties antérieures, plus
denses et moins vascularisées. Dans les régions postérieures,
les parties mortifiées se délimitent et s'isolent
spontanément (bourbillon) tandis que dans les antérieures,
la séparation ne se fait pas complètement et
le processus destructeur poursuit sa marche envahissante.
Les tissus fibro-vasculaires, fibreux, fibro-cartilagineux,
frappés de mortification prennent une teinte
lavée, grisâtre ou verdâtre. Dans le cartilage, cette teinte
est d'un beau vert de plumule en germination.
E. Petite gaine sésamoïdienne. — La petite gaine sésamoidienne
peut présenter des lésions traumatiques, des
lésions inflammatoires aiguës ou chroniques dont l'étude
sera faite à propos du clou de rue et de la maladie naviculaire.
F. Articulation du pied. — Elle peut être intéressée par
les corps vulnérants qui pénètrent profondément dans la
zone moyenne de la face plantaire ou à travers la couronne.
L'arthrite suppurative qui suit les traumatismes
infectants détermine des abcès et fistules péricoronaires ;
celles-ci s'ouvrent en regard des ligaments latéraux nécrosés
(1). La guérison est exceptionnelle; des déformations
étendues, l'ankylose complète et définitive, plus
souvent la mort du sujet, sont le. conséquences de cet
accident.
(1) Cadéac, Sur le siège des abcès et des fistules coronaires dans l'arthrite
du pied du cheval (Journ. de méd. vêtir, et zootechnie, 1900, p. 459).
2.

30 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
Traitement général. — Le traitement général des
maladies du pied comprend des indications préventives et
des indications curatives.
I. Indications préventives. — Les indications préventives
se rattachent à l'hygiène, à la protection dupiedet
à l'utilisation de l'animal.
HYGIÈNE. — Le sabot du cheval doit être entretenu
dans un état hygrométrique convenable afin que la
corne ne se fendille pas,
ne se casse pas. Par les
temps chauds surtout,
on mettra les animaux
aux bains, ou bien on
enveloppera les pieds de
cataplasmes (fig. li).
L'eau absorbée sera ensuite
emprisonnée dans
la corne à l'aide d'un
onguent de pied ne contenant
pas de produits
irritants ou susceptibles
de le devenir. — Quand
il s'agit d'animaux qui
vont souvent dans l'eau, on enduit le sabot sur toute sa
surface.
D'ailleurs, en l'absence de bains, cette précaution
empêchera toujours la dessiccation de la corne.
La ferrure sera renouvelée en temps opportun. On
veillera à ce qu'elle soit convenablement exécutée,
notamment en ce qui concerne la parure du sabot. Aux
animaux privés de fourchette ou menacés d'encastelure,
on mettra des patins dans le but de maintenir la
fonction du coussinet plantaire.
Les écuries seront propres. On renouvellera assez
souvent la litière pour que les pieds ne macèrent pas
dans les liquides excrémentitiels. On sait que le crapaud

TRAITEMENT. 31
est l'apanage des chevaux communs et mal logés alors
qu'il est presque inconnu dans l'armée.
PROTECTION. — Les pieds larges et plats seront munis
de fers couverts. On leur met au besoin une plaque en
cuir, couvrant toute leur face inférieure, fixée entre
le fer et la muraille, pour les protéger contre les cailloux
et autres aspérités de la route. — Les animaux qui
courent sur les hippodromes et qui s'atteignent en talons
avec les pieds postérieurs auront la partie postérieure
des pieds antérieurs protégée par une guêtre en
caoutchouc. Une guêtre en cuir, ou des protecteurs de
différentes formes préserveront le boulet des atteintes
ordinaires.
UTILISATION DE L'ANIMAL. — Autant il est facile théoriquement
de prescrire les règles prophylactiques à ce sujet,
autant il est difficile de les observer. Réduira-t-on l'allure
du trotteur d'élite pour lui éviter la maladie naviculaire ?
Évitera-t-on la longue course qui donne la fourbure?
Pourra-t-on empêcher le puissant limonier de fournir
l'effort de démarrage que demande la mise en route et
qui fait éclater son sabot? C'est peu probable. Il faut
cependant savoir ménager les forces de l'animal et, dans
la mesure du possible, prévenir par ce moyen l'apparition
de maladies diverses.
IL Indications curatives. — La thérapeutique des maladies
du pied est extrêmement variée et les agents que
l'on a mis en jeu sont nombreux.
On peut s'adresser à des méthodes diverses : méthode
médicamenteuse, méthode mécanique, méthode chirurgicale.
Elles se complètent habituellement Tune par
l'autre et il est rare qu'elles soient appliquées isolément.
MÉTHODE MÉDICAMENTEUSE. —Elle permet de combattre la
fourbure, le crapaud, etc. Tantôt il s'agit d'une médication
générale : révulsion, injections de pilocarpine, d'arécoline,
arsenicaux, etc., tantôt la médication est locale :

32 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DU PIED.
bains froids, irrigations continues, application d'un médicament
approprié sur le tissu velouté malade, etc.
Cette méthode est applicable à de nombreuses affections
traumatiques : sublimé en poudre ou en solution contre
les traumas du pied, liqueur de Villate contre le javart
cartilagineux, etc.
MÉTHODE MÉCANIQUE. — Elle s'applique moins généralement,
mais on en retire néanmoins des résultats satisfaisants.
Par elle, nous consolidons le sabot fissuré (barrage
d'une seime) et nous permettons à l'animal de travailler
pendant qu'il guérit. Par elle nous agrandissons la cavité
que circonscrit la muraille, nous diminuons la compression
des parties vives, et nous favorisons la reconstitution
du pied (encastelure). Par elle enfin, on a cherché,
dans le cas de fourbure, à supprimer la fourmilière
(traitement de Hingst) et à remédier au déplacement
de la troisième phalange (ferrure Schneider).
MÉTHODE CHIRURGICALE. — C'est la méthode le plus
souvent utilisée. Tantôt elle vise la guérison du malade,
c'est-à-dire la disparition de la lésion; tantôt elle vise
la suppression de la douleur, elle consiste, dans ce dernier
cas, à pratiquer la névrotomie.
Quelques détails sont nécessaires pour l'application
de cette méthode, qu'elle soit employée seule ou conjointement
avec d'autres, dans les affections traumatiques
du pied.
A. Traumatismes récents. — Qu'ils siègent à la région
plantaire du pied ou à la couronne, voire même à la surface
du tissu podophylleux, ce qui est très rare, les traumasrécents,
même très pénétrants, peuvent se réparer
rapidement et se cicatriser par première intention. Il
va sans dire que cette éventualité n'est à retenir que
pour les foyers traumatiques produits par des corps vulnérants
aseptiques de faibles dimensions, les chances
d'infection étant beaucoup plus à redouter pour les
blessures étendues.

TRAITEMENT. 33
Toutes les fois qu'il est permis d'espérer un tel résultat,
il importe d'en favoriser la production.
Le blessé sera mis au repos, sur une litière propre.
S'agit-il d'un clou de rue? Le pied sera déferré et paré
surtout dans la région où siège la blessure. A l'aide de la
rénette, la sole sera ensuite amincie à fond pour mettre
le pourtour de l'orifice du trajet parcouru par le corps
vulnérant complètement à nu. La plaie sera simplement
recouverte avec de l'iodoforme et maintenue à l'abri de
souillures dangereuses grâce à un pansement sec. On
peut aussi se contenter d'un pansement imbibé d'un
liquide antiseptique quelconque.
S'agit-il d'une plaie à la couronne ? Les poils seront
coupés et rasés si possible ; la région blessée sera savonnée,
irriguée ensuite avec une solution antiseptique^
enfin recouverte d'un pansement iodoformé.
Ces soins simples donnés, le blessé sera laissé tranquille
avec ce seul pansement. S'il y a cicatrisation, les
troubles que l'on a pu observer (boiterie, anorexie, etc.)
disparaissent. Si au contraire l'inflammation apparaît et
s'étend dans les tissus traumatisés, la claudication
s'accentue, la région se tuméfie, l'animal semble de plus
en plus souffrir, les lancinations se produisent, il faut
intervenir de nouveau.
Les pansements antiseptiques peuvent être remplacés —
après préparation du pied— par des bains antiseptiques :
sulfate de cuivre à 40 p. 1000 ; sublimé corrosif à i p. 1000 ;
eau phéniquée à 3 p. 100, etc., suivis ou non suivis de
pansement.
On a employé aussi avec succès l'hydrothérapie sous
forme d'irrigations continues. L'eau froide entrave la congestion,
débarrasse la plaie des produits qui la souillent.
Lorsqu'on se trouve en présence d'accidents compliqués
déjà d'une pododermatite superficielle exsudative ou
suppurée, donnant lieu à des phénomènes réactionnels
intenses (boiterie, lancinations, etc.) une enclouure,

34 PATHOLOGIE GÉNÉRALE DÛ PIED.
par exemple, il faut encore procéder en s'inspirant
des mêmes règles. L'indication première ici, est de faire
une brèche à la corne et de donner issue au liquide
emprisonné entre la membrane kératogène et le sabot.
Le foyer traumatique est ensuite irrigué avec une des
solutions désinfectantes sus-mentionnées ; on le protège
ensuite avec un pansement antiseptique maintenu s'il y
a lieu par des éclisses.
B. Traumatismes anciens. — Ce sont ceux dans lesquels
on observe des lésions suppurantes de nécrose ou de
carie.
Lorsque la méthode chirurgicale leur est applicable,
voici les règles générales auxquelles on doit obéir.
En toute circonstance, le chirurgien doit chercher à
obtenir la cicatrisation des plaies opératoires sans suppuration
et à prévenir les complications qui peuvent résulter
de son intervention : ouverture de l'articulation,
blessure d'un organe important, etc. Les précautions
qu'il a à prendre se répartissent dans les cinq phases
principales de son intervention : préparatifs de l'opération;
assujettissement de l'opéré; mise à nu des tissus malades;
opération proprement dite; pansement.
a. PRÉPARATIFS DE L'OPÉRATION. — Ils concernent l'opéré,
les instruments, les objets et matières de pansements,
l'opérateur.
1° Opéré. — Le pied sera déferré et complètement paré.
Le maréchal insistera surtout, dans la parure, sur le
lieu de l'opération, le talon, le quartier, la branche de
la sole et de la fourchette correspondant au cartilage
que l'on se propose d'extirper, la partie de la sole voisine
d'un kéraphyllocèle que l'on veut arracher, etc.
Si l'on doit mettre un fer à l'animal après l'opération,
il sera prudent de l'appliquer dès ce moment,
quitte à l'enlever aussitôt; les trajets des clous étant
creusés, le maréchal ébranlera beaucoup moins le pied
en le ferrant immédiatement après l'opération que si

TRAITEMENT.
les clous devaient être brochés sans trajet préalable.
On procède ensuite à la toilette et à l'asepsie du
pied. L'organe est lavé au savon et brossé énergiquement
à deux ou trois reprises différentes. On le maintient
ensuite dans un bain antiseptique pendant une heure ;
il faut alors l'entourer de compresses, de plumasseaux,
de linges aseptiques imbibés
d'une solution de sublimé
à 1 p. 500, d'acide
phénique ou de crésyl à
5 p. 100 (fig. 12). Cet emmaillotement
humide achève
l'aseptisation du pied, et \\\
assure le ramollissement
de la corne. Ces préparatifs
devront autant que possible
être faits la veille de l'opération
; la désinfection sera
renouvelée et complétée au
moment d'intervenir.
2° Instruments. — L'opérateur
se munira d'instruments
en bon état, pourvus
de manches métalliques,
autant que possible. Il faut
éviter l'utilisation d'appa­
. 12. — Emmaillorement antiseptique
du pied.
reils pouvant rester imprégnés de matières- organiques,
ou présentant des surfaces anfractueuSésV
En vue d'étancher le sang, on préparera quelques
éponges aseptiques ou mieux des tampons de coton
hydrophile que l'on pourra jeter après s'en être servi.
3° Objets et matières à pansements. — Les matières à
pansement, les poudres antiseptiques, les solutions
désinfectantes ou escarrotiques, les compresses, les
tentes, etc., que l'opérateur devra appliquer sur la plaie,
seront préparées avec soin. Les substances « de remplis-

36 PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
sage»: compresses, tentes, boulettes, plumasseaux, etc.,
seront enveloppées dans de petits cylindres en papier,
passées à l'étuve, et laissées dans leur enveloppe jusqu'au
moment de leur utilisation.
Quant aux objets de pansement, bande de toile, ruban
de fil, éclisses en bois ou en fer, plaque en tôle, etc., ils
seront préparés et disposés pour leur plus commode
application (bande roulée, etc.).
4° Opérateur. — L'opérateur doit tout disposer pour
opérer le plus rapidement possible, il doit se munir
d'une blouse et d'un tablier passés à l'étuve ou, tout au
moins sortant de la lessive. Il évitera de souiller ses
mains (par une opération rectale, par une autopsie, par
une opération portant sur des tissus nécrosés ou des foyers
de suppuration, etc.) pendant les vingt-quatre heures
qui précèdent l'opération.
Au moment d'intervenir, il procédera à une toilette
scrupuleuse de ses mains.
' 6. ASSUJETTISSEMENT DE L'OPÉRÉ. —Toutes les fois qu'une
opération doit durer un certain temps, l'animal doit
être placé en position décubitale.
Lorsque l'opérateur n'aura pas à sa disposition un
travail, il devra, dans un local aussi éclairé et aéré que
possible, à l'air libre si le temps le permet, faire préparer
un lit de paille, assez longtemps à l'avance.
Ce lit de paille sera arrosé un peu avant l'opération
afin d'éviter la production des poussières. Il sera plus
avantageux encore de le recouvrir avec une bâche.
En règle générale, la région opératoire doit être immobilisée
avec le plus grand soin. En prenant cette précaution
on évite les échappées et, moins gêné par les réactions
du patient, l'opérateur accomplit plus rapidement sa
tâche.
L'esmarchisation de l'extrémité inférieure du membre
ou plus simplement l'application d'un garrot sur le paturon
est à peu près indispensable pour éviter l'hémor-

TRAITEMENT. 37
ragie qui se produit en nappe épaisse et qui est toujours
gênante. Le garrot a en outre l'avantage de produire un
certain degré d'insensibilisation du pied.
L'anesthésie générale est quelquefois utile ; l'anesthésie
locale par injection delà solutioncocaïnique sur le trajet
des nerfs plantaires peut rendre des services (1).
c. MISE A NU DES TISSUS MALADES. — Presque toutes les
opérations portant sur le pied demandent une opération
préliminaire consistant à pratiquer une brèche au sabot.
Nous n'entrerons pas ici dans le détail d'une technique
qui trouvera place ailleurs. Cependant il importe de
dire quels procédés on doit suivre de préférence aux
autres.
La mise à nu des tissus vifs s'obtient par l'arrachement
ou par l'amincissement d'une partie de L'ongle. Elle doit
être obtenue le plus rapidement possible.
L'arrachement a les faveurs de beaucoup de praticiens.
Nous le trouvons brutal, grossier, douloureux. On
l'exécute plus rapidement que l'amincissement, dit-on ;
nous croyons qu'il y a dans cette affirmation une exagération
manifeste ; préparé et bien conduit, l'amincissement
du lambeau de corne se fait en un temps à peu près
aussi court que l'arrachement. Il suffit, pour cela, de
faire parer le pied, sur l'animal debout, dans les points où
l'on se propose d'intervenir, aussi complètement que le
permet l'adresse du maréchal. Pour les opérations portant
sur la face plantaire du sabot, on poussera la parure
encore plus loin à l'aide de la rénette. Pour celles qui
intéressent la muraille, on complétera la parure par
l'action de la râpe ; on enlèvera ainsi la partie dure de
la corne, c'est-à-dire le plan superficiel. — La toilette du
pied est faite ensuite comme il a été dit.
Si ces précautions ne peuvent être prises h l'avance,
(I) Frick, Cocaininjeclionen im Verlauf der sensible» Nerven zum Zweclie
der Loealnarkone {Deutsclie thierarstliehe Wochensehrfft, n" 49, 1901,
p. 493-495).
Chirurgie du pied. •'!

38 PATHOLOGIE GENERALE DU PIED.
on les prendra immédiatement avant l'opération, en
faisant intervenir le maréchal ou, au besoin, en utilisant
son rogne-pied, son boutoir et sa râpe. Avec ces instruments,
les parties dures du sabot sont très rapidement
enlevées, et l'opérateur, armé de la rénette, a
bien vite fait de ne laisser sur la membrane kératogène
qu'une très mince couche de corne dont se joue la feuille
desauge.
Cependant, pour certaines parties du pied, le bourrelet
par exemple, on pourra avoir recours à l'arrachement
localisé sur ce point (méthode mixte) afin que sa souplesse
soit parfaite et qu'il risque moins d'être blessé.
Les bords des solutions de continuité du sabot doivent
toujours être taillés en biseau pour que le gonflement
inflammatoire n'amène pas le pincement des tissus vifs.
Ce biseau sera suffisamment étendu, creusé en rigole
et excayé dans le sens de la longueur. Cette dernière disposition
permet aussi bien le gonflement des tissus que
la précédente, tout en évitant d'affaiblir le sabot sur
une trop grande étendue.
d. OPÉRATION. — Pendant l'opération, il faut s'efforcer
de sectionner nettement les tissus, d'éviter les blessures
du bourrelet, d'exciser tous les tissus malades. Lorsqu'il
y a danger d'affaiblissement excessif d'un os que l'on
doit ruginer sur une grande profondeur, on a recours
aux escarrotiques (chlorure de zinc, acide sulfurique,
etc.) pour mortifier les parties malades.
Autant que possible, l'opérateur prend toujours un
point d'appui sur le pied, avec le pouce de la main qui
manœuvre l'instrument tranchant.
e. PANSEMENT. — L'opération terminée, le foyer traumatique
est provisoirement recouvert d'une nappe de
coton hydrophile imbibé d'une solution antiseptique et
le pied est ferré, s'il y a lieu.
Le pansement définitif est alors placé, la plaie recouverte
d'une poudre antiseptique et la perte de

TRAITEMENT. 39
substance comblée à l'aide d'ouate, convenablement disposée.
Le tout est maintenu en place à l'aide de plaques,
d'éclisses, de bandes, etc. fVoy. Manuel opératoire de
l'Encyclopédie).
Les tissus doivent-ils être comprimés par le pansement ?
On s'est beaucoup préoccupé de cette question. Renault
disait oui ; Bonnaud, bien plus tard, a dit non. La question
est facile à résoudre si l'on songe au rôle que doit
remplir le pansement, le premier surtout. Il doit être
protecteur, hémostatique et contentif vis-à-vis du gonflement
des tissus. Protecteur, il le sera par sa solidité et
son étendue suffisante ; hémostatique', il le sera aussi s'il
comprime les vaisseaux sectionnés; contentif, il le sera
enfin, selon l'idée exprimée, si sur les bords du biseau
de la corne, on a disposé convenablement un assez
grand nombre de tentes pour que la compression soit
un peu plus forte à ce niveau. En somme, le pansement
doit être légèrement compressif avec accentuation le
long des biseaux.
Renouvellement du pansement. — Les interventions chirurgicales
faites sous le couvert de l'asepsie permettent
le maintien du premier pansement pendant un temps
prolongé : huit, dix et même quinze jours, toutes les
fois que l'état général de l'opéré reste satisfaisant (1).
Lorsque le foyer traumatique n'a pas été aseptisé, il y
a lieu de refaire le pansement au bout de trois à quatre
jours.
D'ailleurs, toutes les fois que l'état général est troublé
(fièvre, appui nul ou très pénible, lancinations, etc.),
lorsque le pus apparaît au dehors sur les bords du pansement,
il convient de renouveler l'appareil, de scruter
la plaie pour remédier à la situation.
MODE DE CICATRISATION DES PLAIES DU PIED. — RÉPARATION
DU SABOT. — A part de très rares exceptions, repré-
(I) Gallier, Cicatrisation par première intention dans les opérations de
pied (Bulletin de la Soc. centr. de méd. net., 1899, p. 385).

40 ATROPHIE DU PIED.
sentées par des blessures de faibles dimensions : clou
de rue, piqûre, etc., les plaies du pied se cicatrisent
par granulation ; il y a habituellement, perte de substance,
et le foyer doit être comblé par un bloc conjonctif
formé par la coalescence des bourgeons charnus. 11 en
est ainsi dans l'opération du clou de rue, de la seime
compliquée, de la bleime suppurée, etc.
Lorsque la plaie est comblée, elle se recouvre de la
périphérie au centre d'un revêtement épithélial qui, en
se soudant au tissu conjonctif sous-jacent, forme une
sorte de nouvelle membrane kératogène susceptible de
produire de la corne et de prendre part à la reconstitution
du sabot. Toutefois, dépourvue de papilles ou
de feuillets podophylleux, selon le point envisagé, elle
donne une corne moins adhérente et moins résistante.
ATROPHIE DU PIED.
ENCASTELURE.
Définition. — L'encastelure est une affection propre
aux solipèdes, caractérisée par le rétrécissement général
ou partiel du sabot et l'atrophie des parti es vives du
pied.
Étymologie. — De in (en) et castellum (lieu fortifié),
la corne étant assimilée à une muraille enserrant, comprimant
les parties vives (Littré).
Synonymie. — Estrainture (de stringere), ne se
retrouve que dans les très vieux auteurs français. Pied
mulage ou pied de mule, du langage vulgaire, ne s'emploient
guère plus.
Historique. — L'encastelure paraît avoir été ignorée
dans les temps etchez les peuples où la ferrure n'était pas
employée. Les auteurs de l'antiquité grecque n'en font
pas mention.
Les Arabes (Abou Bekr, xu c siècle) la connaissaient,

ENCASTELURE. 41
mais seulement comme complication d'autres affections
douloureuses des membres.
Nos auteurs du moyen âge signalent l'estrainture, et,
pour nos hippiatres (Solleysel, Lafosse, etc.), l'encastelure
était, comme elle l'est encore aujourd'hui, une affection
extrêmement fréquente (1).
Divisions. — H. Bouley (2) a distingué l'encastelure
vraie, portant sur la totalité de l'ongle, de l'encastelure
fausse, limitée aux régions postérieures de celui-ci.
Mais la distinction n'est pas aussi « fondamentale » que
l'explique cet auteur et nous préférons les termes encastelure
totale et encaslelure partielle répondant à des degrés
différents de la déformation.
Le siège du rétrécissement dans l'encastelure
partielle peut être précisé par des termes particuliers.
Nous proposons celui i'encastelure plantaire, pour le cas
où la diminution de la capacité du sabotrésulte d'une plus
grande concavité de la face inférieure, d'un exhaussement
de la voûte, les dimensions périphériques n'ayant pas
changé ; c'est une forme de début très fréquente de l'encastelure.
Le rétrécissement périphérique ou pariétal peut siéger
au bord inférieur de la paroi, encastelure pariétale inférieure
(3), au bord supérieur, encastelure pariétale supérieure
oucoronaire et aussi, mais exceptionnellement, à la partie
intermédiaire (4), encastelure pariétale moyenne.
L'encastelure est dite unilatérale si un seul côté du sabot
est resserré; l'encastelure unilatérale est interne ou
externe. On reconnaît aussi une encastelure des talons,
(1) Moulé, Histoire de la médecine vétérinaire.
(2) Bouley, Nouveau dictionnaire de méd. chirurg. et hygiène vêt., I. V,
art. EKCASTELURI.
(3) C'est l'encastelure plantaire des auteurs qui nous ont précédés, mais
cette appellation caractérise mieux la forme à laquelle nous l'appliquons et
que l'on ne peut méconnaître.
(4) Zundel, Dictionnaire de méd. chirurg. et hygiène vêt. d'Hurtrel d'Arboval,
édit. refondue, t. I. art. RHCASTELIDS.

42 ATROPHIE DU PIED.
fausse encastelure de H. Bouley, resserrement des talons,
pied à talons serrés, pied étroit en talons dans le langage
pratique ; et une encastelure des quartiers désignant
une dépression longitudinale plus ou moins marquée de
cette région du sabot.
Étiologie. — Il y a lieu de distinguer une encastelure
idiopathique et une encastelure symptomatique
(L. Lafosse) (1), ou mieux une encastelure primitive et une
encastelure secondaire (F. Defays) (2).
Encastelure primitive. — Elle apparaît en dehors de
tout état pathologique antérieur, elle est le résultat
immédiat de causes diverses.
Causes prédisposantes. — CONFORMATION. — Les pieds naturellement
étroits, de forme cylindrique, sont, plus souvent
que les pieds larges et évasés, atteints d'encastelure.
RACE. — Les races orientales et celles du Midi de la
France offrent une proportion relativement grande de
chevaux encastelés. La raison doit en être recherchée
dans la conformation habituelle du pied de ces chevaux
plutôt que dans la qualité de la corne ou dans la sécheresse
du climat.
C'est aussi pour la même raison, c'est-à-dire à cause
de la conformation naturelle de leurs sabots, que les ânes
et les mulets sont fréquemment affectés d'un resserrement
de ces organes (L. Lafosse) (3).
SERVICE. — L'inaction prolongée favorise l'encastelure.
Son rôle, affirmé par Turner (4) et nombre d'auteurs
après lui, n'est pas exclusif et d'autres facteurs adjuvants
peuvent intervenir.
Collin (5) a vu un cheval qui était' resté attaché à
(1) L. Lafosse, Traité de pathologie vêt., 1861, t. II, p. 793.
(2) F. Defays, Mémoire sur l'encastelure (Ann. de méd. vét., 1859, p. 563,
et Bec. de méd. vêt., 1659, p. 80).
(3) L. Lafosse, Loc. cit., p. 801.
(4) Turner, Traité du pied du chevalet nouveau système de ferrure, I831
(5) Bec. de méd. vét., 1878, p. 9G1.

ENCASTELURE., 43
l'écurie depuis la naissance jusqu'à l'âge de six ans n'être
pas encastelé. L'influence prédisposante de l'inaction
n'est cependant pas niable.
La nature du service a aussi une influence réelle, les
chevaux de luxe, les chevaux de ville et plus généralement
ceux qui se meuvent sur un sol dur sont, toutes
autres choses égales, plus souvent encastelés que les
chevaux qui vivent ou travaillent sur des sols meubles,
(chevaux de labour, chevaux vivant au pâturage, etc.).
Cette dernière condition est celle des chevaux arabes
dans leur pays d'origine ; les effets d'un mode d'entretien
très différent dans nos pays, ont fait attribuer à tort
à la seule émigration un rôle important dans l'étiologie
de l'encastelure de ces animaux.
HÉRÉDITÉ. — L'influence prédisposante accordée à
certaine conformation du pied et par conséquent aux
races dont cette conformation est l'apanage, la transmission
héréditaire probable de cette conformation, permettent
d'invoquer, dans une certaine mesure, l'action
ancestrale dans le développement de l'encastelure.
Ainsi compris, le rôle de l'hérédité est extrêmement
secondaire. Cependant nombre d'auteurs depuis Lafosse
ont invoqué la transmission d'une aptitude morbide
particulière. Cet hippiatre (1) reconnaît « une encastelure
naturelle, qui vient de constitution, telle qu'on la voit
dans certains poulains sortant des haras ». Cette assertion
n'est pas fondée; des observations précises et
nombreuses faites par Vallon (2), en particulier, sur les
chevaux d'Afrique et d'Orient, chez lesquels l'hérédité
est le plus souvent mise en cause, ont au contraire
démontré que ces animaux, dans leur pays d'origine et
rierges de ferrure, ne sont jamais encastelés.
EXISTE-T-ILUNE ENCASTELURE CONGÉNITALE? —H. Bouley(3)
II, Lafosse, Coursd'hippiatrique, 1774, p. 296.
(2) Vallon. Cours d'hippologie, 1863.
(3) H. Bouley, Loc. cit.
VRVICO DE BIBLIOTECA E DOCUMENTAÇÂO
SER FACULDAOE DE MED.C.NA VETER.NÀRIA
E ZQOTECNIA DA U S P

44 ATROPHIE DU PIED.
et Defays (i) décrivent sous ce nom une conformation
particulière du pied que l'on rencontre dès la naissance
chez quelques très rares chevaux et fort analogue à la
conformation normale du pied du mulet ; mais cette
défectuosité qui, outre l'étroitesse relative de la périphérie
des sabots, se caractérise par « l'absence de concavité
à la face plantaire, le développement normal de
la fourchette, la régularité des allures .', n'est pas
l'encastelure et en réalité ces animaux « sont moins
affectés de cette maladie qu'ils n'y sont prédisposés »
(L. Lafosse).
L'encastelure congénitale proprement dite ne paraît
pas avoir été observée.
Causes déterminantes. Pathogénie. — Les causes de
l'encastelure que l'on a invoquées sont nombreuses ; souvent
elles sont banales et quelquefois contradictoires.
La physiologie mécanique du pied a été longtemps discutée,
et, avec chaque conception particulière de ce mécanisme,
a varié la prédominance accordée à tel ou tel
autre ordre de causes. Encore aujourd'hui il n'existe pas
à cet égard, entre les auteurs, un accord parfait.
Ces causes peuvent être classées en trois groupes :
causes physiques, causes mécaniques, causes dynamiques.
I. CAUSES PHYSIQUES. — Le rétrécissement du sabot a
été très généralement attribué à des modifications
dans l'état physique de la corne et à la mise en œuvre
de la force de rétractilité naturelle que l'on a accordée à
cette substance. Le fait, toujours facile à constater, du
rétrécissement du sabot détaché etsoumis à la dessiccation
est la preuve généralement invoquée de l'existence d'une
force rétractile. « De quelle nature est cette force, d'où
dépend-elle ? Exclusivement de l'hygrométricité de la
substance cornée. C'est lorsque la corne perd par l'éva-
(i) Defays, Loc. cit.

ENCASTELURE. 45
poration l'humidité qui l'imprégnait, qu'elle se retire
sur elle-même à la manière de toutes les substances
organiques ; et, de même que ces substances, elle récupère
aussi sa flexibilité quand, par son immersion suffisamment
prolongée dans un liquide, on lui restitue
l'humidité qu'elle avait perdue. Cela posé, on doit
concevoir la part considérable que doivent avoir dans le
développement de l'encastelure les propriétés hygrométriques
de la substance cornée. » [H. Bouley (1).]
L'état hygrométrique du sabot est maintenu pendant
la vie, par le fluide séreux que la corne puise continuellement
dans les tissus sous-jacents si abondamment
irrigués. Si l'on admet que, soit par une évaporation
trop vive à l'extérieur du sabot, soit pur une irrigation
insuffisante des tissus sous-cornés, l'équilibre entre les
déperditions et le renouvellement de ce fluide puisse
être rompu, les conditions d'hygrométricité de la corne
changeront.
Toutes les circonstances jugées capables de produire
ce résultat ont été invoquées comme causes d'encastelure.
Cette maladie se développerait surtout pendant la
saison estivale ; pendant les étés d'une sécheresse excessive
elle pourrait même prendre un caractère épizootique
(L. Lafosse).
Les alternatives de sécheresse et d'humidité seraient
encore plus nocives ; les couches superficielles d'abord
ramollies par l'imbibition extérieure permettraient une
évaporation subséquente plus rapide et plus complète.
Le séjour prolongé à l'écurie sur des litières sèches
(Colemart), le travail sur le pavé ou les routes empierrées
sont très favorables au développement de l'encastelure ;
on a pensé que le sabot ne pouvait dans ces conditions
puiser dans le sol l'humidité qui lui est indispensable.
(I) II. Bouley, Loc. cit., p. 579.

46 ATROPHIE DU PIED.
Le rôle indiscutable de la ferrure dans l'étiologie de
l'encastelure a été expliqué de différentes manières. On a
beaucoup accusé son influence sur l'hygrométricité de la
corne ; elle s'exercerait par divers mécanismes : 1° l'application
du fer chaud serait capable de produire une
dessiccation funeste ; 2° le râpage de la paroi et l'enlèvement
du vernis protecteur représenté par le périople
précipiterait l'évaporation à la surface du sabot;
3° l'amincissement outré de la corne à la face plantaire
amènerait la dessiccation des couches profondes et leur
rétraction serait d'autant plus facile qu'elles auraient
été ainsi destituées d'une partie de leur résistance;
4° le fer en éloignant le pied du sol empêcherait la fourchette
d'y pomper l'humidité nécessaire (L. Lafosse);
S» l'allongement du sabot rendrait inévitable la rétraction
rapide du bord inférieur de cet organe qui ne se
trouve plus en rapport direct avec les parties vives.
La dessiccation de la corne ne résulterait pas seulement
d'une évaporation trop rapide ou d'une absorption
insuffisante de l'humidité extérieure, elle pourrait aussi
procéder d'une insuffisance d'imbibition intérieure.
C'est par une action de cette nature et à la suite du
ralentissement de la circulation dans le pied que l'inaction
aboutirait à l'encastelure. L'accentuation rapide du
rétrécissement une fois commencé trouverait aussi son
explication dans l'anémie des tissus vivants par la compression
dé la corne.
C'est encore à une dessiccation du sabot d'origine
intérieure que Delpérier (1) attribue en définitive l'encastelure.
La limitation de l'appui au bord inférieur de la
paroi entraînerait un surmenage du podophylle, un mouvement
congestionnel dans ce tissu qui « chaufferait » la
corne et la ferait se rétracter.
La nature de l'alimentation pourrait, d'après L. Lafosse,
(1) Delpérier, Études spéciales sur le sabot du cheval, p. 461.

ENCASTELURE. 47
changer l'état hygrométrique de la corne par la plus ou
moins grande proportion d'eau que les aliments fournissent
au sang et, par conséquent, au sabot; c'est ainsi
que le vert, à l'écurie, serait capable de soulager les
chevaux encastelés et parfois de les guérir. — C'est, dit le
même auteur, la moindre abondance de la lymphe chez
les animaux de sang et les mulets qui fournit la véritable
explication de la prédisposition de ces animaux à l'encastelure.
Par ce qui précède, on juge du rôle important, prépondérant
même, que l'on a fait jouer à la dessiccation de
la corne dans la genèse de l'encastelure. Ce rôle est-il
« aussi évident que la lumière du soleil » ? Les interprétations
que l'on en a données sont-elles justifiées? —
Nous ne le pensons pas. Les arguments ne manquent pas
pour rejeter cette étiologie ; Chénier (1) et Pader (2)
entre autres, en ont fourni de convaincants.
On connait la richesse vasculaire du lit de l'ongle. A
cette source qui ne se tarira qu'avec la vie, la corne pourra
toujours puiser le liquide nécessaire à son imbibition
normale. N'est-ce pas une hérésie physiologique de prétendre
que l'évaporation extérieure, quelles que soient
les circonstances favorables, pourrait ne pas être compensée
par l'apport sanguin ?
Le rétrécissement d'un sabot vidé et soumis à la dessiccation
ne prouve nullement l'existence d'une puissance
rétractile inhérente à cet organe; il est la conséquence
du changement qui se produit dans la constitution relative
de la corne de la face externe et de la face interne.
Cette dernière beaucoup plus aqueuse, si on peut s'expri-
(1) Chénier, De Catrophie du coussinet plantaire. Causes, conséquences,
traitement (Journ. de méd. vét. milit., t. XIV, 1876-77, p. 502, 659, 716);
Des condition» qui président au développement d>. l'encastelure (Journ. de
méd. vét. et zootech.. 1878, p. 178).
(2) Pader, Précis de maréchalerie, 1892, p. 205.

48 ATROPHIE DU PIED.
mer ainsi, se rétracte beaucoup plus vite sous l'influence
de la dessiccation. Si, sur le pied vivant, les causes de
dessiccation invoquées pouvaient avoir un effet quelconque,
la paroi sous leur influence aurait plutôt une tendance
à s'ouvrir qu'à s'enrouler. « En effet, qu'on prenne
une plaque de corne et qu'on la place sur une surface
humide en faisant agir l'action solaire sur sa face supérieure;
on la verra s'enrouler du côté delà surface chauffée.
» (Pader.)
La réalité d'une dessiccation effective du sabot sur le
pied vivant est donc problématique. Cette dessiccation
ne saurait d'ailleurs avoir les effets qu'on lui a attribués
et participer activement au développement de l'encastelure.
Cette maladie peut apparaître alors que les conditions
d'hygrométricité de la corne ont été rigoureusement
maintenues (Voy. notre observation, note de la p. 59), et
par un mécanisme que nous examinerons plus loin.
II. CAUSES MÉCANIQUES. — Ce sont celles qui seraient
capables de provoquer l'encastelure par une action
directe et immédiate sur le sabot en le comprimant ou
en empêchant son expansion naturelle.
Elles ressortissent de la ferrure (i). L'influence de celleci
est, à cet égard, très généralement admise et l'expérience
toujours citée de Bracy-Clark (2), est démonstrative.
Il prit l'empreinte des pieds antérieurs avant l'application
de la première ferrure, sur une jument de cinq ans, et
d'année en année pendant six ans ; ces pieds, d'abord très
beaux, se rétrécirent peu à peu. Dès la deuxième année, le
diamètre en quartiers avait diminué de 13 millimètres. Ace
moment, la bête ayant été déferrée et mise en prairie, il se
produisit une légère expansion. Mais avec de nouvelles ferru-
(1) Laconstriction du sabot, par une ligature circulaire trop serrée, si elle est
longtemps continuée, peut aussi provoquer l'encastelure (L. Lafosse, Traité
de pathologie, t. Il, p. 802).
(2) Bechercàes sur la construction du sabot du cheval et suite d'expériences
sur les effets de la ferrure, Paris, 1817.

ENCASTELURE. 49
res le rétrécissement reparut et s'accentua, et après la sixième
année - les pieds avaient éprouvé une diminution telle que
les tissus internes, sans en excepter l'os, avaient dû en subir
une semblable ».
Bracy-Clark. attribuait ces effets désastreux à la coercition
exercée par le fer étroitement fixé par les clous.
Le sabot, dit cet auteur, est ainsi inearcéré dans une
enceinte de fer inflexible qui empêche l'expansion naturelle
de cet organe et s'oppose dans une grande limite
aux mouvements des parties postérieures, si elle ne les
empêche pas totalement. Le pied ainsi privé de son
mouvement naturel, nécessaire sans aucun doute à sa
nutrition, perd son élasticité, devient dur et résistant et
enfin diminue de volume.
Cette explication pouvait paraître sans réplique à tous
ceux qui avaient adopté la théorie de Bracy-Clark sur
l'élasticité du sabot. La conservation intégrale des
mouvements d'écartement et de rapprochement successifs
des lames pariétales, dont le célèbre vétérinaire anglais
avait affirmé l'existence, était un idéal de la ferrure que
nombre d'inventeurs ont cherché à réaliser. Il n'entre
pas dans notre cadre d'énumérer les moyens presque
innombrables qui ont été conçus dans ce but : la
ferrure à étampures unilatérales de Turner, les ferrures
sans clous, les ferrures articulées, les ferrures en substances
molles sont les principaux ; l'indieation de
répartir les clous exclusivement sur la moitié antérieure
du sabot (Coleman) est le seul qui ait subsisté.
L'ajusture française exagérée et continuée jusqu'en
éponges pourrait aussi contribuer au resserrement de
l'ongle, les talons et les quartiers glissant de dehors en
dedans sur le plan incliné de la face supérieure du fer
(H. Bouley).
Pour Coleman et Rodet.le sabot se rétrécit parce que
la résistance du 1er et des clous l'empêchent de s'élargir
à sa partie inférieure ; or, cet élargissement est la

50 ATROPHIE DU PIED.
conséquence nécessaire de l'accroissement du sabot.
Les effets nuisibles de la ferrure ont été aussi rapportés
à la rupture des arcs-boutants trop souvent
pratiquée au cours de cette opération. « N'ouvrir jamais
les talons est une règle principale pour bien ferrer les
chevaux. » (Solleysel.)
Cette manœuvre priverait le sabot des étais ou contreforts
destinés à réagir contre la force rétractile de la
corne.
Pas plus que les causes physiques, les causes mécaniques
que nous venons d'examiner ne nous paraissent
jouer un rôle bien appréciable dans l'étiologie de
l'encastelure.
L'opinion de Bracy-Clark et les funestes résultats de
sa ferrure tiennent à une fausse interprétation du fonctionnement
du pied.
Les mouvements d'expansion du sabot, que le fer était
supposé entraver, n'existent pas ou sont insignifiants au
niveau du bord plantaire. L'action coercitive du fer et de
ses clous ne peut donc avoir l'influence qu'on lui a
attribuée.
Les propriétés d'élasticité nécessaires au pied, résident
surtout dans le coussinet plantaire. La participation de
cet organe à l'appui, par l'intermédiaire de son revêtement
corné, la fourchette, est la condition indispensable
pour la mise en œuvre de ces propriétés. Bracy-Clark
avait méconnu ce principe essentiel, et c'est pour cela
que sa ferrure était désastreuse. Malheureusement sa
théorie avait été répandue par nombre d'auteurs, aussi
n'est-il pas exagéré de lui attribuer « la ruine et la
réforme prématurée d'une foule de bons chevaux
L. Lafosse (1).
(I) L. Lafosse, Observations sur les causes de l'encastelure ou resserrement
du sabot et sur les principaux moyens de la prévenir ou d'y remédier
(Journ. des vét. du Midi, 1859, p. 201).

ENCASTELURE. 51
L'ajusture entôléen'apasles effets qu'on lui a accordas,
il a été impossible à M. Pader de produire expérimentalement
par ce mécanisme un rétrécissement sensible
du sabot.
L'expansion du sabot qui s'allonge n'est pas empêchée
par le fer et celui-ci est toujours débordé par la cùrne
sur les pieds anciennement ferrés.
La rupture des arcs-boutants est une faute, mais elle
n'a point les conséquences indiquées. Ils n'ont pas en
effet, comme on l'avait pensé, pour mission de s'opposer
à une rétractilité active toute hypothétique de la paroi.
Mais ils agissent en agrafant en quelque sorte les talons
et en s'opposant à leurs mouvements excessifs [Lorge (1),
Peuch et Lesbre (2)].
III. CAUSES DYNAMIQUES. — La forme d'un organe quelconque
est étroitement dépendante de sa fonction. Des
modifications fonctionnelles s'accompagnent nécessairement
de modifications morphologiques.
Le pied n'échappe pas à cette loi biologique générale
et il est naturel de rechercher la raison de la
déformation qui caractérise l'encastelure parmi les
causes capables de modifier la dynamique de cet
organe.
Le pied doit fournir au corps un appui ferme et
élastique. Le bord inférieur de la paroi et la face
inférieure de la fourchette sont disposés pour recevoir
les pressions et percussions de cet appui.
La participation de la fourchette à l'appui est une
condition essentielle. Nous avons dit combien le rôle de
cet organe avait été méconnu et quelles conséquences
déplorables étaient résultées de cette erreur, propagée par
Bracy-Clark et ses adeptes.
(1) Lorge, Contribution à l'étude des barres des arcs-boutants et du
traitement de l'encastelure des pieds du cheval (Ann. de méd. vét., 1893,
p. 488).
(2) Peuch et Lesbre, Précis du pied du cheval et de sa ferrure.

32 ATROPHIE DU PIED.
u Qu'est-ce, en effet, que la fourchette, sinon l'épidermc corné
du coussinet plantaire? Qu'est-ce qu'un coussinet plantaire
? Le-, nom l'indique assez ; c'est un tampon élastique,
amortissant, développé sur les points de l'extrémité digitée
subissant la pression du sol. Voyez les coussinets plantaires
du chien, du chat, du porc, du dromadaire, etc., on ne saurait
leur attribuer un autre rôle. D'ailleurs, ce ne sont pas des
organes spéciaux, surajoutés ; il semble qu'ils résultent d'une
hypertrophie de la couche cellulo-adipeuse du derme produite
par les pressions mêmes dont ils sont appelés à conjurer les
effets; on dirait des callosités, telles qu'il s'en développe sur
la paume des mains des manouvriers ou sur la plante des
pieds des gens sans chaussures; les callosités, eu effet, ne
consistent pas seulement en un épaississement et une kératinisation
insolites de l'épiderme, mais encore en une modification
importante du derme, dont les papilles se sont énormément
développées et dont la couche profonde, réticulo-adipeuse,
s'est considérablement épaissie. Or, les coussinets
plantaires en général, ne présentent pas une autre structure:
des lobules adipeux logés dans des aréoles fibreuses, une
couche papillaire, et. par-dessus le tout, un épiderme très
épais, surtout dans sa couche cornée, n'est-ce pas là, avec des
vaisseaux, des nerfs, des glandes sudoripares, tous les éléments
de l'organisation des coussinets des carnivores, du
porc, des ruminants?...
Le coussinet du cheval est mieux adapté encore aux fortes
pressions, attendu que les lobules adipeux y sont remplacés
par des amas de tissu élastique extrêmement déformables,
agissant comme autant de petites masses de caoutchouc
qui seraient contenues dans les mailles d'une éponge
fibreuse.
Il est vraisemblable que ces coussinets se soient développés
dans l'espèce, comme les callosités dans l'individu, c'est-à-dire
sous l'influence des pressions extérieures et pour les amortir;
c'est là leur cause et leur raison d'être. Lorsque les pressions
viennent à cesser, callosités ou coussinets tendent à disparaître;
c'est ainsi que, par défaut d'appui de la fourchette, le
coussinet plantaire du cheval s'atrophie jusqu'à perdre les deux
tiers ou même les trois quarts de son volume (fig. 13 et 14);
les fibro-cartilages qui l'encadrent et font corps avec lui
suivent son retrait et le pied tout entier se resserre en talons,
s'encastelle. [Peuch et Lesbre (1).]
(I) Peuch et Lesbre, Loc. cit., p, 128.

ENCASTELURE. 53
Ces dernières lignes résument la pathogénie de l'encastelure
telle qu'on doit la comprendre ; on peut la
traduire aussi par la formule de Chénier « L'encastelure
procède de dedans en dehors. A ce vétérinaire revient le
mérite d'avoir, le premier en
France, appelé l'attention
14. — Coussinet plantaire
atrophié.
sur les causes et les conséquences de l'atrophie du
coussinet plantaire (1). Presque en même temps,
Fogliata(2), en Italie, fournissait sur le même sujet un
travail absolument fondamental.
Le sabot doit rester exactement adapté au volume des
parties qu'il renferme ; il suit donc le coussinet plantaire
dans son mouvement de retrait (fig. lo et 16). Ce sont les
parties les plus faibles et les moins soutenues qui se rétrécissent
le plus vite.
La fourchette remonte, le pied se creuse (encastelure
(1) Chénier, Loe. cit.
(2) Fogiiala, Anatomia, Fishtogia e Ateleogenia del euscinetto plantare
e del fetone eorneo del piede del carallo (Giornale di Anatomia, Fisiologia
et Patologia degti animali, 1876, p. 55 et H 7).

54 ATROPHIE DU PIED.
plantaire), les cartilages complémentaires se rapprochent
de la ligne médiane entraînant avec eux le bord supérieur
de la paroi (encastelure coronaire), le côté interne moins
épais cède d'abord, le bord ^——^^^^^^^^^^
inférieur de la muraille se
Fig. 15. — Coupe transversale d'un
pied antérieur normal, à L l centièmes
en avant des talons.
Fig. 16. — Coupe transversale d'un
I I antérieur encaslelé, à 2 centimètres
en avant des talons;!).
rétrécit à son tour, mais plus lentement, car il est soutenu
par les apophyses rétrossales.
Cependant cette progression dans le resserrement de
la boîte cornée comporte des variations. Assez souvent,
dans le pied plat l'atrophie porte d'abord exclusivement
sur les bulbes du coussinet, le corps pyramidal restant
volumineux et saillant (encastelure des talons). Si, au
contraire, les bulbes conservent leurs dimensions et les
talons leur écartement, ce sont les quartiers qui cèdent
(encastelure des quartiers) (2).
(1) Les pieds représentés par les fig. 15 et 16 appartenaient au même sujet.
(2) La dépression du sabot caractérisant celte dernière se produirait, suivant
Delpérier (Étude spéciale du sabot du Cheval, p. SI 1), à la suite d'un

ENCASTELURE. 55
La paroi peut se contracter seulement par le bas
(encastelure pariétale inférieure), si les cartilages complémentaires
ossifiés n'obéissent pas à la traction
interne ; enfin dans les cas ou un seul de ces organes
est envahi par l'ossification, le resserrement ne se produit
que du côté opposé (encastelure unilatérale).
L'étiologie de l'encastelure primitive se résume donc
pour nous en les causes capables de modifier les
conditions physiologiques de l'appui plantaire et notamment
de supprimer ou de diminuer la participation de
la fourchette à cet appui.
La ferrure est la principale et la plus efficace de ces
causes. Nous avons vu que, quelque idée que l'on se
soit faite de la pathogénie de l'encastelure, on a
toujours accordé une importance considérable à l'action
du maréchal dans le développement de cette maladie.
L'encastelure est presque fatale chez les chevaux dont
le maréchal abat la fourchette, ou dont la ferrure n'est
pas assez fréquemment renouvelée, l'appui se faisant
alors exclusivement sur le bord inférieur de la paroi. Le
fer lui-même mal confectionné ou mal appliqué peut
aboutir au même résultat en éloignant la fourchette du
sol.
L'importance de la fourchette comme organe d'appui
et la nécesssité de respecter cette « gardienne de l'écartement
des talons » ont été proclamés par nombre
d'auteurs anciens ou modernes, en tête desquels il convient
de citer Lafosse. Divers systèmes de ferrure inspirés
de ces principes tels que la ferrure à croissant, la ferrure
périplantaire, la ferrure à éponges minces ont donné des
résultats connus et incontestables. Il est curieux de constater
que malgré cela les maréchaux continuent leurs
kérapbyllocèle disparu par avalure, mais qui, avant de disparaître, a creusé
dans l'os un sillon plus ou moins profond. — Une ostéite raréfiante, consécutive
à une enclouure par exemple, peut déterminer une semblable déformation.

otj ATROPHIE DU PIED.
errements, c'est-à-dire les pratiques irrationnelles dont
nous venons de dire l'influence néfaste, et c'est ainsi que
l'encastelure reste une affection extrêmement fréquente.
La mauvaise ferrure est déterminante de l'encastelure
et peu de sabots lui résistent; mais à son action vient
encore souvent s'ajouter celle des causes prédisposantes
dont nous avons reconnu l'efficacité et dont il nous est
facile maintenant d'expliquer le mécanisme.
L'inaction habituelle diminue les pressions supportées
par le coussinet plantaire. Si elle est complète et prolongée,
elle peut même devenir déterminante (encastelure
secondaire).
Un sol dur et résistant ne permet l'appui de la fourchette
qu'autant qu'elle est volumineuse et dépasse le
plan inférieur du fer. Dans les terrains dépressibles, au
contraire, le pied s'enfonce légèrement et l'appui se
fait sur la totalité de la surface plantaire (Dupon) (1).
On comprend enfin que, dans les pieds naturellement
étroits, à fourchette moins volumineuse, l'appui se limite
plus souvent sur le cercle pariétal.
Pour être complets, nous devons dire un mot d'une
conception pathogénique formulée par Perrier (2) toute
spéculative qu'elle soit et depuis longtemps controuvée.
C'est aussi à une perversion de l'appui que cet auteur
attribue l'encastelure/ Dans les conditions normales, le
sabot effectuerait deux mouvements opposés successifs
et équivalents.
Il se dilaterait lorsque la pression s'exerce sur les
parties antérieures ; il subirait au contraire un mouvement
concentrique, lorsque le poids principal arrive sur
les parties postérieures. Ce dernier mouvement résulterait
de l'inclinaison de dehors en dedans des talons,
inverse de celle des autres régions du pourtour de l'ongle,
(1) Dupon, De la perversion de l'appui du sabot comme cause dencastelure
(Journ. des vét. du Midi, 1863, p. 394).
(£) Perrier, Sur les moyens d'avoir les meilleurs chevaux, 1835.

ENCASTELURE. 57
de sorte qu'une pression excentrique s'exerçant à leur
partie supérieure devrait nécessairement les concentrer à
leur partie inférieure, « de même qu'en exerçant un effort
dilatateur sur le bord supérieur d'un vase cylindrique on
tend à rétrécir son fond dans le même sens ».
De cette prémisse, il ressort que la condition de l'encastelure
serait réalisée dans toutes les circonstances où les
pressions de l'appui se trouvent déversées, d'une manière
prolongée ou en quantité trop considérable, sur les
parties postérieures du pied. Cette affirmation constitue
une erreur sur laquelle il n'est plus nécessaire d'insister.
Encastelure secondaire. — Elle est la conséquence
directe ou indirecte d'une affection préexistante.
Causes directes. — Leur action s'exerce localement
sur le sabot lui-même ou ses organes générateurs.
M. Huret (4) reconnaît pour cause principale de l'encastelure
l'ostéite de la troisième phalange et le ralentissement
de la nutrition du podophylle qui en serait la conséquence.
Cet auteur accorde au podophylle un rôle important
dans la genèse de la corne pariétale. L'affaiblissement
ou la suppression de la kératogenèse podophyllienne
entraînerait le rétrécissement de la paroi (?).
Pour M. Joly (2) l'encastelure serait aussi le plus souvent
une manifestation symptomatique de l'ostéite du
troisième phalangien. Ces assertions nous paraissent
prématurées, surtouten ce qui touche leur généralisation.
La déviation du bourrelet produite par les formes coronaires,
le javart ou une tuméfaction inflammatoire quelconque,
est une cause d'encastelure. La surface cutidurale,
au lieu d'affecter son obliquité normale tend à
devenir horizontale ; les tubes cornés qui en émanent
éprouvent un changement de direction dans le même
sens et la paroi s'incline en dedans.
(1) Huret, Contribution à l'étude de l'encastelure (Bitlt. de la Soc. tenir,
de méd. vêt., 1898, p. 384).
(2) Joly, Études cliniques (Bev. vét., 1889, p. 609).

58 ATROPHIE DU PIED.
Lorsque la déviation est récente, date de quelques
mois par exemple, la direction différente de l'ancienne
paroi, dans sa partie inférieure, et de la nouvelle, à sa
partie supérieure, fait que le sabot offre un rétrécissement
circulaire en son milieu ; il affecte la forme d'un
« sablier antique » (encastelure pariétale moyenne) (1).
Ces affections n'agissent pas seulement par le mécanisme
que nous venons d'indiquer. Elles sont le plus
souvent douloureuses et c'est là, ainsi que nous allons
le voir, un élément étiologique important.
Causes indirectes. — Toute affection, douloureuse ou
non, et quel que soit son siège, si elle supprime ou
diminue l'appui d'un membre pendant un assez long
temps, est une cause d'encastelure pour le sabot correspondant.
L'encastelure unipodale, en particulier, est
le plus souvent secondaire (2). La lésion primitive causale
est, soit une périostose, une arthrite, une synovite, une
ankylose, une ténosite, une paralysie, etc., siégeant en un
point quelconque du membre; soit une affection douloureuse
du pied lui-même : bleime, seime, kéraphyllocèle,
clou de rue ancien, maladie naviculaire, etc.; cette
dernière surtout mérite une mention spéciale, car l'encastelure
en est la conséquence fatale ; les deux maladies
ont des liens de causalité très étroits.
Ces lésions douloureuses peuvent avoir seulement pour
résultat de changer le mode d'appui du membre et d'accumuler
la charge sur les parties antérieures du pied.
Dans les deux cas, leurs effets sont toujours la suppression
ou la diminution des pressions supportées par le coussinet
plantaire; l'atrophie de cet organe en est la conséquence
fatale.
(1) Suivant Delpérier, il eniste une disposiliondu sabot (muraille étranglée)
analogue à celle que nous signalons ici, et qui serait toujours due à une conformation
adéquate, congénitale de la face antérieure de l'os unguéal (Loc.
cit., p. 471).
(2) Alasaunière, L'encastelure du pied doit-elle être considérée comme
essentielle (Bull, de la Soc. centr. de méd. vét., 1852, p. 233).

ENCASTELURE. 59
L'encastelure secondaire par causes indirectes ne saurait
se produire par un autre mécanisme (I).
Dans l'encastelure primitive elle-même le rétrécissement,
une fois constitué, s'accompagne presque toujours
de douleur.
Celle-ci devenant cause à son tour on comprend l'accentuation
rapide de la déformation et la tendance presque
constante de la maladie vers l'aggravation.
L'inaction prolongée du pied a un retentissement sur
tous les organes qui composent cet appareil, de sorte que
si l'atrophie du coussinet plantaire paraît être la première
en date et si ses effets immédiats sont les plus
apparents, elle n'est pas exclusive.
L'encastelure, caractérisée extérieurement par un rétrécissement
du sabot, est en réalité la conséquence d'une
atrophie générale du pied.
Symptômes. — Nous devons envisager successivement
les caractères extérieurs du pied encastelé et les manifestations
physiologiques de la déformation, c'est-à-dire la
boiterie.
A. Caractères extérieurs. — L'encastelure se caractérise
extérieurement par des modifications dans la forme
et dans les dimensions du pied.
Ces modifications peuvent affecter des types divers,
qui ont servi de base à la division établie au début de ce
chapitre.
(1) L'on de nous a en l'occasion d'observer un cas qui a toute la valeur
d'une expérience la pins rigoureuse ponr la détermination de la palhogénie
de l'encastelure secondaire. Un pur sang arabe de deux ans fut atteint d'une
paralysie radiale i la suite d'une chute en prairie. De ce moment, l'animal
énergique et léger, n'appuya plus sur son membre malade. Le pied fut immédiatement
déferré et maintenu très soigneusement enveloppé avec des cataplasmes
ou des compresses pendant deux mois; durant tout ce temps la
corne fut homide, ramollie et pas un seul instant e*posée à se dessécher.
Très rapidement cependant le sabot se resserra et l'encastelure atteignit un tel
degré que le diamètre du pied n'était guère supérieur à celui du paturon. Ce
sujet fut sacrifié au troisième mois, tout espoir de restauration organique ou
fonctionnelle ayant disparu.

60
ATROPHIE DU PIED.
ENCASTELURE TOTALE. — L'atrophie est générale, toutes
les dimensions du pied ont diminué, le volume de cet
organe n'est plus en rapport avec la taille du sujet ;
mais le rétrécissement à davantage porté sur les diamètres
transverses que sur le
diamètre antéro-postérieur,
de sorte que l'ovale du contour
pariétal s'est notablement
allongé (fig. 17).
De face, le sabot encastelé
montre très nettement cette
diminution des diamètres
transversaux; les lignes latérales
sont plus droites,
moins divergente» en bas;
elles se continuent en haut
avec les lignes du paturon
par une transition plus effacée
qu'à l'état normal, l'entablement
cutidural est moins
marqué.
De profil, on peut constater
que la ligne du bourrelet
est moins inclinée d'avant en arrière ; le cercle cutidural
tend vers l'horizontale et la hauteur des talons est proportionnellement
plus grande. Cet exhaussement du
bourrelet se produit parfois en certains points seulement,
au niveau d'un quartier par exemple, et le bord supérieur
du sabot présente une sorte d'ondulation irrégulière.
Par derrière, on voit que les talons sont rapproché»
parfois au point de venir au contact l'un de l'autre;"
les glomes de la fourchette sont alors presque complètement
atrophiés, la lacune médiane est transformée
en une étroite et profonde fissure se prolongeant eD
arrière jusqu'à la peau.
Dans certains cas d'encastelure outrée, il arrive que

ENCASTELURE. 61
l'un des talons est plus élevé, plus reporté en arrière et
qu'il surplombe l'autre par la partie supérieure (talons
chevauchés) (fig. 18).
Sur le pied levé, on constate la déformation du contour
plantaire dont les courbes •
latérales se sont à peu près
effacées ; le bord inférieur de
la paroi forme, depuis • les
mamelles jusqu'aux talons,
deux lignes presque droites
et pins ou moins convergentes.
La sole présente une concavité
plus grande qu'à l'état
normal. Les barres se sont
redressées, elles affectent une
direction perpendiculaire au
sol. Barres et sole constituent
une cavité beaucoup plus profonde
que sur le pied sain. Le fond de cette cavité est
occupé par une fourchette considérablement réduite
de volume, aplatie d'un côté à l'autre par le rapprochement
des barres. Les lacunes médiane et latérales
ne constituent plus que des sillons étroits et profonds
desquels suinte, d'ordinaire, un liquide purulent,
de couleur gris noirâtre et d'odeur infecte.
Dans toutes les régions du sabot, la corne est sèche
dure et cassante, plus mince que normalement. La surface
murale est irrégulièrement cerclée, d'aspect rugueux,
souvent fendillée, parfois même seimeuse; la sole est
aussi fissurée, squameuse; la corne furcale, desséchée et
incohérente, est souvent décollée sur une étendue plus
ou moins grande au voisinage des lacunes.
Ces caractères de déformation du sabot et d'altération
de la corne comportent évidemment des degrés divers
suivant l'ancienneté de la maladie et l'intensité de la
cause.
Chirurgie du pied. 4

62
ATROPHIE DU PIED.
ENCASTELURE PLANTAIRE. — Nous désignons par ce terme
une forme de début très commune, dans laquelle le
rétrécissement ne porte encore que sur la face plantaire
du sabot. Les diamètres du pied n'ont pas changé, le
contour pariétal a conservé sa forme et ses dimensions;
mais la fourchette a diminué d'épaisseur et de largeur,
elle est remontée en quelque sorte dans le fond de l'a ca-
Fig. 19. — Encastelure plantaire
(pied creux).
Fig. 20. — Encastelure parié
taie supérieure
vite limitée par les barres ; la voûte plantaire paraît
s'être exhaussée, le pied est creux (fig. 19).
L'atrophie se poursuivant, la déformation ne tarde
pas à se compléter et le retrait mural se produit à son
tour.
ENCASTELURE PARIÉTALE SUPÉRIEURE ou. CORONAIRE. —
C'est aussi une forme relativement précoce et fréquente
(1). Elle se caractérise par une grande étroitesse
de la boite cornée à son origine, tandis que sa circon-
(1) C'est à tort que H. Bouley (Dictionnaire, p. 605) dit celle variété
exceptionnelle el nécessairement congénitale. Chez les chevaux jeunes a fibrocartilages
encore flexibles et particulièrement lors d'encaslelure secondaire à
marche rapide, le retrait mural débute presque toujours par le haut.

ENCASTELURE. 63
férence inférieure reste évasée. Le sabot affecte une
forme tout à fait conique, la muraille est en tous les
points fortement oblique de dedans en dehors (fig. 20) ; la
face plantaire n'offre pas de déformation bien sensible.
ENCASTELURE PARIÉTALE INFÉRIEURE. — Elle est surtout
l'apanage des chevaux déjà âgés (I).
On a vu en effet que l'ossification des cartilages latéraux
est une condition de son développement; la paroi
se rétrécit toujours dans les points les moins soutenus ;
or, seul le bord inférieur peut alors céder dans une certaine
mesure.
Le sabot affecte une disposition inverse de la précé-
__ dente ; le diamètre de son
I contour inférieur est sen-
I siblement plus petit que celui
de son contour supérieur ; la
muraille est oblique de dehors en dedans, au niveau des
quartiers et des talons tout aumoins (fig. 21). La face plantaire
offre les caractères décrits dans l'encastelure totale.
(1) On sait cependant que la conformation du sabot du poulain rappelle
exactement cette forme d'encastelure, mais cette disposition est physiologique ;
elle résulte de l'accroissement rapide des os du jeune sujet, le bourrelet el les
nouvelles assises de come subissent une amplialion parallèle.

64 ATROPHIE DU PIED.
ENCASTELURE PARIÉTALE MOYENNE. — Le sabot présente
un rétrécissement circulaire, un étranglement de la partie
moyenne de la paroi. Il est légèrement évasé à son bord
supérieur; le bord inférieur a conservé à peu près son contour
normal (fig. 22). Nous avons dit que cette disposition
résultait de la déviation du bourrelet et du changement
de direction des fibres pariétales ; mais elle est
transitoire et ne peut s'observer qu'au début de l'affection
causale, alors que la partie du sabot de formation antérieure
à cette dernière n'a pas entièrement disparu ; aussi
la constate-t-on très rarement.
ENCASTELURE DES TALONS. — Le resserrement n'existe
que sur les parties postérieures de la muraille.
Le pied examiné de face ne diffère pas d'un pied bien
conformé. De profil, on voit la paroi s'infléchir brusquement
vers le milieu du quartier; au lieu de présenter
une surface régulièrement convexe, elle forme à
partir de ce point un plan fortement oblique en
arrière.
Mais c'est sur la face plantaire que la déformation est
surtout caractéristique.
Le bord pariétal décrit une courbe régulière normale
jusqu'au point précité. A partir de celui-ci, il devient rectiligne
et s'incline en dedans; de sorte que les diamètres
transverses, à peu près normaux dans les parties antérieure
et moyenne, diminuent rapidement d'avant en arrière
depuis le milieu des quartiers jusqu'en talons.
Ce rapprochement des talons ne peut avoir lieu sans
que la fourchette ait subi l'atrophie et la déformation
dont nous avons donné les caractères. Disons cependant
que, sur certains pieds, et en particulier les pieds naturellement
larges, évasés, à sole plate, le rétrécissement
portant surtout sur le sommet des talons, les glomes de
la fourchette sont atrophiés, mais le corps pyramidal
reste volumineux et saillant. Dans ce cas, les lacunes
latérales sont très profondes et étroites, mais la lacune

ENCASTELURE. 65
médiane reste ouverte au moins à son extrémité antérieure
(fig. 23).
ENCASTELURE DES QUARTIERS. — Le sabot présente en
avant et en arrière ses dimensions normales. Mais de
chaque côté, au niveau du quartier, la paroi est creusée
dans le sens de sa hauteur d'une sorte d'excavation longitudinale
plus ou moins large, plus ou moins profonde.
Le bourrelet lui-même a subi une déviation parallèle;
c'est vers le bord supérieur du sabot que cette déformation
se remarque ou qu'elle est le plus accentuée; cependant,
dans quelques cas, les bords inférieurs des quartiers
rétrécis décrivent sur la face plantaire deux légères
courbes rentrantes (fig. 24). La sole et la fourchette conservent
leur disposition naturelle.
ENCASTELURE UNILATÉRALE. — Le rétrécissement n'affecte
souvent que l'un des côtés du sabot, l'interne, dans la
majorité des cas (fig. 25). L'encastelure unilatérale offre
toutes les variétés que nous venons de décrire. La rétraction
peut en effet porter exclusivement sur un talon ou sur
un quartier, ou sur ces deux régions à la fois, soit sur
toute leur hauteur, soit seulement au bord supérieur

66
ATROPHIE DU PIED.
ou au bord inférieur ou aussi à la partie moyenne
B. Boiterie. — La boiterie est une manifestation très
^^^^^^^^^^^^^^^- fréquente, mais non absolu-
I ment constante, de l'encas-
t
La déformation peut être
JÉjb I déjà bien apparente et l'élér
J§ H I ment douleur manquer. A
JOllp 1 Wf%L I cet ^ tat ^ e l'affection, Turner
appliquait le terme d'encaste- ,
lure latente.
Mais la perversion de l'appui
qui est la conséquence de
l'atrophie du coussinet et sa
limitation au bord pariétal
l entraînent bientôt des lésions
I du podophylle et d'autres plus
I profondes et plus graves (Voy.
I complications) ; la boiterie ap-
Fig. 25. — Encasrelurc unila- paraît.
Nous avons dit que laboiterie
est alors cause,
lure.
était souvent primitive; elle
plutôt que symptôme, d'encaste-
La claudication affecte des caractères différents suivant
le siège et le degré de l'encastelure.
ENCASTELURE ANTÉRIEURE. — C'est dans les pieds antérieurs
qu'il est le plus fréquent de constater les manifestations
douloureuses de l'encastelure. Elles se traduisent
dans l'attitude et dans les allures du sujet.
Si l'affection n'existe que d'un côté, le pied atteint
est constamment porté en avant de la ligne d'aplomb;
l'animal pointe (de l'anglais to point, montrer du
doigt) ; la boiterie est plus ou moins intense, mais toujours
bien manifeste. Elle n'offre pas de caractères particuliers,
d'autant que, l'encastelure unipodale étant

ENCASTELURE. 67
presque toujours secondaire, la douleur peut avoir des
causes multiples.
Si l'encastelure affecte les deux pieds, l'animal manifeste
ses souffrances par des mouvements incessants,
il pointe alternativement d'un membre et de l'autre, et,
dans certains cas, l'appui est tellement douloureux que
le sujet se complaît dans la position décubitale et ne se
relève qu'après de vives excitations.
La boiterie est parfois peu apparente et s'accuse seulement
par une moindre amplitude de l'enjambée ; le
pied est porté moins haut et moins loin, les mouvements
de toutes les articulations sont réduits, l'animal butte
sur le moindre obstacle ; on dit d'un tel sujet qu'il a les
épaules froides. Cet état ne se montre qu'au début de
l'exercice ; les mouvements semblent assouplir les
membres et les allures deviennent presque naturelles.
Si l'affection est plus grave et les souffrances plus
vives, les phénomènes précédents s'accentuent ; la marche
devient caractéristique. L'hésitation de l'appui, le
raccourcissement dupas, la raideur du membre et la gêne
apparente des mouvements sont bien dépeints par la
pittoresque expression des anciens : épaules chevillées.
Ces manifestations sont exagérées si l'animal se meut
surun sol dur (pavé, macadam, etc.). Encore alors, il est
possible qu'au cours de l'exercice ces symptômes disparaissent
ou s'atténuent. Ils sont plus prononcés le lendemain
d'une journée de fatigue qu'après une longue
période de repos.
Quand la maladie a atteint son plus haut degré, la
douleur est extrême, la difficulté qu'éprouve le sujet à
se mouvoir s'aggrave à mesure que l'exercice se prolonge,
au point que tout travail devient impossible, la
station debout, seule, imposant au malade des souffrances
excessives; l'état général de celui-ci ne tarde pas à
être gravement compromis.
ENCASTELURE POSTÉRIEURE. — H est généralement écrit

68 ATROPHIE DU PIED.
que l'encastelure est exceptionnelle aux pieds postérieurs.
Nous pensons que les auteurs auxquels nous
faisons allusion ont eu surtout en vue les manifestations
physiologiques de la maladie; car il est certain que les
déformations caractéristiques de celle-ci existent au
moins aussi souvent sur les pieds postérieurs que sur
les pieds antérieurs.
L'encastelure postérieure est donc fréquente, mais la
boiterie due à cette cause est très rare.
Cette bénignité de la maladie dans les pieds de derrière
peut être attribuée à leur rôle, différent de celui
des pieds de devant.
Ceux-ci ont à supporter une charge plus grande, ils
sont préposés à l'amortissement de pressions considérables
qui sont reçues en majeure partie par le coussinet
plantaire.
Ceux-là servent à l'impulsion, ils doivent fournir aux
leviers locomoteurs un point d'appui solide, c'est sur
leur partie antérieure surtout qu'aboutissent les pressions
développées par les puissances impulsives.
Les fonctions du coussinet plantaire sont donc, chez
ces derniers, beaucoup moins importantes et l'atrophie
de cet organe doit avoir des conséquences beaucoup
moins graves. La muraille qui, normalement, supporte
une grande part de l'appui est mieux adaptée à l'assumer
tout entier.
Il est possible cependant d'observer de la claudication
des membres postérieurs due à l'encastelure, mais,
presque toujours, les pieds antérieurs sont atteints en
même temps. L'attitude et la marche du sujet rappellent
alors la fourbure chronique quadruple (L. Lafosse) (1).
Complications. — La plus grave et l'une des plus fréquentes
est la maladie naviculaire. L'appareil sésamoïdien,
insuffisamment protégé par le coussinet plantaire
(I) L. Lafosse, Loc. cit., p. 805.

ENCASTELUllE. ti'J
atrophié, résiste moins bien aux pressions qu'il doit
supporter. Il est pressé et peut se contusionner sur le
bord supérieur des barres rapprochées et redressées.
La maladie naviculaire, que tout autre cause peut
créer, joue, avons-nous dit aussi, un rôle important dans
l'étiologie de l'encastelure. Ces deux affections coexistent
donc très souvent, quelle que soit celle qui ait précédé
l'autre.
L'encastelure prédispose aux seimcs. La paroi doit
supporter en effet une plus grande part des pressions,
or,elle est précisément amincie, altérée, moins résistante.
Des bleimes sont souvent la conséquence des tractions
ou compressions dont le podophylle est le siège.
Le surmenage que subit cette membrane dont le rôle
dans l'appui est devenu excessif explique l'apparition assez
fréquente de la fourbure dans les pieds encastelés.
Les formes cartilagineuses que l'on observe avec l'eni-astelure
ont ordinairement précédé cette dernière au développement
de laquelle elles ne sont pas étrangères,
mais elles peuvent aussi être la conséquence de l'immobilisation
des cartilages complémentaires dans le sabot
rétréci (X. Lesbre) (1;.
Au même titre que les autres affections douloureuses
du pied, l'encastelure est responsable de nombre de cas
d'effort de boulet, de nerf-férure, de bouleture.
L'&maciation du membre est aussi une complication de
l'encastelure, commune à beaucoup d'autres maladies.
Anatomie pathologique. — Les lésions de l'encastelure
sont de denx ordres ; lésions d'atrophie sur tous les
organes constituants du pied et lésions inflammatoires sur
quelques-uns d'entre eux; ces dernières, d'ordre traumatique,
résultant de la mauvaise répartition des pressions
de l'appui et des compressions qui se produisent sur
certains points.
(I) X. Lesbre, Sur la pathogénie des formes cartilagineuses (Bull, de la
Soc. centr. de mM. vH., 1896, p. 28*).

70 ATROPHIE DU PIED.
Nous avons déjà indiqué les altérations de la corne
(Voy. p. 61).
Le bourrelet est moins épais, son profil est plus aplati,
ses papilles sont plus courtes ; il présente souvent des
lésions inflammatoires légères, car il subit une certaine
compression de la muraille rétrécie et surchargée.
Ce sont ces modifications de forme et de texture du
bourrelet qui commandent celles constatées sur la
paroi, dans son épaisseur et sa qualité.
Le tissu feuilleté est aussi plus mince, plus pâle, moins
vasculaire, ses feuillets sont moins larges. A ces lésions
atrophiques se joignent presque toujours, surtout en
regard des quartiers, des altérations traumatiques.
L'atrophie du coussinet plantaire se produisant plus vite
que celle de l'os et la paroi se rétrécissant en arrière,
le podophylle est comprimé contre les extrémités de la
phalange. Mais ce sont surtout des lésions de distension
que l'on observe, c'est-à-dire des déchirures du
sommet des lames podophylleuses, des petits raptus
hémorragiques à la surface et dans l'épaisseur de la
membrane tégumentaire et, sous le microscope, des
lacunes remplies de globules sanguins crénelés, enfin,
en quelques points très limités, une légère prolifération
des éléments cellulaires. Ces lésions très discrètes le plus
souvent, peuvent d'autre fois représenter une véritable
bleime et rappeler même les altérations d'une fourbure
locale ; elles sont la conséquence de l'exagération de
l'appui sur la paroi et du surmenage de la membrane
podophyllienne.
Le tissu velouté présente des altérations de même ordre ;
dans le fond des lacunes, il est souvent le siège d'une
inflammation exsudative ou suppurative (échauffement
de la fourchette).
Le coussinet plantaire présente au maximum les lésions
d'atrophie. Sa texture stratifiée et aréolaire est beaucoup
moins apparente, sa souplesse est diminuée. Il est plus

ENCASTELURE. 71
dense, plus homogène, plus blanc, d'aspect lardacé sur
sa coupe. Le tissu élastique a diminué au profit du
tissu fibreux.
La troisième phalange elle même n'échappe pas au processus
atrophique. Elle présente des déformations en
rapport avec le degré et le siège de l'encastelure. Elle
est généralement aplatie d'un côté à l'autre, ses faces
latérales se rapprochent de la verticale, elle perd sa
forme circulaire et affecte celle d'un ovale allongé ; les
apophyses rétrossales sont refoulées de dehors en dedans;
sa face inférieure est excavée (fig. 26). Ces changements
existent à un degré différent sur l'un ou l'autre côté,
s'il s'agit d'encastelure unilatérale. L'os peut être seulement
creusé sur le côté d'un sillon plus ou moins large,
plus ou moins profond (encastelure du quartier).
Dans tous les cas, la troisième phalange présente, sur
sa face externe et surtout en regard des points sur
lesquels porte la déformation, les lésions évidentes
d'une ostéite raréfiante.
Celle-ci est pour nous, dans la majorité des cas tout au
moins, la conséquence de l'encastelure;elle estle résultat
des distensions subies par la membrane tégumentaire,
si intimement unie à l'os et de la compression par
la paroi à laquelle l'atrophie du coussinet plantaire
imprime un mouvement de retrait rapide.
Les déformations subies par la phalange dépendent de
son atrophie propre, de son adaptation à la capacité
réduite du sabot et de la perte de substance par la
raréfaction inflammatoire.
On peut trouver enfin d'autres altérations contingentes
sur les autres organes du pied : ossification
des fibro-cartilages, téno-synovite sésamoïdicnne, etc.,
et, plus généralement, toutes celles des complications
signalées.
Diagnostic. — Le rétrécissement du sabot, caractéristique
de l'encastelure, quels qu'en soient le degré ou la

72
ATROPHIE DU PIED.
Fig. 20. — Troisième phalange d'un pied antérieur encaslelé.
forme, est facile à reconnaître ; il suffit d'avoir le sens de

ENCASTELURE. 73
ce que doit être un beau et bon pied. Le pied petit,
c'est-à-dire celui dont les dimensions ne sont pas en
rapport avec le volume du corps, se distingue du pied
rétréci par sa conformation normale.
L'examen comparatif des deux pieds d'un même
bipède, dont l'un est sain et l'autre malade ou qui sont
inégalement atteints, fait plus nettement apparaître
l'existence de l'affection. Des mensurations comparatives •
et successives renseignent avec la plus grande exactitude
sur le degré et sur les progrès de la déformation.
Le diagnostic comporte le plus souvent d'autres
solutions. Quelles relations existent entre l'encastelure
sur un pied et la boiterie sur le même membre? Il a été
dit en effet que le rétrécissement du sabot ne faisait pas
toujours boiter, et qu'une boiterie persistante quelle
qu'en fut la cause s'accompagnait bientôt d'encastelure.
La douleur, qui a pour cause la déformation du sabot,
est décelée par les moyens ordinaires d'exploration de cet
organe : percussion, striction, etc. ; elle a son siège
sur les côtés du pied et vers les parties postérieures du
quartier surtout ; en regard de ces points et au niveau de
la ligne de réunion de la paroi et de la sole, on remarque
que la corne reflète une teinte jaune citrin, mélangée de
stries sanguines ; parfois de véritables taches sanguines
plus ou moins foncées s'étendent à la face interne de la
paroi et de la sole.
La boiterie est proportionnelle à la gravité de ces
lésions, à l'intensité de la réaction douloureuse artificiellement
provoquée et au degré de la déformation. Une
boiterie plus intense que ne le comportent ces éléments
d'appréciation doit faire soupçonner une autre lésion
qu'il est le plus souvent facile de découvrir.
La coexistence de l'encastelure et de la maladie naviculaire
est plus difficile à prouver. La gravité de la boiterie
doit y faire songer; mais l'évidence ne sera le plus
souvent donnée que par les résultats d'un traitement
Chirurgie du pied. 5

74 ATROPHIE DU PIED.
heureux du rétrécissement et sans effet sur la claudication.
Pronostic. — I. ENCASTELURE PRIMITIVE. — Elle est toujours
grave, car elle n'a aucune tendance à la guérison
spontanée, même si la cause cesse. Elle trouve alors en
elle-même, dans la douleur qu'elle provoque, un sujet
d'aggravation progressive.
Le pronostic varie avec le degré et l'ancienneté de la
déformation. Si l'encastelure est très prononcée ou fort
ancienne, les lésions atrophiques, étendues et profondes,
intéressent tous les tissus du pied. Les résultats
du traitement sont alors problématiques ou en tout cas
fort éloignés, et d'autant plus que l'animal est plus âgé.
La gravité est encore augmentée par les complications
dont nous avons dit la fréquence et dont quelques-unes
sont ordinairement incurables (tendinite, maladie naviculaire,
etc.).
Sauf ces cas véritablement désespérés, l'encastelure
primitive peut être efficacement combattue par l'emploi
soutenu des moyens rationnels dont on dispose, et nous
jugeons par trop pessimiste l'opinion des nombreux
auteurs qui ont proclamé l'incurabilité habituelle de
cette maladie.
IL ENCASTELURE SECONDAIRE. — Les éléments pronostiques
de cette forme, sont aussi fournis par le degré et
l'ancienneté de l'affection elle-même, mais surtout par
la gravité de la lésion primitive causale. Cette dernière
étant guérie, on peut assister à la disparition spontanée
de l'encastelure récente, ou tout au moins le traitement
en sera entrepris avec succès. On comprend toutefois que
l'encastelure secondaire soit incurable, progressive
même, si la maladie qu'elle complique est définitive.
Traitement. — I. Traitement préventif. — Les divers
modes d'utilisation de nos animaux solipèdes ne permettent
pas toujours d'écarter les causes prédisposantes

ENCASTELURE. 75
de l'encastelure ; on devra cependant s'efforcer d'en restreindre
l'action. Le séjour à l'écurie devra donc être
interrompu par des promenades hygiéniques. La mise en
liberté au pâturage est le moyen dont l'influence préservatrice
est le plus efficace ; s'il ne peut être employé, on peut
toujours offrir à l'animal un sol pénétrable artificiel en
le faisant séjourner dans une stalle dont le sol est recou^
vert d'une couche de cailloutisde dixàdouze centimètres
d'épaisseur (Delpérier). La participation de la fourchette
à l'appui assure l'intégrité des formes du sabot ; toute
ferrure réalisant cette condition peut donc être considérée
comme préventive de l'encastelure. Le succès bien mérité
de la ferrure à croissant (Lafosse), de la ferrure à
éponges minces (Coleman, Poret), de la ferrure périplantaire
(Charlier) n'a pas d'autres causes (1).
Les ferrures ordinaires, française et anglaise, qui ont
sur les ferrures précédentes d'autres avantages, peuvent
aussi répondre à ce même desideratum. Il est facile, en
effet, sur un pied bien conformé, de parer le sabot de
telle sorte que les faces inférieures de la fourchette et
des branches du fer soient sur le même plan. Cette condition
est maintenue par un renouvellement assez fréquent
de la ferrure.
Nous avons dit l'inefficacité des moyens visant exclusivement
la dessiccation delà corne et l'inutilité des nombreux
appareils que des inventeurs ingénieux ont essayé
de substituer à la ferrure traditionnelle pour conserver
au sabot des mouvements hypothétiques.
Des mesures hygiéniques faciles à prendre, une ferrure
physiologique sont, en résumé, les moyens nécessaires
et suffisants pour prévenir l'encastelure primitive.
Quant à l'encastelure secondaire, elle serait prévenue
par la gnérison rapide des maladies dont elle peut être
(1) Pour la description complète de ces ferrures et de toutes celles que nous
aurons encore à signaler, nous renvoyons le lecteur aux traités de Maréchalerie,
et, en particulier : Maréchalerie, par Thary, in Encyclopédie Cadéac.

76 ATROPHIE DU PIED.
la conséquence ; mais cela est rarement possible et l'encastelure
est le plus souvent fatale.
II. Traitement curatif. — Nous distinguerons deux
groupes parmi les moyens proposés pour combattre l'encastelure.
1° Ceux capables de ramener directement le sabot à
ses dimensions primitives ; ils constituent la désencastelure
mécanique.
2° Ceux qui ont pour but de rétablir le fonctionnement
normal du pied et de remédier à l'atrophie des parties
vives de cet organe ; ils provoquent la désencastelure physiologique.
Ces derniers peuvent paraître seuls utiles et rationnels
si l'on considère qu'ils s'adressent à la lésion primitive,
caractérislique anatomique de l'encastelure, et que la
déformation du sabot, caractéristique morphologique, est
la conséquence de la première. Mais ces deux modes
de traitement, désencastelure mécanique et désencastelure
physiologique, ont leurs indications particulières
que nous étudierons après avoir signalé les moyens dont
ils disposent.
A. Désencastelure mécanique. — Elle a pour but la
dilatation du sabot. Son action s'exerce directement sur
cet organe pour l'élargir ou en empêcher le resserrement
L'idée en est fort ancienne ; elle a été la conséquence
naturelle de cette conception qui fait procéder l'encastelure
d'une constriction primitive de la corne.
1° PROCÉDÉS. — Les procédés de désencastelure mécanique
sont très nombreux ; nous ne pouvons les énumérer
tous et encore moins les décrire.
Nous signalons les principaux :
a. FERRURES EXPANSIVES SIMPLES. — Le fer lui-même, par
sa forme ou sa disposition, maintient ou élargit le sabot.
Depuis Ruini (1 ), on a employé des fers portant à cha-
(1) Del cavallo infermita, 1599.

ENCASTELURE. 77
cune des éponges, sur la rive interne, un prolongement
ou pinçon s'appiiquant contre les barres et maintenant
l'écartement de celles-ci : fers à pinçons internes, à
oreilles ou fer geneté (t).
Le fer de De La Broue, dit à pantoufle, présente au niveau
des éponges un plan incliné de dedans en dehors
résultant de ce que, à partir de la dernière étampure, la
rive interne est trois fois plus épaisse que la rive externe ;
les talons doivent à chaque appui glisser sur ce plan et
s'écarter.
Dans le fer de De Belleville ou à demi-pantoufle, le glacis
des branches du fer résulte d'un certain degré de
torsion de dedans en dehors de telle façon que la rive
interne soit sur un niveau plus élevé que l'externe.
Le principe de ces
fers de l'époque hippiatrique
a été conservé
dans les modèles
plus récents.
Le fer à ajusture
contraire de Mayer
dont la rive interne
est plus épaisse que
la rive externe, est
un fer à pantoufle dans toute son étendue (fig. 27).
Le fer à demi-pantoufle modifié ou à éponges obliques
de Loutreuil a les éponges amincies à leur rive interne
et courbées sur toute la largeur du fer, de manière
à former un plan incliné de 50° environ.
Nous employons journellement un fer dans lequel le
plan incliné est formé par l'angle interne de l'éponge
aminci, étiré et courbé sur la demi-largeur du fer seule-
(I) Ce dernier terme a été improprement appliqué à ce mode de fers ; il
doit être réservé aux fers dont les éponges sont relevées et appliquées contre
les talons et dont l'nsage était constant sur certains petits chevaux d'armes
espagnols, dits genêts.

78 ATROPHIE DU PIED.
ment. Ce plan se continue sur la branche elle-même, un
peu incurvée de dedans en dehors à partir de la dernière
étampure. Grâce à une ajusture très légèrement en bateau,
le sabot n'est en contact avec le fer que par la
pince et les mamelles et par les talons sur le sommet du
plan incliné, de sorte
qu'à chaque appui la
descente des talons
est forcée,leur expansion
certaine et relativement
étendue
(fig. 28).
Les fers Thévenot,
Durchon, Chéré (1)
présentent aussi des
plans inclinés répondantau
même but; ces
plans inclinés sont
constitués par des
saillies de la traverse
ou de la planche du
fer. Dans le fer Lepinte (2) le plan incliné est mobile,
fixé dans un trou de la branche du fer à la façon des
crampons à glace.
Les ferrures expansives simples agissent d'une manière
continue et progressive ; leurs effets sont d'autant
plus rapides qu'elles sont plus souvent renouvelées.
6. APPAREILS DILATATEURS FIXES. — Ils sont adaptés au
fer ou sont, comme ce dernier, maintenus à demeure;
leurs effets sont intermittents ou continus suivant les cas.
De Laguérinière, en 1733, conseillait l'emploi d'un fer
articulé composé de trois pièces dont les branches, et,
avec elles les quartiers du sabot, étaient écartés par
un étai dont on augmentait graduellement la longueur.
(1 et 2) Atlas de Dangel.

ENCASTELURE. 79
Le professeur Defays (1) a renouvelé'l'usage de cet étai
qu'il introduit entre les deux talons au-dessus d'un fer
ordinaire.
Le fer de Gaspard de Saunier (1734) diffère de celui de
De Laguérinière par la disposition en crémaillère . de la
rive interne des branches ; la
dilatation est obtenue par le
déplacement en arrière, de
cran en cran, de la traverse
ou étrésillon (fig. 20)
Poncet (2) appliquait un fer
à pinçon interne et engageait
entre le pinçon et le talon
des coins métalliques de plus
en plus épais.
Ce même vétérinaire (3),
dans le but de permettre
l'application d'un pansement,
a imaginé de produire la dilatation par une traverse à
oreilles obliques d'avant en arrière et de dedans en
dehors, que l'on pousse graduellement en avant. La
ferrure dilatatrice à planche insinuée et rapportée
(Delpérier) est analogue à cette dernière (4).
Dans les fers Godwin, Derlinchan,Pissens, l'écartement
des branches du fer est obtenu par des appareils à vis.
Le premier est un fer articulé à trois pièces et porte un
prolongement médian fixé à la voûte; sur les extrémités
postérieures de celui-ci s'appuient les deux vis dilatatrices
(fig. 30). Derlinchan (5), Pissens (6) ont introduit
(1) Defays, Dilatation du sabot sans l'intermédiaire d'un fer particulier
(Ann. de méd. vét., 18*1. p. 223).
(2) Poncet,Bec. de méd. vét., 1861, p. 68.
(3) Poncet, Journ. de méd. vét. milit., t. II. 1803-64, p. 285.
14) Atlas de Dangel.
(5) Haan, Au sujet d'un nouveau fer désencasteleur (Journ. de méd. vét.
et zootechnie, 1891, p. 632. Bull, de la Soc. eentr. de méd. vêt., 1892, p. 112).
— Brisavoine, Bec. de méd. vêt., 1892, p. 294.
(

ATROPHIE DU PIED.
80
entre les éponges d'un fer à pinçons internes une traverse
filetée sur-laquelle se meut l'écrou dilatateur.
Le fer à étais mobiles de Fourès (1) (fig. 31) et le fer à
pinçons mobiles de Laquerrière
(2) sont construits
sur les mêmes
données : fer immuable,
écartement des talons par des étais ou pinçons mus par
des vis.
Rolland (3), Barbier (4), Mercier (8), Beaufils (6), Sarrazin(7),Moore(8),Steinhoff(9),
Russel (10), Jobelot (il),
Joly (12) ,Roberge (13), Dangel (14), ont décrit des fers à
(1) Fourès, Bull, de la Soc. centr. de méd. vêt., 1800, p. 76.
(2) Laquerrière, Journ. de méd. vét. milit., t. VIII, 1869-70, p. 614.
(3) Rolland, 1824.
(4) Hatin, Bec. de méd. vêt., 1801, p. 806 et 1863, p. 280. — Dominik,
Magasin f. d. ges. Thierheilkunde, 1802, p. 364.
(5) Bonnard, 1802.
(6) Beaufils, Bec. de méd. vêt., 1867, p. 633.
(7) Sarrazin, Bull, de la Soc. centr. de méd. vit., 1888, p. 283.
(8) Thary, Maréchalerie, p. 313.
(9) Zundel, Dictionnaire, p. 720.
(10, 11 et 12) Jacoulet et Chomel, Traité d'hippologie, 2« édit., t. Il,
p. 270 et 271.
(13 et 14) Atlas de Dangel.

ENCASTELURE. 81
ressort. Le ressort agit sur les branches du fer (fer arti­
culé de Rolland) fig. 32)> sur les pinçons mobiles (fer
Dangel) ou sur les talons eux-mêmes.
Il est en forme de V ouvert en arrière dans les fers
Barbier et Jobelot (fig. 33) ; il est fixé sur un fer à
planche dans le fer Sarrazin ;
il snit le contour du fer et est
logé dans un évidement de la
face supérieure de ce dernier
dans les fers Mercier et
Joly (fig. 34) ; c'est le fer élastique
lui-même qui constitue
le ressort dont on a rapproché
les branches avant de
le fixer sur le sabot dans
les fers Beaufils et Russel
(fig. 35) (1).
Aux appareils dilatateurs I
fixes quels qu'ils soient, étais, vis ou ressorts, on a fait
de graves reproches. Ils sont difficiles à fabriquer et à
(I) Signalons pour mémoire, le moyen proposé par Sigg, et qui consiste en
une courroie en caoutchouc entourant la face externe de la paroi et portant
à chaque extrémité un crochet fixésur le talon correspondant (Atlas de Dangel).
5.

82 ATROPHIE DU PIED.
appliquer ; ils se détériorent, s'usent par la marche et
sont par conséquent peu compatibles avec l'utilisation
du sujet,
c. APPAREILS DILATATEURS INDÉPENDANTS. — La dilata­
tion du sabot obtenue à l'aide de ces instruments est
maintenue ou continuée par un simple fer à oreilles.-
Defays père (1829) (1), le promoteur de la méthode, se servait
d'une sorte d'étau (étau contraire) dont les mors s'écartent
l'un de l'autre par le jeu d'une vis actionnée par un levier
mobile(fi"g. 36).
Cet instrument a été diversement modifié par Brogniez (2),
Jovard (3), Méricant (4), Hugo et Polansky (5). Quelle que soit
sa forme, il s'applique sur le fer fixé au sabot. Les mors
introduits entre les éponges imposent à celles-ci un écartement
qui ne doit pas dépasser 5 millimètres. Cette opération
est renouvelée tous les quatre ou cinq jours jusqu'à effet suffisant.
(1) F. Defays, Loc. cit., 1859.
(2) Brogniez, Pantoufle expansive de Defays. Modification de l'étau dilatateur
(Bép. de méd. vét., 1849, p. 628).
(3) Zundel, Dictionnaire, p. 728.
(4) Peuch et Toussaint, Chirurgie, 2« édit., t. II, p. 750. — Thary, Maréchalerie,
p. 314.
(5) Atlas de Dangel.

ENCASTELURE. 83
Le fer (pantoufle expansive) est épais, étroit, sans ajusture,
il est rétréci en pince ou sur le milieu des branches en regard
des points qui doivent plier sous l'effort du dilatateur; le
rétrécissement de la pince est quelquefois remplacé par une
entaille sur la rive interne (modification Trasbot) (1).
Ce fer doit être ductile et de première qualité pour supporter
à froid et sans se rompre
un élargissement forcé de
plusieurs millimètres.
Le procédé Jarrier
(1854) (2) diffère du précédent,
surtout en ce que la
dilatation est effectuée sur
— ttau dilatateur de Defays.
Fig. 37. — Désencasteleur
Jarrier.
le pied nu et maintenue par l'application subséquente du fer
à oreilles.
Le désencasteleur Jarrier, primitivement sous forme de
compas dont les branches s'écartaient par l'effet d'une tige
filetée les traversant à 5 centimètre» de leur articulation (fig. 37),
a subi des modifications nombreuses (modèles de l'École de
(1) Trasbot, Bull, de la Soc, centr.deméd. vit., 1874, p. 31.
(2) Ufosse, Journ. des véter. du Midi, 1859, p. 201. - H. Bouley, Diclionnaire,
art. EHCASTILURC, p. 643.

84
ATROPHIE DU PIED.
Saumur, de Lafosse (fig. 38), de Cbarrière, de Salles) (1).
Watrin (2), comme Defays, fait porter la dilatation sur le fer
fixé au sabot. Le fer Watrin est à pinçons obliques, de sorte
que l'expansion se continue par le glissement des talons sur
ces derniers.
L'action dilatatrice propre au fer est renouvelée par chaque
écartement imposé aux branches de celui-ci. Le désencaste-:
leur Watrin, en forme de coin poussé d'arrière en avant par
une vis puissante (fig. 39), a été modifié par Duplessis et Tardivon
(3).
Le procédé Watrin n'a guère été employé. Quant aux
procédés Defays et Jarrier, ils n'ont pas eu la destinée
que semblaient faire présager les brillants plaidoyers de
leurs avocats respectifs, H. Bouley (4) et L. Lafosse (S) ;
ils sont à peu près abandonnés à l'heure actuelle.
A tous on peut reprocher de réelles difficultés d'appli-
(1) Salles, Notice sur l'encastelure et sur son traitement par le désencasteleur
(Bull, de la Soc. centr. de méd. vét., 1860, p. 59).
(2) Watrin, De l'encastelure et de son traitement par la ferrure (Journ.
de méd. vét. mil., t. II, 1863-04, p. 277, 519).
(3) Thary, Maréchalerie, p. 315.
(4) H. Bouley, Dictionnaire, t. V, p. 656 (Bull, de la Soc. centr. de mcd.
vêt., 1860, p. 819).
(5) L. Lafosse, Traité de pathologie vêt., t. III, p. 815.

ENCASTELURE. 85
cation et une action trop brutale, quelque ménagements
et quelque lenteur qu'on apporte à l'opération.
d. OPÉRATIONS CHIRURGICALES. — Supprimer ou affaiblir
la corne qui enserre et comprime le pied encastelé
et abolir ainsi la cause essentielle de la maladie, tel est,
selon les idées des auteurs qui les ont préconisées, le but
de ces opérations.
Ruffus (1250) avait déjà parlé de la dessolure. Ruini
1599) appliquait son fer geneté sur un pied dessolé dont
il écartait les quartiers avec les tricoises. Solleysel complétait
l'opération en fendant le coussinet plantaire et
bourrant la plaie de plumasseaux.
Plus près de nous, Brogniez (1) et Delwart (2) ont conseillé
l'avulsion du quartier resserré.
A ces procédés sanglants et vraiment excessifs, on a
généralement préféré soit l'amincissement à pellicule
de toute la moitié postérieure des quartiers, des arcsboutants
et des barres (Barthélémy aine) (3), soit des
rainures creusées dans l'épaisseur des quartiers et diversement
disposées, parallèles aux fibres cornées, verticales,
horizontales, etc.
Le procédé des rainures a été renouvelé de l'ancienne
hippiatrique (4) par Weber (5) et préconisé depuis par
Bugniet (6j, Liard (7), Felizet (8), Gollin (9), (fig. 90)
(1) Brogniez, Traité de chir., 1839, I. III, p. 88.
(2) Delwart, Journ. vét. et agr. de Belgique, 1844, p. 92,
(3) Cité par H. Bouley, Dictionnaire, art. EICCASTELUM, p. 659.
(4) Solleysel, Par/ait Maréchal, 1706, p. 135. — De Laguériniére, École
de cavalerie, 1754, t. Il, p. 113.
(5) Weber, Des altérations survenues dans la forme, l'aspect et le volume
du sabot, considérées comme causes de boiterie chez te cheval et combattues
par l'emploi des rainures (Bec. de méd. vêt., 1860, p. 5).
(6) Bugniet, Deux cas d'encastelure guéris par le procédé des rainures
(Bec. de méd. vit., 1862, p. 168 ; Journ. de méd. vét. milit., t. III, 1864-65,
p. 533).
(7) Liard, De la guériton de l'encastelure par le procédé des rainures,
(Bec. de méd. vit.. 1863, p. 119).
(8) Felizet, Unmot louchant V encastelure (Bec. de méd. vét., 1866 p. 735).
(9) Collin, Traitement de l'encastelure et des bleimes (Bec. de méd. vét.,
1878, p. 961).

86 ATROPHIE DU PIED.
Pulhoste (1), Cagny (2), .etc. Ce dernier les pratique à
l'aide d'une scie spéciale (fig. 88).
Considérant que les barres ont pour rôle d'empêcher
l'expansion du sabot, le professeur Lorge (3) et, après
lui, Waldteufel (4) ont conseillé d'amincir à fond ces
organes.
Enfin, Delpérier (5) croit utile l'avulsion du périople
des talons préalablement gonflé par udation prolongée.
2° MODE D'ACTION. — La dilatation mécanique,du sabot,
dans l'esprit de la plupart des auteurs, doit empêcher
la compression active exercée par cet organe sur les
tissus sous-jacents, remédier ainsi rapidement à la douleur
provoquée par cette compression et aboutir enfin à
la restauration morphologique du pied.
Mais la dilatation ainsi obtenue manquerait son but,
car elle laisserait subsister la cause primordiale de
l'atrophie — l'inaction du coussinet plantaire — et la
cause principale des lésions douloureuses — la limitation
de l'appui au bord pariétal.
Elle serait impuissante ou serait suivie d'une récidive
immédiate, si on l'employait exclusivement et si
on ne la faisait accompagner ou suivre des moyens
capables de rétablir et d'assurer le fonctionnement normal
de toutes les parties du pied; ces moyens constituent
la désencastelure physiologique.
Le rôle de la désencastelure mécanique est donc de
préparer et rendre possible la désencastelure physiologique
; il est néanmoins important.
En premier lieu, les lacunes médiane et latérales s'ou-
(1) Pulhoste, Besserrement des talons (Bec. d'hyg. et de méd. vét. milit,,
1882, p. 313).
(2) P. Cagny, Usage de la scie pour les rainures du sabot (Bull, de la
Soc. centr. de méd. vit., 1893, p. 342).
(3) Lorge, Loc. cit.
(4) Waldteufel, De l'évidement des lacunes latérales de la fourchette dans
le traitement du resserrement des talons des pieds antérieurs des chevaux
(Bull, de la Soc. centr. de méd. vit., 1896, p. 472).
(5) Delpérier, Loc. cit., p. 468.

ENCASTELURE. 87
vrent ; le suintement dont elles sont habituellement le
siège cesse et le tissu velouté ne tarde pas à se recouvrir
d'une couche de corne épaisse et de bonne nature.
Le sabot, préalablement élargi, offre une surface d'appui
plus grande. Les pressions reçues par la fourchette
se distribuent sur tous les points du coussinet plantaire
étalé, et imposent à celui-ci un travail physiologique
utile.
B. Désencastelure physiologique. — L'encastelure n'a
pas, en dernière analyse, d'autres causes que la perversion
des fonctions des diverses parties du pied, du coussinet
plantaire en particulier. Rétablir le fonctionnement
régulier de ces organes est le seul moyen logique de
les ramener à leur forme primitive et de combattre
l'atrophie dont ils sont frappés ; c'est le but de la désencastelure
physiologique.
1° PROCÉDÉS. — Cette méthode a des moyens nombreux ;
les plus rationnels et les plus efficaces sont précisément
ceux dont nous avons affirmé l'influence préventive.
Un sol meuble pénètrable rend
possible l'appui plantaire total,
même pour les pieds déjà déformés.
La mise au pâturage,
le travail aux champs, la litière
de tourbe, de sciure de
bois, de sable ou de cailloutis
sont les moyens les plus parfaits
de désencastelure physiologique.
La ferrure à croissant (fig. 40)
ou la ferrure à éponges minces,
parce qu'elles sont capables de
ramener la fourchette à l'appui,
peuvent guérir l'encastelure.
Nombre d'observateurs ont affirmé leur efficacité.
Les ferrures à planche comptent l'encastelure

ATROPHIE DU PIED.
88
comme la principale de leurs nombreuses applications.
Les modèles très variés que l'on possède (fer à
planche ordinaire ou de Chabert, fer à traverse droite,
fer à planche avec prolongement sur la fourchette,
fer à planche Charlier, fer à
planche Pader, fer à planche
rapportée d'Alasonière ^fig. 41 ),
fer à traverse en branches
de Talfumière, etc., etc.) réunissent
des avantages divers,
mais leur but est toujours le
même, otfrir à la fourchette une surface d'appui convenablement
disposée.
Mais, dans la plupart des pieds encastelés à fourchette
atrophiée et remontée, il n'est pas possible de réaliser
cette condition. Certaines autres variétés de fer à planche
y réussissent mieux. Ce sont ceux dont la planche
réduite dans ses dimensions latérales ne repose plus sur
les talons, mais s'insinue en quelque sorte entre eux pour
venir au contact de la fourchette [fer à éponges réunies
de Jauze (1817), fer à éponges réunies et surélevées de

ENCASTELURE. 89
Talfumière (1), fera éponges convergentes de Savary (2),
fer à éponges réunies de Thary (3) (fig. 42), fer arabe
modifié par Rochard et Gervais (4), etc.]. A côté de ces
fers, il convient de citer, comme procédant de la même
idée, le fer de Lafosse (fer à croissant avec prolongement
de la voûte sur la fourchette).
Quelle que soit la forme et la disposition de ces fers à
planche, on leur a reproché, à juste titre, la compression
permanente qu'ils exercent sur la fourchette. Les pressions
exercées sur le coussinet plantaire sont, avonsnous
dit, la raison d'être de cet organe et nécessaires
par conséquent à sa vitalité ; mais, à l'état physiologique,
ces pressions sont intermittentes, le coussinet
plantaire bénéficie de l'indispensable alternance de repos
et d'action.
Les pressions continues sont atrophiques, et c'est
pourquoi la ferrure à planche ne saurait être appliquée
sans interruption.
Les fers à traverse mobile P. Delpérier) et à plancheressort
(Dandero) 5 visent l'inconvénient que nous venons
de signaler en établissant des contacts intermittents
de la planche et de la fourchette. L'interposition
de substances molles et élastiques, de patins, au-dessous
de la fourchette, réalise mieux pour cet organe les conditions
d'un appui physiologique. Ces appareils continuent
en quelque sorte le coussinet plantaire et lui
communiquent à chaque foulée, en les atténuant, les
pressions qu'ils reçoivent.
On a beaucoup utilisé la gutta-percha si facile à
(t) Talfumière, brochure, 1874, Caen.
(2) Savary, Soc. de méd. vit. prat., 30 avril 1882.
(3) Thary, Fer à éponges réunies. Son emploi dans le traitement de l'eneastelure
des seimes et des bleimes symptomaliques (Bull, de la Soc. centr.
de méd. vét., 1893, p. 303).
(4) Gervais, Le meilleur des fers à planche (Bec. de méd. vit., 1895,
P-

90 ATROPHIE DU PIED.
modeler sur la face inférieure du pied. On l'a d'abord
associée au fer à planche pour remplir le vide entre le
fer et la fourchette plus ou moins atrophiée et établir une
compression élastique. Jeannin (1), Dupon (2), Goyau(3),
Chénier (4), ont préconisé ce système et indiqué les détails
d'application (5).
— « Enlever avec le boutoir toutes les parties filandreuses
ou décollées de la fourchette, parer la paroi
et légèrement la sole. S'il y a suintement dans la lacune
médiane de la fourchette, laisser couler un peu d'cegyptiac.
« Le fer étant préparé, étendre sur toute la région postérieure
du pied, une épaisse couche de gutta-percha,
préalablement ramollie dans l'eau chaude, en ayant
soin de la presser fortement avec les pouces, de manière
qu'elle remonte exactement sur la surface plantaire. Le
fer est ensuite appliqué de telle sorte que la planche
s'incruste dans la masse de gutta-percha ; après avoir
laissé tomber quelques secondes de l'eau froide sur la
gutta, on plonge le pied dans un seau d'eau froide, mais
sans le laisser appuyer ; le fer est fixé avec trois ou
quatre clous. Et lorsque le pied a porté sur le sol, ramener
encore avec les pouces la. gutta contre les bords
de la planche du fer.
« Le lendemain, après avoir déferré le pied, enlever
avec le rogne-pied toute la gutta-percha qui déborde en
dehors le plan incliné des barres et en arrière les glomes,
abaisser les talons de manière à les soustraire entièrement
à l'appui et à reporter celui-ci en grande partie
sur le coussinet de gutta-percha afin de jeter la charge
sur la fourchette. Cela fait, le fer est appliqué à demeure
(1) H. Bouley, Bec.deméd. vêt., 1863, p. 173.
(2) Dupon, Journ. de méd. vit. milit., t. VI, 1867-68, p. 431.
(3) Goyau, Traité prat. de Maréchalerie, 1882, p. 431.
(4) Chénier, De l'atrophie du coussinet plantaire, br., p. 54.
(5) Voland applique dans les lacunes latérales du pied, des tampons de
caoutchouc maintenus et un peu comprimés par un fer à planche.

ENCASTELURE. 91
en ayant soin que la planche reprenne exactement sa
place dans l'espèce de mortaise formée par la guttapercha.
Par cette manière de procéder, il est rare que le
coussinet de gutta-percha se détache et on peut attendre
quarante jours sans renouveler la ferrure. » (Chénier.)
Avec la gutta-percha, Nallet (1) fabrique une sorte de
fourchette artificielle qui a l'avantage de s'appliquer
avec un fer ordinaire (2V C'est une plaque épaisse de
quelques millimètres, présentant sur sa face inférieure,
une saillie ou renflement de forme conique dont la base
évasée forme le bord postérieur de la plaque et dont le
sommet se trouve vers
le centre. L'axe du
renflement se confond
avec l'axe antéro-postérieur
de la semelle.
Ce renflement doit être
assez haut,surtoutvers
sa base, pour dépasser
le plan inférieur du
fer quand l'appareil
est mis en place et
maintenu par la ferrure
(fig. 43). C'est,
en effet, cette saillie
qui, lors du poser du
pied, doit toucher le
sol avant les branches du fer, et faire appliquer la face
supérieure de la plaque sur la fourchette et les talons.
Les plaques de gutta-percha sont préparées à l'avance
(1) Nallet, Traitement de Vencastelure et du resserrement des talons à
l'aide d'une fourchette artificielle en gutta-percha (Bull, de la Soc. centr.
de mid. vét., 1891, p. Ï35).
(2) Des 1871, Pellegrini (Voy. Fogliata. Loc. cil., 2 fig.) proposait l'emploi
d'on appareil en gutta-percha, reproduisant la forme de la fourchette,
se fnant aussi avec un fer ordinaire et désigné sous le nom de Désencasteleur
de gomme Pellegrini.

92
ATROPHIE DU PIED.
à l'aide d'un moule en bois, dans lequel on étend cette
substance préalablement
ramollie
dans l'eau chaude.
Le pied étant
convenablement
paré, on évide à
la rénette les trois
lacunes et on les
bourre avec des
torsades d'étoupe
goudronnées. La
semelle de guttapercha
est ajustée
sur le fer, de
manière que son
bord postérieur ne
dépasse pas les éponges et que la place du pinçon
soit ménagée dans son bord antérieur. On applique
le fer qu'on broche en traversant la plaque avec les
clous ; on élimine enfin de la plaque tout ce qui déborde
la rive externe du fer.
On trouve dans le commerce des appareils en caoutchouc
— patin Robert (fig. 44), patin Beucler (fig. 45),

ENCASTELURE. 93
fourchette Lacombe (fig. 46 et 47), etc. — répondant au
même but que la fourchette Nallet et d'une application
très facile (1).
L'usage prolongé de tous ces appareils n'est malheureusement
pas sans inconvénients. Ils permettent l'accumulation
et le séjour au contact de la fourchette de matières
putrescibles qui ne tardent pas à altérer gravement
la corne et à déterminer du suintement dans les lacunes.
fourchette Lacombe.
Il est regrettable que l'excellente idée d'un coussin
élastique mobile que l'on placerait ou enlèverait à volonté
sans déferrer n'ait pu encore être réalisée pratiquement.
2° MODE D'ACTION. — Le mode d'action de la désencastelure
physiologique réside surtout dans la restauration
anatomique et fonctionnelle du coussinet plantaire.
La boîte cornée, qui s'était resserrée pour s'adapter au
volume réduit de cet organe en voie d'atrophie, se dilatera
au fur et à mesure que ce même organe reprendra
ses dimensions primitives. Et cet accroissement progressif
du coussinet plantaire est la conséquence natu-
(I) Dans l'armée allemande on a emploie pour cet usage des sortes de
plaques ou espadrilles en paille tressée et enroulée (ferrure de Berckmann, de
Croneofeld, etc.).

94 ATROPHIE DU PIED.
relie du fonctionnement rétabli, aussi bien et pour les
mêmes raisons que l'inaction en avait provoqué l'atrophie.
Rappeler la loi de Lamarck : « La fonction fait l'organe
» suffirait à l'explication. On sait, au surplus, que
les mouvements d'élasticité de la paroi, sont sous la dépendance
de la compression du coussinet plantaire sur
la fourchette reposant sur le sol et de son expansion
latérale corrélative (1 et 2). Or, ces mouvements doivent
singulièrement activer la circulation dans les organes
sous-jacents et aider à leur nutrition régénératrice.
C. Indications. — L'indication capitale, dans le traitement
de l'encastelure est de rétablir l'appui de la fourchette
et d'assurer ainsi le fonctionnement du coussinet
plantaire. Les moyens de la remplir doivent varier suivant
les cas et surtout à raison du degré d'atrophie des
organes précités.
Premier cas. — ATROPHIE LÉGÈRE ou INCOMPLÈTE DE LA
FOURCHETTE, telle qu'on la constate dans l'encastelure au
premier degré, dans l'encastelure coronaire, dans certains
resserrements des talons.
Les moyens de la désencastelure physiologique
trouvent ici leur application.
Un léger abaissement des talons et la ferrure à éponges
(1) Lagriflbul, De l'élasticité des sabots (Bull, de la Soc. centr. de méil
vét., 1892, p. 697).
(2) Brambilla ( Théories sur les défauts du pied du cheval, 1870, p. 25),
Jacoulet (Bev. vét., 1896, p. 245) pensent que la raison de l'expansion des
parties postérieures du sabot au moment de l'appui est dans la disposition en
zigzag de la corne plantaire (fourchelte-barres), au niveau des lacunes. Les
pressions exercées sur les angles supérieurs par l'intermédiaire du coussinet
et les contre-pressions se produisant sur les angles inférieurs au conlact du
sol ou des appareils de désencastelure physiologique, provoqueraient le
redressement du zigzag qui, en se déployant, repousserait la paroi en talons
et en quartiers. Ces angles sont d'autant plus ouverts et leurs côtés sont d'autant
plus épais et résistants que les lacunes sont plus largement évasées. Le
« jeu de soufflet » serait alors d'autant plus facile. La désencastelure mécanique
aurait précisément pour but de réaliser ces conditions. — Chénier
(Bev. vêt., 1896, p. 657,) a fait une réfutation heureuse de cette théorie.

ENCASTELURE. A5
minces ou à lunette suffisent souvent pour que la fourchette
travaille, surtout s'il s'agit d'un service à la campagne,
sur sol meuble. Dans le service en ville ou sur
route, la fourchette pourrait, malgré ces moyens, rester
au-dessus de la surface d'appui. Le fer à planche seul ou
associé à la gutta-percha ou l'emploi des patins s'imposent
alors.
Ces derniers méritent la préférence, dans ces conditions,
car, à l'avantage déjà indiqué d'être moins vulnérants
pour le coussinet plantaire, ils ajoutent celui de
prévenir les glissades que le fer à planche rendrait, au
contraire, plus fréquentes.
On combattra la pourriture de la fourchette que parfois
ils provoquent par des nettoyages fréquents, des
lavages ou applications de substances antiseptiques et
astringentes.
Deuxième cas. — ATROPHIE GRAVE OU COMPLÈTE DE LA FOUR­
CHETTE SAN: BOITERIE OU AVEC BOITERIE LÉGÈRE.
Il n'est plus possible de rétablir l'appui normal de la
face plantaire ; l'usage des appareils prenant contact
sur la fourchette sont contre-indiqués, parce que les
pressions accumulées sur une surface aussi réduite
seraient vulnérantes et parce que l'intertrigo furcal
serait aggravé.
La désencastelure mécanique est indiquée (1). Lesferrures
expansives simples doivent être préférées à tous
les autres procédés ; elles agissent progressivement, elles
ne gênent en rien l'utilisation du sujet, l'exercice étant
au contraire, une des conditions de leur efficacité.
Parmi elles, le fer dont nous avons donné la description
(p. 78) mérite une mention spéciale ; il provoque
une dilatation rapide si on a le soin d'en renouveler
l'application toutes les deux semaines environ.
On peut d'ailleurs, en faisant varier l'obliquité des
(1) Chénier (Bev, vit., 1895, p. 436) subordonne les indications de la
désencastelure mécanique i l'ossification des cartilages complémentaires.

96 ATROPHIE DU PIED.
pinçons, agir plus activement sur un talon que sur
l'autre, l'écarter ou le faire descendre s'il est surélevé.
Aussitôt que possible, c'est-à-dire quand le sabot aura
presque récupéré ses dimensions normales, que la corne
furcale se sera reconstituée, c'est-à-dire dans un laps de
temps variant de deux à six mois, il faut recourir à la
désencastelure physiologique comme nous venons de
l'indiquer pour l'encastelure légère.
Troisième cas. — ATROPHIE GRAVE OU COMPLÈTE DE LA FOUR­
CHETTE AVEC BOITERIE INTENSE.
Si la cause de la boiterie est découverte hors le sabot,
s'il s'agit d'encastelure secondaire, on doit, ainsi qu'il a
été déjà dit, traiter la lésion douloureuse.
Un bon moyen de combattre l'encastelure elle-même,
aussi bien que la boiterie, serait d'enlever les fers au
boiteux et de le mettre en liberté à la prairie pendant quelques
mois.
A l'écurie, la dilatation mécanique devient nécessaire
pour la réaliser, les ferrures expansives simples sont
insuffisantes à cause du repos ; mais, par cette même
raison, disparaît l'un des graves inconvénients reprochés
aux appareils dilatateurs fixes. L'emploi de ces derniers,
des fers à ressorts en particulier, est alors justifié.
Leur action est continue, progressive ; nous avons pu en
constater d'heureux résultats.
Ici, encore, la guérison est achevée par les moyens
physiologiques. Mais si la boiterie n'a pas diminué en
même temps que le resserrement corné disparaissait, on
ne peut compter sur l'efficacité de ces derniers. A ce moment
la névrotomie pourra souvent rendre d'utiles services
; en supprimant la douleur, elle assure l'appui et
celui-ci fait le reste.
Dans tous les cas, la dilatation du sabot est favorisée'
par les rainures ou amincissements dans les parties
postérieures et vers le bord supérieur des quartiers;
ceux-ci résistent moins à l'expansion latérale du cous-

DÉFECTUOSITÉS DU PIED. 97
sinet plantaire qui subit les pressions de l'appui. En
empêchant le contact des talons sur le fer (Kersting,
Bidaud, Lorge) on facilite aussi leur écartement et surtout
on diminue la douleur du fait des lésions podophylleuses.
Les cataplasmes émollients sont utiles, ils rendent la
corne plus souple et plus élastique, ils calment les souffrances.
Les frictions ou applications vésicantes sur le bourrelet
activent la kératogenèse ralentie.
Les qualités de la corne sont restaurées par des soins
hygiéniques. Les bains ou lavages réitérés du sabot à
l'eau pure, et, dans l'intervalle, l'application d'onguents
de pied non irritants donnent de bons résultats.
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Divisions. D. n'y a pas d'organe plus plastique dans
sa forme que le pied du cheval » (Peuch et Lesbre),
aussi est-il sujet à de nombreuses défectuosités. Cellesci
ont, en pathologie vétérinaire, une grande importance
qui se déduit naturellement de leur fréquence et de
l'importance même de l'organe qu'elles affectent.
Souvent très graves, elles apportent toujours de sérieux
obstacles à l'utilisation des animaux atteints. Elles constituent
d'ailleurs le plus souvent, pour la plupart des
affections du pied, des conditions prédisposantes de premier
ordre.
Les défectuosités du pied portent sur la conformation
générale de cet organe ou sur les qualités de son enveloppe
protectrice, le sabot.
Elles peuvent être classées, d'après leurs caractères
extérieurs, de la manière suivante.
A. Défectuosités ( \\ P ^ «^i. - Pied étroit,
de volume.^ , Pieds inégaux.
Chirurgie du pied. 6

98
Défectuosités
de forme..
C. Défectuosités
d'aplomb
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
tlt.
12.
113.
14,
15.
16.
17.
118.
Défectuosités ,19.
d'épaisseur 5 20.
de la corne.(21.
ma
Défectuosités ( "''
de qualité de',,'
i i 24.
la corne.... / „
\ 25.
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Pied bas.
— haut.
— long — Pied hélicoïdal
— droit.
— évasé.
— plat.
— comble.
— à ognons.
„.,.,.. , . il" Pince courte.-
Pied incline sur la pince .. ,, . , —
r \ 2° Talons hauts. _,
/ 1° Pince longue.
Pied incliné sur les talons \ 2» Talons bas.
(3° Talons fuyants.
Pied incliné sur un quartier (pied de travers).
/ 1° Pied pinçard.
Pied dévié en avant \ 2° — rampin.
( 3» — bot.
Pied dévié en arrière (pied talus).
— en dedans (pied cagneux).]
— en dehors (pied panard).
Pied épais.
— mince.
— cerclé.
Pied tendre.
— sec.
— fendillé — Pied friable.
— dérobé.
Les distinctions établies dans la liste ci-dessus ne sont
pas absolues. Il est à peu près constant en effet que les
vices de volume ou d'aplomb intéressent aussi la forme
du pied et réciproquement. On peut voir plusieurs
défectuosités réunies dans le même pied. Par exemple,
un pied grand est, d'habitude, en même temps évasé,
plat, à talons bas, épais, tendre, dérobé. Ces associations
de vices sont même fréquentes, les uns prédisposant
aux autres.
Les conséquences des défectuosités du pied peuvent
donc être multiples. C'est tantôt une protection insuffisante
des parties vives du pied résultant d'un défaut
de résistance du sabot. C'est le plus souvent une perversion
du mode physiologique de l'extrémité digitée dont
la conformation est vicieuse; les pressions de l'appui
s'accumulent sur des organes mal disposés pour les

DÉFECTUOSITÉS DU PIED. 99
recevoir en s'exagérant en des peints qu'elles surmènent
rapidement ; et, dans tous les cas, des lésions plus ou
moins graves ne tardent pas à apparaître : lésions du
pied lui-même ou lésions du membre. Il existe en effet
entre ces organes une étroite dépendance. Les aplombs
du pied commandent les aplombs et le fonctionnement
du membre. La solidité et l'intégrité de la colonne
représentée par le membre ne peut donc manquer d'être
compromise par les défauts du pied, qui est le fondement.
Au point de vue de leur étiologie générale, les défectuosités
du pied doivent être distinguées en congénitales
et acquises.
Congénitales, elles sont ordinairement transmises par
un ascendant, et l'hérédité de la plupart d'entre elles a
été maintes fois constatée.
Acquises, elles résultent de causes variées. Diverses
affections des membres modifiant d'une façon définitive
ou momentanée les aplombs ou le fonctionnement de
ceux-ci retentissent sur le pied, à raison des relations
que nous venons de rappeler entre ces organes et par
réciprocité d'effet.
Certaines défectuosités, dites quelquefois congénitales
et qui seraient mieux qualifiées de naissance, résultent de
déformations ou déviations produites au cours de manœuvres
obstétricales (Delpérier).
Les conditions de vie des sujets, modes d'utilisation ou
d'élevage, ont une influence sur la forme et la qualité de
leurs sabots ; on sait par exemple que le séjour habituel
sur un sol humide produit l'évasement du pied et le
ramollissement de la corne (1).
Mais le facteur étiologique le plus important est sans
contredit la mauvaise ferrure. Les défectuosités du pied
sont de fabrication humaine, dit Goyau ; il est certain que
(1) Dupon, Journ. de mid. vét. milit., 1867-68, p. 461.

100 DÉFECTUOSITÉS DU PIED
le maréchal est responsable de la plupart d'entre elles et
des plus graves.
La prophylaxie des défectuosités du pied vise surtout
le choix des reproducteurs. Il faut éloigner de la reproduction
les sujets dont les pieds sont défectueux congénitalement.
Il faut surtout se garder de vouloir corriger
une défectuosité de l'un des géniteurs par une défectuosité
opposée de l'autre. Le produit risquerait d'avoir les
pieds inégalement conformés et de totaliser les défauts
des deux ascendants (1).
Là ferrure bien exécutée est prophylactique, elle conserve
la forme et l'aplomb du pied. La ferrure joue toujours
le principal rôle dans le traitement des affections
dont nous nous occupons. Elle ne peut être véritablement
curative et donner la guérison complète que si le vice
est acquis, récent, et s'il n'est lié à aucune altération
définitive du membre. Dans tous les autres cas, malheureusement
les plus fréquents, elle est palliative, elle fournit
les moyens d'atténuer le défaut ou d'en empêcher
l'exagération, d'en prévenir les conséquences les plus
graves et de permettre l'utilisation du sujet.
A. DÉFECTUOSITÉS DE VOLUME.
I. — PIED GRAND.
Définition. — Pied dont les dimensions sont exagérées
par rapport au volume du membre qu'il termine et du
corps qu'il supporte (Goyau).
Étiologie. — Cette défectuosité est plus particulièrement
l'apanage des races communes, des sujets à
tempérament lymphatique.
Les chevaux de nos départements de l'ouest en sont
souvent affectés. Il semble que le séjour habituel dans
des pâturages marécageux ait une action prédisposante.
(1) Fogliala, Becueil, 1896, p. 316. anal, de Giornale d'Ippologia, 1896.

DEFECTUOSITES DE VOLUME. 101
Cette conformation se transmet par hérédité ; aussi la
recherche-l-on sur les juments mulassières dans le but
de combattre l'influence opposée du géniteur mâle et
obtenir des mulets à pieds moins étroits.
Le croisement des chevaux de race commune avec des
chevaux de race fine peut donner des produits à pieds
mal proportionnés.
Caractères. — Conséquences. — Le pied grand peut
être très régulièrement conformé, toutes les parties du
sabot et la troisième phalange elle-même participant à
l'excès de volume, et la corne être d'excellente qualité.
Mais, le plus souvent, le pied grand a la paroi évasée, la
sole plate, la fourchette volumineuse, la corne peu résistante,
molle ou cassante, suivant les cas. Le cheval à pieds
grands a une démarche lourde et maladroite ; il est
exposé à butter et à se couper.
Il est peu apte aux allures rapides. Sur les terrains
durs et inégaux il est exposé à contracter des contusions
des tissus sous-cornés. Une semblable conformation
cesse d'être défectueuse si l'animal doit travailler sur des
terrains meubles, boueux. Le pied ayant une assiette
plus large s'enfonce moins, ce qui diminue la fatigue.
Indications. —Rétrécir la surface d'appui ; ce résultat
est obtenu dans la mesure possible, toujours très restreinte,
en tronquant légèrement la pince, en râpant de
court le bord inférieur de la paroi et en ferrant très
juste, la pince un peu relevée, le pinçon encastré. Protéger-la
face plantaire par un fer demi-couvert. Alléger
le pied par un fer léger autant que le permettent la
couverture nécessaire et le genre de service du cheval.
II. — PIED PETIT.
Définition. — Pied dont le volume est trop exigu par
rapport à la taille du cheval et à la largeur du paturon.
'Delpérier).
6.

lfJ2 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Étiologie. — Le pied petit se rencontre principalement
chez les chevaux de race fine et d'origine méridionale.
Cette défectuosité est toujours congénitale (1), se
transmet par hérédité et peut être la conséquence de
croisements mal compris.
Caractères. — Conséquences. — A part ses dimensions
relatives réduites, le pied petit a ordinairement une
conformation normale ; assez souvent aussi il est étroit
(Voy. ci-après). La corne de son sabot est d'habitude
dure et sèche.
Le pied petit est un pied délicat, sujet aux causes de
boiterie. Les pressions de l'appui s'exercent sur une surface
plus restreinte, le podophylle étant moins étendu et
par conséquent plus faible ; les chocs et les diverses
actions traumatiques sont dès lors plus difficilement supportés;
les bleimes, les seimes, et surtout l'encastelure
sont plus fréquentes.
Indications. — On a recommandé d'augmenter la surface
d'appui en donnant de la garniture au fer. Cela
nous parait inutile et cela peut être dangereux; on
donnerait ainsi un surcroît de travail à un organe peu
résistant en somme. Une ferrure normale, de dimensions
et de poids appropriés au volume du pied est celle qui
convient. Un soin particulier doit être apporté à son
application, car moins que tout autre le pied petit résisterait
à une mauvaise ferrure.
Le PIED ÉTROIT est une variété de pied petit, caractérisée
spécialement par un aplatissement des quartiers rappelant
la conformation naturelle du pied de l'âne et du
mulet; aussi le désigne-t-on quelquefois sous le nom
de pied mulage.
C'est à cette forme de pied que Defays appliquait le
(1) Lorsqu'elle est acquise, elle est la conséquence d'un resserrement morbide
de la boîte cornée, elle est l'expression de l'atrophie des diverses parties
du pied (Voy. Encastelure, p. 40).

DÉFECTUOSITÉS DE FORME. 103
terme d'encastelure congénitale ; nous avons dit
qu'elle ne participait en rien de cette affection.
Le pied étroit a les mêmes inconvénients que le pied
petit proprement dit. Les indications sont aussi les mêmes ;
pour l'un comme pour l'autre, il ne faut pas oublier que
leur conformation les prédispose beaucoup à l'encastelure.
Les ferrures propres à prévenir ou à combattre
cette affection devront être utilisées si la ferrure normale
parait insuffisante.
III. — PIEDS INÉGAUX.
Définition. — Les pieds sont dits inégaux lorsqu'il y
a disproportion de volume et de forme entre les sabots
d'un même bipède, antérieur ou postérieur (Cadiot).
Étiologie. — L'inégalité des pieds peut être acquise et
résulter d'une encastelure unipodale, mais nous avons surtout
en vue ici, l'inégalité en quelque sorte naturelle non
morbide, toujours congénitale, et ordinairement transmise
par un ascendant. Fogliata (1) a mis en évidence le
rôle de l'hérédité bilatérale. Il cite le cas d'un cheval issu
d'un pur sanq à pieds étroits et d'une jument commune
à pieds évasés, dont un pied anlérieur offrait les caractères
des pieds du père et l'autre ceux des pieds de la mère.
Les caractères et les conséquences du pied asymétrique
sont ceux du pied grand ou du pied petit selon les cas.
Les indications sont aussi celles de l'une ou de l'autre de
ces défectuosités.
B. — DÉFECTUOSITÉS DE FORME.
IV. — PIED BAS.
Définition. — Étiologie. — Le pied bas est celui dont
la muraille est courte.
(I) Fogliata, loc. cit.

104
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Il ne saurait s'agir ici d'un raccourcissement accidentel
de la paroi, dû à une parure excessive par exemple, car
la longueur normale du sabot ne peut être sensiblement
diminuée sans rendre insuffisante la protection des
parties vraies et sans provoquer de la douleur.
Le défaut de longueur du sabot tient donc à l'exiguïté
du podophylle ; cette défectuosité ne peut être que congénitale.
Caractères. — Conséquences. — C'est la distance
comprise entre le plan supérieur de la sole et le bord
coronaire de la paroi, c'est-à-dire toute la partie de la
muraille en rapport avec le podophylle et la cutidure,
qu'il faudrait mesurer pour
se rendre compte de la
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48. — Pied bas.
C^SBsbk
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&CTCT
hauteur du pied Delpérier).
On ne peut en juger extérieurement
parla distance
verticale de la couronne
au sol, distance qui dépend
pour une bonne part du
degré d'inclinaison de la
paroi.
Le pied est bas, disent
Peuch et Lesbre, lorsque la longueur de la pince est inférieure
à 6/10 de la longueur plantaire (fig. 48).
Le pied bas est exposé aux lésions podophylliennes,
les pressions supportées par la paroi s'exerçant sur une
surface plus restreinte.
Indications. — Veiller à ce que l'appui se fasse sur
la totalité de la surface plantaire et non exclusivement
sur la paroi ; se garder de laisser pousser celle-ci sous
le prétexte de lui donner une longueur normale, on
aboutirait ainsi au surmenage du podophylle et à la
boiterie.

DÉFECTUOSITÉS DE FORME. 103
V. — PIED HAUT.
Définition. — Étiologie. — C'est le défaut opposé du
précédent ; il a la même origine. La muraille est longue
par le fait des dimensions excessives du podophylle.
Caractères. — Conséquences. — Le pied est haut
lorsque la longueur de la
pince est supérieure à 3/4
de la longueur plantaire
au pied antérieur, à 4/5
au pied postérieur (Peuch
et Lesbre) (1) (fig. 49).
II ne faut pas confondre,
dit Delpérier, le
pied haut et le pied
long. Le pied haut peut
être court dans le sens
généralement accordé à
ce dernier mot, c'està-dire
ne présenter que peu de corne à parer.
Le pied mulage est ordinairement haut.
Un excès de hauteur ne compromet guère les fonctions
mécaniques du pied. Il est cependant prédisposé à
l'encastelure. Il est surtout inesthétique.
Indications. — On palliera le défaut d'esthétique en
parant complètement et ferrant mince. Le renouvellement
fréquent de la ferrure s'impose.
VI. — PIED LONG.
Définition. — Pied dont le sabota acquis, paravalure,
une longueur excessive.
(1) Lesbre et Peuch, Contribution à Vitude de Vanatomie et de la physiologie
du sabot du cheval, de l'âne et du mulet. Applications à la ferrure
(Journ. deméd. vét. et zootech., 1892, p. 625). — Précis du pied du cheval
et de sa ferrure.

106
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Étiologie. — La longueur du sabot peut tenir à une
kératogenèse suractive ; elle est touj ours l'expression soit
d'une usure insuffisante, soit d'une parure incomplète,
soit de retards apportés au renouvellement de la ferrure
.
Caractères. — Conséquences. — Dans le pied long
comme dans le pied haut, la longueur de la pince est
supérieure à 3/4 de la longueur plantaire; mais, dans le
pied long, pied insuffisamment paré en somme, le bord
inférieur de la paroi dépasse plus ou moins la sole ; la
fourchette est surélevée. Ceci provoque un premier et
grave inconvénient, la limitation de l'appui sur la paroi,
c'est-à-dire une cause efficiente d'encastelure. De plus,
la longueur exagérée du sabot modifie l'aplomb ; la répartition
des pressions entre les rayons phalangiens et les
tendons est changée, ces derniers sont surchargés, le
perforant surtout. Celui-ci trouve encore un surcroît de
travail dans l'allongement du levier du pied qu'il est
chargé de mouvoir.
Le sabot qui s'allonge a une tendance naturelle à se
recourber en avant (sabot chinois) (fig. 50) par suite
d'un excès de la pousse des talons sur celle de la pince,
du fait de la concentration des pressions ascendantes

DÉFECTUOSITÉS DE FORME. 107
sur les parties antérieures du bourrelet. S'il s'allonge
davantage, il prend une forme hélicoïdale et le sens de la
spire est toujours le même, elle s'enroule de dehors en
dedans probablement à cause de la dessiccation plus
rapide de la paroi du côté interne plus mince.
Le pied hélicoïdal peut atteindre des dimensions absolument
extraordinaires ; témoin l'âne cité par
Fig. 51. — Pieds longs, hélicoïdauv (Cadéac)
Cadéac (1)'qui, après six ans de stabulation sans
aucun soin, avait des sabots dont la longueur, prise en
suivant la pince, variait de 0 m ,60 à l m ,10 (fig. SI).
Indications. — L'excès de longueur du sabot étant la
conséquence d'une parure insuffisante ou trop rarement
renouvelée, il est clair qu'il suffit de signaler cette cause
pour en prévenir les effets. Mais, dans les cas où le défaut
(1) Cadéac, Allongement extraordinaire des quatre sabots chez un Ane
(Journ. de méd. vit. et de zootech., 1899, p. 408).

108
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
est ancien et quand il est très prononcé, le membre
a contracté des lésions articulaires ou tendineuses qui le
fixent dans son aplomb défectueux. Le traitement devient
alors complexe; il n'est pas toujours économique de
l'entreprendre.
VII. PIED DROIT.
Définition. — Le pied est droit lorsque la paroi
manque d'obliquité.
Étiologie. — Ce défaut, généralement congénital,
se trouve surtout sur les petits chevaux secs et nerveux
de race méridionale. Le pied étroit est souvent droit. La
verticalité de la paroi est commandée par la convexité
du bourrelet dont la disposition peut être due aussi à un
état pathologique (exostoses, etc.), le vice est alors acquis.
Caractères. — Conséquences. — Dans le pied droit, le
profil de la muraille fait avec l'horizontale un angle de
plus de 60° au pied antérieur
et de 65° au pied postérieur
(Lesbre et Peuch);
les quartiers sont sensiblement
verticaux (fig. 52). Les
barres sont aussi peu inclinées,
la sole est d'ordinaire
très concave, la fourchette
est plus ou moins développée,
mais elle a une tendance
I à s'atrophier et l'on a alors
le pied creux qui est en
somme un pied encastelé (encastelure plantaire). A part
cette fâcheuse prédisposition, le pied droit congénital n'a
pas d'autres inconvénients que son manque d'élégance.
Indications. — Ce pied n'exige qu'une ferrure ordn
naire ménageant un appui large de la fourchette ; chercher
à l'incliner, en abattant outre mesure les talons, serait

DÉFECTUOSITÉS DE FORME. 109
une faute ; on modifierait ainsi à leur grand détriment
les rapports des surfaces articulaires.
VIII.—PIED ÉVASÉ.
Définition. — Le pied est évasé lorsque la paroi est
trop oblique.
Étiologie. — Ce défaut se trouve sur les gros chevaux
du Nord ou encore sur les chevaux communs et lymphatiques
et, en particulier, sur ceux élevés en pays marécageux.
Cette condition parait jouer un rôle étiologique
important. Delpérier prétend que, sur les jeunes
chevaux, on peut voir les pieds évasés se modifier rapidement
et se redresser par le service sur le pavé. Le
pied évasé est donc souvent congénital, quelquefois
acquis.
Caractères. — Conséquences. — La paroi est trop
oblique lorsque la pince est inclinée sur l'horizontale à
moins de 45° au pied antérieur
et à moins de 50° au
pied postérieur. Les quartiers
sont inclinés à plus
de 15° sur la verticale
(Lesbre et Peuch) fig. 53).
Ce défaut n'est jamais bien
prononcé aux pieds de
derrière ; il peut être extrême
aux pieds de devant
(30 0 en pince). — Les
barres sont également très
obliques. Les talons sont
bas dans la grande majorité des cas; la concavité de la sole
est effacée et la fourchette volumineuse, de sorte que, le
plus souvent, le pied évasé est aussi un pied plat. Fréquemment
aussi, du fait de la divergence des fibres pariétales
très obliques et des fibres soléaires verticales, il existe
Chirurgie du pied. 7

110 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
une scissure au niveau de la ligne blanche, la muraille
est séparée de la sole.
Le pied évasé est grand, lourd, disgracieux; le sabot
est peu consistant, la muraille éclate facilement et est
bientôt c dérobée »; le fer tient mal; l'animal est maladroit,
exposé à butter, à se couper, à contracter des contusions
plantaires et d'autant mieux que la sole est moins
concave.
Indications. — Rétrécir la surface d'appui en parant
la pince, en arrondissant à la râpe tout le contour plantaire,
en ferrant juste sans garniture. Soulager la paroi
par l'appui de la fourchette et de la sole, par un fer
léger (ferrure Poret ou ferrure Charlier pour les chevaux
de luxe). Consolider le fer par des pinçons latéraux
et des clous nombreux, à lame mince. Protéger la
région plantaire (Voy. Pied plat).
IX. — PIED PLAT.
Définition. — Le pied plat est celui dont la face plantaire
est plane ; tous les points de cette dernière sont au
niveau du bord inférieur de la paroi.
Étiologie. — Comme le pied évasé, le pied plat est surtout
l'apanage des chevaux du Nord, notamment des
Flandres. La disposition du sabot est commandée par
celle de la phalange unguéale à face inférieure large et
plane. Elle peut être congénitale ou se constituer peu à
peu par une ferrure défectueuse. Les pieds grands, les
pieds évasés, surtout si la sole et la fourchette sont
parées à l'excès, si un fer mal appliqué les soustrait à
l'appui normal et ne les protège pas contre les foulures,
deviennent plats à la longue. Cette défectuosité se rencontre
surtout sur les pieds antérieurs. Elle est souvent
provoquée par la fourbure.
Caractères. —Conséquences. — Dans le pied plat,la
sole est horizontale, le creux plantaire a disparu, la

DEFECTUOSITES DE FORME. 111
fourchette est plus ou moins proéminente. Presque toujours
la paroi est évasée, les barres inclinées, les talons
très bas. La corne soléaire est généralement mince, peu
résistante. La disposition de la surface plantaire qui
caractérise le pied plat peut cependant exister sur des
pieds à paroi normalement inclinée ou même droite. A
ceux-ci s'applique plus spécialement le nom de pied
plein (Thary) (i).
Le pied plat est exposé aux contusions de la face plantaire
(bleimes, foulures de sole, oignons, etc.). Les blessures
de cette région sont aussi plus communes et plus
graves; les accidents de la ferrure (brûlure de la sole,
piqûre, enclouure, etc.) sont plus fréquents.
Cette défectuosité prédispose à l'encastelure des talons ;
les glomes de la fourchette s'atrophient, mais le corps
de cet organe reste volumineux et saillant; il est souvent
contus, vers la pointe surtout, par l'intermédiaire
de la corne desséchée, durcie. A ces inconvénients se
joignent d'ordinaire ceux de l'évasement de la paroi.
Les chevaux à pied plat ne conviennent guère que pour
les services de culture.
Indications. — Protéger la face plantaire par un fer
couvert ou demi-couvert, suivant que la sole est plus ou
moins affaiblie et suivant le service de l'animal.
L'interposition d'une plaque de cuir, de feutre ou de
caoutchouc peut être nécessaire si le pied est déjà
endolori.
Le fer doit être léger car la muraille étant souvent
peu épaisse et plus ou moins altérée ne résiste guère
(Voy. Pied évasé). Il doit porter à plat sur la muraille et
le limbe de la sole et n'exercer aucune compression
sur la face inférieure du pied; l'ajusture anglaise remplit
ces conditions.
(1) Certain» auteurs n'établissent pas de distinction entre les termes pied
plat et pied plein. — Pour MM. Peuch et Lesbre, le pied plein est l'exagération
du pied plat et fait la transition entre ce dernier et le pied comble.

112 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Les fers à éponges nourries ou à crampoDS, souvent
employés, sont dangereux; ils écrasent les talons, éloignent
la fourchette de l'appui (l ).
Le fer à planche seul ou avec plaque de cuir ou de
caoutchouc convient dans beaucoup de cas; nombre de
chevaux à pieds plats ne peuvent être utilisés sans cette
ferrure.
X. — PIED COMBLE.
Définition. — Le pied comble ou bombé (Delabère-
Blaine) se caractérise par la convexité de la sole qui
dépasse le niveau du bord plantaire du sabot.
Étiologie. — C'est un défaut acquis; les chevaux
naissent bien avec les pieds plats, jamais avec les
combles » (Lafosse, Dictionnaire d'hippiatrique). Il peut
provenir de l'aggravation du pied plat sous l'influence
d'une mauvaise ferrure. Des périostoses étendues de la
face inférieure du troisième phalangien se traduisent par
un bombement de la sole. Le plus souvent, le pied comble
est une conséquence de la fourbure, du déplacement et
de la déformation de l'os du pied qui se produisent toujours
dans cette maladie.
Caractères. — Conséquences. — La saillie formée par
la face plantaire du pied est régulièrement convexe et
surtout accentuée au centre de la sole et vers la pointe
.de la fourchette. Lorsque la défectuosité est symptomatique
de la fourbure chronique, la convexité n'existe
que dans la région antérieure, en avant de la fourchette.
Le pied comble est généralement évasé ; la paroi, très
oblique, est souvent cerclée, en forme d'écaillé d'huître.
La sole est mince, infiltrée, parsemée de sugillations ,
sanguines. La fourchette est tantôt volumineuse et forte,
tantôt faible et atrophiée. L'appui se faisant sur la partie
proéminente, c'est-à-dire beaucoup plus surla sole que sur
(1) Lagriffoul, Ferrure du pied plat (Bull, de la Soc. centr. de méd. vét.,
1892, p. 712).

DÉFECTUOSITÉS DE FORME. 113
la paroi ou la fourchette, est nécessairement douloureux.
Les meurtrissures constantes provoquent des phlegmasies
limitées ou diffuses ou même la dénudation et la nécrose
des tissus vifs. L'animal à pied comble n'est guère utilisable,
si ce n'est aux travaux de la ferme, au pas, et à la
condition d'être ferré d'une manière particulière.
Indications. — La presque totalité de la sole doit être
protégée par un fer très couvert et ajusté de telle sorte
qu'il se moule sur la face plantaire du pied et porte seulement
sur la paroi. L'ajusture anglaise est celle qui
convient ; cependant si la convexité de la sole est très
accentuée, on peut être obligé d'associer l'ajusture anglaise
et l'ajusture française. Un bombement exagéré du
fer compromet la stabilité de l'appui; on assure celle-ci
« à l'aide de crampons latéraux parlant insensiblement
des mamelles pour se perdre vers le milieu des quartiers,
là où finit la voussure de la sole. Deux crampons ordinaires
en éponges, de hauteur convenable, complètent
l'assiette du pied sur le sol » (fig. o4) (Pader) (1).
Dans certains pieds à fourchette puissante on obtient
de bons résultats du fer à planche, dans la confection
et l'application duquel on s'inspirera des principes précédents.
Il est toujours avantageux de recouvrir la sole d'une
étoupade goudronnée maintenue par une plaque de cuir.
XI. — PIED A OGXOIVS.
Définition. — On entend par ognons des saillies ou
bosses limitées de la face plantaire du pied, dont la base
est constituée par des exostoses de la troisième phalange.
Étiologie. — Tous les traumatismes de la face inférieure
de l'os du pied et, en particulier, les contusions
violentes ou répétées peuvent provoquer un ognon. Les
pieds plats sont prédisposés à cette affection.
(I) Pader, Précis de maréchalerie, p. 292.

114 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Caractères. — Conséquences. — L'ognon peut se
trouver en un point quelconque de la sole, mais le plus
souvent sur les branches de celle-ci, en regard des quartiers
; plus souvent aussi du côté externe. Il peut exister
un, deux ou même trois ognons.
La bosselure est plus ou moins accentuée, plus ou
moins étendue. A sa surface, la corne est mincô, infiltrée,
ecchymosée. Son niveau
atteignant ou dépassant
même celui
du bord de la paroi,
elle est exposée aux
foulures et provoque
souvent de la boiterie.
Indications. — Soustraire le point malade au contact
du sol et du fer. On emploie pour cela un fer couvert et
bien ajusté dans ses deux branches ou seulement dans la
branche correspondante à la lésion si celle-ci n'existe
que d'un côté ; on utilisait autrefois un fer spécial, dit
fer à ognons, élargi exclusivement au niveau du ou des
points à protéger (fig. 55). Il a été conseillé (Jauze) de
pratiquer l'ostéotomie, de niveler la surface du phalan-

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 115
gien. Cette opération expose à de graves complications ;
elle ne doit pas être tentée.
C - DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB.
XII. — PIED INCLINÉ SUR LA PINCE.
A. Pince courte. — Définition. — La pince n'a pas
le double de la hauteur normale des talons.
Étiologie. —Ce défaut résulte soit d'une parure excessive
de la pince, soit d'un défaut de hauteur du podophylle
antérieur.
Conséquences. — Dans l'un et l'autre cas, cette partie
du sabot est affaiblie et surchargée (1) ; la douleur et
la boiterie peuvent survenir à la suite du surmenage
de cette région, elles peuvent aussi être la conséquence.
de l'insuffisante protection des tissus vifs par la corne
trop amincie.
Indications. — Protéger la pince trop parée par un fer
légèrement couvert en pince et matelassé avec des étoupes
goudronnées. Éviter la surcharge de la pince trop basse
par un fer à éponges minces.
B. Talons hauts. — Définition. — Les talons ont
plus de la moitié de la hauteur normale de la pince, plus
du tiers de la longueur plantaire (Lesbre etPeuch) (fig. 52).
Étiologie. — L'allongement excessif du sabot dans cette
région ou les dimensions naturellement exagérées du
podophylle sont les causes de cette défectuosité. L'accroissement
exagéré de la corne est lui-même la
conséquence soit d'une parure insuffisante, soit d'une
influence quelconque excitant la fonction cutidurienne
(1) Noos avons admis, conformément a l'opinion restée classique, que dans
tout défaut d'aplomb dn pied, les pressions s'accumulent sur la région la plus
basse. Pader (Bull, de la Soc. centr. de mid. vit., 1897, p. 47J) a voulu
par d'ingénieuses expériences, démontrer le contraire. Son opinion nous paraît
avoir été heureusement réfutée par Peuch et Lesbre (mime Bulletin, p. 616).

116 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
en talons ou la ralentissant en pince, soit encore d'une
déviation des rayons osseux reportant l'appui sur les
parties antérieures du sabot.
Caractères. — Conséquences. — Le pied à talons hauts
est souvent aussi un pied droit. Si le défaut est naturel,
c'est-à-dire si la troisième phalange est parallèle au
bord plantaire, les surfaces articulaires sont adaptées à
cette forme du sabot, le paturon est habituellement
redressé et l'animal plus ou moins droit-jointé. Lorsque
le défaut est acquis, c'est-à-dire lorsque la hauteur des
talons tient exclusivement à l'accroissement exagéré de
la corne, la troisième phalange s'incline en avant, le
parallélisme de son bord inférieur est rompu, l'articulation
du pied se fléchit légèrement, le perforant se
relâche, le paturon s'affaisse, l'animal devient bas-jointé.
Cette déviation de l'aplomb ne va pas sans quelques
altérations articulaires et ligamenteuses qui fixent les
rayons osseux dans leur position vicieuse. Celle-ci est
donc, selon les cas, primitive ou secondaire. Outre ces
inconvénients, les talons hauts entraînent aussi une
surcharge de la pince, dont le podophylle est surmené et
l'avalure ralentie.
Indications. — Supprimer l'excès de hauteur des talons.
Cela n'est indiqué que si le vice est acquis et récent et
après avoir supprimé la cause de l'exagération de l'avalure,
s'il en existe. Si le vice est ancien, si les surfaces
articulaires et les ligaments sont adaptés à la
direction défectueuse des rayons osseux, si, en d'autres
termes, l'articulation du pied n'est pas redressable, on
rétablirait en vain le parallélisme plantaire de l'os et
de la paroi en abattant les talons ; on n'aboutirait ainsi
qu'à supprimer l'appui sur ceux-ci et à faire du pied à
talons hauts, un pied pinçard, c'est-à-dire à aggraver la '
défectuosité.
Il faut, dans ces conditions, assurer l'appui de toute la
face plantaire du pied et veiller à ne pas accentuer le dé-

DÉFECTUOSITÉS T)'APLOMB. 117
faut par la ferrure. On parera fréquemment les talons
dans la mesure de leur croissance progressive sans
jamais supprimer leur appui, on appliquera un fer à
éponges minces ou un fer à lunettes. On donnera de la
couverture en pince et en mamelles pour augmenter la
durée du fer, pour rejeter sur la sole l'appui antérieur
et soulager le podophylle dans cette région (Delpérier).
XIII. — PIED INCLINÉ SUR LES TALONS.
A. Pince longue. — La pince a plus du double de la
hauteur normale des talons.
L'allongement exagéré de la pince résulte le plus souvent
d'une parure défectueuse. Il rejette les pressions
sur les talons, dont l'avalure se ralentit. De sorte que le
pied à pince longue ne tarde pas à devenir un pied à
talons bas. Les conséquences de ces deux défauts sont
d'ailleurs sensiblement les mêmes (Voy. ci-après).
B. Talons bas. — Définition. — Les talons ont moins
de la moitié de la hauteur normale de la pince (fig. 53)
ou seulement moins du tiers de cette même dimension,
d'après Delpérier.
Étiologie. —Cette défectuosité se rencontre surtout sur
les pieds antérieurs. Les talons sont souvent trop parés,
parce que dans cette région la corne s'offre mieux aux
outils du maréchal; l'avalure des talons peut être ralentie
par un excès de pression résultant, soit de l'allongement
delà pince, soit de l'usage d'un fer à éponges nourries
ou à crampons, soit aussi de la direction des membres
(cheval campé du devant ou sous lui du derrière) ; enfin
les talons peuvent être naturellement bas, du fait de la
disposition congénitale du pied ou du podophylle.
Caractères. — Conséquences. — Les talons bas sont
habituellement trop obliques en avant, la pince de ces
pieds est d'ordinaire longue et évasée. Les pieds plats ont
le plus souvent les talons bas.
7.

118
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
L'inclinaison du pied sur les talons a des conséquences
inverses de celles du défaut opposé, l'inclinaison sur la
pince.
L'abaissement des talons ou l'allongement de la pince
produit une déviation de l'os du pied qui se place en
extension active ; le perforant est tendu et souvent lésé,
le paturon se redresse. Si le défaut est congénital et si
l'aplomb de la troisième phalange n'est pas altéré, le
paturon participe généralement à l'excès d'inclinaison
du pied, et, dans ces conditions, toutes les parties tendineuses
postérieures, perforant compris, sont surchargées.
Les pressions excessives supportées par les talons bas
ne tardent pas à être vulnérantes, aussi les bleimessontelles
fréquentes sur ces pieds et ceux-ci sont-ils exposés
à se resserrer.
Indications. — On peut rendre l'aplomb aux pieds trop
parés en talons en interposant, entre ces derniers et les
branches du fer, des lames de cuir ou une ailette en
caoutchouc (fig. 56) ;leferàplanche seul ou matelassé avec
une étoupade ou de la gutta-percha convient mieux;
il permet de supprimer l'appui des talons qui peuvent
ainsi regagner plus vite leur hauteur normale.
Ce serait un non-sens de vouloir élever des talons naturellement
bas par un fer à éponges épaisses ou à crampons ;
on détruirait ainsi l'exacte coaptation des surfaces articulaires.
Cette pratique, recommandée par des auteurs

DÉFECTUOSITÉS D APLOMB. 119
anciens, aurait de plus l'inconvénient d'éloigner la fourchette
du sol et de faire supporter aux talons des pressions
plus considérables qui les affaibliraient encore davantage.
11 faut en tout état de cause diminuer l'appui des talons
bas ou même le supprimer s'il provoque de la douleur. Les
ferrures qui permettent l'appui de la fourchette (Lafosse,
Poret, Charlier) répondent à la première indication ; la
deuxième est réalisée par le fer à planche.
Il faut toujours maintenir lapince dans de justes limites,
la parer souvent et la raccourcir autant que possible,
ferrer juste, relever légèrement la pince du fer et incruster
le pinçon.
C. Talons fuyants. — Définition. — Ils sont caractérisés
par leur excessive obliquité en avant; leur hauteur
peut être égale ou même supérieure à la hauteur normale.
Étiologie. — Cette conformation est quelquefois congénitale
et est commandée par la disposition du bourrelet;
elle se rencontre surtout sur les chevaux long
jointes, elle est alors la conséquence de la surcharge
imposée aux parties postérieures ; elle constitue souvent
un premier degré d'encastelure et résulte de l'atrophie
des bulbes de la fourchette.
Elle s'observe normalement chez les poulains par le
fait de la convergence générale des fibres cornées vers
la pince et se rectifie spontanément dans la suite ; mais
ellepeut persister plus longtemps ou toujours; elle serait
alors « la conséquence d'un manque de corrélation entre
l'action du fléchisseur profond et celle de l'extenseur
antérieur des phalanges. On voit, en effet, des poulains
s'appuyer sur les talons, la pince du sabot étant plus ou
moins en l'air » (Pader) (1).
Caractères. — Conséquences. — Les talons sont plus
obliques que la pince, de sorte que le contour plantaire
est moins grand que le contour coronaire. Les talons
(I) Marichalerie, p. 369.

120
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
peuvent être obliques en avant et en dedans, ils sont dits
alors couchés, ils sont serrés par le bas ; on les dit roulés
s'ils se contournent de dehors en dedans. Les talons
fuyants, couchés ou roulés supportent plus directement.
l'os du pied; leur podophylle peut être écrasé par les
pressions exagérées de l'appui et cela explique la fréquence
des bleimes sur ces pieds.
L'obliquité des talons, comme leur défaut de hauteur,
incline le pied en arrière; les conséquences de cet aplomb
défectueux sont connues.
Indications. — Elles sont à peu près les mêmes que
pour le pied à talons bas, c'est-à-dire décharger autant
que possible les talons en faisant supporter l'appui à la
fourchette et aux parties antérieures du sabot. Pour
cela raccourcir la pince, ferrer court en pince, exciser
des talons tout ce qui recouvre les branches de la sole,
fer à éponges minces ou mieux fer à planche.
Chez les poulains dont le pied s'incline en arrière, on
peut rétablir progressivement l'aplomb avec le demi-fer à
planche recommandé par Pader (fig. 57 et 58), gràceauquel
les talons sont protégés et la pince s'use parle frottement.

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 121
XIV. — PIED INCLINÉ SUR UN QUARTIER.
Pied de travers. — Définition. — Le pied de travers
est caractérisé par l'inégalité de hauteur ou d'obliquité
des quartiers et l'inclinaison de l'axe digital dans
le sens transversal.
Étiologie. — Cette défectuosité est congénitale ou
acquise.
Congénitale, elle est sous la dépendance d'un vice
d'aplomb du membre (chevaux trop serrés ou trop ouverts,
chevaux cagneux ou chevaux panards).
Acquise, elle est le plus souvent le résultat d'une mauvaise
ferrure, de ce que le maréchal a paré inégalement
les deux quartiers. Cette cause est fréquente, la manœuvre
du boutoir, étant plus ou moins facile selon le quartier
considéré; et c'est pour cela qu'aux pieds antérieurs
tout au moins, le quartier interne au pied gauche et le
quartier externe au pied droit sont souvent plus abaissés.
L'inclinaison transversale du pied peut se produire
par le fait de l'usure inégale d'un pied accidentellement
déferré. On l'observe aussi sur les poulains dont les sabots
ne sont pas garnis de fers et que l'on fait travailler sur
des terrains durs, irréguliers (Girard, Rey). Elle peut survenir
à la suite des lésions unilatérales des articulations
phalangiennes ; faisant dévier ces articulations d'exostoses
repoussant le bourrelet dont la surface génératrice
se rapproche de l'horizontale.
Caractères. - Conséquences. — Le pied peut être de
travers en dehors ou de travers en dedans.
Il est de travers en dehors, lorsque c'est le quartier
externe qui est le plus long et le plus oblique, l'extrémité
digitée penchant en dedans.
II est de travers en dedans, quand, au contraire, le
poids du corps verse en dehors, le quartier interne étant
le plus long (Peuch et Lesbre) (fig. 59).

122
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
Le quartier le plus bas supporte une surcharge plus
ou moins considérable et subit un surmenage plus ou
moins intense, aboutissant à des déformations plus ou
moins graves. Si le parallélisme de l'os et de la face
plantaire du sabot n'est pas rompu, c'est-à-dire si la
déviation est naturelle et concorde avec une semblable
déviation du membre,
le pied peut conserver
sa forme et sa puissance.
Dans le cas contraire,
le quartier abaissé su­
j
;
Fig. 59. — Pied de travers.
\
/
7
bit des pressions vulnérantes
et la bleime est
la règle ; le bourrelet
lui - même subit une
compression, ce qui aggrave
le vice; la paroi
s'infléchit vers le centre
du pied (pied cambré),
s'amincit et se resserre ;
le pied devient asymétrique,
s'encastelle ;
du côté opposé la paroi
s'allonge plus vite,
elle devient oblique en
dehors.
Dans les articulations plus ou moins disjointes se produisent
des distensions ligamenteuses et des écrasements
des marges osseuses; les végétations inflammatoires dont
ces accidents sont la cause fixent définitivement les
rayons dans leur position défectueuse. La troisième phalange
elle même se déforme, sa hauteur diminue du côté
où le sabot est le plus bas (Magnin) (1).
L'inclinaison latérale du pied s'accompagne souvent
(1) Sur les déformations de l'os du pied consicutives au dénivellement
plantaire sur le cheval (Bull, de la Soc. centr. de méd. vétér., 1898, p. 237).

DEFECTUOSITES D APLOMB. 123
d'une déviation de la pince en dedans ou en dehors selon
que c'est le quartier externe ou le quartier interne qui
est le plus bas ; c'est-à-dire qu'un pied de travers devient
ordinairement cagneux ou panard (Rey).
Indications. — Rétablir l'aplomb du pied paré de travers ;
on évite ainsi, si on intervient assez tôt, tous les accidents
que nous savons être la suite de cette inclinaison forcée
du pied. On abaisse le quartier le plus élevé ou on
élève le quartier le plus bas si la parure de celui-ci a
été excessive et s'il est déjà sensible. Pour obtenir ce
dernier résultat, on place une ou plusieurs lamelles de
cuir ou de la gutta-percha
sur la face supérieure
de la branche du fer.
On peut aussi, s'il existe
de la douleur, soustraire
le quartier le plus bas à
l'appui en plaçant un fer
à planche reposant sur
la fourchette et sur le
quartier le plus haut.
Lorsque le membre luimême
est de travers, il
est indispensable de
maintenir raplomb naturel
du pied, c'est-à-dire
de maintenir le parallélisme
de l'os et du sabot ;
ce serait une erreur
grossière de parer ces
pieds perpendiculairement
à l'axe oblique du
membre, comme certains
auteurs l'ont con­
1, paroi trop haute. —2, paroi trop
basse. — 3, 4, limite de corne a réséquer.—
6, corne à râper. — Les lignes 3,
5, et 7, 8, indiquent la position que doit
prendre le fer sous le pied.
seillé. Ils doivent être parés selon un plan horizontal,
pour que l'appui soit normal et en harmonie

124 DEFECTUOSITES DU PIED.
avec la disposition des plans articulaires (fig. 60).
Il serait également dangereux de redresser brusquement
une inclinaison acquise depuis longtemps. Le fer
à branche renforcée (Rey) ou compensatrice (Watrin),
le fer à bosse (Jauze), le fer à crampon unilatéral
sont irrationnels et nuisibles. On doit procéder graduellement,
parer le quartier le plus élevé et ferrer très
juste de ce côté, donner un peu plus d'épaisseur et de
couverture à la branche du fer qui correspond au quartier
le plus bas et la faire garnir légèrement. On peut
aussi employer la ferrure à quartier ou ferrure .orthopédique
de Sempastour (L. Lafosse) consistant dans l'application
d'une seule branche de fer sur le quartier le moins
haut; le quartier le plus développé s'use parle frottement
(fig. 61).
XV. — PIED DEVIE EN AVANT.
Les pieds communément désignés sous les noms de
pied pinçard, pied rampin, pied bot, sont des pieds déviés

DÉFECTUOSITÉS D APLOMB. 125
en avant. Ils ont comme caractère commun d'effectuer
leur appui surtout ou même exclusivement par la pince.
La signification accordée à ces termes varie beaucoup
avec les auteurs. La plupart (1), cependant, leur font
désigner des degrés différents de la même défectuosité.
A. Pied pinçard. — Définition. — Le pied pinçard
effectue son appui presque exclusivement par la pince,
surtout lorsque l'animal est en marche ; sa forme générale
n'est pas modifiée, sa paroi antérieure affecte une
direction verticale.
Étiologie. — Ce vice est congénital ou acquis (2). Il est
assez fréquent aux pieds postérieurs, mais exceptionnel
aux pieds antérieurs. L'àne et le mulet en sont plus souvent
affectés que le cheval.
La cause la plus habituelle de cette défectuosité est
une altération du tendon fléchisseur du pied, amenant
une rétraction plus ou moins accusée et fixant la troisième
phalange dans la position de flexion permanente.
Toute dénivellation antéro-postérieure du pied peut
aboutir aupinçardisme. L'inclinaison sur les talons et l'extension
habituelle de l'articulation du pied ne lardent
pas à provoquer des distensions tendineuses dont la suite
fatale est une rétraction de ces mêmes organes.
L'inclinaison sur la pince et la flexion permanente de la
troisième phalange déterminent, elles aussi, une rétraction
tendineuse, non plus d'ordre inflammatoire, mais adaptative,
si on peut s'exprimer ainsi. Mouilleron (3) a remarqué
que des chevaux séjournant sur une litière de tourbe
(1) Entre antres : L. Lafosse, Traité de path. vêt. — Goyau, Traité de maréchalerie.
— Peuch et Lesbre, Précis du pied du chenal. — Delpérier
Étude spéciale du sabot du cheval.
(2) M. Cadiot, art. Pire du Dictionnaire Bouley, — Pader, Précis de maréchalerie,
— Cadiot et Almy, Traité de thérap. chirur., parmi les auteurs
récents, désignent sous le nom de pied pinçard celui qui est dévié consécutivement
à une affection des tendons et réservent le terme de rampin pour la,
défectuosité de mime ordre d'origine congénitale.
(3) Mouilleron, Bemarques sur les chevauxpinçards (Bull, de la Soc. centr.
de mid. vit., IS'iT, p. 278).

126 DEFECTUOSITES DU PIED.
ont une grande tendance à devenir pinçards ; ils creusent
dans la tourbe une empreinte très inclinée d'arrière en
avant dans laquelle le pied se trouve assis sur un plan
oblique, et les tendons relâchés finissent par se rétracter.
Cette position est prise spontanément par l'animal lorsqu'il
est atteint de synovite sésamoïdienne, de forme, de
bleime, etc., et plus généralement d'une lésion douloureuse
des parties postérieures de l'extrémité digitée.
Aussi ces affections se compliquent-elles à la longue de
pinçardisme.
Certains chevaux, disent Peuch et Lesbre (1), dont les
pieds postérieurs sont parfaitement conformés et effectuent
leur appui normalement pendant le repos, deviennent
extrêmement pinçards dès qu'ils se mettent en
marche. Il y a lieu alors de soupçonner quelque gêne
dans la région inguinale ; par exemple, on peut constater
ce fait chez des chevaux atteints de fistules de castration.
Caractères. — Conséquences. — La forme générale du
pied pinçard n'est guère modifiée; cependant les talons
sont habituellement hauts, la pince courte, arrondie par
l'usure. La paroi antérieure est plus mince que dans un
pied ordinaire ; si le vice est congénital, cette partie offre
au contraire une plus grande épaisseur.
La direction du paturon varie suivant les cas. Il se
redresse et l'animal est plus ou moins bouleté, s'il existe
une rétraction tendineuse inflammatoire. Il s'affaisse au
contraire si la flexion de la phalange est primitive. Dans
l'un et l'autre cas, les surfaces articulaires se créent des
rapports nouveaux qui se confirment de plus en plus,
jusqu'à devenir un obstacle insurmontable, quand on veut
faire récupérer au pied son assiette normale. Les formes
coronaires sont une complication fréquente de cet état
de choses. Dans l'un et l'autre cas aussi, le bourrelet de
pince subit des pressions exagérées.
(1) Précis du pied du cheval, p. 368.

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 127
Le retard de l'avalure et l'amincissement de la paroi
sont les premières conséquences de ces pressions, la
seime en résulte aussi fréquemment. Lesbre (1) a trouvé
des noyaux cartilagineux dans le bourrelet ainsi comprimé,
et, au même niveau, dans l'épaisseur du tendon
extenseur, un nodule sésamoïde. Les pieds pinçards sont
très prédisposés à l'encastelure, la fourchette ne venant
presque jamais à l'appui.
Les chevaux pinçards sont ordinairement clos et crochus
du derrière (Dupon) (2). — Ils sont peu faits pour
les allures rapides, leurs réactions sont très dures. Ils
peuvent être employés pour le trait au pas, mais leur
appui est mal assuré et ils se fatiguent vite.
Indications. —Faire participer à l'appui toute la surface
plantaire.
On a conseillé pour réaliser cette indication, d'amener
les talons au contact du sol en forçant en quelque sorte
l'articulation à s'étendre. On a prétendu obtenir ce résultat
par un fer à pince très épaisse (Rey) ou prolongée à
l'excès et en abattant les talons (Girard), pour augmenter
encore l'effet d'extension. En réalité on n'aboutit ainsi
qu'à aggraver le vice, à surcharger les tendons déjà endoloris
et à provoquer leur plus grande rétraction.
Il faut au contraire fournir au cheval l'inclinaison d'appui
qu'il demande et mesure par l'attitude de son pied au
repos; on ménagera donc les talons et on placera des
crampons de hauteur convenable pour donner un appui
à cette région (fig. 62). L'animal peut ainsi, sans distendre
son tendon, s'appuyer sur les parties postérieures de son
pied et soulager dans une certaine mesure le podophylle
antérieur. La pince de corne prend plus de force en même
temps que les tendons, moins tiraillés, se restaurent peu
à peu. Il devient possible alors de raccourcir les cram-
(1) Lesbre, loc. cit. (Journ. de méd. vit. et zootech., 1900, p. 336).
(2) Dupon, Quelques observations relatives à la ferrure des chevaux pinçards
(Journ. de méd. vit. milit., t. Il, 1863-64, p. 431).

128
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
pons, puis de parer les talons et finalement d'obtenir la
disparition du vice. Le fer pinçard doit présenter aussi une
légère garniture en avant, et être couvert en pince et en
mamelles pour augmenter la durée de la ferrure; on peut
aussi, dans le même but, souder dans cette région une
plaque d'acier (Lungwitz). Des crampons mobiles, qu'on
pourra remplacer à volonté par des crampons moins longs
sans attendre le renouvellement de la ferrure, peuvent
être conseillés (Delpérier). Lorsque la déviation est peu
accentuée, on peut se contenter de protéger la pince du
sabot par une lame métallique, une pince de fer maintenue
par trois ou quatre clous (Pader), les talons restant
soumis à l'usure naturelle (fig. 63).
Il ne faut pas négliger certaines précautions accessoires;
c'est ainsi que l'obliquité trop grande du solde
la stalle peut compromettre les résultats de la ferrure ; que
le service en plaine est beaucoup plus favorable que le
service sur routes montueuses. Il est enfin à peine besoin
d'ajouter que les soins nécessaires doivent être donnés
aux tendons et aux articulations malades.
Pour certains jeunes poulains, dont le sabot se dévie
pour ainsi dire spontanément en avant, cette tendance

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 129
peut être combattue par un exercice méthodique sur piste
pénétrable, afin de fortifier tout l'appareil fléchisseur du
membre et du pied (Delpérier).
Pied rampin. — Définition. — Le pied rampin fait
son appui exclusivement par la pince, cette région est
inclinée de haut en bas et d'avant en arrière, la flexion
du pied est telle que, dans la marche, le devant de la paroi
? use « en traînant, en rampant sur le sol » (Goyau) (1).
Étiologie. — Le pied rampin n'est qu'une aggravation
du vice précédent (Goyau, Peuch et Lesbre, Delpérier).
Les causes indiquées pour le pied pinçard peuvent donc
aboutirau pied rampin; en particulier, un traitement mal
dirigé contre la première défectuosité et qui aggrave les
altérations tendineuses.
Caractères. — Conséquences. — L'assiette du pied rampin
est profondément modifiée. L'obliquité en arrière de
la ligne de la pince s'exagère à chaque appui, de sorte que
la face antérieure de la paroi prend souvent contact avec
le sol et que le pied se renverse tout à fait en avant.
L'animal est parfois extrêmement bouleté ; d'autrefois la
flexion est si exagérée que le paturon s'appuie sur les
bulbes du coussinet plantaire. Une pareille déviation du
pied fait beaucoup souffrir l'animal, d'autant plus que
le sabot ne tarde guère à se déformer et à prendre les
caractères du pied bot.
Indications. — Si le cheval est jeune et si la lésion
n'est pas très ancienne, on peut essayer le traitement
applicable au pied pinçard; on prolonge seulement un
peu la pince du fer (fer à la demi-florentine) dans la
mesure de l'inclinaison en avant de la paroi. La figure 64,
ci-après, représente le résultat obtenu par ce moyen,
(I) Certains auteurs ne distinguent pas le pied rampin du pied pinçard;
d'antres les différencient seulement quant à leur origine (Voy. la note précédente,
p. 125 ; .pour quelques-uns enfin, le pied pinçard serait une aggravation
du pied rampin ; dans ce dernier, l'appui serait moins exclusivement que
dans le premier limité i la pince (Rey).

130
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
après un mois et demi de traitement sur un pied antérieur
d'une pouliche de dix-huit mois (1). Sur les animaux
âgés il est rarement possible d'obtenir le redressement du
pied rampin ; on doit le plus souvent se borner à le rendre
compatible avec un travail assez régulier.
La ferrure doit avoir pour but de fournir au pied ram­
pin un appui aussi large que possible et de soulager le
podophylle antérieur surchargé.
On taillera donc la pince de façon à ce que l'appui
s'effectue sur une surface aussi étendue que possible. Le
fer reproduira lui-même cette surface plane et portera
des crampons dont la longueur sera en rapport avec
l'élévation du talon. On peut aussi (Delpérier) isoler la
pince du reste de la muraille par deux rainures limitrophes
faites sur le milieu de chaque mamelle (fig. 65).
Dans le but de forcer le pied rampin à appuyer sur les
talons et de l'empêcher de basculer en avant, on a recommandé
différentes formes de fers à bec~(fig. 66). Leur
emploi est irrationnel et barbare, dans les conditions or-
(1) Borne vétérinaire, 1902, p. 5.

DÉFECTUOSITÉS b'APLOMB. 131
dinaires ; ils pourraient rendre des services dans les cas
où l'on se déciderait à pratiquer le redressement chirurgical
par des ténotomies.
Pied bot (1). — La déviation du pied est extrême, elle
est liée à une déviation correspondante du boulet et du
paturon (bouletnre au troisième degré). Le sabot est dé­
formé. Par le fait de l'inclinaison inverse du bourrelet,
la paroi antérieure est non seulement oblique en arrière,
(l)Girard,comparant cette difformité à celle du même genre eiistantchez
l'homme, définit le pied bot, nne torsion du sahot soit en dedans, soit en
dehors le sabot est parfois allongé et contourné comme la corne d'un bélier
» (Voy. Pied long).

132
DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
mais elle présente une concavité antérieure (pied cambré),
Les talons sont plus ou moins longs. La muraille est
toujours profondément cerclée.
Le pied bot est lié à la bouleture (fig. 67). Toutefois elle-ci
n'entraîne pas nécessairement le pied bot; il est commun
de voir le paturon se redresser et le boulet se projeter en
avant, tout en laissant
au pied son assiette nor-
l J ied bot et bouleture. Fig. — tîouleture sans
malion du pied.
défor
maie (fig. 68).Cette forme de bouleture est provoquée par
la rétraction exclusive du perforé et du suspenseur du
boulet; la rétraction du perforant entraîne nécessaire' 1
ment une déviation corrélative du pied. Le pied bot est
toujours une défectuosité très grave, à peu près incurable
; elle n'est point compatible avec une utilisation
sérieuse de l'animal.
Indications. — On emploie ordinairement un fer à
pince très prolongée (fer à la florentine). Il est quelque-,
fois indiqué, si la valeur du sujet, nonobstant sa difformité,
est suffisante, de tenter le redressement du membre
et du pied par des ténotomies appropriées.

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 133
XVI. — PIED DÉVIÉ EN ARRIÈRE.
Pied talus. — Dans le pied talus (Lesbre) (1), l'appui
se fait exclusivement sur les talons; i la face plantaire
regarde en avant et le pied bascule à chaque poser de
manière à faire appui sur la hauteur des talons, l'animal
est bas-jointéà un tel degré que le boulet fléchit souvent
jusqu'au sol » fig. 69 . Il s'agit là, le plus souvent, d'une
difformité congénitale, résultant d'une laxité extrême
des tendons fléchisseurs; elle est l'exagération d'uTi état
normal primitif, attendu que tous les poulains nouveaunéseffectuent
l'appui principalement en talon, leur sabot
en forme de griffe tronquée ne se prêtant pas tout
d'abord à une attitude nettement onguligrade.
Pareille déviation peut s'observer après certaines ruptures
tendineuses, du perforant en particulier.
Dans l'un et l'autre cas, la difformité est incurable et
le sujet inutilisable.
(I) F.-X. Lesbre, Note sur un cas depied taluschez le cheval (Journ. de
mid. vét. et zootech., 1893, p. 398).
Chirurgie du pied. 8

134 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
XVII. — PIED DÉVIÉ EN DEDANS.
Pied cagneux. — Définition. — Le pied cagneux a
la pince déviée en dedans; son axe antéro-postérieur
prolongé couperait le plan médian du corps plus ou
moins en avant du membre (fig. 70).
Étiologie. — Cette défectuosité affecte surtout les pieds
antérieurs, le plus souvent les deux à la fois. Elle est
ordinairement liée à une déviation correspondante des
rayons osseux à partir du genou ou à partir du coude
(coudes ouverts), ou à partir du jarret dans les membres
postérieurs (jarrets ouverts).
Mais elle peut n'intéresser que le pied. Elle est congénitale
ou acquise. Un certain nombre de cas réputés
d'origine congénitale doivent être provoqués par des
manœuvres obstétricales (Delpérier).
Cette torsion des axes osseux les uns sur les autres
serait souvent due chez les jeunes, suivant Pader et Delpérier,
à un manque d'équilibre entre certains muscles

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 135
abducteurs et certains muscles adducteurs. Cette hypothèse
n'a rien que de très rationnel ; elle est plus plausible,
à notre avis, que celle émise par Vachetta (de Pise),
et suivant laquelle le vice en question serait produit par
une rétraction de la bride interne de renforcement de
l'extenseur antérieur des phalanges.
La ferrure mal exécutée peut aboutir, peu à peu, à la
cagnosité. C'est là d'ailleurs la cause habituelle de la défectuosité
acquise.
Pour faire instantanément un pied panard (ou cagneux),
dit Goyau (1), « il suffit d'abattre la mamelle, le quartier et
le talon du dedans (ou du dehors) du sabot, et de donner
de la garniture du côté opposé ; la continuation de ces
manœuvres entraine un vice d'aplomb permanent et
difficilement remédiable ».
Tout pied de travers en dedans est donc très prédisposé
à devenir cagneux. La déviation de la pince est, en quelque
sorte, le résultat des efforts inconscients de l'animal
pour faire quand même l'appui sur toute la surface plantaire
dénivelée.
Cette inûuence de la ferrure explique comment un
pied cagneux peut exister à l'extrémité d'un membre
bien d'aplomb ou même panard ; dans ces conditions, le
vice est toujours de « fabrication humaine » (Goyau).
Caractères. — Conséquences. —Nous venons de voir que
la dénivellation latérale du pied est une cause fréquente
de la cagnosité. La réciproque est-elle vraie ou le pied
cagneux congénital conserve-t-il sa conformation normale?
Une inégale répartition des pressions sur les
diverses parties du sabot dévié doit nécessairement
entraîner la déformation de cet organe. La plupart des
auteurs (2) s'accordent pour affirmer cette irrégularité
(1 ) Maréchalerie, p. 56.
(î) Poncet (Des torsions verticales du pied et des rayons des membres ou
du cheval cagneux et du cheval panard, in Journ. de méd. vét. milit., t. VI
1867-68, p. 625) a soutenu, au contraire, que l'appui du pied cagneux et du
pied panard est parfaitement régulier et qne leur conformation est normale.

136 DEFECTUOSITES DU PIED.
de l'appui du pied cagneux, mais diffèrent d'avis sur les
régions qui supportent un excès de pression. L'excès
d'appui, d'après Peuch et Lesbre, se ferait sur des points
opposés en diagonale, c'est-à-dire la mamelle externe et
le talon interne ; pour Pader, ce serait au contraire le talon
externe qui serait le plus surchargé. On constate généralement
que les effets de la concentration des pressions
(l'usure du fer ou du sabot) se montrent du côté externe,
vers la mamelle, ou plus souvent vers le talon, suivant
que le pied est incliné en avant ou en arrière (1).
L'avalure se ralentit dans les parties surchargées, le
quartier externe se redresse, le quartier interne s'évase et
le vice s'accentue de plus en plus. Des lésions podophylleuses
surviennent, une boiterie persistante en est
souvent la conséquence.
En marche, les chevaux cagneux effectuent la translation
du pied suivant un arc de cercle à convexité extérieure
(Lungwitz), de sorte qu'ils ne sauraient se couper
(Goyau, Fogliata, Pader, Peuch et Lesbre). Cet accident
toujours rare est cependant moins exceptionnel si la
déviation n'intéresse que le pied. Dans ce cas, et aux
allures vives, les animaux peuvent se percuter au niveau
du genou ou du canon avec la mamelle du pied en
action.
Indications. — Rendre aux muscles des membres leur
équilibre d'action serait, pour les jeunes sujets, l'idéal
du traitement ; on y tendra par une gymnastique
rationnelle — exercice sur piste adhérente et circulaire,
enferges élastiques (Delpérier). L'emploi de l'électricité
(Pader) est, dans l'espèce, une indication purement théorique.
La section de la bride interne de renforcement de
(1) Thary, De l'usure du fer dans ses rapports avec les aplombs et le genre
de service (Bull. Soc. centr. de méd. vét., 1898, p. 461). —, Des constatalions
faites sur la ferrure des chevaux d'un régimenl de cavalerie ont amené
cet auteur à conclure, contradictoirement avec les données classiques, que, en
général, le pied cagneux use en dedans et le pied panard en dehors.

DEFECTUOSITES D APLOMB. 137
l'extenseur antérieur des phalanges (Vachetta) n'a aucun
effet.
On ne peut songer à rendre l'aplomb à l'animal adulte
dont les articulations ont définitivement acquis une forme
défectueuse. Des appareils orthopédiques inventés pour
détordre les pieds déviés (Poncet) n'ont jamais pu être
préconisés sérieusement.
Redresser un membre panard (ou cagneux) est impossible
et ne doit pas être tenté (1). » La ferrure sera
donc palliative et non curative. Elle peut corriger le
défaut dans une certaine mesure, en empêcher l'aggravation,
en diminuer les inconvénients. Dans les cas
où le vice est acquis et encore récent, elle peut cependant
aboutir progressivement à la guérison complète.
Mais à l'extrémité d'un membre cagneux, il faut un pied
cagneux pour que l'appui soit régulier et les pressions
convenablement réparties ; c'est-à-dire qu'il faut se garder
de disposer la face plantaire du sabot perpendiculairement
à la direction du membre, de trancher dans le
quartier interne, d'épaissir la branche externe du fer ou
de la soulever par une bosse.
Le pied cagneux doit être posé perpendiculairement à
la verticale. Cependant, comme il est préférable qu'il
existe une tendance au redressement plutôt qu'à l'exagération
du défaut (Pader) et qu'il n'existe pas d'ailleurs de
repère précis, il faut tenir le quartier interne un peu bas
par rapport à l'horizontale. On coupe le bord de la mamelle
interne, on arrondit et on râpe cette région; cela
peut éviter certaines dérobures et masquer un peu le défaut.
Le fer est un fer ordinaire, un peu couvert du côté
externe pour éviter l'usure trop rapide. Il garnit légèrement
en mamelle externe et talon interne ; il est au contraire
un peu rentré en mamelle interne et talon externe,
(1) Manuel de maréchalerie militaire.

138 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
ce qui revient à mettre le fer droit quand même (1). Le
pinçon se trouve ainsi reporté en dehors et la torsion
du pied est moins apparente. La pince du fer est légèrement
relevée au niveau du pinçon, c'est-à-dire vers la
mamelle externe où se trouve le centre de, pivotement
(Pader). Dangel donne plus de longueur à la branche
externe pour mettre les éponges sur la même ligne.
Chez les poulains, lorsque la rectification du sabot ne
suffit pas, que l'usure du quartier surchargé est trop
rapide, Pader conseille l'usage d'une branche de fer (ferrure
à quartier de Sempastour) qui, pour l'anima,! cagneux,
serait une branche externe ; le quartier interne découvert
est maintenu dans de justes limites par le frottement,
et le pied se redresse ainsi peu à peu (fig. 61).
XVIII. — PIED DÉVIÉ EN DEHORS.
Pied panard. — Définition. — Le pied panard a la
pince déviée en dehors ; son axe antéro-postérieur prolongé
couperait le plan médian du corps plus ou moins
en arrière du membre (fig. 71).
Étiologie. — Cette défectuosité est de même ordre que
la précédente, il s'agit aussi d'une sorte de torsion verticale
des axes osseux les uns sur les autres, mais en sens
contraire. Les mêmes conditions étiologiques ont été ou
peuvent être invoquées. Ce sont surtout les membres
postérieurs qui sont affectés. La déviation du pied est
souvent liée à certaines conformations congénitales :
coudes au corps, genoux de bœuf pour le membre antérieur,
jarrets clos, grassets écartés du corps dans le
membre postérieur; cette dernière est quelquefois
acquise et produite par des lésions d'ostéo-arthrite assez
fréquentes en cette région.
(I) Defays, De la ferrure des chevaux panards et cagneux (Ann. de méd.
vêt., 1858, p. 409).

DÉFECTUOSITÉS D'APLOMB. 139
Les hypothèses relatives aux accidents obstétricaux
(Delpérier), au défaut d'équilibre des groupes musculaires
rotateurs (Delpérier, Pader) à la rétraction de la
bride externe de l'extenseur phalangien (Vachetta) comportent
les mêmes appréciations que précédemment.
Le rôle de la ferrure a la même importance dansl'étiologie
de la panardise que dans celle de la cagnosité. Il
est également possible de provoquer expérimentalement
en quelque sorte cette défectuosité, en abattant le côté
interne du sabot Goyau). Le pied de travers en dehors
devient presque toujours un pied panard quel que soit.
l'aplomb du membre.
Ajoutons enfin que, suivant Poncet (1), les chevaux
attachés au pâturage par un pied deviennent panards
parce que, pour atteindre leur nourriture, ils portent
leurs membres de côté.
Caractères. — Conséquences. — Le pied panard est
ordinairement incliné sur le côté interne. Que ce déni-
Ci) Poncet, Loc. cit., p. 631.

140 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
vellement ait précédé la déviation, ou qu'il soit la conséquence
de l'avalure retardée par l'excès d'appui sur
ce côté du sabot, dans les vices d'aplomb du membre, il
a toujours les mêmes inconvénients, c'est-à-dire : aggravation
progressive de la défectuosité, lésions podophylleuses,
boiterie.
La translation du pied chez les chevaux à membres
panards se fait suivant un arc de cercle à convexité intérieure
(Lungwitz). Aussi sont-ils fortement exposés à se
couper. Ils se blessent le plus souvent au moment du
poser du pied opposé (Poncet), non pas avec l'éponge
interne de ce dernier comme cela a été prétendu, mais
avec la mamelle ou la partie antérieure du quartier (Peuch
et Lesbre).
Indications. — Les principes formulés dans le chapitre
précédent sont applicables ici, aussi bien en ce qui
concerne l'emploi des moyens capables de combattre la
déviation du membre chez les jeunes (gymnastique raisonnée)
que dans la ferrure palliative du vice confirmé.
Rejeter tous les moyens tendant à donner au pied un
aplomb en désaccord avec la disposition congénitale ou
acquise des rayons osseux et de leurs articulations.
Parer le sabot suivant un plan qui, à l'appui, soit naturellement
horizontal, tout en ménageant autant que
possible le côté interne ; râper de court la mamelle
externe. Le fer est un peu couvert en mamelle et en
branche internes; il est juste en mamelle et en quartier'
externes pour déverser sur ces régions une plus grande
part de l'appui, et aussi en mamelle et quartier internes
pour éviter les atteintes; les éponges garnissent légèrement
;le pinçon est reporté en dedans, et, à son niveau, la
pince est légèrement relevée, pour dissimuler la défectuosité
et faciliter le pivotement du pied.
La ferrure à quartier, du côté interne, est, chez le poulain
en particulier, un bon moyen pour rétablir progressivement
l'aplomb (Pader).

DEFECTUOSITES D ÉPAISSEUR DE LA CORNE. lil
D. - DÉFECTUOSITÉS D'ÉPAISSEUR DE LA CORNE.
XIX. — PIED ÉPAIS.
C'est celui dont le sabot présente dans ses diverses
parties une épaisseur au-dessus de la normale. Pied
gras(l) est donné par quelques auteurs comme synonyme
de pied épais; Cadiot 2 , Peuch et Lesbre (3) réservent
cette dénomination pour les pieds dont la corne est tendre,
manque de dureté.
L'épaisseur de la corne indiquant un bourrelet bien
constitué et une kératogenèse active est un caractère de
bon pied. Le pied épais ne serait donc pas un pied défectueux
s'il n'était le plus souvent tendre, en môme temps
(pied gras
II ne faut pas non plus confondre l'épaisseur vraie de
la paroi avec les cas où celle-ci est doublée par une couche
à peu près uniforme de corne podophylleuse (kéraphyllocèle
diffus).
La muraille peut être irrégulièrement épaisse dans le
sens de la hauteur (Voy. Pied cerclé) ou dans le sens de
la largeur, le kéraphyllocèle mis à part, dans certains
cas de déformation cicatricielle du bourrelet (4).
L'épaisseur régulière de la sole est aussi une qualité
dont on a trop souvent le tort de priver le pied par une
parure excessive.
XX. — PIED MINCE.
Le pied dont la corne est trop mince, est aussi justement
appelé pied faible (Lafosse, Delabère-Blaine), et
(1) Cette dénomination, suivant Delpérier (Étude spéc. du sabot du cheval,
p. 496), indique que l'épaisseur de la muraille permet de brocher à gras,
mais n'implique nullement l'idée de corne plus ou moins molle ou tendre.
(2) Cadiot fart. PIED, Dictionnaire 11. Bouley, p. 161).
(3) Peuch et Lesbre, Précis du pied, p. 377.
(4) Delpérier, Loe.cit., p. 470.

142 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
quelquefois pied maigre. Cette dernière expression désigne
mieux le pied dont la corne est sèche en même temps
que mince, ce qui est d'ailleurs commun.
La minceur de la paroi tient à la disposition du bourrelet;
quelquefois congénitale, elle est souvent l'expression
de l'atrophie des organes kératogènes (encastelure)ilLe
sabot est parfois artificiellement aminci dans la ferrure,
la sole par le boutoir, la paroi par la râpe. La muraille
peut être aussi irrégulièrement mince dans sa hauteur
(pied cerclé) ou dans salargeur, lors de destructions partielles
du bourrelet (1).
Cette défectuosité est toujours grave parce que le
pied est insuffisamment protégé et davantage exposé
aux traumatismes extérieurs, parce que le sabot résiste
moins aux efforts intérieurs et est prédisposa aux
seimes, parce qu'enfin la ferrure de semblables pieds est
difficile et les accidents déterminés par cette opération
plus fréquents.
L'exercice sur piste adhérente (Delpérier) peut, sur de
jeunes animaux, favoriser l'amplification des organes
kératogènes; le massage et les frictions excitantes sur
la cutidure sont également des moyens susceptibles de
produire ce résultat.
La ferrure du pied mince ne comporte pas d'indications
spéciales, mais on doit apporter à son exécution
un soin tout particulier. Le fer sera léger, les clous minces,
l'appui de la fourchette assuré.
XXI. — PIED CERCLE.
Définition. — On désigne ainsi le pied dont la paroi
présente des reliefs ou des sillons en plus ou moins
grand nombre, disposés transversalement et s'étendant
(1) Delpérier, Loc. cit., p. 385.

DÉFECTUOSITÉS D'ÉPAISSEUR DE LA CORNE. 143
sur tout le contour pariétal ou sur une partie seulement
de ce dernier (1).
Caractères. — Ces irrégularités de la surface de la
paroi sont constituées tantôt par des reliefs, tantôt par
des dépressions ; c'est-à-dire que la paroi s'épaissit ou
s'amincit, et que, suivant les cas, son épaisseur est normale
au niveau des saillies ou au niveau des sillons.
Les cercles ou saillies sont arrondis, ils présentent
une surface convexe de haut en bas se continuant insensiblement
avec la surface concave du sillon qui les suit
ou qui les précède. Leur contour est régulièrement horizontal
ou plus ou moins ondulé. Us sont complets,
entourant tout le sabot, ou incomplets, limités à une
région de ce dernier.
On peut voir un cercle
incomplet s'intercaler
entre deux cercles
complets et rompre
le parallélisme de
ceux-ci ; leur largeur
peut varier d'un cercle
à l'autre ou dans
l'étendue d'un même
cercle (fig. 72 .
Les tubes cornés
sont en nombre égal
sur tous les points
de la paroi cerclée et I
de la paroi saine, ils s'infléchissent et s'écartent ou se
rapprochent les uns des autres suivant que la paroi
s'épaissit ou s'amincit. Les variations d'épaisseur de la
muraille paraissent dues à une légère variation de diamètre
des tubes cornés eux-mêmes, mais surtout à l'abondance
plus ou moins grande de la substance intertubulaire. La
II) Fambaeh. Die pathologische Bingbildung am Pferdehufe (Deutsche
Zeitschrift f. Thierm., 1895, p. 389).

144 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
face interne de la paroi est toujours lisse et nullement
influencée par les modifications extérieures.
Étiologie. — Les cercles traduisent des troubles dans
l'état anatomique ou fonctionnel du bourrelet cutidural.
On admet tantôt que l'épaississement de la paroi, constituant
le cercle, résulte d'une suractivité passagère du
bourrelet, d'une hyperkératogenèse, le sillon correspondant
au retour du bourrelet à l'état normal; tantôt, au
contraire, que la dépression témoignerait d'un ralentissement
dans la production cornée, le retour à l'état
normal se traduisant alors par un cercle. « Ces sortes d'ondes,
dessinées à la superficie de lamatière cornée concrète,
semblent correspondre à des états alternatifs de plus ou
de moins de congestion physiologique des tissus générateurs
de la corne et accuser des degrés dans l'activité de
leur sécrétion continue » (H. Bouley).
Cppendant on ne comprend guère que, la disposition du
bourrelet restant la même, le nombre de ses papilles ne
changeant pas, sa plus grande activité fonctionnelle se
traduise par un épaississement de la muraille. La corne
nouvellement formée épouse la forme de sa matrice et
ne saurait varier qu'avec celle-ci ; sa formation plus abondante
doit se traduire exclusivement par une avalure
plus rapide.
Les variations dans l'épaisseur de la paroi s'expliquent
mieux par des modifications passagères de la disposition
du bourrelet (I), qui s'incline plus ou moins sur l'horizontale
et dont la projection verticale devient par conséquent
plus ou moins large ; par une amplification de
cet organe dont la surface s'élargit effectivement- par
une sorte d'extension pure et simple, c'est-à-dire sans
que sa texture soit modifiée et sans que le nombre de
ses papilles soit augmenté.
(1) Biot, Soc. des sciences vét. de Lyon (séance du 28 mai 1899; Journ. de
méd. vét. et zootech., 1899, p, 386). — Pader, Soc. des sciences vét. de Lyon
séance du 15 octobre 1899).

DÉFECTUOSITÉS D'ÉPAISSEUR DE LA CORNE. 145
Le bourrelet s'épaissit et s'incline sous des influences
diverses d'ordre physiologique ou pathologique que
l'observation a bien établies. Elles produisent soit une
augmentation du réseau vasculaire cutidurien, soit un
épaississement delà couche conjonctivo-graisseuse sous
jacente, soit des infiltrations séreuses ou plastiques ou
aussi des proliférations élémentaires dans l'épaisseur du
tégument coronaire. Il s'agit toujours, en un mot, d'une
hypertrophie nutritive simple ou inflammatoire.
C'est par ces mécanismes qu'apparaissent des cercles
à la suite d'un simple changement de régime (1), d'une
nourriture plus abondante, plus alibile, d'un exercice
plus soutenu, plus régulier, ou d'une inflammation dans
l'épaisseur de la cutidure, quelle qu'en soit la cause
(traumatismes, frictions irritantes, extension de lésions
inflammatoires voisines, surmenage fonctionnel, etc.).
Le bourrelet s'amincit ou se redresse, et un sillon se
forme sous des influences inverses des précédentes, dont
le résultat est, soit une vascularisation moindre, soit un
amaigrissement et, en définitive, un certain degré d'atrophie
de la matrice unguéale. Des périodes de jeûne
qu'elle qu'en soit la cause, se traduisent par la formation
d'an sillon ; de même tous les processus de dénutrition,
tels qu'il en existe au cours de maladies générales
ou internes graves, provoquent un amincissement de la
corne formée pendant la durée de l'affection (2). Le repos
complet produit un résultat analogue, et c'est à cause
du repos forcé auquel est condamné un membre boiteux
que le sabot de celui-ci est très régulièrement cerclé ;
les sillons indiquent, par leur nombre, leur largeur et
(1) 11 est commun de voir se produire un cercle sur chaque pied au début
dn printemps, comme il s'en produit en somme sur les étuis cornés des
«rieorniens.
(î) L'on de nous a constaté sor lui-même un exemple remarquable de ce
mode de formation des sillons. Après une maladie grave, tous ses ongles
étaient creusés d'une dépression large et profonde, au fond de laquelle lu
corne était d'une extrême minceur.
Chirurgie du pied. °

146
DEFECTUOSITES DU PIED.
leur profondeur, les périodes d'aggravation et de rémission
de la boiterie, la durée de ces périodes et l'intensité
de la douleur ; la présence de semblables cercles n'implique
nullement que la lésion siège sur les organes kératogènes
eux-mêmes.
Telles sont, à notre avis, les conditions ordinaires
de production des cercles, reliefs ou dépressions. Ce ne
sont pas les seules.
Arloing (1) en a
révélé quelques
autres plus exceptionnelles
:
1° Une inflammation
très vive et
légèrement nécrosante
du bourrelet
s'accompagne d'un
Fig. 73. — Cercle consécutif à une inflammation
vive du bourrelet et à la formation dune
nouvelle paroi (Arloin
I. Cavité cutidurale de la paroi nouvelle; 2.
Paroi nouvelle en bordure saillaute au-iJessus de
l'ancienne; 3 et 4. Paroi ancienne; 5 Kéraphylle
de la paroi nouvelle; 6. KérapliyMe de la paroi
i cavité cutidurale.
décollement de la
corne cutidurale
et la nouvelle paroi
qui se forme
fait une saillie audessus
de la paroi
primitive. Ce cas
est en somme de
l'ordre de ceux cités plus haut, il s'agit encore d'un gonflement
inflammatoire du bourrelet (fig. 73).
2° Si l'inflammation frappe la partie supérieure du
tissu podophylleux en même temps que le bourrelet,.le
relief pariétal constaté dans la suite est formé par une
déviation delà paroi au-dessus de la cornepodophylleuse
qui la double à son intérieur (fig. 74).
3° Enfin certaines inflammations légères de la cutidure
(I) Arloing, Sur le moment où se forme tépaississement de la corne de
la paroi connu sous le nom de cercle (Journ. de méd. vit. et zootech., 1899,
p. 385).

DÉFECTUOSITÉS D ÉPAISSEUR DE LA CORNE. 147
se traduisent par une dépression de la paroi. Le processus
inflammatoire n'intéressant que la surface de la
matrice de l'ongle et souvent dans une partie seulement
de sa hauteur, la disposition de celle-ci n'a point changé ;
mais l'évolution épidermique a pu être troublée, amoindrie
dans les points malades, sans être compensée par une
réaction nutritive profonde vlig.7o .Les cercles dont la cause
est une modification de la nutrition générale ou locale
3
74.—
1. Corne po'ioph
r
.ier; 3
Cercle consécutif à une inflammation du hou prèlet
et du podophWle (Arloing .
.
<
Nouvelle paroi formée
par la corne podo phyileuse
N^
lure do faux
sous-jacenle.
sont toujours complets, régulièrement parallèles les uns
aux autres et de largeur uniforme dans l'étendue de chacun
d'eux. Les cercles incomplets sont dus à une altération
localisée du bourrelet. Celle-ci se propageant en
des temps différents sur tous les points du contour coronaire,
avec une intensité et une durée variable, donnera
lieu à des cercles irréguliers.
Conséquences. — Les cercles n'ont par eux-mêmes
aucune conséquence directe ; mais ils ont une grande
signification diagnostique ou pronostique relativement

148 DEFECTUOSITES DU PIED.
aux causes qui leur ont donné naissance. Un cercle
isolé se rapporte toujours à un changement dans la manière
de vivre de l'animal ou à une affection guérie,
dont la situation, l'épaisseur et la largeur du cercle indiquent
l'époque, la gravité et la durée. L'existence du
cercle sur tous les sabots ou sur l'un d'eux seulement et
sa forme indiquent s'il s'est agi d'une lésion du bourrelet
ou du membre ou d'une influence plus générale.
Mais les cercles multiples révèlent des lésions an­
ciennes, une boiterie intermittente ou rémittente, à
cause persistante. Leur présence est toujours un indice
grave, capable en tout cas de diminuer sérieusement la
valeur marchande du sujet,
Indications. — Pour la raison que nous venons d'indiquer,
le maréchal peut être incité à faire disparaître les
cercles en régularisant à la râpe la surface pariétale, mais
il est facile de reconnaître cette tentative de tromperie.
Cette manœuvre peut avoir des conséquences plus
graves ; elle diminue l'épaisseur de la paroi qui peut être
ainsi plus ou moins affaiblie ; les tubes cornés largement
ouverts à la surface du sabot facilitent la dessiccation de

DÉFECTUOSITÉS DE QUALITÉ DE LA CORNE. 149
la corne ou son imbibition par des liquides extérieurs
plus ou moins irritants et sa désagrégation.
Les seules indications rationnelles doivent viser l'état
ou la maladie dont les cercles sont une expression symptomatique.
Leur diversité est grande; ce n'est ni le moment,
ni le lieu de les examiner.
E. — DÉFECTUOSITÉS DE QUALITÉ DE LA CORNE.
XXII. — PIED TENDRE.
Définition. — Caractères. — Le pied tendre est celui
dont la corne est molle, peu résistante, se laissant facilement
entamer par les instruments tranchants et pénétrer
par les clous.
Étiologie. — Conséquences. — Cette défectuosité se
trouve surtout sur les chevaux communs, lymphatiques,
élevés dans les prairies humides. Le pied à corne blanche
est toujours plus tendre que le pied à corne pigmentée.
Le pied tendre est aussi le plus souvent un pied
épais (pied gras ; il est en même temps grand et plat.
Même dans les cas où la corne a un excès d'épaisseur,
le pied tendre est insuffisamment protégé i contre les
chocs extérieurs, contre les foulées sur des terrainsdurs
et pierreux » (Girard). Il est exposé aux lésions traumatiques
de toutes sortes, et en particulier aux brûlures de
la sole. Le fer manque de solidité, il s'arrache facilement,
emportant avec lui des fragments de paroi (pied dérobé).
Indications. — Parer le pied avec ménagement, respecter
scrupuleusement la sole. Fer léger, couvert, avec
une légère garniture protectrice. Clous à lame mince,
étampures multiples. Pinçons en quartier externe. Ferrer
à froid ou tout au moins ne pas prolonger le contact du
fer chaud. Éviter le séjour du pied dans l'humidité.
Recouvrir le sabot de goudron ou d'onguent de pied à
base de goudron.

150 DEFECTUOSITES DU PIED.
XXIII. — PIED SEC.
Définition. — Caractères. — Défaut opposé au précédent
et dans lequel là corne est sèche, dure et cassante.
Étiologie. — Conséquences. —11 s'observe congénitalement
sur certains sujets des races méridionales, mais, le
plus souvent, il est la conséquence d'un commencement
d'atrophie du pied. Le pied sec est presque toujours un
pied encastelé ; il a les inconvénients de ce dernier et est
exposé aux mêmes complications (Voy. Encastelure). Il
est ordinairement mince (pied maigre).
Dans le pied sec, la corne éclate facilement; il se détériore
à son bord plantaire (pied dérobé) ; cet inconvénient
est d'autant plus grave que la kératogenèse est peu active
et que l'avalure est lente.
Indications. — Rendre à la corne sa souplesse par
des bains ou cataplasmes fréquents et l'usage d'onguent
de pied de bonne qualité. Massages ou frictions irritantes
sur le bourrelet. Exercice ou séjour sur terrain pénétrable.
Le fer doit être léger, fixé par un petit nombre de
clous àlame mince, éloignés les uns des autres et répartis
sur tout le contour plantaire, consolidé par un ou plusieurs
pinçons bien placés ; il doit présenter un peu de
garniture.
XXIV. — PIED FENDILLÉ ET PIED FRIABLE.
Caractères. — Étiologie. — Le pied fendillé, dont le
sabot présente de nombreuses fissures superficielles
constituées par une sorte de désunion des tubes cornés,
et le pied friable, dont la corne se désagrège spontanément
et tombe presque en poussière, sont le résultat d'une
perturbation de la fonction kératogène. Cette perturbation
tient à un état pathologique particulier du bourrelet ou

DEFECTUOSITES DE QUALITE DE LA CORNE. 151
à un état général de la nutrition dont les conséquences
se font sentir sur tous les phanères.
Cette défectuosité est relativement commune sur les
ânes.
Conséquences. — La corne pousse très lentement, la
paroi se détériore à son bord inférieur et parfois sur
presque toute sa hauteur; les parties vives du pied
restent protégées par de la corne podophylleuse dont
la production < ^t habituelle dans ces cas. On a évidemment
les plus grandes difficultés à maintenir un fer, et
l'utilisation du sujet dont le pied est ainsi dépouillé
devient impossible.
Indications. — Li ferrure de ces pieds comporte
toutes les précautions susceptibles de fixer et d'immobiliser
le fer sur le sabot. (Voy. Pied sec et Pied dérobé.) La
corne désagrégée est râpée, le pied est nettoyé tous les
jours à l'eau pure et à la brosse, il est ensuite enduit de
goudron ; de temps à autre, il est enveloppé d'un cataplasme
antiseptique et une friction irritante est faite sur
le bourrelet.
Enfin, un traitement interne à l'arsenic peut donner
de bons résultats ; on sait en effet que cette substance
excite la vitalité du système phanérogène.
XXV. — PIED DÉROBÉ.
Définition. — Étiologie. — On appelle dérobé le pied
dont le contour inférieur est ébréché, irrégulier, par
suite de la destruction de lambeaux de parois plus
ou moins étendus. Cet accident peut être purement
accidentel et dû à un arrachement violent du fer
accroché dans un obstacle quelconque. Les meilleurs
pieds peuvent aussi se dérober lorsque le cheval déferré
est obligé de marcher sur des terrains trop durs, sur
une route pavée ou empierrée. Mais ces accidents se
produisent surtout lorsque le sabot n'a pas une résis-

152 DÉFECTUOSITÉS DU PIED.
tance normale, lorsqu'il est trop mince ou que la corne
est de mauvaise qualité; nous venons de dire que, dans
ces conditions, il est souvent difficile de conserver à
l'ongle son intégrité.
Conséquences. — Les conséquences de cette défectuosité
sont faciles à prévoir, ce sont l'insolidité du fer, le
défaut de protection du pied et les lésions traumatiques
des parties vives de cet organe.
Indications. — Elles visent d'abord les dispositions à
prendre pour assurer la solidité du fer. Les étampures
de celui-ci devront être placées en regard de la corne
intacte et parfois d'une manière très irrégulière (fer
à caractère) (Chabert). Les clous devront être à lame
mince et brochés haut ; des pinçons latéraux pourront
contribuer à consolider le fer. Ce fer sera léger, un peu
couvert, ayant le contour qu'aurait le bord plantaire s'il
n'était pas dérobé. Le fer Charlier peut être avantageusement
employé; la feuillure au bord de la paroi permet
quelquefois de faire disparaître les lacunes de celle-ci.
On peut remédier au délabrement d'un pied devenu
trop sensible et en restaurer la forme en comblant les
brèches avec de la gutta-percha (1). Cette substance,
rendue suffisamment consistante par l'incorporation
d'une certaine proportion de gomme ammoniaque
(Defays) (2), est susceptible de maintenir un fer broché en
partie dans son épaisseur.
On rend l'adhérence de la gutta-percha avec la corne
plus forte en badigeonnant les parties correspondantes
du sabot avec une solution concentrée de cette substance
dans du sulfure de carbone. On peut, par ce moyen,
obtenir une prothèse assez parfaite pour échapper à
l'attention d'un observateur non prévenu (Pader).
(1) H. Bouley, De l'emploi de la gutta-percha pour riparer les brèches
du sabot (Bec. demid. vét-, 1863, p. 161, 303 et 397).
(2) Defays, Béparation artificielle du sabot du cheval (Ann. de méd. vét.,
1861, p. 20).

CONTUSIONS. 153
Il est à peine besoin d'ajouter qu'il ne faut pas négliger
les moyens susceptibles de hâter la pousse de la corne et
de rendre à cette dernière sa ténacité et sa résistance
normales (Voy. Défectuosités précédentes).
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
I. — CONTUSIONS.
Étiologie. — Les actions contondantes auxquelles le pied
est exposé sont très nombreuses ; elles trouvent pour
la plupart leur source dans les rapports constants et
obligés que cet organe entretient avec le sol.
Les causes les plus habituelles des contusions du pied
sont les chocs du pied contre les corps durs en saillie sur
le sol et les violences extérieures résultant de coups,
coups de pied des congénères en particulier, de projectiles
divers ou même de balles (Kopp), de chutes de matériaux,
de heurts de roues de véhicules en marche, de
percussions par les instruments de ferrure brutalement
maniés, etc.
Indépendamment des lésions particulières, étroitement
localisées, que nous étudierons à part (contusions de la
sole, bleime, etc.), les tissus intracornés peuvent être
atteints en un point quelconque et présenter des altérations
de gravité et d'étendue très variables, suivant
l'intensité et le mode d'action du corps vulnérant.
Contnsions légères. — Une forme ordinaire de cellesci
est ce que les anciens désignaient d'une façon très
expressive : étonnement du sabot, c'est-à-dire, d'après
Girard (1,,« une sorted'ébranlement, de commotion imprimée
au tissu réticulaire, et déterminée, ou par un coup
violent sur le sabot, ou par un heurt très fort contre un
corps dur, et souvent par les coups que porte le maré-
ilj Traitidupied, 3« édit., 1836, p. 222.

154 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
chai pour relever les pinçons du fer, pour brocher les
clous et les river. Cette dernière manoeuvre devient surtout
dangereuse quand le pied est faible et délicat ».
Caractérisé anatomiquement par quelques fins raptus
vasculaires dans la membrane kératogène, de petits
foyers hémorragiques, l'étonnement du sabot peut causer
une douleur d'abord très vive et une boiterie intense,
mais ces signes se dissipent en quelques jours; il guérit
spontanément ou par les moyens les plus simples :
repos, bains froids, cataplasmes émollients.
Légères et abritées, les altérations des tissus vivants
disparaissent vite sans entraîner aucune complication;
la suppuration est exceptionnelle dans l'étonnement du
sabot. Les percussions répétées peuvent provoquer la formation
de kéraphyllocèles localisés ou diffus (Voy. Kéraphyllocèle)
; la boiterie devient alors permanente.
Contusions graves. — La violence du choc, l'intensité
de la pression supportée par le pied peuvent être telles
que la membrane kératogène est gravement meurtrie,
que l'os lui-même est fortement contus, fendu, ou écrasé.
Des hémorragies étendues existent entre la corne et le
tégument, entre ce dernier et la phalange, dans la gaine
sésamoïdienne et dans l'articulation.
Les ecchymoses et suffusions sanguines apparaissent
à la zone commissurale lorsqu'on pare la région plantaire.
La couronne se tuméfie. La douleur, toujours très
grande dès l'accident, est encore augmentée par la compression,
dans le sabot, des tissus enflammés et engorgés.
L'appui est à peu près nul.
L'exploration du pied est rendue difficile du fait des
réactions de l'animal dont les souffrances sont exacerbées.
La réparation complète de semblables dégâts est souvent
impossible. Même si les lésions restent aseptiques,
elles peuvent donner lieu à des altérations secondaires
graves (périostoses, cals, ankyloses, etc.) qui entretiennent
une claudication définitive.

PLAIES. — ÉCRASEMENT. 155
Le traitement se réduit aux indications suivantes :
« Déferrer et parer le pied avec ménagement, afin d'éviter
des ébranlements douloureux ; laisser le blessé au repos
absolu pendant quelques jours, et au besoin l'immobiliser
sur l'appareil de soutènement ; bains chauds, renouvelés
deux ou trois fois par jour, et enveloppement
humide durant les intervalles ou irrigation continue. On
s'abstiendra de toute opération avec la rénette ou la
feuille de sauge : au cas seulement où du gonflement
surviendrait à la couronne, pour atténuer la compression
exercée par la corne sur lestissus tuméfit's, on pratiquera
un amincissement avec la rénette ou la râpe, en ayant
soin d'éviter les échappées et l'infection de ces tissus.
Cet amincissement ne sera fait d'emblée que si la peau
de la couronne, sans être entr'ouverte, présente des
caractères ne laissant aucun doute sur la gravité des
lésions». (Cadiot et Almy.)
II. — PLAIES. — ÉCRASEMENT.
Plaies. —Les piqûres, coupures, plaies contuses, etc.,
sont exceptionnelles au niveau de la paroi; elles se rencontrent
au-dessus du bord supérieur de celles-ci, à la couronne
(Voy. Traumatismes de la région coronaire) ; elles
sont fréquentes à la face plantaire (Voy. Clou de rue. -
Accidents traumatiques de la ferrure).
Les blessures du pied faites par le chasse-corps des
tramways à traction mécanique sont habituellement des
sections nettes, qui divisent la partie touchée de l'ongle
et les tissus sous-cornés, entament la phalange, et produisent
des désordres presque toujours incurables
(Mouilleron.
Écrasement. — Il est le résultat d'une compression
violente supportée par le pied et dont les conditions les
plus habituelles sont les suivantes : une roue de voiture
pesamment chargée, frôlant le membre, passe sur la cou-

156 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
ronne et le*bord supérieur de la muraille, en pince, en
quartier ou en talon ; la pression s'exerce alors de haut
en bas ; elle s'exerce latéralement si le sabot est serré
contre une borne ou le bord d'un trottoir ou encore si, le
cheval étant tombé, l'extrémité du membre est prise sous
le véhicule écraseur. La chute d'un corps très lourd
qui tombe ou qui roule sur le pied peut aussi gravement
endommager ce dernier.
Les lésions de l'écrasement sont complexes. Le sabot
est déformé, souvent il a éclaté et s'est fendu en un ou
plusieurs points dans le sens des fibres pariétales; il est
décollé, désengrené, sur une plus ou moins grande
étendue, les lambeaux de corne sont soulevés et plus ou
moins déplacés, l'ongle est parfois totalement arraché
(Voy. Exongulation).
La membrane tégumentaire, les tendons, les ligaments
sont meurtris ou déchirés. La phalange et l'os naviculaire
sont fracturés ou écrasés.
A un tel degré, l'écrasement du pied entraîne la condamnation
du sujet, le traitement ne doit pas être
entrepris; mais on ne se rend pas toujours un compte
exact de l'étendue des lésions ; la crépitation, l'écoulement
de synovie, annonçant une fracture et l'ouverture
de l'articulation sont les signes les plus graves.
L'hémorragie n'est pas d'ordinaire bien abondante. La
boiterie est toujours très forte, souvent même l'appui
est nul.
Les complications précoces résultant de l'infection :
dermatite suppurée diffuse et décollements étendus de
l'ongle, dermatite gangreneuse, nécroses tendineuses et
osseuses, carie, arthrite suppurative, sont toujours à redouter;
les infections générales purulentes ou septiques
ne sont pas rares. Enfin les complications tardives d'exostoses,
d'ankyloses sont aussi très fréquentes, il faut les
prévoir dans l'établissement du pronostic; celui-ci est
toujours plus sévère si les lésions occupent les parties

BRULURES. — GELURES. 157
antérieures ou moyennes du pied que si elles sont localisées
aux talons.
Dans le traitement de semblables traumas.il ne faut
point trop se hâter d'enlever la paroi décollée; celle-ci
restant appliquée sur des tissus peu altérés et qui peuvent
n'être pas infectés les protège mieux et les soutient
plus exactement que le meilleur pansement; on amincira
seulement la corne autour des solutions de continuité
pour éviter le pincement. Mais on découvrira les lissus
sous-cornés si leur vitalité paraît compromise, ou si, les
jours suivants, du pus se forme à leur surface.
« L'intervention doit commencer par une rigoureuse
désinfection du trauma. Déferré et curé, le pied est préparé
par la section des poils jusqu'au boulet, par un savonnage
soigné de la région phalangienne et du sabot. Raser la
peau de la zone péritraumatique est aussi une excellente
précaution, trop souvent négligée. On ébarbera ensuite
les lèvres de la plaie en sacrifiant les lambeaux écrasés,
incapables de recouvrer leur vitalité; avec des tampons
d'ouate serrés entre les mors d'une pince, on fouillera
doucement les recoins du trauma afin de le débarrasser
des corps étrangers qu'il peut receler. Cela fait, le pied
sera immergé pendant une demi-heure dans un liquide
antiseptique chaud. La plaie ainsi purifiée, on la recouvrira
d'une couche d'iodoforme, de compresses de gaze,
puis on feral'emmaillotementde l'extrémité (Voy. fig. 12).
Pendant la première semaine, ce pansement sera
renouvelé toutes les quarante-huit heures. .» (Cadiot et
Almy).
III. — BRULURES. — GELURES.
Brûlures. — Les brûlures du pied sont presque toujours
des accidents de la ferrure. Cependant elles peuvent
être observées dans d'autres circonstances. Elles
sont quelquefois produites par des substances caustiques
(chaux vive, potasse, acides sulfurique ou nitrique, etc.;

158 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
on les rencontre sur les animaux utilisés dans certaines
exploitations industrielles ou chez lesquels on a fait un
usage intempestif et immodéré de ces substances pour
traiter une autre affection du pied (crapaud, seime, etc.).
Les brûlures par des métaux en fusion sont encore
plus exceptionnelles. Fiedeler cite le cas de chevaux
dont les pieds ayant accidentellement trempé dans un
bain de cette nature, furent brûlés au point que leurs
fers avaient rougi.
S'il faut en croire un livre arabe, les sables du désert
peuvent produire une sorte de brûlure de la sole sur les
chevaux des caravanes quand leurs pieds" sont déferrés
et trop profondément usés (Delpérier).
Ces brûlures, au point de vue des altérations qu'elles
déterminent et de leur traitement, ne diffèrent pas de la
brûlure, accident de la ferrure que nous étudions plus
loin (Voy. Accidents traumatiques de la ferrure).
Gelures. — Le sabot protège suffisamment les tissus
qu'il renferme pour que ceux-ci ne soient que tout à
fait exceptionnellement altérés par le froid. Les gelures
ont été observées au niveau de la couronne, surtout en
talons sur des animaux maintenus longtemps immobiles
par un froid rigoureux (Siedamgrotzky). C'est dans ces
conditions que Jewsejenko a vu se produire de nombreuses
gelures durant l'hiver 1877-78, au cours de la campagne
russo-turque.
La partie du tégument congelé se mortifie, s'escarrifie et
se détache, laissant à découvert une plaie plus ou moins
étendue, plus ou moins profonde.
Si les lésions exclusivement produites par le froid
sont très rares, il est assez commun d'observer une dermatite
gangreneuse coronaire provoquée par l'action
prolongée des boues froides irritantes et infectantes en
même temps. Cette dermatite estcliniquement semblable
à celle déterminée par les atteintes graves (Voy. Dermatite
gangreneuse coronaire). Le tissu podophylleux peut

EXONGULATION. 159
éprouver des altérations analogues sous l'influence des
mêmes causes, si le sabot présente une solution de
continuité, une seime par exemple.
IV. — EXONGULATION.
L'exongulation consiste dans la perte de l'ongle,
dans l'avulbionou l'élimination du sabot. Elle représente
un accident extrêmement grave, susceptible de se produire
dans des circonstances variées. Nous allons étudier
l'exongulation en envisageant successivement les
trois causes principales dont elle relève :
1° Exongulation par cause mécanique ;
2° Exongulation par processus inflammatoire des tissus
vifs du pied ;
3° Exongulation par troubles nerveux.
Dans le premier cas, on dit habituellement qu'il y a
arrachement du sabot ; dans le deuxième et dans le troisième,
on dit qu'il y a chute du sabot.
1° Exongulation par cause mécanique.
Bien que la membrane kératogène et le sabot soient
très intimement unis et que les liens qui les rattachent
l'un à l'autre permettent au pied de supporter des pressions,
des efforts de dislocation, des secousses très violentes,
etc., il peut arriver que la limite de cette adhérence
soit dépassée et que le sabot soit détaché et éliminé.
Ce phénomène se produit notamment lorsque le pied
est « pris », c'est-à-dire qu'il est retenu par un obstacle
quelconque ; mais, il n'est pas douteux que les efforts
puissants et brusques de locomotion puissent l'occasionner.
Toujours, c'est la contraction musculaire portée à
un haut degré, exaspérée en quelque sorte par les difficultés
ou la douleur que l'animal éprouve à libérer son
pied ou par les excitations brutales qu'il reçoit, qui est la
cause delà rupture des adhérences.

160 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Dans le premier cas, l'exongulation se produit lorsque
le pied se trouve pris sous la roue d'une voiture ou
dans une anfractuosité du sol, dans la rainure d'un rail
notamment (Baguzzi).
L'exongulation produite par la contraction musculaire
seule, le pied étant libre, sur une route par
exemple, a été niée par H. Bouley. Et, telle est, dit-il,
la solidité de l'union qui résulte de cette réciprocité de
réception (engrenures podophyllo-kéraphylleuses), que
si énergique que soit l'action musculaire d'un cheval, si
puissants les efforts à l'aide desquels il se cramponne au
sol pour déplacer les masses pesantes qu'il doit vaincre,
jamais la résistance des attaches du sabot n'est surmontée
dans ces circonstances. »
Les observations rapportées par Girard montrent
cependant que les efforts de traction, seuls, mais subits
et intenses, peuvent occasionner la perte de l'ongle. Un
mulet qui gravissait une rampe en traînant une voiture
de roulier reçut un violent coup de fouet sans avoir été
prévenu delà voix. « Cette impression inattendue l'excita
à un tel effort, dit Girard, qu'en se cramponnant de
nouveau, il se dessabota de l'un des pieds de derrière
(1).
« Un cheval attelé à une voiture publique allant de
Paris à Rouen tomba subitement sur le derrière, en glissant
: dans l'effort qu'il fit pour se relever et suivre le
mouvement de la voiture, les deux sabots de derrière se
détachèrent et ne restèrent fixés à la couronne que par
une portion de peau ».
Symptômes. — Les symptômes de l'arrachement du
sabot sont d'une constatation facile. Lors d'exongulation
sans écrasement du pied, la membrane tégumentaire
apparaît avec sa teinte rouge vif. Elle est toujours le
siège de déchirures plus ou moins étendues parlesquelles
(I) J. Girard, Traité du pied, Paris, 3' édit., 1836, p. 311 et 312.

EXONGULATION. 161
s'échappe une certaine quantité de sang. Les bords des
solutions de continuité sont irréguliers et frangés. Si
le pied a été écrasé, la membrane est elle-même broyée
dans certains points. (Voy. Écrasement, p. 153.)
La douleur éprouvée est souvent très peu prononcée, à
tel point que certains blessés parcourent encore, après
l'accident, un chemin assez long sans trop de difficultés
(Kalning, Schmidt, etc.). La stupeur locale explique ce
phénomène.
Pronostic. — Le pronostic de l'arrachement du sabot
est très grave. Même en l'absence de déchirures notables
de la membrane kératogène ou de plaies contuses liées à
des lésions profondes, il n'est pas économique — sauf
des cas très rares — de tenter la guérison, le laps de
temps nécessaire à la reconstitution du pied étant très
long : six à huit mois. Mais, il est certain que par des
soins convenables, on peut obtenir une guérison complète.
D n'est pas rare de constater, après la guérison, une
sensibilité anormale du pied, et une claudication plus
ou moins intense. C'est là une conséquence de lésions
cicatricielles profondes ou de déformations plus ou moins
graves du sabot que l'on ne peut combattre que par la
névrotomie.
Traitement. — Le traitement consiste dans la désinfection
des tissus mis à nu, et dans leur protection suffisamment
prolongée pour que la cicatrisation des plaies
se produise et que les tissus se recouvrent d'un fauxquartier.
Le pied sera immergé dans une solution antiseptique
tiède : crésyl, eau phéniquée, etc. Les parties de tissus
vouées à la mortification seront excisées. Toute la membrane
kératogène sera ensuite recouverte d'une poudre
absorbante et antiseptique, et on fera un pansement
ouaté.
Ce pansement, enlevé et refait au bout de trois à qua-

162 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
tre jours sera ensuite renouvelé de moins en moins
souvent. Lorsque la
membrane kératogène
s'est recouverte de corne
dans toute son étendue,
on se contenle
d'enduire le pied de
Fer à courroies pour panse­
goudron ou d'onguent
de pied. Dès qu'il est'
I possible d'appliquer un
I fer, on ferre le blessé.
En attendant que la paroi
soit descendue, on peut
protéger le pansement
ment de pied.
et le pied par une plaque
métallique maintenue
par des courroies fixées au-dessus de la couronne (fig. 76).
2° Exongulation par processus inflammatoire
des tissus vifs du pied.
L'exongulation — la chute du sabot — dont il est question
ici peut se produire au cours d'une inflammation
aiguë ou d'une inflammation chronique de la membrane
kératogène.
La pododermatite aiguë superficielle ne parait pas produire
à elle seule l'exongulation. On a vu, au premier
chapitre de ce livre, que la sérosité ou le pus formés à la
surface du tégument sous-corné, ne tardent pas à se
frayer une voie au dehors, à fuser au poil, et que par
suite, le décollement cesse de s'étendre.
La pododermatite profonde, exsudative, purulente ou
gangreneuse, peut provoquer l'élimination du sabot.
Le sabot peut être décollé de la membrane kératogène
par l'exsudat qui s'interpose entre les deux organes et
détruit l'engrènement qui les unit. Ce phénomène n'est

EXONGULATION. 163
pas absolument rare dans la fourbure aiguë, mais le
désengrènement est rarement total.
L'inflammation suppurative des couches profondes du
tégument sous-corné ne provoque la chute du sabot que
dans des cas assez rares, car, habituellement, les désordres
s'arrêtent à un décollement plus ou moins important.
Mais, lorsque le processus envahit la membrane kératogène
sur une étendue assez grande, le sabot peut être
éliminé si l'animal appuie dessus et détruit les adhérences
subsistantes. Il va sans dire que l'extension du
processus à toute la membrane implique l'élimination
ipso facto.
La. pododermatite gangreneuse peut affecter d'emblée la
totalité delà membrane kératogène ou l'envahir progressivement
et plus ou moins vite. On voit la mortification
totale survenir dans la fourbure aiguë, par suite de la
compression des tissus et des troubles vasculaires dont
ils sont le siège : la chute du sabot se produit ainsi
après deux, trois ou quatre jours de maladie. La gangrène
progressive du tégument sous-corné complique
souvent les lésions traumatiques du pied. Œuvre de
microbes plus ou moins virulents, aidée par la compression
des tissus tuméfiés, elle envahit parfois les tissus
podophylleux et velouté dans la plus grande partie de
leur étendue et amène la chute du sabot.
L'exongulation liée à une inflammation chronique de
la membrane k^ratoc-ne est presque une rareté clinique
à l'heure actuelle. Elle ne se rencontre que dans le cas
d'eczéma végétant sous-ongulé (crapaud) ancien et se
produit lentement. L'animal, continuant à travailler,
perd son sabot lorsqu'un effort vient rompre les dernières
adhérences.
Symptômes. — Survenant comme complication de
maladies diverses, l'exongulation se produit avec une
rapidité variable. Tantôt le sabot se détache brusquement,
comme dans certains cas de fourbure aiguë exsu-

164 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
dative ou hémorragique, tantôt il s'isole de la membrane
kératogène progressivement, par un processus de « décollement
.. qui s'étend de plus en plus ; ce dernier
s'accuse presque toujours par la présence de sérosité,
de pus ou de sanie gangreneuse en un point quelconque
du bord supérieur du sabot, le plus souvent en talons.
Le sabot éliminé, les tissus mous superficiels du pied
se présentent avec des lésions parfois très graves, d'autres
fois relativement bénignes, selon la nature du processus
causal. Lors de fourbure exsudative, la membrane
kératogène est peu altérée et si l'on pouvait la soustraire
aux traumas qui l'atteignent inévitablement, elle pourrait
reconstituer ultérieurement son sabot. Mais, si
l'exongulation succède à la pododermatite suppurée, à la
pododermatite gangreneuse, à la pododermatite eczémateuse,
on trouve cette membrane considérablement
modifiée.
Pronostic. — Le pronostic de l'exongulation par maladie
du pied est des plus sombres. La mortification
totale ou étendue de la membrane kératogène entraîne
l'abatage. Sa réparation lors de lésions suppuratives ou
nécrotiques localisées demande du temps, à ce temps
s'ajoute celui nécessité par la reconstitution du sabot.
Des complications peuvent survenir. Du reste, le pronostic
est d'autant plus grave que le nombre de pieds
exongulés est plus élevé.
Traitement. — Le traitement comporte la balnéation
tiède et antiseptique et l'emmaillotement sur pansement
antiseptique.
3° Exongulation par troubles nerveux.
Nous envisageons ici les nombreux cas de déchaussement
du pied, et même de gangrène de cet organe, que
1 on a signalés comme conséquence de la névrotomie.
A la vérité, la nécessité de distinguer cette troisième

EXONGULATION. 163
forme d'exongulation ne nous apparaît pas d'une manière
bien nette, car, comme on va le voir, la presque totalité
des exemples de chutes de sabot de cet ordre relèvent
d'un processus inflammatoire intéressant les parties
vivantes du pied. Mais, l'accident a été si souvent signalé
après les sections nerveuses, il a paru être tellement sous
leur dépendance chez certains sujets, que nous l'étudions
à part.
La chute du sabot consécutive à la névrotomie, s'observait
beaucoup plus souvent autrefois qu'aujourd'hui.
Sewel dit l'avoir vue survenir sept fois sur dix. L. Lafosse
accuse dix-huit accidents (chutes du sabot, ramollissement
de tendons, etc.) sur vingt et un opérés. De nos
jours, on trouve des chirurgiens pour lesquels elle est
inconnue.
La fréquence de cette complication a dû tenir à ce
fait que la névrotomie a été pratiquée sur de nombreux
sujets pour lesquels elle était absolument contre-indiquée
(lésions aiguës Mais, comme cette cause ne saurait
expliquer la complication alors que le pied était indemne
de processus infectieux, il est juste de faire intervenir
d'autres causes : notamment la suppuration des plaies
opératoires.
Môller n'a plus remarqué la chute du sabot, après la
névrotomie, depuis qu'il opère aseptiquement. Nous
avons, pour notre part, pratiqué quelques centaines de
névrotomies de tout genre, à la clinique de l'École de
Toulouse, sans jamais observer d'accident, et nous
sommes convaincus de l'innocuité de la névrotomie
suivie d'une cicatrisation par première intention.
Il semble cependant que, dans certains cas, la kératogenèse
puisse être assez fortement troublée pour que le
sabot se détache.
Cadiot et Almy disent que « dans certains cas, l'exongulation
parait se produire sous l'influence de troubles
de nature encore indéterminée. On a vu des chevaux

166 AFFECTIONS TRAUMATIQUES' DU PIED.
perdre deux, trois, même leurs quatre sabots dans l'espace
de quelques jours ; mais il s'agit là d'accidents
tout exceptionnels ».
On sait aussi, par les faits cliniques observés sur
l'homme, que les lésions traumatiques des nerfs peuvent
se compliquer de troubles secondaires siégeant sur les
tissus où s'épuise le nerf blessé.
Les troubles portant sur les os, les articulations, etc.,
ne nous intéressent pas ici. Lejars (1) écrit, au sujet des
altérations unguéales consécutives aux lésions nerveuses,
que l'ongle « s'incurve dans les deux sens et se roule en
crochet ; à son extrémité il est épaissi en forme de
massue (ongle névritique) ; ailleurs il est aminci, desséché,
squameux ; il s'atrophie et tombe souvent. Le pourtour
de l'ongle est le siège d'ulcérations: la peau se
rétracte et déchausse l'ongle sur son bord et à sa
base ». Or, bien que des troubles trophiques de ce genre
n'aient jamais — à notre connaissance tout au moins —
été signalés pour l'ongle du cheval, il n'est pas impossible
qu'ils puissent s'observer.
L'expérimentation n'a pas apporté d'éclaircissement
sur ce point de la pathologie. En 1853, Chauveaua pratiqué
la névrotomie sur toutes les branches nerveuses
qui se rendent à l'extrémité du membre chez le cheval
et n'a remarqué aucun changement dans la production
de la corne (Arloing). Nous avons, pour notre part, pratiqué
dans une même séance les huit névrotomies plantaires
hautes sur un même cheval, nous avons ensuite
soumis l'animal quotidiennement à un exercice au trot
prolongé pendant une heure, sans observer aucun phénomène
anormal, sauf cependant une légère élévation de
la température des sabots.
On sait enfin que, lorsque sur un pied névrotomisé
apparaissent des signes de pododermatite suppurée,
I) Lejars, Traité de chirurgie, Duplay et Reclus, 2 e édit., t. II.

EXONGULATION. 167
il suffit de soigner convenablement l'animal pour que le
sabot se reconstitue.
Il semble donc que, dans les conditions de la pratique,
la névrotomie pratiquée aseptiquement n'amène
pas la chute du sabot.
Si celle-ci survient d'une manière rapide ou d'une
manière tardive, il y a lieu de chercher la cause en
dehors de la section du nerf.
Les causes qui paraissent pouvoir intervenir sont :
a. L'extension à la totalité de la membrane kératogène,
et éventuellement à d'autres tissus, d'un processus de
suppuration ou de gangrène méconnu au moment de
l'opération, ou apparu longtemps après l'opération.
6. Le surmenage du pied insensible, suivi d'une pododermatite
subaiguë avec décollement du sabot.
c. L'infection des tissus du pied, grâce à une phlébite
née dans le foyer traumatique opératoire (Nocard).
La lecture de la multitude des observations relatives à
l'exongulation rapportée à des troubles nerveux permet
de se convaincre que, dans la plupart des cas, l'une des
causes sus-mentionnées peut être incriminée.
En résumé, sans nier l'action trophique des nerfs qui
nous occupent, action sur le mécanisme et la réalité
même de laquelle les physiologistes ne s'entendent pas,
sans nier que l'énervation totale de l'extrémité du membre
ne puisse provoquer à elle seule des troubles nutritifs
plus ou moins graves et aboutir, peut-être, à l'exongulation,
nous pensons que cette dernière reconnaît
presque toujours d'autres causes occasionnelles : l'existence
d'une lésion aiguë dans le pied au moment de
l'opération, l'infection de la plaie opératoire, les traumatismes
ultérieurs (contusions ou piqûres).
Dans tous les cas, la névrotomie est une cause prédisposante
de premier ordre, soit parce que le pied insensibilisé
est plus souvent et plus gravement blessé, soit
parce que les lésions s'installent, s'étendent sans mani-

168 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
festations extérieures bruyantes et sont aperçues lorsquelles
sont déjà irrémédiables.
Prophylaxie. — L'exongulation à la suite de névrotomie
peut être évitée. Il faut d'abord se garder de pratiquer
cette opération lorsqu'il existe dans le pied une
lésion infectée ou une altération du sabot susceptible de
permettre l'infection et lorsque la membrane kératogène
est le siège de lésions inflammatoires étendues (fourbure,
en particulier).
Il faut que les plaies opératoires soient et restent
aseptiques ; les résultats très différents obtenus autrefois
et aujourd'hui, sont à cet égard démonstratifs.
Il faut enfin qu'un pied névrotomisé soit l'objet d'une
surveillance incessante ; que la moindre lésion soit
immédiatement traitée; que le maréchal soit prévenu
des qualités d'insensibilité de cet organe et des dangers
tout particuliers d'une piqûre ou d'une enclouure.
Symptômes. — Pronostic. — Traitement. — La chute
de l'ongle, sur un pied névrotomisé, se traduit par les
signes qui caractérisent cet accident dans tous les cas de
pododermatite exsudative suppurative ou gangreneuse,
et qui ont été décrits plus haut. Mais l'absence de sensibilité
et de douleur est ici un élément de haute gravité.
L'animal continuant à s'appuyer sur son pied désabotté ne
tarde pas à user très rapidement l'extrémité de son membre
qui se présente sous l'aspect d'un moignon déchiqueté,
informe. La mort survient au bout de peu de jours ; l'hémorragie,
l'infection généraleprécipilonl ce dénouement.
L'intervention n'est justifiée que tout au début, dès les
premiers signes de pododermatite, elle est alors préventive;
mais tout décollement déjà un peu étendu est
irrémédiable.
V. — SEIME.
Définition. — La seime consiste dans une fissure de
la muraille dans le sens des fibres cornées. C'est une

SEIME. 16g
altération du sabot que l'on observe surtout chez le
cheval (1).
Historique. — Étymologie. — La seime ne parait pas avoir
été connue des hippiatres grecs et latins. Elle est mentionnée
pour la première fois par J. Ruffus, auteur italien, vers. 1250.
Elle a, depuis cette époque, fait l'objet de nombreuses études,
surtout en ce qui concerne son traitement, et tous les auteurs
qui se sont occupés de pathologie du pied en ont fait la description.
Le mot seime parait dériver de semi (demi), mot appliqué
à la division que le pied semble subir lors de seime des parties
antérieures du sabot. Zundel fait venir ce mot de seyme,
ou seyne, termes employés autrefois pour désigner une raie,
une fente, un filet.
Divisions. — La muraille pouvant se fendre en des
points variés, et la fente pouvant être plus ou moins prononcée,
on a, pour ces motifs et pour d'autres encore,
établi différentes formes de seimes.
D'après le SIÈGE, on distingue la seime en pince, la
seime en mamelle, la seime en quartier, la seime en talon,
la seime en barre. Lorsque l'on désire indiquer avec plus
de précision le point où siège la seime, il suffit de dire
si la lésion occupe la partie antérieure, moyenne, postérieure
de la région du sabot intéressée (fig. 77).
D'après la PROFONDEUR, on reconnaît des seimes superficielles
et des seimes profondes. Les premières n'intéressent
qu'une partie de l'épaisseur de la muraille sur
sa face libre; les secondes sont représentées par une
solution de continuité complète, allant de la face libre à
la face profonde jusqu'au tissu podophylleux (fig. 78).
D'après I'ÉTENDUE EN HAUTEUR, on considère des seimes
complètes et des seimes incomplètes. Les seimes complètes
s'étendent du bord coronaire au bord plantaire de la
(1) PelleriD, art. Snw, du Dict. de méd. vétirinaire. — Bonnard, Considérations
nouvelles sur les seimes en géniral (Bulletin Soc. centrale,
1874, p. Î45).
Chirurgie du pied. 10

170
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
muraille. Les seimes incomplètes partent, soit du bord
coronaire (seimes incomplètes coronaires), soit du bord
plantaire (seimes incomplètes plantaires) et s'étendent
plus ou moins loin sur le sabot.
Coulbaux a observé des seimes incomplètes n'intéressant
que la région moyenne du sabot, la seime ne tendait pas à
se prolonger vers la couronne ni vers le bord du pied » ; elle
était exactement bornée, en haut et en bas, par une corne
parfaitement saine (1). Delpérier signale également cette forme
de seime ; il la considère comme une seime imcomplète coronaire,
guérie vers le bourrelet, et qui descend, par avalure, pour
devenir une seime incomplète plantaire, et, finalement, disparaître
(fig. 77).
D'après LA DIRECTION, on décrit des seimes régulières on
rectilignes et des seimes sinueuses. Les seimes régulière»
sont en ligne droite; les seimes sinueuses décrivent des
courbes, des zigzags variés.
La direction de la seime vise quelquefois la forme des
bords de la fissure. La seime est perpendiculaire lorsque
le plan de division de la muraille est perpendiculaire à
(l) Coulbam, Sur la division de la corne du pied des monodactyles appelée
seime (Journ. de méd. vét. et comparée, 1827, t. IV, p. 150).

SEIME. 171
la tangente du pied au niveau de la seime, lorsque, en
d'autres termes, les bords de la solution de continuité sont
taillés à pic; la seime est oblique lorsque le plan de
division est oblique sur la tangente, c'est-à-dire lorsque
les bords de la solution
de continuité sont taillés
en biseau (fig. 78).
Seimes horizontales. —
Bonneau (1) a observé sur un
cheval hors d'âge des « seimes
horizontales circulaires aux
deux pieds antérieurs » ; il les
attribue à « un état congestif
et passager du bourrelet dans
toute son étendue, qui a dû
produire, comme consé -
quence d'une perturbation
quelconque de la sécrétion,
une solution de continuité
entre la corne émergée au­ 7 3. — Principales dispositions
jourd'hui et celle qui doit
des seimes sur une coupe du sabot.
être sécrétée le lendemain».
La lésion n'intéressait pas la corne kéraphylleuse.
Nous avons observé le même fait sur un cheval âgé et sur
un bœuf de travail : sur ce dernier, la lésion intéressait les
quatre onglons antérieurs, et le propriétaire attribuait la
lésion à des coups de hache donnés par le bouvier.
Comme dans le cas de Bonneau, le mal disparut chez le
cheval par avalure, sans occasionner de boiterie. Chez le bœuf,
des applications de goudron et le repos firent rapidement disparaître
la boiterie.
La DATE d'apparition de la seime fait que la seime est
ancienne ou récente.
D'après l'existence ou l'absence de complications, on
distingue des seimes simples et des seimes compliquées.
Dans les premières, la muraille seule est lésée; dans les
(1) Bonneau. Observations recueillies à la clinique de l'École de Toulouse
(Journ. des Vil. du Mvli. l

172 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
secondes, les tissus sous-ongulés sont enflammés, mortifiés,
etc.
Delpérier distingue les seimes d'après leur étiologie : les
seimes par effraction résultent d'une poussée du pied
interne sur la muraille » ; les seimes cutiduriennes proviennent
d'une lésion du bourrelet ; les seimes podopkylliennes sont
dues à une lésion du tissu podophylleux s'accompagnant de
kératogenèse locale (kéraphyllocèle) ; la production cornée,
interposée entre ce tissu et la paroi, repousse celle-ci et finit
par en amener la rupture (1).
Ces différentes formes de seime n'ont pas la même
importance.
Nous étudierons ici : la seime en pince, la seime en
quartier ou seime quarte, la seime en talon ou seime
calcienne, et la seime en barre.
La seime en pince s'observe presque exclusivement sur
les pieds postérieurs ; la seime quarte affecte tout particulièrement
les pieds antérieurs ; il en est de même pour
la seime en talon et la seime en barre. En somme, on
pourrait dire : seimes antérieures pour les pieds postérieurs
; seimes postérieures pour les pieds antérieurs.
Étiologie. — Causes prédisposantes. — RACE. — La
seime en pince est fréquente sur les pieds des chevaux
appartenant à des races de gros trait (boulonnais, gros
percherons, etc.). La seime quarte s'observe surtout sur
les animaux appartenant à des races fines, distinguées,
énergiques (arabes, hongrois, ariègeois, etc.), dont le
pied est petit et la corne dure. — L'influence de la race
se lie du reste très étroitement à celle du service (Voy.
plus loin).
TEMPÉRAMENT. — Les chevaux ardents, enclins à des
efforts de traction énergiques ou à des courses violentes
contractent plus facilement les seimes que les animaux
(1) Delpérier, Étude spéciale du sabot du cheval, Paris, 1898, p. 518.

SEIME. 173
mous et paresseux. L'intensité des pressions qu'ils infligent
à leur sabot lorsqu'ils sont en action, est la cause
de l'accident.
HÉRÉDITÉ. — Dans certaines familles de chevaux, on
remarque une forte prédisposition aux seimes. Lessona a
publié le cas d'un cheval qui portait une seime en
naissant, au pied postérieur gauche, et dont un certain
nombre de descendants — 11 sur 37 — présentèrent une
seime au pied postérieur gauche (1). — Sempastour a
observé, au haras de Pompadour que les poulains issus
d'étalons affectés de seime, contractaient la maladie dès
qu'on les retirait des prairies pour leur faire prendre
rang à l'écurie, parmi les reproducteurs. Ici, il est vrai,
intervenait comme cause occasionnelle le séjour à l'écurie
sur une litière sèche (2).
DÉFAUTS D'ÉPAISSEUR ET DE QUALITÉ DE LA CORNE.— Sous
l'influence de certaines altérations du bourrelet, la muraille
acquiert un excès d'épaisseur, elle se dessèche
superficiellement et se fendille. Les solutions de continuité
superficielles qui se produisent en pareil cas
peuvent être le point de départ d'une seime complète.
Lorsque au contraire, l'épaisseur de la corne est insuffisante,
par suite de la disposition du bourrelet ou d'une
affection de cet organe, elle manque de résistance et se
fissure lorsqu'elle subit de fortes pressions.
Sous l'influence de causes diverses, la corne peut se
dessécher, perdre sa souplesse et se fendiller. En dehors
de la part qui peut revenir à la ferrure dans la
genèse de ce phénomène, on peut aussi l'attribuer au
passage d'un endroit humide dans un endroit sec, à la saison,
aux alternatives fréquentes de dessiccation et d'humidité
du pied.
Ce phénomène a été nettement mis en évidence par
(1) Lessona, Stallone con setola congenita inpunta del piede sinistro posteriore
propagala alla proie (Giornale de veterinana, 1H5.;, p. 471.
(î) Bulletin Soc. centrale, 1850, p. 200.
10.

174 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Pâté et par Touvé au sujet des seimes quartes des chevaux
de l'armée (1).
Dans ces conditions, la souplesse de la muraille a disparu
en grande partie et les fentes superficielles qu'elle
présente facilitent la production d'une solution de continuité
complète.
Dans l'encastelure, la vitalité de tous les organes constituant
le pied est diminuée. Ce phénomène est surtout
appréciable dans la moitié postérieure du pied. A un
coussinet plantaire atrophié correspond un bourrelet
moins actif, moins vasculaire, et, conséquemment, une
muraille plus mince, plus sèche, moins résistante que
dans les conditions normales. On trouve des pieds encastelés
chez lesquels la muraille diminue brusquement.,
d'épaisseur au niveau des quartiers; la seime quarte, sur
de tels pieds, se produit toujours en ce point (Chuchu) (2).
C'est sans doute parce qu'ils deviennent encastelés que
les chevaux transportés loin de leur pays d'origine sont
très fréquemment atteints de seimes, notamment de
seimes quartes.
Girard rapporte que les chevaux conduits en Egypte,
lors de la fameuse expédition de 1798, présentèrent presque
tous des seimes (3).
RÔLE DES MEMBRES. — Les membres antérieurs, représentant
des colonnes de soutien pour le corps de l'animal,
sont prédisposés aux seimes postérieures, car les pressions
subies par le pied atteignent leur maximum d'intensité
au niveau des quartiers et des talons. Les membres
postérieurs, au contraire, en raison de leur rôle propulseur,
sont surtout sujets aux seimes en pince et en
mamelle, l'effort, lors de tirage violent, se localisant sur
les parties antérieures du sabot.
(1) Paie, Élude sur les seimes chez le cheval arabe (Journ. de méd. vét.
milit., t. IV, 1865-66, p. 12). — Touvé, Bulletin Soc. centrale, 1880, p. 72.
(2) Bulletin Soc. centrale, 1887, p. 420.
(3) Girard, Traité du pi d 1836, p. 24i.

SEIME. 175
DÉFAUTS D'APLOMR. — Les défauts d'aplomb entraînent
la surcharge de certaines parties du pied : le quartier
interne chez le cheval panard, Je quartier externe chez
le cheval cagneux, la pince dans le pied pinçard ou
rampin, les talons dans le pied à talons bas et dans le pied
plat. Dans ces points, le sabot est prédisposé aux seimes
en raison des pressions qu'il y subit.
FERRURE. — La ferrure intervient dans de nombreuses
circonstances dans l'étiologie des seimes. Le pied peut
être trop paré, ou paré de travers.
La parure excessive d'un quartier, d'après Servoles, est
une cause fréquente de seime quarte. Le quartier trop
paré est surchargé, le bourrelet s'atrophie et la fissure
apparaît (1).
Germain invoque, en ce qui concerne les chevaux
arabes, la gène qu'occasionne à ces animaux la ferrure
française par la présence du pinçon en pince et des clous
dans la moitié antérieure du fer. L'animal cherche à marcher
sur les talons, comme le cheval fourbu; cette région
du sabot est surmenée, elle s'affaiblit et peut se fendre (2).
D'après Chuchu, la hauteur excessive des talons prédispose
à la seime quarte (chevaux arabes, russes) parce
que les mouvements de dilatation du pied se localisent
dans la moitié supérieure du sabot et provoquent la
fissure de la muraille (3).
Les clous trop forts de lame peuvent faire éclater la
corne; l'ouvrier peut faire dessécher celle-ci en râpant la
paroi trop haut. C'est donc en prédisposant à l'encastelure,
aux excès de pressions locales, à la dessiccation de
la muraille, etc., que la ferrure prédispose aux seimes.
SERVICE. — Les animaux qui ont à faire des efforts vio-
(1) Servoles, Béflexions sur un point étiologique des seimes (Journ. de
méd. vét. milit.. t. VII, 1868, p. 203).
(2) Germain, Des seimes surles chevaux d Algérie, en Algérie et en France.
— De la cause la plut sérieuse de la déformation des sabots de ces chevaux,
ulilisis dans notre armée (Journ. de méd. vét. milit., t. XII, 1874-75, p. 419).
(3) Bulletin Soc. centrale, 1887, p. 426.

176 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
lents pour démarrer de lourdes voitures ; les animaux
employés à des allures rapides, et qui font sur le sol des
battues violentes, sont plus exposés aux seimes que ceux
qui traînent des véhicules légers ou qui marchent à une
allure modérée.
Dans le service du gros trait, l'appui du pied se fait
fréquemment, et parfois d'une façon exclusive, sur la partie
antérieure du sabot. Cette région, en quelque sorte
surmenée, risque d'éclater.
Les animaux de trait léger et de selle sont plus sujets
aux seimes des quartiers. Cette prédisposition résulte
de ce que la moitié postérieure du sabot subit, toutes
choses égales d'ailleurs, des pressions plus fortes, dans
les allures rapides que dans les allures lentes.
ÉTAT DU TERRAIN. — Plus le sol est dur, plus les seimes
sont fréquentes. Le pavé des villes, les routes dures et
empierrées n'atténuent pas le choc du pied sur le sol
comme le fait le gazon des prairies ou la terre fraîchement
labourée.
ALTÉRATIONS DU BOURRELET. — A la suite de blessures ou
de maladies diverses (javart encorné, atteintes profondes,
etc.) le bourrelet présente ordinairement une cicatrice
au niveau de laquelle la muraille ne se forme pas
ou ne se forme qu'imparfaite. Le sabot ne se trouve constitué,
dans la partie correspondante, que par la corne
émanée de la zone coronaire inférieure, corne qui ne
tarde pas à se fendre.
Il y a donc toujours une seime en pareille circonstance.
Coulbaux admet « que la division de la corne reconnaît
toujours pour cause une altération maladive des
tissus qui la sécrètent » (1 ). Pader pense également que la
seime en pince n'apparaît jamais sans que le pied soit
affecté de crapaudine. Cette maladie affecte surtout le
(1) Coulbaux, loc. cit.

SEIME. 177
bourrelet périoplique, et en troublant la fonction de cet
organe elle peut favoriser la dessiccation de la muraille
en la privant de son vernis protecteur naturel ; elle peut
s'étendre au bourrelet et produire le même phénomène,
en ce qui concerne la muraille. Cette dernière, moins
solide, se fissure et éclate facilement (1). Wiart, avant
Pader, avait émis l'idée que certaines seimes dérivent
d'une inflammation eczémateuse propagée aux organes
sécréteurs de l'ongle (2).
Admettant que le doigt unique des monodactyles
actuels résulte de la soudure des deux doigts principaux
de la main, représentés chez les didactyles, Delpérier
considère que la seime en pince médiane a pour cause
première une faiblesse relative de la ligne de réunion des
deux doigts. — Cette manière de voir est en contradiction
avec les données actuelles de la science : le doigt du
cheval est unique (3).
Causes occasionnelles. — Pathogénie. — A. seime en
pince. — La seime en pince est, dans l'immense majorité
des cas,la conséquence d'un effort de traction (seime par
effraction).
Le mécanisme de production de cet accident a donné
lieu à diverses hypothèses.
Peuch et Toussaint (4) disent simplement que le sabot peut
« se fendre tout d'un coup, en pince, lorsqu'un limonier attelé à
une lourde charge, fait des efforts énergiques pour gravir une
montée, en arc-boutant fortement les membres postérieurs,
dont l'appui s'effectue alors principalement en pince ».
D'après Degive, « l'effort mécanique qui amène la brisurede
la muraille ne peut être que le résultat d'un mouvement, ou
plutôt d'une série de mouvements, dont l'action se concentre
(1) Pader, Bulletin Soc. centrale, 1890, p. 284. — Pricis de Maréchalerie,
1892, p. 306.
(2) Wiart, Une des causes fréquentes de déformation et de maladies du
pied chez le cheval africain (Journ. de mid. vét. milit., t. VI, 1867-68.
p. 343).
(3) Delpérier, Étude spéciale du sabot du cheval, Paris, 1898, p, 520.
(4) Peuch et Toussaint, Précis de chirurgie vétérinaire, t. Il, p. 699.

178 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
sur une région plus ou moins limitée. Ces mouvements euxmêmes
reconnaissent pour causes les états alternatifs dans
lesquels se trouve le sabot, quand le pied est au lever et à
l'appui ». La paroi subit, en etlet, à chaque appui une triple
inflexion en pince et sur les deux quartiers : la courbe de la
paroi s'aplatit et s'efface au milieu, elle se redresse et s'arrondit
davantage sur les côtés (1).
Pader (2) écrit que « la condition mécanique — de la production
de la seime — se trouve dans des tractions internes
alternant avec des relâchements tendant à produire des mouvements
de flexion dans le haut de la paroi en.pince ».
Or, si la matrice de l'ongle, par suite d'une altération dans
sa structure — l'auteur admet qu'au préalable le bourrelet a
été le siège de phénomènes inflammatoires qui ont troublé sa
fonction (crapaudine, etc.) — sécrète une corne de mauvaise
nature, ces tractions internes donnent lieu à des mouvements
de flexion continuels qui peuvent faire dépasser, à la partie de
la muraille envisagée, la limite de la cohésion moléculaire et
occasionner une rupture.
Quant à la réalité de ces tractions internes, Lafosse (3) la
prouvait en montrant que toutes les fois que le pied seimeuxl'ait
appui, les bords de la fente se rapprochent l'un de l'autre,
ce qui est dû, ainsi que nous le dirons plus loin, à un phénomène
tout autre. 11 parait peu probable que la seime se produise
par ce mécanisme, étant donné le peu de mobilité de la
troisième phalange dans le sabot, c'est-à-dire le peu d'étendue
des mouvements de bascule qu'elle éprouve par le fait de la
compression du coussinet plantaire.
D'après Watrin (4), la seime en pince « est produite le plus
souvent par l'annihilation ou le renversement des mouvements
normaux d'élasticité » du pied. Lorsque le pied bascule en
avant — position constamment réalisée par le pied pinçard, —
l'os du pied « vient faire effort sur la partie supérieure et
antérieure de Ift paroi de pince ». La présence fréquente d'un
fer étampé en talons immobilisant complètement le sabot,
favorise, d'après cet auteur, la rupture de la paroi.
D'après Pellerin (5), au moment où l'appui s'effectue dans
toute sa force, les phalanges prennent une position verticale et
deviennent même obliques en avant et •• pressent fortement à
(1) Degive, Annales de Bruxelles, 1879, p. 306.
(2) Pader, loc. cit., p. 305 et 308.
(3) Traité de pathologie, t. Il, p. 652.
(4) Watrin, Le pied du cheval et sa ferrure (Rev. Vil., 03, p. 73).
(5) Pellerin, Art. SEIME, Dictionnaire de H. Bouley.

SEIME. 179
la face interne du bord supérieur de la paroi. A cet endroit,
la muraille loge le bourrelet, elle est peu épaisse, et si, d'un
autre côté, elle est sèche ou de mauvaise qualité, elle éclate....
La deuxième phalange joue le rôle du coin employé à fendre
le bois; l'impulsion donnée par les muscles représente le
coup de marteau, et la paroi, le morceau qui se fend de plus en
plus.
Chénier (I) pense que la seime se produit surtout dans les
descentes, lorsque les animaux, poussés par le véhicule, ont à
le retenir, ou bien encore, lorsque les chevaux sont attelés en
Qèche et que ceux qui sont placés en avant des brancards
tirent à faux et obligent le limonier à résister. La seime résulterait
de ce que la deuxième phalange heurte violemment ta
troisième, d'arrière en avant et repousse l'apophyse pyramidale
contre la muraille.
Peuch et Lesbre (2) considèrent la seime en pince comme
- une conséquence de l'arcure de la couronne qui accumule,
aux moments des efforts de traction, d'énormes pressions sur la
partie antérieure de la surface articulaire et sur la région correspondante
de la paroi : l'apophyse pyramidale en est quelquefois
brisée, plus souvent la paroi se fend dans la direction
de ses fibres ».
On a prétendu aussi que la seime en pince se produit lorsque
ranimai se cramponne sur la pince pendant un violent
effort, parce que, dans cette position, le sabot tendant à
s'abaisser en arrière, la seconde phalange vient exercer, à la
face interne du bord supérieur de la muraille et en pince,une
pression parfois suffisante pour surmonter sa résistance. Or,
comme le fait remarquer Pader, le rôle que l'on fait jouer ici
à la deuxième phalange dans la compression de la cutidure
n'existe pas. Les coupes autéro-postérieures du pied montrent
en effet que seule la troisième phalange peut intervenir directement
sur la muraille i'.|;.
Lorsque le cheval veut démarrer ou en traîner une charge
lourde, il localise ordinairement l'appui du pied en
pince en élevant les talons qui perdent le contact du sol.
L'animal faisant effort, la contraction des muscles de
(1) Chénier, Contribution à [étiologie de la seime en pince (Bev. Vit.,
1895, p. 71).
(2) Peuch et Lesbre, Précis du pied du cheval et de sa ferrure, Paris, 1896,
p. 410.
(3) Pader, Précis de Maréchalerie, p. 309.

180 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
la jambe amène la tension des tendons fléchisseurs et
extenseurs des phalanges. Cette tension, dans toutes les
positions que peuvent occuper les phalanges, et à chaque
instant de l'effort, a pour effet de les réunir sous forma
d'une barre rigide, qui prend contact avec le sol par l'intermédiaire
du sabot.
Cette colonne phalangienne rigide, ce levier phalangien,
coiffé à son extrémité inférieure par le sabot, agit
mécaniquement dans celui-ci. Dans le mouvement de
propulsion que l'animal exécute, la troisième phalange
tend à repousser, en arrière et en bas, le plancher du sabot,
c'est-à-dire à ramener le pied au contact du sol, par.
toute sa face plantaire; mais cet abaissement des parties
postérieures du pied est impossible, car les articulations
phalangiennes sont immobilisées. La partie supérieure
de la muraille, dans la région de la pince, vient presser
sur l'éminence pyramidale avec d'autant plus de
force que l'effort de traction est plus grand, le pied
plus long et le fer plus épais en pince.
Lorsque cette pression est suffisante, la muraille se
fend. Cette rupture est absolument comparable, quant
au mécanisme de sa production, à la rupture du lacet
du soulier bas, à la ruplure de la bride en cuir adaptée
sur les sabots en bois très découverts pour les fixer au pied.
B. Seime quarte. — Les pressions et percussions violentes
subies par le sabot, affaibli par l'une des causes
indiquées, peuvent faire éclater celui-ci dans la région des
quartiers. La violence peut même être suffisante pour
provoquer une fissure dans une paroi de bonne qualité.
La seime quarte paraît être due à deux phénomènes,,
étroitement liés l'un à l'autre dans leurs conditions de production:
l'enfoncement des apophyses rétro-phalangiennes
dans le sabot et l'aplatissement du coussinet plantaire.
L'enfoncement des apophyses rétro-phalangiennes dans
le sabot ne s'effectue que dans une très faible mesure, mais
ces apophyses pressant de dedans en dehors sur la mu-

SEIME. 181
raille affaiblie et rétrécie qui les enserre étroitement,
peuvent faire éclater cette dernière.
Le coussinet plantaire comprimé repousse, en s'étalant,
les cartilages en dehors et accentue la pression centrifuge
subie par la muraille au niveau des quartiers.
C. Seime en talon. — La seime en talon se montre
comme la précédente, à la suite de pressions violentes
sur le sabot.
Sa pathogénie est simple : les tissus vifs compris entre
la barre et la muraille étant comprimés, la corne se
fend à son point d'inflexion ; mais la cause la plus fréquente
de cette affection est la blessure du bourrelet à la
suite des atteintes si communes en cette région.
D. Seime en barre. — En contact direct avec le sol,
les barres se fissurent sous l'influence de traumatismes
violents à la suite d'écarts brusques, de sauts, etc., sur
un sol dur, inégal. Les chevaux à talons bas y sont surtout
exposés (Leblanc) (1). — Lenck a rencontré cependant
cette seime sur des pieds à talons hauts et serrés (2).
Symptômes- —A. Seime en pince. — La fente que présente
la muraille est un symptôme
pathognomonique (fig. 79). Souvent
très apparente et visible à plusieurs
mètres de distance, elle est, dans
d'autres cas, à peine perceptible et
simplement dessinée à la surface
du sabot par une ligne noire, |
étroite, ressemblant à un trait de
crayon. Les bords de la seime en
pince sont ordinairement à pic,
c'est-à-dire que le plan de division
de la muraille est perpendiculaire à la tangente menée à
ce point.
(1) Leblanc, Fissures de rarc-boutant (La clinique vitir., 1845, p. 274).
(î) Lenck, lbid., p. 277.
Chirurgie du pied. 11

182 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Très fréquemment, cette fente est recouverte par de
la boue, de l'onguent de pied, etc. Chez les animaux en
vente ou achetés récemment, il n'est pas, rare de la
trouver masquée au moyen d'un mastic quelconque ou
de la gutta-percha.
La muraille est ordinairement aplatie ou mêmeuii.peu
déprimée au niveau de la seime; elle paraît un peu
moins épaisse; les souffrances du bourrelet, au point
d'origine de la fissure, expliquent ce fait.
La fente de la muraille est ordinairement sèche. On
peut la trouver, lors de seime profonde, souillée de liquides
variés, purin, sang, pus, etc. Le sang provient
d'hémorragies intéressant le bourrelet ou le tissu podophylleux
; ces hémorragies, se produisent soit au moment
où la seime prend naissance (hémorragie primitive), soit
plus tard, lorsque les animaux sont astreints au travail
malgré la seime dont ils souffrent (hémorragiesecondaire).
On trouve toujours alors les bords de la seime recouverts
d'une sorte de mousse, d'écume, déteinte variable,
jaune, rouge, noirâtre, etc., due au fouettage du liquide
par l'air qui entre dans la fissure lorsqu'elle s'ouvre et
qui en sort lorsqu'elle se referme.
Les bords de la seime sont mobiles. Les mouvements
qu'ils éprouvent, quoique très limités, ont cependant
une grosse importance clinique, ils peuvent occasionner
à eux seuls une grande souffrance, ils créent toujours de
grosses difficultés thérapeutiques.
Lorsque le pied appuie normalement sur le sol, par
tout son bord plantaire, et supporte le poids du corps
de l'animal, la fente se resserre, et les tissus vifs qui en
forment le fond sont pinces. Lorsque le pied est soulevé,
la fente reprend sa largeur primitive et lepincement cesse.
D'après H. Bouley, le resserrement de la seime au moment
de l'appui est la conséquence de l'affaissement du
coussinet plantaire et de l'écartement des talons.
D'après L. Lafosse, il est produit par les tractions que

SEIME. 183
la troisième phalange tout entière et .la partie de la
deuxième phalange comprise dans le sabot exercent,
d'avant en arrière et de haut en bas, sur la partie supérieure
de la muraille et en pince. — Nous avons dit que
l'action de ces tractions internes est sinon problématique,
au moins très limitée.
Lorsque le pied, pendant l'appui ordinaire ou pendant
l'effort de traction, ne prend contact avec le sol que par
la pince du fer, la seime s'élargit sous l'influence de la
pression, d'arrière en avant, que subit la muraille, à la
partie supérieure de la pince.
C'est par cette tendance à s'ouvrir de plus en plus
que la seime incomplète se transforme en seime complète
sous l'influence de nouveaux efforts.
La sensibilité du pied est également une manifestation
locale de la seime d'une grande importance. La percussion
du sabot au niveau de la fente est douloureuse. La
pression du bord plantaire de la muraille en pince, entre
les mors des tricoises, après enlèvement du fer, occasionne
des réactions plus ou moins violentes.
La sensibilité mise en jeu par la percussion et la
pression est très variable. Elle est d'ailleurs nulle
lorsqu'il s'agit de seime superficielle.
Les symptômes fonctionnels consistent dans une boiterie
plus ou moins accusée.
En réalité, cette boiterie fait parfois défaut ; il en est
ainsi lors de seime superficielle, de seime incomplète,
de seime dont les bords sont immobilisés, etc.; mais, en
dehors de ces cas, il y a claudication.
Cette claudication peut se rencontrer à tous les degrés
depuis la simple/feinte juqu'à la marche tripédale. Elle apparaît
quelquefois en même temps que la seime, reste très
intense pendant vingt-quatre ou quarante huit heures,
et diminue ensuite. On la voit aussi survenir plus ou
moins longtemps après l'apparition de la fente, lorsque
celle-ci, de superficielle ou incomplète, devient profonde

184
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
ou complète. — Elle peut encore se produire sous l'influence
du travail.
Dans la boiterie de la seime en pince, on remarque,
lorsque l'animal marche ou trotte en posant le pied à
plat sur le sol, que le membre malade exécute un mouvement
de harper. Celui-ci résulte de la hâte qu'éprouve
l'animal à faire quitter à son sabot l'appui, pendant
lequel se produit le pincement des tissus vifs du fond
de la seime.
Le cheval atteint de seime en pince prend appui, au
départ, parla pince du piedmalade,afin d'éviter le pincement
des tissus. Lorsqu'il est échauffé, l'appui se fait
normalement. Lors de seime ancienne, s'accompagnant
de phénomènes inflammatoires chroniques du tissu
podophylleux, l'appui se fait surtout par les talons, afin
d'éviter aux parties sensibles des réactions trop dures.
La boiterie de la seime est toujours augmentée par les
descentes et la dureté du sol. Elle s'exagère aux allures
rapides et avec les efforts de traction violents. Les
animaux fins, énergiques, présentent
ordinairement pour la
même lésion une plus forte
boiterie que les animaux communs.
B. Seime quarte. —La seime
quarte affecte surtout le quartier
interne (Girard) (fig. 80).
Sur 86 cas observés, Touvé en
a compté seulement 6 sur le
quartier externe (1). Decroix, sur 186 cas, en trouve 147
intéressant le quartier interne et 39 intéressant le quartier
externe (2).
Les bords de la fissure, lors de seime quarte, ne
sont habituellement pas taillés à pic. Ils forment en
(1) Loc. eit.
(2) Bull. Soc. centr., 1889, p. 254.

SEIME. 185
général un biseau, l'antérieur par sa face externe, le
postérieur par sa face interne.
Par ses autres caractères locaux, la seime quarte
ressemble à la seime en pince.
La boiterie est habituellement faible, souvent nulle.
Ce fait s'explique aisément ; lorsque l'animal appuie, les
lèvres de la seime s'écartent, il n'y pas pincement comme
pour la seime en pince.
Lafosse fait remarquer que certaines seimes quartes
sont périodiques et soumises, dans leur apparition et leur
disparition, à l'existence ou à la suppression de l'agent
étiologique.
C. Seime en talon. — D. Seime en barre. — Leur
symptomatologie ne présente aucune particularité importante.
Marche. Durée. Terminaisons. — En règle générale,
la seime est une lésion persistante, définitive du sabot.
Il en est ainsi pour toutes les seimes qui peuvent se
rattacher à une altération organique du pied, à un
défaut d'aplomb, etc. Cependant, les seimes qui résultent
d'une violence passagère subie par le sabot,
effort violent, saut, course rapide, etc., peuvent guérir
spontanément, par avalure, si le pied est préservé de
nouveaux traumatismes.
Complications. — Peu de maladies se compliquent
aussi facilement que la seime. Ces complications sont
aiguës ou chroniques.
La mise à nu et la compression du tissu podophylleux
au fond de la fissure amènent fréquemment l'infection
de ce tissu. Une pododermatite superficielle ou profonde
se développe avec production de pus. Tantôt celui-ci
décolle simplement la muraille, tantôt les tissus vifs
bourgeonnent avec exubérance et des cerises plus ou
moins volumineuses apparaissent à la surface de la
paroi (fig. 81), tantôt enfin le pus provoque la mortification
du tissu podophylleux, du bourrelet, du tendon

186
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
de l'extenseur antérieur de la phalange et de la phalange
elle-même ; il peut même y avoir ouverture de l'articulation
du pied.
Dans les cas de complications pareilles, la boiterie
devient intense ; des lancinations fréquentes s'observent.
Le bourrelet se tuméfie; le paturon
et le boulet s'engorgent. La
fièvre se montre ; la température
rectale s'élève et les animaux
maigrissent rapidement.
L'infection peut se communiquer
aux lymphatiques profonds (lymphangite
profonde), etc.
A la suite de ces lésions inflammatoires,
il peut persister un
Fig. 81. — Seime en pince
avec bourgeonnement excessif
des Lissus sousongulés.
épaississement considérable du
conjonctif sous-cutidural (1).
La complication chronique la plus
fréquente, consiste dans la produc-
tion d'un kéraphyllocèle.
Il convient de signaler enfin comme complication la
transformation d'une seime curable en seime incurable
par suite de la mortification locale du bourrelet.
Diagnostic. — Le diagnostic est facile. Cependant,
lorsque la seime a été masquée à l'aide d'un ciment
ou d'un mastic il faul, pour constater la présence de la
fente, nettoyer la région et la racler énergiquement avec
un linge rude, de la paille ou un couteau.
L'intensité de la boiterie, l'engorgement, les lancinations,
la présence du pus, etc. indiquent que la seime
est compliquée.
Pronostic. — La seime doit être considérée comme
une maladie grave. Les conditions dans lesquelles sont
(1) Laniillotti-Buonsanli, Setola discendante in correspondenza délia,
punta del piede posteriore destro con notevole procidepsa del tessuto podofilloso
e sclerosidel cercine coronario (La clinica veterinaria, 1898, p. 557).

SEIME. 187
habituellement entretenus les solipèdes font que la
fissure du sabot ne disparait presque jamais spontanément.
D'ailleurs, la forme de la seime influe dans une très
large mesure sur sa gravité : la set'me incomplète plantaire,
fréquente chez les jeunes chevaux, est moins grave que
la seime incomplète coronaire qui se transforme facilement
en seime complète; la seime récente est moins grave
que la seime ancienne, etc. etc.
L'âge de l'animal, le service auquel il est employé,
l'existence ou la non-existence de l'encastelure, etc.
doivent également être pris en considération.
La seime quarte étant souvent la conséquence d'une
conformation défectueuse du pied est, à ce point de vue,
plus grave que la seime en pince.
Anatomie pathologique. — Dans la seime simple,
la seule lésion appréciable consiste dans la fente du
sabot, fente dont les caractères ont été indiqués. Lorsque
des complications se sont produites, on trouve le tissu
podophylleux enflammé, épaissi, transformé en membrane
pyogénique ; il devient violacé, noirâtre, lorsque
la gangrène l'a atteint.
L'os et les tissus fibreux peuvent être modifiés par la
carie ou la nécrose.
Le kéraphyllocèle est une lésion chronique fréquente
dont les caractères seront indiqués plus loin (p. 207).
Prophylaxie. — La prophylaxie de la seime embrasse
diverses prescriptions d'inégale importance, par suite
des difficultés d'exécution qui accompagnent quelquesunes
d'entre elles.
Les observations de Lessona, de Sempastour, montrent
que l'on doit éloigner de la reproduction les étalons
affectés de seime. L'influence de la nature du sol, des
allures rapides,des violents efforts de tractions, indiquent
qu'il faut éviter les routes dures, les rues pavées des
villes, et que l'on doit modérer l'ardeur des animaux

188 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
soit dans les allures rapides, soit dans les tractions. —
Les chevaux de renfort sont indiqués lorsque les
chevaux de trait ont à gravir des montées pénibles.
Les prescriptions suivantes ont plus d'importance
pratique. On évitera la dessiccation de la corne et on
maintiendra celle-ci souple au moyen des bains, des
cataplasmes émollients, etc., et en s'opposant à l'évaporation
des liquides qui l'imbibent, par une couche
d'onguent de pied.
Le maréchal ne devra jamais faire agir la râpe audessus
de la ligne des rivets.
La ferrure devra toujours viser à prévenir l'encastelure
; lorsque celle-ci existe, elle doit être convenablement
traitée.
Traitement. — Le mode d'intervention diffère, selon
que l'on est en présence d'une seime occasionnant une
boiterie prononcée ou une claudication légère.
La seime avec boiterie intense est ordinairement une
seime récente ou une seime compliquée. Ce peut être aussi
une seime ancienne devenue douloureuse sous l'influence
d'un travail pénible.
Mettre le malade au repos absolu, dans un appareil à
suspension si cela est nécessaire ; envelopper lepied d'un
cataplasme antiseptique ou de vieux linges propres
imbibés d'une solution phéniquée, crésylée, etc., telle
est la double indication à remplir immédiatement. —
Le pied doit être au préalable, déferré et paré.
Sous l'influence de ces soins, tantôt la boiterie s'atténue
au point de disparaître en peu de jours, tantôt elle
persiste et même s'aggrave.
Dans le premier cas, on continue le traitement par
l'un des moyens propres à amener la disparition de la
seime, moyens que nous allons immédiatement indiquer ;
dans le second cas, l'opération de la seime s'impose en
vue d'arrêter l'extension des complications.
A. Seimes non compliquées. — SOINS PRÉLIMINAIRES. —

SEIME. 189
Avant toute autre intervention, il convient de supprimer
l'appui à l'extrémité plantaire de la seime. Bien que cette
précaution soit considérée comme inutile par quelques
auteurs, il est bon de la prendre.
Pour la set'me en pince, on pratique un sifflet : on échancre
son extrémité inférieure sur une hauteur de un centimètre
et sur une largeur, au bord plantaire, de 1 centimètre et
demi à 2 centimètres. On peut aussi employer un fer
pourvu d'une dépression en regard de la fente. Le fer à
pince entaillée, décrit par Jauze, présente une échancrure
en pince en regard de la seime, pour empêcher
l'appui. L'échancrure offre de chaque côté un pinçon
destiné à immobiliser les lèvres de la seime (1).
Lorsque le sabot est simplement entaillé d'un sifflet,
on applique ordinairement un fer à pince prolongée.
Soumille conseille de reporter les étampures en arrière,
vers les talons.
Pour la seime quarte, on pratique aussi un sifflet. On
conseille de parer le pied plus fortement en arrière de
la seime, jusqu'au point où une perpendiculaire abaissée
de son extrémité supérieure rejoint le bord plantaire
(Lungwitz) (fig. 82). Le fer entaillé au bord externe de la
branche, analogue au fer à pince entaillée, n'est plus employé.
(I) Jauze (Cours théorique et pratique de marichalerie vétérinaire, Paris,
1818, p. 347 et 361).
11.

190 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
La ferrure des pieds affectés de seime quarte doit
être ex/cutée avec le plus grand soin ; l'ouvrier doit
surtout se préoccuper de parer régulièrement le pied (1).
Considérant que la lésion découle dans un grand nombre
de cas d'un vice d'aplomb du pied, Touvé a guéri un
grand nombre de chevaux atteints de seime, en Algérie,
en mettant simplement le pied d'aplomb — d'après le
procédé de Watrin — et en amincissant les éponges (2).
Decroix a employé avec succès le fer tronqué en mamelle
interne (seime sur le quartier interne) (3).
A l'exemple de Soumille, on applique le plus souvent
un fer à planche (4). La ferrure Lavalard-Poret convient
si la fourchette est bonne. Si la fourchette est atrophiée,
les patins peuvent être avantageusement employés.
Pour la seime en talon, on se contente de parer la région
fissurée de manière à supprimer l'appui. On applique
un fer ordinaire à éponge correspondante nourrie et
prolongée, pouvant résister aux plus fortes pressions de
l'appui. Le fer à planche est également indiqué. S'il
s'agit d'un pied à talons bas, d'un pied plat, on emploie
une ferrure adaptée au vice de conformation.
Lors de seime en barre, la barre lésée sera parée, pour
l'éloigner du sol et lui éviter des traumatismes. Si la
lésion siège assez en arrière pour pouvoir être protégée,
on appliquera un fer ordinaire à branche élargie. Le
fer à planche pourra aussi être employé.
MÉTHODES DE TRAITEMENT. — Nous décrirons successivement
les divers moyens de traitement en indiquant, pour
chacun, à quelle forme de seime il convient surtout de
l'appliquer.
1° EMPLOI DES IRRITANTS ET DES CAUSTIQUES. — Ces agents
(1) Servoles, Traitement des seimes (Journ. de méd. rit. milit., t. VII,
1868, p. 395).
(2) Bull. Soc. centr., 1890, p. 72.
(3) Ibid., 1889, p. 254.
(4) Journ. des vét. du Midi, 1849, p. 472.

SEIME. 191
ont joui d'une grande vogue ; ils agissent en accélérant
la formation de la corne sur le bourrelet et en rendant
plus active, au fond de la fissure pariétale, la kératogenèse
dont le tissu podophylleux devient toujours le siège
lorsqu'il est mis à nu. La seime s'efface sur le bourrelet
et ses bords se soudent par leur face profonde.
On emploie ou l'on a employé dans ce but des substances
et préparations diverses : l'acide azotique, l'acide sulfurique
(SolleyseM, l'huile bouillante, la poix fondue, le goudron
chauffé, l'onguent vésicatoire, la pommade au biiodure de
mercure, un mélange d'huile grasse et de sublimé (Verrier et
Véret) (1), ou, d'après les mêmes auteurs, le mélange de vinaigre
blanc, de deutosulfate de' cuivre et d'acide sulfurique, la
liqueureaustiquede Mercier (acidesulfurique, 1 partie;essence
de térébenthine, 4 parties), l'huile saturée de perchlorure de
mercure, un mélange formé de 30 grammes de chacun des
produits suivants : teinture d'aloès, huile d'aspic, huile de
pétrole, baume de copahu, auquel on ajoute 30 grammes d'acide
azotique (Bourdon) ;î>.
Frangé (1) a employé le goudron caustique : goudron,
10 grammes ; acide sulfurique, 15 grammes. H. Bouley a eu
recours à une solution de potasse. Maury, Benaux, Bousseau
et Biaise, etc., ont obtenu de bons résultats avec l'huile de
cade (4), alors que Barrier, Manceau, Serres (5) ont employé
infructueusement ce liquide. Bey s'est adressé au sulfate de
cuivre en solution (6).
Selon l'activité du produit employé, le degré de concentration
de l'acide, etc., il faut l'utiliser avec plus ou moins de
ménagement. En règle générale, on commence par amincir
(1) Becueil de méd. vit., 1836, p. 525.
(2) Journ. des vit. du Midi, 1850, p. 314.
(3) Prangé, Becueil. 1855, p. 47.
(4) Jules Maury, Traitement des seimes par l'huile de cade (Becueil de
mid. vit., 1872, p. 40 et Journal de méd. vit. milit., t. XI, p. 695 et t. XII,
p. 438. — Renaui, Du traitement des seimes par l'huile de cade (Journ. de
mid. vit. milit., t. X, 1872-73, p. 329. — Rousseau, Quelques cas de seimes
traitées par l'huile de cade (ibid., p. 333). — Biaise, Journ. de mid. vit.
milit., t. X, 1872-73, p. 713 et t. XI, 1873-74, p. 698.
(5) Journ. de mid. vit. milit., t. XI, 1873-74, p. 117, 370 et 561.
(6) Rey, Emploi de la solution conrentrie de sulfate de cuivre dans le
traitement des maladies chirurgicales du pied (Journ. de méd. vit., de
Lyon, 1864, p. 492).

192 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
les bords de la fente et on verse le médicament dans la
cavité.
La cautérisation actuelle a été utilisée' au même titre que
les irritants et les caustiques. Les anciens employaient pour
la pratiquer un cautère, dont la partie cautérisante avait la
forme d'un S. Chauffé au rouge sombre, l'instrument est mis
au contact de la couronne. On l'applique ensuite en trois
points de la muraille, sur la seime, à différentes hauteurs,
pour irriter le tissu podophylleux à distance.
Favé appliquait avec succès « trois raies de feu, l'une sur
la -couronne à un centimètre de la cutidure, l'autre sur la
cutidure, et la dernière sur la Assure à un centimètre de la
précédente» (I). Barreau pratiquait, avec le cautère cultellaire,
trois raies parallèles sur la couronne, amincissait les bords de
la seime et mettait un fer à planche (2).
Qu'il s'agisse de la seime en pince, de la seime quarte, ou
de la seime en talon, il est toujours indiqué d'avoir recours
aux irritants ou à la cautérisation actuelle ou
potentielle pour combattre la seime. Dans tous les cas,
on limite son action sur la couronne et le bourrelet.
On fait une friction vésicante, ou bien on applique
trois ou quatre pointes de feu fines et pénétrantes audessus
de la seime.
Pour la seime en barre, la cautérisation n'est pas pratique.
2° EMPLOI DES BANDAGES. — Les bandages ont été préconisés
par Bourgelat dans le but d'immobiliser le sabot
affecté de seime et, par conséquent, de supprimer les
mouvements que les bords de la seime exécutent à
chaque appui. Ils ont été appliqués surtout pour la seime
en pince.
On les fait avec du fil de fer ou de cuivre, des bandes
métalliques dont les extrémités sont réunies par une
vis, du ruban de fil que l'on fait adhérer à l'aide d'un
(1) Favé, Sur le traitement de la seime (Jour, de Lyon, 1879, p. 61).
(2) Barreau, Quelques réflexions sur les seimes du cheval de cavalerie et
sur les moyens à employer pour prévenir ces accidents (Journ. de méd. vét.
milit., t. VI, 1867-68, p. 594).

SEIME. 193
enduit de goudron, de térébenthine, de mélange emplastique,
d'huile de cade, etc.
Schleg a préconisé une courroie spéciale en cuir (1).
Les bandages ne sont pas à recommander au point de
vue curatif. Leur action contentive est incertaine ; ils
peuvent être nuisibles. Au début, ils rapprochent les
talons l'un de l'autre et font écarter les bords de la
seime. Au bout de quelque temps, ils se distendent
ou s'incrustent dans la muraille et ne remplissent plus
leur rôle contentif tout en gênant les mouvements des
talons et en prédisposant à l'encastelure.
3° EMPLOI DES FERS DÉSKNCASTELEURS. — Ces fers, en
maintenant les talons écartés (Voy. p. 76), immobilisent
les bords de la seime, et, en plus, lorsque celleci
est liée à l'encastelure, remédient à cette dernière
maladie.
Ils ont été préconisés par Merche (2) contre la seime
quarte, par Watrin et par Trasbot contre la seime en
pince. Degive les a même employés lors de seime compliquée
(3;.
Ces fers conviennent parfaitement, employés seuls ou
concurremment avec des agrafes, pour la seime en pince
et pour la seime quarte. Ils ne peuvent être employés
contre la seime en talon ni contre la seime en barre.
Merche, Degive, Watrin, ont employé le fer à pantoufle
expansive de Defays ; Bonnard, le fer à ressort de
Barbier (4). Trasbot a eu recours pour la seime en pince
au fer de Defays fortement échancré en voûte. Dans
un autre modèle il a supprimé l'échancrure et l'a rem-
(1| Der Bufschmied, 1884. p. 110.
(2) Merche, Traitement des seimes quartes (Journ. de mid. vét. milit.,
t. I, 1862-63, p. 474).
(3) Degive, Emploi de la ferrure à pantoufle expansive dans le traitement
des seimes (Ann. de Bruxelles, 1883, p. 305).
(4) Bonnard, De l'emploi du ressort Barbier dans les cas de seime quarte
et d'ossification des cartilages latéraux (Journ. de mid. vét. milit., t. I,
1862-63, p. 514).

194 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
placée par un rétrécissement des branches du fer en
arrière des mamelles (1).
4° BARRAGE DE LA SEIME. — Le barrage de la seime consiste
à rapprocher et à immobiliser ses bords au moyen
d'un lien de nature variable, à faire en quelque sorte la
suture de la solution de continuité de la corne.
Il constitue une méthode de traitement excellente
pour la seime en pince; il est d'une application difficile
pour la seime quarte. On ne peut guère l'employer pour
la seime en talon et il est inutilisable pour la seime en
barre.
Les procédés de barrage de la seime sont nombreux.
A. BARRAGE PLANTAIRE. — Solleysel employait un morceau
de fer étroit, incurvé et plat, muni à chaque extrémité,
d'un prolongement pointu rappelant un clou à
ferrer, qu'il fixait sous le pied en l'implantant dans la
muraille. Le pied était ensuite ferré normalement.
« Cette invention est si bonne, dit cet auteur, qu'elle a
parfaitement bien guéri des chevaux qui étaient toujours
boiteux et absolument inutiles. »
L'arc métallique de Solleysel n'est plus employé, car
il n'agit que sur le bord plantaire de la muraille et
n'immobilise nullement la seime dans sa partie supérieure.
Le fer à double pinçon (un de chaque côté de la seime),
rappelle le barrage plantaire de Solleysel.
Il convient très bien pour la seime en pince, et favorise
l'action des agrafes, des sutures, etc.
B. BARRAGE SUR LA SURFACE DE LA MURAILLE. — Ce barrage
peut être exécuté de trois manières.
1° Avec un fil métallique. — Solleysel conseille de traverser
les lèvres de la seime, sans léser le tissu podophylleux,
avec un poinçon ou une alêne courbe et de
passer, par le conduit créé, un petit fil d'archal qu'on noue
(1) Bull. Soc. centr., 1897, p. 309.

SEIME. 195
en le tordant avec des pinces, afin de rapprocher et de
fixer les bords. On place ainsi deux ou trois points de
suture selon la hauteur du sabot.
2° Avec une plaque métallique. — Leisering et Hartmann
ont conseillé l'emploi d'une plaque métallique que l'on
fixe sur la fente à l'aide de clous ou de vis de faible
longueur.
Ces procédés ne sont plus suivis.
3° Avec un clou à ferrer. — Les clous, d'une manière générale,
conviennent parfaitement pour barrer les seimes.
On emploie surtout les clous à ferrer. Leur mise en place
demande une certaine adresse, car il importe de prendre
assez de corne et d'éviter cependant le tissu podophylleux.
Les clous, au nombre de deux ou trois, peuvent être
simplement brochés horizontalement à travers les lèvres
de la fissure pariétale au moyen du marteau. Ce procédé
est toujours dangereux, car le clou peut prendre une
mauvaise direction; il est souvent douloureux, par suite
de la sensibilité du pied à la percussion.
Lorsque la tige métallique est en place, on en coupe
la tète et la pointe ; les extrémités sont ensuite recourbées
et noyées à la façon d'un rivet.
Haupt (1), Lafosse (2), ont recommandé de creuser de
chaque côté de la seime, à un centimètre de distance de
chaque bord, une entaille qui facilite l'implantation du
clou. Tantôt celui-ci est implanté directement, tantôt on
fore au préalable son trajet avec une tige plus rigide
que lui. Avant Haupt, Naudin dit avoir employé ce procédé
qu'il avait vu appliqué en Algérie (3).
On évite beaucoup plus sûrement encore les accidents
en ayant recours à la vrille ou à une drille (4)
(1) Becueil de méd. vit., 1856, p. 743.
(2) Journ. des vit. du Midi, 1859, p. 279.
(3) Naudin, Note sur le traitement de la seime par l agrafe (Journ. de
Lyon, 1857, p. 503).
(4) Coucha, Bull. Soc. centr., 1887, p. 422.

196 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
pour creuser la voie que doit suivre le clou (fig. 83).
Le cheval est immobilisé au moyen du tord-nez ; on
lève le pied antérieur correspondant. S'il s'agit d'un
animal très calme, on place le
pied sur un chevalet.
L'opérateur marque à l'aide
du cautère le point d'entrée et
le point de sortie du foret, et,
mettant un genou en terre,
entame le sabot d'abord,perpendiculairement
à sa surface. Dès
que l'instrument a commencé
à pénétrer, il le dirige tangentiellement au pied. La
pointe ne tarde pas à sortir au delà de l'autre lèvre
de la seime. Lorsque le trajet est bien creusé, l'opéré
ne manifeste aucune douleur.
On prend alors un clou, ou mieux une lame de clou

SEIME. 497
longue de 6 centimètres, bien raidie par le battage,
recourbée à angle droit à l'un de ses bouts, effilée à
l'autre, enduite de vaseline, et, de dedans en dehors, on la
fait pénétrer dans le trajet creusé ; ses extrémités sont
ensuite recourbées en avant, serrées et limées convenablement
(fig. 84).
L'emploi des clous convient très bien pour la seime en
pince. Il est dangereux pour la seime quarte et la seime
en talon.
Peuch a tout récemment affirmé à nouveau l'excellence
de ce moyen de traitement. Il permet en effet
d'obtenir la guérison de la seime en pince même chez les
animaux de gros trait sans que l'animal cesse de travailler
et sans ferrure spéciale.
On se contente d'abord de placer un clou à une distance
de 2 centimètres à 2 centimètres et demi du
bourrelet. « Un mois ou un mois et demi après l'application
de cette première lame rivée, selon que les
bords de la fissure sont encore plus ou moins écartés,
on en applique une deuxième, d'après la même technique.
Et ainsi de suite de mois en mois jusqu'à ce que la
seime soit complètement guérie (1). »
C. BARRAGE AVEC LES AGRAFES. — Les agrafes sont constituées
en principe par un fil métallique de 2 à 3 millimètres
de diamètre et dé 2 à 3 centimètres de longueur,
recourbé en crocheta ses extrémités, et que l'on fixe sur
la seime à la surface du sabot. 11 en existe plusieurs
modèles. On en met deux ou trois selon la hauteur du
pied. La plus haute doit être au moins à 1 centimètre et
demi du bourrelet.
a. Agrafe Vachette (2). — La figure 85 montre en a
une agrafe Vachette ; en 6 le cautère à empreintes avec
(1) F. Peuch, Sur le traitement de la seime en pince (Journ. de mid. vit.
et de zootechnie, 1900, p. 687).
(i) Vachette, Traitement des seimes par le procédé des agrafes (Becueil
de méd. vêt., 1861, p. 713 et 1863, p. 92).

198
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
lequel on creuse sa place
dans la muraille, et en
c la pince dont on se
sert pour la serrer et
rapprocher les bords de
la seime.
On chauffe le cautère
6 au rouge et on l'applique
sur la muraille, à
cheval sur la seime, de
manière àpratiquerdeux
encoches. On met l'agrafe
en place, ses extrémités
dans les encoches. Il
suffit alors de la saisir
entre les mors de la pince
et de la fixer en la serrant
sur la fente. On la
mouille afin qu'elle
couvre de rouille et adhère plus fortement au sabot (fig.86).

SEIME. 199
Salles a modifié la pince Vachette en l'adaptant pour
recevoir des mors de rechange. Les agrafes de Greaves
sont de quatre à six fois plus fortes que
les agrafes Vachette; on ne les emploie
pas en France (1). j
b. Agrafe de Massonat [2). — « Elle se
compose de deux crochets solides en
acier, d'égale longueur, réunis par une I
vis taraudée. Sa place est faite dans la I
muraille au moyen d'un cautère à em- ^M
preinte unique » (fig. 87). -I
On a préconisé l'emploi de demi-agrafes, I
d'un centimètre de largeur, que l'on peut réunir aeux
par deux par une ligature en fil métallique rappelant
la vis de l'agrafe Massonat.
Anginiard pratiquait de chaque côté de la seime une rainure
et rapprochait ensuite les bords de la seime à l'aide de
crampons à vis. Ce procédé est défectueux ; Pellerin dit avec
raison que chaque rainure peut se transformer en seime.
c. Suture enchevillée. — Elle est faite au moyen de lames
de clous à ferrer traversant les lèvres de la seime et
enroulées à chaque extrémité sur une tige de fer placée
parallèlement à la seime dans une rainure de faible profondeur
(3)
d. Vis de Flocard (t. — L'emploi des vis de Flocard
rappelle l'emploi des clous. Le procédé consiste à
creuser un trajet dans l'épaisseur de la muraille, comme
si l'on voulait placer ensuite une lame, et à introduire
(1) Ann. de mid. vêler., 1875, p. 347.
(2) Bull. Soc. centr., 1897, p. 305. [D'après Boudeaud, cette agrafe était
connue à Bordeaux avant l'année 1893, et employée dans le traitement de la
seime par un ouvrier maréchal dont le nom lui est resté inconnu (Bull. Soc.
centr.. 1S98, p. 247)].
(3) Becueil de mid. vêtir., 1864 p. 837.
(4) Flocard, Suture inamovible des plaies cornées chez le cheval (Bull.
Soc. centr., 1894, p. 484).

200 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
dans ce trajet une vis appropriée. Le calibre de la mèche
de la vrille est en rapport avec celui de la vis.
L'auteur assure que son procédé peut être utilisé pour
les seimes en pince et pour les seimes quartes. 11 ne
paraît pas cependant d'une application facile pour ces
dernières, mais pour les premières il peut donner de bons
résultats.
5° MASTICAGE DE LA SEIME. — Le masticage de la seime
consiste à combler la fente de la muraille avec une substance
propre à en coller les bords et à les immobiliser
dans une certaine mesure.
Le mastic de vitrier (Hendrix) (1), le mastic de Defays,
composé de : gutta-percha, 2 parties, gomme ammoniaque,
1 partie, que l'on applique à l'aide d'une lame
de fer chauffée (Zundel), ont donné des résultats satisfaisants.
Pritchard recommande le procédé de Moore (2),
employé avec succès par South : introduction dans la
fente, élargie dans sa profondeur, d'un morceau de bois
dur, prismatique, ne touchant ni au bourrelet, ni au
tissu podophylleux et maintenant les bords dans un
écartement invariable (Pellerin).
Kônig, d'après Molier, recommande une solution concentrée
de gutta-percha dans du collodion (3).
Le masticage de la seime se pratique très peu. C'est un
moyen de traitement incertain.
6° RAINURES. — Le traitement des seimes par les rainures
peut s'appliquer pour les seimes en pince et pour les
seimes quartes, mais il convient surtout pour ces dernières.
Il consiste à isoler les lèvres de la seime dans toute
leur longueur, ou seulement à la partie supérieure du
sabot, en vue d'y supprimer ou d'y réduire les mouvements
qu'elles exécutent à chaque appui.
(1) Hendrix, Guérison de deux seimes par l'emploi du mastic de vitrier
(Journ. vét. et agr. de Belgique, 1847, p. 128).
(2) Ann. de méd. vêt., 1880, p. 285.
(3) Molier, Die Bufkrankheiten des Pferdes, 3« édit., Berlin, 1895, p. 246.

SEIME. 201
Les rainures se font avec la rainette ordinaire. Sempastour
a préconisé une rainette triangulaire droite »,
celle-ci n'offre aucun avantage (1). On emploie avec
avantage une petite râpe demi-cylindrique pour les rainures
horizontales.
Cagny (2), Delhoste (3), Paugoué, ont employé une scie
.. analogue à celle des instruments d'autopsie» (fig. 88).Il
est bon, lorsque l'on a recours à cet instrument, de protéger
la solution de continuité, après l'opération, en y
coulant de la cire d'abeilles (Delhoste).
Levrat a conseillé de faire, « dans le milieu'ou au tiers
supérieur de la paroi, une rainure transversale à la fissure
» qui dépasse celle-ci, en avant et en arrière, d'un
pouce. Cette rainure doit arriver sur les tissus vifs, sans
les atteindre (4).
Ce procédé a été sérieusement recommandé par Cousin
(5) « pour toutes les seimes, quelles qu'elles soient,
en pince, en quartier, rectilignes ou en zigzag
Il est excellent contre les seimes quartes. 11 ne donne
pas de bons résultats pour les seimes en pince (Chuchu,
Andrieu).
(1) Bull. Soe. centr., 1850, p. 199.
(2) Cagny, Usage de la scie pour les rainures du sabot, Ibid., Î893,p.344.
(3) Delhoste, Emploi de la scie dans le traitement des seimes, Ibid,, 1896,
p. 166.
(4) Levrat, Journ. pr. de mid. vit., 1828. p. 164.
(5) Cousin, Note sur le traitement des seimes par un nouveau procède
(Bee. de mid. vit., 1883, p. 619 et 632). — Traitement des seimes par la rainure
transversale (Rapport de Chuchu) (Bull. Soc. centr., 1887, p. 418). —
Traitement de la seime, Ibid., 1888, p. 93.

202
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Lorsqu'il s'agit d'une seime ancienne, Cousin recommande
de creuser deux autres rainures, parallèles à la
seime, l'une en avant, l'autre en arrière, s'abouchant
sur la rainure horizontale par leur extrémité inférieure;
il conseille en outre d'enlever la « corne raboteuse
sur les deux bords de la seime compris dans les rainures
».
Castandet a préconisé des rainures longitudinales —
parallèles à la seime — pour la seime complète; et des
rainures obliques, se réunissant en V, à l'extrémité infé­
rieure de la solution de continuité, pour les seimes
incomplètes. Lorsqu'on creuse la rainure, on s'arrête
«lorsque le fond du sillon est blanc. Le bourrelet est
cautérisé à l'origine de la seime (1) (fig. 89).
Ce procédé a donné de bons résultats à Rey, soit pour
(I) Castandet, Bapport sur un nouveau procédé pour opérer les seimes,
employé toujours avec succès (Journ. de mid. vêt., 1852, p. 417).

SEIME. 203
les seimes en pinces, soit pour les seimes quartes (1) ;
il a réussi également à Weber (2), à Bugniet (3).
André, pour la seime en pince, plaçait les rainures en
V, ébranlait les lambeaux de parois qu'elles délimitaient
et appliquait un pansement (4).
On peut appliquer à la seime quarte les rainures préconisées
par Collin contre l'encastelure.
Collin a décrit les deux procédés suivants, applicables
surtout à la seime quarte.
Dans le premier, « il pratique
d'abord au-dessous
du bourrelet, à 1 cent, et
demi de la peau, une rainure
qui prend au milieu
de la mamelle et qui va
aboutir au talon. Cette rainure,
parallèle au bourrelet,
a une largeur de 1 centimètre
et va jusqu'au
voisinage des tissus vifs
qu'il faut tâcher de respecter
». Il fait « ensuite deux
Fig. 90. —RainurPS de Collin contre
l'encastelure et la seime quarte.
autres rainures ». L'une, parallèle aux fibres cornées,
est faite à 2 centimètres en avant du talon ; l'autre,
oblique de haut en bas et d'avant en arrière, part de
l'extrémité antérieure de la rainure horizontale et vient
aboutir au bord plantaire, à 2 centimètres en avant de
la précédente (fig. 90).
Cet auteur a plus particulièrement indiqué pour la
seime ce deuxième procédé. On creuse, de chaque côté
de la seime, une rainure parallèle à cette dernière, et, à
(I) Rey, Appréciation du procidi de M. Castandet, relatif à f opération
des seimes (Ibid., 1853, p. 121).
(8) Bee. de méd. vit., 1860, p. 17.
(3) Bugniet, Opération de la seime par le procédé Castandet (Journ. des
vit. du Midi, 1861, p. 389).
(4) André nia, Journ de mid. vêt., 1848, p. 27.

204 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
1 centimètre et demi du bourrelet, une autre rainure
transversale, réunissant les deux premières. S'il s'agit d'une
seime quarte, cette rainure transversale est prolongée
jusqu'au talon (1).
7° AMINCISSEMENT. — Préconisé par Lafosse (Guide du
maréchal), l'amincissement est un moyen de traitement
excellent pour toutes les seimes (2).
Prévost amincissait d'abord à la râpe, puis avec une
feuille de sauge bien affilée, < de manière à rendre la
corne flexible sous le doigt à 1 pouce et demi de chaque
bord. Avec un pansement compressif, l'auteur a obtenu
d'excellents résultats, soit pour la seime en pince, soit
pour la seime quarte (3). ••«
Carriol, ayant à traiter une seime en pince, s'est borné
à faire le long de la seime une rainure s'élargissant
progressivement », mesurant 10 à 12 millimètres de largeur
à son extrémité supérieure et 20 à 25 à son extrémité
inférieure. Essayé avec succès par Lavergne, ce procédé
parait bon pour les seimes en pince (4).
Brianne, en opérant comme Prévost, a guéri plusieurs seimes
en pince (5) ; Weber, une seime quarte (6).
Rey, à l'exemple de Lafosse, pratiquait, pour la seime en
pince, au niveau du bourrelet, une rainure transversale
(c'était un amincissement localisé sur cet organe), longue de
5 centimètres, s'étendanten profondeur jusqu'aux tissus générateurs
de la corne (7).
Andrieu, dans deux cas, n'a pu obtenir la guérison de la
seime en pince, par une rainure horizontale semblable.
(1) Collin (de Vassy), Traitement de l'encastelure et des bleimes (Bec. de
méd. vêt., 1878, p. 961). Le traitement des seimes par les rainures (Bec. de
mid. vêt., 1884, p. 29).
(2) Percivall, Bec.de mid. vêt., 1855, p. 238.
(3) Prévost, Observation sur l'Opération des Seimes ou Fissures de la Corne
(Bec. de méd. vét., 1825, p. 17).
(4) Carriol, Opération de la seime, procédé modifié (Journ. des vit. du
Midi, 1838, p. 317).
(5) Brianne, De ta seime et de ses opérations réduites à une grande simplicité
(Journ. des vêt. du Midi, 1847, p. 49).
(6) Becueil de mid. vit'., 1860, p. 17.
(7) Journ. de mid. vét., 1845, p. 452 et 1847, p. 174.

SEIME. 205
Pour la seime quarte, après avoir essayé de la rainure horizontale
aidée par un amincissement en V au-dessus, il s'est
arrêté auprôeédé suivant: rainure horizontale, parallèle au bourrelet,avec
amincissement de la paroi au-dessus delà rainure.
Le succès serait constant (1).
Le traitement des seimes par l'amincissement donne
une très forte proportion de succès. Il convient surtout
pour les seimes en quartier,
en talon, en barre ; il
est également applicable à
la seime en pince.
Les bords de la seime
sont amincis à fond sur une
étendue de un centimètre
de chaque côté ; l'amincissement
se continue par
deux biseaux qui, pour ne
,..*,,...,„
- Amincissement pour «eirne Pig.M.—ÀmineiMement'poui «eu»
incomplète.
'
pas affaiblir le sabot sur une trop grande largeur, sont
(1) Andrieu, Le traitement de* seimes quartes (Rapport de Leblanc) (Bull.
Soc. centr., 1887, p. 481).
Chirurgie du pied. 12

206 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
creusés dans l'épaisseur de la muraille selon une surface
concave (fig. 91). Ces biseaux convergent vers l'extrémité
inférieure de la fente s'il s'agit d'une seime incomplète
(fig. 92). 11 importe que, par suite de cet amincissement,
la fente seimeuse disparaisse et que le tissu qui en
constitue le fond soit mis à découvert.
La région est enduite de goudron, recouverte d'une
couche d'ouate, et la perte de subslance du sabot est
comblée avec des tentes maintenues par une bande de
manière à soutenir le bourrelet. Ce pansement est renouvelé
au bout d'une semaine.
La corne qui se forme sur les tissus dénudés est continue,
et il suffit de la protéger pendant quelques temps
pour que la seime ait définitivement disparu.
B. Seimes compliquées. Opération de la seime. — La
seime compliquée est la seime qui s'accompagne de
phénomènes inflammatoires très intenses et de mortification
des tissus vifs. L'opération de la seime consiste à
découvrir les parties malades, à exciser celles qui
sont mortifiées, et à faire un pansement convenable.
Ce n'est point ici le lieu de décrire la technique de
cette opération (1). Les prescriptions essentielles qui s'y
rattachent consistent : 1° à mettre les tissus à nu dans
toute l'étendue des lésions ; 2° à exciser toutes les parties
mortifiées de ces tissus, et, par suite, à ruginer l'os
phalangien jusqu'à ce que ses caractères soient normaux;
3° à faire une plaie aseptique, à parois formées de tissus
bien vivants ; 4° à ménager le bourrelet.
11 semble, à première vue, que, dans le cas de seime
produite par une perte de substance ou par une cicatrice
fibreuse du bourrelet, on puisse obtenir la reconstitution
de cet organe en excisant la partie malade et en
suturant ensuite les deux lèvres de la plaie.
Nous avons tenté expérimentalement cette opération.
(I) Voy. Considérations générales, p. 34, ainsi que le Manuel opératoire
de l'Encyclopédie vétérinaire Cadéac.

KERAPHYLLOCELE. 207
L'échec a été complet : l'inexlensibilité absolue du bouiv
reletne permet pas-de rapprocher les lèvres de la plaie,
alors même que celle-ci ne mesure que 12 millimètres de
largeur.
VI. — KERAPHYLLOCELE.
Définition. — Vatel a donné le nom de kéraphyllocèle à
une production cornée, de forme cylindrique, conique,
ou pyramidale, anormalement développée à la surface
du tissu podophylleux (1).
On peut donner à ce kéraphyllocèle le nom de kéraphyllocèle
en colonne. Son axe est toujours parallèle ou
sensiblement parallèle aux feuillets du tissu podophylleux
sur lesquels il est appliqué.
Nous décrirons aussi une autre néoformation cornée,
peu étudiée jusqu'à ce jour, et cependant très fréquente,
étalée en nappe à la surface du tissu podophylleux,
à laquelle nous donnons le nom de kéraphyllocèle
diffus.
A. — Kéraphyllocèle en colonne.
Caractères. — Les caractères de ce kéraphyllocèle
ont été bien décrits par Vatel.
Forme. — Dans la plupart des cas, le kéraphyllocèle
représente une masse cylindrique, ou plutôt demicylindrique,
régulière. 11 s'agit alors de néoformations
cornées relativement récentes. Lorsque la lésion date
(1) Compte rendu des travaux de l'École d'A Ifort pour l'annie scolaire 1821-
1825. — Observations de kéraphyllocèles (Bec. de méd. vêt., 1828, p. 39
et 91). — Éléments de pathologie vétérinaire, 1828, t. I, p. 142. —Girard,
Becueil, 1825, p. 21. — Dard, Ibid., p. 374. — H. Basai, Contribuzioni
alla storia délie colonne cornée sotloparietali dello zoccolo dei solipedi...
Il moderno zooiatro, 1890, p. 9. — H. Bouley. Dict. de méd., de chir. et
dhyg. vit., t. XI, p. 218. — Lungwitz, Encyklopadie der ges. Thierheilk.,
t IV, p. 498. — FrShner, Ueber Hornsdulen (Deutsche Zeitschrift. f.
Thierm., 1884, p. 273, t. X). — Friis, Deutsche Zeitschrift f. Thierm.,
t. XV. p. 443, 1889.

208 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
d'un certain temps, de plusieurs mois, elle affecte le plus
souvent une disposition conique ou pyramidale ; sa base
correspond au bord plantaire du
sabot (fig. 93).
Sous l'une ou l'autre de ces
formes, le kéraphyllocèle peut
présenter des bords irréguliers;
il peut être fusiforme, rétréci
en certains points, élargi dans
d'autres, plus ou moins aplati,
etc.
On en rencontre dont l'extrémité
supérieure est bifurquée.
Quelle que soit la forme du
kéraphyllocèle en colonne, on
peut le trouver constitué par une
Fig. 93. — Kéraphyllocèle
en colonne.
masse de corne compacte —
c'est alors le kéraphyllocèle plein
— ou par une masse de corne
creusée d'un ou de plusieurs conduits — c'est, dans ce
dernier cas, le' kéraphyllocèle fistuleux.
Le kéraphyllocèle fistuleux descend toujours jusqu'au
bord plantaire de la muraille. Le conduit dont il est
creusé remonte plus ou moins haut. Dans certains cas,
ce conduit représente une fistule borgne, car il se termine
en cul-de-sac dans la masse cornée constituant le
kéraphyllocèle ; dans d'autres, il constitue une fistule
complète; il traverse alors la tumeur dans toute sa longueur
et s'ouvre à la surface du tissu podophylleux, pour
fournir une voie d'écoulement à quelque liquide pathologique.
Il existe enfin des kéraphyllocèles fissurés. Vatel
appelle ainsi des kéraphyllocèles fistuleux qui présentent
une fente sur leur face adhérente à la face interne de la
muraille; cette fente se continue plus ou moins loin
dans l'épaisseur de la paroi, sans arriver cependant à

KERAPHYLLOCELE. 209
apparaître au dehors. Cette forme de kéraphyllocèle se
rencontre rarement.
Étendue. — L'étendue du kéraphyllocèle en colonne
a trait à sa hauteur et à sa largeur.
En hauteur, la néoformation cornée peut s'étendre du
bord plantaire de la muraille jusqu'au bord de la cavité
cutidurale, et même envahir celle-ci.
Lorsqu'il n'intéresse qu'une partie de la hauteur de la
muraille, tantôt il commence à son bord inférieur et
remonte plus ou moins loin vers le bourrelet, tantôt il
naît à son bord coronaire et descend vers le bord périphérique
de la sole sans atteindre celle-ci, tantôt,
d'après Vatel, il occupe seulement la partie moyenne de
la hauteur du tissu podophylleux. C'est dans cette dernière
variété que se rangent les tumeurs cornées rencontrées
quelquefois entre la muraille et le tissu podophylleux
(1), soit en pince, soit en quartiers, soit en
barres (2).
En largeur, le kéraphyllocèle s'étend proportionnellement
à son volume qui n'est d'ailleurs jamais considérable
; mais, comme le kéraphyllocèle tend parfois à
l'aplatissement, au lieu de rester nettement cylindrique
ou conique, il arrive à atteindre jusqu'à 3 à 4 centimètres
de largeur.
Volume. — D'après H. Bouley, le volume du kéraphyllocèle
varie de celui d'une aiguille à tricoter à celui du
doigt et au delà.
Étiologie. — Les traumatism.es agissant sur le bourrelet
et le tissu podophylleux sont les causes ordinaires
du kéraphyllocèle.
Frôhner, Cadiot et Almy, admettent l'existence d'un
kéraphyllocèle à développement spontané, ne relevant
(1) Boursier, Sur une tumeur cornée trouvée dans le pied d'une jument
(Bull. Soc. centr., 1897, p. 270).
(2) Leblanc, Production cornée anormale trouvée à la région plantaire
d'un sabot postérieur dun cheval (Soc. centr., i août 1855).
12.

210 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU l'IED.
nullement d'une violence extérieure, qu'ils considèrent
comme un véritable kératome (1).
Les coups reçus par le pied, soit pendant la marche,
lorsque l'organe heurte violemment un caillou ou que
l'animal forge (2), soit pendant le ferrage, sont une cause
importante de kéraphyllocèle; c'est en appliquant fortement
le pinçon du fer sur la paroi, par de violents coups
de marteau — surtout si la corne a été amincie fortement
à ce niveau avant de fixer le fer, — c'est en implantant
les clous trop à gras, trop près des lames podophylleuses,
que le maréchal peut faire développer un kéraphyllocèle.
On voit survenir aussi le kéraphyllocèle à la suite d'un
clou de rue produit par le pinçon du fer lorsque l'animal
se déferre en route (3).
D'après Molier, les affections traumatiques du bourrelet et
de la couronne peuvent occasionner un épaississement de
ceux-ci et, conséquemment, amener une augmentation de
l'épaisseur de la paroi. Lorsque l'excès d'épaisseur s'accuse à
la face interne de cette dernière, il y a kéraphyllocèle (4).
H. Bouley, qui invoque également l'influence des traumatismes
du bourrelet dans l'étiologie du kéraphyllocèle, attribue
ce dernier à la compression du tissu podophylleux par
la partie du bord supérieur de la paroi épaissie à la suite du
mouvement congestif subi par le bourrelet (5).
La cause la plus fréquente du kéraphyllocèle est la
fissure profonde de la paroi : la seime complète.
Lorsque le sabot présente une pareille lésion, les mouvements
qu'éprouvent les bords de la solution de continuité
traumatisent et irritent à chaque instant le tissu
podophylleux et le bourrelet; aussi dès qu'une seime
(1) Frôhner, Die operalive Behandlung der Bornsdulen (Monatskefte
pr. Thier., 1897, p. 337, t. VIII). — Cadiot et Almy, Traité de thirap. chir.,
t. II, p. 798.
(2) Menvcux, Bull. Soc. centr. de mid. vitér., 1900, p. 916.
(3) Gunther, Berl. th. Woch., 1893, p 417.
(4) Molier, Die ffufkrankheiten des Pferdes, p. 73 et 155.
(5) H. Bouley, Dictionnaire, t. XI, p. 221.

KÉRAPHYLLOCÈLE. 211
persiste pendant plusieurs mois, notamment la seime
en pince, il y a lieu de craindre l'existence d'un kéraphyllocèle.
La fréquence de cette affection en pince, aux
pieds postérieurs, est ainsi expliquée.
11 peut même arriver qu'après l'opération de la seime
et guérison apparente de l'animal, un kéraphyllocèle se
forme alors que la fente a disparu (1).
Pathogénie. — Le kéraphyllocèle peut procéder d'une
modification survenue dans la fonction kératogène du
bourrelet, ou de l'entrée en jeu de la fonction kératogène
latente du tissu podophylleux.
Dans le premier cas, la tumeur prend le nom de
kéraphyllocèle du bourrelet; dans le second, on l'appelle
kéraphyllocèle du tissu podophylleux.
D'après Brauell 2), le kéraphyllocèle du bourrelet résulterait
de l'hypertrophie de ce dernier et consisterait, en
somme, en un excès d'épaisseur de la muraille. Une
intéressante observation de Pader (3) montre qu'il peut
être lié à une « extension de la cutidure », qui, sous
l'influence « d'une anomalie ou d'une cause indéterminée »,
anticipe sur le tissu podophylleux (4). En pareil cas, le
lissu podophylleux ne participe nullement à la formation de
la colonne cornée, il n'est le siège que de phénomènes
atrophiques.
Quant à la pathogénie du kéraphyllocèle du tissu podophylleux,
elle rappelle en tout point celle du coindecorne
ou celle de la fourmilière lors de fourbure chronique.
(1) Coulom, Journ. des vit. du Midi, 1841, p. 427.
(2) Brauell, Zur ndheren Kennlmss des Knollhûfs und anderer verwandter
pathologischer Zuslande (Oesterr. Vierteljahrsschrift, 1864).
(3) Pader, Un cas de kéraphyllocèle. Considérations qui en résultent
(Bull. Soc. centr., 1898, p. 201).
(4) Les feuilleta podoph)lieux paraissant résulter de la çoalescence de
papilles analogues à celles du bourrelet, alignées en séries, l'extension de la
cutidure dont parle Pader, peut être rapportée à une désagrégation des
papille*, d'origine inflammatoire. Les feuillets podophylleux peuvent d'ailleurs
éprouver une telle désagrégation tout le long de leur bord libre, dans certains
cas pathologiques (Voy. Peuch et Lesbre, Précis du pied du cheval et de sa
ferrure, p. 23).

212 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Lorsqu'une cause irritante agit sur le tissu podophylleux,
le processus congestif ou inflammatoire qu'elle
occasionne éveille le pouvoir kératogène latent de ce tissu.
Tantôt ce phénomène se traduit par la production d'une
colonne cornée compacte qui se soude immédiatement à
la face interne de la muraille, tantôt il s'accompagne
d'exsudation, d'hémorragie, de suppuration, de lésions,
nécrotiques intéressant le tissu podophylleux, la troisième
phalange, etc. Dans ce dernier cas,le kéraphyllocèle
est fistuleux. La fistule est borgne s'il y a eu simplement
exsudation ou hémorragie, car la sécrétion cornée ne
tarde pas à prendre les mêmes caractères que dans le cas
précédent, et le produit pathologique, desséché, plus ou
moins pulvérulent, remplit le conduit. La fistule est
complète, s'il y a suppuration, car alors il faut de toute
nécessité que le pus s'écoule au dehors.
Symptômes. — Une boiterie d'intensité variable accompagne
presque toujours l'existence du kéraphyllocèle en
colonne. Due à la compression exercée par ce dernier
sur les parties vives du pied, elle ne fait défaut que dans
les cas très rares de kéraphyllocèle peu volumineux et
à développement très lent, où les tissus comprimés
s'adaptent peu à peu à leur nouvelle situation.
Cependant, il est des kéraphyllocèles, mesurant d'assez
fortes dimensions, qui ne font pas boiter. Degive a rapporté
le cas d'un cheval de tramway qui, atteint de seime
avec kéraphyllocèle mesurant 1 centimètre d'épaisseur,
ne boitait pas (1).
La boiterie ne présente aucun caractère fixe qui permette
d'établir le diagnostic (H. Bouley). Pour les kéraphyllocèles
en pince l'appui commence ordinairement en
talons et se fait surtout sur cette région ; parfois l'animal
harpe.
Habituellement, la claudication apparaît brusque-
(1) A. Degive, Kéraphyllocèle volumineux sans boiterie, chez un cheval
(Ann. de méd. vit., 1881, p. 503).

KÉRAPHYLLOCÈLE. 213
ment et va en augmentant d'intensité à mesure que la
lésion devient plus ancienne ; elle se montre à certaines
périodes, — après le renouvellement de la ferrure surtout
— plus intense que dans d'autres ; parfois, elle
disparaît momentanément pour se remontrer sans cause
apparente ou sous l'action d'un traumatisme quelconque.
L'aspect du pied est presque toujours modifié, surtout
à sa face plantaire. Sur certains chevaux on observe un
bombement de la muraille en regard de la lésion. Cette
altération de forme du pied est, sans aucun doute,
amenée par le repoussement de la paroi ; l'épaississement
de celle-ci, consécutif à l'irritation du bourrelet,
peut également donner lieu au même phénomène; les
deux causes, d'ailleurs, agissent souvent en même
temps.
La modification d'aspect la plus importante consiste
dans une irrégularité du bord périphérique de la sole :
cette irrégularité est représentée
par une courbe
rentrante de ce bord,
encadrant la base du
kéraphyllocèle. Malheureusement,
ce signe ne
peut être perçu qu'à partir
du moment où la
lésion a atteint, par ava- I
lure, le bord plantaire de |
la muraille (fig. 94).
Lorsque la lésion n'intéresse que les régions supérieures
du tissu podophylleux, elle peut s'accuser extérieurement
par une fissure de la ligne blanche, produite par
suite d'une collection séreuse ou purulente. Il peut
même arriver que cette fissure soit très étroite et ne
s'accuse, à première vue, que par une tache noirâtre
(observ. IV de Vatel).

214 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Lorsqu'il s'agit d'un kéraphyllocèle plein, la corne
anormale visible est compacte et se continue avec celle
de la sole d'une part et celle de la muraille d'autre part.
Si le kéraphyllocèle est fistuleux, on le trouve parcouru
par un ou plusieurs conduits, de longueur variable.
Lorsque la fistule est borgne, on trouve la corne molle,
friable, noirâtre, et les conduits fistuleux remplis de
détritus pulvérulents. Dans le cas de fistulisalion complète,
du pus de couleur noirâtre ou jaunâtre, fétide,
mélangé à de la terre, s'échappe par les orifices donl on
a constaté la présence.
La sensibilité du pied est augmentée au niveau du kéraphyllocèle
: l'animal accuse une douleur plus ou moins
vive à la percussion. Lorsqu'il existe une seime, ce
symptôme est toujours nettement perçu.
Lors de complications (Voy. ci-après), la boiterie devient
intense, et l'état général du malade se trouble plus ou
moins profondément.
Marche. — Le kéraphyllocèle ne tend jamais vers la
guérison. Il entretient l'irritation podophylleuse ou cutidurienne
dont il procède. 11 comprime la membrane
kératogène qui, sous l'influence de ce traumatisme permanent,
continue à former et à accroître la colonne de
corne anormale jusqu'à ce qu'elle soit elle-même réduite
à l'état de membrane pellucide (H. Bouley).
Toutefois, de grandes différences s'observent entre les
malades. Tantôt la lésion reste stationnaire après avoir
acquis un certain développement ; tantôt, après avoir
paru sommeiller, elle grossit très vite et fait fortement
boiter. Quoi qu'il en soit, après avoir acquis un certain
volume, celui du doigt en général, elle cesse de grossir,
la kératogenèse s'affaiblissant lorsque l'alrophie de la
membrane kératogène atteint un trop haut degré. Quelquefois
enfin la lésion se complique de désordres très
graves nécessitant une intervention immédiate ou entraînant
l'abatage du patient.

KÉRAPHYLLOCÈLE. 215
Complications. — Les complications possibles du kéraphyllocèle
sont nombreuses ; elles s'observent surtout
avec la forme fistuleuse.
L'infection de la membrane kératogène peut se produire,
entraînant une inflammation simple ou gangreneuse ;
le pus ou la sanie purulente décollent alors la paroi et
s'écoulent vers la couronne.
La carie de la troisième phalange est possible.
La fracture de cet os a été observée (Nocard). Elle
résulte de l'atrophie lente et progressive qui se produit
non seulement au niveau du kéraphyllocèle, mais aussi
dans toute la masse de l'os — ce dernier phénomène se
produisant toujours dans un pied privé de son fonctionnement
normal. — Il suffit alors d'un traumatisme léger
pour fracturer le troisième phalangien.
Ces complications sont peu fréquentes. L'encastelure
est beaucoup plus commune; elle est à peu près inévitatable
dans les cas de kéraphyllocèle ancien.
Anatomie pathologique. — Les caractères morphologiques
du kéraphyllocèle ayant été décrits (Voy. p. 207), il
reste simplement à en exposer ici les caractères histologiques;
ces derniers sont sous la dépendance du processus
formateur de la lésion.
Lorsque le kéraphyllocèle provient du bourrelet, il se
trouve constitué par des fibres cornées parallèles entre
elles et à celles de la paroi ; son tissu fait corps avec cette
dernière et il est impossible d'en établir la limite. Ce
fait a été très nettement observé par Pader (1).
Dans le cas de kéraphyllocèle d'origine podophylleuse,
la substance cornée est formée par la soudure d'un
nombre plus ou moins grand de lames kéraphylleuses,
et, au microscope, présente, comme ces dernières, la
texture de la substance interlubulaire. Lorsque le kéraphyllocèle
provient tout à la fois du bourrelet et du podo-
(I) Pader, loe. cit.— Kilt, Lerbuch der path. anat. Diagnostic, 1894, t. I.
p. 20&

216 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
phylle, il offre naturellement les deux dispositions
indiquées.
Dans certains kéraphyllocèles anciens, l'irritation prolongée
des lames podophylleuses comprimées peut
aboutir à la formation de papilles à leur bord libre. Ces
dernières se comportent alors comme les papilles du
bourrelet et donnent naissance à des fibres cornées.
Les lésions du pied atleint de kéraphyllocèle sont
surtout des lésions d'atrophie.
L'examen de la membrane kératogène permet de constater
— et avec d'autant plus de netteté que le mal est plus
ancien et la colonne de corne plus volumineuse — la
présence d'une gouttière, dirigée dans le sens des lames
podophylleuses. Cette gouttière plus ou moins spacieuse,
due à la compression exercée par le kéraphyllocèle,
résulte de l'atrophie du tissu podophylleux, du reticulum
processigerum et de la troisième phalange.
Les particularités que peut présenter cette gouttière
varient avec l'origine du kéraphyllocèle.
Toujours on la trouve tapissée par un tissu podophylleux
fortement aminci, pourvu de lames podophylleuses dont
la largeur est considérablement réduite. S'il s'agit d'un
cas ancien, avec production cornée volumineuse, le podophylle
peut être atrophié à un tel point qu'ilne forme plus
qu'une membrane fibreuse, jaunâtre, pellucide. Néanmoins,
à quelque degré qu'arrive ce processus atrophique,.
la fonction kératogène, fort réduite, est conservée.
Lorsque le kéraphyllocèle procède uniquement du
bourrelet, on constate une extension plus ou moins
considérable des papilles de cet organe sur le tissu podophylleux.
Pader a également fait remarquer que la
partie du tissu podophylleux atrophiée se délimite nettement
de chaque côté, les lames podophylleuses reprenant
aussitôt leurs caractères normaux. k '
S'il s'agit d'un kéraphyllocèle podophylleux, se formant
par le même processus que le coin de corne dans

KÉRAPHYLLOCÈLE. 217
la fourbure chronique, les limites de l'atrophie podophylleuse
peuvent être moins nettes, une zone de transition
existant sur les bords de la gouttière.
Le reticulum processigerum est fortement aminci et
anémié.
La troisième phalange, dépouillée des tissus qui la
recouvrent, présente elle-même la gouttière signalée
précédemment. D'autant plus large qu'on l'envisage plus
près du bord inférieur de l'os, cette cavité reproduit
absolument la forme et les dimensions du kéraphyllocèle
(fig. 95). La couche superficielle osseuse qui en forme
la paroi est plus dense et plus résistante que sur les
autres parties de la phalange. Il est fréquent de trouver
cette dernière avec des aspérités, des tubérosités, indiquant
que les processus congestifs ont mis en jeu l'activité
ostéogène du périoste.
Joly (1) émet l'hypothèse que la gouttière serait le
résultat d'une ostéite raréfiante primitive (ostéite de
fatigue); la colonne de corne se formant ultérieurement,
pour remplir le vide laissé par la raréfaction osseuse.
Si des complications se sont produites, elles se révèlent
par des lésions spéciales : inflammation ou nécrose du
(1) Joly, Lisions diverses produites par l'ostéite de fatigue (Bull. Soc.
tenir., de mid. vit., 18)9, p. 415).
Chirurgie du pied. 13

218 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIEU.
tissu podophylleux, décollements de la corne, etc. La
troisième phalange peut être le siège soit d'une ostéomyélite
infectieuse (carie), soit d'une nécrose sèche
caractérisée par la couleur brune, la sécheresse, la
sonorité et l'exsanguinité du tissu mortifié (H. Bouley).
Lonhienue a trouvé, à la surface de cet os, une esquille
rugueuse et aplatie (1).
Diagnostic. — La présence d'une seime ancienne,
avec ou sans claudication, doit faire songer à l'existence
d'un kéraphyllocèle. Le bombement de la muraille,
l'ancienneté, l'intensité de la boiterie, doivent également
mettre en garde contre cette lésion.
L'exploration méthodique du pied permet presque
toujours de constater, ou tout au moins de soupçonner
fortement l'existence du kéraphyllocèle.
Le pied est déferré et paré avec soin.
Le diagnostic est immédiatement fixé lorsque l'on
constate la présence d'une courbe rentrante, à la périphérie
de la sole, encadrant une masse compacte de corne ou
limitant une dépression creusée dans une substance
cornée de mauvaise nature, au fond de laquelle s'ouvrent
un ou plusieurs trajets fistuleux.
11 est également facile de reconnaître le kéraphyllocèle
lorsque, avant d'arriver au bord plantaire, il a donné
lieu à une fistule ; en introduisant la sonde dans celle-ci
on heurte la colonne cornée à une hauteur variable
selon le cas.
Mais, lorsqu'il s'agit d'un kéraphyllocèle sans fistule
n'occupant encore que la partie moyenne ou supérieure
de la muraille, la percussion seule, par la sensibilité
qu'elle provoque, permet de soupçonner la lésion.
On peut alors, par une rainure horizontale sur la
muraille, mettre en évidence la corne anormale qui
double cette dernière.
(1) Lonhienne, Kéraphyllocèle. Javartcartilagineux. Opération. Guérison
Aim. de méd. vêt., 1870, p. 134).

KÉRAPHYLLOCÈLE. 219
Pronostic. — En principe, le kéraphyllocèle doit toujours
être considéré comme une maladie grave. Il n'a
aucune tendance à disparaître spontanément et récidive
avec la plus grande facilité, après une intervention
chirurgicale. La rugination de la troisième phalange,
conseillée par H. Bouley, ne met pas toujours à l'abri
de la récidive (1). La claudication est souvent assez
intense pour rendre le malade indisponible.
Le pronostic est encore aggravé par l'existence ou
simplement la possibilité de complications.
Traitement. Trois cas peuvent se présenter :
A. Il n'y a pas de claudication.
B. L'animal boite, mais il n'y a pas de complication.
C. L'animal boite fortement, le kéraphyllocèle s'est
compliqué.
A. — Lorsque l'animal est droit, ce qui se voit souvent
lors de lésion peu volumineuse, la non-intervention
est la règle. On se contente de soustraire à l'appui sur le
fer la base du kéraphyllocèle, en faisant un sifflet à la
muraille.
Cependant, comme l'aggravation prochaine de la
maladie est toujours à craindre, on est autorisé à intervenir
comme dans le cas suivant, surtout lorsqu'il s'agit
d'animaux de valeur. Les chances de voir disparaître
définitivement le kéraphyllocèle sont, en etfet, d'autant
plus grandes que la colonne cornée est d'un volume
plus faible.
B. — Le kéraphyllocèle fait boiter l'animal. On peut
adopter ici, soit un traitement palliatif, soit un traitement
curatif.
Le traitement palliatif est surtout applicable aux
animaux vieux, usés, ou travaillant à une allure lente.
(I) Alpb. Degive. L'n cas de kéraphyllocèle chez le cheval; ablation de
la tumeur suivie de f excision de la membrane kératogène et de la rugination
de Tos sous-jacent; récidive (Ann. de méd. vit., 1883, p. 78).

220 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED
Le pied est paré ; un sifflet est ménagé à la base de la
tumeur sur la muraille ; on pratique ensuite l'évidement
du kéraphyllocèle. A l'aide d'une rénette à gorge étroite
ou d'une vrille, on creuse une cavité dans l'épaisseur delà
corne kéraphylleuse à la face interné de la muraille.
Par l'évidement, on fait cesser la compression sur les
tissus vifs et on diminue la douleur.
Après avoir enduit la région évidée avec du goudron,
l'animal peut être remis au travail.
L'opération doit être renouvelée de temps à autre.
Le traitement curatif consiste dans l'ablation du kéraphyllocèle,
opération recommandée déjà par Girard
en 1825 (1).
Cette extirpation se fait par arrachement ou par amincissement.
Dans les deux procédés, on creuse, deux rainures,
allant du biseau au bord plantaire de la muraille en suivant
le sens de ses fibres. Ces rainures doivent aller en
divergeant légèrement de haut en bas, et leur écartement,
au niveau de la sole, est commandé par la largeur
du kéraphyllocèle.
Lorsque l'on procède par arrachement, on sépare complètement
le lambeau délimité par les rainures du reste
de la muraille et du bord de la sole et on extirpe. La
colonne cornée s'arrache en même temps.
Si l'on intervient par amincissement, la partie de
muraille délimitée par les rainures et le kéraphyllocèle
sont amincis jusqu'à ce que ce dernier ne se trouve plus
représenté que par une pellicule cornée étalée sur le
fond de la gouttière qui le logeait.
Dans tous les cas où le kéraphyllocèle est peu volumineux,
l'opération, à ce moment, peut être considérée
comme terminée.
Lorsque, au contraire, la tumeur cornée, de grandes
(I) Bec. de méd. vét., 1825, p. 21.

KÉRAPHYLLOCÈLE. 221
dimensions, a creusé une rigole profonde dans les tissus
vifs, il faut exciser ces derniers et ruginer la troisième
phalange dans toute l'étendue de la dépression qu'elle
présente. La mise à nu de l'os entraine un processus
inflammatoire qui amène le comblement de la brèche.
Dans toutes les circonstances, la région opératoire doit
être protégée par un pansement antiseptique et protecteur,
légèrement compressif.
Klemm (1) conseille d'amincir le kéraphyllocèle et de faire
un pansement antiseptique. Lorsque la corne s'est reformée,
il la brûle au fer rouge et continue les pansements avec un
onguent de pied antiseptique.
Les suites de l'opération varient selon son importance.
Si le tissu podophylleux a été simplement mis à découvert,
il ne tarde pas à s'abriter sous une couche de
corne qu'il sécrète lui-même.
Il suffit, en pareil cas, de veiller, par la suite, à ce
que la couche de corne qui recouvre le tissu podophylleux
n'atteigne pas une trop grande épaisseur et qu'elle reste
souple. Elle sera enduite de goudron ou d'onguent de
pied, et protégée par un pansement contentif.
Lorsque l'os a été ruginé, les bourgeons charnus comblent
la brèche et, finalement, se recouvrent d'une couche
épidermique à fonction kératogène. Les feuillets podophylleux
ne se régénérant pas, la muraille, à ce niveau,
reste affaiblie. Ici encore, l'amincissement doit être longtemps
maintenu pour diminuer les chances de récidive et
favoriser la réparation de la troisième phalange.
Dès que la région opérée se trouve recouverte par la
corne, l'animal reçoit un fer convenable et peut, si la
boiterie est légère, être remis à un travail au pas.
C. — Lors de complications, les indications à suivre
sontles mêmes que pour la seime compliquée (Voy. p. 206).
(1) Klemm. Einiges ûber BornsaUlen (Berl. th. Woch., 1893, p. 638).

222 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
La névrotomie phalangienne sur la branche antérieure
ou la névrotomie métacarpienne sont les dernières
ressources pour permettre l'utilisation du sujel,
si le kéraphyllocèle n'a pu être opéré, s'il a récidivé ou
si la boiterie a persisté après l'opération.
B. — Kéraphyllocèle diffus.
Caractères. —La corne anormalement développée à la
surface du tissu podophylleux s'étale, sur ce dernier, en
nappe plus ou.moins étendue. Ce kéraphyllocèle s'observe
en un point quelconque du pied ; plus souvent en quartiers
qu'en pince; il occupe parfois tout le pourtour
pariétal. Il siège ordinairement sur le bord inférieur de
la membrane podophylleuse et s'élève plus ou moins haut,
un, deux ou trois centimètres, quelquefois même sur
toute la hauteur du pied;plus rarement, il se rencontre
vers l'origine des lames podophylleuses; enfin, dans quelques
cas, toute la surface podophylleuse est recouverte
par le kéraphyllocèle; la paroi tout entière est doublée
d'une couche de corne anormale.
L'épaisseur du kéraphyllocèle diffus est également très
variable, quelques millimètres d'ordinaire; rarement elle
atteint ou dépasse un centimètre (1). Elle est plus grande
au centre de la plaque cornée que sur ses bords.
Étiologie. — Il s'agit, dans la plupart des cas, d'une
lésion d'ordre traumatique ; les contusions légères et
répétées non étroitement localisées en un point, les
ébranlements du pied (étonnement du sabot) susceptibles
de provoquer un état congestif du tissu podophylleux
peuvent réveiller les propriétés kératogènes de celui-ci.
La ferrure doit souvent être incriminée, elle agit par
les coups de brochoir pour brocher et river les clous et
rabattre les pinçons, par la compression exercée par le
(1) Peuch et Lesbre, Précis du pied rlu cheval et de sa ferrure, p. 87.

KÉRAPHYLLOCÈLE. 223
fer ou les clous, par réchauffement produit au moment
de l'essayage de fers trop chauds. Ces diverses causes
deviennent surtout nocives lorsque le maréchal a l'habitude
de trop parer le sabot; on comprend donc que les
pieds hauts soient prédisposés.
Le kéraphyllocèle diffus des parties supérieures
coexiste souvent avec une forme coronaire et siège en
regard et au-dessous de celle-ci; il semble bien que
l'inflammation osseuse profonde ait retenti sur la membrane
kératogène et soit la cause de la production anormale
de corne.
Enfin, dans les cas de kéraphyllocèle diffus très étendu,
il s'agit d'une forme particulière de fourbure dont les
manifestations aiguës, très légères, ont pu passer inaperçues
et dont les signes extérieurs peu apparents diffèrent
beaucoup de ceux de la fourbure chronique ordinaire
(subfourbure de Jacoulet).
Symptômes. — Diagnostic. — La forme extérieure du
sabot n'est guère modifiée; on peut voir cependant un
léger bombement de la paroi dans les points où celle-ci
est doublée par le kéraphyllocèle.
La face externe de l'ongle est toujours un peu irrégulière,
cerclée. Sur la face plantaire, le pied étant paré, on
peut voir que le limbe de la sole est séparé de la paroi
par une couche de corne généralement un peu jaunâtre
ou ecchymotique ; c'est là le signe essentiel qui assure le
diagnostic.
Lorsque la lésion n'a pas atteint le bord inférieur du
sabot, la déformation de la face extérieure de celui-ci, la
sensibilité provoquée par la percussion peuvent faire
soupçonner l'existence du kéraphyllocèle. On le mettra
en évidence en creusant une rainure sur la muraille; on
pourra ainsi se rendre compte de l'augmentation d'épaisseur
de cette dernière, du changement d'aspect et de
qualité de la corne lorsqu'on a dépassé les limites de
celle qui descend du bourrelet.

224 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
Le kéraphyllocèle diffus fait habituellement boiter,
mais ce symptôme n'est pas constant.
La boiterie n'offre pas de caractères particuliers, elle
n'est jamais très forte.
Lésions. —La corne podophylleuse est soudée à la face
interne de la paroi, mais ne se confond jamais avec la
corne de cette dernière, il est toujours possible*de les
distinguer au microscope; sur les sabots détachés et
desséchés, il est ordinairement facile de les séparer l'une
de l'autre.
La membrane kératogène comprimée a subi un commencement
d'atrophie. Les lames podophylleuses sont
moins larges qu'à l'état normal. Dans les cas anciens, le
bord de ces lames est désagrégé en papilles et la corne
anormale présente alors une texture tubulaire, elle augmente
d'épaisseur de haut en bas.
Pronostic. — Le kéraphyllocèle diffus peut disparaître
par avalure; plus souvent il persiste indéfiniment ;
sa gravité se mesure alors à l'intensité de la boiterie.
Cette affection prédispose en outre à l'arrachement
accidentel du sabot et à l'éclatement de la corne ; la
paroi éloignée du tissu podophylleux perd une partie
de son adhérence et de sa souplesse. Les difficultés
du traitement sont encore un élément pronostique
fâcheux.
Traitement. — L'extirpation complète de la corne
anormale est généralement impossible; l'étendue de la
brèche nécessaire seraittrop considérable. L'intervention
doit donc se borner à diminuer la compression en amincissant
la paroi dans les points où elle est doublée, à
faciliter et à. hâter l'avalure en supprimant l'appui au
niveau du kéraphyllocèle (fera planche, patins en caoutchouc)
en excitant la kératogenèse cutidurienne par les
frictions irritantes. Lorsque la surface podophylleuse est
profondément modifiée, il ne reste plus qu'à supprimer
la boiterie par la névrotomie.

KÉRACÈLE. 225
VII. — KERACELE.
Définition. — Le kéracèle est une tumeur cornée développée
entre le tissu velouté et la sole. Cette affection
est au lissu velouté ce que le kéraphyllocèle est au tissu
podophylleux.
Étiologie. — Le développement du kéracèle est favorisé
par des causes prédisposantes : les pieds plats, les pieds
combles, les pieds à talons bas sont les plus sujets à cette
affection.
Les causes occasionnelles consistent dans les traumatismes
agissant à la face inférieure de la sole : coup de
brochoir, choc du pied sur un caillou. Ils déterminent dans
le territoire de lissu velouté intéressé une phlegmasie
chronique qui suractive la kératogenèse et amène la
formation d'un kéracèle (1J.
Symptômes. — Une boiterie plus ou moins intense,
apparaissant presque toujours subitement, est le premier
trouble traduisant l'existence de la lésion. Tantôt elle
est continue, tantôt elle est intermittente.
Le pied est sensible à la percus-ion de la sole dans
une zone de peu d'étendue. Par l'amincissement de
cette zone, on constate que le tissu velouté est très rapidement
mis à nu à sn périphérie, alors que la partie
centrale est recouverte par une couche de corne beaucoup
plus épaisse. En continuant l'opération à ce niveau,
on peut se rendre compte de l'épaisseur du plastron
corné.
Au même titre que le kéraphyllocèle, le kéracèle n'a
aucune tendance à régresser. Il grossit en provoquant
l'atrophie du tissu velouté, et ne s'arrête dans son développement
que lorsque cette atrophie a suffisamment
limité le pouvoir kératogène de cette membrane. Latroi-
(1) Power, Keralom ara Pferdehuf (Berl. th. Woch., 1897, p. 355).
13.

226 AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED.
sième phalange, lors de kéracèle volumineux et ancien,
est toujours déprimée vis-à-vis de la tumeur.
Diagnostic. — Le diagnostic du kéracèle est facile : la
chronicité de la boiterie, la localisation étroite de la sensibilité,
la constatation de l'existence d'une tumeur cornée,
permettent de reconnaître la nature de la maladie.
Pronostic. — Le pronostic est grave. Quoique pou
étendue, la lésion ne disparaît que très difficilement, et,
dans le cas où on l'extirpe, la récidive est fréquente.
Anatomie pathologique. — La tumeur cornée a la forme
d'un disque à face inférieure plane, soudée à la sole, et
à face supérieure convexe, déprimant les tissus vifs. Son
diamètre est de 1 à 3 centimètres.
Le tissu velouté est aminci, atrophié, pâle. La troisième
phalange présente une dépression plus ou moins
•accentuée.
Traitement. — On atténue ou on fait disparaître momentanément
la boiterie en amincissant la corne, en
évidant la tumeur. Un pansement au goudron maintenu
par une plaque permet d'utiliser le malade pendant un
certain temps. Lorsque la claudication revient, on renouvelle
la même opération.
On a recours au traitement curatif lorsqu'il s'agit d'animaux
à allures rapides, de kéracèle volumineux ou compliqué.
Il consiste à pratiquer la dessolure ou l'amincissement
de la sole, à exciser le tissu velouté et à ruginer la face
inférieure du troisième phalangien.
Un pansement aseptique permet au foyer traumatique
de se réparer sans accident.
La sole doit être maintenue amincie et protégée par
une plaque pendant plusieurs mois.
La névrotomie est quelquefois indispensable.

ATTEINTES. 227
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DE LA RÉGION
CORONAIRE.
I. — ATTEINTES.
Définition. — Les traumatismes de la couronne, accidentels
et indépendants de toute intervention manuelle,
sont généralement désignés sous le nom d'atteintes.
Étiologie. — Le terme atteinte marque, par son origine,
l'une des causes les plus habituelles de ces traumatismes,
c'est-à-dire les coups que l'animal se donne lui-même
lorsque, avec un pied, il s'atteint à l'un des membres
opposés.
L'acception en a été étendue aux traumatismes de
causes diverses.
Une atteinte peut, en effet, être donnée par le pied
d'un animal voisin qui frappe ou appuie accidentellement
sur la couronne.
Elle peut résulter aussi des heurts de l'extrémité inférieure
du membre contre des corps résistants qui se
trouvent à la surface du sol et sur lesquels le sujet trébuche.
Un animal qui rue, se cabre ou lance un coup de
pied peut se blesser de la même façon sur les objets
environnants.
Enfin, la couronne peut être frappée par un corps
étranger quelconque, un projectile qui tombe de plus
ou moins haut et qui est lancé avec plus ou moins de
force; elle peut être froissée ou écrasée par la roue d'une
voiture en mouvement, etc.
Ces diverses causes étant connues, il est possible de
prévoir les conditions dans lesquelles elles peuvent surtout
exercer leur action et dans lesquelles les atteintes
se produisent le plus fréquemment.
Certains défauts de conformation générale (brièveté de
la colonne vertébrale, etc.), certains vices d'aplomb des

228 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
membres ou des pieds (panardise, cagnosité, etc.), des
affections diverses des nerfs, des vaisseaux, des muscles,
etc., un état de faiblesse générale quelle qu'en soit
la cause, certaines attitudes vicieuses, etc., etc., prédisposent
aux atteintes proprement dites.
Toutes ces particularités modifient en effet plus ou
moins le jeu des membres, le plan suivant lequel ils se
meuvent et l'amplitude de leurs mouvements. Elles produisent
le FORGER, le COUPER, défauts par lesquels la couronne
est très souvent traumatisée.
Les atteintes se rencontrent le plus fréquemment chez
les chevaux de trait et, en particulier, les limoniers. C'est
que ces derniers, étroitement liés à leur charge, peu.
vent être entraînés par celle-ci ou par leurs congénères
attelés en flèche et n'être point maîtres des mouvements
de leurs membres qui s'entre-croisent et se heurtent. Cela
se produit surtout dans les contours, dans les descentes
et dans le reculer. Certains sujets sont plus particulièrement
inhabiles à exécuter ce dernier mouvement; on
dit d'eux qu'ils remisent mal.
Un sol glissant expose l'animal à se blesser dans les
appuis précipités qu'il est obligé de faire pour se maintenir
en équilibre.
La ferrure mal exécutée est une cause ordinaire
d'atteintes parce qu'elle provoque souvent les irrégularités
de l'aplomb ou des allures. Les crampons dont sont
munis trop habituellement les fers postérieurs rendent
ceux-ci plus vulnérants.
Dans les affections prurigineuses des membres, (gale
symbiotique, etc.), des blessures peuvent résulter du grattage
avec le pied du membre congénère.
Dans les agglomérations de chevaux en rangs serrés,
dans les convois de marchands ou dans les manœuvres
de cavalerie par exemple, les atteintes que ces animaux
se donnent réciproquement sont très communes.
Les blessures qui résultent du choc du pied contre les

ATTEINTES. 229
obstacles de la route sont plus fréquentes dans les chantiers
de construction que partout ailleurs.
Caractères. — L'atteinte offre des caractères variables
suivant la nature du corps vulnérant, son état de propreté
ou de septicité,-la violence du choc, etc., etc.
Elle est représentée soit par une contusion, soit par une
plaie.
COÎJTCSIOXS. — Suivant l'intensité du traumatisme, on
peut observer une excoriation légère de l'épidémie, une
tuméfaction plus ou moins étendue de la région coronaire
ou une mortification rapide du tégument.
Dans le premier cas, la lésion est sans importance, la
douleur insignifiante, la boiterie nulle. Lorsque la couronne
se tuméfie, les souffrances peuvent être plus
accusées; il se produit un décollement partiel du biseau
et une dermatite cutidurienne exsudative ou suppurée.
Les contusions plus graves, avec attrition profonde des
tissus, peuvent provoquer un phlegmon coronaire ou une
gangrène du bourrelet.
PLAIES. — Ce sont des piqûres, des coupures, des plaies
déchirées, des plaies contuses.
Les piqûres n'ont d'autre importance que celle de l'inoculation
qu'elles peuvent pratiquer et des désordres profonds
(abcès, javârt, etc.) dont elles sont alors la cause.
Les coupures, même si elles intéressent le bourrelet,
penvent se cicatriser rapidement et sans aucune suite
fâcheuse ; il faut pour cela que les bords en soient convenablement
réunis pansement, suture) et qu'il n'y ait
pas infection des tissus sous-jacents.
Les plaies déchirées, dont les lambeaux s'écartent et se
renversent si la réunion immédiate n'a pu être obtenue,
s'accompagnent de déplacements plus ou moins étendus
de la partie de bourrelet séparée et de déformations
consécutives du sabot, dont la gravité peut être grande ( l ).
(1) Martin, Displacement of portion of coronary secreting substance due
to an mjury (The veterinarian, 1888, p. 790).

230 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
Les plaies confuses ont toutes les conséquences de la
contusion simple avec l'aggravation d'une perte de
substance et d'une cicatrice plus ou moins large, souvent
exubérante, qui, lorsqu'elle intéresse la cutidure,
est suivie de discontinuité dans la paroi, de fauxquartiers,
etc. et de boiterie dans la majorité des
cas.
Pronostic. Complications. — Il y a lieu de distinguer
l'atteinte exposée de l'atteinte encornée. La première,
extracutidurale, n'intéressant que la peau, ne se distingue
au point de vue pronostique des traumas dés
autres régions, que par une tendance plus marquée à la
mortification. Cette tendance a pour cause l'épaisseur,
plus grande des téguments, leur texture plus fibreuse et
les risques d'infection plus nombreux.
L'atteinte encornée, c'est-à-dire située au-dessous du
bord supérieur de l'ongle, a une gravité exceptionnelle
en raisont de la compression que subissent les tissus
enflammés et surtout des altérations de la boîte cornée
qui sont la conséquence inévitable, et souvent irrémédiable,
des blessures du bourrelet.
iNous reconnaissons aussi des atteintes simples et des
atteintes compliquées.
L'atteinte simple, contusion ou plaie, dont la gravité
est mesurée par l'étendue des désordres immédiats pro
duits par le traumatisme, et par l'importance fonctionnelle
du tissu altéré ou détruit.
L'atteinte compliquée (atteintes furonculeuse, gangreneuse,
et phlegmoneuse de H. Bouley) (1), dans
laquelle on constate une modification plus ou moins
étendue du tégument, une collection purulente sous-tégumentaire,
une nécrose des tissus fibreux, cartilagineux
ou osseux sous-jacents. Ces complications: phlegmon
coronaire, nécrose du bourrelet, javart cartilagineux,
(t) H. Bouley, Dictionnaire de médecine, chir. et hyg. vét. (art. ATTEISIB,
t. II, p. 247).

ATTEINTES. 231
etc., dont les causes sont d'ailleurs diverses, seront
étudiées à part (Voy. p. 233, 237, 2il).
L'infection locale, dont l'atteinte est l'occasion, peut
aussi être le point de départ d'infections généralisées,
purulentes ou septiques. Les jeunes animaux surtout
paraissent prédisposés à ces accidents redoutables, et, de
ce fait, le pronostic de
l'atteinte, sur ces sujets,
est très assombri (1).
Nous n'insisterons pas
sur les moyens prophylactiques
employés pour empêcher
les animaux de se
toucher, de se couper, de
s'atteindre avec leurs pieds.
Ils assortissent pour la
plupart à la ferrure. Ils consistent
à changer l'aplomb
du pied (fer à la turque ou
à la turque renversée), à
diminuer la saillie du fer
et du pied dans la région
percutante (fers tronqués en pince, en mamelle, en
branche, en éponge;. On peut aussi provoquer une
abduction artificielle des membres en limitant la flexion
flj Cadéac, De la gravité des atteintes chez les jeunes animaux (Journal
demtd. vttir. et zootech.. 1900, p. 461).

232 AFFECTIONS DE LA 1IÉG10N CORONAIRE.
des articulations par des bourrelets ad hoc (Delpérier).
Enfin, on se contente souvent d'atténuer les effets des
chocs par des appareils adaptés au pied qui frappe
(fig. 96) ; en protégeant la partie atteinte (fig. 97).
Traitement. — Le traitement d'une atteinte exposée
est celui de tout trauma. La désinfection précoce et complète
est ici une indication impérative, parce qu'il s'agit
d'une lésion à peu près toujours infectée et dans laquelle
l'infection peut avoir des suites particulièrement graves.
« Le pied déferré et curé, on coupera les poils sur la
couronne et le paturon, on excisera les portions de
tissus écrasés, trop meurtris pour récupérer leur vitalité,
on enlèvera les corps étrangers déposés ou fixés dans la
plaie, on immergera le pied et la région phalangienne
vingt minutes à une demi-heure dans une solution antiseptique
(sublimé, créoline), ou, si le temps fait défaut,
on fera une large irrigation de la plaie avec cette solution...
On saupoudre ensuite la plaie d'iodoforme et
on la recouvre d'un pansement ouaté, ou bien, l'on
dispose sur la couronne des compresses imprégnées
d'une solution antiseptique que l'on arrose fréquemment
dans la suite (1). »
Ce traitement est celui des plaies contuses; il doit être
préféré à l'irrigation continue que l'on a beaucoup préconisée
autrefois. Ce dernier procédé donne cependant des
succès, il doit être conseillé dans les circonstances où
un pansement antiseptique ne peut être maintenu.
Lorsque la membrane granuleuse est complète, que la
plaie est comblée, il est souvent nécessaire de réprimer
le bourgeonnement par des applications caustiques (alun
calciné, nitrate d'argent, etc.) pour ne pas leur laisser
dépasser le niveau du tégument et permettre à ce dernier
de s'étendre à leur surface.
Dans les cas où il y a seulement coupure ou déchirure
(t) Cadiot et Almy, Thérapeutique chirurg. des anim. domesl., t. II, p. 803.

PHLEGMON CORONAIRE. 233
sans perte de substance, le traitement doit être complété
par une suture; la réunion immédiate est possible
si le trauma est récent.
Une blessure étroite et profonde, une piqûre, dont '
l'infection est certaine ou s'est déjà manifestée, doivent
au contraire être débridées pour assurer l'aseptisation de
tous les culs-de-sac.
Les contusions seront aussi avantageusement traitées par
la désinfection delà surface du tégument et l'application
de compresses antiseptiques chaudes. On atténue ainsi la
douleur qui résulte de l'intumescence des tissus, on peut
prévenir la mortification de la peau et l'infection profonde.
L'atteinte encornée nécessite une opération préalable qui
est l'ablation de la partie de biseau décollée et l'amincissement
de la muraille autour de la lésion. On rend ainsi
possible la désinfection de toute la surface du trauma et
on évite la compression dos tissus blessés et enflammés.
Lorsque l'accident n'est pas récent, que déjà l'inflammation
est vive et la douleur grande, la tuméfaction de
la partie et les défenses du sujet rendraient cette
opération difficile. Il est alors nécessaire de maintenir
des compresses ou un cataplasme antiseptiques pendant
les vingt-quatre heures qui précèdent l'intervention. La
lésion une fois découverte sera pansée comme il a été
dit pour l'atteinte exposée. Les bords d'une plaie du
bourrelet devront toujours être rapprochés, autant que
possible, par des sutures ou un pansement méthodiquement
compressif. Les larges pertes de substance de
cet organe et les déformations du sabot consécutives sont
toujours incurables.
II. — PHLEG.YIO.X COROXAIRK (1).
Définition. — Inflammation suppurative et collection
(lj Cadiot, Sur le phlegmon coronaire chez le cheval (Bull, de la Soc.
centr. de méd. vét., 1898, p. 234).

234 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
purulente dans le tissu conjonctif sous-tégumentaire de
la région de la couronne.
Étiologie. — Les traumatismes coronaires, plaies ou
contusions, sont les causes les plus habituelles de cette
lésion (atteinte phlegmoneuse de H. Bouley). Elle peut
aussi faire suite à diverses affections du pied dans lesquelles
le tissu podophylleux est le siège d'une phlegmasie
profonde suppurée (enclouure, bleime, seime
compliquées, etc.). En quelque point qu'ait débuté la
dermatite podophyllienne, le pus, progressant vers le
haut du sabot, peut atteindre la couronne en passant
sous le bourrelet. Les nécroses des tissus profonds et
l'arthrite du pied se traduisent souvent dès l'abord par
un phlegmon coronaire.
Symptômes. — La tuméfaction chaude et douloureuse
qui est le signe essentiel du phlegmon coronaire est ordinairement
localisée à l'un des côtés de la couronne, dans
la région qui correspond au fibro-cartilage ; souvent elle
s'étend, du talon à la pince, et, grâce sans doute à la
richesse du plexus veineux sous-tégumentaire, elle peut
se propager à la moitié opposée de la région, devenir
péricoronaire. Le paturon, le bourrelet et quelquefois
une partie du canon sont envahis par un œdème chaud
qui s'étend graduellement de bas en haut.
La collection purulente ne se traduit à aucun moment
par une fluctuation bien nette, à cause de l'épaisseur de
la peau et des fascia fibreux sous-cutanés de la région.
La douleur est toujours très vive et dénoncée par des
lancinations fréquentes et l'hésitation extrême de l'appui
qui cesse même tout à fait après quelques pas. Il n'est
pas rare de constater un peu de fièvre. Abandonné à luimême,
le phlegmon s'ouvre au bout d'un certain nombre
de jours, plus ou moins vite suivant le degré d'épaisseur
de la peau et l'acuité du processus ; le pus, même
lorsqu'il a sa source dans le pied, se fait jour à travers
le tégument de la couronne, parfois en plusieurs points,

PHLEGMON CORONAIRE. 235
toutes les fistules communiquant par une galerie creusée
au-dessous de la cutidure ; il est ordinairement séreux,
grisâtre, un peu sanguinolent.
La boiterie s'atténue dès que le pus s'est créé une voie
d'écoulement; elle disparait bientôt et la guérison est
alors rapide s'il s'agit d'un phlegmon coronaire primitit
et s'il ne survient pas quelqu'une des complications toujours
à redouter.
Complications. Pronostic. — La plus fréquente de
ces complications est le sphacèle d'un lambeau plus ou
moins étendu du tégument soulevé par le pus; la texture
fibreuse et l'inextensibilité de ce tégument, la compression
exercée par la partie supérieure de l'ongie, ou encore
les propriétés spéciales nécrosantes des agents infectieuxeux-mêmes
sont les conditions de cette gangrène ; les
pertes de substance que peut aussi subir le bourrelet
ont les conséquences désastreuses que l'on connaît sur
la conformation du sabot.
L'inflammation suppurative du conjonctif parachondral
peut contourner le fibro-cartilage et une collection purulente
se former à la face interne de cet organe.
La plaque scutiforme, le tendon extenseur, baignés par
le pus, sontsouvent envahis par la nécrose. Il se peut
aussi que ce liquide parvienne sur l'un des culs-de-sac
latéraux de la synoviale du pied, le perfore et pénètre
dans l'articulation.
Le pronostic du phlegmon coronaire est considérablement
aggravé par l'imminence de ces accidents; il
importe, avant de se prononcer, d'être assuré qu'il ne se
sont pas encore produits.
Diagnostic. — La tuméfaction de la couronne, la boiterie
intense survenant en même temps que celle-ci, et, un
peu plus tard, l'écoulement de pus, presque aussitôt suivi
d'une atténuation notable de la douleur, sont les signes
essentiels du phlegmon coronaire.
La tuméfaction péricoronaire, les fistules multiples, le

236 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
pus séro-sanguinolent, en même temps que le défaut
d'appui et un certain degré d'hyperthermie, peuvent en
imposer pour une arthrite du pied. Dans cette dernière
affection cependant, la boiterie précède la tuméfaction,
l'appui est toujours nul, le pus abondant et nettement
synovial, la fièvre plus élevée ; dans les cas douteux et
dans ceux où l'arthrite est une complication du phlegmon,
c'est surtout par la marche du mal que le diagnostic est
assuré ; la persistance de la douleur avec toute son
intensité et de l'écoulement de pus de mauvaise nature,
les jours qui suivent l'ouverture des fistules, peuvent faire
affirmer l'existence de l'arthrite.
Lors de nécroses tendineuses, osseuses ou cartilagineuses,
qu'elles aient précédé ou suivi le phlegmon," la
fistule persiste ou ne s'oblitère que pour être immédiatement
remplacée par une autre, le pus reste abondant
et mal lié, mais la douleur est modérée et permet toujours
l'appui.
Traitement. — L'aseptisation des plaies de la couronne
comme il a été dit précédemment (Voy. p. 232), le débridement
du sabot dans les cas de suppurations intracornées,
en regard de la lésion primitive, constituent le
traitement prophylactique du phlegmon coronaire.
Celui-ci étant apparu, il importe d'ouvrir prématurément
au pus une voie d'évacuation ; on prévient ainsi
les décollements qu'il tend à produire en fusant de proche
en proche autour des phalanges, les compressions qu'il
exerce en s'accumulant et dont la conséquence est la
gangrène du tégument, l'action nécrosante sur les tissus
profonds au contact desquels il séjourne.
L'amincissement du haut de la muraille en regard de
la tuméfaction et la désinfection de la région digitée sont
des manœuvres préalables indispensables. Les compresses
et les bains antiseptiques chauds sont d'excellents
moyens; ils modèrent l'inflammation, calment la douleur-
On pratique une ou plusieurs ponctions de la peau pour

DERMATITE GANGRENEUSE CORONAIRE. 237
évacuer le pus, et, si le décollement est étendu, une ou .
plusieurs contre-ouvertures en dessous du bourrelet. Un
ou plusieurs drains sont parfois nécessaires pour éviter
la rétention du pus et permettre des injections antiseptiques.
L'enveloppement de la région complète le traitement.
Quant aux diverses complications qui peuvent
survenir, elles sont traitées suivant leur nature par des
moyens appropriés et qui sont indiqués en leurs lieux.
(Voy. Janart. Arthrite dupied, etc.).
III. — DERMATITE GANGRENEUSE COROXAIRE.
Définition. Synonymies. — La dermatite gangreneuse
coronaire, c'est-à-dire la mortification d'un
lambeau plus ou moins étendu du tégument cutané de la
région coronaire et du bourrelet, a été désignée par des
termes particuliers et très divers : Javart encorné
(Lafosse fils), furoncle cutidural (Vatel, Rey'i, panaris
(Rainard), furoncle sous-corné (L. Lafosse), nécrose partielle
des bourrelets Cadiot et Almy).
Étiologie.— Les atteintes, et en particulier les fortes
contusions de la couronne, sont des causes fréquentes de
dermatite gangreneuse (atteinte furonculeuse et atteinte
gangreneuse de H. Bouley).
La mortification peut être la conséquence directe et
immédiate du traumatisme, qui a profondément meurtri,
écrasé une portion plus ou moins étendue du tégument
coronaire; elle peut résulter aussi de l'action nécrosante
des microbes dont l'atteinte a été la porte d'entrée.
La dermatite gangreneuse survient aussi en dehors de
cette condition et d'une façon pour ainsi dire spontanée,
sur les chevaux travaillant habituellement dans la boue
et pendant l'hiver.
La boue des villes, surtout après le dégel provoqué
par du sel marin épandu à la surface du sol, est parti-

238 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
culièrement nocive. Son action est complexe : ses propriétés
irritantes bien connues altèrent l'épiderme, la
réfrigération intense qu'elle produit provoque une
phlegmasie profonde, les microbes qu'elle véhicule augmentent
la violence de l'inflammation et précipitent la
gangrène.
Les liquides irritants (purin, urine, résidus d'exploitations
industrielles, etc.) sont susceptibles de produire
les mêmes résultats.
Les poils longs et épais qui, chez certains sujets communs,
recouvrent l'extrémité inférieure des membres ont
été accusés de favoriser le processus phlegmasique par
l'action réfrigérante prolongée qu'ils exerceraient quand
ils sont mouillés. Ils paraissent, au contraire, remplir un
rôle utile de protection, à la condition toutefois que les
extrémités soient entretenues dans un état de propreté
suffisant.
Les membres atteints d'engorgement chronique, à peau
épaisse, à conjonctif infiltré, sont prédisposés à l'affection.
Symptômes. — Ce sont, dès le début, ceux d'une inflammation
locale très vive: infiltration du tégument et
du conjonctif sous-tégumentaire s'étendant souvent sur
toute la couronne et le paturon et gagnant parfois le
boulet et le canon. Cet engorgement est chaud, très douloureux,
la boiterie intense, les lancinations fréquentes.
Sur la partie la plus saillante, on voit à la surface de
la peau un suintement séreux, l'épiderme est ramolli et
se détache sous l'action de l'ongle, les poils sont hérissés.
Si la peau est dépigmentée, elle revêt une coloration
rouge très apparente, des teintes plus sombres sur une
zone circonscrite indiquent l'imminence de la gangrène.
Bientôt, en effet, cette partie centrale s'affaisse, un bourrelet
inflammatoire se dessine autour d'elle, de la fluctuation
peut être perçue et le pus ne tarde pas à se faire
jour à la périphérie de ce lambeau dont la mortifica-

DERMATITE GANGRENEUSE CORONAIRE. 239
tion est consommée. Le sillon disjoncteur se complète,
et l'élimination du sphacèle se fait peu à peu, découvrant
une plaie bourgeonneuse. A ce moment, la douleur s'atténue,
l'engorgement disparait progressivement et la guérison
s'achève lentement avec la cicatrisation de la plaie.
Les dimensions de l'îlot nécrosé peuvent être supépérieures
à celles d'une pièce de cinq francs en argent
ou atteindre à peine un demi-centimètre de diamètre ;
dans ce dernier cas, la déformation et l'élimination du
bourbillon se fait comme dans un simple furoncle.
Si le processus s'étend à la cutidure ou occupe immédiatement
cette région, si, en d'autres termes, la lésion est
encornée, les phénomènes sont de même ordre, mais la
compression exercée par la partie supérieure de l'ongle
sur la tumeur inflammatoire rend la douleur excessive.
La corne se décolle sur une certaine étendue ; le bourrelet
très volumineux déborde par en haut la cavité cutigérale
et forme une saillie en corniche étranglée à sa
base par le bord du sabot et sur laquelle les phénomènes
inflammatoires sont extrêmement violents. La mortification
se précipite et gagne en étendue; mais la délimitation
de l'Ilot sphacèle ne s'opère que lentement, la boiterie
persiste plus longtemps et avec une plus grande
intensité. Il n'est pas rare de constater une réaction fébrile
assez vive.
Pronostic. Complications. — Le pronostic de la
dermatite coronaire gangreneuse est grave, surtout si la
mortification attaque le bourrelet dans une partie ou la
totalité de sa hauteur; nous avons déjà insisté sur les
conséquences tardives des lésions de la matrice de l'ongle.
Le processus nécrosique peut atteindre les tissus soustégumentaires;
le tendon extenseur antérieur, le flbrocartilage
complémentaire, les ligaments latéraux de
l'articulation, l'os du pied lui-même peuvent être intéressés,
la synoviale articulaire peut être ouverte et
infectée. Ces complications se produisent surtout lorsque
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240 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE".
la lésion est encornée parce que la sphacélation de la
peau est plus lente et que l'action nécrosante du pus
s'exerce plus longtemps sur les tissus profonds ; leur
existence se reconnaît, dès l'élimination de l'îlot gangrené,
à la persistance de fistules purulentes et aux
signes objectifs ou rationnels propres à chacune d'elles.
On' peut voir les réseaux veineux ou lymphatiques du
pied s'infecter et,par leur intermédiaire, l'infection s'étendre
et se généraliser (phlébites, et lymphangites des
membres, synovites, ténosites et arthrites suppuréesi,'
chute du sabot, infection purulente, septicémies, etc.)
(L. Lafosse) (1).
Traitement. — Une intervention hâtive, dès les premières
manifestations de la phlegmasie peut arrêter le
processus et conjurer la gangrène. Une toilette et une désinfection
soignées de toute l'extrémité digitée (lavages
et bains antiseptiques tièdes), des applications de vaseline
additionnée d'antiseptiques, d'onguent plombotannique
(Friedberger et Frôhner) ou mieux des compresses
arrosées avec des solutions antiseptiques (Cadiot
et Almy) sont les moyens à mettre en œuvre. Si l'on perçoit
de la fluctuation, il faut débrider sans retard (2).
Si la lésion gagne vers le sabot et s'il existe de l'étranglement
au niveau du bord supérieur de ce dernier, il
faut amincir la muraille, jusqu'à pellicule, en croissant,
autour de la tuméfaction et sur une étendue proportionnelle
à celle-ci.
La mortification étant réalisée, on facilitera la délimitation
par la chaleur humide, par les bains et les
compresses antiseptiques. Ces moyens ont été substitués
avec avantage à ceux de la période préantiseptique
(corps gras, cataplasme de farine de lin, de miel et de
(1) L. Larosse, Clinique de l'École de Toulouse (Journ. des vét. du Midi,
1856, p. 49).
(2) Pfaunsliel, Behandlung eines Kronen und Horngeschwares bei einem
Pferde (Zeitschrift f. d. ges. Thierheilk, u. Viehzucht, 1840, p. 39).

JAVART CARTILAGINEUX. 241
farine d'orge, etc.) (1), avec lesquels les complications
étaient beaucoup plus fréquentes.
L'escarre doit se disjoindre spontanément; on doit se
garder de l'arracher; l'élimination sera hâtée et la cicatrisation
favorisée par les irrigations antiseptiques fréquentes
dans le sillon disjoncteur, des applications de
poudres ou de pommades antiseptiques et, en particulier,
d'iodoforme ou de vaseline iodoformée.
Un pansement maintiendra les topiques et protégera
la région. La plaie granuleuse qui résulte de la chute
du sphacèle sera traitée comme une plaie simple
ordinaire (Voy. Atteinte;. Les complications possibles
seront combattues par les moyens appropriés à chacune
d'elles.
IV. — JAVART CARTILAGINEUX.
(Fibro-cboiidrite nécrosante).
Définition. — Affection propre aux solipèdes 2j, consistant
en une nécrose limitée ou progressive du fibrocartilage
complémentaire de la troisième phalange.
Êtymologie. — Le mot javart est d'origine inconnue
(Littré) (3). Dans l'ancienne hippiatrie qui nous l'a légué,
il servait à désigner les affections nécrosiques des tissus
cutané, fibreux, tendineux et cartilagineux de l'extrémité
inférieure du membre, et s'appliquait surtout à la
partie nécrosée elle-même. L'usage en a limité de plus
en plus l'application à la nécrose du cartilage scutiforme.
Synonymies. — Javart encorné Solleysel), javart encorné
improprement dit Lafosse fils), javart coronaire
(Vitet), fibro-chondrite du troisième phalangien des
solipèdes (Vatel), javart encorné cartilagineux (Girard),
(1) Rey, Clinique de VÉcole de Lyon (Journ. de méd. vit., 1845, p. 43oj.
(i) Le fibro-cartilage complémentaire n'eiiste pa» chez d'autres espèces.
(3) On trouve en provençal le ternie gavarri. Mistral qui l'a employé
(Mireille, chant VU, strophe 48) le traduit par DÉFAUT.— Pion,Bull, de la
SÔc. centr., 1896, p. 3J2.
Chirurgie du pied. 14

242 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
javart proprement dit (Delwart), podochondelcosie
(ulcère du cartilage du pied) (Guerrapain), nécrose du
fibro-cartilage (Cadiot et Almy).
Étiologie. — CAUSES DÉTERMINANTES. — Le javart cartilagineux
est toujours le résultat d'une inoculation microbienne
du fibro-cartilage.
Celle-ci est elle-même la conséquence soit d'une action
traumatique directe intéressant la trame de la plaque
scutiforme, soit de la pénétration secondaire des germes
d'une lésion voisine.
Les blessures du cartilage complémentaire par des corps
piquants ou tranchants ne sont pas rares. L'organe est
quelquefois même atteint par sa face interne, le corps
vulnérant ayant pénétré obliquement par la face plantaire
du pied (Voy. Clou de rue).
Le plus souvent, il s'agit de lésions contuses,le cartilage
étant meurtri, écrasé ou simplement dénudé. Elles •
sont produites par des causes très variées : chocs, heurts,
chutes, projectiles, pressions, écrasements ; mais les plus
fréquentes sont sans contredit les atteintes. Ces traumatismes
sont très ordinairement suivis de javart. Sur
vingt plaies confuses que Renault a faites expérimentalement,
il a vu seize fois la nécrose se produire avant le
septième jour (11.
Les lésions voisines infectantes sont diverses. Les différentes
formes de dermatite de l'extrémité inférieure des
membres peuvent se compliquer de javart. Les contusions
superficielles, les enchevêtrures, les bandages mal
appliqués ou trop serrés provoquent souvent des abcès
dans le conjonctif sous-cutané, à la surface du cartilage,
et ce dernier ne tarde pas à être attaqué par le pus. Les
crevasses de la peau du paturon entament parfois la
totalité du derme et donnent lieu aussi à des phlegmasies'
suppuratives du conjonctif périchondral.
(I) Renault, Traité du javart.

JAVART CARTILAGINEUX. 243
La dermatite verruqueuse (eaux aux jambes) peut
aboutir au même résultat.
La dermatite gangreneuse (javart cutané et javart
encorné), dans la région des quartiers, se complique
ordinairement de javart cartilagineux (1).
On a observé le javart à la suite de la plupart des
affections du pied. Tous les traumatismes infectés, quel
qu'en soit le siège (clou de rue, enclouure, etc.), peuvent
déterminer une dermatite podophyllienne dont l'extension
jusqu'au contact du fibro-cartilage n'est pas rare.
La seime, le kéraphyllocèle (2), le crapaud (3) même
sont susceptibles de provoquer l'infection de la plaque
scutiforme; mais, à cet égard, les lésions profondes —
nécroses tendineuses, nécrose et carie osseuses (4), arthrite
du pied — sont de beaucoup les plus à redouter.
CAUSES PRÉDISPOSAXTF.S . — Les causes prédisposantes
du javart cartilagineux sont celles qui favorisent ou provoquent
les affections dont nous venons de parler. C'est
ainsi, en particulier, que le javart se rencontre plus souvent
en hiver parce que, en cette saison, les dermatites de
l'extrémité inférieure des membres sont surtout fréquentes.
Ce sont surtout les conditions qui multiplient les
chances de blessures de la couronne, qui constituent les
prédispositions au javart. Les pieds plats, combles,
évasés, à talons bas, plus exposés à s'atteindre et dont
(1) On a TU parfois le javart cartilagineux coïncider avec une dermatite
vaeemogène (borse-poi) dont les éruptions étaient concentrées autour de la
lésion constitutive du javart lui-même (H. Bouley, Acad. de mid., séance du
17 novembre 1863); cela explique comment les expérimentateurs ont pu affirmer
que la vaccine avait sa source dans le javart (javart inoculable de Sacco).
Cette confusion avait été provoquée aussi par une fausse traduction d'un
travail de Jenner dans laquelle l'expression Soreheels (mal des talons), dont
l'auteur se servait pour désigner l'éruption vaccinogène qu'il avait découverte,
était traduite par celle de javart.
»•"/., 1147,
p. 172).

244 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
les cartilages sont rapprochés du sol et par conséquent
des corps vulnérants ; les pieds à corne molle ou à sabot
bas qui protègent moins bien les cartilages, sont plus souvent
affectés. Ces conditions expliquent pourquoi le
javart est relativement rare chez l'âne et le mulet
(L. Lafosse) (1).
Les vices d'aplomb des pieds ou des membres et les
vices d'allures rendent fréquentes les atteintes par
lesquelles le cartilage est souvent intéressé.
La nature des services exerce une influence considérable
sur la fréquence du javart. On observe cette
affection sur les chevaux de gros trait qui font des charrois
sur des routes mal entretenues ou des chantiers de
construction (chevaux de carriers, moellonniers, etc.),
parce qu'ils sont plus exposés aux atteintes, les limoniers
surtout.
La mauvaise ferrure est aussi une circonstance étiologique
importante par les vices d'aplomb qu'elle détermine
ou par les saillies inopportunes du fer (crampons,
garniture exagérée); elle provoque des blessures presque
toujours profondes et graves.
Suivant H. Rouley (2), les vieux chevaux sont plus souvent
que les jeunes affectés de javart cartilagineux, parce
que, dit-il, les cartilages perdant de leur vitalité, les
causes capables de déterminer cette maladie produisent
des effets plus sûrs lorsqu'elles s'exercent sur eux.
Le javart est-il plus fréquent aux pieds antérieurs
(Zundel) (3) ou aux pieds postérieurs (Renault) (4), du
côté interne (Renault) ou du côté externe (Zundel) ? La
divergence des opinions tient aux conditions différentes
dans lesquelles ont pu être placés les sujets observés.
(1) L. Lafosse, Traité de pathologie vêt., t. Il, p. 716.
(2) H. Bouley, Dict. prat. de méd. chir. et hyg. vét. (art. JAVART, t. XI,
p. 81).
(3) Zundel, Dict. d'Hurtrel-d'Arboval (édit. refondue, art. JAVART, t. Il,
p. 340).
(4) Renault, Traité du javart cartilagineux, 1831.

JAVART CARTILAGINEUX. 245
S'il est vrai en effet qu'aux pieds antérieurs les cartilages
sont plus larges, plus découverts et par conséquent
plus accessibles, il est vrai aussi que les limoniers
s'atteignent plus fréquemment aux pieds postérieurs.
D'un autre côté, le cartilage externe est plus exposé
aux accidents de toutes sortes, mais les atteintes s'observent
surtout sur le cartilage interne.
En résumé, toute l'étiologie du javart est dans les causes
capables d'amener des agents infectieux au contact du
fibro-cartilage, sur lequel ils exercent une action nécrosante
dont ce n'est pas le moment d'étudier le mécanisme.
Ces agents, microbes banaux de la suppuration
ou de la putréfaction, n'ont rien de spécifique. Bang à
trouvé cependant dans certains javarts le bacille de la
nécrose. Le rôle pathogène de celui-ci dans cette maladie
n'est pas démontré, mais on peut légitimement l'incriminer
lorsqu'on le rencontre.
Symptômes. — Le processus nécrosique une fois
institué se traduit par trois ordres de symptômes principaux
qui sont, par ordre d'importance : l°une tuméfaction
inflammatoire de la couronne au niveau du cartilage,
2° une ou plusieurs fistules coronaires ou plantaires,
3° la boiterie.
1° TCMÉFACTION DE LA COCRONSE. — La tuméfaction inflammatoire
au niveau du cartilage atteint est le premier
signe de la nécrose et le plus important. Elle peut être
limitée à une partie seulement de l'organe, celle où la
lésion débute, la moitié postérieure le plus souvent; elle
progresse ensuite et quand le processus est ancien, elle
occupe toute l'étendue de la plaque scutiforme dont elle
est comme le grossissement. La « tumeur du javart »
résulte surtout de la prolifération du conjonctif périchondral;
elle est d'abord œdémateuse, chaude, douloureuse;
avec le temps, elle s'indure, mais sa consistance
ferme et élastique n'est point celle dure, pierreuse, de
li

246 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
la formé cartilagineuse. La sensibilité locale, qui varie
avec les sujets et avec le moment de la maladie, n'est
nullement en rapport avec la gravité de la lésion.
2° FISTULES. — De la tumeur coronaire procèdent toujours
une ou plusieurs fistules.
Le plus souvent, elles s'ouvrent sur la couronne, mais
on en rencontre qui aboutissent sur la face plantaire du
sabot dans la lacune latérale du côté correspondant.
Ceci s'observe quand le javart s'est développé comme complication
d'une bleime, d'un clou de rue ou d'une enclouure.
D'autres fois, et en particulier, lorsqu'une seimequarte
a été la cause de l'affection, la fistule est
pariétaire, elle s'ouvre au-dessous dubourrelet. Les fistules
coronaires sont souvent des fistules secondaires, c'est-àdire
des voies d'écoulement au pus qui prend naissance au
niveau de la lésion. Elles s'oblitèrent et se reconstituent
un peu plus en avant, au fur et à mesure que la nécrose
progresse danscette direction. Ces déplacemenls successifs
marqués par les cicatrices témoignent de l'ancienneté du
mal et de l'envahissement progressif du fibro-cartilage
parle processus destructeur.
Le trajet des fistules est tantôt sinueux, courbe ou anguleux,
tantôt droit, et affecte alors toutes les directions :
horizontale ou verticale, perpendiculaire à la surface ou
oblique d'arrière en avant ou de haut en bas. Leur profondeur
est aussi très variable; en règle générale, elles se
raccourcissent à mesure qu'elles occupent une région
plus antérieure, mais, en raison de l'épaississementde la
peau et du tissu cellulaire sous-cutané, elles sont toujours
relativement longues. Leur fond est occupé par la nécrose
sur laquelle elles viennent parfois se réunir en plus
ou moins grand nombre pour diverger ensuite vers la
couronnera paroi ou la plante du pied. La plaque cartilagineuse
peut être entièrement traversée par le trajet
fistuleux à l'origine duquel on trouve alors, assez souvent
une collection purulente profonde.

JAVART CARTILAGINEUX. 247
L'orifice extérieur d'une fistule cutanée est dénoncé au
début par un bourgeon charnu plus ou moins saillant; il
est au contraire à fleur de peau ou même disposé en
infundibulum si le trajet est ancien.
Le pus qui s'écoule des fistules cartilagineuses est séreux,
mal lié ; il renferme parfois des fragments cartilagineux
mortifiés, verdàtres et ramollis. Son abondance
est plus ou moins grande, mais toujours en disproportion
avec la plaie extérieure.
3° BOITERIE. — Elle peut manquer ou être très légère ;
la lésion siégeant dans les parties postérieures du fibrocartilage
est peu douloureuse. L'absence de boiterie ou
son faible degré n'autorise pas à conclure àla bénignité de
l'affection; une nécrose grave envahissante et déjà étendue,
peut ne s'accuser que par une sensibilité insignifiante.
U en est d'ailleurs habituellement ainsi autant que la
lésion est encore localisée au cartilage. L'exagération
de la douleur et l'intensité de la boiterie indiquent, au
contraire, d'une manière à peu près univoque, des altérations
ligamenteuses, osseuses ou tégumentaires.
Les symptômes procédant de la sensibilité locale se
rattachent donc bien mieux aux complications du javart
qu'au javart lui-même.
On peut en dire autant des symptômes généraux réactionnels
que l'on observe parfois.
Marche. Terminaisons. — La nécrose du fibro-cartilage
est ordinairement progressive, envahissante ; elle se propage
toujours dans le même sens, de la partie primitivement
atteinte vers les parties antérieures ; elle gagne
les tissus avoisinants sur lesquels elle provoque des altérations
diverses toujours très graves.
Ces caractères de la nécrose et la nature des complications
que l'on peut observer sont sous la dépendance
de la disposition anatomique et de la texture du cartilage,
qu'il est nécessaire, par conséquent, de rappeler
en quelques mots (fig. 98).

248 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
Les fibro-cartilages complémentaires de l'os du pied,
dont la forme en bouclier et la situation sur les côtés
du pied sont suffisamment connues, contractent, avec
les organes voisins, des rapports très intimes, surtout
intéressants à .notre point de vue. Par leur boTd inférieur,
ils font étroitement corps avec la troisième pha-
Fig. 98. -
a, fibro-cartilage latéral, face externe; b, bord supérieur; c. bord postérieur;
il, ligament latéral antérieur bordant en avant le cartilage; e, tendons
fléchisseurs; f. tendons extenseurs ; g, os du pied; h, apophyse rélrossale,
lange avec laquelle il n'existe pas de démarcation précise.
Ils englobent les apophyses basilaires et rétrossales
et se prolongent sur la face externe de l'os jusqu'au
dessous delà scissure préplantaire. Leur bord antérieur
se confond avec le ligament latéral antérieur de l'articulation
du pied. Ce dernier constitue en quelque sorte
un renflement funiculaire de la trame du fibro-cartilage
lui-même.
Les tissus des deux organes se continuent de l'un à

JAVART CARTILAGINEUX. 249
l'autre et on ne peut les séparer que par artifice. Par la
face interne, et immédiatement en arrière du ligament
précité, le cartilage est en rapport avec la capsule synoviale
de l'articulation du pied. Les parois de celle-ci
sont d r une extrême minceur, doublées seulement d'une
couche ténue de tissu cellulaire ; lorsqu'elles sont distendues
par la synovie en excès, elles viennent s'appliquer
contre la plaque cartilagineuse dans une légère
excavation que cette dernière présente à ce niveau. En
arrière il y a une véritable continuité de tissu entre la
face interne du fibro-cartilage et le coussinet plantaire.
La face externe est recouverte par la peau dans la partie
supérieure, la cutidure dans la partie moyenne, le podophylle
et le sabot dans la partie inférieure. Sur l'une et
l'autre face, le cartilage complémentaire supporte de
magnifiques plexus veineux qui forment de véritables
couches vasculaires continues.
Quant à leur texture, les fibro-cartilages phalangiens
offrent cette particularité que les deux tissus qui entrent
dans sa constitution, tissu fibreux et tissu cartilagineux,
sont inégalement répartis sur les différents points de
l'organe. Ces tissus forment deux couches superposées :
l'une cartilagineuse superficielle, l'autre fibreuse profonde.
La couche cartilagineuse est plus épaisse en
avant ; le tissu fibreux prédomine au contraire dans les
parties postérieures et aussi sur toute l'extrême périphérie
de l'appendice à son bord libre et à son insertion
sur l'os et le ligament articulaire.
Ce que l'on connaît de la constitution histologique de
ces deux tissus dont l'un est vasculaire et l'autre pas,
explique l'évolution différente de la lésion traumatique
suivant le point affecté.
Là où les éléments fibreux prédominent et où la vascularisation
est abondante, survient une réaction organique
rapide grâce à laquelle les éléments détruits se reconstituent
et la guérison se produit.

250 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
Dans le tissu cartilagineux, cette réaction réparatrice
ne se produit généralement pas, ou, tout au moins, elle
est impuissante à produire un tel résultat. Les éléments
cellulaires atteints par la cause irritante ne résistent
pas, et celle-ci persistant, le processus destructeur se
continue ; un territoire plus ou moins étendu ou même
la totalité de la couche cartilagineuse est frappé de nécrose
suivant un mode que nous allons étudier.
Il faut dire auparavant qu'une blessure de la plaque
scutiforme dans sa partie cartilagineuse n'aboutit pas
nécessairement à la nécrose, et que deux autres terminaisons
infiniment moins graves, mais beaucoup plus
rares sont possibles : la cicatrisation adhésive et la cicatrisation
par granulation.
La cicatrisation adhésive ne s'observe que sur les plaies
simples, aseptiques et sans perte de substance. Le processus
de réparation comporte la multiplication des éléments
cartilagineux et conjonctifs du voisinage de la
solution de continuité. Les nouvelles cellules peuvent
s'entourer d'une capsule et la substance cartilagineuse
se reconstituer intégralement, mais plus souvent cette
inflammation est le point de départ d'une évolution
plus complète qui aboutit à l'ossification de la partie
atteinte. 11 y a entre ces phénomènes et ceux qui président
à la constitution du cal dans les plaies ou les
fractures osseuses abritées, la plus grande analogie.
La cicatrisation par granulation se produit parfois à la
surface d'une brèche cartilagineuse, exposée, aseptique
ou même infectée, à condition qu'elle soit simple et modérément
irritée.
Le bourgeonnement commence dans les parties périphériques
dans tous les points où existe du tissu conjonctif
ou fibreux vasculaires ; il se poursuit plus lentement
à la surface de la plaie cartilagineuse, de la

JAVART CARTILAGINEUX. 251
périphérie au centre, par extension progressive des
vaisseaux avoisinants et multiplication des éléments
cellulaires du connectif et du cartilage enflammés.
Quand la membrane granuleuse est complète, la brèche
se comble rapidement ; ce nouveau tissu subira dans la
suite une organisation fibreuse ou plus souvent osseuse,
mais jamais cartilagineuse.
L'analogie avec la réparation des plaies osseuses
exposées est ici aussi parfaite que dans le cas précédent
avec le cal abrité.
La nécrose est, avons-nous dit, la terminaison la plus
fréquente des blessures du cartilage. Elle survient à peu
près exclusivement sur les lésions infectées. Quels que
soient les agents infectieux, et sans qu'il soit nécessaire
d'invoquer les propriétés spécifiques de certains d'entre
eux. leur action s'explique facilement ; elle s'exerce, en
effet, sur des éléments isolés, à vitalité précaire et auxquels
la voie vasculaire n'apporte pas les moyens de
défense habituels.
Cette impuissance du tissu cartilagineux à produire
la réaction organique réparatrice fait que la disjonction
ne s'établit pas entre la partie mortifiée et celle encore
saine. Les microbes qui pullulent dans l'escarre restent
donc constamment en contact du cartilage et exercent
sur lui leur action irritante et destructive ; la mortification
continue et s'étend peu à peu. « La nécrose progresse
(dans le cartilage) par le fait même de la continuité
qui reste établie entre les parties encore vivantes
et celles qui sont mortes, sans doute parce que, de
proche en proche et par imbibition, la matière septique
des parties déjà mortifiées pénètre dans les cellules encore
vivantes et éteint en elles la vitalité. Il y a là, probablement,
une sorte d'infection par contact immédiat
qui devient une cause de mortification. » Il n'y a presque

232 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
rien à changer à ces lignes écrites par H. Bouley (1)
sans là notion d'agent animé.
En même temps que la mortification se produit dans
le tissu cartilagineux, des phénomènes inflammatoires
réactionnels évoluent dans la couche fibreuse de l'organe
complémentaire. Celle-ci est le siège d'un bourgeonnement
actif, grâce auquel l'escarre est détachée des parties
sous-jacentes, soulevée, désagrégée par le pus, et le
vide comblé par des tissus de nouvelle formation.
Cette délimitation de la partie mortifiée peut être complète
; la disjonction peut s'effectuer sur toute la périphérie
de celle-ci qui s'élimine alors en une seule masse
et la guérison spontanée est obtenue. Mais cela est
l'exception et ne se produit guère que chez des sujets
jeunes dans lesquels la chondrinisation du fibro-cartil&gfj
est peu avancée, et lorsque le javart siège sur les parties
postérieures où le fibreux est prédominant.
Dans la plupart des cas, la disjonction est incomplète,
l'escarre reste adhérente à son bord antérieur, par un
pédicule plus ou moins large, par lequel le processus
nécrosant se communique toujours plus en avant, jusqu'à
la destruction complète de toute la couche hyaline.
Chez certains sujets âgés, la nécrose envahit à la fois
toute la largeur de l'organe dont la couche corticale est
soulevée en bloc, d'arrière en avant. Que la mortification
soit plus ou moins rapide, la réparation se fait toujours
dans le même temps, et à mesure que disparait le tissu
cartilagineux du tissu fibreux le remplace. 11 n'est
pas rare de voir le fibro-cartilage malade s'ossifier. Le
processus ostéogénique procède de la troisième phalange
à la base de la plaque scutiforme, vers sa partie moyenne ;
il s'étend progressivement et envahit parfois la totalité de
l'organe.
Complications. — Les complications procèdent presque
(1) H. Bouley, Loc. cit., p. 74.

JAVART CARTILAGINEUX. 253
toutes de la marche progressive de la nécrose, que
nous avons dit être la règle, et de son extension a
l'un des tissus avec lesquels le fibro-cartilage est en
rapport.
La plus ordinaire et l'une des plus graves de ces complications
est la -nécrose du ligament latéral antérieur de
l'articulation du pied. Ce ligament fait en quelque sorte
partie intégrante du fibro-cartilage, il est recouvert par
la lame cartilagineuse de ce dernier, de plus il subit
lui-même avec l'âge un certain degré de chondrinisation.
Toutes les conditions existent donc pour que le
processus nécrosant passe avec la plus grande facilité de
l'un à l'autre de ces organes, et, comme en quelque
point qu'il débute il s'étend toujours en avant, la nécrose
du ligament est presque fatale au bout d'un temps
plus ou moins long.
L'arthrite du pied, est la conséquence presque inévitable
de la nécrose du ligament latéral antérieur, en raison
des connexions étroites signalées entre ce ligament et la
séreuse articulaire. Elle peut cependant précéder la lésion
du ligament; elle résulte alors soit de la nécrose
du troisième phalangien au niveau de la marge articulaire,
sait de l'altération directe du cul-de-sac latéral de
la synoviale en contact intime avec la face interne de la
plaque scutiforme. Ce dernier mécanisme est rare, parce
que le conjonctif périchondral enflammé prolifère, s'épais?,
sit, double la paroi synoviale qui oppose ainsi une
résistance plus grande à la destruction (Rey).
La nécrose de la troisième phalange coexiste assez souvent
avec la nécrose fibro-chondrale. Les deux tissus se
pénétrant dans une certaine étendue, l'altération de l'un
se communique très aisément à l'autre.
Mais la nécrose osseuse est plus souvent la cause que
la conséquence du javart.
Nous en dirons autant de la gangrène du tégument, de
la peau, du bourrelet ou du podophylle qui se produit
Chirurgie du pied. 15

254 AFFECTIONS DE LÀ RÉGION CORONAIRE.
dans quelques cas exceptionnels de javart ; ordinairement
liée à d'autres causes (Voy. Dermatite coronaire gangreneuse,
p. 237) elle détermine elle-même cette dernière
affection.
Une pododermatite suppurée superficielle ou profonde,
plus ou moins étendue, peut être le résultat de la diffusion
du pus dans la boîte cornée par une fistule pariétale
ou plantaire ; des décollements parfois considérables
peuvent être constatés ; la solidité de l'ongle peut même
être compromise (1).
Plus rarement le pus se dirige vers les parties profondes
du pied et il se forme une collection purulente:
à la face interne du fibro-cartilage ou dans la trame du
coussinet plantaire. Cet abcès sous-cartilagineux se produit
parfois à la suite d'une simple piqûre ; il n'est pas
absolument subordonné à l'existence du javart.
t? On a constaté aussi, à la suite du javart cartilagineux,
la nécrose ou la carie de la deuxième phalange (2), du
petit sésamoïde, de l'aponévrose plantaire, etc.
C'est dans les cas de javart ainsi compliqué que so
produisent quelquefois des infections générales, purulente
ou putride.
Nous devons encore signaler certaines complications
tardives du javart, telles que les formes cartilaginewfft
dont la pathogénie a été indiquée ; les seimes, qui font
suite aux fistules cutiduriennes ; les déformation$[du
sabot, c'est-à-dire le redressement de la muraille qui est
la conséquence de la tuméfaction du bourrelet devenu
horizontal ; les cercles pariétaux, qui indiquent les troublai
apportés par l'inflammation dans la fonction kératogèa
et permettent, parleur situation, de juger de l'ancienne!
du mal (Renault).
(1) Sirand, Javart cartilagineux suivi de la chute du sabot (guéritMfy
Meiti, de la Soc. vét. du Calvados et de la Manche, 1841-42, p. 236).
(2) Gérard, Observations sur un javart cartilagineux compliqué de carit
de l'os de la couronne (Bec. de méd. vêt., I8i5, p. 209).

JAVART CARTILAGINEUX. 255
Diagnostic. — La constatation des deux signes principaux
du javart : tuméfaction du fibro-cartilage et
fistule, donne une suffisante certitude au diagnostic.
Le sondage des trajets fistuleux peut, dans certains cas,
renseigner sur l'étendue des lésions, mais c'est là un
moyen infidèle à cause des sinuosités et des diverticula
possibles de ces trajets.
L'injection et les renseignements tirés de la quantité
de liquide injecté (L. Lafosse) ne sont pas plus recommandables.
L'abondance et les caractères du pus qui s'écoule des
fistules du javart fournissent les signes diagnostiques
les plus précieux.
Pour les apprécier, on fera la toilette du pied et on
enveloppera la région d'un pansement sec qui sera laissé
en place de douze à vingt-quatre heures. Au bout de ce
temps, la quantité de pus retenu par cet appareil indiquera,
par sa quantité, l'étendue de la fistule et, par son
aspect, la nécrose cartilagineuse.
11 n'est pas très difficile de différencier le javart cartilagineux
des autres altérations coronaires.
La forme cartilagineuse s'accuse par des caractères
univoques : tuméfaction dure, nettement délimitée, à
surface irrégulière, sans chaleur anormale, sans trajets
fistuleux.
L'atteinte ou plaie simple de la couronne se cicatrise
rapidement et est entouré par un engorgement limité et
superficiel.
Le phlegmon coronaire produit, dès son apparition, une
boiterie intense qui s'amende aussitôt après l'évacuation
du pus ; la fistule consécutive a peu de profondeur,
elle ne pénètre pas dans l'épaisseur du cartilage, elle se
ferme en peu de jours.
L'abcès sous-cartilagineux simple marche aussi franchement
vers la guérison dès qu'une voie est ouverte au
pus.

256 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
La nécrose tendineuse dans le creux du paturon prosente
une certaine analogie symptomatique avec un
javart cartilagineux postérieur ; mais elle provoque
toujours, contrairement à ce dernier, une claudication
assez intense. Le sondage des fistules fournit d'ailleurs
des renseignements précis sur le siège de la lésion.
Les complications de nécrose du ligament latéral, de
nécrose ou de carie de la phalange, d'arthrite du pied
sont importantes à reconnaître.
L'aggravation de la douleur est un signe qui leur est
commun, et l'intensité de la boiterie indique d'une manière
à peu près univoque que la lésion n'est plus limitée
au fibro-cartilage.
Le siège des fistules pour la nécrose ligamenteuse,,^
nature du pus pour la carie ou la nécrose osseuse, les
indications données par la sonde pour les unes et les
autres, complètent le diagnostic.
L'arthrite se reconnaît à la suppression de l'appui, aux
lancinations, à la tuméfaction péri-coronaire, à l'apparition
de fistules sur le côté opposé, aux caractères de
l'écoulement, purulent et synovial, et à l'élévation delà
température.
Pronostic. — Le javart est une affection tenace, sans
tendance à la guérison spontanée, de très longue durée
et aboutissant à peu près sûrement à des complicati^É
d'une exceptionnelle gravité, si un traitement convenable
n'est institué.
Ce traitement, lui-même compliqué, nécessite souvent
une opération difficile; la guérison parfaite*!demande
presque toujours un temps considérable. "
Ces considérations expliquent comment le javart a pu
être regardé longtemps comme une des maladiel les
plus graves dont le cheval puisse être atteint ». Et, si
aujourd'hui les progrès de la thérapeutique chirurgicale
rendent le pronostic de cette affection un peu moins
sombre, elle est toujours fort redoutée, surtout au point

JAVART CARTILAGINEUX. 257
de vue économique, à cause de la longueur et de la complexité
des soins qu'elle réclame.
Le pronostic n'est pas également grave dans tous les
cas. Il est économiquement plus favorable s'il s'agit
d'animaux de trait utilisés au pas, car ceux-ci peuvent
travailler beaucoup plus tôt, au cours du traitement,
même avec une boiterie légère, qu'un animal de luxe
pour lequel la parfaite régularité de l'allure est une
condition indispensable.
La gravité du javart augmente avec l'âge des sujets en
raison de la chondrinisation progressive de leurs fibrocartilages.
La nécrose des parties postérieures de la plaque scutiforme
est toujours moins redoutable que celle des parties
antérieures ; ce que nous avons dit de la texture et
des rapports de cet organe explique cette particularité.
D'une manière générale, le javart est moins rebelle aux
membres postérieurs qu'aux antérieurs, leurs cartilages
étant plus fibreux et par conséquent, plus vivaces(H. Bouley).
L'opinion contraire, formulée par Molier et quelques
autres auteurs, n'est confirmée ni par l'observation ni
par les statistiques fi).
L'existence de lésions concomitantes de la cutidure, du
tissu podophylleux, de l'os ou de l'aponévrose plantaire,
que celles-ci aient précédé la nécrose du cartilage ou
qu'elles en soient la conséquence, aggrave singulièrement
le pronostic. Parmi les complications du javarl, la nécrose
du ligament latéral était autrefois considérée comme
• absolument irrémédiable ; si, depuis, cette opinion a été
un peu réformée (2) et si, après l'antisepsie, les cas de
guérison ne sont plus l'exception (3), le pronostic n'en
est pas moins fort assombri lorsque cette lésion existe.
(I) Cadiot, Loc. Cit.
(î) Renault, Traité du javart, 1831 (Bec. de méd. vêt., 1838, p.
L. Lafosse. Journ. des vêt. du Midi, 1846, p. 157.
(3) Cadiot. Arch. vêt., 1884, p. 381.

258 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
L'arthrite du pied est de beaucoup la plus redoutable
des complications du javart; elle impose presque fatalement
le sacrifice du sujet.
Les diverses complications du javart, outre les signes
qui sont propres à chacune d'elles, se traduisent toutes
par une aggravation considérable de la boiterie ; de sorte
que celte dernière, par son intensité plus ou moins
grande, fournit au pronostic un précieux élément d'appréciation
(1).
Anatomie pathologique. — Elles sont variables suivant
que l'on a affaire à un javart récent ou ancien, simple ou
compliqué. La peau qui recouvre le cartilage est toujours
épaissie, souvent sclérosée. Le tissu conjonctif souscutané
est aussi très épais, plus ou moins dense suivant
l'ancienneté du mal. Il constitue une nappe fibreuse résistante
qui fait intimement adhérer la peau et le fibrocartilage
dans la majeure étendue de ce dernier. Ces
organes sont séparés au niveau du point nécrosé, où l'on
rencontre une cavité d'un, deux ou trois centimètres
de diamètre, rarement plus vaste, renfermant du pus
liquide, mal lié, tenant en suspension des fragments de
tissu mortifié. C'est dans cette poche que viennent aboutir
les fistules. Ses parois sont tapissées de bourgeons rougeâtres,
mollasses, infiltrés par le pus ; les trajets fistuleux
présentent les mêmes caractères quand ils sont
récents ; plus anciens, leurs parois s'épaississent, s'indurent
et deviennent lisses. L'îlot nécrosé baigne dans le
pus de cette cavité ; il a des dimensions variables mais
ne dépassant guère un centimètre carré. Il est presque
toujours nettement délimité en arrière et fixé, à son
extrémité antérieure seulement, par un pédicule plus
ou moins large. Sa teinte jaune verdâtre a été comparée
à celle de la plumule d'une graine en germination; elle
se fond insensiblement en avant en passant par des
(1) Cadiot, Etudes de path. et de clinique, p. 462.

JAVART CARTILAGINEUX. 259
teintes intermédiaires plus ou moins lavées pour aboutir
à la couleur blanc mat du cartilage sain.
Ces changements de couleur marquent les divers
degrés du processus, ainsi qu'on peut s'en assurer par
l'examen microscopique d'une coupe passant par ces divers
points.
Dans la partie la plus antérieure, le cartilage est normal,les
capsules cartilagineuses régulièrement arrondies
ou ovoïdes occupées par des cellules saines à noyau
apparent, la substance fondamentale claire uniformément
réfringente. Au point où la nécrose commence, la
structure ne paraît point changée; seules les cellules cartilagineuses
se sont ratatinées, laissant un vide autour
d'elles; on n'en distingue pasle noyau ; la substance fondamentale
parait légèrement troublée ; un peu plus en
arrière, les capsules cartilagineuses se sont déformées,
aplaties ; elles ne renferment plus que quelques granulations
foncées, débris des éléments cellulaires. Dans la
partie flottante du bourbillon, on ne distingue aucun
arrangement structural; il n'y a plus que de la substance
fondamentale en voie de décomposition, fixant mal les
réactifs colorants, présentant des cavités irrégulières
qui, sur les bords de la coupe, sont remplies de pus.
La nécrose n'occupe que la partie superficielle du
fibro-cartilage exclusivement cartilagineux; dans les
parties profondes et en regard du point altéré, le tissu
fibreux présente tous les phénomènes d'une prolifération
active. Une couche d'éléments embryonnaires plus ou
moins épaisse entoure le foyer où la lésion évolue ; c'est
grâce à elle que le vide laissé par la destruction progressive
du cartilage est comblé au fur et à mesure par un
tissu nouveau qui ne tarde pas à prendre l'organisation
fibreuse. Ce tissu s'unit et se confond avec la couche
fibreuse sous-cutanée et avec la trame du coussinet plantaire
sous-jacent. De sorte que, quand le javart est ancien,
la plaque scutiforme n'est plus distincte, elle est rem-

260 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
placée par un bloc fibreux sans limites précises. Au sein
de ce dernier apparaissent quelquefois des lamelles
osseuses procédant de l'apophyse basilaire de la troisième
phalange. Cette ossification est généralement
limitée, mais, dans quelques cas, elle constitue une forme
volumineuse.
Outre ces altérations, on peut encore trouver celles
qui résultent des diverses complications déjà signalées :
nécrose du ligament latéral antérieur, nécrose ou carie
de l'os du pied, arthrite, etc.
r:
Traitement. —A. Préventif. — Les plaies du fibro-cartilage
ne s'accompagnent pas nécessairement de javart.
Nous avons vu comment elles peuvent se cicatriser, soit
d'une façon immédiate, soit par granulation et nous avons
indiqué les conditions indispensables à cette heureuse
terminaison. Réaliser ces conditions est donc le moyen
prophylactique par excellence du javart.
Une plaie coronaire étant donnée, il importe de
la rendre et de la maintenir aseptique. Une lésion infectée
existant au voisinage de cette même région, il
est capital de la guérir au plus vite pour éviter son
extension au cartilage. Il suffit que nous rappelions ici,
sans insister sur les moyens (Voy. Atteintes, p. 227),
cette nécessité d'une désinfection soignée de ces
divers accidents et de leur protection par un pansement
convenable.
B. Curatif. — La nécrose étant constituée, la guérison
comporte deux phénomènes successifs également importants
: l'élimination de la partie mortifiée et la cicatrisation
par bourgeonnement de la surface dénudée. Il
faut donc pour obtenir la guérison : soit détruire la portion
nécrosée, soit favoriser son élimination spontanée,
soit encore extirper le cartilage lui-même menacé de
nécrose. Les moyens thérapeutiques dont on dispose
peuvent se ranger sous trois chefs : 1° la cautérisation

JAVART CARTILAGINEUX. 261
actuelle ou potentielle ; 2° les injections antiseptiques
ou escarroiiques légères ; 3° l'intervention chirurgicale
proprement dite.
1° CAUTÉRISATION'. — Elle fut exclusivement employée
jusqu'à l'époque (lTiiii où Lafosse père imagina l'extirpation
du cartilage. Les hippiatres, ignorants de l'anatomie,
usaient de cette méthode avec exagération et les
conséquences en étaient souvent désastreuses, ils employaient
indifféremment et souvent simultanément le
cautère actuel et des caustiques, le sublimé surtout,
en fragments ou en pâte. « 11 faut, dit Solleysel (1),
rayer de feu toute l'enflure depuis le haut jusqu'au-dessousdela
couronne, sur la corne; les raies près à près et
si profondes, qu'après avoir percé le cuir, elles aillent
trouver et brûler le tendon (cartilage), et si on ne brûlait
que la moitié de l'épaisseur du tendon, ce ne serait rien
à faire, il faut le couper entièrement avec le feu... »
D'autres fois, le même auteur plaçait un bouton de feu
dans la fistule et un autre en avant « assez amples pour y
mettre le doigt », et au fond desquels il logeait une grosse
boulette de sublimé corrosif. Ces moyens incendiaires
réussissaient dans quelques cas, mais plus souvent ils
amenaient des complications graves entre autres l'arthrite
du pied, que les opérateurs rapportaient alors, non à
leur intervention brutale, mais à des causes banales.
Plus sagement mesurée, la cautérisation peut rendre
cependant des services. Au début du dernier siècle le
cautère actuel (Mangin) (2) et le trochisque de sublimé
(Girard, Bareyre) (3) furent relevés du discrédit dans
lequel ils étaient tombés.
(1) Le Parfait Mareschal, 1723, p. 207.
(2) Mangin, De Xemploi du cautère actuel dans la question du javart cartilagineux
(Bec. de mid. vêt., 1828, 430).
(3) Girard, Observations sur le traitement du javart cartilagineux (Bec.
de méd. vêt., 1823. p. 185). — Bareyre, Observations sur les divers procédés
proposés contre la carie des fibro-cartilages du pied (Bec. de méd. vêt.,
1325, p. 200). '
15.

262 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
L'un et l'autre nous ont donné de nombreux succès.
La technique de leur emploi est des plus simples.
1° Un cautère conique et allongé ou la lame du
thermo-cautère conviennent bien. On s'assure d'abord,
par le sondage, de la direction et de la profondeur des
fistules, on débride légèrement leurs orifices, et l'instrument,
chauffé à blanc est introduit dans le principal de
ces conduits, de manière que la pointe arrive au contact
de l'îlot nécrosé, on l'y maintient quelques instants et
on réitère cette application une ou deux fois, afin de
carboniser la totalité du bourbillon. Il est utile de
protéger la cavité ainsi formé contre une infection
ultérieure par des tampons aseptiques maintenus par
un pansement pendant trois ou quatre jours. Au bout de
ce temps l'escarre se détache peu à peu et la brèche se
tapisse d'une couche de bourgeons.
2° Le trochisque de sublimé doit avoir la forme d'un
cône allongé d'un centimètre de diamètre à la base et d'un
centimètre et demi ou de deux centimètres de longueur;
la fistule étant sondée et convenablement débridée, on
introduit le trochisque et on le pousse avec une sonde
jusqu'au point carié, on le maintient avec un pansement.
Le bourbillon et les parois de la fistule sont ainsi transformés
en une escarre aseptique qui, comme celle formée
par le cautère, se disjoint lentement et fait place à
une membrane granuleuse.
D'autres caustiques ont été employés, par les vétérinaires
anglais en particulier, (acide arsénieux, sulfates
métalliques, etc.). Bernard (1), Gielen (2) ont préconisé le
nitrate d'argent en crayon ou en poudre. Ces agents peuvent
être utilisés le cas échéant, mais ils paraissent inférieurs
au cône de sublimé.
(1) Bernard, Essai d'un mode particulier de cautérisation dans le cas de
javart cartilagineux (Bec. de méd. vêt., 1836, p. 295).
(2) Gielen, Ueber die Anwendung des Bôllensteins zur Kur der Bufknorpelfistel
(Magasin f. d. ges. Thierheilkunde, 1837, p. 424).

JAVART CARTILAGINEUX. 263
Les indications de la cautérisation actuelle ou potentielle
sont limitées aux fistules coronaires droites, superficielles
et aboutissant sur un foyer de nécrose peu
étendu de la moitié postérieure delà plaque scutiforme
(Renault) (1). Dans ces conditions, les avantages de cette
méthode sont incontestables; elle donne la guérison
dans un temps très court après une intervention des
plus simples. Mais elle se montre souvent inefficace si
la fistule existe dans les parties antérieures du cartilage
complémentaire,dontla vitalité précaire s'accommode mal
d'une aussi vive irritation; de plus, elle est dangereuse
parce que les effets de la cautérisation ne pouvant être
mesurés sont parfois trop violents et intéressent alors le
ligament latéral ou le cul-de-sac synovial.
2° INJECTIONS. — L'usage des injections liquides plus ou
moins escarrotiques dans la fistule du javart ne remonte
pas au-delà du siècle précédent. Dès 1804, William Riding,
en Angleterre, avait conseillé les solutions concentrées
de sublimé, de sulfate de zinc et de sulfate de
cuivre. Newport (2), en 1828, faisait connaître les heureux
résultats obtenus par la solution de sulfate de zinc;
cette méthode fut dès lors en faveur parmi les vétérinaires
anglais iBracy-Clarck, Sewel, Percivall).
En France, elle ne fut connue qu'en 1847, après la
retentissante publication de Mariage sur son « procédé
de guérison infaillible dans tous les cas du javart cartilagineux
en quinze jours, sans opération ". Ce vétérinaire
employait la liqueur de Villate (3) en injections journa-
( l ) Renault, Biflexwns sur les moyens curatif s proposis dans le cas de
carie du cartilage lotirai de l'os du pied (javart cartilagineux) (Bec. de
mid. vit., 1827, p. 514).
(2) The veterinarian (Tome I, p. 329).
(3) Il faut dire cependant que, avant Mariage, cette substance avait été
essayée contre le javart par quelques vétérinaires français, et en particulier
: Villate (Becueil, 182f>, p. 10), — Leblanc (Clinique vit., 1846,
p. i13 ; 1847, p. 148), — Buquet (Clinique vil., 1847, p. 220), - H. Bouley
(Bec. de méd. vit., 1847, p. 485 et «56 ; 1852, p. 703), — Rey (Journ. de

264 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
Hères dans les divers trajets fistuleux; il avait obtenu
42 guérisons. Ce procédé fut largement expérimenté et
on s'accorde encore aujourd'hui à reconnaître sa supériorité.
Pour le perfectionner, on conseillante rendre la
fistule plus accessible par une cautérisation préalable (1)
et les injections plus faciles par l'établissement d'une
contre-ouverture (2) et une mèche passée dans le trajet (3).
A la liqueur de Villate ont été substituées, avec plus ou
moins de succès, diverses autres solutions irritantes :
l'eau deRabel (4), la liqueur de Cherry (solution de sublimé
dans alcool) (5), la solution de Gamgee (6), l'hydrate
de chloral (7), l'acide phénique concentré (8), le résinate
de cuivre (9), etc. (10). Les injections purement antiseptiques
(eau phéniquée, glycérine phéniquée, liqueur do
van Swieten, solutions iodoformées, etc.) ont procuré
aussi de nombreux bons résultats.
Quel que soit le liquide employé, la technique est tourna,
vêt, 1848, p. 57; 1850, p. 492),— Schuler (Magazin f. d.ges, Thierheilkunde,
1869, p. 290).
(1) Labaysse, Javart cartilagineux traité par le procédi Mariage modifié
(Journ. des vét. du Midi, 1850, p. 12o).
(2) H. Bouley, Cours d'Alfort, 185*. — Viseur. Bull, de lasso?., vét. du
Nord et du Pas-de-Calais, 1861 et Bec. de méd. vêt., 1873, p. 955.
(3) Werner, Ueber die Behandlung der Hufknorpelfistel(Woch. f. Thierh.
u. Viehzucht, 1863, p. 193 et 201). — Guerrapain, Nouveau perfectionnement
du traitement du javart cartilagineux (Bec.de méd. vit., 1866, p. 110). —
Lignon. Bev. vêt., 1877, p. 81. — Koch, Berl. thier. Woch., a. 39; Bec.
de mid. vét., 1893, p. 253.
(4i Collignon, De l'usage des caustiques liquides (Clin, vét., 1844, p. 434;
1847, p. 172).
(ô) Bouley, Loc. cit. — Moithy, Becueil, 1869, p. 833. —Cagny Bull, de
la Soc. centr. de mid. vêt., 1884, p. 108 ; 1895, p. 110. — Delattre. Bull, de
la Soc. centr. de méd. vét., 1890, p. 255. — Greaves, Thougts on Quittor
The veterinarian, 1867, p. 698.
(6) Athanasiu et Biltz, Bev. vét. roumaine et Journ. de méd. vét. et zooteeh.,
1893, p. 362. — Micliaud, Schweizer, Archiv., 1893, p. 269. — Grcioer,
Thieràrzt. Centralblatt, 1894, p. 395. - Walther, Berl. Thier. Woch., (896
p. 282.
(7) Fogliata. Giornale di anal, fisiol. etpath. degli animali, 1875, p. 310.
(8) Hartenstein, Arch. vit., 1878, p. 54.
(9) Lignières, Bull, de la Soc, centr. de méd. rit., 1895, p. 107.
(10) Lindenberg, Magazin f. d.ges. Thierheilkunde, 1842, p. 443.-0ronlein,
Zeitsch. f. d. ges. Thierheilk. Viehzucht. 1841, p. 371.

JAVART CARTILAGINEUX. 265
jours la même. On doit assurer l'irrigation.parfaite de
toute la surface de l'îlot nécrosé ; pour cela, il faut débrider
les fistules en évitant de sectionner le bourrelet,
faire une ou plusieurs contre-ouvertures, au-dessous de ce
dernier, la partie supérieure de la paroi ayant été au
préalable amincie en croissant, placer des drains qui
permettront l'écoulement
constant du pus
et à la faveur desquels
on pratiquera une ou
plusieurs injections par
jour suivant la solution
employée. 11 n'est pas
inutile de protéger la
région par un pansement
léger fait de
substances absorbantes
(fig. 99).
Les effets de ces in­
jections d'escarrotiques
légers ou d'antiseptiques
forts sont faciles à comprendre.Elles
détruisent
Fig. 99. — Drain sous le bourrelet disposa
pour l'application d'unpansemeiil. Amincissement
en croissant de la paroi.
les agents infectieux dans le foyer de nécrose et suppriment
ainsi l'unique cause de l'extension du processus.
L'inflammation, à peu près aseptique, qu'elles
entretiennent sur le tissu cartilagineux encore sain au
voisinage de la lésion, incite les éléments cellulaires de
celui-ci à participer à la réaction organique réparatrice.
L'escarre se détache complètement et s'élimine avec le
pus. Le tapetum granuleux s'étend à la surface du cartilage,
forme un revêtement continu, dont la prolifération
ne tarde pas à combler la brèche.
Indications. — La simplicité d'exécution do ce moyen
de traitement et la possibilité de ne pas interrompre le
service du malade sont des avantages qui justifient la

266 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
préférence généralement accordée aux injections. Les cas
très simples déjà signalés où la cautérisation peut être
employée mis à part, les injections doivent encore être
rejetées quand la nécrose du fibro-cartilage est arrivée
au voisinage du ligament, surtout quand elle s'accuse
par des souffrances intenses et que les symptômeslocaux
sont de nature à faire craindre une complication.
Dans toutes les autres conditions, ce traitement peut
être mis en œuvre ; et, même lorsqu'il est infidèle,
même lorsque, le javart persistant, on est finalement
obligé de recourir à l'opération, les injections ont produit
un effet utile ; elles ont réveillé dans les tissus
avoisinants la nécrose et dans le cartilage lui-même
les phénomènes réactionnels propices à la guérison
définitive, elles ont préparé le succès rapide de l'opération.
3°OPÉRATION.— L'opération du javart cartilagineux fut
introduite dans notre chirurgie par Lafosse père, en 1745.
Enseignée et préconisée dans les écoles vétérinaires à
leur fondation quelques années plus tard, elle resta
longtemps le traitement de choix dans tous les cas de
javart. La substitution de « l'action intelligente du bistouri
aux procédés aveugles de l'ancienne hippiatrie»
constituait, en effet, un progrès que l'on sut apprécier.
Nous avons vu que, dans la suite, un emploi mieux raisonné
des agents médicamenteux, rendit à ces derniers la
faveur qu'ils méritaient, et limita, très heureusement
les indications d'une opération, en somme, grave et
difficile.
Indications. — L'intervention chirurgicale est indiquée
lorsque la cautérisation ou les injections n'ont point
donné une guérison rapide et que les progrès de la nécrose
en avant et en bas font craindre l'envahissement de
l'os, du ligament ou de l'articulation.
Elle est indiquée d'emblée, lorsque ces complications
existent, et, en général, chaque fois que l'on

JAVART CARTILAGINEUX. 267
constate une douleur exagérée, une forte boiterie (1).
Opération complète. — L'opération du javart cartilagineux,
telle que l'avait imaginée Lafosse, consiste dans
l'extirpation complète du fibro-cartilage affecté de nécrose.
Pour découvrir cet organe, Lafosse extirpait tout le
quartier de corne correspondant
et soulevait la
cutidure après l'avoir séparée
du tissu podophylleux.
Les diverses modifications
apportées à ce
procédé ont eu pour but
de réduire l'étendue des
délabrements nécessaires
(fig. 100). On a essayé
de n'intéresser ni la
corne, ni le bourrelet et
d'atteindre le cartilage
par une incision de la
peau au niveau de la
partie supérieure de cet
organe, incision cruciale
(Huzard) ou horizontale
(Pagnier). On a indiqué
Fip. 100. — ?cliéma indiquant les différentes
directions de la rainure pour
découvrir la région du javart.
AB. procédé Lafosse; AC. procédé
Key ; AD. procédé Renault ; AE, procédé
Hurlrel d'Arboval ; AF, procédé Bernard
ou procédé miUe; AG, procédé Bayer.
de n'enlever de la paroi que la partie limitée par une
ligne procédant de l'extrémité antérieure du cartilage et
verticale (Rey) ! 2 ou légèrement oblique en arrière (Renault)
(3), ou aboutissant en talons (Hurtrel d'Arboval) (4),
ou horizontale et suivant le bord inférieur du bourrelet
(Bernard) (5). Maillet a préconisé le simple amincissement
(1) Hendrieki, Utilité de l'intervention chirurgicale hâtive dans le traitement
du javart cartilagineux (Ann. de méd. vit., 1898, p. 1).
(2) Rev, Comptes rendus de l'École de Lyon (Bec.de méd. vét., 1843,
p. 77«).
(3) Renault, Traité du javart, p. 83.
(4) Hurtrel d'Arboval, Dictionnaire, \" édit., 1827.
(5) Bernard, Sur l'opération du javart cartilagineux (Bec. de mid. tél.,
(1835, p. 113 et Journ. des vét. du Midi, 1838, p. 205). — Conte, Opération

268 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
du quartier (1). Enfin, Bayer (2), après avoir extirpé un
lambeau demi-circulaire de corne pariétale, découvre
largement le cartilage par une incision semi-elliptique ù
concavité supérieure, intéressant le podophylle, la cuti­
dure et la peau (fig. 101) ; la réunion per primam de cette
incision est indispensable ; une antisepsie convenable
permet de l'obtenir (3).
Nous pensons qu'il est, quand même, prudent de
respecter le bourrelet. Nous avons d'ailleurs remarqué
que l'accès sur le cartilage est assez facile et l'opération
du javart cartilagineux, procédé Bernard (Journ. des vét. du Midi, 1840,
p. 137). — Lafore, Comptes rendus de l'École de Toulouse (Journ. des vét.
du Midi,, 1842, p. 439). — Dieterichs, Von der Opération der Fistel des
Hufbeinknorpels (Zeitschrift f. d. ges. Thierheilk. ... Viehzucht., 1842,
p. 129).
(1) Maillet, Quelques modifications à la méthode usitée pour l'opération rfa
javart cartilagineux (Bec. de méd. vêt., 1836, p. 505). — Renaull, Comptes
rendus de l'École d'Al fort (Bec. de méd. réf., 1 x iO. p. 552*.
(2) Bayer, Exstirpation der Hufknorpels \Deutsch. Zeitschrift fur. Thiermed..
1894, p. 290).
(3) Frohner, Monalsh. fur. prak. T/iier/i., 1896, p. 13.

JAVART CARTILAGINEUX. 269
aisée, si l'on se contente de soulever le bourrelet après
l'avoir séparé du podophylle et décollé des parties sousjacentes
à la manière classique (Voy. Manuel opératoire
de l'Encyclopédie). Il faut toutefois, pour que cet organe
ait une souplesse suffisante, le dépouiller de son revêtement
corné et extirper, en regard du cartilage, une ban de
de paroi de deux centimètres
de largeur au moins. Le
quartier, le talon, l'arc-boutant
et la branche de sole
correspondants sont amincis
en glacis très doux s'étendant
jusqu'au bord plantaire
(fig. 102;.
L'ablation totale du fibrocartilage
complémentaire de
l'os du pied telle que la préconisait
Lafosse et telle qu'on
l'a pratiquée longtemps ou
avec des variantes légères (1),
est dangereuse et inutile.
H. Bouley a très judicieusement
observé qu'il est possible
de conserver les couches pro­
102. — Opération du javar 1
par le procédé classique. Su lure.
fondes de l'organe, couches fibreuses que la nécrose
n'envahit guère. La plaie opératoire est ainsi beaucoup
moins grande, moins anfractueuse, le cul-de-sac articulaire,
les ramifications artérielles et nerveuses, le plexus
veineux sont protégés par ce revêtement fibreux qui se
transforme très vite en tapetum granuleux. (Voy. Technique
de l'opération in Manuel opératoire,.
Opération partielle. — Même avec l'heureuse modification
dont nous venons de parler, l'opération du
(1) Coulomb, Modification de l'opération dite « du javart carlilagineux »
(Journ. des vit. du Midi, 1841, p. 548). — Hertnig, Magazin fin- die rjesammte
Thierheilkunde, 1830, p. i'.l.

270 AFFECTIONS DE LA REGION CORONAIRE.
javart cartilagineux exige des délabrements étendus
dont la réparation est longue et parfois défectueuse.
S'inspirant de la marche habituelle du processus,
H. Bouley a prouvé que l'on pouvait souvent limiter
l'extirpation à la partie antérieure du fibro-cartilage, à
la portion de cet organe située en avant du point
nécrosé.
Longtemps avant lui on avait préconisé la simple
ablation de la partie malade (Vatel, Renault, Belle, etc.)(l).
L'opération partielle exposait, à cette époque, à des guérisons
imparfaites et à des interventions multiples. Elle
réussit mieux depuis l'antisepsie (Cadiot, Trinchera,
Lanzillotti, etc.) (2) et nous la considérons comme la
méthode de choix. Les temps préalables sont les mêmes
que dans l'opération complète. L'incision de la membrane
tégumentaire peut être moins étendue. L'excision
doit porter non seulement sur la nécrose elle-même;
mais aussi sur la zone cartilagineuse qui l'entoure et
dont la vitalité est douteuse.
Dans certains cas favorables, après un traitement préalable
par les injections, on trouve le «bourbillon «détaché
dans une cavité à paroi granuleuse ; la simple extraction
de ce corps étranger suffit alors et la cicatrisation se
complète en peu de jours.
Les accidents qui peuvent se produire au cours de
l'opération du javart cartilagineux sont la blessure du
ligament latéral, l'ouverture de la synoviale articulaire
surtout lorsqu'elle est hydropique, et la section du
bourrelet. Le temps n'est plus où. la blessure du ligament
(1) Vatel, Guérison de la carie du fibro-cartilage de l'os du pied par la
simple ablation de la partie malade (Bec. de méd. vitér., 1829, p. 610). —
Renault, Traité du javart, p. 31. — Belle, Nouvel exemple de guérison du
javart cartilagineux après l'excision pure et simple de la portion cariée
(Bec. de méd. vét., 1837, p. 126). — Portai, Observations sur le javart
(Journ. des vêt., du Midi, 1843, p. 141).
(2) Cadiot, Bull, de la Soc. centr. de mid. vit., 1889, p. 445. — Trinche»,
La clinicavet., 18S9.— Wimmer, Wochensch. f. Thierheilk. u. Viens., 1888,
p. 21. — Lanzillotti, La clinica vet., 1895, p. 300; 1898, p. 25, 37, 49, 67.

JAVART CARTILAGINEUX. 271
était considérée comme un accident irrémédiable
(Renault) (I) et où l'arthrite suppurée était à peu près
fatalement la conséquence d'une solution de continuité
de la séreuse (2;. Une antisepsie correcte peut rendre
ces fautes inoffensives. Elle peut aussi permettre
d'obtenir la réunion immédiate d'une section accidentelle
du bourrelet, convenablement suturée.
Le traitement des complications diverses du javart
cartilagineux nécessite des modifications plus ou moins
importantes aux modes déjà indiqués. Dans les cas
d'extension du processus nécrosique aux tissus voisins :
ligament, os, aponévrose plantaire, etc., il faut toujours
s'inspirer de cette règle que seule l'excision complète de
toutes les parties atteintes assure la guérison; on renoncera
donc aux interventions opératoires timides complétées
par des applications escarrotiques quelconques ; l'ins-
Irument tranchant sera porté sur toutes les parties
malades et fera plaie nette. Le ligament latéral nécrosé
sera extirpé et ses surfaces d'insertion ruginées ; la
troisième phalange en voie de carie sera évidée aussi
largement et aussi profondément que l'exigera l'étendue
du mal; pour découvrircetos, on incisera le podophylle en
conservant la plus grande surface possible de cette
membrane. On n'hésitera point, si cela est nécessaire, à
intervenir en même temps par la face plantaire du pied ;
le débridement de la sole dans les cas de bleime
suppurée, l'opération complète du clou de rue pénétrant
dans les cas de nécrose de l'aponévrose du perforant ou
de carie de l'os naviculaire sont parfois indispensables.
D'aussi larges délabrements se réparent assez vite. Nous
avons pu remettre en service après deux mois un cheval
qui avait subi l'ablation de l'aponévrose plantaire, d'un
cartilage complémentaire, d'une partie de la troisième
(1) Renault, Bec. de méd. vét.. 1838, p, 491.
(t) Gille, Bec.deméd. vit., 1840,p. 471.— Rey, Journ. de mid. vêt., 1845,
p. 142.

272 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
phalange, d'un ligament latéral et le lavage de l'articulation
avec une solution de sublimé. Lisi (1) a publié un
cas analogue.
L'ossification du cartilage commence presque toujours
par la partie médiane de cet organe, et si le javart existe
en arrière de ce point, sa progression en avant est limitée
par le tissu osseux qui se laisse difficilement attaquer
par la nécrose; l'ablation de la partie postérieure de la
plaque scutiforme suffit donc.
Si la lésion siège dans la partie antérieure, l'excision
portera sur la partie cartilagineuse située en avant du
noyau d'ossification, et, comme ce dernier constitue un
obstacle au facile maniement des instruments, il est
parfois avantageux de découvrir le point malade en
débridant le bourrelet à son niveau (H. Bouley).
Enfin, dans les cas où la nécrose se trouve dans la
région ossifiée, sur le tissu osseux lui-même ou sur le
tissu cartilagineux qui le recouvre et le pénètre, et dans
les cas où la fistule s'engage sous la colonne osseuse, il
est indiqué de faire sauter celle-ci à la gouge.
L'abcès sous-cartilagineux doit être drainé. Le drain
aboutit en talons vers l'extrémité postérieure du cartilage
sans traverser celui-ci, ou bien en quartier au
dessous de la couronne après trépanation de la plaque
scutiforme.
Des lésions du bourrelet avec perte de substance, telles
que gangrène limitée, fistules larges, faisant prévoir une
seime subsécutive, seront excisées, et les bords de la
plaie nets et sains réunis par une suture, après l'intervention
sur le cartilage dont les manœuvres auront été
facilitées par ce débridement.
PASSEMENT. — La plaie opératoire, qu'elle résulte de
l'ablation partielle ou totale du fibro-cartilage ou en
même temps de l'excision d'une partie plus ou moins
(I) Lisi, Carie del navicolare e delta fatangetta (La Clinica vêt., 1M*
p. 193).

JAVART CARTILAGINEUX. 273
étendue des tissus voisins, doit être protégée contre toute
infection ultérieure par un pansement aseptique et
occlusif iVoy. Technique de ce pansement in Manuel
opératoire de l'Encyclopédie). Jusqu'en ces dernières
années, on bourrait la cavité résultant des excisions
opératoires, avec les matières du pansement, sous le prétexte
de maintenir le bourrelet à sa place et de lui
conserver sa forme. On retardait ainsi considérablement
la réparation.
Nous jugeons inutile même le petit tampon placé
exclusivement sous le bourrelet (Pellerin, Gabeau) (1).
La déformation de cet organe n'est pas à craindre; le
gonflement inflammatoire est suffisant pour lui conserver
sa convexité.
Depuis longtemps cependant (2) on avait reconnu la
possibilité d'obtenir la cicatrisation par première intention
par le simple accolement des parois de la brèche
< en plaçant toutes les pièces de l'appareil par dessus le
tégument...
Sous l'antisepsie, cette façon de procéder donne
d'excellents résultats. Dans le procédé Bayer, la réunion
immédiate est obtenue par une suture des bords de la
plaie tégumentaire (fi_'. 101). Almy (3) pratique aussi la
suture de l'incision faite suivant la méthode classique'
au niveau de la zone coronaire inférieure (fig. 102). Nous
accordons toutes nos préférences à ce dernier procédé.
SLITE- DE L'OPÉBATIOX. — Très rapidement le bourrelet
et la partie dénudée du podophylle se recouvrent de
(1) Pellerin, Cicatrisation rapi le après l'opération du javart cartilagineux
(Btc.de méa. vit., 1893, p. >.'-•;. — Pellerin, Nouvelle modification au pansement
consécutif à l'opération du javart cartilagineux (Bull, de la Soc.
centr. de méd. vet., 18f>.">, p. 341). — Gabeau, Considirations sur l'opération
et le pansement du javart cartilagineux (Bec. de mid. vét., 1895, p. 102).
ri. Dictionnaire abrégé des sciences médicales, 18ii (art. JAVAHT, t. X,
p. 2S0 et 233j.
, (3) Almy, Cientrisation par première intention dans topération du javart
Cartilagineux (Bull, de la Soc. centr. de méd. vet., 1899, p. 272).

274 AFFECTIONS DE LA RÉGION CORONAIRE.
corne (1). La cicatrisation par première intention sur
toute la hauteur de la brèche opératoire et au niveau
de l'incision tégumentairé s'étant effectuée dans ce même
temps, la corne cutidurale et le faux-quartier podophylleux
se réunissent et la continuité du sabot est
rétablie. Ce résultat existe déjà lorsqu'on lève le premier
pansement, c'est-à-dire au bout d'une dizaine de jours;
de sorte que deux semaines après l'opération l'animal
peut être remis à un petit service au pas. La légère
boiterie qui existe encore s'atténue peu à peu ; et le sabot
se reconstitue progressivement par avalure, la nouvelle
paroi se substituant au faux-quartier.
La guérison n'est ni aussi rapide ni aussi simple
lorsqu'une faute contre l'asepsie ou l'interposition d'un
tampon quelconque ont empêché l'accolement immédiat
des parois de la plaie. Cette cavité doit d'abord se
combler par bourgeonnement et ce travail préalable
demande au moins trois semaines. Les deux lèvres de la
plaie tégumentairé sont alors encore séparées par une
surface granuleuse plus ou moins large; la corne du
bourrelet descend sans adhérer au faux-quartier et se
superpose à celui-ci. Pour parer à ce décollement de la
paroi, il faut amincir la nouvelle corne jusqu'à ce que
la soudure se soit effectuée au niveau de la zone coronaire
inférieure.
La cicatrice consécutive à l'opération du javart cartilagineux
est parfois le siège d'une sensibilité anormale
qui est la cause d'une boiterie persistante; cette complication
est exceptionnelle dans les cas de réunion primaire.
Si elle subsiste encore après trois ou quatre
mois, la névrotomie plantaire haute du côté malade peut
lui être opposée.
(1) Laugeron, Étude sur le remplacement du faux-quartier du sabot des
solipèdes (Bev. vêt., 1876, p. 442 et 542).

CONTUSION DE LA SOLE. 275
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DE LA RÉGION
PLANTAIRE.
Nous les distinguerons par leur mode étiologique
habituel en deux groupes:
A. — Traumatismes indépendants de toute intervention
manuelle. —Us comprennent: 1° la contusion de la sole
2° le clou de rue.
B. —Accidents traumatiques delà ferrure.— Les lésions
accidentelles qui peuvent se produire au cours de cette
opération sont d'ordres divers : des contusions (compression
du tissu kératogène par le fer, par les clous),
des plaies (coupures, piqûres, enclouures), des brûlures.
1. — CONTUSION DE LA SOLE.
Définition. — Synonymies. — Meurtrissure du tissu
velouté par des actions traumatiques portant sur
la plaque solaire ; on la désigne encore sous les noms le
sole foulée et sole battue, ces termes s'appliquant aux deux
degrés de l'affection. La contusion de la sole ne diffère
de la bleime accidentelle que par son siège en un point
quelconque du velouté solaire et non plus exclusivement
en talons.
Étiologie. — Les percussions plus ou moins violentes
du pied sur le sol dont les aspérités arrivent au contact
de la sole sont les causes ordinaires de l'affection.
La marche sur un terrain inégal, sur une route fraîchement
empierrée réalise la condition essentielle de ces
traumatismes.
Un fer trop dégagé en découvrant largement la sole, ou
un fer trop ajusté et mal appliqué en permettant l'engagement
de petites pierres enlre la corne et lui, prédisposent
à l'accident.
L'amincissement intempestif et outré de la sole dans

276 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
la ferrure rend le velouté plus vulnérable et augmente
la gravité des actions contondantes.
Les pieds plais, les pieds combles, les pieds à oignons
sont particulièrement exposés aux contusions plantaires.
La pointe de la fourchette trop saillante et trop dure
peut elle-même jouer le rôle d'un corps étranger,- et
meurtrir les tissus sous-jacents (Thary).
Symptômes. — Lésions. — Le premier symptôme
observé est une boiterie plus ou moins intense, s'exagérant
sur un terrain inégal ; cette boiterie présente,
dans ces conditions, des périodes d'aggravation excessive
produites par de nouveaux chocs sur le point meurtri.
Par l'exploration méthodique du pied, on découvre
toujours sur la sole une zone endolorie. Si on amincit
la corne à cet endroit, on trouve les couches profondes
ecchymosées, infiltrées, ramollies, parfois décollées par de
la sérosité exsudée des tissus vifs. Ceux-ci sontenflammés
rouges et légèrement tuméfiés. Il n'est pas rare de rencontrer
du pus collecté au-dessus de la sole.
Complications. — Pronostic. — Si on tarde trop à
donner issue au pus, son accumulation peut occasionner
des désordres graves. La sole est décollée sur une grande
étendue à sa périphérie ; les parties postérieures de la
paroi se détachent aussi et la < matière souffle aux
poils ». La gangrène limitée ou diffuse du tégument
kératogène est assez fréquente ; des nécroses des tissus
sous-jacents (1) (coussinet et aponévrose plantaires, os du
pied) peuvent aussi être observées. Ce sont en somme
les altérations de la bleime et du clou de rue, et le pronostic
relativement bénin dans les cas simples acquiert
alors la gravité qu'il a toujours dans ces dernière?,,
affections.
Des contusions légères, mais répétées peuvent provoquer
l'inflammation du tissu osseux et aboutir à la
(1) Lanzillolti-Buonsanti, Clinica chirurgica délia Scuola Veterinaria di
Milano(La Clinica vét., 1895, p. 517).

CLOU DE RUE. 277
formation d'exostoses à la face inférieure du troisième
phalangien (oignons 1 .
Traitement.—Dans les cas de contusion légère (sole foulée),
sans décollement delà corne, avec boiterie modérée,
il suffira le plus souvent d'appliquer un fer couvert ou
un fer ordinaire muni d'une plaque doublée, d'une étoupade
goudronnée, pour protéger la sole contre de nouveaux
chocs qui aggraveraient des lésions encore insignifiantes.
Si la boiterie est forte et la sensibilité grande
au point contus, il faut amincir la corne afin de faire
cesser la compression sur les tissus enflammés, appliquer
un cataplasme antiseptique et donner quelques
jours de repos. Pour la remise au travail, le fer à plaque
matelassée est indispensable. La collection séreuse ou
purulente sous-cornée exige l'ablation des parties décollées
et un pansement antiseptique. Pour les complications de
nécrose le traitement est celui du clou de rue.
II. — CLOU DE RUE.
Définition. — Les blessures accidentelles de la région
plantaire, apparues en dehors de toute intervention
manuelle, portent en vétérinaire le nom de clou de rue.
Les anciens bippiatres qui ont créé cette expression
métonymique en ont eux-mêmes étendu le sens aux effets
de causes nombreuses et variées. On entend par clou de
rue, dit Lafosse (1) « tout corps étranger qui pénètre
dans la sole de corne, soit que le cheval le prenne à
l'écurie ou dans la cour, ou dans la rue, ou à la campagne
».
Étiologie. — Tous les corps durs aigus ou tranchants
disséminés sur le sol peuvent déterminer des blessures
de la région plantaire.
La nature des corps vulnérants importe peu ; ils sont
(1) Lafosse, Cours d'hippiatrique, 1772, p. 243.
Chirurgie du pied. 16

278 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
d'ailleurs très divers et leur énumération serait longue:
clous et chevilles de toutes dimensions, tessons en verre,
en porcelaine ou autres, débris métalliques, fragments
de silex, de cailloux, de briques, d'os, souches d'arbustes,
chaumes rigides, etc.
Les conditions qui favorisent leur implantation dans
le pied et augmentent la fréquence du clou de rue sont
relatives au sabot qui peut être plus vulnérable, au
service qui amène les animaux dans des points où ces
corps étrangers sont plus abondants.
Les sabots larges, évasés, à sole plate ou bombée, sont
les plus exposés ; c'est parce que cette conformation est
rare aux pieds postérieurs, qu'ils sont plus rarement
atteints. C'est aussi à cause de la concavité habituelle
de leur surface plantaire que les ânes et les mulets paient
un moindre tribut à cette affection (1). Les sabots à corne
molle se laissent plus facilement pénétrer. Le défaut de
résistance de la corne peut tenir au séjour habituel de
l'animal sur un sol humide ou à certaines affections du
pied (fourchette échauffée, fourchette pourrie, crapaud).
L'amincissement excessif du plancher du sabot favorise
aussi la production de l'accident et, à cet égard, « la
ferrure, nouvellement appliquée, peut être considérée
comme une circonstance prédisposante aux blessures
plantaires »(2).
Une ferrure trop ancienne ou mal exécutée permettant
l'ébranlement du fer et son déplacement peut être aussi
la cause d'un clou de rue, un des clous arrachés ou le
pinçon du fer venant s'implanter en un point quelconque
de la voûte solaire ; c'est dans les ateliers de maréchalerie
mal tenus que cet accident est surtout à craindre, car
on y rencontre en abondance des caboches libres reposant
sur le sol par leur tête aplatie et des fers vieux ou
1,1) Bordonnat, Nouvelle méthode pour opérer le clou de rue et les plaid
pénétrantes de la fourchette (Journ. de mid. vét. et zootech., 1846, p. 16»)- ,
(îj H. Bouley, art. CLOU DE RU« (Dict. de méd. et de chir. vét., t. IX, p. 33).

CLOU DE RUE. 279
neufs dont les pinçons saillants sont particulièrement
dangereux.
Le clou de rue est surtout à redouter pour les animaux
utilisés dans les chantiers de construction, sur les terrains
de démolition, dans les ports où l'on décharge les bateaux,
lieux dans lesquels un grand nombre de corps acérés
de nature diverse se trouvent disséminés à la surface
du sol.
Pour la même raison, l'accident est plus fréquent
dans les villes qu'à la campagne, dans les cités très populeuses
surtout et dans celles où la voirie est l'objet de
moins de soins.
Dans les villes, le clou de rue est plus commun sur les
animaux qui font un service de nuit (chevaux de vidangeurs,
boueurs, ctc.\ parce qu'ils piétinent sur des tas
d'ordures où se rencontrent de nombreux débris acérés ;
c'est par contre pendant la première partie de la journée,
après le balayage des rues, que l'accident est le moins à
craindre.
A la campagne, les chevaux de chasse et les chevaux
d'agriculture après la moisson sont plus souvent blessés
par les souches et les chaumes.
Les lésions plus ou moins étendues et plus ou moins
graves qui résultent quelquefois des blessures plantaires
peuvent aussi être la conséquence d'autres maladies du
pied (pododermatite suppurée (1), enclouure, javart,
bleime, brûlure de la sole, etc.); il s'est produit alors
une sorte de clou de rue secondaire qui ne diffère en rien
de l'affection traumatique dont nous nous occupons.
Anatomie topographique. — Un corps étranger pénétrant
dans la face inférieure du pied peut atteindre des
organes différents suivant son point d'implantation
(fig. 103. A cet égard, H. Bouley divise cette région en
trois zones distinctes (fig. 104) : une zone antérieure, cir-
fl) Pfeiffcr, Die Nekrose der Hufbeinbengesehne und ihre operative
Behandlung (Monatshefte f. pr. Thierheilk., 1897, p. 433).

280 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
conscrite en avant par la commissure de la sole et de la
Fig. 103. — Coupe longitudinale médiane de la région digitée II. Dou |e i
1, métacarpe; 2, première phalange; 3, deuxième phalange; i, IroiïiiW
phalange; 5, petit sésamoïde; ti, extenseur antérieur ,1c- phalanges; 7, ten
don du perforant; 8, tendon du perforé ; 9, peau ; 10, bourrelet ; 11, podo
phylle ; I i. insertion du coussinet plantaire à la face inférieure de l'os du piao
13, membrane d'enveloppe du coussinet plantaire; 15, paroi; 16, sole
17, fourchette.
paroi et en arrière par une ligne transversale tangente.

CLOU DE RUE. 281
à la pointe de la fourchette; une zone moyenne, limitée
en avant par la ligne susdite et en arrière par une
seconde ligne parallèle à la première et tangente à
l'angle antérieur de la lacune médiane ; une zone postérieure,
comprise entre cette dernière' limite et les talons.
- Dans chacune de ces zones, on trouve successivement
dans l'ordre de leur superposition et en parlant de la
surface extérieure les organes suivants :
ZONEANTÉBiECBE : l°sole; 2°tissu velouté; 3° reticulum
plantaire ; 4° os du pied. La ligne qui limite cette zone en
arrière passe auniveau de la crête semi-lunaire (fig. 105).
ZONE MOYENNE : 1° corps de la fourchette, extrémités
des barres et partie antérieure des branches de la sole;
2° tissu velouté; 3° reticulum plantaire dans les parties
latérales ; 4° aponévrose plantaire et, de chaque côté,
branches de la troisième phalange ; ';>" petite gaine sésamoidienne
; 6° os naviculaire et ligament interosseux ;
7° articulation du pied et portion de la phalange siluée
en arrière de la crête semi-lunaire (fig. 106).
16.

282 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
ZONE POSTÉRIEURE : 1° branches de la fourchette,
barres et extrémités des branches de la sole; 2° tissu
Fig. 105. — Coupe transversale du pied (suivaat C, fig. lOi) milieu delà
zone antérieure.
1, lissu podyphylleux ; 2, troisième phalange; 3, tissu velouté.
velouté; 3° coussinet plantaire et, latéralement, apophyses
rétrossales et cartilages complémentaires (fig. 107).
Tous ces organes, dont nous connaissons la dissemblance
histologique, se comportent de façon différente
après le traumatisme (Voy. Considérations générales,
p. 17). Le processus présentera donc des manifestations
variables suivant le nombre, la nature et les propriétés
des tissus intéressés ; l'appréciation de sa gravité
sera surtout basée sur le diagnostic anatomique.
Fréquence. — Les blessures de la région plantaire
constituent l'une des plus fréquentes affections du pied.
Pour les chevaux de l'armée, les relevés ne porlant que
sur ces seules affections accusent une proportion de 2f>
à 25 p. 100, et dans certaines exploitations industrielles,
elle atteint 35 à 40 p. 100 (Cadiot et Almy) (1).
Quelque élevés que soient ces nombres, il est certain
(1) Traité de thérapeutique chirurgicale, t. 11, p. 805.

CLOU DE RUE. 283
que le clou de rue est moins fréquent qu'autrefois ; et
cela, malgré que l'on abandonne plus volontiers des
clous et autres corps métalliques de peu de valeur que
l'on ne négligeait pas de ramasser à l'époque où le fer
1, tendon extenseur des phalanges; 2, première phalange; 3, deuxième
phalange; 4, fibro-cartilage complémentaire; 5, petit sésamoïde ; 6, petite
gaine sésamoïde ; 7, aponévrose plantaire; 8, coussinet plantaire ; 9, troisième
phalange; 10, membrane kératogène.
était d'un plus grand prix (Hoffmann) (1). Cette différence
favorable est peut-être due à l'usage plus restreint des
clous à lête large et plate si fréquemment employés
dans le passé où ils étaient les agents du plus grand
nombre de blessures plantaires (Molier) (2), peut-être
aussi à ce que les maréchaux plus instruits laissent la
sole plus épaisse, moins pénétrable par conséquent,
mais sûrement aux améliorations apportées dans la disposition
des chaussées et à l'entretien plus soigné de
celles-ci (H. Bouley) (3;.
(1) Thierûrztliche Chirurgie, t. II, p. 934.
(2) Die Bufkrankheiten des Pferdes, 1895, p. 60
(3) Bouley, loc. cit., p. 31.

284 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
Le clou de rue n'est pas également fréquent dans les
trois zones considérées. La voûte cornée présente des
point.s faibles qui sont le siège le plus ordinaire des
blessures.
La sole à cause de sa texture plus compacté et de son
inclinaison se laisse plus difficilement pénétrer que
Fig. 107. — Coupe Iransversale du pied (suivant A, fig
zone postérieure.
1, tendon perforé ; 2, tendon perforant: 3, fihro-carlilage complémenlaire;
4, coussinet plantaire; 5, troisième phalange; 6, membrane kér;
la fourchette. Celle-ci est souvent blessée chez les chevaux
qui travaillent dans les champs de céréales récemment
moissonnées, à tel point que dans le Nord cette blessure
porte le nom d'éteuil, terme qui, dans l'idiome local,
signifie chaume [javart de la fourchette, furoncle de la
fourchette (Rainard), fibro-chrondrite plantaire (Loiset)
(1)]. Mais la pointe qui glisse sur le plan incliné de la
sole est naturellement dirigée vers les lacunes latérales,
et c'est dans le fond de celles-ci qu'elle s'implante le
plusordinairement.De sorte que l'accident égalementcom-
(1) Rainard, Bec. de méd. vêt., 1836, p. 14. — Rey, Journ. de méd. vét.
de Lyon, 1845, p. 143 et 451 ; 1847, p. 393. — Loisct, Journ. des vét. du
Midi, 1853, p. 69.

CLOU DE RUE. 285
mun dans les zones postérieure et moyenne y est beaucoup
plus fréquent que dans la zone antérieure.
Symptômes. — La trace physique laissée par l'effraction
(fistule) et le trouble fonctionnel qui en est la conséquence
(boiterie sont les deux signes essentiels caractérisant
l'accident.
FISTULE. — La fistule es.t des l'abord constituée par le
trajet parcouru par le corps étranger; celui-ci reste parfois
implanté et en marque ainsi la situation. D'autres
fois le corps vulnérant s'est arraché ou s'est cassé et la
partie la plus profonde seule est restée au sein des
tissus ; l'ouverture extérieure de la fistule se présente
alors sous forme d'une perforation à dimensions variables
et quelquefois si restreintes qu'elle peut passer
inaperçue. La corne revient en effet sur elle-même et
efface l'ouverture accidentelle qui n'est plus représentée
que par un point noirâtre ou recouvert d'une gouttelette
de sang desséché.
L'accident pourrait se borner à cette effraction bénigne
dont la réparation se ferait spontanément et vite;
mais si des germes ont été apportés par le corps vulnérant
où se sont introduits à sa suite, la suppuration
s'établit, la piqûre devient une fistule vraie, dont les
caractères et la gravité varient suivant la situation ou
mieux suivant les tissus qu'elle intéresse.
Quelques jours après l'accident, l'existence de la
fistule est donc démontrée par un écoulement purulent
et si, ainsi que nous venons de le dire, la plaie cornée
s'est oblitérée, le pus infiltre la corne ou s'accumule audessus,
déterminant un décollement plus ou moins étendu.
Le siège de la fistule est quelconque, mais nous avons
vu qu'elle occupait de préférence le fond des lacunes,
des latérales surtout.
Sa. profondeur et sa direction sont aussi très variables.
Elle peut n'intéresser que l'épaisseur de l'armature

286 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
cornée ou de la membrane veloutée (clou de rue superficiel),
mais on la voit aussi pénétrer au delà (clou de rue
pénétrant) et jusque dans les parties les plus élevées du
pied, dans l'articulation de la couronne ou traverser
d'outre en outre les parties postérieures de l'organe et
sortir dans le pli du paturon.
Son trajet est perpendiculaire à la surface plantaire, ou
oblique dans n'importe quel sens, mais visant le plus habi-
' tuellement le centre du pied. Si l'accident est ancien, que
le pus ait eu le temps d'accomplir son oeuvre désorganisatrice,
la fistule aboutit au sein de cavités anormales plus
ou moins spacieuses, creusées aux dépens de l'un des
organes intra-unguéaux et contenant les débris mortifiés
des tissus détruits.
Il n'est pas rare alors d'observer des fistules multiplet
partant du foyer de nécrose et s'ouvrant en divers
points, à la face plantaire ou à la couronne. Enfin la
fistule peut être interrompue parce qu'elle s'est cicatrisée
en un point moyen de son trajet; c'est ainsi que l'on
peut rencontrer une fistule aboutissant sur l'aponévrose
plantaire saine, alors qu'au-dessus de cette membrane
l'os inoculé au moment de l'accident suppure et se
détruit.
Mais les caractères de la fistule que nous venons de
décrire sont difficiles à apprécier, d'autant plus que
l'usage de la sonde est toujours imprudent. Il importe
cependant beaucoup d'être renseigné sur le nombre et
l'état des organes intéressés. Ces renseignements sont
heureusement fournis par d'autres signes et en particulier
par l'abondance et la nature de l'écoulement auquel
la fistule donne lieu.
Immédiatement après l'accident une hémorragie peut
se produire, mais l'écoulement de sang est toujours peu
abondant et de courte durée. Les jours suivants quelques
gouttelettes de sérosité suintant au niveau du pertuis
extérieur traduisent le travail inflammatoire qui peut

CLOU DE RUE. 287
aboutir à la cicatrisation. Plus souvent du pus apparaît,
dont les caractères constituent de précieux éléments
pour le diagnostic : noirâtre si la surface podophyllienne
seule suppure ; blanc et bien lié s'il provient de l'épaisseur
du derme ou du tissu conjonctif sous-dermique ou
d'une fistule plus profonde évoluant vers la cicatrisation ;
grisâtre et séreux s'il est fourni par un foyer de nécrose
fibreuse; sanguinolent et fétide s'il s'agit d'une nécrose
ou d'une carie osseuse ; louche et cailleboté si une cavité
synoviale (gaine ou articulation) est ouverte. Il charrie
suivant le cas des fibres connectives mortifiées, ou des
grains calcaires, ou encore de la synovie en grumeaux
blanc jaunâtres plus ou moins volumineux.
Outre les caractères du pus, les lésions du clou de rue
se décèlent par une réaction locale un peu différente suivant
les cas. L'infection de la gaine synoviale est annoncée
par la tuméfaction du cul-de-sac supérieur dans le paturon,
aboutissant parfois à l'abcédation et à l'établissement
d'une fistule nouvelle à ce niveau. L'infection de
l'articulation se traduit par un gonflement considérable
de la couronne sur laquelle apparaissent quelquefois les
ouvertures de trajets secondaires. La piqûre et l'inflammation
de l'un des cartilages complémentaires déterminent
l'augmentation de volume de cet organe. Ajoutons
enfin que l'exubérance et les dimensions des bourgeons
à l'ouverture extérieure de la fistule sont un indice
de l'existence d'un foyer nécrosique dans le fond de
celle-ci.
BOITERIE. — La boiterie présente tous les degrés d'intensité
et son appréciation donne aux caractères de la
fistule, que nous venons d'étudier, une signification plus
précise.
C'est généralement le premier signe qui annonce la
blessure et qui amène à découvrir le corps vulnérant luimême
ou la perforation.
Elle peut s'atténuer, puis disparaître sans qu'on

288 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
observe ultérieurement aucun autre phénomène ; quelquefois
la nature de l'accident n'est pas reconnue et le
cheval, ne boitant plus ou beaucoup moins, continue, à
faire son service, jusqu'au moment où, peu de jours
après, en même temps que le pus se forme, la boiterie
reparaît ou augmente d'intensité.
Verlinde (1) a vu se produire à la suite d'un travail
prématuré la rupture de fibres de l'aponévrose plantaire
ramollie par l'inflammation et l'ouverture de la gaine
synoviale. Cette extension de la fistule s'accompagnl
d'une aggravation considérable des symptômes en voie"
de disparition.
La boiterie peut d'ailleurs à plusieurs reprises présenter
des périodes de rémittence et d'aggravation successives
coïncidant avec la progression des lésions.
L'accumulation du pus au-dessus de la sole, l'ouverture
du clou s'étant bouchée, produit une recrudescence de
douleur jusqu'à ce qu'une voie d'écoulement soit
rétablie.
L'établissement d'un foyer de nécrose quel qu'en soit
le siège s'accompagne toujours d'une plus grande claudï-;.
cation. Les lésions de l'os sont particulièrement douloureuses.
Les blessures de l'aponévrose plantaire produisent
une boiterie de jour en jour plus forte. L'appui devenu
difficile, se fait surtout en pince ; l'animal évite ainsi
quelques tiraillements à l'organe malade. L'inflammation
suppurative de la petite gaine sésamoïdienne provo|uo
les mêmes signes, mais plus intenses, jusqu'au moment où
l'ouverture d'une deuxième fistule au paturon fait cesser
la réplétion et la compression.
L'arthrite détermine les plus vives douleurs ; l'animal
les traduit par des lancinations continuelles ; l'appui est
nul, le décubitus prolongé, et la réaction générale fébrile
fait rarement défaut.
(1) Verlinde, Un cas de clou de ruepinètrant à marche insolite (Ann de
méd. vét., 1890, p. 495).

CLOU DE RUE. 289
La boiterie peut subsister plusieurs mois après la
disparition de la fistule, ou même définitivement, soit
par la persistance de l'inflammation qui dure tant
que le travail cicatriciel n'est pas terminé, soit parce
que l'aponévrose plantaire a contracté des adhérences
anormales, soit enfin par le fait des lésions articulaires
chroniques, végétations osseuses, ankylose fausse ou
vraie.
Diagnostic. — L'existence de la plaie plantaire est toujours
facile à démontrer. Dans la majorité des cas
d'ailleurs c'est le conducteur lui-même qui, surpris par
la brusque claudication de son animal, en a recherché
la cause et découvert le corps du délit. Il le présente au
vétérinaire en indiquant sa situation et la profondeur à
laquelle il était implanté. Des commémoratifs aussi précis
facilitent le diagnostic, mais, dans tous les cas, l'examen
du pied ne peut laisser de doutes. En parant la surface
plantaire on trouve soit le corps vulnérant lui-même soit
la trace qu'il a laissée et dont nous avons dit les caractères.
La matérialité du fait étant reconnue, il reste à préciser
l'étendue des désordres et quels organes sont intéressés,
à établir en somme le diagnostic anatomique.
Le sondage de la plaie fournirait, à cet égard, des indications
précieuses, mais, dans les clous de rue récents
tout au moins, on doit se garder d'y avoir recours ; « car la
plupart font avec la sonde plus de mal qu'il n'y en a déjà »
(Solleysel). On s'exposerait, en effet, à introduire dans les
tissus profonds des éléments infectieux que porterait la
sonde ou qu'elle aurait recueillis en parcourant le trajet
de la blessure ; on pourrait aussi, pendant une réaction de
l'animal, blesser un organe délicat (synoviale, ligament
interosseux) jusque-là indemne et compliquer gravement
l'accident.
On devra donc s'en tenir aux caractères objectifs et
rationnels fournis par la nature et l'abondance du pus, la
forme de l'engorgement, l'intensité de la boiterie, et le
Chirurgie du pied. 17

290 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
degré de fièvre ; nous avons déjà insisté sur ces signes et
leur signification.
Le point d'implantation du clou dans l'une ou l'autre
des trois zones peut faire préjuger des-tissus qu'il pourrait
avoir traversés, mais il faut se rappeler que la
fistule peut, après un trajet oblique, aboutir à un point
souvent très éloigné de son ouverture extérieure, et
n'accorder à ce signe que l'importance qu'il mérite.
Pour une fistule ancienne et suppurante s'ouvrant
dans les zones antérieure ou postérieure, on pourra faire
usage de la sonde, et, après s'être prudemment assuré
que le trajet ne se dirige pas vers le centre du pied, en
explorer le fond. L'instrument métallique aboutit alors
sur une surface rugueuse, dure, sonore à la percussion
(nécrose osseuse), ou il s'enfonce dans du tissu osseux
ramolli, friable, donnant à la main une sensation de
crépitation caractéristique (carie), ou encore il s'arrête
sur un fond mou et élastique (nécrose fibreuse).
Pronostic. — Le nombre et la nature des organes
lésés sont ici grandement à considérer; depuis le clou
de rue superficiel intéressant le podophylle jusqu'à
l'arthrite traumatique, on peut observer tous les degrés
de gravité. Après les blessures de l'articulation, celles de
la gaine synoviale et de l'aponévrose plantaire sont les
plus graves ; aussi le pronostic des clous de rue dans la
zone moyenne est-il beaucoup plus fâcheux que dans
les zones antérieure ou postérieure, toujours sous la
réserve que le corps étranger n'ait point dépassé le territoire
de la zone dans laquelle il s'est d'abord implanté.
Mais l'élément dominant dans l'établissement du pronostic
est l'état d'asepsie ou d'infection de la plaie. Les
lésions les plus profondes se cicatrisent avec la plus
grande facilité et les blessures les plus superficielles
peuvent se compliquer gravement suivant que les agents
infectieux restent étrangers ou prennent part au processus.

CLOU DE RUE. 291
Les blessures produites par des corps émoussés irréguliers,
déchirant et meurtrissant les tissus, sont plus
graves parce que ces corps sont plus souvent souillés de
microorganismes ou que ces plaies, restant béantes, sont
plus facilement infectées.
II existe parfois une disposition anatomique qui
assombrit singulièrement le pronostic. C'est la communication
de la gaine petite sésamoïdienne avec la cavité
articulaire à travers une perforation du ligament interosseux,
de sorte que la synoviale articulaire participe
nécessairement à l'inflammation de la gaine (Cadiot) (1).
Il arrive au contraire que la cavité de cette dernière est
divisée par des cloisons plus ou moins nombreuses et que
l'inflammation suppurative se limite à l'un des compartiments
(Nocard;.
11 faut savoir enfin que l'accumulation de pus dans
cette gaine et l'abcès du paturon peuvent se produire
alors qu'il n'existe plus aucune nécrose; la cicatrisation
trop rapide du trajet fistuleux est la seule cause de cette
rétention. L'abcès du paturon survenant dans ces conditions
est généralement considéré comme un signe pronostique
favorable.
La mesure de la gravité d'un clou de rue est habituellement
donnée par l'intensité des symptômes
rationnels : boiterie, lancinations, fièvre de réaction. Sur
des membres précédemment né vrotomisés, la boiterie peut
faire défaut ou n'être pas proportionnée à la gravité des
lésions ; la névrotomie étant très couramment pratiquée
aujourd'hui, il faudra pensera cette éventualité dans
f appréciation du pronostic.
Les clous de rue sont plus sérieux et donnent lieu à de
plus vives souffrances dans les pieds de devant que dans
ceux de derrière (H. Bouley) (2).
(1) Cadiot, Note sur le traitement du chu de rue pénétrant (Becueil,
1887, p. 55»).
(2) H. Bouley loc. cit., p. 67.

292 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
Ces blessures seraient, d'après Rey (1), beaucoup plus
graves chez les ânes et les mulets, la conformation de
leur pied favorisant l'implantation du corps vulnérant
dans la zone moyenne.
Complications. — La nécrose des tissus profonds du
pied est une complication si fréquente du clou de rue
qu'elle est considérée comme caractérisant l'une des
formes de l'affection (clou de rue nécrosant).
Une plaie plantaire peut, au même titre que toutes les
plaies, et mieux encore car elle est plus facilement
souillée, se compliquer d'affections graves d'origine infectieuse
(clou de rue infectant).
La lymphangite profonde, provoquée par la pénétration
d'éléments pathogènes dans le réseau lymphatique du
membre malade, le tétanos, sont au nombre des complications
possibles du clou de rue.
Il en est de même des infections purulente, septique,
putride, etc. H. Bouley a montré que les plaies suppurantes
du pied, plus souvent que celles des autres
régions, donnent lieu à ces complications.
La chute du sabot peut être la conséquence de l'extension
des lésions tégumentaires.
Anatomie pathologique. — Les lésions du clou de rue
sont surtout des lésions inflammatoires ou nécrosiques;
elles se présentent avec des caractères particuliers sur
chacun des organes qu'elles peuvent intéresser.
La CORNE, au voisinage de l'ouverture fistuleuse, est
infiltrée de pus, ses couches profondes sont ramollies
et présentent une teinte jaunâtre, elle est décollée sur
une étendue plus ou moins grande.
Le TISSU VELOUTÉ enflammé est tuméfié, ses papilles
sont hypertrophiées, on le trouve quelquefois gangrené
et cette gangrène peut s'étendre rapidement jusqu'à compromettre
l'adhérence de l'ongle ; des lésions dégénéra-
(1) Rey, Note, in art. de Bordonnat, déjà cité.

CLOU DE RUE. 293
tives de ce tissu ont été observées après un clou de rue
ancien (Bettinger) (t).
Le reticulum fibreux, qui sert de base à la membrane
tégumentairé et sépare cette dernière de l'os dans la
zone antérieure, se nécrose parfois. Conreur(2) a signalé
une lésion singulière consistant dans le développement
d'une tumeur cornée du volume et de la forme d'un gros
haricot, dans l'épaisseur de ce reticulum. Cette tumeur
contenait à son centre un fragment du corps vulnérant
(paillette de fer).
Le COUSSINET PLANTAIRE peut présenter un abcès ou de
la nécrose ; celle-ci siège soit sur la membrane cellulofibreusequi
l'enveloppe, soit dans son épaisseur; elle est
toujours limitée et l'on trouve au fond de la fistule un
îlot de tissu mortifié de forme conique, de consistance
molle et filandreuse, qui peut être partiellement délimité
par un sillon disjoncteur.
C'est ce « bourbillon » que les anciens auteurs désignent
communément sous le nom de javart de la fourchette,
de furoncle de la fourchette, de fibro-chondrite
plantaire.
L'APONÉVROSE PLANTAIRE traumatisée par un corps infecté
se nécrose presque fatalement; l'Ilot nécrosé a une étendue
variable; l'inflammation disjonctive peut le délimiter;
son élimination spontanée est alors possible et la solution
de continuité est bientôt comblée par les bourgeons
charnus (Cadéac) (fig. 108). Cette terminaison
heureuse est tout à fait exceptionnelle ; d'ordinaire la
nécrose s'étend de proche en proche de sorte que, si la
lésion est ancienne, elle peut fort bien gagner les parties
hautes du pied jusqu'au paturon. Il peut même arriver
(1) Bcttinger, Observation sur le développement contre-nature du sabot,
dà à la dégénérescence du tissu riticulaire de la sole (Becueil, 1829,
p. 327).
(i) Conreur, Singulière conséquence d'un clou de rue (Ann. de méd. vét.
1898, p. 355).

294 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
que l'aponévrose détruite dans la plus grande partie do
sa largeur se rompe complètement.
Fig. 108. — Délimitation spontanée complète d'une portion d'aponévrose
plantaire mortifiée (Cadéac).
La TROISIÈME PHALANGE est souvent frappée de nécrose
ou de carie. Ces altérations peuvent siéger dans la
partie antérieure de l'os recouverte par le tissu velouté,

CLOU DE RUE. 295
dans la partie moyenne au-dessus de l'aponévrose plantaire,
ou sur les apophyses rétrossnles. Ces dernières
sont cependant rarement atteintes par le corps vulnérant
parce qu'elles sont protégées par les barres, et le
plus souvent les lésions nécrosiques qu'elles portent sont
causées par une blessure compliquée.
.Nous n'avons pas à insister sur les caractères différentiels
de la nécrose et de la carie. La première de ces
altérations est la moins grave parce qu'elle est ordinairement
limitée à une faible portion du tissu compact et
que, la disjonction effectuée, la guérison est facilement
obtenue ; la deuxième, au contraire, est nettement
envahissante et « il suffit de quelques jours pour que
l'infiltration purulente s'opère dans une grande étendue
et à une grande profondeur dans la masse spongieuse de
la troisième phalange (1) -. Cet os peut ainsi être entièrement
éliminé (2).
L'os du pied peut aussi être fracturé parla pénétration
du clou, ou seulement fêlé; dans ce dernier cas la fracture
peut se compléter à la reprise du service (3).
Les FIBRO-CARTILAGES COMPLÉMENTAIRES du troisième phaiangien
peuvent être atteints, au même titre que les apophyses
rétrossales, par le corps vulnérant qui s'est dirigé
obliquement en dehors ou a pénétré à travers une des
branches latérales de la sole ; on peut donc les trouver
partiellement nécrosés (Voy. Javart cartilagineux).
LA GAINE PETITE sÉSAMOÏMENNE, infectée primitivement ou
secondairement, devient très vite le siège d'une inflammation
purulente ; el)e se transforme en une vaste surface
pyogénique, à moins cependant, ainsi qu'il a été dit plus
(1) H. Bouley, art. CAIIC, Dict. prat. de mid. et chir. Ht., t. III, p. 70-
(2) Garcin, Nécrose de l'os du pied. Enlèvement de cet organe. Guérison
(Bec. deméd. vil., 1834, p. 281).
(3) Trasbot, Fracture de la troisième phalange sous l'influence d'un effort
de traction à la suite d'une blessure de cet os par un clou de rue et alors
que la boiterie avait entièrement disparu (Bull, de la Soc. centr. de méd.
rét., 1893, p. 471).

296 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
haut, que l'accolement des feuillets limite l'extension
de la phlegmasie et la localise à l'un des culs-de-sac.
L'os NAVICULAIRE, comme la troisième phalange, peut être
atteint par la nécrose et la carie. On le trouve quelquefois
fracturé (1). La fracture peut être tardive et résulter de
l'affaiblissement de l'os par
l'ostéite (fig. 109) (2). Dans
d'autres cas, il présente des
lésions moins graves : piqûres, coupures, érosions, destruction
de son revêtement fibro-cartilagineux.
Le LIGAMENT SÉSAMOÏOO-PHALANGIEN peut être traversé
(1) Brown, Case of puncture foot and fracture of the navicular bonc
The veterin.,-1856, p. 652.
(2) Cadéac. Fracture du petit sésamoïde, complication tardive du clou de
rue pénétrant. — Bull, de la Soc. des sciences vêtir, de Lvon 1901,
p. 265.

CLOU DE RUE. 297'
par le corps vulnérant ; le processus nécrosique peut
aussi l'intéresser; on peut le trouver détaché de sa
surface d'insertion et partiellement détruit; ces lésions
aboutissent à peu près fatalement à l'ouverture del'articulation
du pied et à son infection.
L'ARTICULATION DU PIED ainsi infectée devient le siège
d'une inflammation suppurative qui peut s'accompagner
de destructions étendues des extrémités articulaires des
deux phalangiens; une vaste cavité anormale est creusée
à ce niveau aux dépens de ces deux os et est occupée
par des séquestres plus ou moins volumineux (fig. 110).
L'os CORONAIRE peut enfin être atteint directement par
le corps vulnérant à travers le ligament interosseux, ou
en arrière de l'os naviculaire. Molier l'a trouvé brisé
par un clou qui avait traversé le coussinet plantaire.
Les lésions nécrosiques caractérisant le clou de rue
grave ont, ainsi que nous venons de l'établir, la plus
grande tendance à s'étendre sur l'organe qu'elles occupent
; mais leur extension se fait aussi avec la plus
grande facilité d'un organe à l'autre et gagne ainsi en
profondeur aussi bien qu'en largeur.
La nécrose du reticulum ou de l'aponévrose plantaires se
communique presque toujours à la partie correspondante
de la couche corticale de la troisième phalange.
L'inflammation suppurative de la gaine synoviale provient
à peu près constamment d'une nécrose de l'aponévrose;
elle s'accompagne à peu près inévitablement de
lésions plus ou moins profondes de la surface de glissement
du sésamoïde; quelquefois aussi, elle s'étend à la
synoviale articulaire.
Il arrive cependant que les organes profonds sont
lésés alors que ceux plus superficiels ne le sont pas.
Il est possible en effet de trouver une nécrose de la
troisième phalange ou de l'aponévrose plantaire, alors
que le tissu velouté sous-jacent est sain, la solution de
17.

298 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
continuité produite par le passage du clou s'étant cicatrisée
(1). Le même fait peut se présenter à propos de
l'aponévrose plantaire et de la portion d'os qu'elle recouvre
ou de la gaine synoviale (Cadiot) (2).
Les lésions déterminées par un clou de rue peuvent
donc être très étendues et intéresser à la fois la majeure
partie des organes entrant dans la constitution du pied
(Laux) (3).
Leur guérison laisse nécessairement des traces : indurations
cicatricielles, adhérences anormales entre l'aponévrose
plantaire et le sésamoïde, disparition complète ou
rétrécissement de la gaine synoviale ou encore division
de celle-ci en plusieurs compartiments par des septums
fibreux cicatriciels, végétations osseuses périarticulaires,
ankylose totale ou partielle des articulations interphalangienne
ou sésamoïdo-phalangienne.
Traitement. — Il doit viser deux indications principales
suivant le cas considéré : 1° prévenir la nécrose ; 2° détruire
celle-ci et arrêter son extension ; ce qui revient à
étudier successivement : 1° le traitement du clou de rue
récent; 2° le traitement du clou de rue nécrosant ou
compliqué.
Clou de rue récent. — «Toutes les blessures de la région
plantaire, quels que soient leur siège et la profondeur de
leur pénétration, sont susceptibles de se cicatriser
d'emblée, par organisation primitive, sans aucune complication
(H. Bouley) (4). Il faut savoir, au début, se
borner à favoriser la guérison naturelle de ces traumas.
Cet heureux résultat ne survient que si le corps vulnérant
(1) H. Bouley, art. CLOU DE RUE, in Dictionnaire, t. IV. p. 43.— Alix, Clou
de rue compliqui nonpénêtrant à marche insidieuse (Bec. d'hyg. et de méd.
vit. milit., t. XIX, 1898, p. 469).
(2) Cadiol, art. PIED, in Dictionnaire, t. XVII, p. 107.
(3) Laux, Accidents produis par un clou de rue (Journ. des vét. du Midi,
1862, p. 22).
(4) H. Bouley. loc. cit., p. 68.

CLOU DE RUE. 299
était stérile et si la solution de continuité reste aseptique.
Prévenir la souillure de la plaie sera donc, à ce moment,
la seule indication du traitement. Il faut en premier lieu
retirer le corps étranger s'il est encore implanté, parer
le pied et dégager l'ouverture du trajet en amincissant
la corne au pourtour. Cette précaution nous parait
essentielle. Rey (1) conseillait de laisser la corne intacte
pour éviter les ébranlements douloureux que cette opération
préliminaire peut causer à la partie blessée. Ce
même auteur indiquait de s'en tenir aux bains d'eau
froide donnés pendant plusieurs heures de la journée.
Des bains antiseptiques à base de sulfate de cuivre, de
sublimé, d'acide phénique.de crésyl, etc., seront plus
efficaces. D'autres préfèrent les cataplasmes de farine de
graine de lin froids ou tièdes aux bains; ils doivent
aussi être préparés avec les mêmes solutions antiseptiques
que ces derniers; ils seraient sans cela plus
nuisibles qu'utiles.
L'irrigation continue peut aussi empêcher la souillure
de la plaie et faciliter la guérison rapide (Trasbot)
(2).
Mais aux bains, aux cataplasmes et même à l'irrigation
continue nous préférons les pansements occlusifs après
désinfection de la surface plantaire. Cette désinfection
est obtenue par un lavage avec une solution antiseptique
forte (sublimé, acide phénique, crésyl) (3) et une
application de poudre d'iodoforme sur l'ouverture de la
fistule. Le pansement ouaté et à éclisses convient bien ;
les couches les plus extérieures du pansement sont
avantageusement imprégnées de goudron.
On lève ce pansement deux ou trois jours après et si
(1) Rey. Traité de maréchalerie, 2« édit., p. 273.
(2) Trasbot, Quelques documents sur l'irrigation continue (Arch. vét.
4876, p. 647).
(3) Waldteufel, Traitement du clou de rue (Bull, de la Soc. centr. .h mei.
vêt., 1900, p, 448).

300 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
la réunion immédiate n'a pu se faire, on le trouve souillé
par de la sérosité purulente. Il faut aussi dès l'abord
renoncer à la cicatrisation primitive, si on a des raisons
suffisantes pour croire la fistule infectée, ou encore si
celle-ci n'étant pas tout à fait récente donne déjà un
écoulement suspect. L'aseptisation du trajet sera alors
le but de l'intervention; on devra en rendre l'accès
facile en débridant convenablement son ouverture exté-rieure.
Les bains antiseptiques et l'irrigation continue
pourraient encore réaliser ce nouveau desideratum ;
mais, comme précédemment, on doit leur préférer des
lavages antiseptiques complétés par des injections
avec les mêmes liquides, suivies de l'occlusion avec
l'ouate.
Ces injections antiseptiques sont répétées tous les
jours, jusqu'à guérison. Les substances irritantes ou
escarrotiques, essence de térébenthine, eau vulnéraire
(Solleysel), baume de Fioraventi (Lafosse), etc., anciennement
employées, doivent être proscrites ; elles sont
inutilement douloureuses.
Clou de rue nécrosant. — Une nécrose existant, les
moyens qui précèdent sont généralement insuffisants ;
car, on le sait, la délimitation de la lésion est rare, son
extension est la règle.
Détruire l'Ilot nécrosé, telle est l'indication capitale du
traitement. Deux moyens s'offrent à nous pour la remplir :
1° l'usage de caustiques ; 2° l'intervention chirurgicale.
Les hippiatres ne s'entendaient point sur la préférence
à accorder à l'un ou à l'autre de ces moyens. Les uns à
l'exemple de Solleysel préconisaient l'emploi prolongé
des caustiques ; les autres à la suite do Lafosse
avaient immédiatement recours à l'excision des tissus
blessés.
Cette dernière pratique fut longtemps préférée grâce

CLOU DE RUE. 301
aux enseignements de Girard (1), de Renault (2) et de
Delafond (3).
Depuis les écrits de Rey (4) et surtout d&Bouley ( 5), on est
devenu à cet égard plus sainement éclectique. Caustiques
et opération ont leurs indications. Nous allons les faire
connaître.
1°CAUSTIQUES. — Par leur emploi on cherche à obtenir
« la transformation de la partie qui est le siège d'une
gangrène envahissante en escarre chimique, destituée de
propriétés nuisibles (H. Bouley) ».
On détruit l'îlot nécrosé en le transformant, et par
cela même on arrête l'extension du processus destructeur.
C'est une vieille méthode, chère aux plus anciens
hippiatres. Ils en abusaient quelquefois, et ils l'employaient
intempestivement tout au début du mal, alors
qu'il n'y a encore rien à détruire mais beaucoup à protéger.
Les mécomptes qui résultèrent d'un usage aussi
abusif firent abandonner à peu près complètement ces
agents; mais on sait aujourd'hui les avantages que l'on.
peut retirer de leur emploi judicieux.
Ils doivent être mis en œuvre aussi souvent que possible.
Dès que l'existence d'un foyer nécrosique est
affirmée, c'est à eux qu'on doit avoir recours, et c'est
alors seulement qu'ils ont échoué que l'instrument
tranchant entre en jeu.
Cette méthode se recommande par sa simplicité et
par ses avantages économiques. Elle est éminemment
conservatrice, et la guérison est beaucoup plus rapide
(1) Girard. Traité du pied, 1836, p. 295.
(2) Renault, Comptes rendus de l'École d'Alfort, 1834.
(3) Delafond, Biflexions et observations sur les plaies qui offrent de la
gravité (Bec. vit., 1840, p. 280).
(4) Rey. — Du traitement du clo» de rue pénétrant au moyen du sublimé
corrosif. Comptes rendu» de VÉcole de Lyon (Becueil, 1843 et Journ. de
Lyon, 1846, p. 1*2).
(5) Bouley, toc. cit., p. 95

302 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
qu'à la suite de l'opération, cette dernière nécessitant une
destruction de tissus plus étendue.
Les substances employées sont diverses. Les praticiens
accordent leur préférence soit aux caustiques liquides
[liqueur de Villate, liqueur de Cherry, chlorure de zinc
au 1/10 (Môller), sulfate de cuivre (Rey) (1), sulfate de
cuivre et sulfate de fer (Zundel) (2), acide lactique (3)],
soit aux caustiques solides ou pulvérulents. Solleysel (4)
mettait de l'égyptiac et du sublimé en poudre sur
l'esquille » pour la faire tomber; mais il employait
surtout cette dernière substance pour « manger la chair »
qui souvent surmonte les bords de la fistule.
Rey (5) employait des fragments de sublimé corrosif
offrant la forme d'un cône qu'il enfonçait et abandonnait
dans le trajet fistuleux. Peuch (6) procède de même avec
des trochisques faits avec une pâte dont le sublimé est
la base.
Ces procédés donnent lieu à la formation d'une escarre
volumineuse longue à s'éliminer. Le sublimé corrosif en
poudre nous paraît préférable ; on l'introduit plus facilement
dans la plaie ; il produit une escarre moins étendue.
H. Bouley (7) a indiqué avec précision la manière d'en
user. « Le trajet de la plaie et sa profondeur ayant été
reconnus par l'exploration à l'aide de la sonde cannelée,
nous chargeons cette dernière de la quantité de poudre
caustique qui peutadhérer à sa surface humide et nous
la réintroduisons dans la plaie non débridée jusqu'à ce
qu'elle en touche le fond. Cette manœuvre est répétée
(1) Rey, loc. cit. Landel, Nageltritt bei einem Pferde (Bepertorium der
Thierheilkunde, 1868, p. 26).
(2) Zundel, Dictionnaire, art. CLOU DE RUE, p. 413.
(3) Guillemin et Cadix, Bull, de la Soc. centr. de méd. vit., 1900, p. 553.
Traitement du clou de rue par l'acide lactique pur.
(4) Solleysel, loc. ciL, p. 246.
(5) Rey, loc. cit. (Journ. de Lyon, 1846, p. 112).
16) Peuch, Boiteries procédant de traumatismes (Journ. de méd. vét. et
sootech., 1896, p. 3).
(7) H. Bouley, loc. cit., p. 71.

CLOU DE RUE. 303
deux ou trois fois. » Il ne reste plus qu'à faire un pansement
occlusif. L'un de nous a fait connaître les excellents
résultats obtenus par ce procédé à sa clinique (1).
Après l'application du caustique, quelle que soit
d'ailleurs la substance employée, les souffrances de
l'animal paraissent plus vives et ce n'est que deux à
trois jours après que l'on constate une amélioration.
Cette amélioration se poursuit régulièrement jusqu'à
guérison ; elle est l'indice certain que la nécrose est
actuellement bornée et que la cicatrisation commence. La
persistance des douleurs prouve au contraire que la
cautérisation a été insuffisante, que le processus continue
sa marche envahissante; l'indication d'opérer se présente.
Cependant, nous nous sommes bien trouvés de
renouveler après quelques jours l'introduction de sublimé,
la première intervention ayant été infructueuse. Trois et
même quatre cautérisations successives peuvent être
avantageuses (Molinié) (2).
Hartenstein (3) a employé avec succès la cautérisation
actuelle ; c'est la réédition du bouton de feu des hippiatres,
pour lequel il a utilisé le thermocautère.
La cautérisation, quelle qu'en soit la forme, devient
insuffisante dès qu'il s'agit de nécroses étendues (4), dès
que la gaine est totalement infectée ou que l'articulation
est ouverte.
« Un bon remède vaut beaucoup, mais l'application à
temps vaut encore davantage, et souvent l'un et l'autre
sans l'opération de la main sont assez infructueux. -
(Solleysel).
(I) Bournay,' Sur ta valeur du bichlorvre de mercure en poudre dans le
traitement du clou de rue pénétrant (Bev. vêt., 1899, p. 718).
(2,i Molinié, Pansement des plaies du pied à l'air libre (Clinique de l'École
de Toulouse (rapport de l'élève); Journ. des vil. duMidi, 1866, p. 241).
(3) Hartenstein, Traitement du clou de rue pinitrant par l'emploi du
thermocautère (Bull, de la Soc. centr. de mid. vit., 1888, p, 239).
(4) Dupon et Bouret, Observations dedeuxclous de rue pénétrants (Journ.
des vét, du Midi, 1865, p. S6L

304 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
2° OPÉRATION. — Celle-ci aboutit à l'extirpation directe et
totale des parties mortifiées. Un résultat aussi immédiat
est séduisant; cette méthode offre encore l'avantage
d'assurer de visu la suppression complète de la nécrose,
d'être « clairvoyante .., et l'on comprend qu'elle ait été
préférée à la cautérisation « aveugle ». Mais les lésions
ne sont mises à découvert qu'au prix d'excisions étendues,
dont la réparation demande un long temps;
cet inconvénient, que l'on évite par les caustiques
sagement maniés, a beaucoup restreint les indications
de l'opération.
Elle doit être préférée dans le traitement des clous de
rue des zones antérieure et postérieure. La lésion siégeant
à la face inférieure de la troisième phalange ou
dans les couches superficielles du coussinet plantaire est
relativement superficielle; la rugination de la nécrose
osseuse ou l'extirpation du bourbillon fibreux (kératomie
furcale de Loiset) se font sans trop de délabrements.
Mais dès que le processus occupe ou dépasse l'aponévrose
plantaire (clous de rue de la zone moyenne),
l'instrument tranchant doit se créer une voie à travers
une grande épaisseur de tissus ; il faut ménager ces
derniers et surseoir à l'opération jusqu'à ce qu'elle
soit reconnue indispensable, c'est-à-dire, alors qu'après
une ou deux applications caustiques la persistance et
l'intensité de la douleur témoignent de la persistance
et de la gravité de la cause qui l'entretient.
L'opération du clou de rue est partielle ou complète
(Voy. Technique de cette opération; in Manuel opératoire
de l'Encyclopédie Cadéac).
L'OPÉRATION PARTIELLE consiste à faire à la région plantaire
une brèche limitée qui découvre le foyer traumatique
et à pratiquer l'excision de la partie mortifiée. Ce
procédé peut donner des succès rapides, il réduit au
minimum nécessaire les dimensions de la plaie opératoire.

CLOU DE RUE. 30b
On lui a reproché de permettre dans quelques cas
l'extension des lésions, nouvelle nécrose de l'aponévrose
(1), synovite suppurée, décortication du sésamoïde,
etc. ; mais cela n'est possible que si l'opération n'a
pas été convenablement faite, si l'antisepsie n'a pas été
suffisante. L'opération partielle reste ie procédé de choix
lorsqu'il s'agit d'une nécrose limitée de l'aponévrose
plantaire.
L'OPÉRATION COMPLÈTE comporte l'excision de toute l'ex-'
trémité inférieure de l'aponévrose plantaire. Elle devient
nécessaire lorsque cette aponévrose elle-même est le
siège de nécroses étendues ou lorsque la gaine sésamoïdienne,
l'os naviculaire ou l'articulation du pied étant
lésés il est utile de mettre ces organes à découvert.
Cette opération, décrite d'abord par André (2), comprenait:
1° L'excision de toute la masse du coussinet plantaire
sous-jacent à l'expansion tendineuse du perforant.
2° La section transversale de ce tendon d'une apophyse
rétrossale à Vautre, au niveau du bord postéro-inférieur
du sésamoïde.
3° L'excision de l'extrémité inférieure de l'aponévrose
plantaire à son insertion sur la crête semi-lunaire.
Nocard (3) a recommandé de faire la section du tendon
suivant une ligne courbe à concavité antérieure, aboutissant
près des extrémités de la crête semi-lunaire ; l'about
supérieur du tendon sectionné reste ainsi solidement
attaché à la troisième phalange et l'on n'a pas à craindre
sa rétraction (fig. 111).
(1) Vatel, Observation de piqûre profonde de la face plantaire du pied
du cheval (Becueil, 1828, p. 557).
(2i André, Bésectionde Vextrimiti inférieure du tendon perforant

306
AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
Cadiot (1) prétend que la rugination de la surface
d'insertion de l'aponévrose est un acte opératoire
superflu, et que, sous un pansement antiseptique, le tissu
fibreux conservé sur la phalange se vascularise et granule
rapidement.
Ce même auteur conseille de renoncer à l'exérèse « en
r^ ^^^^^^^^^^^^^^^_ entonnoir » du coussifeàjfe'iMjfife
I net plantaire et de ré-
I duire au minimum, par
I une section perpendiculaire
à la surface plantaire
ou même un peu
oblique d'avant en arrière,
la perte de substance
de cet organe.
L'interven tion se com-
W ;1 .lSf fLc-

CLOU DE RUE. 307
ouverture dans le creux du paturon, de passer une
mèche de gaze entre l'aponévrose et le coussinet plantaire
et de favoriser l'exfoliation du tissu nécrosé par
des injections antiseptiques poussées par l'orifice supérieur.
Bordonnat (1) traitait tous les clous de rue par leséton
qu'il passait avec une aiguille de son invention.
Hertwig(2), après Solleysel et Lafosse d'ailleurs, a indiqué
le séton passant dans la petite gaine sésamoïdienne
lorsque se produit l'abcès du paturon.
L'observation de Laux (3) démontre la possibilité de
pratiquer avec succès l'ablation simultanée de l'aponévrose
plantaire et d'un cartilage complétaire, la nécrose
occupant en même temps ces deux organes.
La rugination de toute la face inférieure du petit sésamoïde
est nécessaire dès que la couche cartilagineuse
qui la recouvre est altérée. Les lésions étendues de cet os
pourraient nécessiter son ablation. Humbert (4) a pratiqué
avec succès la sésamoïdectomie dans un cas de
fracture. Mais ce résultat est resté unique et ceux qui
depuis ont tenté la même opération n'ont jamais été
aussi heureux.
L'arthrite du pied est rarement guérissable. Cependant
les faits relatés par Rey, Delafond (5), Saudé (6), Cadiot
(7;,etc., témoignent qu'elle n'est pas absolument incurable.
Si l'on tente la conservation du blessé, il faut irriguer
largement la synoviale avec une solution tiède de sublimé,
(1) Bordonnat, loe. cit.
(1) Hertwig, Praktisches Handbuch der Chirurgie fur Thierârzte, 1850
p. 475.
(3) Laux, loc. cit.
(4) Humbert, Fracture du petit sésamoïde. Ablation. Guérison (Bull. Soc.
eentr. de mid. vit.. 1885, p. 55).
(5) Rey, Delafond, loc. cil.
(6) Saudé, Becueil, 1885, p. 232 (Noles:r un cas de guérison de [arthrite
troumatique du pied chez le cheval).

308 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
en imprimant au pied des mouvements alternatifs de
flexion et d'extension, afin d'assurer la détersion complète
des surfaces et des recoins ; une vaporisation d'éther
iodoformé complète bien la désinfection.
Les difficultés de l'opération du clou de rue pénétrant
sont singulièrement augmentées lorsque, comme dans le
cas signalé par Cadéac (1), l'aponévrose plantaire est
ossifiée sur une partie de son étendue, englobée dans des
exostoses de la crête semi-lunaire. Il fallut, dans le cas en
question, faire sauter les exostoses avec le rogne-pied et
la rénette avant de pouvoir exciser l'aponévrose plantaire
(fig. 112).
PANSEMENT. — Quelles qu'aient été les manœuvres opératoires,
elles ont eu pour résultat la suppression de tout
foyer nécrosique et l'établissement d'une plaie aseptique.
Le pansement doit viser le maintien de cet état de choses;
il doit être convenablement protecteur et occlusif pour
empêcher toute infection ultérieure. (Voy. Technique de
ce pansement, in Manuel opératoire de l'Encyclopédie).
Les topiques employés sont donc seulement antiseptiques
(solution de sublimé, poudre d'iodoforme, etc.).
Cependant il est bon de badigeonner avec de la teinture
d'iode les points dont la vitalité est douteuse (Cadiot). Les
pansements à l'air libre (2), les simples bains de sulfate
de cuivre (3) ou l'irrigation continue n'inspirent pas une
confiance suffisante, malgré les nombreux succès signalés
par Trasbot (4) avec le dernier moyen.
SUITES DE L'OPÉRATION. — Elles sont très simples. Au bout
de peu de jours on assiste à un amendement progressif
de la douleur et de la boiterie, à la disparition des phé-
(1) Cadéac, Exostoses de la troisième phalange et de l'aponévrose plantaire
(Bull, de la Soc. des sciences vétér. de Lyon, t900, p. 90).
(2) Bonnaud, Des pansements moins compressifs dans le traitement des
maladies du pied (Journ.des vét. du Midi, 1868, p. 49).
(3) Maldon, Traitement du clou de ruepénétrant ancien (Archiv. vêt.,
1880, p. 185).
(4) Trasbot, loc. cit., p. 649.

CLOU DE RUE. 309
nomènes fébriles généraux et des lancinations, au retour
de la courbe thermique à son niveau normal.
La persistance de ces signes ou leur réapparition indiquerait
que l'opération n'a pas été suffisante, que des
lésions ont subsisté et progressent. Il faudrait alors
s'empresserde le»er le pansement pour rechercher le point
encore malade et compléter l'opération.
A part cette fâcheuse éventualité, le pansement est laissé
en place trois à quatre semaines. Au bout de ce temps les

310 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
parois du trauma, même les sections fibreuses sont tapissées
de granulations. Vers la sixième semaine la plaie est
comblée, et peu à peu la corne s'avance de la périphérie
au centre et recouvre le tissu inodulaire.
Une légère boiterie peut subsister encore longtemps;
elle est la conséquence de la sensibilité morbide que l'on
retrouve fréquemment au niveau de toutes les cicatrices.
Si elle n'a pas totalement disparu au bout du quatrième
mois on est autorisé à pratiquer la névrotomie basse et
double.
La disparition totale ou partielle de la gaine petite
sésamoïdienne et la soudure du tendon à l'os naviculaire,
les périostoses coronaires, les ankyloses plus ou moins
complètes, peuvent entretenir une boiterie définitive.
III. — ACCIDEXTS TRAUMATIQUES DE LA
FERRURE.
A. — Contusions.
1° Compression du tissu velouté par le fer.
(Pied comprimé par le fer.) — Étiologie. —Le contactdu fer
et de la sole, que l'on paraissait redouter beaucoup autrefois,
est préconisé dans un certain nombre de systèmes
de ferrure récents (ferrure Delpérier, ferrure Cousin,
Thary, etc.) ; le pied s'en trouve fort bien autant que le
fer est bien appliqué et la sole normale.
Mais dans les cas où la sole est affaiblie, trop parée,
les compressions de l'appui s'excerçant sur la face supérieuredufersansl'intermédiaire
d'une couche cornée élastique
suffisamment épaisse, meurtrissent le lissu velouté.Si
la paroi est elle-même trop parée, si le fer mal ajusté est
fixé de telle sorte que le bord pariétal soit plus ou
moins soustrait à l'appui, la plaque solaire supportant la
majeure partie des pressions, celle-ci eût-elle son épaisseur
normale, le velouté sera écrasé dans les points sur

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 311
lesquels repose le fer. Les pieds plats ou combles sont
prédisposés à cet accident parce que leur sole est ordinairement
mince, usée ou trop parée, et que pour de tels
pieds l'ajusture exacte et rationnelle du fer est difficile.
Lorsque le fer est mal fixé, qu'il s'ébranle et se déplace
plus ou moins, la sole reçoit à chaque foulée de véritables
chocs qui contusionnent les tissus sous-jacents.
Conséquences. — La compression du tissu velouté par
le fer se traduit par de la boiterie plus ou moins intense,
de la sensibilité anormale dans une région limitée de la
sole, des ecchymoses de la corne à cette région, ou des
décollements et de la suppuration si la phegmasie a été
vive et si l'infection a pu se produire. Enfin, toutes les
complications citées à propos de la contusion accidentelle
de la sole et dont l'accident que nous décrivons ne
diffère d'ailleurs que par son mode étiologique peuvent
survenir.
La parure exagérée du contour plantaire, la compression
du tissu kératogène dans cette région provoquent
l'irritation de l'extrémité inférieure des lames podophylleuses
et le développement d'une bande de corne anormale
que nous avons souvent constatée à l'union de la
sole et de la paroi (Voy. Kéraphyllocèle).
Traitement. — Déferrer le pied et replacer un fer léger,
couvert et convenablement ajusté ; si la paroi est trop
abattue, disposer sur le fer une lame de cuir ayant en
largeur l'épaisseur de la muraille. Si la boiterie persiste,
le traitement comporte le repos, l'application de cataplasmes
ou de compresses humides, l'amincissement de
la sole au point endolori et toute autre intervention que
peuvent nécessiter les complications possibles (Voy. Contusion
de la sole).
2° Compression du tissu feuilleté par les clous
ou le pinçon. (Pied serré par les clous.) — Étiologie. —
Les clous implantés dans les couches les plus profondes de
la paroi dans le voisinage immédiat du tissu feuilleté,

312 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
sans atteindre celui-ci peuvent cependant le comprimer
et le meurtrir au point de provoquer de la douleur et de
l'inflammation plus ou moins vives. Les conditions qui
favorisent cet accident : minceur de la paroi, parure
excessive, redressement de la muraille, disposition des
étampures, etc. etc., seront examinées à propos de
l'enclouure (p. 313) dont l'étiologie est sensiblement la
même.
Le pinçon trop profondément encastré, lorsque le
raccourcissement de la pince a été exagéré, peut également
produire une compression des tissus vifs; les coups
destinés à le rabattre peuvent aussi ne pas être étrangers
aux lésions constatées à ce niveau.
Conséquences. — Le premier symptôme est une claudication
légère n'apparaissant parfois que le lendemain
ou le surlendemain de la ferrure. L'animal étant déferré,
il est facile, par la striction méthodique du contour plantaire,
de constater les points sensibles. Il arrive parfois
que la lésion s'aggrave, que la phlegmasie devient suppurative
; la boiterie est alors très intense et on a tous les
signes de la dermatite provoquée par l'implantation du
clou dans le tégument lui-même (Voy. Enclouure).
L'irritation du tissu kératogène aux points comprimés,
peut provoquer le développement de petits kéraphyllocèles
qui sont quelquefois la cause d'une boiterie persistante.
On peut quelquefois constater ces petites colonnes de
corne de 1 ou 2 centimètres de haut au niveau des
quartiers et plus souvent au milieu de la pince.
Traitement. — il suffit dans la plupart des cas de supprimer
les clous dans les régions douloureuses ou de
supprimer le pinçon et d'aplalir la pince du fer pour que
la boiterie disparaisse. Le repos et les cataplasmes émollients
hâtent la guérison. Si la boiterie persiste il faut
débrider le trajet du clou et intervenir directement sur
la lésion (Voy. Enclouure).

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 313
B. —Plaies.
1 "Coupures.—Elles sontproduites par une échappée du
rogne-pied ou du boutoir. Elles peuvent évidemment être
très variables quant à leur étendue, leur profondeur et
leur gravité. Le velouté peut être simplement découvert ou
à peine entamé, et la lésion peut passer inaperçue ou être
dissimulée par un maréchal peu consciencieux. La brèche
peut être au contraire plus ou moins profonde et se traduire
immédiatement par une hémorragie abondante.
Cet accident n'a pas une grande gravité si on intervient
aussitôt en amincissant la corne autour des lèvres
de la blessure, en désinfectant celle-ci et en appliquant
un pansement antiseptique et occlusif. Faute de cela une
phlegmasie se déclare que révèle la boiterie. Les tissus
gonflés font hernie à travers la plaie cornée (cerise), leur
étranglement à la base provoque parfois une vive douleur
et une claudication intense. Enfin la suppuration
peut se diffuser aux dépens de la sole et la dermatite
s'étendre. Le traitement comporte alors l'excision de la
cerise, l'ablation de la corne décollée et la désinfection
de la surface suppurante.
2° Piqûres. — Enclouures. — Définition. — Les
blessures des tissus intracornés par un des clous que l'on
implante dans le sabot pendant la ferrure portent le
nom générique d'enclouures. Cependant ce terme est
plus spécialement réservé à la lésion provoquée par le
clou fixé et maintenu un temps plus ou moins long dans
cette situation défectueuse. On désigne sous le nom de
piqûre la blessure produite par un clou retiré immédiatement
après son implantation. Ces traumatismes
diffèrent du clou de rue par leur étiologie et par leur
localisation constante sur le contour plantaire.
Étiologie. — La principale cause de l'enclouure est
l'impéritie du maréchal. Ignorance, maladresse ou inat-
Chirurgie du pied. 18

314 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
tention, il s'agit presque toujours d'une faute et la responsabilité
de l'ouvrier est souvent engagée. Diverses
conditions peuvent favoriser cet accident. Elles tiennent
au sabot, au fer ou au clou. Les sabots à paroi verticale
ou inversement oblique de dehors en dedans offrent plus
de difficultés pour le brochage des clous; ceux-ci, dirigés
d'abord dans le sens des fibres de la corne, se détournent
moins facilement pour traverser la paroi dans son épaisseur
et sortir en dehors.
La minceur de la muraille expose aussi à la blessure
du podophylle ; d'autant mieux que dans ces conditions
les clous doivent être rivés très haut pour assurer la solidité
du fer. Le ferrage de pieds dérobés et de pieds
trop parés (1) offre des difficultés de même ordre.
Les pieds encastelés présentent ordinairement ces deux
caractères : redressement et amaigrissement de la corne
pariétale, aussi sont-ils plus souvent encloués.
C'est pour ces mêmes raisons que l'accident est
plus fréquent sur les quartiers que sur la pince ou les
mamelles, sur le quartier interne que sur le quartier
externe.
Pour le membre antérieur, la difficulté du brochage
sur le quartier interne est augmentée parle voisinage de
l'épaule qui gêne le maniement du brochoir.
La trop grande obliquité est favorable aussi à l'enclouure,
à cause de la nécessité dans laquelle on est de
diriger le clou en dedans pour le river assez haut et empêcher
l'arrachement du fer (fig. 113 B).
La mauvaise disposition des étampures du fer augmente
les chances d'enclouure. Trop près de la rive interne, à
gras, le clou pénètre trop près du vif ou dans le vif luimême
(fig. 113 A). Trop près de la rive externe, à maigre,
le clou doit être enfoncé obliquement en dedans, il peut
ne pas se couder assez tôt et intéresser la chair du pied.
(t) Defays, Ann. de méd. vêt., 1861, p. 64.

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 315
Le fer fût-il bien étampé, s'il est placé de travers,
l'implantation des clous se fait trop à gras d'un côté,
trop à maigre de l'autre.
Les causes d'enclouure qui tiennent plus particu­
lièrement au clou sont : 1° la disposition de l'affilure ;
celle-ci doit avoir une inclinaison suffisante et juste nécessaire
car c'est elle qui imprime au clou sa direction
à travers la corne; bien entendu l'erreur qui consiste
à tourner le biseau en dehors entraîne fatalement le
clou dans les parties profondes du pied (fig. 114 B) ; 2° la
qualité de la lame ; si celle-ci est trop forte ou d'un métal
peu ductile ellenesecontournepasaussi facilement pour

316 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
émerger au dehors ; si elle est fissurée, pailleuse, elle peut
se diviser suivant sa longeur, une partie sortant à la
surface du sabot, l'autre se détournant vers les parties
vives (fig. 114 A); 3° une souche — fragment de vieux
clou — oubliée dans l'épaisseur de la paroi ; elle peut
faire dévier le nouveau clou en dedans, ou être elle-même
refoulée jusque dans les tissus intracornés ; dans co
dernier cas, Fenclouure prend dans le langage technique
le nom de retraite (fig. 115 B).
Symptômes. — Il faut distinguer les symptômes immédiats
qui se produisent pendant l'opération de la ferrure
et les symptômes consécutifs.
SYMPTÔMES IMMÉDIATS. — La résonance que produit la
percussion du brochoir et les sensations de résistance
perçues sont différentes suivant que le clou engagé dans
l'épaisseur de la paroi se dirige vers les couches corticales
plus dures ou vers les couches profondes plus
molles ; ces signes ne trompent pas l'ouvrier qui apporte
quelque attention à son travail et lui permettent d'éviter
l'enclouure.
Au moment même où le clou vient blesser les tissus
vifs le cheval manifeste la douleur ressentie par un mouvement
brusque de retrait du membre. Ce signe révéla-

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 317
teur de l'accident peut manquer ou passer inaperçu, soit
que le sujet jouisse d'une sensibilité très obtuse, ou même
que cette sensibilité fasse défautdans l'extrémité digitée à
la suite des névrotomies si fréquemment pratiquées aujourd'hui,
soit que son indocilité ait nécessité l'emploi du
tord-nez et que, de ce fait, la douleur au pied ait été moins
vivement ressentie, soit enfin que l'animal ait l'habitude
de compter, c'est-à-dire de retirer brusquement le pied
à chaque coup de brochoir. Dans ces conditions l'enclouure
se complète, mais elle pourra encore être dénoncée
dès les premiers pas par une boiterie plus ou moins
intense.
Si le maréchal prévenu par les manifestations douloureuses
du sujet retire immédiatement le clou, il peut
voir perler, à l'ouverture du trajet, quelques gouttes de
sang, ou il peut seulement constater la présence de ce
liquide sur la lame du clou. Ce signe n'est cependant
pas constant, l'hémorragie n'étant pas la conséquence
nécessaire de l'accident.
SYMPTÔMES CONSÉCUTIFS. — La simple piqûre n'a généralement
pas de suites, mais parfois plusieurs jours
après l'accident une claudication se manifeste. Les
choses peuvent se passer de la même façon dans
l'enclouure proprement dite, et la boiterie n'apparaître
que le lendemain ou le surlendemain de la
ferrure.
La douleur est alors la conséquence de l'inflammation
des tissus intracornés; elle est très vive, et la claudication
devient de plus en plus intense. C'est à une pododermatite
suppurative que l'on a à faire, on en connaît
les manifestations et la marche ordinaire (décollements
étendus de la sole, des talons,irruption du pus au bord
coronaire, etc., etc.).
Complications. — Ce sont celles imputables à toute
pododermatite superficielle ou profonde, c'est-à-dire : gangrène
limitée ou diffuse du tégument kératogène, nécrose
18.

318 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
ou carie de l'os du pied (1), abcès coronaire, javart cartilagineux,
etc., etc.
Diagnostic. — L'apparition de la boiterie dans les
jours qui suivent le ferrage peut déjà en faire soupçonner
la cause, quand l'accident est resté ignoré. Certaines
particularités peuvent alors mettre sur la voie. Une
étampure vacante est un signe probable que l'animal a
été piqué et que le maréchal a retiré le clou et très sagement
ne l'a point remplacé pour éviter les complications.
L'absence d'un rivet correspondant à la tête d'un clou
indique que ce dernier a fait fausse route et que la pointe
s'est perdue au sein du sabot ; cela peut dénoter aussi
une supercherie de l'ouvrier qui, pour dissimuler sa
faute, a mis une simple tête de clou dans l'étampure.
La disposition en zigzag des rivets, surtout si l'un
de ces derniers est situé très haut, fait aussi songer à
la possibilité d'une enclouure. Mais dans les cas où la
piqûre ou l'enclouure ne sont révélées par aucun de ces
caraclères, l'exploration méthodique du pied permet le
diagnostic. Les seules manœuvres du déferrage donnent
un indice par la sensibilité manifestée au moment de
l'extraction du clou coupable ». La lame de celui-ci
peut d'ailleurs être souillée de pus.
La sensation de chaleur plus grande du côté lésé, la
percussion et la striction servent à préciser le lieu
de la blessure ; celle-ci peut encore être dénoncée par la
situation du pertuis fait par le clou en dedans de la zone
commissurale. Du pus peut s'écouler par ce trajet, sinon
l'existence de ce liquide est découverte par une rainure
creusée sur la limite de la sole.
Les caractères de la suppuration peuvent renseigner
sur la nature des complications (Voy. Considérations générales,
p. 24).
Pronostic. — Le pronostic varie suivant qu'il s'agit
H) Graillot, Carie de l'os du pied antirieur (Bec. d'hyg. et de méd. vét.
milit., t. XVII, 1835, p. tOl).

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 319
d une simple piqûre ou d'une enclouure proprement dite.
Les hippiatres connaissaient la bénignité de la première :
.< De cent chevaux piqués, dit Lafosse, à peine y en at-il
six qui boitent (1). »
L'enclouure au contraire est généralement grave parce
que l'infection est à peu près certaine et là suppuration
inévitable. L'ancienneté de la lésion est un élément
important dans l'appréciation de sa gravité. Si l'on a
laissé à la phlegmasie suppurative le temps de s'étendre
et aux complications celui de se produire, la guérison est
autrement longue et difficile à obtenir que par une intervention
hâtive toujours très simple.
Traitement. — La piqûre n'a généralement pas de
suites, c'est dans la quasi-totalité des cas un trauma aseptique
dont la guérison est spontanée et rapide. Les
injections caustiques préconisées autrefois : huile ou
vinaigre bouillants, acide sulfurique, essence de térébenthine,—
cette dernière substance est encore beaucoup
employée, — nous paraissent plus nuisibles qu'utiles. Il
suffit, immédiatement après l'accident, d'empêcher l'infection
des tissus blessés. L'occlusion du pertuis corné,
avec de la cire ou du goudron est une bonne précaution à
prendre. Quelques bains de sulfate de cuivre (Rey) (2) peuvent
également prévenir l'infection profonde.
Dans l'enclouure, la première indication est d'arracher
le clou vulnérant. Si cela est fait peu après l'accident
le foyer traumatique peut encore n'être pas infecté
et le traitement se confond avec celui de la piqûre
simple.
L'extraction d'une souche ou de la lamelle détachée
d'un clou pailleux n'est quelquefois possible qu'en pratiquant
sur la paroi un amincissement en forme d'A.
L'opération est alors complétée par un pansement antiseptique
qui pour le travail peut être maintenu par une
(1) Cours d'hippiatrie, 1772, p. 246.
(2) Rey, Jour, de mid. vil., 1866, p. 450.

320 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
plaque métallique pariétale rivée au fer (fer à plaque de
Schwentzky) (fig. 116).
Mais qu'il s'agisse de piqûre ou d'enclouure, la présence
de pus nécessite toujours une intervention plus
complète. Si la nature de ce liquide (pus noirâtre) indique
une pododermatite superficielle, il suffira de creuser une
rainure plus ou moins longue sur la zone commissurale
pour évacuer la collection sous-cornée.
Si la phlegmasie suppurative est profonde il est avantageux
d'amincir la muraille au niveau de la lésion,
comme il a été dit ci-dessus, d'élargir la brèche plantaire
et de désinfecter soigneusement le trauma.
Les complications nécrosiques comportent des excisions
de tissus, plus ou moins étendues, etdes manœuvres
plus ou moins complexes, décrites en d'autres chapitre»
(Voy. Pododermatite, Clou de rue, Javart).
Les délabrements considérables que nécessiteraient
parfois ces opérations peuvent, dans certains cas, être
évités par l'emploi méthodique de caustiques, et en par-

ACCIDENTS TRAUMATIQUES DE LA FERRURE. 321
ticulier du sublimé corrosif en poudre (H. Bouley) (1),
suivant la technique indiquée à propos du clou de rue
(p. 302).
Il ne faut point oublier que l'apparence saine de la
surface de la membrane kératogène n'est pas la preuve
que ces complications n'existent point. La mortification
peut avoir débuté dans les couches tégumentaires profondes
(reticulum processigerum) ou l'os et les couches
superficielles n'être pas encore intéressées.
« On évitera cette erreur si l'on se pénètre bien de ce
principe fondamental de diagnose vétérinaire qu'une
grande souffrance persistante, après l'évacuation du pus
de l'intérieur du sabot, implique de toute nécessité une
lésion grave et persistante elle-même des tissus intracornés.
» (H. Bouley) (2).
3° Brûlures. — La brûlure du pied— accident de ferrure
—siège toujours àla face plantaire. C'est une brûlure
de la sole, suivant la dénomination consacrée, ou mieux
une brûlure du tissu velouté.
Étiologie. — La cause déterminante unique est l'application
trop prolongée ou trop répétée du fer chaud pour
le présenter ou le faire porter.
Les pieds à sole mince, que cette minceur soit naturelle
ou produite par le parage, ainsi que les pieds plats
combles ou fourbus sont prédisposés à cet accident.
Les fers volumineux, couverts, mal ajustés exposent
davantage à la brûlure en raison du calorique qu'ils
emmagasinent en plus grande abondance ou de l'étendue
de leur contact avec la plaque solaire.
Les chances ds brûlure et l'intensité de celle-ci sont
proportionnelles à la durée du contact du pied avec le fer
chaud; mais, contrairement à ce que l'on pourrait penser
tout d'abord, elles ne sont pas en rapport avec la tempé-
(1) H. Boaley, Dict. de mid., chir. et hyg. vêt., art. E«CI.OUUHE, t. V,
p. 693.
(2) H. Bouley, loc. cit., p. 687.

322 AFFECTIONS DF. LA RÉGION PLANTAIRE.
rature de ce dernier. Les expériences de Delafond (1)
ont démontré que, dans le même temps, un fer chauffé au
rouge noir transmet aux tissus vivants plus de chaleur
que le même fer chauffé au rouge cerise. Ce dernier carbonise
rapidement la corne et forme ainsi une couche
protectrice conduisant mal le calorique ; si l'on ajoute
à cela que volontiers on laisse plus longtemps au contact
de la corne les fers insuffisamment chauffés, on comprendra
les effets plus nocifs de ceux-ci. L'ablation rapide
de la couche de corne carbonisée dans le but, disent les
maréchaux, d'enlever de la chaleur n'est point justifiée.
La transmission du calorique à travers la sole ayant
son épaisseur normale est très lente (Reynal) (2). La
brûlure du lissu velouté par l'application do la ferrure à
chaud est rare. Lorsqu'elle se produit, elle est toujours
la conséquence d'une faute grave du maréchal, dont la
responsabilité est de ce fait plus ou moins engagée.
Symptômes. — Ils varient avec l'intensité d'action de
la cause et, à cet égard, on peut distinguer trois degrés
dans l'affection : 1° sole chauffée, 2° sole brûlée, 3° sole
fortement brûlée (Pellerin) (3).
PREMIER DEGRÉ. — L'accident est dénoncé par une boiterie
légère se manifestant le lendemain et quelquefois
plusieurs jours après la ferrure. Le pied étant déferré se
montre sensible à la périphérie de la sole et surtout en
pince.
La corne solaire, carbonisée et noirâtre à la surface,
revêt une teinte jaunâtre dans la profondeur et
pointillée de noir par l'exsudation qui remplit les porosités
et les rend plus apparentes. En continuant l'amincissement,
on ne provoque pas de rosée sanguine.
La guérison rapide est la règle, mais l'irritation du bord
inférieur de la membrane feuilletée peut provoquer la
(1) Delafond, Bull, de la Soc. centr., 1845. p. 972.
(2) Reynal, Bull, de la Soc. centr., 1845, p. 798.
(3) Pellerin, Dict. de méd. chir. et hyg. vit., art. SOLE, t. XX. p. 297

ACCIDENTS TRAUMATIQUES' DE LA FERRURE. 323
formation à ce niveau d'une couche de corne podophylleuse
et la boiterie peut alors persister pendant plusieurs
mois.
DEUXIÈME DEGRÉ. — La boiterie survient presque immédiatement
après la ferrure, elle est intense et progressive.
La sensibilité à la pression est grande.
La corne, noirâtre à la surface, jaunâtre et pointillée
dans la profondeur, est infiltrée d'une sérosité abondante
qui suinte à travers les pores. La sole est décollée à sa
périphérie, quelquefois dans toute son étendue, par de
l'exsudat séreux ou par du pus noirâtre qui se forme
à la surface du velouté, transformé en membrane pyogénique.
Ces liquides peuvent produire le désengrènement
de la presque totalité du sabot et aboutir à la mortification
plus ou moins étendue du tégument sous-corné. Leur
évacuation est au contraire suivie d'une amélioration
rapide.
TROISIÈME DEGRÉ. — Les symptômes sont ici très rapidement
alarmants et les lésions immédiatement très graves.
L'appui est nul et l'extrémité digitée ne tarde pas à être
envahie par un engorgement qui peut remonter très
haut sur le membre (1).
Il s'agit d'une brûlure désorganisatrice qui se caractérise
par l'escarrification rapide, locale ou diffuse, des
tissus sous-ongulés. Le pus, qui s'échappe à travers une
brèche faite au sabot ou par-dessus le bord coronaire,
est de mauvaise nature, mal lié, sanguinolent et fétide ;
après son élimination, la douleur persiste avec toute son
intensité. Il y a toujours de la fièvre; des complications
septiques générales ne sont pas rares. L'extension du
processus nécrosique aux tissus sous-tégumentaires est
fréquente.
Traitement. — Enlever le fer, amincir la sole et envelopper
le pied de compresses antiseptiques maintenues
(I) Bro, Sur un cas grave de brûlure de la sole (Bev. vêt., 1891, p. 24).

324 AFFECTIONS DE'LA REGION PLANTAIRE.
humides sont les premières indications à remplir dans
tous les cas. Elles sont suffisantes, lorsque la sole n'a
été que chauffée, pour permettre la reprise du travail au
bout de quelques jours. Il est néanmoins nécessaire
alors de protéger la région plantaire par une étoupade
goudronnée et une plaque de tôle ou de cuir.
Si la suppuration se produit on lui donnera issue, puis
l'on utilisera les bains antiseptiques et l'emmaillotteinent.
Si la membrane tégumentairé s'escarrifie, il faut immédiatement
exciser toutes les parties mortifiées, faire
plaie nette quelle que soit l'étendue des délabrements,
nécessaires ; on évitera ainsi la diffusion de la gangrène,
l'exongulation, les nécroses profondes et l'infection générale,
après lesquelles le traitement est plus difficile et la
guérison plus aléatoire.
IV. — BLEIME.
Définition. — On désigne sous le nom de bleime une
affection du pied des animaux ongulés caractérisée par
une contusion ou une dislension de la membrane kératogène
dans la région des talons. La lésion siège tantôt
uniquement sur le tissu podophylleux, tantôt uniquement
sur le tissu velouté, tantôt enfin sur ces deux
tissus en même temps.
Étymologie. — Historique. — Le mot bleime a une
origine obscure. Peut-être vient-il du grec blema (coup),
ou mieux, d'après Littré, de l'ancien Scandinave blâmi
(couleur bleue) et du vieux français blesme (livide,
meurtri).
La bleime a été étudiée par nombre d'auteurs et en
particulier par Lafosse père, Vatel, H. Bouley, J.-B. Delpérier
(1), etc.
Divisions. — Lafosse distinguait :
(1) J.-B. Delpérier, La bleime du cheval, Paris, 1888.

BLEIME. 325
I ° La bleime naturelle ou bleime du tissu podophylleux.
2° La bleime surnaturelle ou bleime du tissu velouté.
Cette division a été conservée dans les livres classiques,
mais les noms ont été modifiés. La bleime naturelle de
Lafosse est devenue la bleime essentielle;la bleime surnaturelle
a été qualifiée bleime accidentelle (Vatel, H. Bouley)(l).
La bleime essentielle dépend, d'après Bouley, de la
manière d'être du sabot ; la bleime accidentelle provient
d'un accident de terrain, d'une ferrure défectueuse, etc.
II est plus simple de désigner les formes de cette
maladie par les expressions de bleime podophyllienne et
de bleime veloutée.
La clinique et la bactériologie autorisent à distinguer
aujourd'hui des bleimes aseptiques et des bleimes infectées.
Par leur évolution et par leur gravité, ces deux formes
de bleimes sont très différentes l'une de l'autre.
Étiologie. — Envisagée d'une manière générale, la
production de la bleime est favorisée par différentes circonstances.
ÉMIGBATION. — Les animaux transportés d'un pays à
l'autre sont sujels aux bleimes. H. Bouley a observé ce
fait sur les chevaux d'Afrique importés en France. Il est
présumable que cette prédisposition morbide n'est pas
due au nouveau climat dans lequel vit l'animal et qu'elle
découle de la ferrure adoptée dans nos pays, ferrure qui,
on le sail, diffère considérablement de la ferrure arabe.
RÔLE DES MEMBRES. — Les bleimes se voient beaucoup
plus souvent aux pieds antérieurs qu'aux pieds postérieurs.
Ce fait résulte de ce que les membres thoraciques,préposés
surtout au soutien du corps —alors que
les membres pelviens sont surtout destinés à fournir
l'impulsion— transmettent aux pieds correspondants des
pressions plus fortes que celles que subissent les pieds
I H. liouley. Dict. de méd. chir. et hyq. véliritu, art. BLEIME, t. II.
Chirurgie du pied. 19

326 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
postérieurs. Les talons recevant une grosse part de ces
pressions, les contusions se produisent facilement à leur
niveau.
CONFORMATION DU PIED. — La face plantaire des pieds
antérieurs étant notablement moins concave que celle des
pieds postérieurs, les tissus vifs sont, dans les premiers,
plus exposés aux traumatismes que dans les seconds, par
suite de leur rapprochement du sol.
La bleime se montre surtout sur le talon interne.
La prédisposition présentée par cette partie du sabot,
comparativement à l'autre placée symétriquement^ résulte,
d'après H. Bouley, de ce que le talon interne supporte
plus de pressions que l'externe.
Elle provient aussi sans doute de ce que la muraille,,
plus mince, dans la très grande majorité des cas, dans
le quartier interne que dans le quartier externe (Peuch
et Lesbre), arrive plus facilement, lors de resserrement
des talons, à comprimer les tissus vifs.
No us verrons enfin que dans la théorie de Delpérier la raison
de cette localisation apparaît nettement (Voy. p.330).
Les bleimes surnaturelles (Lafosse), accidentelles (H. Bouley)
ou veloutées, de même que les bleimes naturelle?
(Lafosse), essentielles (H. Bouley), ou podophylliennet]Jk

BLEIME. 327
la périphérie de la sole, se fait en outre, dans une mesure
plus ou moins grande, aux dépens des branches de cette
dernière.
Cette disposition fâcheuse du sabot est encore aggravée
par ce fait que, sur les pieds présentant une pareille conformation,
les pressions subies par l'organe sont déversées
en proportion considérable sur les talons, écrasés
en quelque sorte sous le poids.
Chez les chevaux long-jointes et chez les chevaux basjointés,
c'est à un phénomène de même ordre qu'est due
la fréquence des bleimes.
C'est encore par le fait d'une accumulation des pressions
sur l'un des talons que certains vices d'aplomb du
pied prédisposent aux bleimes (pied de travers, pied
cagneux, pied panard).
Le rôle de la troisième phalange n'a pas l'importance
que lui a attribuée H. Bouley. Le mouvement de bascule
qu'effectue cet os dans le sabot à chaque appui, et qui,
d'après Bouley, abaisse « les éminences rétrossales dans
le fond des arcs-boutant3 où elles sont logées » jusqu'à
faire de ces dernières un véritable corps vulnérant pour
les tissus interposés entre elles et les branches de la
sole, est en réalité un mouvement très obscur, de très
faible étendne. Au surplus, il est reconnu que sur les
pieds plats, à talons bas, etc., la bleime ne se produit
pas nécessairement en regard de l'apophyse rétrossale
(Roblwes).
SERVICE. — Les chevaux employés dans les villes à des
services pénibles auxquels ils usent rapidement leurs
fers sont prédisposés aux bleimes accidentelles, en raison
du renouvellement fréquent de la ferrure — pendant
laquelle les talons peuvent être abattus outre mesure,
ou le pied inégalement paré — et des accidents auxquels
expose la présence d'un fer usé sous le pied (Voy. ciaprès).
Il en est de même pour les chevaux qui ont à
marcher, trotter ou galoper sur des routes caillouteuses,

328 AFFECTIONS-DE LA REGION PLANTAIRE.
et d'une manière générale, pour les animaux qui ont à
se déplacer à une allure rapide. La bleime est rare sur
le cheval de labour.
SAISON. — D'après H. Bouley, la bleime accidentelle se
verrait surtout pendant la mauvaise saison, par suite de
la nécessité où l'on se trouve alors de ferrer les animaux,
avec- des fers à crampons et peut-être aussi par le fait du
renouvellement delà chaussée des roules à cette époque.
Causes occasionnelles. — FERRURE. — La mauvaise exécution
de la ferrure est, peut-on dire, la cause constante
de la bleime accidentelle. Le fer trop court prend appui
sur les branches de la sole et les contusionne ; le fer trop
étroit se laisse déborder, avec le temps, dans la région des
talons et produit le même effet ; le fer à ajusture en bateau,
sur certains pieds à talons bas, donne lieu au même
phénomène ; le fer à crampons ou à éponges nourries est
dangereux; par l'intermédiaire de ses appendices il écrase
les tissus avec la plus grande facilité ; les fers usés, qui
cèdent momentanément sous la pression d'un caillou
par exemple, ou qui se déforment d'une manière
définitive pendant la marche, sont la cause d'un grand
nombre de bleimes.
CORPS ÉTRANGERS sous LE PIED. — A l'action néfaste
d'une mauvaise ferrure se rattache celle des corps
étrangers, cailloux, terre desséchée, etc., qui en s'interposant
entre le fer et le sabot, peuvent amener des contusions
graves.
B. Bleimes essentielles ou podopbylliennes. —
Causes prédisposantes. — FERRURE. — On sait que
la ferrure favorise la dessiccatiori du sabot et qu'elle
s'oppose, dans une mesure plus ou moins grande, —
selon la forme qu'elle revêt et selon l'aptitude de
l'ouvrier maréchal à observer les règles qu'elle comporte
— au fonctionnement régulier des organes constituant
le pied, notamment du coussinet plantaire.
La résultante des influences diverses qu'elle exerce se

BLEIME. 329
traduit par un resserrement plus ou moins accentué du
pied dans la région des talons, en d'autres termes, par
de l'encastelure.
On sait aussi, qu'en empêchant l'usure du sabot vers le
bord plantaire, elle permet l'allongement du pied, tout
en limitant l'extension excentrique que l'avalure tend à
produire dans la surface plantaire du sabot.
A ce double point de vue, la ferrure prédispose aux
bleimes essentielles en rétrécissant l'espace qu'occupent
les tissus interposés entre la face externe des apophyses
rétrossales et basilaires de la troisième phalange et la
face interne de la partie de la muraille placée en regard
de ces éminences osseuses. Les résultats obtenus à la
Compagnie générale des omnibus (Voy. Traitement)
montrent nettement qu'avec une ferrure mieux adaptée
au bon fonctionnement du pied, la bleime devient plus
rare.
CONFORMATIONS DÉFECTUEUSES DU PIED. — Les pieds à
talons hauts, les pieds serrés en talons, les pieds encastelés,
sont souvent bleimeux, toujours bleimeux même chez
certains sujets, quoi que l'on fasse, surtout si par une
économie mal comprise ou par négligence, on les laisse
s'allonger sans renouveler la ferrure.
Chez les jeunes chevaux, non ferrés, dont les barres
sont très développées, on rencontre la bleime en barres
(Thary) sur les pieds plats, larges, à talons bas (1).
SAISON. — La bleime essentielle s'observerait surtout
pendant la saison chaude, alors que la température et
l'état hygrométrique de l'air favorisent la dessiccation
de la corne pariétale et, d'après certains auteurs,
l'encastelure. Cette affirmation ne nous parait rien moins
que certaine.
Causes occasionnelles. — Les causes occasionnelles
-j,nt représentées par le traumatisme, par la compres-
! \ Tl.iry, D: tu >,ieime m barres (Bull. Soc. centr., 189.'i, p. 237 et

330 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
sion vive, momentanée ou permanente, du tissu podophylleux,
ou par la distension brusque du feutrage
podo-kéraphylleux.
La compression est inévitable dans les pieds à talons
serrés ou chevauchés, et si certains sujets atteints de
cette déformation ne boitent pas, c'est que les tissus,
même la troisième phalange, s'atrophient peu à peu et
s'adaplent à ce nouvel état de choses. Il est bien connu,
du reste, que chez le mulet et chez l'âne, le peu de
développement des apophyses basilaires et rétrossales
permet au pied de se rétrécir considérablement, sans
être le siège d'aucune souffrance, sans que l'animal
boite.
Pathogénie. — THÉORIE DE H. BOULET. — Dans les pieds à
corne mince, pieds maigres, la compression résulterait,
d'après H. Bouley, du retrait brusque de la muraille au
moment du lever du pied. La paroi, trop faible, s'écarterait
démesurément pendant l'appui, et viendrait, au retour,
frapper à la manière d'un ressort sur les tissus sous-jacents.
THÉORIE DE J.-B. DELPÉRIER. — La bleime est une lésion par
traction et déchirure et non par compression et contusion ;
elle est le résultat de la distension subie par les lames podophylleuses
lorsque le pied est sollicité par les rayons supérieurs
à exécuter un mouvement de torsion et que le sabot,
immobilisé par la pression sur le sol, n'obéit pas à ce mouvement.
Lorsque le cheval fait une évolution brusque à droite ou à
gauche, c'est toujours au moment où son pied antérieur correspondant
est à l'appui, qu'il pivote sur ce pied de dedans
en dehors. Les rayons supérieurs commencent ce mouvement
et le communiquent de proche en proche à la troisième
phalange ; celle-ci par l'intermédiaire du tissu podophylleux
sollicite la boîte cornée à tourner dans le même seosf m»ii
si les pressions de l'appui immobilisent suffisamment cette
dernière, l'effort porte tout entier sur l'engrènement podokéraphylleux,
qui peut être distendu, déchiré en quelqu'un de
ses points.
Ce mécanisme explique la plus grande fréquence des bleime»
aux pieds antérieurs sur lesquels se fait toujours le pivotement;
il explique aussi la prédisposition créée par le service

BLEIME. 331
des villes, dans lequel les détours brusques sont fréquents
(encombrement, mode d'entre-croisement des voies) ; il est
susceptible enfin d'expliquer la localisation habituelle de cette
- bleime des coins de rues » au talon interne.
Supposons en effet une coupe horizontale du pied, parallèle
a la face plantaire et comprenant la phalange. I,P,M,0,E'
(fig.l 17) représente la ligne
d'union de l'os et de la
paroi ; r,P',M',0',E' est le
périmètre de la phalange
à la place que la torsion
tend à loi faire occuper;
les lignes II',PP',MM\EE'
expriment la distension
que subirait le tissa podophylleux
si l'os pouvait
obéir à la force qui le sollicite,
et représentent par
conséquent l'effort supporté
par l'eDgrènement
podo-kéraphylleux dans
les points IPHE, le centre
de pivotement du pied se
trouvant en O toujours sur
le côté externe, mais à
une distance variable
entre la pince et le talon.
Fig. HT. — Schéma du mécanisme de
production de la bleime, d'après Delpérier.
Nous voyons que l'effort de distension au niveau du talon
interne I est plus grand, approximativement double, que celui
portant sur le talon externe E ; la différence s'accentuerait
encore si O était plus rapproché du talon ; elle diminuerait au
contraire si le pivotement se faisait sur un point plus antérieur;
les deux talons seraient également sollicités si l'appui
avait lieo en pince, ce qui est la condition ordinaire pour les
pieds postérieurs.
La distension exercée sur le podophylle en des points plus
on moins éloignés du talon, sur la mamelle interne par
exemple, est beaucoup moins nocive, non seulement parce
que l'effort est moindre, mais aussi parce que les lames podophylleuses
sont plus longues et plus larges, plus extensibles
par conséquent.
Lorsque la fourchette participe à l'appui, le sabot est moins
étroitement fixé au sol et peut dans une certaine mesure
obéir au mouvement de rotation exécuté par le membre; on

332 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
s'explique ainsi les effets préventifs de certaines ferrures
(ferrures Lafosse, Charlier, Lavalard-Poret, arabe, etc.) relativement
aux bleimes:
THÉORIE DE G. CHÉNIER. — D'après G. Chénier (1), la compression
du tissu podophylleux est due chez les chevaux à
pieds encastelés que l'on soumet tout à coup à un travail
« mouvementé » « sur un sol où la fouchette arrive pleinement
à l'appui », à l'hypertrophie rapide du coussinet
plantaire, qui, gêné dans son expansion, refoule le tissu
podophylleux contre la paroi. Cette manière de voir nous
séduit peu, car, sans discuter sur la réalité du phénomène
de compression qui se produit d'après Chénier, il est permis
de mettre en doute une hypertrophie du coussinet plantaire
se produisant si rapidement.
Pour la bleime en barres, Thary invoque l'écrasement
des barres au moment de l'appui; le mouvement de
bascule de celles-ci, qui se produit alors, provoque la
déchirure du lien podo-kéraphylleux.
Symptômes. — La bleime modifie l'attitude et les allures
du cheval qui on souffre. Elle se traduit aussi par
des signes locaux plus ou moins apparents.
Les modifications qui s'observent dans l'attitude et
dans l'allure du malade constituent les symptômes rationnels
de la bleime (H. Bouley).
Symptômes rationnels. — Le cheval affecté d'une
bleime porte son pied malade en avant — il pointe — et
fléchit le boulet, afin d'éviter les pressions sur le talon
malade.
Lorsque les deux pieds antérieurs sont atteints, les
deux membres sont alternativement mis au repos, et,
toujours en quête d'une position qui lui apporte quelque
soulagement, le cheval se déplace fréquemment, piétine,
foule sa litière.
Si les douleurs sont vives, si la lésion se complique de
(1) G. Chénier, Sur le mécanisme de la production.de la bleime (Bev.
vétérin., 1895, p. 652).

BLEIME. 33?
suppuration, de destruction de tissus, etc., le membre
malade est le siège de lancinations ; ramené à chaque
instant en arrière après avoir été projeté en avant, il
accumule la litière sous le ventre et use son fer en pince.
La bleime occasionne presque toujours une boiterie,
qui par son intensité et sa persistance exprime la gravité
de la maladie. Cette boiterie ne présente aucun
caractère spécial ; quelquefois à peine accusée — l'animal
feint, — elle est dans d'autres cas très accentuée —
le cheval boite tout bas. Chez certains animaux, lors de
bleime peu grave, elle est intermittente, apparaissant
par le travail, disparaissant par le repos.
La bleime légère peut ne pas faire boiter : le cheval
reste droit.
Lorsque les chevaux atteints d'une bleime suivent
une route très bombée, ils cherchent à prendre le côté de
cette route qui leur permet de surcharger le pied sain et
de soulager celui qui souffre : le côté droit, si la bleime
siège sur le pied gauche, et réciproquement (Delpérier).
Symptômes locaux. — Le pied bleimeux est chaud
et sensible. H présente en outre des altérations diverses.
Lstehaleur anormale du pied malade est parfois à peine
perceptible ; dans d'autres circonstances, elle s'accuse très
neltement à la main, surtout si celle-ci est mise au
contact du pied par sa face dorsale. On peut démontrer
la chaleur excessive du pied atteint de bleime, en
l'enduisant d'un mélange de terre glaise ou de blanc
d'Espagne et d'eau. L'enduit sèche beaucoup plus rapidement
au niveau du talon malade que sur le talon
opposé.
La sensMlité anormale du pied atteint divers degrés
l'intensité. La percussion méthodique du sabot la met en
• vidence, et permet de localiser étroitement le point où
elle atteint son maximum. Elle se révèle d'ailleurs spontanément
quand on déferre le pied malade; à chaque
coup de hrochoir l'animal réagit.
19.

334 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
Les modifications éprouvées par le sabot et par les tissus
sous-cornés de la région malade sont dénature variable;
on les met en évidence en parant le pied et en amincissant
à la rénette le point où l'on constate de la sensibilité,
une fistule, etc.
Elles ont permis de distinguer plusieurs formes de
bleime (Girard) qu'il convient de conserver et dont
H. Bouley a bien décrit les caractères.
1° La bleime foulée.
2° La bleime sèche.
3° La bleime humide.
4° La bleime suppurée.
5° La bleime compliquée.
Les trois premières variétés de bleime constituent des
bleimes aseptiques ; les deux dernières, des bleimes
infectées et, conséquemment, des bleimes incomparablement
plus graves que les premières.
1° BLEIME FOULÉE. — C'est une bleime bénigne, caractérisée
simplement par une sensibilité légère de la région
du talon. Quelquefois, la corne de la branche de la sole
est luisante, compacte, sa surface de section rappelle celle
de la cire. Cette particularité indique que cette substance
a été infiltrée par un exsudât venu des parties vives.
Quant à celles-ci, elles ne paraissent nullement modifiées,
lorsque l'on amincit à pellicule pour apprécier leur
étal.
2° BLEIME SÈCHE. — Appelée aussi bleime hémorragique,
elle s'accuse par la présence de taches ecchymotiques
rouges ou brunâtres, foncées, au sein de la corne. Ces
taches sont la conséquence des hémorragies sous-cornées
produites par le traumatisme ; elles sont dues à l'infiltration
de la corne par la matière colorante du sang;
elles ne sont visibles qu'autant que la corne qui les
porte est atteinte par l'instrument tranchant. On les met
facilement en évidence, dans la sole, en parant les
branches de cette plaque ; on ne les décèle, pour les

BLEIME. 335
bleimes podophylleuses, existant à quelque distance du
bord plantaire, que lorsque l'avalure les amène sous le
boutoir du maréchal ; elles apparaissent alors sur la zone
commissurale.
Dans certains pieds les ecchymoses sont superficielles,
dans d'autres profondes et même invisibles ; quelquefois
elles sonl étagées, c'est-à-dire séparées par des couches
de corne saine; dans ce dernier cas, la cause de la bleime
a agi par intermittence. Lors de bleime podophylleuse
la corne se fendille parfois dans le sens des feuillets kéraphylleux,
ce qui favorise la production d'une seime.
3° BLEIME HCMIDE. — Elle consiste en un décollement
localisé de la corne. Elle est due à une inflammation
exsudative de la membrane kératogène et à l'accumulation
d'une certaine quantité d'exsudat, à sa surface,
sous la muraille ou sous la sole. Tout autour de ce foyer,
la corne est ramollie et présente une teinte jaune caractéristique.
Cette forme de bleime, comme les deux précédentes,
est une lésion aseptique. Mais le foyer traumatique qui la
constitue se transforme en un foyer de suppuration, dès
que la sérosité devient accessible aux microbes pyogenes,
soit par fissure de la corne, soit que la sérosité, séparant
le tissu podophylleux de la corne kéraphylleuse,
remonte au bourrelet — fuse aux poils — et ouvre la
voie aux agents infectieux.
4» BLEIME SUPPURÉE. — Elle est représentée par l'inflammation
purulente de la membrane kératogène dans la
région des talons. Tantôt cette lésion est primitive,
tantôt elle est le résultat de l'infection d'une bleime
humide. Les conditions nécessaires au développement
de la bleime suppurée se rencontrent fréquemment ; le
contact du sabot avec les litières rend facile l'infection
d'un foyer traumatique primitivement aseptique, grâce
aux fissures de la corne, aux solutions de continuité que
présente le sabot à l'union de la sole à la paroi et

336 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
quelquefois par le fait d'une intervention chirurgicale
dirigée contre une bleime humide.
Le pus accumulé entre le sabot et la membrane
kératogène décolle la sole et la muraille au fur et à
mesure de sa formation et la séparation s'étend parfois
sur une étendue considérable. En règle générale, ce phénomène
s'arrête de bonne heure, car le pus, comme la
sérosité lors de bleime humide, souffle aux poils (bleime
ascendante) où s'ouvre une voie sur la zone commissurale
(bleime descendante).
5° BLEIME COMPLIQUÉE. — Dite encore bleime pénétrante,
bleime fistuleuse, la bleime compliquée est une bleime
suppurée qui, après avoir amené la perforation de la
membrane kératogène, a donné lieu, par suite du contact
du pus avec les organes intérieurs du pied, à des complications
graves et étendues, telles que la nécrose de la
troisième phalange ou de l'aponévrose plantaire,, le
javart, etc.
La bleime compliquée est moins fréquente sur les
pieds à talons bas que sur les pieds à talons hauts. Cette
particularité tient à ce que le pus arrive beaucoup '
plus facilement, dans les premiers, à se frayer un
chemin au dehors.
Diagnostic. — Le diagnostic de la bleime est en général
facile. L'enlèvement du fer, la percussion et la pression
du sabot, l'amincissement de la région sensible,
permettent presque toujours, non seulement de localiser
le mal, mais, aussi, de se prononcer sur la forme de
bleime qu'il s'agit de combattre.
Le pied, déferré sans violence, pour éviter la douleur,
est paré convenablement et comprimé à l'aide des tricoises.
L'amincissement à la rénette permet de reconnaître
les modifications subies par la corne.
Lors de bleime suppurée, on met à nu un foyer purulent
d'étendue variable. Si la bleime est ancienne et
compliquée, on trouve souvent, au niveau du talon, une

BLEIME. 337
fistule, qui, à l'exploration, remonte plus ou moins loin
et aLoutit quelquefois à un clapier spacieux. 11 s'en écoule
du pus sanieux.mal lié, fétide.
Pronostic. — La bleime essentielle et la bleime accidentelle
n'offrent pas la même gravité.
La première, conséquence fréquente de la conformation
vicieuse du pied, disparait difficilement et récidive avec
facilité. La ténacité et les fréquentes récidives de cet
accident sont bien connues. « Une fois une bleime, toujours
une bleime, disent les Anglais, d'après un dicton
répandu (Once a corn altiays a corn). »
La bleime veloutée, provoquée habituellement par un
traumatisme accidentel, est d'un traitement facile, et peut
être sûrement prévenue par une ferrure convenable.
La bleime suppurée est moins grave sur les pieds à
talons bas que sur les pieds à talons hauts, pour la raison
indiquée ci-dessus. Elle peut même guérir spontanément.
La .Tavité de la bleime va progressivement en croissant,
depuis lableime foulée jusqu'à la bleime compliquée.
Les conséquences possibles de la bleime doivent enfin
être prises en considération pour le pronostic. Lors.de
bleime persistante, l'encastelure survient inévitablement
— ou s'accentue si elle est primitive et cause de la
bleime — par suite de l'inertie du coussinet plantaire.
La bouleture apparait par un mécanisme analogue ;
l'appui cessant ou diminuant sur les parties postérieures
du pied, les tendons se rétractent.
Les faux appuis, fréquents dans les pieds douloureux
sont aussi l'occasion d'entorses du boulet plus ou
moins graves.
Anatomie pathologique. — Les lésions de la bleime —
lésions indiquées pour I* plupart dans l'étude des symptômes
de la maladie — ne sont pas toujours visibles.
.-ouventa peu près nulles lors de bleime foulée, elles peuvent
p;i-ser inaperçues lorsqu'elles intéressent le tissu

338 AFFECTIONS DE LA REGION PLANTAIRE.
podophylleux dans ses parties supérieures. C'est ici le cas
de distinguer des bleimes coronaires et des bleimes plantaires
(Chénier) : dans les première», la lésion est cachée
profondément ; dans les secondes, elle peut être facilement
mise à découvert.
Les lésions de la bleime suppurée et de la bleime compliquée
sont surtout intéressantes, non seulement par
la diversité des tissus qu'elles peuvent intéresser, mais
aussi par l'étendue qu'elles peuvent acquérir.
On trouve le tissu velouté et le tissu podophylleux
infiltrés, ramollis; ils laissent écouler, lorsqu'on les
incise, un liquide séro-sanguinolent, lie de vin, infect.
S'il y a nécrose de la troisième phalange, cet os est
friable. Les lésions de l'aponévrose plantaire sont quelquefois
considérables; elles remontent très loin vers le
pli du paturon ; souvent la cavité purulente est occupée
par des séquestres de tissu osseux ou tendineux.
Traitement. — Le traitement de la bleime est préventif
ou curatif.
Le TRAITEMENT PRÉVENTIF varie selon qu'il s'agit de pied»
larges, plats, à talons bas, ou de pieds encastelés, à talons
hauts.
Pour les premiers, on emploie des fers très couverts,
mettant la plus grande partie des branches de la sole à
l'abri des traumatismes. D'après H. Bouley, ce fer doit
dépasser le contour des arcs-boutanls, pour ne point
meurtrir la sole, et présenter des éponges nourries, afin
d'élever les talons et de contre-balancer dans une certaine
mesure la défectuosité du pied (Voy. Défectuosités du pied,
p. 109).
Lorsque les animaux ont à suivre des chemins mal
entretenus, des routes nouvellement empierrées, on
étend la protection à toute la face inférieure du pied, au
moyen d'une plaque de cuir, de caoutchouc, de tôle, que
l'on fixe entre le fer et le pied.

BLEIME. 339
Quand il s'agit de chevaux dont les pieds offrent une
fourchette très développée, on a recours au fer à planche,
mais il est bon de mettre de temps à autre un fer ordinaire
très couvert, afin de ne pas écraser outre mesure la
fourchette et d'éviter la pourriture de cet organe.
La ferrure sera renouvelée assez souvent, afin que le
fer soit toujours assez solide pour ne point fléchir et
venir comprimer la voûte solaire.
Pour les pieds à talons hauts, pour les pieds encastelés,
on évitera l'allongement du pied en renouvelant la ferrure,
et l'on devra recourir aux ferrures entraînant le
fonctionnement du coussinet plantaire. La ferrure Charlier,
la ferrure Lafosse, la ferrure Lavalard-Poret, rendent,
dans ces cas, de très grands services.
Les observations de Mouilleron (I) montrent que cette dernière
est véritablement remarquable dans son rôle préventif
delà bleime. On a relevé, à la Compagnie générale des Omnibus
à Paris, « du 1 er avril 1894 au 1 er août 1895, sur un effectif
moyen de là 300 chevaux, 38 cas de bleimes, savoir : 1 cas de
bleime humide, et 37 cas de bleimes sèches.
» Du 1" août 1895 au 1 er août 1896, sur un effectif moyen de
15500 chevaux, 44 cas de bleimes, à savoir : 1 cas de bleime
suppurée, 3 cas de bleimes humides et 40 cas de bleimes
sèches, soit une proportion d'environ 2,5 pour 1000 chevaux
pendant toute une année. » (Benjamin.)
Or, avant l'adoption de cette ferrure, la Compagnie livrait
chaque année un grand nombre de chevaux à la boucherie par
suite de lésions graves de bleime suppurée; d'autre part,
Delpérier estime à 20 p. 100 le nombre des chevaux bleimeux
parmi ceux employés dans les villes à une allure rapide.
Le TRAITEMENT CURATIP varie suivant la forme de bleime
qu'il s'agit de combattre.
En principe, il faut, dit H. Bouley : 1° supprimer la
cause de la bleime; 2°|gjMnbattre la lésion ; 3° protéger la
région et la soustraire à l'appui jusqu'à ce qu'elle soit
H) Mouillera,, Contribution à fitude des bleimes (Bull. Soc. centr.,
1MÏ, p. 7i. — Benjamin, rapporteur;.

340 AFFECTIONS DE LA RÉGION PLANTAIRE.
reconstituée; 4° prévenir la réapparition de la maladie.
1° Supprimer la cause est facile, lors, de bleime accidentelle
: on enlève le fer qui comprimait le sabot, on
retire le caillou, le bloc d'argile, etc., retenu par le fer.
Pour les bleimes essentielles, la difficulté est plus
grande ; on doit avoir recours aux ferrures capables de
• combattre l'encastelure et de procurer au pied son appui
normal.
2° Traiter la bleime. — La bleime foulée,lu bleime sèchese
traitent par l'amincissement; il faut « dégager la bleime ».
L'amincissement, commencé avec le boutoir ou la
râpe (râpe à bleime), est achevé avec la rénette. Tantôt
il porte sur le talon, que l'on abat, et sur la sole, dont
on diminue l'épaisseur; tantôt il n'intéresse que la sole,
et la muraille est respectée : c'est, dans ce cas, dégager la
bleime à la marchande ou à l'anglaise, ce qui ne modifie pas
l'aspect du pied ; tantôt enfin, il occupe la moitié postérieure
du quartier et l'arc-boutant. L'amincissement est
suffisant lorsque la corne fléchit facilement sous le doigt.
Lors de bleime humide, il faut également amincir, mais
il ne faut point mettre à nu le point décollé. On se contente
de ponctionner la collection séreuse pour permettre
au liquide de s'écouler.
Le pied est ensuite placé dans un cataplasme émollient.
Pour la bleime humide, il importe d'employer des
cataplasmes antiseptiques, afin de prévenir, dans la
mesure du possible, l'infection du foyer, qui transformerait
la bleime humide en bleime suppurée.
La bleime suppurée réclame encore l'amincissement^
mais, en plus, l'ouverture large du foyer de suppuration,
et son aseptisation complète. Un pansement antiseptique
est appliqué. Chaque jour on le renouvelle.
La bleime compliquée doit être combattue par une
intervention chirurgicale énergique. Qu'il y ait simple
mortification du tissu velouté ou du tissu podophylleux,
ou qu'à cette lésion se joigne delà nécrose de la troisième

BLEIME. 341
phalange, du cartilage complémentaire, de l'aponévrose
plantaire, etc., il est indiqué d'exciser, en totalité, les
tissus mortifiés, de transformer les trajets fistuleux et les
clapiers en une plaie régulière à surface nette.
L'opération de la bleime compliquée, ne peut donc être
précisée dans sa technique. Lorsque la nécrose de l'aponévrose
plantaire remonte très haut, en un point inaccessible,
on passe un drain dans le pli du paturon afin
de pouvoir faire ultérieurement et sans difficultés des
injections dans le foyer traumatique.
3° Supprimer l'appui au niveau delà bleime dégagée ou
opérée est indispensable pour permettre au talon
bleimeux de se reconstituer et à la lésion de disparaître.
On peut employer pour cela soit un fer à planche prenant
son appui sur la fourchette (fig. 118), soit le fer sousplantaire
de Delpérier, plaque métallique sur laquelle le
pied repose par l'intermédiaire de la paroi, des barres et
de la sole, échancrée en arrière pour permettre à la fourchette
d'arriver sur le sol, soit enfin le fer à bleime
(Goyau), (fig. 119) dans lequel le bout de la branche
est taillé en biseau à la lime de dessus en dessous en
engard de la bleime. Les fers à branche tronquée (ordinaires
ou à planche; (Lungwitz) ne protègent pas les
parties malades.
i" Prévenir lu récidive. — (Voy. Traitement préventif).

342 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED,
Contre les bleimes récidivantê8sfftenaces,lanévrotomie,
est quelquefois nécessaire (Peuch).
AFFECTIONS INFLAMMATOIRES
NON TRAUMATIQUES DU PIED.
I. — FOURBURE.
Définition. — La fourbure consiste dans l'inflammation
généralisée de la membrane kératogène et, souvent
aussi en même temps, delà troisième phalange; elle
paraît devoir être considérée comme une forme de localisation
d'un état général toxi-infectieux.
Historique. — Elle est connue depuis fort longtemps et a
été décrite par les vétérinaires grecs. Xénophon parait être le
premier auteur qui en fasse mention (1), dans son remarquable
Traité de l'équitation. Étudiée avec soin par les hippiatres du
siècle dernier, on a peu ajouté depuis à son histoire clinique.
Étymologie. — Synonymies. — L'origine du mot fourbure
n'est pas exactement connue. D'après Liltré, il faut la voir
dans les mots foris et bibere (boire hors de propos), contractés
et réunis pour donner l'ancien verbe forboire, d'où fourbure,
la maladie étant attribuée à ce que le cheval buvait avec excès
ou à contre-temps. Moulé la trouve dan» forbea ^aliments) et
utere (user, abuser) (2). Lenglet-Mortier pense que cette
appellation est tirée du vieux gaulois : four (courage, ardeur,
énergie) et bu, but (privé de, sans, hors de) (3). Huzard fait
dériver fourbure de hordeum, prouoncé autrefois forbeum (4).
La fourbure paraît avoir été désignée tout d'abord sous le
nom d'hordéation (Voy. Étiologie).
(1) Moulé, Histoire delà médecine vétérinaire dans l'antiquité (Bull. Soc.
centr., 1890, p. 533; 1891, p. 279).
(2} Moulé, Histoire de la médecine vetirinaire. au moyen âge (Bull. Soc.
centr., 1900, p. 57».
(3) l.eng\et-Morlier,Étymologie du mot fourbu (Bec. de mid. vét., 1858,
p. 944).
(4) Huzard fils, Conjectures sur l'origine ou l'étymologie du nom de la ma
ladie connue dans les chevaux sous le nom de fourbure, I8Î7.

FOURBURE AIGUË. 343
Un a cherché à substituer au mot fourbure, qui a prévalu,
d'autres appellations. Vatel appelle la fourbure apoplexie réticulaire;
Percivall, laminite (l); d'autres, podophyllite diffuse.
Cadiot et Almy la désignent sous le nom de dermatite podophyllienne
diffuse aseptique.
La fourbure se montre sous deux formes très nettement
distinctes au point de vue clinique : la forme aiguë
et la forme chronique. Il convient de les envisager successivement.
FOURBURE AIGUË-
Étiologie. — On connaît bien la plupart des circonstances
dans lesquelles la fourbure aiguë peut apparaître,
et les premiers auteurs ont distingué la fourbure par excès
de travail de la fourbure résultant d'une alimentation excessive
(Solleysel, G. de Saunier, etc.). Plus tard, on a reconnu
l'existence d'une fourbure traumatique, d'une fourbure
rhumatismale et d'une fourbure métastatique (fourbure se?
condairej. H. Bouley, en 1862, distingue une fourbure
" qui ne serait que l'expression localisée d'un état morbide
général préexistant » et une fourbure « qui dépend
de causes exclusivement locales » (2).
Il y a lieu de considérer une fourbure essentielle ou
idiopathique et une fourbure secondaire ou symptomatique
(métastatique).
A. Fourbure essentielle. —La fourbure essentielle
comprend des causes prédisposantes et des causes
occasionnelles.
Causes prédisposantes. — POIDS DE L'ANIMAL. — Les
chevaux lourds sont plus sujets à la fourbure que les
chevaux légers. Cette particularité doit résulter de
l'intensité plus grande des réactions sur le pied lorsque
le cheval est en exercice.
fi) Percivall, Bec. de mid. vil., 1S5I, p. «26; 18S2, p. 70 et 37.»(analyses).
(î) H. Bouler, Dictionnaire de méd.chir. et hyg. vêt., art. FOUHBIWE, t. VII.

344 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
TEMPÉRAMENT. — La fourbure s'observe plutôt sur les
animaux vigoureux, pléthoriques,' que sur les animaux
à tempérament lymphatique. Les chevaux énergiques,
vites, y sont plus exposés que ceux qui marchent naturellement
à une allure lente.
MODE D'ALIMENTATION. — La maladie, d'après H. Bouley,
se développe plus facilement sur les chevaux qui mangent
régulièrement une forte ration de grains, que surceux qui
en consomment peu.
SAISON. — La fourbure se voit plus fréquemment en
été qu'en hiver; ce fait tient sans doute à ce que les
animaux font de plus longues courses.
DÉFAUT D'ENTRAÎNEMENT. — Le manque d'entraînement
a ici une grosse importance. La fourbure se montre souvent
sur des chevaux qui, tenus au repos absolu ou
faisant peu d'exercice, sont soumis tout à coup à quelque
travail pénible.
CONFORMATION DU PIED. — Les pieds plais, d'après
Girard, les pieds larges, d'après Percivall, les pieds étroits,
d'après Môller, sont prédisposés à la fourbure. Ces distinctions
n'ont que peu de valeur. H. Bouley a écrit avec raison
« que la fourbure peut s'attaquer également à tous
les sujets, quelle que soit la conformation de leurs
ongles ».
, SERVICE. — Les chevaux employés à une allure rapide,
tels les chevaux de diligences, sont plus fréquemment
atteints de fourbure que ceux que l'on fait travailler,
au pas (H. Bouley).
Causes occasionnelles. — Dans la très grande majorité
des cas, la fourbure apparaît : soit comme conséquence
d'une alimentation intensive, passagère ou prolongée,
avec des grains ou des céréales en herbe; soit à la suite
d'un travail exagéré. Le re/roidissemecî^est également
incriminé. ***
ALIMENTATION INTENSIVE. — L'influence d'une telle alimentation
est signalée depuis très longtemps, surtout en

FOURBURE AIGUË. 345
ce qui concerne les céréales en grains, en farine ou en
fourrages verts.
L'ingestion accidentelle d'une forte ration ou l'administration
d'une ration quotidienne, d'orge, d'avoine,
de blé, de seigle, de fèves, de farine quelconque, à des
animaux non habitués à cette nourriture, est souvent
suivie de fourbure.
Il en est de même lorsque les chevaux mangent
copieusement des céréales sous forme de fourrage vert,
notamment lorsque la plante est en fleurs (G. de Saunier).
L'action exercée par l'orge avait paru tellement nette
aux yeux des agriculteurs latins, que la fourbure avait
été désignée par eux sous le nom d'hordeatio (de hordeum,
orge).
De nombreux faits montrent l'influence de l'alimentation
intensive à l'aide des céréales en grain ou en herne.
Rode t. pendant la guerre d'Espagne, a observé de nombreux
cas de fourbure sur des chevaux ayant mangé de l'avoine « et
qui n'avaient plus l'habitude de cette nourriture ». Cet auteur a
également vu « le blé mangé en vert, même avant d'être noué,
et quoiqu'en petite quantité, déterminer souvent la maladie
»(1).
H. Bouley rapporte que pendant le siège de Paris, en 1870-
1871, la commission chargée d'acheter des chevaux pour la
boucherie rencontra beaucoup de sujets fourbus, par suite de
jftajnientation en blé qu'ils recevaient; des propriétaires,
Tpeu scrupuleux, détournaient le blé destiné à l'alimentation
de la Tille assiégée pour le donner à leurs animaux.
Le même auteur a vu aussi la fourbure se montrer sur des
chevaux, affectés d'une fracture des maxillaires, que l'on alimentait
à l'aide de breuvages farineux.
Miltemberger a constaté la fréquence de la fourbure sur les
chevaux de la Grande Armée, nourris de seigle dans les
plaines de la Pologne.
Les fourrages artificiels, la luzerne, le trèfle, possèdent,
d'après bon nombre d'auteurs, les mêmes propriétés que
1) Cité' par II. Bouley.

346 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
les céréales en herbe. Le trèfle, surtout, serait dangereux.
D'après G. de Saunier, ces aliments agissent surtout
lorsqu'ils ont été entassés et qu'ils se sont « échauffés ».
TRAVAIL EXCESSIF. — L'influence du travail exagéré se
traduit souvent d'une manière frappante. Tantôt il s'agit
réellement d'un travail excessif imposé à l'animal, tantôt
il n'y a simplement qu'exécution d'un effort, léger à
première vue, une petite course par exemple, demandé
à un animal sortant d'un repos prolongé.
Les exemples de chevaux devenus fourbus à la suite
d'une marche trop prolongée ou d'une course trop rapide,
sont fréquents. Au temps où le service des postes et les
diligences employaient de nombreux chevaux, la' fourbure
était fréquente sur ceux qui venaient d'être affectés
à ce service souvent pénible et toujours aussi rapide que
le permettaient l'état des routes et le relief du sol (1).
L'excès de travail se réalise, en ce qui concerne l'apparition
de la fourbure, avec la plus grande facilité,
lorsqu'il s'agit d'individus restés pendant un certain
temps dans l'immobilité. Il suffit parfois d'une marche
de quelques kilomètres pour que la maladie se déclare.
Le repos forcé sur les navires, lors de transport de
quelque durée, est, à cet égard, extrêmement dangereux.
Castley, vétérinaire anglais, a observé le fait suivant,
rapporté par Percivall dans son Hippopathologie : Pendant la
guerre d'Espagne, en 1808, une brigade, dans laquelle il remplissait
les fonctions de vétérinaire, fut expédiée d'Angleterre
en Espagne. Par suite de la persistance de vents contraires,
cette troupe fut retenue en mer, et mit pied à terre, à la
Corogne, avec un retard de trois semaines.
Les chevaux furent aussitôt dirigés vers le théâtre de ta
guerre, par échelons, marchant à un jour de marche de
distance les uns des autres. Il y en avait neuf.
(1) D'après une observation d'Anger, la fourbure que l'on observe à la
suite d'une course rapide pourrait se localiser socle tissu velouté, et épargner,
contrairement à ce qui s'observe d'babitude, le tissu podophylleux.
Anger, Quelques considérations sur un cas de mort occasionné par la
fourbure (Journ. de méd. vét. milit., t. II, 1863-64, p. 337).

FOURRURE AIGUË. 347
Castley, qui marchait avec le dernier, trouva à sa première
étape vingt chevaux fourbus, provenant pour la plupart de
l'échelon de tête. Il en fut de même aux étapes suivantes. Les
animaux furent frappés, en nombre d'autant plus élevé dans
chaque échelon, que celui-ci s'était mis en marche plus tôt.
Lorge a observé un fait semblable, plus démonstratif
encore. Quarante-six chevaux, qui avaient été transportés
d'Odessj à Anvers en bateau, et d'Anvers à Bruxelles en
wagon, tombèrent tous fourbus, en arrivant à destination : ils
avaient dû parcourir 8 kilomètres aussitôt après leur débarquement
(1).
L'excès de travail, envisagé dans un bipède, l'antérieur
surtout, et même dans un seul membre, peut produire
dans ce bipède ou dans ce membre le même effet qu'une
marche fatigante sur les quatre pieds. Les chevaux
maintenus debout pour une cause quelconque (coups de
pied faisant craindre une fracture au moment où l'animal
quitte le décubitus, phlébite de la jugulaire afin d'éviter
les mouvements de l'encolure qui ébranleraient le caillot,
mal de garrot pour empêcher les frottements, etc.),
contractent quelquefois la fourbure, par fatigue excessive
du bipède antérieur. Il en est de même lorsque, à la
suite d'une maladie ou d'une opération sur un membre
(javart, clou de rue, seime compliquée), l'animal est
immobilisé et prend exclusivement son appui sur le
membre opposé.
REFROIDISSEMENT. — Le refroidissement peut occasionner
la fourbure dite rhumatismale. Solleysel, G. de Saunier,
Lafosse, Chabert, Hurtrel d'Arboval, Héring, etc., ont
écrit que la maladie arrive surtout lorsque les chevaux en
sueur sont exposés au froid ou mis au bain (2).
fl) Lorge, Pseudo-fourbure observée sur un transport de chevaux venant
d'Odessapar voie maritime (Ann. de mid. vêt., 1886, p. 58).
12) J.-J. Rigot, qui considérait la fourbure comme une simple congestion
du tissu réticulaire du pied, favorisée par ce fait que le sang qui s'éloigne de
ce lî««»j a à lutter contre la pesanteur, pensait que le Iravail escessif accom-
[Mïrje de sueur favorisait l'apparition de la maladie en rendant le sang,
privé de • sa partie séreuse », plus plastique, moins apte à circuler dans le
pied {Bec. de mid. vét., 182», p. 269).

348 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU 1MISD.
B. Fourbure secondaire. — La fourbure secondaire,
ou fourbure métastatique (Percivall), est moins
connue que la fourbure idiopathique. Elle apparaît comme
une complication de certaines maladies infectieuses
et doit être considérée comme une localisation microbienne.
Hertwig prétend que la fourbure s'observe quelquefois
après les affections rhumatismales, notamment le rhumatisme
aigu.
Il est un fait d'observation connu de tous les cliniciens,
•c'est que la maladie peut apparaître sur des animaux
atteints d'anasarque, de pneumonie, de fièvre typhoïde,
d'angine (Schlottmann) (1), etc., ou sur les sujets'guéris
depuis peu de temps de l'une de ces affections.
Blin a observé une jument âgée de cinq ans, atteinte de
pleurésie purulente unilatérale à droite et traitée par les lavages
de la cavité pleurale, qui, chaque fois qu'où cessait les lavages,
présentait des signes de fourbure (2).
Dans d'autres cas, la maladie succède à une congestion
intestinale, à une indigestion (H. Gorby), à l'administration
d'un purgatif énergique (Cartledge) (3). H. Bouley
•attribue la fourbure, dans ces derniers cas, à la dépression
des forces qui survient chez le sujet, dépression
qu'il rapproche des troubles vaso-dilatateurs locaux qui
succèdent à la section du grand sympathique, à l'extirpation
du plexus solaire, etc. (4).
Dans le cadre de la fourbure secondaire se range
«ncore la fourbure departurition (5) qui succède habituellement
à un accouchement dystocique ou à l'avortement,
(1) Schlotlmann, Arch. vêt., 1876, p. 549.
(2) Blin, Bull. Soc. centr., 1898, p. 377.
(3) Corby, Cartledge, The veterinarian 1855, an. Journ. des vét. du Midi,
1856, p. 37 et 229.
(4) H. Bouley, Chronique du Bec. de mid. va'.., 1875, p. 12. — Biot,
Ibid., p. 205.
(5j Voy. Obstétrique vêt., par J. Bournay.

FOURBURE AIGUË. 349
— Gloag l'a observée sur une jument ayant avorté au
troisième mois de la gestation (1) — et qui parait résulter
d'une infection de la membrane kératogène, d'origine
utérine.
• Bissauge pense que bon nombre de cas de fourbure résultent
d'une lésion cardiaque : hypertrophie, insuffisance valvulaire,
etc., donnant lieu à des troubles congestifs actifs (hypertrophie)
ou passifs (insuffisance), qui peuvent produire la
fourbure ou tout au moins favoriser son apparition.
Ces lésions cardiaques résultent souvent d'une maladie
générale, pneumonie, pleurésie, etc. L'auteur incline à penser
quela fourbure qui s'observe ainsi chez les chevaux cardiaques
n'esten réalité qu'une conséquence éloignéede cesaffections (2).
Pathogénie. — Le fait que la fourbure est plus fréquente
sur les pieds antérieurs que sur les pieds postérieurs
indique nettement, étant donné le rôle de soutien dévolu
au bipède thoracique, que la maladie doit trouver
sa cause principale dans l'intensité des réactions que subit
le sabot en percutant le sol.
L'influence des réactions ou des pressions peut seule
être invoquée, lorsqu'il s'agit d'animaux sortant d'un
repos prolongé, ou de ceux condamnés à un appui
constant par suite d'une maladie de pied intéressant le
membre opposé, ces animaux ne recevant ordinairement
pas une forte ration de grains.
Mais cette influence du travail du pied n'est pas cependant
déterminante ; elle crée seulement dans cet organe
UH locus minoris résistentix, grâce auquel la maladie
peut s'établir. Tout dans la symptomatologie, dans la
forme et la généralisation des altérations anatomiques,
et/jusque dans les résultats de certains modes de traitement,
démontre l'existence d'un état général morbide
(I) Gloag, Bec.de méd. vêt., 1852, p. 379.
(i) Bissauge. Les affections du cœur et la fourbure aiguë citez le cheval
(Bec. de méd. vit., H9.j, p. 274,.
Chirurgie du pied. 20

350 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
dont la fourbure serait seulement une forme de localisation.
"ÇA
La fourbure dite idiopathique qui, au point de vue
clinique, ressemble absolument à la fourbure secondaire,
ne se distingue de celle-ci, au point de vue étiogénique,
que parce que la cause générale spécifique n'est pas déterminée.
Cette conception n'est point exclusive du rôle attribué
à l'alimentation ou au refroidissement dans l'étiologie
de la fourbure. Le surmenage digestif et le froid étant
des conditions particulièrement favorables aux infections
ou aux intoxications organiques.
La fourbure apparaît donc comme une maladie générale,
au même titre que la pneumonie,la pleurésie, etc..
D'ailleurs, de même que la fourbure peut succéder à ces
affections, elle peut en être suivie. Grégory a vu un
cheval guérir très vite de la fourbure et présenter une
pleuro-pneumonie mortelle (1). Nous avons observé le
même fait.
Symptômes. — La fourbure se traduit par des symptômes
généraux et par des symptômes spéciaux, rationnels
ou locaux.
SYMPTÔMES GÉNÉRAUX. — Les symptômes généraux s'ob-r
servent les premiers. Ils n'ont rien de précis et se
montrent seuls, pendant un temps variable, de une heure,
deux heures jusqu'à un ou deux jours, depuis* le moment
où la cause a agi jusqu'au moment où les manir
festations locales éclatent.
Le futur fourbu présente de l'abattement, de la raideur
du rein, des tremblements musculaires. Les muqueuses
visibles sont congestionnées, la bouche pâteuse, les excréments
durs, coiffés et fétides, les urines rares. Le pouls
est plein et fréquent; les mouvements respiratoires sont
(1) Grégory, Pneumonie consécutive à la fourbure (Journ. des vét. du
Midi, 1855, p. 474).

FOURBURE AIGUË. 351
nombreux, les battements du cœur violents. Ce sont là, en
somme, les signes ordinaires de la fièvre, dont l'élévation
de température, accuse le degré, généralement élevé.
L'inflammation de la membrane kératogène s'étant
établie et ayant acquis une intensité suffisante pour que
les symptômes locaux apparaissent, ceux-ci constituent
par leur netteté et leur vigueur la dominante de la
scène. Les bippiatres, frappés par le changement d'allure
que revêtait la maladie à partir de ce moment, par suite
de la localisation de l'inflammation, disaient dans leur
langage pittoresque, que fa fourbure tombait dans les
sabots.
SYMPTÔMES RATIONNELS. — L'apparition des symptômes
spéciaux entraine, chez le malade, des changements
d'attitude sur lesquels il convient d'insister tout d'abord.
La fourbure atteint tantôt les deux pieds antérieurs,
tantôt les deux pieds postérieurs, tantôt enfin les quatre
pieds ; de là, une fourbure antérieure, une fourbure postérieure
et une fourbure générale. La fourbure unipodale
doit être également distinguée. Jamais la fourbure
n'atteint un bipède latéral.
En règle générale, le cheval fourbu cherche toujours:
1° à soulager son membre malade, 2° à prendre appui
sur le sol par la région des talons, sur les glomes de la
fourchette, là où un coussin naturel adoucit les pressions
et amortit les réactions.
Fourbure antérieure. — Dans le cas de fourbure antérieure,
le cheval porte les quatre membres en avant, les
antérieurs pour localiser l'appui en talons, les postérieurs
pour les faire participer au maximum au soutien
du corps.
Le malade ne se déplace pas ; il trépigne, lève alternat
ivement chaque pied, surtout les antérieurs, et, par
la répétition de ces mouvements, aplatit la litière en
cuvette sous chaque sabof. Il faut des excitations répf'tf'•":-.,
parfois même violentes, pour le faire marcher.

352 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Le pas commence toujours par le déplacement d'un
membre p'ostérieur, puis le pied fourbu est porté à une
pelite distance de son congénère^ Celui-ci à son tour se
déplace et le patient gagne ainsi, au prix de vives souffrances,
une faible étendue de terrain. Lorsque l'on
persiste à le faire marcher, la douleur s'atténue dans
une certaine mesure, et chez certains sujets, après un
exercice de dix à quinze minutes, l'allure est redevenue
facile et les aplombs normaux. Le poser des membres
antérieurs, surtout au début de la marche, est doux,
hésitant; celui des membres postérieurs est au contraire
brusque, saccadé, bruyant sur le pavé.
Les animaux couchés quand on les force à se remettre
debout se relèvent à la façon des bovidés ; ils se dressent
sur les membres postérieurs et, par un violent mouvement
de cabrer, reprennent la station quadrupédale.
Fourbure postérieure. — S'il s'agit de fourbure postérieure,
le malade se maintient dans un rassembler exagéré.
Les membres antérieurs sont ramenés le plus
possible en arrière, pour soutenir le corps; les membres
postérieurs sont portés en avant, pour effectuer ,,leur
appui en talons. La tête et l'encolure sont fortement
abaissées pour soulager l'arrière-main.
Cette position est très instable et très fatigante.' Le
malade n'effectue aucun déplacement; tourmenté par
la soif, il ne s'avance même pas pour boire, tellement
la crainte d'une chute est grande.
La démarche est plus pénible et plus douloureuse que
dans le cas de fourbure antérieure et le malade ne se
décide à avancer qu'après de vives excitations. Le pas
débute par un membre antérieur qui, avec hésitation,
se pose aussitôt pour permettre au membre postérieur
diagonalement opposé de suivre le mouvement. Le jeu des
membres se poursuit par le lever du membre antérieur,
suivi du déplacement du deuxième membre postérieur.
Contrairement à ce qui se passe dans la fourbure anté-

FOURBURE AIGLE. 353
rieure, le poser des membres postérieurs est hésitant et
sans sonorité.
Les fourbus des pieds postérieurs gardent en général
moins longtemps la position quadrupédale que les fourbus
des pieds de devant. Lorsque la fatigue les a obligés à
se coucher, il est incomparablement plus difficile de les
faire lever que lors de fourbure antérieure, par suite
des efforts que le relever demande aux membres pelviens.
Le malade lève la tête et allonge les membres antérieurs ;
mais, lorsqu'il >'ai.'it de se soulever avec les membres
postérieurs, la souffrance que lui cause la pression des
pieds est si grande, qu'il renonce souvent à l'effort et
retombe sur la litière.
La marche, lorsqu'elle est possible, amène encore ici
en peu de temps une amélioration considérable.
Fourbure générale. — Les chevaux affectés de fourbure
générale rappellent à première vue, par leur attitude,
ceux qui souffrent de fourbure antérieure. Les quatre
membres sont portés en avant; mais, les symptômes
locaux indiqués ci-dessous, la difficulté, égale pour tous
les j|j«mbre5, de se mouvoir, indiquent nettement la
quadmpêdisation du mal. La souffrance atteint son
maximum dans cette forme de fourbure et la chute de
l'animal se produit rapidement. Couché, il résiste aux
excitations ou ne se lève qu'après la plus grande hésitation.
Fourbure unipodale. — Lorsque la fourbure n'affecte
qu'un pied, par le fait d'une maladie du pied opposé,
l'animal porte le membre en avant et piétine, surmontant
la douleur qu'il éprouve à se servir du membre primitivement
malade.
SYMPTÔMES LOCAUX. — Chez tous les chevaux fourbus,
!?« «ymptômes locaux s'observent avec facilité.
/ -niM est chaud ; l'excès de chaleur est facilement
P< KIJ, f n portant alternativement la main sur un pied
s a in r-\ ,UT. Ijn pied fourbu.
20.

3S4 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Le sabot est sensible ; lorsqu'on le frappe avec le percuteur,
l'animal le retire ou accuse par un mouvement
général du corps une souffrance plus ou moins vive.
Le sabot se déforme; on remarque assez souvent, plus
ou moins rapidement selon les malades, un léger bombement
de la sole entre la pince et la pointe de la
fourchette.
Le pouls devient perceptible ou plus facilement perceptible
(chevaux fins) sur les artères collatérales du canon
et sur les artères digitales.
Marche. — L'apparition des symptômes spéciaux laisse
place aux symptômes généraux qui, apparus les premiers,
persistent et se complètent. Les uns et les autres se
maintiennent, s'atténuent ou s'aggravent suivant l'allure
de la maladie.
Celle-ci ne présente pas en effet toujours le même
degré d'intensité. Chez certains fourbus, elle modifie
relativement peu la physionomie et ne s'accuse que par
une gêne plus ou moins accentuée de la locomotion et
des symptômes généraux peu accusés; chez d'autres, les
souffrances sont intolérables et l'état général est troublé
d'une manière extrême.
Lors de fourbure nettement établie, les animaux se
tiennent immobiles, la tête allongée; leur faciès exprime
la douleur; l'œil est anxieux; les narines sont dilatées
et les muqueuses fortement congestionnées, parfois
jaunâtres. Le rein est raide,voussé. Le ventre est levrette
et la corde du flanc de plus en plus apparente. La respiration
est fréquente. L'artère est tendue ; on compte de
soixante à quatre-vingts pulsations à la minute. L'animal
urine rarement, parce qu'il éprouve des difficultés à se
camper.
Pendant le décubitus, on remarque des lancinations
dans les membres malades. Des excoriations nombreuses
ne tardent pas à se montrer sur les parties saillantes
du corps en contact avec la litière. Les animaux

FOURBURE AIGUË. 355
maigrissent rapidement. Lapoussée jeune a noté sur un
animal de l'hyperesthésie marquée et un affaiblissement
considérable delà fonction visuelle (1).
La maladie dure de deux à douze jours.
Terminaisons. — On reconnaît un certain nombre de
terminaisons à la fourbure aiguë : la résolution, l'hémorragie,
l'exsudation, la gangrène, le passage à l'état
chronique.
La RÉSOLUTION est la terminaison la plus heureuse.
Tantôt elle se produit d'une manière rapide, du jour au
lendemain (délitescence) ; tantôt elle s'effectue lentement
et demande, pour être définitive, quatre, six, huit jours
et même davantage. Il persiste pendant un certain temps
dans la membrane kératogène une sensibilité plus ou
moins vive et une prédisposition plus ou moins accentuée
à une nouvelle inflammation. Les animaux doivent être
remis en service avec précaution.
Cette terminaison, conséquence habituelle d'un traitement
rationnel appliqué en temps voulu, peut se produire
jusqu'au douzième jour, exceptionnellement jusqu'au
quinzième, selon l'intensité et la marche de l'inflammation.
Ce délai passé, la fourbure passe à l'état chronique
et revêt une autre physionomie. Elle s'annonce par
l'atténuation progressive des symptômes locaux et généraux
et par la réapparition de la liberté des mouvements
des membres.
L'ÉTAT CHRONIQUE peut être considéré comme définitivement
établi lorsque, à la fin de la deuxième semaine,
l'état du malade ne s'est pas amélioré d'une manière
très sensible.
L'HÉMORRAGIE est un accident, plutôt qu'une terminaison
de la fourbure. Elle se produit de bonne heure
au deuxième ou au troisième jour, rarement plus tard.
1 Laponne» |çune, Surun cas de fourbure aiguicompliquée d'accidents
nen'ur et di perte momentanée de la mie (Journ. des vét. du Midi, 1846,

J56 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Elle résulte de l'intensité extrême du processus congestif
dont la membrane kératogène est le siège et donne lieu
à une accumulation de sang plus ou moins considérable
entre le tissu podophylleux et la corne kéraphylleuse.
Quand on songe à la force qu'il faut déployer pour
avulser une partie quelconque du sabot, lors d'une opération
nécessitant cette manœuvre, on est surpris de
voir le sang effectuer dans la fourbure un désengrènement
aussi difficile à obtenir à main armée.
Quoique soutenus par l'enveloppe cornée, les vaisseaux
superficiels de la membrane kératogène, altérés sans
doute par l'inflammation, se laissent distendre à l'exoès
sous l'influence de la poussée sanguine qu'ils subissent
et finissent par se rompre. Le sang mis en liberté, toujours
soumis à la pression vasculaire dans l'espace restreint
où il s'accumule tout d'abord, s'étale sur la membrane
kératogène, sépare les lamelles podophylleuses
des lamelles kéraphylleuses.
Les dimensions du sabot étant invariables, l'hémorragie
ne peut atteindre une certaine importance qu'autant
que la cavité où se collecte le liquide sanguin peut
s'agrandir. Elle s'agrandit par suite du déplacement
de la troisième phalange. Celle-ci bascule, son bord
antéro-inlérieur quitte l'angle d'union de la sole à la
muraille pour venir appuyer sur le plancher du sabot.
Chez certains sujets, le sang parvient à décoller le
bourrelet et fait irruption au dehors. Ponchy (1) a observé
la chute du sabot, par suite de l'étendue du décollement.
L'hémorragie s'accuse par de violentes douleurs ; les
animaux se couvrent de sueur et leur faciès crispé indique
des souffrances atroces. Très souvent ils tombent
épuisés. Toutefois ces souffrances ne sont pas spéciales à
l'accident dont nous nous occupons ici, et pour le recon-
(1) Ponchy, Sur la fourbure aiguè, suivie de la chute des deux sabots
postérieurs (Mém. ae la Soc. vét. du Calvados et de la Manche, année 1837).

FOURBURE AIGUË. 357
naître, en dehors des cas où le sang apparaît au dehors,
il faut creuser une rainure circulaire sous le sabot, à
l'union de la muraille et de la sole, et ouvrir le foyer
hémorragique. Impossible sur l'animal debout, cette
opération ne peut être pratiquée qu'en fixant convenablement
les animaux que la douleur a étendus sur la
litière.
L'EXSUDATION constitue une terminaison presque, aussi
grave que l'hémorragie. Dans certaines formes inflammatoires,
la membrane kératogène se recouvre d'un
exsudât fibrineux ou séro-fibrineux qui s'interpose entre
le tissu podophylleux et la muraille.
Ce phénomène donne lieu à des souffrances très vives,
intolérables qui peuvent provoquer du vertige et
même occasionner la mort ; mais il n'amène habituellement
aucune modification extérieure appréciable
du sabot. Il faut, pour le rendre visible, creuser,
comme dans les cas d'hémorragie, une rainure circulaire
à la face inférieure du pied et en pince. On
constate alors que la corne kéraphylleuse est infiltrée et
roogeàtre et qu'elle est séparée du podophylle par de la
sérosité plus ou moins épaisse.
Dans quelques cas cependant, la sérosité remonte vers
le bourrelet et le décolle — elle souffle aux poils. Elle se
montre alors au dehors sous la forme d'une mousse rougeàtre
dont la formation est provoquée par les mouvements
de l'animal.
La SUPPURATION, distinguée comme terminaison de la
fourbure, ne représente ordinairement qu'une complication
de cette maladie ; elle se produit, dit-on, lorsque
le foyer inflammatoire s'infecte. Cependant, il n'est pas
prouvé que la suppuration soit toujours due à une infection
hétérogène. Comme toutes les inflammations,
celle de la membrane kératogène peut aboutira la formation
du pus.
La GANGRENÉ est WM. iènainaison redoutable due à la

358 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
compression intense que smbit la membrane kératogène
par suite de la présence de sang ou d'un exsudât, sérofibrineux
à sa surface. Elle se produit aussi avant tout
épanchement, lorsque la congestion delà membrane est
excessive et que le sabot écrase les tissus gonflés.
Des infections spéciales, nécrosantes, peuvent aussi
jouer un rôle actif dans ce processus.
La mortification est tantôt généralisée, tantôt localisée
en un point de la membrane kératogène où la compression
a été exceptionnellement vive.
Contrairement à ce qui se passe lors d'hémorragie et
d'exsudation, la gangrène s'annonce par des signes de
retour à la santé. Le malade semble moins souffrir et
l'appui se montre normal ; mais le refroidissement local,
la prostration de l'animal, la petitesse du pouls, etc.,
montrent à l'observateur que la situation est de plus en
plus grave. Le malade finit par tomber ; il meurt au bout
de yingt-quatre à quarante-huit heures.
Lorsque la gangrène se localise, elle affecte surtout les
parties antérieures du sabot et intéresse le tissu podophylleux
et le tissu velouté. En pareil cas, on ne note
pas d'amélioration, le malade reste tourmenté par des
douleurs intolérables jusqu'à ce que les tissus mortifiés
soient éliminés.
Diagnostic. — Le diagnostic de la fourbure présente
des difficultés plus ou moins grandes suivant la phase de
la maladie et la forme qu'elle revêt.
A la période initiale, avant toute localisation nette, il
est impossible de porter un diagnostic précis. Lorsque
l'inflammation s'est développée d'une manière suffisamment
intense sur un, deux ou quatre pieds, l'attitude
des malades et les symptômes locaux, permettent de
reconnaître assez facilement la maladie. Mais, dans certains
cas de fourbure légère, le diagnostic est plus difficile.
La fourbure antérieure, la fourbure générale, la four-

FOURBURE AIGUË. 359
bure postérieure se distinguent sans trop de difficultés les
unes des autres, par l'attitude du malade, par la localisation
des symptômes locaux sur le bipède antérieur
ou le bipède postérieur ou par leur généralisation aux
quatre pieds.
Diagnostic différentiel. — La fourbure postérieure
peut, à première vue, être confondue avec l'effort de
reins. Le poser en talons, la sensibilité du pied, un
bombement plus ou moins visible de la sole,l'infiltration
des couches profondes de cette plaque, permettent de
faire la distinction.
La fourbure suraiguë des mêmes pieds peut simuler la
paraplégie aiguë lorsque les malades restent couchés. Les
renseignements sur les débuts du mal, la sensibilité des
pieds à la percussion feront éviter l'erreur.
Le tétanos, qui, dans certaines circonstances, rappelle
la fourbure aiguë par la difficulté qu'il apporte à la
marche, en sera distingué facilement par la contracture
des muscles, le trismus, la projection du corps clignotant
au-devant de l'œil, etc.
Pronostic. — La fourbure aiguë doit être considérée
comme une maladie grave, mais sa gravité est plus ou
moins grande suivant les circonstances dans lesquelles la
maladie se produit.
La fourbure postérieure est moins grave que l'antérieure
et celle-ci, à son tour, est moins grave que la
fourbure générale.
La fourbure est plus grave sur les animaux lourds,
sur les sujets employés à des services rapides, sur les
chevaux distingués et irritables que sur les individus
légers et que sur ceux utilisés à une allure lente ou
dont le tempérament est lymphatique. On admet aussi
que la fourbure d'alimentation est plus redoutable que
celle causée par le refroidissement.
Il est certain enfin que le pronostic est d'autant plus
sombre que la maladie date déjà de quelques jours,

360 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED
qu'elle occasionne de plus grandes souffrances et qu'elle
a donné lieu à de plus graves complications.
Anatomie et physiologie pathologiques. — La fourbure
aiguë est caractérisée'par des lésions dont l'aspect
et la nature varient avec la phase à laquelle la maladie
est arrivée.
Au début, la membrane kératogène est congestionnée,
infiltrée, rouge. Au toucher, elle paraît épaisse, turgescente.
Incisée, elle laisse écouler une quantité considérable
de sang. Son adhérence avec la paroi est diminuée.
Les lames kéraphylleuses ne tardent pas à prendre une
teinte jaune rougeâtre par suite de leur infiltration par
du sérum sanguin contenant de l'hémoglobine dissoute.
Plus ou moins rapidement, du deuxième au cinquième
jour, quelquefois plus tard (Lafosse), apparaissent des
lésions d'exsudation, d'hémorragie, etc. Lors d'exsudation,
on trouve la muraille séparée du tissu podophylleux
et celui-ci recouvert par une fausse membrane fibrineuse,
jaunâtre, très peu adhérente, dont la face profonde
parait feuilletée à la manière de la corne kéraphylleuse ;
la membrane kératogène est rouge. Dans le cas d'hémorragie,
on trouve le sabot décollé sur une étendue
variable ; du sang coagulé occupe l'espace résultant de
la séparation.
La gangrène s'accuse par la teinte livide et la friabilité
des tissus. Ceux-ci fournissent une sérosité roussàtre
ou séro-sanguinolente lorsqu'on les incise. Lorsque cette
lésion est étroitement localisée en un point, elle se
limite par un sillon disjoncteur. Souvent on trouve sous
le lambeau qui doit être éliminé un foyer de nécrose ou.
de carie de la troisième phalange.
Lors de suppuration, la membrane kératogène est
transformée en membrane pyogénique«,Ses sillons, remplis
de pus, paraissent plus profonds par suite de l'hyper-

FOURBURE AIGUË. 361
trophie des feuillets podophylleux. Les villosités de ces
derniers sont visibles à l'œil nu.
La troisième phalange est très généralement affectée
d'ostéite raréfiante, plus ou moins intense. Joly et
Vivien (1), qui ont insisté sur cette lésion, pensent
qu'elle est principale et primitive, et ils font de la
fourbure une manifestation de l'ostéitisme.
Les lésions osseuses et les lésions podophylleuses,
lorsqu'elles sont associées, et il semble bien q u'il en est ainsi
dans la majorité des cas, son t, à notre avis, contemporaines ;
elles se développent en même temps sous l'influence de
la même cause irritative, hématogène probablement.
Il est remarquable que les lésions de la fourbure sont
surtout intenses ou même existent exclusivement sur les
parties antérieures du pied, sur le podophylle de pince et
de mamelles, sur le bord inférieur de la troisième phalange
et sur la face externe de cet os dans son tiers inférieur.
On a expliqué cette localisation par la situation et la
disposition des vaisseaux du pied (cercle plantaire)
(Joly et Vivien) 2;, par le mode de développement de la
troisième phalange dont la partie affectée est d'origine
périostique, le reste de cet os étant une formation enchondrale
(Lesbre) (3), par l'accumulation des pressions
sur les parties antérieures du pied plus exposées au surmenage
du podophylle et de l'os (Liénaux) (4).
Traitement. — Le traitement de la fourbure aiguë
comporte des indications prophylactiques et des indications
curatives.
0) Jolj. De la fourbure de fatigue. (Bévue vitir., 1889, p. 469.). —
loij et Virien, Etudes sur Vostéite de fourbure (Bull, de la Soc. centr.
de mid. vitir., 1900, p. 782).
(2) Joly et Virien, loe, eitato.
(i) \. Lesbre, Observation» ammtomiques sur des pieds fourbus, suivies
de quelques considérations sur la physiologie pathologique de la fourbure et
sur la kiratogenèse du sabot (Journ. de méd. vitir et zooteeh., 1800 p. *93).
U) I.iénaui, Contribution d Titude de t ostéite de fourbure (Annales de
i"id. téter, 1901 p. M*).
Chirurgie du pied. 21

362 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Traitement préventif. — Il y a lieu d'éviter les longues
courses, notamment lorsque les routes sont très
dures. Les chevaux peu propres aux allures rapides
seront conduits avec modération. La ration en grain
devra être proportionnée à la taille de l'animal et au
travail qu'il accomplit ; s'il est nécessaire de l'augmenter,
on le fera graduellement. Les chevaux oisifs seront promenés
matin et soir; si les circonstances leur imposent
une immobilité absolue et prolongée, les plus grandes
précautions devront être prises pour les remettre en
marche.
Les chevaux lourds qui, par suite d'une opération, sont
privés de l'appui sur un membre seront placés dans un
appareil à suspension.
Traitement curatif. — Ce traitement comprend diverses
indications.
TRAITEMENT GÉNÉRAL. — La saignée est indiquée pour
diminuer l'afflux sanguin dont la membrane kératogène
est le siège et pour les effets généraux qu'on lui reconnaît
aujourd'hui. Les résultats que l'on en a obtenus autorisent
à la recommander.
La saignée générale doit être préférée à la saignée locales
La saignée générale se pratique à la jugulaire; si cette
veine n'est pas accessible, elle se fait à la saphène, à la
céphalique, etc. Toujours elle doit être copieuse. « 8,10,
la et 20 litres de sang peuvent être retirés au malade
dans les deux premiers jours » (H. Bouley). On peut donc,
soit faire une seule saignée et retirer de 5 à 8 litres de
sang, suivant la taille de l'animal, soit se contenter
d'une première saignée de 2 à 5 litres et la renouveler,
plusieurs fois.
La saignée locale — saignée coronaire, saignée en
pince — expose à des accidents, et ne semble pas donner
des résultais plus satisfaisants que la saignée générale.
La saignée coronaire, pratiquée sur les parties latérales
et antérieures du pied, peut occasionner le javart

FOUIIBCRE AIGUË. 363
cartilagineux, la nécrose de l'aponévrose de l'extenseur
antérieur des phalanges (javart tendineux). H. Bouley
conseille de faire cette saignée dans le pli du paturon « où
existent deux grosses veines échelonnées, on est sur
d'atteindre l'une où l'autre sans danger aucun ...
La saignée en pince est encore plus dangereuse que la
saignée coronaire, car elle met les tissus vifs au contact
de la litière et rend inévitables l'infection de la plaie, la
suppuration sous-cornée, etc. Elle est d'ailleurs d'une
exécution très difficile, par suite de l'impossibilité où se
trouve l'animal de tenir un membre levé.
L'emploi des sangsues mérite à peine d'être signalé, car
ces animaux sont de moins en moins utilisés en médecine.
La révulsion se pratique immédiatement après la saignée.
La révulsion externe comporte des applications
irritantes sur diverses parties du corps ; la révulsion
interne, l'administration de purgatifs divers.
Les sinapUmes sur le thorax ou l'abdomen, les frictions
sinapisées sur les membres conviennent parfaitement. On
emploie aussi le vinaigre chaud, la teinture de cantharides,
l'essence de térébenthine, l'onguentvésicatoire,etc.,
en frictions.
Lespurgatifs doivent être administrés à haute dose. On
s'adresse de préférence aux purgatifs drastiques : on
donne de 20 à 50 grammes d'aloès. Le sulfate de soude
est administré à la dose quotidienne de 200 à 500 grammes
pendant trois ou quatre jours.
D'autres agents ont été recommandés, pour adjuver la
révulsion ou combattre directement la congestion des
tissus vifs du pied. Cagny a employé avec succès, dans un
cas, l'huile de croton tiglium en injection hypodermique
(50 centi^r. délayés dans de l'huile d'olives injectés
immédiatement après une injection de 30 centigr. de
chlorhydrate de morphine) (1).
I Utmj. Bull, de la ,SV. centr. de méd, vit., 1882, p. %V.h

364 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
L'ésérine a été recommandée ; on en injecte 5 à 10 centigrammes.
La pilocarpine a donné de bons résultats ù
Frus, à Modigliani, etc., à la dose de 20 à .40 centigrammes
(1).
Frôhner (2), se basant sur les résultats qu'il avait obtenus
dans les cas d'indigestion chez le cheval à l'aide du
bromhydrate d'arécoline, a employé ce médicament pour
combattre la fourbure. Paimans (3), Schumacher (4),
Stegmann (5), comme lui, en ont obtenu de bons résultats.
On injecte chaque jour de 8 à 10 centigrammes
de cette substance pendant deux à six jours (6).
Le salicylate de soude a été recommandé par Bouley
et Chuchu à la dose de 20 grammes par jour (7). Trinchera
l'a employé sur six chevaux avec succès, à la
dose de 120 à 210 grammes par jour (en trois fois :
matin, midi, soir), concurremment avec les cataplasmes
chauds (8). Frùs, Hansen, ont eu recours avec succès à
Yantifèbrine ou acétanilide; on la donne à la dose de
15 grammes, répétée trois ou qualre fois par jour (9).
(1) S. Friis, Das Pilocarpinum muriaticum als Heilmittel gegen acute Rehi
derPferde (Deutsche Zeitschrift fur Thiermedicin, t. XIII, 1888, p. 119). —
Modigliani, Sopra tre casi clinici di podoflemmatite guariti col cloridrato
di pilocarpina (L'Ercolani, 1889, p. 344 ; Bec. de méd. vêt, 1890. p. 327).
(2) Frohner, Arecolin, ein neue Heilmittel gegen Bufrehe (Monatshtflt
f. pr. Thierheilkunde, t. VII, p. t>.
(3) Paimans, Ann. de méd. vit., 1897, p. 40.
(4) Stegmann, Arecolinum hydrobromicum gegen Behe (Berl. th. Woch.,
1897, p. 101).
(5) Schumacher, Du traitement de la fourbure par le bromhydrate d'arécoline
(Ann. de méd. vit., 1898, p. 467).
(6) L'arécoline augmente l'activité sécréloire des organes glandulaires et produit
une dérivation en faisant affluer le sang des extrémités vers le centre
du corps (intestin, foie, pancréas). Elle favorise, en outre, la résorption des
liquides exsudés en condensant le liquide sanguin dépouillé des liquides
expulsés par la sécrétion. — A poids égal, elle coûte trois fois moine cher
que la pilocarpine; elle est plus active et s'emploie à dose plus petite.
(7) Bec. de méd. vêt., 1882, p. 840.
(8) Trinchera, Cura délia podoflemmatite acuta del cavallo (La Clinica
vet., 1897, p. 425).
(9) Friis, Behandlung der acuten Behe mit Anlifebrin (Zeitschrift fur
Thierm., 1899, p. 309. — Hansen Die Behandlung der acuten Behe mit
Antifebrin (Berl. th. Woch., 1899, p. 457).

FOURBURE AIGUË. 365
Les injections sous-cutanées de sérum artificiel sont indiquées
dans la fourbure. Dans plusieurs cas où nous
les avons pratiquées, elles ont paru favoriser la guérison.
TRAITEMENT LOCAL. — Le traitement local de la fourbure
ne le cède en rien, comme importance, au traitement
général et il convient de l'appliquer avec le plus grand
soin.
Les topiques astringents, les bains froids ou l'irrigation
continue modifient très heureusement la circulation du
pied et donnent d'excellents résultats.
Lorsque dans le voisinage de l'écurie se trouve un
cours d'eau, ou même une simple mare, le malade, s'il
peut se déplacer, y est conduit. On peut l'y laisser, les
membres immergés jusqu'aux canons, une partie plus ou
moins grande de la journée, selon la saison ; à son
retour à récurie, on cherche à prolonger l'action du bain
froid par l'un des moyens indiqués plus loin. H. Bouley
conseille de ne point laisser immobile le cheval fourbu
placé dans un bain et de le faire déplacer fréquemment.
D'autres préfèrent conduire deux ou trois fois par jour
les malades à l'eau courante, afin de mettre à profit
l'influence de la marche.
Les animaux retenus ou ramenés à l'écurie et capables
de se tenir debout, seront placés, suivant les ressources
locales, d'après les indications que voici.
L'irrit-ation continue est excellente. Elle s'obtient facilement
à l'aide de l'appareil de Martin ou, sans cet appareil,
en distribuant simplement l'eau d'un réservoir, placé
suffisamment haut, à l'aide de quatre tubes en caoutchouc.
Chaque tube descend le long d'un membre et se
termine sur une étoupade placée en couronne autour du
paturon.
Les bains dans l'eau froide peuvent aussi être donnés,
surtout si la maladie n'intéresse que les deux membres
antérieurs, à l'aide d'une caisse rectangulaire, étanche,
dans laquelle l'animal pose ses membres et où l'on verse

366 AFFF.CTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
une quantité d'eau suffisante, que l'on renouvelle
fréquemment.
Lorsque le sol de l'écurie le permet, on le creuse à la
pioche et l'on fait une fosse boueuse où l'animal pose
ses pieds. Si l'écurie est pavée, on répand du sable, de
la sciure de bois, etc., que l'on mouille. En associant à
l'eau des sels de fer, de zinc, son action est plus marquée.
Quand les douleurs ont contraint le malade à se coucher,
on enveloppe ses pieds à l'aide de linges souples,
d'une étoupade, de cataplasmes faits avec de la farine de
lin, de la sciure de bois, de son, etc., que l'on arrose
fréquemment avec de l'eau froide. Pendant la saison
froide, la neige, la glace peuvent être utilisées, mais il
faut compter avec les conséquences possibles d'un
contact prolongé de ces substances avec la peau, et localiser
leur action sur le sabot.
D'autres prescriptions locales, ont été données, elles
ont moins d'importance que les précédentes.
Le débridement du sabot a été conseillé dans le but de
diminuer la compression que subit le tissu podophylleux,
et d'amoindrir les souffrances du patient. L'opération
consiste à creuser des rainures plus ou moins nombreuses,
de haut en bas, sur la muraille, dans le sens de
ses fibres, de manière à découvrir la membrane kératogène
; elle est d'une exécution difficile et ne donne pas
de résultats bien appréciables. Martin (de Brienne)
pratique une rainure en pince sur toute la hauteur du
sabot, et la prolonge sous le pied, jusqu'à l'extrémité
de la sole (1).
Dreymann amincit le haut du sabot immédiatement
au-dessous de la couronne à l'aide de la râpe ; l'opération
doit être exsangue (2).
(I) Bull, de la Soc. centr., 1886, p. 266 (Rapport de concours).
(ï) A. Dreymann, Ein Beitrag zur Behandlung der rheumatischen Uufenlzûndung
und ihrer Nachkrankheit, des sogenannten Behehufes (Berliner
t/iierârztliche Woehenschrift, 1898, p. 86).

FOURBURE AIGUË. 367
Le séton à la fourchette a été recommandé par un vétérinaire
anglais (Gabriel) : il donne lieu à une hémorragie
abondante, véritable saignée locale ; par la suppuration
qu'il amène, il peut occasionner des complications. Son
action bienfaisante n'est nullement démontrée.
Certaines indications générales sont à suivre, quelle
que soit la médication que l'on ait adoptée.
Les malades seront déferrés. On a conseillé même de
parer le pied à fond, afin de diminuer dans une certaine
mesure la compression des tissus vifs (1). Cependant, si
pour conduire les animaux au bain, ils devaient parcourir
un chemin raboteux, il y aurait lieu de conserver
leurs fers.
Le régime comprendra du foin, de la paille, des barbotages,
des fourrages verts, du lait, etc. On ne donnera
pas de grains.
Si la marche est possible, les malades seront promenés
au pas, non montés, sur un sol doux. H. Bouley recommande
de choisir un champ nouvellement labouré, un
chemin boueux, afin que le froid agisse sur le pied
pendant la marche.
Le décubitus forcé est recommandé lorsque les animaux
souffrent beaucoup. Le malade est maintenu couché, à
l'aide des entravons.
Lorsque des complications de suppuration, de carie
osseuse, etc., se sont produites, il faut désinfecter le
foyer purulent, exciser les tissus mortifiés et faire un
pansement antiseptique.
Au lieu d'avoir recours aux topiques froids et astringents
pour combattre localement la fourbure, des auteurs
anglais (W. Percivall) ont préconisé les cataplasmes
chauds. Cette manière d'agir ne s'est point imposée.
(I) De Nanzio a conseillé, au contraire, la compression de la sole à l'aide
d'un fer i plaque maintenant au contact du pied une couche d'étoupe serrée.
Nouvelle méthode pour guérir la fourbure des chevaux (Bec. de méd. vêt.,
«837, p. 561 ; rapport de Bouley jeune).

368 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Cependant, Knaflitsch traite la fourbure par les bains
chauds à 35°-40° prolongés pendant vingt minutes (1).
FOURBURE CHRONIQUE.
Cette forme de fourbure consiste dans l'inflammation
chronique des parties antérieures de la membrane kératogène
et de l'os du pied. Cette inflammation se traduit
par l'entrée en jeu de la fonction sécrétoire du tissu
podophylleux et par l'apparition d'osléophytes sur la
face externe de la troisième phalange, ou par l'atrophie
et le raccourcissement de celle-ci; elle aboutit à la déformation
définitive du pied.
Étiologie: — En règle générale, la fourbure chronique
succède à la fourbure aiguë.
Les causes qui font naître la fourbure aiguë peuvent
occasionner la fourbure chronique lorsque leur action
est limitée et moins intense (L. Lafosse) (2). Dans la majorité
des cas, la fourbure chronique qui ne succède pas
à la fourbure aiguë n'intéresse qu'un pied ; elle résulte
alors du surmenage de ce pied, condamné à un appui
incessant par une maladie intéressant son congénère (3).
La fourbure chronique semble pouvoir apparaître
comme simple complication d'une maladie infectieuse
guérie (4). D'après G. Joly (5), cette affection peut être la
(1) Knaflitsclr, Thier. Centralblatt, 1899, et II Nuovo Ercolani, 1899,
p. 236.
(2) Traité de path. vêt., 1861, t. II, p. 69».
(3) Meyranx, Paralysie du fémoral antérieur et fourbure chronique du
pied opposé (Bec. de mém. et ois. sur l'hyg. et la méd. vêt., 1899; Bev.
vit., 1899, p. 633).
(4) Thirion, Localisations successives au cours de la pneumonie typhoïde
Bec. de méd. vêt., 1899, p. 607). —Il s'agit d'un cheval âgé do six ans qui,le
4 août 1898, contracta une pneumonie typhoïde, le 10 août, présenta de la
paralysie du membre postérieur gauche, le 12, fat atteint de kératite double,
et qui se remit complètement. Le 14 octobre, sans cause apparente, il présenta
de la fourbure chronique du membre antérieur droit.
(ô) G. Joly, loc. citato.

FOURBURE CHRONIQUE. 369
conséquence de l'ostéite de la troisième phalange (ostéite
de fatigue, subfourbure de Jacoulet).
Symptômes. — La fourbure chronique s'accuse par la
déformation et la sensibilité du pied, par des modifications
de l'allure et de la station.
Vu de profil (fig. 120), le pied fourbu est plus allongé
dans le sens anléro-postérieur
et moins haut qu'à
l'état normal. Les talons
sont très obliques et relativement
élevés. Le profil
antérieur du sabot forme
avec le bord supérieur de
cet organe un angle très
Fif 120. — Pied al teint de fourbure
Vu de face, le diamètre I
transversal parait rétréci. *
La surface du sabot est très irrégulière. Elle présente
une série d'ondulations plus ou moins parallèles au
bourrelet, formant, sur la paroi, dessillons et des reliefs.
Ces ondulations, très rapprochées en pince et en mamelles,
s'écartent en arrivant vers les talons.
La disposition des fibres cornées est changée ; < au
lieu d'être obliques au sol, dans le sens même de l'inclinaison
des phalanges supérieures, auxquelles le sabot fait
continuité, elles affectent une direction qui se rapproche de
l'horizontale (H. Bouley). Ce fait concorde avec l'aplatissement
du sabot: les fibres cornées tendant vers
l'horizontale, la boite pariétale diminue de hauteur.
Immédiatement au-dessous du bourrelet, il se forme,
par suite du changement de direction des fibres cornées,
un sillon circulaire désigné sous le nom de cavité
digitale.
Vu par sa face inférieure, le pied fourbu est très
allongé d'avant en arrière. La partie antérieure de la
21.
SER-- «5 *« orca E D0CUMENTAÇA0
f , 'CIJA VETEHIAIÂRIA

370 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
sole forme, entre la pointe, de la fourchette et la ligne
blanche, une saillie demi-circulaire, due à la pression
qu'exerce le bord inférieur de la troisième phalange. On
donne à cette saillie le nom de croissant'. Dans les cas
graves, la sole peut être perforée ; la troisième phalange,
mise à nu et plus ou moins altérée. Il en résulte
une plaie suppurante.
En arrière, les lacunes latérales de la fourchette paraissent
plus profondes que sur un pied sain. En avant, on
constate que le bord externe de la sole est séparé de la
muraille et que, plus profondément, la muraille est
séparée du tissu podophylleux.
Tanlôt l'espace résultant de cette séparation est
rempli par une masse cornée, tantôt cet espace est représenté
par une cavité à section antéro-postérieure triangulaire,
ouverte en bas dans la région de la ligne
blanche, limitée en avant par la muraille, en arrière par
une corne de nouvelle formation étalée sur le tissu
podophylleux. — Chez certains malades, cette cavité est
remplie par un détritus organique « qui n'est autre
chose que le résidu du sang, de la sérosité ou de la
lymphe que le tissu podophylleux congestionné a laissé
sortir de sa trame » (H. Bouley). C'est pour cette raison
qu'on la désigne généralement sous le nom de fourmilière,
cette masse poreuse rappelant le nid des fourmis.
Le pied fourbu présente une sensibilité anormale. La
percussion en est douloureuse.
Lorsqu'on percute les parties antérieures, on obtient
un son mat si la muraille est séparée du tissu podophylleux
par une masse de corne ; on obtient un son
plus clair s'il existe une fourmilière.
Le cheval atteint de fourbure chronique marche difficilement;
l'appui commence en talons et se continue
par un mouvement de bascule sur la convexité de la face
plantaire. Au repos, les malades prennent une attitude
rappelant celle qu'ils adoptent lors de fourbure aigué.

FOURBURE CHRONIQUE. 371
Diagnostic. — La fourbure chronique se reconnaît très
facilement. L'allongement du sabot, les dimensions
excessives des talons, la présence d'un croissant ou d'une
fourmilière, permettent à l'observateur de se fixer. Il ne
faut pas attribuer à l'absence de sillons sur la paroi une
trop grande importance, car souvent le maréchal les a
effacés à l'aide de la râpe.
La sensibilité générale du pied, l'attitude du malade
au repos, la boiterie, etc., sont des signes qu'il faut
encore prendre en considération.
Lorsque la fourbure chronique se manifeste seulement
par des lésions intéressant la partie inférieure du tissu
podophylleux (subfourbure), il est nécessaire de parer
avec soin le pied en pince, pour mettre en évidence
l'épaississement qu'a subi la ligne blanche. Dans tous
les points où cet épaississement existe, la pression est
douloureuse. (Voy. Kéraphyllocèle diffus, p. 222.)
Pronostic. — Le pronostic de la fourbure chronique
est toujours grave, mais il l'est surtout sur les chevaux
de selle et de trait léger, dont le service est irrémédiablement
compromis. Cette maladie ne permet guère
au malade qu'un service au pas, à la condition qu'il soit
pourvu d'une ferrure convenable.
Le pronostic est d'autant plus grave que le nombre de
pieds atteints est plus grand et que leur déformation
est plus considérable.
La fourbure avec fourmilière est moins grave que la
fourbure avec coin de corne. On peut arriver dans le
premier cas à ramener la corne provenant du bourrelet
au contact de celle que sécrète le tissu podophylleux et
obtenir la reconstitution du pied. Dans le second cas,
l'activité sécrétoire du tissu podophylleux empêche ce
résultat.
Anatomie pathologique. — Les lésions de la fourbure
chronique sont très facilement mises en évidence par une

372 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
coupe antéro-postérieure médiane d'un pied malade. Il
y a lieu de les envisager successivement : 1° sur un pied
atteint de fourbure chronique dépuis peu de temps, sur
lequel le sabot normal, antérieur à la maladie, n'a pas
encore disparu par avalure ; 2° sur un pied malade depuis
assez longtemps pour que le sabot normal ait été usée$
qu'il soit totalement remplacé par un sabot d'ortgituf
morbide (H. Bouley).
La section d'un pied fourbu depuis cinq à six semaines
montre ce qui suit :
La .troisième phalange revêtue du tissu podophylleux
est éloignée de la paroi et sa ligne de profil n'est plus
parallèle à la ligne de profil du sabot. Son bord antéro-
. inférieur s'est abaissé; il vient prendre appui sur la sole
et tend à la perforer (fig. 121).
L'espace, triangulaire sur coupe, résultant de la désunion
de l'os et de la muraille, est tantôt vide, tantôt
occupé par une matière rougeàtre, poreuse, très friable
(fourmilière) (fig. 123 et 12i), tantôt par une masse de
corne plus ou moins compacte, représentant sur coupe
un véritable coin : c'est le coin de corne (fig. 121 et 122).
Ce coin de corne résulte de la mise en jeu de l'activité
kératogène du tissu podophylleux.
Il y a également, et dans une mesure plus ou moins
appréciable, éloignement du bourrelet d'avec le bord
coronaire de l'ancien sabot. Cet écartement est comblé
par une masse de corne, sécrétée par le bourrelet, dont
les fibres, au lieu de se diriger vers le sol, se projettent
horizontalement en avant.
Dans certains pieds, il y a même tout à la fois fourmilière
et coin de corne (fig. 121 et 122;.
Le coin de corne ou la fourmilière, s'étendent plus ou
moins loin latéralement ; ils diminuent d'épaisseur de la
pince vers la mamelle et dé la mamelle vers la partie
antérieure des quartiers. Dans ces dernières régions, la

FOURBURE CHRONIQUE. 373
paroi se trouve de nouveau appliquée sur le tissu podophylleux
(fig. 122 et 124). Dans tous les points où le coin
existe, les lames podophylleuses sont hypertrophiées.
121. - J un pied atteint do fourbure
le volumineux el petit'- fourni
Cette hypertrophie a été observée et décrite en 1791 par
Chabert et bien étudiée par Bouley (I).
i.a sole est tantôt intacte, tantôt pénétrée dans une
mesure plus ou moins accentuée par la troisième phalange,
tantôt enfin perforée par cet os.
La troisième phalange présente quelquefois sur sa face
H. f,. Bull, de la Soc. nat. et centr. de méd. rit., 1852, p. 387

374
AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
antérieure des- végétations osseuses (ostéophytes). Plus
souvent elle s'atrophie dans sa partie inférieure. Cette
diminution de volume s'accompagne, dans le tissu de
l'organe, d'une raréfaction de la substance osseuse
entraînant la dilatation des
vaisseaux qui la parcourent:
l'os devient plus poreux, plus
fragile. L'atrophie de la troi-
Fig. 122. — Coupe du pied, représenté
à la figure 121, faite
parallèlement à la face plantaire
et à trois centimètres au-dessus
de celte dernière.
Fig. H3. — Coupe longitudinale (1
médiane d'un pied atteint de fourbure
chronique récente. Fourmilière In
étendue.
sième phalange peut être telle, dans certains cas, que
l'os se réduit en quelque sorte à sa surface articulaire,
comme Watrin, Jacoulet, etc., l'ont constaté (1).
La section d'un pied dont les lésions de fourbure sont
assez anciennes pour que l'ancien sabot ait disparu est
également très instructive.
La muraille est étalée sur la corne que sécrète le tissu
podophylleux. Ses fibres tendent à garder la direction
horizontale qu'elles ont prise à leur origine ; elles ne pré-
(1) Jacoulet, Atrophie presque complète de la troisième phalange dans la
fourbure chronique (Bec. de méd. vit., 1899, p. 12).

FOURBURE CHRONIQUE. 375
sentent qu'une faible tendance à se diriger vers le sol,
par suite de la présence de la corne podophylleuse qui
leur fait obstacle dans ce mouvement.

376 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
La corne pariétale ne s'use donc pas en pince et le
vieux pied fourbu s'allonge démesurément.
La paroi est plus épaisse que normalement parce que
le bourrelet s'est hypertrophié et a augmenté en surface.
L'épaisseur du coin kéraphylleuxest parfois aussi
très considérable.
La troisième phalange présente des lésions plus ou
moins graves.
Physiologie pathologique. — La genèse des lésions de
la fourbure chronique a donné lieu à de nombreuses
discussions, et, à l'heure actuelle, l'accord n'est pas
encore fait sur ce point.
THÉORIE DE H. BOULEY. — D'après H. Bouley, les déformations
que présente le pied, lors de fourbure chronique,
sont dues à la présence du coin de corne résultant
de la mise en jeu de la fonction sécrétoire latente du
podophylle ou à « l'épanchement d'un liquide, exsudât
inflammatoire, sang, entre les appareils podophylleux et
kéraphylleux ». Ce phénomène « a pour conséquence
forcée, immédiate, le rétrécissement de la capacité intérieure
de la boîte unguéale, proportionnellement à la
quantité de substance cornée qui résulte de la sécrétion
intempestive de la membrane podophylleuse ». 11 amène
inévitablement «< la déviation très marquée de l'os
du pied en arrière, le repoussement dans une moindre
limite du cintre de la paroi en avant, d'où l'ovalité
sensible de son contour, et, enfin, la déviation des fibres
immédiatement immergentes du bourrelet de leur direction
oblique vers le sol et leur projection en avant, en
ligne presque horizontale ».
L'abaissement du bord antéro-inférieur de la troisième
phalange amenant la compression du plancher du sabot,
le tissu velouté qui le recouvre s'atrophie ; il peut aussi
être perforé.
La fourmilière prend naissance sous l'influence soit

FOURBURE CHRONIQUE. 377
d'une congestion hémorragique, soit d'une exsudation
séreuse ou plastique » par lesquelles « le tissu podophylleux
est brusquement séparé de l'appareil kéraphylleux dans
les parties antérieures du doigt. Le tissu podophylleux,
séparé de la corne avec laquelle il était engrené, se
trouve dans les mêmes conditions que s'il était dénudé
par arrachement ; et de même que dans ce dernier cas
il se recouvre spontanément d'une couche cornée qu'il
sécrète par toute l'étendue de sa surface, de même aussi
dans le premier: partout où le désengrènement s'est
effectué, partout il se revêt d'une corne nouvelle, à disposition
feuilletée » (H. Bouley).
Dans le cas de fourbure avec fourmilière, le tissu podophylleux
ne sécrète de la corne que momentanément, et
seulement pour s'abriter. Dans le cas de fourbure avec
coin kéraphylleux, sa participation à la kératogenèse est
un fait définitif.
La néoformation kérapbylleuse persiste parfois cependant
lors de formation de fourmilière et le coin de corne
envahit celle-ci, qui disparait en partie.
A la théorie de H. Bouley, on oppose plusieurs faits
qui montrent qu'elle n'est, en définitive, qu'une simple
vue de l'esprit. Le repoussement de la troisième phalange
devrait entraîner l'atrophie du tissu podophylleux; or
celui-ci, au contraire, sliypertrophie. Dans la zone comprimée,
on ne devrait jamais observer de déchirures des
lames podophylleuses, des hémorragies ; or ces lésions se
produisent souvent.
Lorsque les conditions de formation de la fourmilière
sont réalisées (accumulation de liquide) et que le liquide
est évacué hâtivement, soit par incision du sabot, soit
par*décollement du bourrelet, le mouvement de recul
devrait s'arrêter, et même il devrait y avoir, dans une
certaine mesure, retour de l'os dans sa position normale;
or rien de cela ne se produit.
Enfin l'avulsion d'un large lambeau de muraille,

378 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
en pince, n'empêche pas la formation du croissant
(Thomas) (1).
Au reste, d'autres forces, méconnues par H. Bouley,
nous suffiront pour expliquer le phénomène.
Gourdon a adopté la théorie de Bouley. Pour cet auleur
la kératogenèse est constante sur le tissu podophylleux,
même à l'état normal, mais elle est alors extrêmement
faible (2).
THÉORIE DE GROSS-GUYON. — Gross, en 1847, Guyon,
en 1860, ont soutenu que les lésions de la fourbure
chronique sont la conséquence « d'une perversion dans
la sécrétion du bourrelet ». L'avalure, dans le pied
fourbu, ne se fait pas avec la même rapidité sur 'toute
la surface du bourrelet. Elle est plus active dans les parties
postérieures des quartiers et surtout au niveau,des
talons. Les nouvelles couches de corne, au lieu de se
porter naturellement de haut en bas par avalure, comme
cela se manifeste sur un pied sain, se portent en avant
et en bas, vers la pince, ainsi que l'indique, du reste, la
marche suivie par les cercles.
La muraille des quartiers tend, par suite de ce
phénomène, « à chasser en avant la paroi de pince:
elle l'éloigné conséquemment de la troisième phalange,
et, par son éloignement, produit peu à peu le vide
ndispensable au tissu de la fourmilière, lequel, dès
lors, peut grandir proportionnellement à la force répulsive
des talons sur les parties antérieures de la muraille
(Guyon).
Comme la paroi, dans sa nouvelle forme, « sollicite la
sole » dans la direction en avant qu'elle a prise, et que
son action s'exerce tout d'abord à la périphérie de cette
plaque, le centre de celle-ci, restant en retard dans ce
mouvement, se bomberait « sans qu'il soit nécessaire d'in-
(1) Thomas, Bull, de la Soc. centr., 1896, p. S12.
(2) Gourdon, Sur la thiorie de la déformation du pied consécutive à la
fourbure chronique (Journ. des vét. du Midi, 1863, p. 145 et-202).

FOURBURE CHRONIQUE. 379
voquer l'action perforante de la troisième phalange (1) ».
Aux théories de Gross et de Bouley se rattache la
théorie, pour ainsi dire intermédiaire, de Dominik, pour
lequel la déformation du pied résulte de la présence du
coin de corne, qui, dans la région de la pince, comprime
la muraille de dedans en dehors et d'arrière en avant, et
la chasse dans celle direction.
THÉORIE DE FOGLIATA. — D'après Fogliata, la troisième
phalange subit un mouvement de rotation autour de son
axe transversal : la pince s'abaisse pendant que les apophyses
rétrossales et basilaires s'élèvent. Ce mouvement
de bascule devient possible lorsque l'inflammation a
diminué ou détruit l'adhérence du tissu podophylleux à
la corne kéraphylleuse, et il est produit par le fléchisseur
profond des phalanges, dont la puissance ne saurait
être contre-balancée par celle de l'extenseur antérieur.
Dans l'esprit de Fogliata, le cot'n kéraphylleux n'est
plus la cause du recul de la troisième phalange, il en
est la conséquence 2 .
Montané a soumis à l'expérimentation la théorie de
Fogliata, en détruisant les adhérences podo-kéraphylleuses
dans la moitié antérieure des deux pieds de
devant d'un cheval et en sectionnant les tendons des
muscles perforé et perforant sur un membre. A l'autopsie,
cinquante-huit jours après l'opération, la troisième
phalange avait commencé un mouvement de bascule très
net, dans le membre non ténotomisé (3).
Voulant contrôler la valeur curative de la ténotomie
proposée par Fogliata, Labat a pratiqué cette opération,
(1) Gross, Die Bufentzûndung der Pferde, 1847. — Guyon fils, Du croissant
et de la fourmilière ; théorie nouvelle (Journ. des vét. du Midi, 1860,
p. *33).
2) H. Fogliata, Corne avaient lo tpottamento dell'osso triangolare nella
podo/tematile eronica del cavallo ; relativa proposta di cura (Giom. di
anal., 1879, p. U).
(3) Montané, Du mode de formation du croissant dans la fourbure chronir/ue
(Bev. rit. 1886, p. 129, «T. 2 pi.).

380 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
sur une jument fourbue des deux pieds antérieurs, sur
chaque membre, au onzième jour de la maladie. La
bête fut sacrifiée douze jours après, et l'auteur constata
que malgré la section tendineuse la troisième phalange
avait basculé (1).
Dans un cas de fourbure aiguë, à marche rapide (trois jours),
observée sur une jument qui avait gardé la position décubitale
d'une manière presque constante pendant sa maladie,
Jacoulet a trouvé le tissu podophylleux séparé de la muraille
par « un espace simplement humecté de sérosité ». Cet auteur,
retenant que la malade avait gardé la position décubitale,
pense que le mouvement de bascule éprouvé par la troisième
phalange doit être attribué à la contraction du fléchisseur profond
des phalanges (2).
THÉORIE DE BOITEUX-SIEDAMGROTZKY.— D'après Boiteux (3),
Siedamgrotzky (4), Friedberger (5), Guillebeau (6),
Molier (7), Peters (8), Gutenacker (9), le bouleversement
que subit l'organisation intérieure du pied, lorsque la
fourbure chronique évolue, tient à trois causes essentielles
qui sont: 1° le relâchement ou la suppression des
adhérences podo-kéraphylleuses; 2° le poids du corps;
3° les tractions exercées sur la crête semi-lunaire par le
tendon perforant.
Sous l'influence de ces causes, la troisième phalange
descend, bascule et, avec le temps, recule dans le sabot.
Elle descend sous l'influence du poids du corps ; elle
(1) Labat. La section du tendon du fléchisseur profond des phalanges
n'empêche pas la production du croissant (Bev. vêt., 1889, p. 10).
(2) Jacoulet, Pour servir à l'histoire du mouvement de bascule et du recul
de la troisième phalange dans la fourbure (Bec. de méd. vêt., 1899, p. 10).
(3) Boiteux, Journ. de méd. vétér., 1856, p. 446.
(4) Siedamgrotzky, Bericht ûber das Veterinûrwesen in Kônigreich Sachsen,
1872.
(5) Friedberger, Jahresbericht der konigl. Thierarzneischule Mùnchtn,
1872-73.
(6) Guillebeau, Zeitschrift fur Veterinûrwissenschaften, 1877, p. 153.
(7; Mfiller, Die Bufkrankeiten des Pferdes, 1895.
(8) Peters, Archiv f. unes. u. prakt. Thierheilkunde, t. 9, p. 55.
(9) F. Gutenacker, Die B~v.fkrankheittn.des Pferdes, 1901.

FOURBURE CHRONIQUE. 381
bascule sous l'action du perforant; elle recule sous cette
même action à raison de la direction des fibres cornées
émanées du bourrelet, fibres qui tendent à l'horizontalité
et semblent pousser l'ancienne paroi en avant.
Ajoutons que l'atrophie progressive de l'os permet
l'épaississement ultérieur du coin de corne.
L'examen de la figure 121 montre nettement que, dans
la fourbure, la troisième phalange s'abaisse, bascule et
recule.
Traitement. —La fourbure chronique est surtout combattue
par des moyens palliatifs. La ferrure rend à ce
sujet de très grands' services.
TRAITEMENT CHIRURGICAL. — Lors de fourbure avec fourmilière,
on met à nu, à l'exemple de Dehan (1), la couche
de corne dont le lissu podophylleux s'est recouvert en
enlevant la partie de la muraille qui ferme cette cavité
en avant. Conte employait simplement du diachylon
gommé fondu, qu'il coulait dans la cavité nettoyée. In
pansement avec fer à pince prolongée était appliqué (2).
Lorsque la fourmilière est remplacée par un coin de
corne (fourbure pleine), on pratique l'opération du croissant,
de manière à supprimer la compression des feuillets
podophylleux hypertrophiés. Cette opération consiste
à user la région antérieure du sabot à la râpe jus—
qu'à ce que le tissu podophylleux ne soit plus recouvert
que par une mince couche de corne. Hurtrel d'Arboval
conseille de creuser simplement le coin de corne à
l'aide de la rénette, de manière à faire une fourmilière
artificielle. Dans beaucoup de cas, la douleur diminue
sensiblement après cette opération.
FERBUBE. — Le pied fourbu est muni ensuite d'un fer
convenable. Le fer à ajusture anglaise très couvert est
11 ( Dehan, Fourbure chronique faisant craindre la chute du sabot, guérie
par F aminci itement de ta paroi (Bec. de mid. vit., InlQ, p. 445).
'.) Conte, Traitement de la fourmilière (Journ. des vét. du Midi, I8S.>,
p. :

382 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
celui qui convient le mieux. Il doit être placé parallèlement
à la face plantaire de la troisième phalange;
il faut pour cela abattre dans une certaine mesure les
talons dont l'avalure est, on le sait, relativement rapide
(fig. 125). Le fer français, très ajusté, expose aux glissades,
rend l'appui incertain ; à plus forte raison le fer à
bord renversé a-t-il les mêmes inconvénients. Lorsque le
pied est très bombé, on interpose, entre le bord plantaire
de la muraille et le fer, une lame de cuir qui exhausse le
pied au-dessus du sol.
La ferrure de Pader, à crampons latéraux et en
éponges, est capable d'assurer l'assiette du pied sur le
sol (fig. 54).
Si le croissant a produit une plaie, on désinfecte celleci
et on applique un pansement antiseptique maintenu
par le fer.
TRAITEMENT DE HINGST. — Le traitement de Hingstjl)
consiste à isoler un lambeau de muraille en forme de'V,
dans la partie antérieure du sabot, et à repousser ce
(I) Hingst, Bemerkungen ùber rheumalische Hufentzùndung (Verschlag)
und ùber Beseitigung der durch dièse Krankheit entstandenen-Deformitâten
des Hufes (Archiv f. wiss. u. pr. Thierheilkunde,'lS7S,p. 38).

FOURBURE CHRONIQUE. 383
lambeau de manière à le ramener au contact du tissu
podophylleux dont il est séparé par la fourmilière ou le
coin de corne.
De chaque côté de la ligne médiane du pied, on creuse
une rainure oblique de haut en bas et de dehors en
dedans, de manière à circonscrire un lambeau de paroi
ayant la forme d'un V.
Les deux rainures doivent
s'étendre du voisinage du
bourrelet au bord plantaire
de la muraille, et,
à leur extrémité inférieure,
elles doivent intéresser
celle-ci dans toute
son épaisseur.
Lorsqu'il -agit d'une
fourbure pleine, on pratique
en outre l'opération
du croissant.
Le pied est alors pourvu
d'un fer muni d'une armature
métallique disposée
en arcade en avant de l'extrémité
inférieure du lambeau
délimité par les rainures,
et, grâce à une vis
fixée au milieu de l'arcade,
on repousse le lambeau sur le tissu podophylleux
fig. 126;.
Le traitement de Hingst a donné de bons résultats à
Boisse, à Bœllmann ; mais, dans le cas de fourbure chronique
avec déformation accentuée du pied, dans le cas
de fourbure chronique généralisée aux quatre pieds, il
faut le prévoir long et dispendieux (1;. On le simplifie
1 Auresrgio. Traitement de la fourbure chronique (Bull, de laSoc. centr.
'le ITCMI. i-e.i. 18^, p r,n. Traduction du travail de Hingst, par Ballmanu,

384 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
en disposant le pinçon du fer de manière à y fixer lavis
de pression, au lieu de souder une arcade métallique
(Bœllmann). Il est bon, par des applications irritantes,
de hâter la poussée de la corne en pince.
TRAITEMENT DE HERMANN SCHNEIDER. — Dans la ferrure
de H. Schneider, on se propose de s'opposer au déplacement
de la troisième phalange (1). Son mode d'action est
en quelque sorte inverse de celui de la ferrure de Hingst.
Cette ferrure est appliquée lorsque les symptômes aigus de
la fourbure commencent à se dissiper. Le fer employé est un
fer à planche double, c'est-à-dire un fer à planche ordinaire
dont la planche est réunie par une jetée métallique à la voûte
du fer (fig. 127). Cette jetée métallique doit prendre contact
avec le corps de la fourchette, et, au moment de l'appui, repousser
la troisième phalange en avant.
Ce procédé a donné des résultats satisfaisants à Joly (2), qui
etrapporlsur l'emploi de cette ferrure, parBoisse). — Laquerrière, Traitement
de la fourbure chronique, par l'opération du croissant, complétéepar des rainures
et un fer à vis(lbid., 1890, p. 199. — Analyse d'un travail de Bœllmann).
(1) Schneider, Schwentzky, Der Hufsehmied, 1888, p. 99 et 145.
(2) Joly, Note sur un nouveau traitement de la fourbure (Bec. de mid. vit.,
1889, p. 402; Bec. d'hyg. vil. milit., t. XVIII, p. 177).

FOURBURE CHRONIQUE. 385
a modifié le fer de Schneider en ne soudant pas la planche
autéro-postérieure à la voûte du fer, afin de la rendre un peu
mobile et moins brutale dans ses pressions ; à Bringard ( 1 ), qui
a adapté à cette planche, dans le même but, un tube pneumatique
en caoutchouc ; et à d'autres. Bringard pratique en outre
l'amincissement de la partie antérieure de la paroi et du coin
sous-jacent.
TRAITEMENT DE WATRIN. — Watrin conseille de parer le
pied fourbu parallèlement à la face inférieure de la
troisième phalange déviée. Les talons sont abattus,
l'appui se fait sur cette dernière région, la pince se
trouve quelquefois à plusieurs centimètres au-dessus du
sol.
L'animal est laissé au pré les pieds nus ; on a le soin
de retrancher, à intervalles rapprochés, la corne qui
pousse activement en talons. Quand l'animal peut être
remis en service, on lui place des fers à lunette très épais
en pince.
On arrive ainsi après plusieurs mois à ralentir la kératogenèse
dans les parties postérieures, à l'accélérer au
contraire dans les parties antérieures, et à obtenir
finalement que le sabot pousse en bonne direction (2).
Peters (3) procède d'une façon tout opposée, il ménage
les talons et applique un fer à éponges nourries ou à
crampons.
TRAITEMENT DEGROSS. — En 1847, Gross a conseillé de
combattre la fourbure chronique par les moyens suivants
:
On amincit à pellicule la paroi sur le bourrelet et un peu
tu-dessous, de manière à creuser une rainure sous-coronaire
qui s'étend jusqu'à l'union du quartier au talon ; une friction
irritante est pratiquée sur la couronne, dans la région de la
pince.
i, bringard. Du traitement de la fourbure chronique. (Bull, de la Soc.
".;ic. i>ti)7, p. 378).
: Watrin etMontajrnac, Journ. de mid. vit. milit., 1873-76, p. 37;.
f'el'rv toc. cil.
Chirurgie du pied. 22

386 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Le pied est ensuite ferré avec un fer léger, très couvert.
Les talons doivent être fortement abattus et la pince conservée.
En renouvelant la ferrure chaque mois, on arrive à corriger
les défauts du pied. Scheller a ainsi guéri une jument dont
les pieds étaient déformés depuis deux ans (I).
Les traitements de Pflug (2), de Bayer (3) consistent
aussi, dans leurs parties essentielles, dans l'abaissement
des talons et l'amincissement de la paroi à sa partie
antérieure et supérieure.
Quel que soit le traitement employé, il est rare que l'on
arrive à la guérison complète. Des lésions étendues et
anciennes ne permettent jamais la restitution intégrale
des qualités du pied.
L'animal est définitivement déclassé ; les services de
ville, en particulier, lui sont interdits.
La névrotomie a été conseillée pour permettre l'utilisation
des chevaux fourbus ; mais l'opération est très
dangereuse ; elle est très fréquemment suivie d'exongulation
à plus ou moins bref délai. Elle n'est donc justifiée
que dans les cas tout à fait désespérés, sur des sujets
inutilisables sans cela; elle ne prolonge pas d'ailleurs
beaucoup la durée de leurs services.
II. — PODODERMATITES ECZÉMATEUSES
A- - ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ (CRAPAUD)-
Définition. — Inflammation chronique hypertrophique
de la membrane tégumentairé sous-ongulée, dont la nature
encore discutée est généralement assimilée à celle
(1) Scheller, Boletin de veterinaria, anal, in Bec. de méd. vit., I8>".
p. 685.
(i) Pflug. Einige Bemerkungen sur Aetiologie und Thérapie der Hufrehe
Oesterreich. Monats, 1893, p'. 385, 433, 480).
(3) Imminger. Zur operativen Behandlung des Behehufes beim Pferdet
(Deutsch. thier. Wochensch., Ib97, p. 383).

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 387
des dermatite»- eczémateuses des autres régions du
corps.
Êtymologie. — Synonymies. — Il semble que l'appellation
bizarre de crapaud, qu'un long usage a fait prévaloir,
soit née de l'aspect repoussant que prend le pied
anciennement atteint et d'une grossière analogie de formes
avec l'animal de ce nom. Suivant Mégnin (1), l'origine
de ce mot serait dans le terme ranula (grenouille,
crapaud) employé par Végèce pour désigner la fourchette
du pied du cheval ; mal de fourchette était donc dit mal
de crapaud et finalement crapaud 2).
On a vainement tenté, jusqu'ici, d'introduire d'autres
dénominations : fie de la fourchette (hippiatres), ulcère
squirreux(Bourgelat), carcinome du tissu réticulaire (Vatel).
carcinome du pied (Delwart), podo-parenchydermite
chronique (Mercier), épithéliome de la fourchette (Puchs),
eczéma végétant du pied (Mégnin), dermatite chronique
végétante (Cadiot et Almy,.
Historique. — La maladie observée par les anciens
auteurs latins et désignée par eux sous le nom de pinsanese
du sabot parait bien être le crapaud (Moulé) (3).
Cest ce même mal qui affectait les animaux dont Rusius
a écrit qu'ils étaient maledictus in pede. Mais il faut arriver
à Solleysel pour trouver une description suffisante
de la maladie et les premières notions rationnelles sur
son traitement.
Le crapaud parait avoir été très fréquent au commencement
du siècle dernier et à la fin du xvm° ; il causait
à cette époque des pertes considérables.
fl) Mégnin, Mémoire sur le crapaud du cheval, sa nature et son traitement
(Jourp. de méd. vit. milit-, 184443, p. 1 et >>'),.
(2) Non» fanons des i«iu ponr qoe cette expression singulière finisse par
être rayée de M. notologie vétérinaire. Elle n'a point, en effet, l'avantage
qu'offrent certains autres termes de l'ancienne hippialrie, i la conservation
desquels non» ne taisons aucune objection (encastelure, fourbure, bleime,
«eime, etc.), d'avoir pour tous une signification précise el exclusire.
ï; Moule. Histoire de la mid. vit. au moyen âge (Bull, de la Soc. centr.
•le méd. et., 1900, p. »0).

388 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Il y a un demi-siècle, Percivall (1), H. Bouley (2), L.
Lafosse, (3), constataient déjà la disparition progressive
du mal sous l'influence d'une hygiène mieux comprise
et de l'amélioration des races.
Aujourd'hui, grâce à ces mêmes causes et peut-être
aussi parce qu'on apporte plus de soin à traiter les premières
manifestations morbides, à ne pas laisser s'établir
la maladie sous sa forme caractéristique la plus
tenace, celle-ci est devenue relativement rare.
Étiologie. — A de très rares exceptions près (4), l'eczéma
végétant sous-ongulé doit être considéré comme une
affection spéciale aux solipèdes. La proportion des atteints
paraît être plus grande parmi les chevaux et les mulets
que parmi les ânes.
La maladie est plus fréquente aux pieds postérieur»
qu'aux pieds antérieurs.
Causes prédisposantes. — Le lymphatisme est la condition
la plus évidemment favorable à l'invasion du
crapaud. Les chevaux mous, de race commune, originaires
des pays marécageux, en sont beaucoup plus souvent
atteints que les sujets de sang des races méridionales,
fins, nerveux et distingués ; les mulets du Poitou,
plus souvent que les mulets de Gascogne (L. Lafosse).
Cette influence de race et de tempérament a toujours
été invoquée et le meilleur choix des reproducteurs est
la cause la plus certaine de la disparition relative du
mal.
La constitution individuelle, c'est-à-dire une prédisposition
spéciale inhérente au sujet, est la condition étiologique
capitale du crapaud.
(1) Percivall, On lameness in the horse, 1852 (cité par H Bouley, in
Dictionnaire, p. 495).
(2) H. Boulev, Dictionnaire de mid., de chir. et hyg. vit. (art. CIUPIOD,
t. IV).
(3) L. Lafosse, Traité de path. vit., t. II, p. 758.
(4) Delmer, Un cas de crapaud chez le boeuf (Bec. de mid. vit., 1897,
p. 505).

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 389
La transmission héréditaire de cet état constitutionnel
n'est pas niable et la fréquence de la maladie sur les
descendants de sujets atteints a été souvent signalée (1).
Causes occasionnelles. — L'humidité du sol sur lequel
les animaux séjournent habituellement a une action
certaine sur le développement du crapaud ; aussi cette
maladie se voit-elle surtout sur les chevaux travaillant
dans la boue (chevaux de halage;, sur ceux vivant dans
les marécages, et ainsi s'explique l'influence quelquefois
invoquée des saisons pluvieuses.
L'action des liquides baignant le sabot est d'autant
plus nocive et déterminante de l'eczéma végétant que
ceux-ci jouissent de propriétés irritantes, telles l'urine,
les matières excrémentitielles, les boues acres et ammoniacales
de certaines villes.
Dans les écuries mal tenues où on laisse s'accumuler et
se décomposer le fumier et le purin, les chevaux contractent
facilement le crapaud ; c'est parce que les pieds
postérieurs baignent davantage dans ces liquides, sans
doute aussi parce que dans leurs lacunes plus profondes
s'accumulent et séjournent les matières fermentescibles,
qu'ils sont plus souvent affectés.
Une culture mieux entendue des terrains marécageux
et surtout les pro^rn^ de l'bygiène dans l'habitation des
animaux ont fait disparaître une des principales causes
du crapaud et contribué largement à rendre cette maladie
moins fréquente.
Un régime exclusivement sec, longtemps prolongé,
provoque les manifestations herpétiques. Dans certains
pays de vignobles nullement marécageux, où l'hygiène
de l'écurie est bien observée, mais dépourvus de pâturages
fBas-Languedoc), le crapaud n'est pas rare.
In eczéma suintant du pli du paturon précède souvent
! i Anginiard, Le crapaud est-il une affection locale? (Bec. de méd. rit.,
t". i p. r,'.i). — Magnin, Une observation éfhéridili du crapaud (Bull, de
lu >oc centr. de mid. tél., 1807, p. 530).
22.

300 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
l'eczéma sous-ongulé et celui-ci résulte en quelque sorte
de l'extension de celui-là. Le psoriasis do la fourchette
(fourchette échauffée, fourchette pourrie) est parfois le
point de départ de l'eczéma végétant, qui peut aussi se
développer, mais beaucoup plus rarement, à l'occasion
d'une plaie de la région soléaire ou d'une fissure de la
paroi (1), abandonnées à elles-mêmes.
Nature. — Pathogénie. — La nature du crapaud, encore
incomplètement élucidée, a été l'objet de nombreuses
hypothèses, et, à toutes les époques, ont été soutenues les
opinions les plus diverses.
Frappés par la ténacité du mal, autan t que parson aspect,
les anciens auteurs de la période anle-classique, n'hésitent
pas à affirmer que la source morbide n'est pas dans
le pied lui-même et que l'organisme tout entier est
vicié.
Solleysel (2i prétend que « les fies sont l'égout des humeurs
corrompues du corps du cheval >>. Lafosse (3) incrimine
l'âcreté de la lymphe nourricière ». Plus tard, Girard (4)
soutient que le crapaud qu'il appelle essentiel, est « une localisation
d'un état morbide général, d'un vice intérieur»; il
décrit, il est vrai, un crapaud accidentel, purement local, et
beaucoup moins grave. Cette idée de l'existence dans le crapaud
d'un état constitutionnel spécial, de la nature diathésique
de cette affection, n'a jamais été complètement abandonnée,
et nous verrons qu'aujourd'hui elle n'est guère plus niée et
parait bien d'ailleurs correspondre à la réalité des choses.
Au cours du dernier siècle, les auteurs, assez généralement
disposés à considérer l'affection comme exclusivement
locale, se sont davantage préoccupés de la nature
et des causes de ses lésions propres, d'ordre néoplasiquc
pour les uns, inflammatoire pour les autres.
(1) Vatel, Observation d'inflammation carcinomateuse du tissu riliculaire
du pied du cheval (Bec. de mid. vêt., 1828, p. 473).
(i) Solleysel, Parfait mareschal, 1733.
(3) Lafosse, Dictionnaire d'hippiatrique.
(4) Girard, Traité du pied.

ECZEMA VEGETANT SOUS-ONGULE. 391
La nature néoplasique du crapaud, à laquelle devaient
fatalement faire penser les fongosités exubérantes qui
caractérisent cette maladie, fut surtout admise avant
l'époque des recherches microscopiques.
Les dénominations adoptées reflètent l'opinion des auteurs :
fie de la fourchette (hippiatres , ulcère squirreux (Bourgelat),
carcinome du tissu réticulaire du pied (Vatel et Hurtrel d'Arboval)
(1). Delwart (T. Fuchs '3' etc., écrivant dans le même
sens; et encore après que Robin ,-»), Haubner (5) ont affirmé,
de par le microscope, l'absence de toute cellule cancéreuse,
Gleisberg (6) soutient la nature épithéliomateuse de l'affection.
Léonhardt il) la considère comme un papillome simplement
hyperplasiqne dans les cas ordinaires, sarcomateux dans les cas
plus graves; Schimmel (S . qui a observé un fait de fibro-sarcome
du coussinet plantaire, pense aussi que dans certains
cas de crapaud incurable il doit s'agir de tumeur maligne du
pied; mais de semblables lésions, très rares d'ailleurs, n'ont
de commun que l'aspect extérieur avec la maladie dont nous
nous occupons.
La nature inflammatoire de celle-ci, qui aujourd'hui
n'est plus discutée, avait été dénoncée par Bracy-Clark (9)
et par Dopuy (10,. « Simple ulcération des tissus souscornés
avec irritation des parties environnantes » pour
le premier ; « hypertrophie des fibres du sabot » pour
le second ; il s'agit en somme pour l'un et pour l'autre
d'une altération superficielle. Mercier (H) (d'Évreux)
(I) Valel, Éléments de palh. vit.. 18îi. — ilurtel d'Arboval, Dict. de
méd. et de dur. vit., 1838.
'.) Delwart, Du carcinome du pied du cheval (crapaud) et de ses moyens
curatif s. Bruxelles, 1843.
(3) Fuchs, Bepertorium, 1845, p. II.
(4) Robin, cité par H. bouley {Bec. de méd. vit., l'.ïl).
(Si Haubner, Magasin, 1834* p. 50 ; 1855, p, 390.
(Ji Gleisberg, Von den trophischen Verûnderungen d:r ihierischen Gewebe
und den Neoplasmen (Magasin, 1858, p. 183).
(7) Léonbardt, cité par Fogliata. in Manuale di Ippopodologia.
(8) Schimmel, ŒnterreichischeMonatuchrift fur Thierheilk., 1893, p.ï40.
l'J, Bracy-Claïk. On essay on the tanker of horse's feet. Loodon, 1822.
I'»j Oupuy, Journ. de mid. vit. théor. et prat., 1827.
•H Mercier, Du crapaud ou podopartosthydermite chronique (br. 1841 ;
J.uci. riet haras. 1841, p. 283).

392 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
formula aussi cette opinion, résumée dans le nom qu'il
proposait de substituer au terme crapaud : podoparenchydermite
chronique.
Avec H. Bouley \i), cette manière de voir devint classique.
Elle l'est restée, et < si l'on s'en tient aux seules
données bien établies, il faut considérer le crapaud
comme une variété de phlegmasie chronique hypertrophique
de la membrane tégumentairé» (Cadiotet Almy(2).
Quelle est la cause ou la nature intime de cette inflammation
spéciale ? Elle fut considérée comme simple ou
traumatique, exclusivement placée sous l'influence de
causes extérieures irritantes, mais la suppression de ces
causes n'amène pas la guérison et n'empêche pas toujours
les récidives.
L'idée de la nature parasitaire ou infectieuse du crapaud
a eu plus de succès.
Nous ne citons que pour mémoire l'erreur de Héring (3)
qui, pour l'avoir trouvé sur un pied malade, accusa un acarien
vagabond, vivant dans les détritus, le Glycyphagus cursor,
dénommé pour l'occasion Glycyphagus hippopodos. L'hypothèie
déjà ancienne rangeant le crapaud parmi les affections
cry.ptogamiques (4) parut recevoir des recherches de Mégnin (5)
une confirmation scientifique ; mais il fut bientôt démontré que
VOïdium batracosis ou kéraphyton de cet auteur n'a aucun
rôle pathogénique ; il semble seulement être l'agent de la fermentation
ammoniacale dont les pieds affectés sont le siège (6).
Beaucoup d'auteurs, et en particulier Nocard (7),
Imminger(8),Malcolm (9), etc., ont considéré le crapaud
(1) H. Bouley, Becueil, 1851; Dictionnaire, art. CRAPAUD.
(2) Cadiot et Almy, Traité de thérapeutique chir. vêt., t. II, p. 878.
(3) Héring, Bepertorium, 1845, p. 117; 1853, p. ».
(4) Fiasse, Sur la découverte des causes des maladies infectieuses, I8W.
(5) Mégnin, Mémoire sur te crapaud du cheval, sa nature et son traitement
(Journ. de mid. vét. milit., 1864-65, p. 1 et 65).
(6) Mégnin, Bec. de méd. vêt., 1875, note, p.539.
(7) Nocard, Bec. de méd. vit., 1886, p. 410; Bull, de la Soc. centr. de
méd. vit., 1886, p. 290.
(8) Imminger. Berlin, thier. Wochensch., 1803, p. 488.
(9) Malcolm, Journal ofeomp. pathol. and. therap., 1894, p. 2)0.

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 393
comme une infection spéciale du tégument kératogène.
Cette opinion s'étayait sur les résultats obtenus par
des traitements exclusivement antiseptiques et sur
quelques faits de transmission de la maladie par le séjour
prolongé d'un sujet sain sur une litière souillée par un
malade (i). Mais le crapaud résiste souvent avec une
désespérante ténacité à la désinfection la plus minutieuse;
les faits cités de contagion ne sont pas absolument
démonstratifs, et, en définitive, des preuves expérimentales
convaincantes n'ont pu être données de la nature
microbienne de l'affection.
L'assimilation du crapaud aux dermatites eczémateuses
des autres régions du corps a été nettement formulée
par H. Bouley 2). Mégnin (3) réunit sous la dénomination
significative d'eczéma végétant des extrémités du cheval
le crapaud et les eaux aux jambes. L'identité de ces
maladies ou du moins leur étroite parenté avec l'eczéma
proprement dit est démontrée par un certain nombre de.
caractères communs; celles-là comme celui-ci se traduisent
par une altération continue du processus épidermogène,
dont la tendance à s'étendre, à émigrer et à
récidiver est connue.
Crapaud, crapaudine, eaux aux jambes, eczéma sont
des manifestations diverses d'un même état dyscrasique,
diathèse herpétique, herpétisme, arthritisme, auquel on
rattache également l'emphysème pulmonaire, le rhumatisme,
la fluxion périodique. Il est fréquent de voir ces
affections coexister en plus ou moins grand nombre ou se
succéder sur un même sujet ou dans la même famille (4),
la guérison ou l'amélioration de l'une être immédiate-
(I) Fourie, Bee. de mid. vit., 1888, p. 81. — Felizet, Bull, de la Soc.
centr. de mid. vit.. 1888, p. 397.
H) H. Bouler, toc. cit.
13) Mégnin, Étude sur la diathèse dartreuse (herpilisme) et ses manifelta'ions
tégumentairé! chez les animaux domestiques (Bec. de mid. vit.,
!

394 AFFECTIONS- INFLAMMATOIRES DU PIED.
ment suivie de l'apparition ou de l'aggravation de
l'autre (1).
Nous avons observé des faits de cet ordre très curieux,
et en particulier utt mulet sur lequel l'eczéma, le crapaud
et l'emphysème s'amélioraient et s'aggravaient tour à
tour ; l'extension subite et très rapide de l'une de ces
maladies coïncidait avec la disparition non moins rapide et
presque complète des symptômes des deux autres.*
La pathogénie de l'eczéma végétant sous-onguWn'est
pas complètement élucidée par cela seul qu'on a rangé
cette maladie parmi les déterminations de l'arthritisme,
dont on ignore encore en effet la nature intime. Mais cela
suffit pour affirmer, suivant d'ailleurs une opinion'séculaire,
l'existence dans cette affection d'un état général
constitutionnel inhérent au sujet et transmissibl#par
hérédité. Ce serait un état de nutrition défectueux des
cellules que le régime pourrait aggraver et qui rendrait
possible l'infection par des agents banaux, favorisée ellemême
par des influences extérieures irritantes.
Symptômes. — L'affection débute toujours d'une façon
assez insidieuse et les premières manifestations ne sont
nullement caractéristiques.
Tantôt on observe un processus érythémateux de la
peau des talons et du pli du paturon, un eczéma suintant
qui gagne de proche en proche et s'étend sur le tissu
velouté sous-furcal.
Tantôt l'altération s'établit d'emblée sur le tégument
de la lacune médiane de la fourchette ; elle ne diffère
alors du psoriasis localisé, si fréquent en ce point, que
par son extension ultérieure plus ou moins rapide.
Cette inflammation spéciale de la membrane veloutée
se traduit d'abord par le décollement de la corne furcale ;
la surface tégumentairé n'est pas encore modifiée dans
(I) Cadéac, Emphysème pulmonain (Pathologie interne des animaux
domestiques, t. V).

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 39'o
sa disposition extérieure, mais la fonction kératogène est
profondément troublée. La formation épidermique est
remplacée par une sorte de sécrétion pathologique
dont le produit consiste dans une matière demi-tluide,
grisâtre, onctueuse au toucher, d'aspect caséeux, d'odeur
infecte, fortement ammoniacale, sui generis, formant un
revêtement de quelques millimètres sur le tissu dont elle
émane et qu'il est facile de détacher par un simple grattage;
au-dessous, le tissu velouté se montre rouge, vivement
enflammé.
Primitivement limitée à la lacune médiane de la fourchette
et après avoir rapidement envahi les branches et
le corps de cet organe, la maladie ne tarde pas à s'étendre
dans les lacunes latérales, sous les arcs-boutants et sous
les branches de la sole. Elle peut cependant passer longtemps
inaperçue, parce que les désordres en sont masqués
par la corne décollée ; et ce n'est qu'après l'enlèvement
ou l'usure de cette dernière qu'apparaissent les altérations
du tissu kératogène. « Il faut donc se tenir en garde
contre les apparences illusoires que peut présenter, dans
les premiers temps, le sabot d'un pied affecté de crapaud,
et ne pas croire au peu d'étendue du mal, d'après l'intégrité
extérieure de la boite cornée. » (H. Bouley.)
Dès qu'une brèche s'est produite sur le plancher du
sabot et que les tissus sous-jacents, sur lesquels la corne
ne se régénère pas, sont exposés aux injures extérieures,
les lésions s'aggravent, la membrane tégumentairé subit
des modifications profondes.
A cette période déjà avancée, apparaissent les végétations
qui constituent la caractéristique essentielle de la
maladie.
Ces végétations, dont les dimensions varient entre celles
d'un grain de chènevis et celles de la pulpe du doigl,
sont les unes coniques plus ou moins effilées, les autres
sphéroïdes, irrégulièremen^jnamelonnées, à base large ou
finement pédonculée. Elles sont surtout volumineuses et

396 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
saillantes dans le fond des lacunes latérales, sur les angles
d'inflexion et sur le bord plantaire, c'est-à-dire dans les
points où les villosités normales sont elles-mêmes plus
développées. Elles s'accolent souvent les unes aux autres
pour former des masses considérables, de véritables tics,
d'apparence homogène, mais dont il est facile cependant
de séparer les faisceaux.
En quelques points de la surface plantaire, les papilles
hypertrophiées, mais moins profondément altérées que
leurs voisines, se recouvrent de corne; la kératogenèse',
suractivée sur ces surfaces restreintes, produit de longs
faisceaux cornés, cylindriques ou prismatiques, d'apparence
filamenteuse, « analogues dans leurs formes à des
pinceaux grossiers dont les brins seraient maintenus"
agglutinés par une substance concrète ». Ces appendices,
sortes d'ergots, tortueux, plies, renversés dans tous les
sens par les pressions qu'ils ont supportées, représentaient
aux yeux des anciens les pattes de l'animal
auquel la maladie était objectivement assimilée.
Les intervalles qui séparent les végétations, fies et
ergots, sous forme de sillons ou crevasses sinueux et plus
ou moins profonds, sont remplis par une matière noire,
pâteuse, d'odeur repoussante, infect mélange de boue,,
de purin et du caséum pathologique dont nous avons
parlé.
Dans le crapaud très ancien, les lésions existent sur la
majeure partie ou même sur la totalité du tissu velouté;
elles gagnent souvent le tissu podophylleux, sur lequel elles
sont cependant, à quelques exceptions près (G. Petit) (1),
plus discrètes et les végétations beaucoup moins exubérantes.
Mais la paroi est décollée parfois dans la majeure
partie de son étendue, et le sabot, dont les adhérences
sont rompues en quartiers et en talons, dont les
arcs-boutants sont détruits, s'élargit et s'évase considé-
(1) G. Petit, Observation dun cas remarquable de crapaud (Bull, de ta
Soc.centr. de mid. vit., 1897, p. 154).

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 397
rablemen t ; la longueur exagérée de la muraille, à laquelle
le maréchal ne retranche rien pour éloigner du sol les
parties dénudées de la face plantaire, ajoute à la déformation.
Il peut arriver enfin que les parties de la membrane
tégumentairé jusque-là respectées, vers la région
de la pince, soient envahies à leur tour et que les faibles
adhérences de la muraille au niveau de la cutidure se
rompant au moment d'un effort de traction, le sabot se
détache complètement et tombe (1). V
Cette extrême extension des lésions est rendue possible
par cette particularité remarquable que la douleur, si
accusée dans toutes les maladies du pied, est ici à peine
prononcée et souvent nulle; de telle sorte que les animaux
peuvent être très longtemps utilisés sans boiter, et
que les propriétaires négligents laissent atteindre au mal
son ultime gravité.
Marche.—Terminaisons.—Complications. — L'eczéma
végétant sous-unguéal a une marclie très lente, mais elle
peut s'accélérer sous l'action persistante des causes occasionnelles
(humidité, malpropreté, etc.). Dans les
conditions contraires elle se ralentit et la maladie peut
rester longtemps stationnaire, et même rétrograder,
sans cependant guérir.
La règle est l'extension progressive des lésions, qui
aboutissent finalement à dépouiller les tissus vivants du
pied de leur enveloppe protectrice. Ceux-ci sont alors
exposés à diverses complications d'ordre traumatique,
plus ou moins graves. On a noté des nécroses tendineuses
on osseuses, le javart (2) et l'arthrite, que d'aucuns
avaient cru pouvoir rapporter à l'envahissement des
tissus profonds par l'inflammation spéciale du tégu-
11 H. Bouler, loc. cit., p. 502.
i : hnard, Crapaud du membre postérieur gauche. Complication de javart
cariiianinevx, quartier interneJ&sériêon radicale par l'eau de Babil et le
goudrc, Journ. de mid. vit., 1*53, p. 212). — Pfeiffer, (Monatshefte f.
prakt TbierhcM., X. X, p. 158).
Chirurgie du pied. 23

398 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DO PIED.
ment (1), mais qui sont toujours dus à des influences
accidentelles. Ce sont ces lésions surajoutées qui terminent
le plus souvent la scène morbide, en commandant
l'abandon du sujet.
Nous' devons encore noter, comme complications du
crapaud, diverses maladies qu'il n'est pas rare de voir
apparaître concurremment avec lui : eczéma cutané,
eaux aux jambes, emphysème pulmonaire, etc., que
nous savons être les diverses manifestations de la même
diathèse.
C'est encore cette influence qui commande l'envahissement
successif des quatre pieds sur certains sujets, et
la récidive fréquente de la maladie si une fois on en a
obtenu la disparition.
Anatomie pathologique. — Les lésions macroscopique,
superficielles, décollements de la corne, tuméfaction et
coloration rougeàtre de la membrane kératogène débarrassée
de l'enduit pultacé grisâtre qui la recouvre, hyper-»
trophie et déformation des papilles, etc., sont l'expression
symptomatique de la dermatite eczémateuse ; elles
ont été déjà décrites.
Lorsque l'affection est ancienne, le processus inflammatoire
s'est étendu en profondeur. L'épaisseur de la membrane
tégumentairé est considérablement augmentée,"
Le coussinet plantaire lui-même paraît hypertrophié; il
est infiltré par de l'exsudat jaunâtre gélatineux, dans ses
couches superficielles ; il est plus dense, plus fibreux
dans ses couches profondes et se confond avec l'aponévrose
plantaire. On peut exceptionnellement rencontrer
des ostéophytes à la face plantaire de la troisième phalange.
La nature exclusivement inflammatoire de ces
altérations avait déjà été affirmée par H. Bouley sur
la foi des examens microscopiques de Robin (2).
(1) Janné, Du crapaud du cheval (Mémoire analysé par Dupuy, in Journ.
le méd. vét. théor. et prat., 1833, p. 388).
(2) Becueil deméd. vét., 1851.

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 399
Les lésions microscopiques du crapaud ont été fort bien
décrites par Gutenacker (I) et dans un tout récent travail
par Pader (2).
Elles sont essentiellement caractérisées par une hyperplasie
cellulaire des couches superficielles du corps
papillaire et du corps muqueux, par l'infiltration œdé-
- Coupe .ta corps papillaire de la fourctietle sur un pied atteint
de crapaud Pader .
•en; S, der rpertrophiées,
modules embryonulires; e. manchons porivasculair
mateuse de ces mêmes zones, par des altérations spéciales
des cellules aboutissant à leur désagrégation.
A un faible grossissement, on voit que les papilles
veloutées lier. 128; sont les unes atrophiées, les autres considérablement
hypertrophiées, irrégulières, à base élargie,
a sommet divisé en papilles secondaires multiples ; sur
leurs faces latérales se rencontrent aussi des papilles secondaires
et même tertiaires.
(Il Gutenacker. Oie Huft-rankheiten des Pferdes, 1901, p. 235.
ti- f'ider. Etude sur le crapaud (Bull. Soc. des Sciences vétérin. de Lyon,
Wiî, p. \f, .

400 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Les feuillets podophylleux, lorsque le crapaud s'étend
en quartiers, montrent des altérations de même ordre;
certains d'entre eux sont atrophiés par la pression de
leurs voisins hypertrophiés ; ceux-ci portent vers leurs
extrémités des lames secondaires ou tertiaires dont les
parties terminales se désagrègent en papilles, l'ensemble
dessinant sur la coupe « un tronc d'arbre à plusieurs
branches » (Gutenacker).
Les formations et altérations élémentaires doivent
être considérées dans les différentes couches de la membrane
kératogène.
Dans le stroma conjonctif des papilles et des feuillets
se développent des cellules rondes embryonnaires,, groupées
en nodules plus ou moins larges ou disposées en couronne
autour des sections vasculaires, et d'autant plus
nombreuses qu'on se rapproche des parties superficielles
du derme. Les mailles connectives sont écartées, distendues
par une exsudation séreuse et une infiltration
leucocytaire plus ou moins abondantes.
Les vaisseaux sont eclasiés, souvent rompus à l'extrémité
des papilles où l'on rencontre alors des foyers
hémorragiques (fig. 129).
La transition est insensible entre les éléments dermiques
embryonnaires et la couche malpighienne profonde
dans laquelle les cellules sont arrondies, gonflées, disjointes
par l'injection œdémateuse, séparées par de nombreux
leucocytes.
Le corps muqueux est toujours considérablement
épaissi. Dans sa zone moyenne, les cellules épithélialesprésentent
des altérations profondes, soit qu'elles subissent
des pressions par la sérosité accumulée dans les espaces
intercellulaires, soit qu'elles deviennent elles-mêmes
hydropiques, se distendent ou éclatent; ainsi se constituent
des vésicules plus ou moins volumineuses extra ou
intracellulaires (Pader) (fig. 130).
Dansles couches les plussuperficielles^îa kératinisation

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 401
est nulle ou incomplète, les cellules dégénérées ou
i feuilleté en quartier atteint de crapaud (t
',, ^pidermc com4
igique en voie d'organisation.
déchiquetées se désagrègent, les vésicules s'ouvrent et
leur contenu s'écoule à l'extérieur.

402 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
A la surface de la membrane kératogène malade, les
cadavres et les débris cellulaires, les éléments sanguins,
les globules de pus forment avec le liquide des vésicules
Fig. 130. — Formation de vésicules au sommet d'une papille œilémaliée(Pader).
a, sommet de papille altérée par l'œdème; 4, cellule en altération cavilaire;
, vésicule résultant de la rupture de plusieurs cellules : '/, débris .le nojauj
ans une vésicule; c, cellules du corps muqueux gonflées et en chromatolyse
rompues une sorte d'enduit blanchâtre ou grisâtre dans
lequel se développe une flore microbienne abondante et
variée (Baruchello, Gutenacker, Pader).
Il est remarquable que ces lésions du crapaud » sont
à peu près exactement celles décrites par les dermatologistes
dans l'eczéma cutané. Cela est un nouvel argu-

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 403
ment, et non des moindres, en faveur de la nature
eczémateuse de cette affection.
Diagnostic. — L'eczéma végétant une fois établi se traduit
par des signes tellement nets que toute confusion
devient impossible. Tout à fait au début, l'inflammation
érythémateuse du creux du paturon pourrait être rapportée
au horse-pox, mais, outre que dans ce dernier cas
il est exceptionnel de ne point trouver d'éruption en
d'autres points du corps, l'inflammation du crapaud se
distingue par son acuité moindre et par sa tendance
immédiate à la chronicité.
Alors que l'affection est encore localisée à la lacune
médiane de la fourchette, elle est confondue avec la
dermatite bénigne commune en ce point (intertrigo et
eczéma de la fourchette), mais la confusion importe peu,
les indications thérapeutiques étant les mêmes ; la persistance
du mal après les premiers soins lève tous les
doutes.
Lors de crapauds graves et rebelles, il faut penser à la
possibilité d'une tumeur du pied, quelque rares que
soient celles-ci. La ténacité des lésions et leur extension
rapide malgré un traitement approprié, l'exubérance des
végétations et l'envahissement en profondeur par le tissu
néoplasique, doivent éveiller l'attention ; l'examen microscopique
des parties excisées fixe le diagnostic.
Pronostic. — L'eczéma du tissu kératogène est une
maladie grave. Sa marche progressive, la résistance qu'il
oppose d'habitude aux moyens de traitement et, surtout,
ses récidives fréquentes et son caractère ambulatoire le
rendent redoutable.
Il semble cependant que le pronostic soit moins sévère
qu'au temps deChabert, pour lequel cette affection était
« l'opprobre de la médecine vétérinaire ... La raison, à
notre avis, s'en trouve autant dans l'amélioration des
constitutions favorables par la sélection et l'hygiène
que dans les progrès de la thérapeutique.

404 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
L'incertitude dans laquelle on se trouve relativement
aux qualités de la diathèse sur un sujet déterminé ne
permet jamais d'établir des prévisions fermes sur les
chances de guérison et la durée du traitement. Cependant
l'ancienneté du mal, ses récidives antérieures, sa généralisation
à plusieurs pieds, l'existence d'autres manifestations
d'herpétisme, l'âge avancé du sujet, indiquent
un terrain défavorable et assombrissent le pronostic.
La durée du traitement, toujours de plusieurs semaines et
souvent de plusieurs mois, est, au point de vue économique,
un élément important du pronostic, dont la gravité
toutefois est atténuée en ce sens que, si les circonstances
le permettent, les animaux peuvent être utilisés
presque sans interruption.
Traitement. — Le traitement du crapaud a beaucoup
varié suivant les époques et avec les idées que les auteurs
se sont faites sur la nature de l'affection. La ténacité de
celle-ci a suscité une infinité de moyens à lui opposer,
sur l'efficacité relative desquels on a souvent discuté.
Nous signalerons d'abord un certain nombre de ces procédés
et nous insisterons ensuite sur les indications
générales et la technique classique du traitement.
A. PROCÉDÉS DE TRAITEMENT.
Il convient de les classer en : 1° moyens chirurgicaux;
2° moyens médicamenteux ; 3° moyens mécaniques ;
4° moyens modificateurs généraux. On associe d'ailleurs
souvent les moyens des différents groupes et on les utilise
successivement ou concurremment.
1° MOYENS CHIRURGICAUX. — L'ablation de la corne qui
recouvre, à leur périphérie tout au moins, les lésions du
tissu kératogène est une première intervention,opératoire
toujours indispensable. " ''
L'excision des fies et végétations, de la membrane tégu-

ECZÉMA VÉGÉT.A.NT SOUS-ONGULÉ. 405
mentaire malade est aussi généralement conseillée et
presque toujours nécessaire. Solleysel bornait à cette
opération le rôle de l'instrument tranchant. Girard (1)
en précisa les règles; il montra qu'elle était suffisante.
L'idée de la nature néoplasique du crapaud avait fait
concevoir, en effet, une intervention chirurgicale plus
complète par laquelle, après avoir pratiqué la dessolure,
on extirpait le coussinet plantaire pour détruire les
« racines du mal » que l'on poursuivait parfois jusque
dans l'os ou l'aponévrose plantaire.
Cette opération radicale, indiquée par Lafosse fils (2),
fut pratiquée dans les écoles vétérinaires par Chabert (3),
Renault(4), Dieterichs (5), Delwart (6), Rey(7), et resta
longtemps en vogue. Elle ne répond guère au précepte
de conservation dont s'inspire la chirurgie moderne;
cependant, en ces dernières années, Imminger (8),
Hoffmann (9), Bayer (101 ont préconisé l'abrasion de la
membrane tégumentairé dans tout le territoire envahi;
Eberlein (11), Plosz(12) ont excisé aussi le coussinet
plantaire. Grâce à l'anesthésie, l'esmarchisation et l'antisepsie,
ces tentatives n'offrent ni les difficultés, ni les
(1) Girard, Traité du pied.
(- Lafosse, Dictionnaire a"hippiatrique. Paris, 1775.
(3) Chabert, Sur le crapaud. Paris, 1796.
(4) Renault, Quelques observations sur le crapaud du cheval, guéri à la
suite de remploi combiné de l'extirpation et de la cautérisation par les
caustiques {Bec. de mid. vit., 1828, p. >1).
(5) Oieteriebs, Gurll u. Bertwig's Magazin, 1842, p. 146.
(6) Delwart, Du carcinome du pied. Bruxelles, 1843.
(7) Rey, Traitement du crapaud ou carcinome du pied du cheval (procédé
Delwart) (Journ. de méd. vil., 1847, p. 176).
(8) Imminger. Die Beilung des sog. Strahlkrebses beim Pferde (Berlin,
thier. TVoehensch.. 1893, p. 4S8). — Zur operativen Behandlung des
Hufkrebses (Deutsche thier. Woehensch., 1897, p. 374).
f9) Hoffmann, Bcpcrloriurk der Thierh., 1892, p. 236.
(10) Baver (cite par Plosz). *
(11) Eberlein. Die opérâtive Sehandlunq des sogen. Strahlkrebses (MonaUhefte
f,%- prakt Thierh.4&M, P- 383)-
(\ï) Plosz, Die operalive Behandlung des sogen. Strahlkrebses(Monalshefte
fur prakt. Thierh.. 1805, p. 4'iOf
23.

406 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
dangers que présentait autrefois l'opération de Lafosse.
La cautérisation actuelle a été indiquée pour la destruction
des tissus exubérants ou malades (Solleysel,
Prévost, etc.) (1). Hurtrel d'Arboval (2) avait imaginé de
faire brûler sur les parties atteintes un mélange de
poudre de chasse et de soufre et de renouveler cette opération
deux ou trois fois de suite, en enlevant chaque fois
l'escarre (Crépin) (3).
2° MOYENS MÉDICAMENTEUX. — Une foule de topiques,
simples ou composés, ont été préconisés. Les substances
très diverses dont on a vanté les effets ont été utilisées à
titre de caustiques, d'astringents, d'absorbants ou d'antiseptiques.
Parmi les caustiques nous citerons : l'acide azotique,
employé seul [Percivall (4), Delorme (5), L. Lafosse (6)],
ou sous forme d'onguent composé (procédé de Solleysel)
(7) ; l'acide sulfurique, le plus souvent associé, soit
à l'alcool (eau de Rabel) (8), soit à l'alun (pâte de
Plasse) (9), soit à l'essence de térébenthine (liqueur de
Mercier) (10), soit encore au sulfate de cuivre etau vinaigre
(liqueur de Véret) (11); l'acide chlorhydrique pur
(1) Prévost, Becueil. 1831, p. 14.
(2) Hurtrel d'Arboval, Dictionnaire.
(3) Crépin, Note sur le crapaud (Journ. de méd. vét. théor. et prat.
1833, p. 398).
(4) Percivall, The veterinarian, 1851, an. in Bec. de méd. vêt., 1852,
p. 938.
(5) Delorme, cité par H. Bouley, in Dictionnaire, t. IV, p. 534.
(6) L. Lafosse, Traité de pathologie, t. II, p. 766.
(7) Solleysel, Remèdes pour les fies qui viennent aux pieds (Parfait
mareschal, 1758, 1" part., p. 209).
(8) Renault, loc. cit. — Collignon, De l'usage des caustiques liquidei(L&
clinique vêt., 1847, p. 172). — Marel, Bull, de la Soc. centr. de méd. vêt.,
Bec. de méd. vit., 1851, p. 689.
(9) Plasse, Méthode concernant les moyens curatifs contre le crapaud
du pied du cheval (La clinique vit., 1845, p. 591 ; Journ. des vét. du Midi,
1848, p. 112; Journ. de méd. vit. milit., 1864-65, p. 340). — Deneuboorg,
Notice sur le crapaud du pied du cheval. Son traitement (Ann. de méd,
vit., 1880, p. 121).
(10) Mercier, loc. cit.
(11) Véret, D'une liqueur caustique (Bec. de mid. vêt., 1839, p. 138).

ECZEMA VEGETANT SOUS-ONGULÉ. 407
(Migeotte) (1) ou avec sulfure d'antimoine (caustique
Vivier) (2); le protochlorure d'antimoine (Huzard,
Huart) (3); le chlorure de rinc (pâte de Canquoin) (4); le
sublimé corrosif (H. Bouley) (5); l'acide arsénieux et la
potasse caustique (Thurlemann) (6); les sulfates de cuivre,
de zinc et de fer (Délavai) (7) ; l'essence de térébenthine
(Rivière) (8); le nitrate d'argent (Strebel (9); le
chlorure de chaux (Eichbaum) (10); l'azotate de plomb
(Pûtz) (H), (Dollar) (12); l'acidesalicylique(Sand) (13); la
formaline (Frohner, Hell) (14); le carbure de calcium
(Mesnard) (15) etc., etc.
Les caustiques sont quelquefois appliqués sur les
(1) Migeotte, Société de méd. vét. de Namur, 1880 (Ann. de méd. vêt.,
881, p. 112).
(2) Vivier, Bull, de la Soc. centr. de méd. vét., 1875, p. 377 (rapport de
H. Bouley).
(3) Huzard, cité par H. Bouley (Dictionnaire, t. IV, p. 539). — Huart,
Bec.de méd. vêt., 1856, p. 391, Bull, de la Soc. centr. (rapport de H. Bouley);
Bec. de méd. vêt., 1857, p. 320.
(4) Rey, Compte rendu des travaux de l'École de Lyon (Journ. de mid.
vêt.. 1843. p. 128).
(5) H. Bouley, Compte rendu êtes travaux de l'École d'A Ifort (Bec. de
méd. vit., 1852J p. 704).
(6) Thurlemann, Archiv fur Thierheilkunde, an. in Journ. des vét. du
Midi. 1854, p. 559. — Fischer, Bec. de méd. vêt., 1852, p. 641, d'après Thierarztliche
Zeitung, 1845. p. 177.
(7) Délavai (cité par H. Bouley), Dictionnaire, t. IV, p. 541.
(3) Rivière, Note sur le traitement du crapaud par l'essence de tiribenthine
{Journ. de méd. vêt., 1867, 340).
(9) Strebel, Journ. de mid. vit., 1869, p. 214.
(10) Eichbaum, Beitrag zur Pathologie und Thérapie der bôsartigen Stahl
aùle der Pferde (Magazin fur die gesammte Thierheilkunde, 1846, p. 272)
— Kirchner, Ibid., 1852, p. 223. — Fischer, Journ. vét. et agr. de Belgique,
1847, p. 31.
(H) Pûti, Zur Behandlung der Sehnenerkrankungen und des sogenann
ten Bufkrebses des Pferdes (Deutsche Zeitschrift. f. Thierm., 1895, p. 25)
(12) Dollar, The vet., 1895, p. 366, an. in Bev. vêt., 1896, p. 165.
(13) Sand, Deutsche thier. Woehenseh., 1899, n» 22, an in. Annales
1O00, p. 162.
(14) Frohner, Monatsh. f. prak. Thierh., 1897, t. IV, an. in. Bev. vét.
1998, p. 510. — Hell. Wochentehrift f. Thier. u. Vieh. an. in. Becueil, 1899
p. 187.
(15) Mesnard, Sur le traitement du crapaud par le carbure de calcium
(Bull. Soc. cc-n'r. de méd. vêt.. 1898, p. 281).

408 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
végétations du pied, après avoir seulement aminci la
corne à la périphérie de la région affectée et la cautérisation
est renouvelée jusqu'à destruction complète des
fongosités, opération non sanglante du crapaud » (Percivall,
Migeotte, Piitz, Frohner, Hell) ; mais le plus souvent
ces médicaments sont étendus sur la membrane kératogène
préalablement nivelée, débarrassée de ses excroissances
morbides.
Les astringents sont quelquefois préférés aux caustiques
dans les cas où la maladie est récente, les végétations
peu saillantes et la sécrétion morbide peu abondante.
Ils peuvent à eux seuls donner la guérison ; mais le plus
souvent leur usage fait suite à celui des caustiques'. •
En première ligne se placent les pyrogénés, parmi
lesquels le goudron de bois a été surtout recommandé
(Bracy-Clark, Reynal, H. Bouley) ; on a aussi employé
quelquefois le goudron de houille, l'huile de cade, l'huile
empyreumatique, l'huile de naphte et la suie de cheminée
(1). Les solutions plus ou moins étendues de
sulfates métalliques (Délavai), sulfate de cuivre en particulier
(2), sont très couramment utilisées. Schaack préconisait
l'acétate de «uivre (verdet) en oxymel (3),
Delpérier (4) l'emploie en solution légèrement ammoniacale.
L'onguent égyptiac depuis Bracy-Clark et Girard,
n'a jamais été abandonné.
Citons encore le perchlorure de fer vanté par Mégnin (5),
la teinture d'iode (Baruchello), et enfin des styptiques
(1) Martin, De l'emploi de la suie dans le traitement du crapaud (Journ.
de méd. vét. milit., 1862-63, p. 94).
(2) Verrier, D'un nouveau mode de guérir le crapaud (Bec. de méd. vit.,
1864, p. 38). — Rey, Journ. de mid. vit., 1866, p. 499.
(3) Schaack, De l'emploi de l'acétate bibasique de cuivre (verdet du commerce
pour le traitement du crapaud (Journ. de méd. vêt., 1856, p. 528;
1860, p. 304; 1869, p. 207). — Viseur, Encore un nouveau remède contre le
crapaud (Bec. de mid. vet., 1872, p. 622).
(4) Delpérier, Étude spéciale du sabot du cheval, 1898, p. 559.
(5) Mégnin, loc. cit. — Molinié, Clinique de Toulouse (Journ. des rit. du
Midi, 1866, p. 7).

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 409
pulvérulents, tels que le tannin, l'écorce de chêne, la
cendre de bois, le plâtre fin (Molier), le ciment de
Portland (1), qui, à leur action restrictive, joignent des
propriétés absorbantes très utiles. Pour ce dernier effet
on a conseillé aussi des poudres inertes (craie, poudre
de charbon, amidon, fécule de pomme de terre) dont on
a obtenu quelques bons résultats (Delpérier).
Le traitement antiseptique du crapaud fut l'application
logique de la théorie infectieuse un instant en faveur, et
on le crut destiné à supplanter tous les autres; mais on
ne tarda pas à s'apercevoir que sa prétendue spécificité
était illusoire et qu'employé exclusivement il se montrait
souvent infidèle. Les pulvérisations prolongées et successives
de liqueur de Van Swieten et d'éther iodoformé,
(procédé Nocard), ont donné quelques succès (2). On a
employé pour les pansements la plupart des substances
antiseptiques connues : l'acide phénique (3), l'iodoforme
(4), le crésyl (5), la créoline, le calomel, le tannoforme,
le dermatol, le thioforme, la pyoctanine, etc., etc.
On n'oubliera pas cependant que si l'infection n'est
point la cause première et suffisante de l'inflammation
du tégument kératogène elle y a une part importante.
Les antiseptiques ont donc une action utile; ils complètent
une cure commencée par des moyens plus énergiques,
instruments tranchants et caustiques.
3° MOYENS MÉCANIQUES. — La compression des surfaces
(I) Saudé, Traitement du crapaud par le ciment (Bull, de la Soc. centr.
de méd. vit., 1896, p. 7*1, rapport de Lavalard).
!î) Nocard, Nouveau traitement du crapaud, basé sur Vhypothèse de la
nature parasitaire de la maladie (Bec. de méd. vit., 1886, p. 410-730 ; Bull,
de la Soc. centr. de mid. vit., 1886, p. 290). — Louvot, Bec. de mid. vêt.,
1886, p. 584. — Passet, Bec. de mid. vit., 1886, p. 585.
(3) Guempain, Becueil de méd. vit., 1865. — Brissot, Bec- de mid. vêt.,
1868, p. 507. — George, Bec. de mid. vit., 1886, p. 5»ï.
(4) Gillibert, Emploi de Viodoforme dans le traitement du crapaud (Bec.
de mid. vit., 1885, p. 237). — Aies, loc. cit.
(5) Lacet, Sur un nouveau traitement du crapaud (Bec. de mid. vit.. 1890,
p. 545). — Bridré, Sur un nouveau traitement du crapaud, 1892, p. 294.

410 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
malades par un pansement approprié à été très généralement
préconisée.
D'aucuns avaient pensé même qu'à l'exclusion de toute
autre intervention ce moyen devait amener l'atrophie
progressive des fies. Mais il convient mieux de borner
son rôle à empêcher ces derniers de repousser après leur
excision. Le plus souvent, d'ailleurs, le pansement compressif
n'est considéré que comme un adjuvant à l'action
exercée par l'un des agents médicamenteux précités.
Une simple étoupade sèche pressée entre le pied et
un fer à plaque a donné des guérisons (1). Bernard utilisait
un mastic composé de cire jaune et de térébenthine ; la
même plaque de ce mastic, exactement moulée surle pied,
était replacée à chaque pansement (2). La gutta-percha
peut avantageusement remplir le même office (3). Une
compression énergique et très uniforme peutêtre obtenue
en coulant du plâtre des mouleurs dans l'espace compris
entre le pied et la plaque du fer (4).
Molier recommande un moyen de traitement du crapaud
d'une idéale simplicité : il consiste à faire promener
le cheval monté sur une épaisse couche de gravier fin et
sec, une heure tous les jours, et à le faire séjourner à
l'écurie sur un sol de même nature (5). On peut également
placer le pied malade dans une botte à cataplasme remplie
de sable de rivière très sec (Delpérier).
4° MOYENS MoniFiCATEURs GÉNÉRAUX. — L'usage en est
aussi ancien que l'idée de la nature constitutionnelle du
crapaud : la pratique a affirmé leur efficacité et ils n'ont
pour ainsi dire jamais été abandonnés, même par ceux
qui ont adopté les variations doctrinales sur la pathogénie
de la maladie.
(1) Renault, loc. cit.
(2) Bernard, Journ. des vit. du Midi, 1840, p. 307.
(3) Vivier, loc. cit.
(4) Naudinat, Communication inidite.
(5) Liftas, Mitlheilungen aut des Praxis (Strahlkrebs) (Berlin, thierh.
Wochens., 1896, p. 76;.

ECZÉMA VÉGÉTANT SOUS-ONGULÉ. 411
Solleysel conseillait l'usage interne du foie d'antimoinej.
« qui, dit-il, ne souffre rien d'impur dans le corps ».
L'administration de purgatifs et de diurétiques est
usuelle dans le traitement du crapaud. On a souvent conseillé
l'application de sétons sous le corps ou sur le haut
des membres malades.
Les toniques et les amers ont été recommandés, les sels
de fer en particulier (Delwart, Hertwig, Zundel, Deneubourg).
On a employé aussi les altérants (émétique, mercuriaux,
alcalins'.
Mais c'est l'acide arsénieux (eau arsenicale, liqueur de
Fowler, liqueur de Pearson) qui, depuis un demi-siècle,
est surtout utilisé ; maintes fois on en a vanté les effets
(Délavai,Feuillette, iS'iederberger, Hoffmann, Obich, etc.).
B. IHDICATIOSS. — TECHNIQUE.
.Nous devons maintenant donner quelques détails sur
la mise en œuvre des moyens les plus employés parmi
ceux que nous venons d'énumérer; leurs indications
varient d'ailleurs suivant les cas et suivant le moment.
Le traitement local de l'eczéma sous-ongulé comporte
trois phases (I) : phase opératoire, phase modificatrice,
phase de réparation.
bcxnsla. phase opératoire, on doit découvrir la membrane
tégumentairé malade et la débarrasser de ses végétations ;
l'excision simple de celles-ci (opération Solleysel-Girard)
est le procédé généralement adopté.
Le pied est d'abord nettoyé et paré à fond; le sondage
indique les limites du décollement du sabot: on peut
ainsi tout de suite s'assurer du siège des lésions et de leur
étendue et préparer un pansement et un fer adaptés aux
délabrements que l'on sera obligé de faire. Un cataplasme
antiseptique et désodorisant est maintenu pendant
vingt-quatre heures.
(1) Pader. frécis de maréchalerie.

412 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
On procède alors, l'animal étant solidement assujetti,
à l'ablation complète des parties du sabot décollées ; on
ne doit laisser nulle part un seul point où la corne soit
désunie par un suintement morbide: cette règle est essentielle
et de son exécution dépendent le succès et la rapidité
de la cure. Dans le fond des lacunes, le haut des arcsboutants
est presque toujours soulevé; il importe de découvrir
ces points.
Si l'inflammation s'est propagée sur le podophylle, on
peut rendre accessible la surface malade en évidant,
avec une rénette à gorge étroite, la face interne de la
paroi (Cadiot et Almy, Pùtz); mais il vaut mieux agir à
ciel ouvert, à moins cependant que l'enlèvement de la
muraille sur une trop grande étendue mette dans l'impossibilité
d'appliquer un fer : il y a toujours intérêt à ne
pas se priver de cette pièce si utile du pansement.
La corne doit toujours être amincie en large biseau
au pourtour des brèches faites au sabot.
On rase ensuite à l'aide des ciseaux, du bistouri
convexe ou d'une feuille de sauge bien tranchante, toutes
les productions hypertrophiques sur la surface malade
mise à nu, on creuse les lacunes, on sculpte la fourchette;
on ramène, en un mot, tout le champ occupé par
le mal aux formes et-aux dimensions de l'état physiologique,
tout en respectant la couche réticulaire de la
membrane kératogène. Cette dernière est indispensable
à la prompte régénération de la corne, mais elle doit au
préalable subir les influences modificatrices capables de la
remettre en son état normal.
Nous avons vu que les agents proposés à cet effet sont
nombreux, aucun n'est spécifique ; depuis longtemps on
sait que le choix du topique importe beaucoup moins
que la façon de l'appliquer : on ne saurait donc trop insister
sur les soins à apporter au pansement.
La plaie est détergée par une irrigation antiseptique
prolongée (liqueur de Van Swieten, eau phéniquée) pen-

ECZÉMA VÉGÉTANT SOLS-ONGULÉ. 413
dant laquelle l'hémorragie en nappe plus ou moins abondante
se tarit peu à peu. Une cautérisation superficielle
légère est alors pratiquée sur toute la surface vive :
nous nous servons pour cela du crayon de nitrate d'argent,
que nous remplaçons quelquefois par un cautère
rouge rapidement promené à la surface de la plaie, ou
encore par un bon flambage, s'il n'y a pas d'anfractuosités
profondes.
On termine par une application antiseptique et absorbante
(iodoforme et sous-nitrate de bismuth, dermatol et
amidon) recouverte par une bonne couche d'ouate hydrophile
sèche, le tout maintenu par une étoupade et une
bande, disposées de telle sorte qu'une compression régulière
et suffisamment énergique s'exerce sur toutes les
parties mises à nu.
Ce pansement est complété par un fer à plaque ou à
éclisses dont les modèles sont nombreux, fixé par des
clous aussi souvent que l'état du sabot le permettra,
ou par des courroies sur le paturon (Lies) (fig. 76) (1).
Lorsque le crapaud existe en même temps sur plusieurs
pieds, et si les lésions sont étendues, on n'opère dans la
même séance qu'un seul pied ou les deux pieds d'un bipède
diagonal, cela pour ne pas compromettre la station
debout si l'opération rendait l'appui difficile.
Dans les pansements consécutifs, renouvelés tous les
cinq à six jours, on trouve le champ opératoire recouvert
d'une pellicule cornée, quelquefois adhérente sur une
partie de l'étendue, vers les bords, ou soulevée par la
sécrétion morbide caractéristique, blanchâtre, caséeuse,
d'odeur fétide, sur tous les points où l'eczéma a persisté.
Cette matière est enlevée par grattage, de manière à découvrir
la membrane malade sans lavulnérer, puis on traite
comme après la première intervention; la cautérisation
doit être d'autant plus légère que la sécrétion est moins
(I) Lies, Vebex Hnfkrebs undStraubfuss (Berlin, thier. MVochenschr. 1893,
p. 537).

414 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
abondante ; on insiste au contraire sur les parties où se
produit une poussée végétante.
On recherche chaque fois avec soin si le mal ne s'est
pas étendu et ne s'est pas insinué sous quelque point de
la corne amincie, qu'il faudrait immédiatement découvrir.
Il est parfois avantageux, dans les pansements successifs,
de varier les agents médicamenteux employés : un simple
changement de cette nature peut produire la guérison
d'un crapaud jusque-là rebelle à une médication très
rationnelle, mais uniforme.
Peu à peu et plus ou moins rapidement suivant les
cas, la réparation s'effectue, la surface malade se rétrécit,
de la corne normale adhère à la périphérie des parties
découvertes, sur le lissu podophylleux plus vite que sur le
tissu velouté, et en dernier lieu et quelquefois beaucoup
plus tard dans les lacunes qui sont comme les derniers
retranchements où le mal se cantonne et résiste.
Si en quelque point la membrane tégumentairofa été
détruite dans toute son épaisseur, la plaie granuleuse qui
en résulte est aussi très lente à se recouvrir.
La nouvelle corne pousse avec une très grande activité,
on l'amincit de temps à autre pour éviter que les parties
malades ne finissent par être dissimulées au fond d'infuudibula
de plus en plus profonds, et on l'enduit d'onguent
égyptiac ou de goudron, pour empêcher qu'elle
ne soit ramollie et macérée sous le pansement. Ce dernier
est supprimé aussitôt que la couche cornée est
continue, que la membrane kératogène entièrement
recouverte ne suinte plus en aucun point.
Mais la guérison ne saurait être considérée comme définitive
qu'après une surveillance de quelques semaines,
pendant lesquelles tous les pieds sont fréquemment inspectés.
On sait, en effet, que très souvent le mal récidive
sur place ou émigré d'un membre à l'autre.
Le traitement général ne doit jamais être négligé.
L'acide arsénieux en est l'élément principal ; nous lui

PSORIASIS DE LA COURONNE. 415
joignons habituellement le sulfure d'antimoine et le carbonate
de fer. Quelques doses de sulfate de soude et
de sel de nitre nous paraissent aussi utiles.
Nous n'avons enfin aucune sorte de répugnance pour
le trop discrédité séton, qui, dans les cas les plus tenaces,
rend des services incontestables.
Certains moyens de l'hygiène concourent au succès du
traitement. Il est à peine besoin d'insister sur l'importance
de la parfaite propreté du local dans lequel est
placé le malade, et en particulier, de la litière sur
laquelle il repose. Un travail modéré sur un terrain sec
exerce une influence salutaire ; l'animal doit être remis
en service, dès qu'il est en état d'être utilisé, au cours
même de la cuie.
Le régime doit être tonique et rafraîchissant.
B. - PSORIASIS DE LA COURONNE (CRAPAUDINE)-
Définition. — Inflammation chronique du bourrelet
périoplique et de la cutidure, aboulissant à une altération
plus ou moins profonde de la corne pariétale.
Historique. — Synonymie. — Les anciens auteurs latins
connaissaient cette affection ; ils la désignaient sous le
nom degrisaria et les auteurs français du moyen âge par
celui de grisaire (1 Elle est communément appelée mal
d'âne et crapaudine. Le premier de ces termes indique
l'animal sur lequel on la rencontre d'habitude, le
deuxième rappelle son étroite parenté avec cette autre
dermatite spéciale de la région plantaire, le crapaud.
Étiologie. — La crapaudine est spéciale aux équidés,
et parmi ceux-ci les ânes sont le terrain de prédilection ;
les mulets sont aussi assez souvent atteints; les chevaux
des races méridionales à tempérament nerveux sont également
prédisposés.
(1) Moulé. Histoire delà méd. vétér., Bull. Soc. rente, de mid. vétér., 1900.

416 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Mais la prédisposition capitale est toute individuelle ;
elle est dans l'état de nutrition cellulaire du sujet, ou, en
d'autres termes, dans l'existence de la diathèse herpétique.
Comme l'eczéma des autres parties du tégument, le
crapaud, les eaux aux jambes et peut-être aussi le rhumatisme,
l'emphysème pulmonaire et la fluxion périodique,
la crapaudine est une manifestation de cet état
constitutionnel particulier dont l'essence intime reste
ignorée : l'arthritisme.
On sait que cet état est héréditaire; l'hérédité est donc
la cause prédisposante la plus importante des affections
précitées.
Les traumatismes les plus divers (atteintes), les irritations
de toute nature (frottements légers et réitérés,
pressions, action des boues acres, du purin, etc., etc.)
que l'on a invoqués comme causes de la crapaudine ne
sont pas capables de faire développer cette maladie en
dehors de l'existence de la diathèse favorable, mais ils
jouent souvent le rôle de causes occasionnelles.
Symptômes. — L'inflammation psoriasique débute
toujours et le plus souvent se limite dans la région de la
pince et des mamelles ; rarement elle gagne les quartiers;
dans quelques cas exceptionnels on l'a vue occuper tout
le pourtour coronaire. L'altération de la corne qui en est
la conséquence s'étend de haut en bas, sur une surface
d'autant plus grande que l'affection est plus ancienne.
Une légère tuméfaction, chaude et douloureuse, de la
partie antérieure de la couronne et le hérissement des
poils sont les symptômes ordinaires du début.
Le bourrelet périoplique, sur lequel la maladie est
d'abord localisée, est le siège d'une kératogenèse plus
rapide et désordonnée ; la corne du périople, au lieu de
s'étendre en couche mince sur le bord supérieur de la
paroi, s'accroît en épaisseur et forme une saillie surplombant
la muraille. Dans la suite, l'avalure de ce périople
irrégulier donne à la paroi un aspect rugueux

PSORIASIS DE LA COURONNE. 41T
spécial ; « elle est creusée de petits sillons transversaux,
profonds, très rapprochés les uns des autres et disposés
en étages, entre lesquels la corne forme de petits reliefs
inégaux, fendillés perpendiculairement. Sous cet état elle
ne saurait être mieux comparée qu'à l'écorce rugueuse
d'un vieil arbre » (H. Bouley) (1).
Le psoriasis s'étend à la longue au-dessous etau-dessus
du corps papillaire du bourrelet périoplique, sur le bourrelet
principal et sur la peau de la couronne.
Sous l'influence de l'inflammation du bourrelet cutidural,
la paroi s'épaissit, se fendille et par places se
désagrège. Cette altération est plus ou moins profonde
suivant que toute la largeur de la cutidure ou une partie
seulement de celle-ci est atteinte; par le fait des mouvements,
une fissure persistante peut s'établir entre la
partie saine et la partie malade et, dans les cas très anciens,
on peut trouver un dédoublement complet de la
paroi formée de deux couches superposées.
Si toute l'épaisseur de la muraille est altérée, les
fentes de la corne aboutissent jusqu'au vif et donnent
écoulement à du pus noirâtre et fétide ou, plus communément,
le podophylle irrité se recouvre d'une couche de
corne kéraphylleuse plus ou moins épaisse ; il se produit
un kéraphyllocèle plus ou moins étendu.
Du côté de la peau, la maladie produit une évolution
épidermique anormale aboutissant à la formation d'une
couche.de corne qui est comme le prolongement de celle
de la muraille et qui s'étend quelquefois plusieurs centimètres
au-dessus de la ligne normale du sabot. Ce plastron
corné à surface très irrégulière acquiert avec le
temps une grande épaisseur. La peau de la couronne,
comprimée, se tuméfie, surplombe la plaque de corne,
autour de laquelle se creuse un sillon ulcéreux qui
suppure ou saigne sous l'influence des mouvements.
(1) H. Boalejr, art. CnArAODisE (Dictionnaire, t. IV, p. 550).

418 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Dans ce cas, les souffrances sont vives et la boiterie
intense. L'évolution de la maladie jusqu'à cette dernière
période ne donne généralement lieu à aucune manifestation
de douleur ; le début provoque parfois un léger
prurit.
Anatomie pathologique. — Les lésions du psoriasis
coronaire consistent essentiellement dans l'inflammation
de la membrane tégumentairé, surtout caractérisée par
l'épaississement du corps muqueux de Malpighi, à l'ori
gine de l'ongle, par la prolifération très active des cellules
de cette zone, parleur kératinisation incomplète ou
irrégulière dans les parties superficielles. Ces cellules se
désagrègent rapidement dans certains points qui constitueront
le fond des sillons caractérisant l'affection; en
d'autres points, au contraire, leur exfoliation retardée
aboutit à des accumulations de corne peu cohérente.
Sur la peau de la couronne le processus est le même,
l'évolution épidermique troublée produit, comme sur
le bourrelet périoplique, des îlots de corne stratifiée,
séparés par des fentes sinueuses plus ou moins larges.
Sur le bourrelet principal, les papilles, de dimensions
très variables au-dessus ou au-dessous de la normale,
irrégulières, divisées, cessent d'être parallèles entre elles
et s'inclinent dans tous les sens ; les tubes cornés qui en
émanent sont eux-mêmes plus ou moins déviés, peu résistants,
friables et interrompus en plusieurs points deleur
trajet; un certain nombre de ces papilles restent stériles,
d'où la formation des sillons longitudinaux de la paroi.
Complications. — Il est exceptionnel qu'il s'en produise
de graves ; des abcès sous cutanés et des lésions
nécrosiques ont cependant été observés.
Pronostic. — Il est toujours peu favorable parce
que la maladie est essentiellement chronique, tenace,
rebelle aux agents thérapeutiques ; parce qu'elle a de la
tendance à s'étendre etest sujette à récidive; parce qu'elle
empêche, à certains moments, l'utilisation des sujets.

PSORIASIS DE LA COURONNE. 419
Diagnostic. — Les lésions du bourrelet, avec perte de
substance (atteintes, phlegmons corollaires, etc.) se réparent
quelquefois par une cicatrice difforme, d'où
émane une corne irrégulière, débordant en haut le bord
cutidural du sabot: mais cette altération, étroitement
localisée, ne s'étend pas une fois formée; elle n'a que des
analogies extérieures éloignées avec les altérations psoriasiques.
Traitement. — Tout à fait au début, quelques lavages
au savon, suivis d'applications émollientes et antiseptiques
(vaseline à l'oxyde de zinc, à l'acide borique, à
l'iodoforme, etc.) peuvent avoir raison de la maladie.
Les pyrogénés (goudron, huile de cade), habituellement
préconisés, donnent aussi de bons résultats.
Plus tard, lorsque la corne est épaissie et fendillée, il
faut amincir celle-ci à pellicule pour empêcher la compression,
ou même l'enlever s'il existe des fissures suintantes,
et agir directement sur les tissus mis à nu. Les
pansements antiseptiques couverts sont alors à conseiller.
Dans les cas graves et tenaces des applications légères
et réitérées de caustiques sont nécessaires. On a employé
l'acide azotique, le chlorure de zinc (1/10-1/15, l'acide
picrique (solution saturée;, l'acide pyrogallique, ctd.
Delpérier vl) conseille de faire des lavages fréquents
«avec une solution saturée de sous-acétate de cuivre et,
tous les cinq jours, de promener légèrement et rapidement
le plat d'un cautère rougi au feu sur la surface altérée,
en ayant l'attention de passer le tranchant ou la pointe
du cautère rouge dans les fissures les plus larges ».
Comme dans toutes les affections eczémateuses, un
traitement général est ordinairement indispensable. Les
arsenicaux doivent en former la base. Les purgatifs
légers, les diurétiques, sont recommandés; un régime
rafraîchissant est toujours utile.
(I) Delpérier, Étude spéciale du sabot du cheval, p. vl".

420 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
C. — INTERTRIGD ET ECZÉMA DE LA FOURCHETTE
Définition. — Nature. — Sous les noms de fourchette
échauffée et de fourchette pourrie, on désigne une affection
caractérisée par la destruction de la corne furcale et
l'inflammation chronique du velouté sous-jacent, limitées
à la lacune médiane de la fourchette (fourchette
échauffée) ou à la majeure partie de l'organe (fourchette
pourrie).
Il s'agit, à notre avis, de deux affections différentes
dont l'une, la première, — caractérisée par son étroite
localisation, sa bénignité et sa tendance naturelle à la
guérison dès que la cause toute locale dont elle dépend a
disparu — est en somme un simple érythème intertrigo ;
l'autre, la seconde, plus étendue, plus tenace, ayant plus
de tendance à persister et à s'étendre qu'à guérir, est
une véritable pododermatite eczémateuse à laquelle fait
souvent suite et tout naturellement l'eczéma végétant
(crapaud).
Étiologie. — L'encastelure, par le rapprochement des
branches de la fourchette qui se pressent et frottent l'une
contre l'autre, est une cause habituelle d'intertrigo.
L'abus du fer à planche ou des patins prenant appui sur
la fourchette aboutit au même résultat. Le mauvais
entretien du pied et le séjour sur des litières humides et
irritantes aident au développement de la maladie.
Si à ces mêmes causes s'unit l'influence d'un état
général herpétique, les conditions de l'eczéma de la fourchette
existent.
Symptômes. — L'intertrigo se traduit par la désagrégation
progressive et la destruction de la couche cornée
qui tapisse les parois de la lacune médiane du pied.
Les surfaces tégumentaires en contact sont enflammées,
épaissies, granuleuses; elles exsudent une matière puriforme
grisâtre fétide qui suinte au bord inférieur de la

INTERTRIGO ET ECZÉMA DE LA FOURCHETTE. 421
fente étroite et profonde représentant la lacune de la
fourchette.
L'eczéma débute aussi généralement dans la lacune
médiane sous les apparences d'un simple intertrigo, mais
l'inflammation s'étend aux branches et au corps même
de la fourchette sur lesquels la corne se décolle, se réduit
en lames déchiquetées, ramollies, séparées par des
sillons irréguliers au fond desquels se rencontre, comme
dans la lacune médiane, le magma infect qui caractérise
l'affection.
Il n'y a généralement ni douleur, ni boiterie.
Anatomie pathologique. — Les altérations microscopiques
se réduisent à un épaississement du derme,
à une hypertrophie des papilles dont les couches cellulaires
superficieUes paraissent proliférantes. La corne
intertubulaire est désagrégée. Les tubes cornés sont
dissociés et remplis par une substance granuleuse réfringente.
Traitement. — La suppression des causes locales
de l'intertrigo, c'est-à-dire la guérison de l'encastelure,
ou tout au moins l'élargissement de la lacune
médiane par l'interposition d'une tente enduite d'une
substance antiseptique, suffit pour guérir celte affection.
Contre l'eczéma, il faut encore recourir aux topiques
capables de modifier la membrane tégumentairé malade ;
les bains de sulfate de cuivre à 4-5 p. 100 peuvent suffire.
Il faut le plus souvent mettre à nu le tissu velouté *
par l'ablation de toute la corne désagrégée et peu adhérente
et faire des applications astringentes ou même
caustiques légères (goudron, liqueur de Villate, etc.),
maintenues par un pansement avec plaque. La guérison
est d'ordinaire assez rapide, mais les récidives sont fréquentes.
Dans ces cas, le traitement général, comme dans les diverses
manifestations herpétiques, est utile.
Chirurgie du pied. 24

422 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
D. — DERMATITE PODOPHYLLIENNE ULCÉREUSE
Sous les noms d'ulcère chronique du pied, ulcère podophylleux,
dermatite chronique ulcéreuse, etc., Strauss,
Pilwax, Bayer, Schleg, Molier, Gutenacker, Cadiot
et Almy ont signalé une affection extrêmement rare
consistant en une inflammation chronique exsudative
siégeant dans un territoire très limité du tissu podophylleux
(2 à o centimètres de diamètre) dans la région
de la pince et vers le bord inférieur.
La paroi est décollée, le podophylle est épaissi, sa surface
est granuleuse et sécrète du pus. Ce liquide s'accumule
sous la paroi ou se fait jour à la zone cominissurale
; plus exceptionnellement, il remonte vers le haut du
sabot et « souffle aux poils ».
La boiterie est permanente ou intermittente et surtout
intense lorsque le pus est collecté sous pression dans le
sabot.
Cette affection, dont les causes paraissent être toutes
locales (on accuse généralement les traumatismes, contusions
du sabot, distensions de l'engrènement podokéraphylleux,
enclouure, etc.), est encore caractériséepar
sa chronicité et sa ténacité; c'est-à-dire que, contrairement
à ce qui est la règle dans les pododermatites suppurées
simples, l'évacuation du pus ne suffit pas à la
guérison; le tissu podophylleux, au lieu de se recouvrir
de corne, continue à donner du pus et la lésion persiste
indéfiniment. Cette dermatite se différencie des dermatiles
eczémateuses en ce qu'elle reste localisée et n'a aucune
tendance à s'étendre.
Le traitement nécessite l'ablation de la paroi décollée.
Les badigeonnages de la surface enflammée, avec des
solutions antiseptiques fortes ou de la teinture d'iode, ne
sont pas toujours suffisants, et il faut parfois recourir à
l'excision de la couche granuleuse ou à la cautérisation.

MALADIE NAVICULAIRE. 423
Un pansement ouaté protecteur favorise la cicatrisation
qui est quelquefois très lente et nécessite des interventions
successives ; il est maintenu par des bandes ou
mieux par une plaque adaptée au fer en regard de
la brèche pariétale, sorte de pinçon large et haut
(Schwentzky; (fig. 116).
III. — MALADIE NAVICULAIRE
Définition. —La maladie naviculaire consiste dans l'inflammation
aiguë ou chronique d'une partie ou de la totalité
des organes constituant l'appareil petit sésamoïdien.
L'appareil sésamoïdien, dont il est ici question, est
représenté par trois organes dont les fonctions sont très
étroitement solidaires. Ces trois organes sont, de bas en
haut, l'aponévrose plantaire, la petite gaine sésamoïdienne
et l'os petit sésamoïde ou os naviculaire.
Ils forment, par leur ensemble, un appareil d'amortissement
protégé à sa face inférieure par le coussinet
plantaire et la fourchette, sur lequel se déversent une
partie des pressions transmises à l'articulation du pied
par la deuxième phalange pendant l'appui. L'os petit
sésamoïde repose sur l'aponévrose plantaire par l'intermédiaire
de la petite gaine sésamoïdienne qui facilite le
glissement de ces deux organes l'un sur l'autre (fig. 131).
Le fonctionnement excessif de cet appareil appelé
joint naviculaire, articulation naviculaire, par Turner,
trochlée du pied par Brauell, la violence des pressions
qu'il peut subir aux allures rapides, l'insuffisance de la
protection que lui doit le coussinet plantaire, occasionnent
ou favorisent son inflammation. Quel que soit
le siège de la lésion initiale, le processus s'étend peu à
peu aux trois organes cités et gagne même les tendons et
les ligaments voisins.
Historique. — Inconnue avant la fondation des écoles
vétérinaires, cette maladie ne le cède aujourd'hui en

424 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
importance à aucune autre maladie du pied du cheval.
Elle jouit, en effet, du fâcheux privilège d'affecter
presque exclusivement les animaux distingués, à allure
rapide, et de les vouer à une fin prématurée.
Lafosse fils a connu la maladie naviculaire, en ce sens
qu'il a observé et décrit les lésions essentielles de cette
affection; mais, quoique doué d'une sagacité remarquable,
il n'a pas su en faire une entité morbide
distincte des autres états pathologiques du pied.
iNous devons les premières études précises sur cette
question aux vétérinaires anglais, qui, mieux placés que
leurs confrères du continent européen—à raison du développement
considérable qu'avait acquis dans leur pays
l'élevage des chevaux aptes aux allures rapides — pour
observer la maladie, purent en reconnaître de bonne
heure les caractères principaux.
C'est à Coleman et surtout} à Turner que l'essentialisation
de la maladie naviculaire est due (1).
Turner, dès l'année 1816, communiquait ses recherches
à Coleman et à Sewel, mais il ne les livra au public
que quatorze ans plus tard, alors que la maladie avait
été également étudiée par Moorcroft (2), par Goodwin (3).
Depuis la publication des travaux de ces derniers
auteurs la maladie naviculaire a donné lieu à de nombreuses
observations. Son histoire se confond pour ainsi
dire avec celle de la névrotomie plantaire que Sewel,
Percivall (4), en Angleterre, Berger (5), Villate (6), en
(1) Coleman, Observations on the structure, œconomy ann diseases ofthe
foot of the horse. London, 1S02, t. II, p. 47. — Turner, The Vet., 1W
p. 53; 1830, p. 36; Bec. de mid. vit., 1830, p. 684 (analyse de Renault);
1838, p. 538 et 583; 1839, p. 59.
(1) Moorcroft, Journ. prat. de mid. vit., 1829, p. 249.
(3) Goodwin, The Vet., 1830, p. 152.
(4) Percivall, Becueil de méd. vit,, 1824, p. 441 (Analyse de ses leçons, par
Girard (ils).
(51 Berger, Journ. pr. de mid. vétér. 1828, p. 57,
(6) Villate, Sur la névrotomie plantaire et observations sur cinq cheveux
quiontsubi l'opération (Bec. demid.vét., 1828,p. 401). - Nouvelles observations
sur des opérations de la névrotomie plantaire (Ibid., 1830, p. '»»)•

MALADIE NAVICULAIRE. 425
France, venaient de mettre en honneur dans la chirurgie
vétérinaire et que l'on appliquait contre la plupart des
maladies chroniques du pied.
Les seuls travaux importants auxquels elle ait donné
Heu sont dus à Loiset, (1) à Brauell (2), à Percivall (3), à
H. Bouley (4), et, plus près de nous, à Smith (5), à Fambach
(6), à Cadiot (7), à Magnin (8), à Cadéac (9).
Ceux de Smith et de Magnin ont apporté de précieux
éclaircissements sur l'histologie pathologique de la
maladie.
Synonymie. — Dès les premières années où elle a été
connue, les Anglais ont appelé navicular-disease l'inflammation
chronique de l'appareil petit sésamoïdien.
D'autres appellations ont été proposées depuis cette
époque. Percivall a employé celle de navicular-arthrite,
Turner celle de sésamoïdite. Loiset a fait de la maladie
une synovite podo-sésamoidienne. Brauell a proposé de
l'appeler podo-trochilite chronique. Stricker la nomme
podarthrocace.
L'expression de navicular diseuse, maladie naviculaire,
a prévalu en France. Elle a l'inappréciable avantage,
pour cette maladie dont le siège initial est variable,
(1) Loiset, Synovite podo-sésamoidienne (Journ. des vitir. du Midi, 1838,
p. 341 ; Is3», p. 3 et 353 ; 1840, p. I).
(2) Brauell, Beitrag zur Pathologie und Thérapie der chronischen Fussrollentzundung
(Poiotroehilitis ehroniea) {Magazin f. d. g. Thierh., 1845,
p. 1 ; tradnet. de S. Verheyen, Bec. de méd. vit., 1845, p. «05, 817, 901 ;
1846, p. 101).
(3) Perdrai!, The Vet., 1847, p. 121, 541,603, 665.
(4) H. Bouley Bec. de mid. vit., I8'ii p. 829 r 1853, p. 161.
(5) Smith, The patttology of navicular disease (The vet. Journ., 1886,
p. 74, 160 et 242,.
(6) Pambach, Die Fussrollentziindung des Pferdes (Podotrochilitis)
(Deutsche Zeitschrift f. Thiermed., Ife»6, t'. XII, p. 250).
{') Cadiot. article .VULIDIE HATICOLAIR* du Nouveau diction, prat. de
mid., rlechir. et dhyg. vét., 1887.
(8) Magnin, Bull. Soc. centr., 1890, p. 364 ; Bec. de méd. vit., 1895, p. 21 i ;
1896, p. 293 ; 1897, p. 691 ; 1898, p. 30 et 428.
(9) Cadéac, Sur lei lisions de la maladie naviculaire (Bull. Soc. des
sciences vit. de Lyon, IS99, p. 267).
24.

426 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
d'être simple, compréhensible « et de ne rien préjuger
quant à la nature du mal.. (Cadiot).
Divisions. — La définition de la maladie naviculaire
donnée en tête de ce chapitre n'est point en accord avec
la plupart des classiques. Bien qu'unanimes à reconnaître
la possibilité de voir la maladie naviculaire apparaître
brusquement et se traduire par des symptômes d'une
acuité extrême en certains cas, ils persistent à n'envisager
que la forme chronique de l'affection, que cette forme
chronique apparaisse peu à peu, ou qu'elle succède à l'apparition
de symptômes dénotant une lésion aiguë,
Il y a lieu d'envisager la maladie naviculaire sous une
forme aiguë et sous une forme chronique.
Dans la maladie naviculaire aiguë se placent toutes les
lésions traumatiques ou inflammatoires aiguës qui peuvent
intéresser l'appareil petit sésamoïdien (synovite
aiguë, fracture de l'os naviculaire, rupture et désinsertion
aponévrotiques, etc.).
Dans la maladie naviculaire chronique se groupent tous
les processus atrophiques — quelquefois hypertrophiques
— à allure chronique que l'on a eu presque exclusivement
en vue jusqu'à ce jour en étudiant cette affection.
Étiologie. — Les causes de la maladie naviculaire
aiguë et les causes de la maladie naviculaire chronique
sont de même ordre : selon l'intensité avec laquelle elles
agissent, elles donnent lieu à la première ou à la seconde
des deux formes indiquées.
Causes prédisposantes. — L'influence de l'espèce, de la
race, de l'allure, du service, du rôle rempli par les membres,
de la ferrure, de la conformation du sabot, de la
nature du terrain, des maladies générales antérieures,
doit être étudiée ici. — Il serait oiseux de s'attarder à
réfuter le rôle accordé aux « écuries basses, humides,
mal aérées et mal éclairées (Loiset), à la suppression
de la lactation (Lafosse), etc.

MALADIE NAVICULAIRE. 427
ESPÈCE. — On peut dire que le cheval est le seul animal
qui soit atteint de maladie naviculaire. Lafosse dit
l'avoir observée « sur des mulets » ; mais ce fait doit être
très rare. A la clinique de Toulouse, où ces animaux sont
présentés en nombre relativement considérable, nous
n'avons jamais renouvelé les constatations de cet auteur.
Du reste, la rareté de l'affection sur le mulet s'explique,
cet animal étant ordinairement utilisé au pas.
RACE. ALLURE. SERVICE. — Ce sont les chevaux de race
distinguée, aptes aux services de selle ou de voiture légère,
et par conséquent employés aune allure rapide, qui sont
les plus prédisposés à la maladie naviculaire. Frappé par
cette constatation maintes fois renouvelée, Turner a pu
dire avec raison qu'elle est .< une malédiction jetée sur
la bonne chair du cheval ».
C'est ainsi que les chevaux anglais, arabes, hanovriens,
mecklembourgeois, tarbais, etc., sont ceux dont l'appareil
sésamoïdien est le plus souvent malade. C'est parce que ce
dernier subit chez ces animaux un véritable surmenage
qu'il s'altère plus souvent que chez les animaux communs.
D'ailleurs, les particularités individuelles de l'allure
ont ici une importance considérable : ce sont les sujets
à allure relevée, les sujets qui steppent, qui courent
le plus de chances de souffrir un jour de la maladie, à raison
de la force de leurs battues.
Magnin (1) dit que les chevaux de troupe de la cavalerie
y sont tout particulièrement prédisposés, parce que
l'inexpérience des jeunes recrues les exposent à des faux
pas, à des arrêts brusques, etc., qui imposent à l'appareil
sésamoïdien un surcroît de travail.
Cependant, les animaux de race commune ne sont pas à
l'abri de la maladie. Loiset, H. Bouley, Mollereau (2) l'ont
rencontrée sur des chevaux de gros trait, dont les pieds
(1) Magnin, De l'arthrite naviculaire du cheval (Bull. Soc. centr., 1890,
p. 364, rapport de Mollereau).
(2) Bull. Soc. centr., 1 *90, p. 367.

428 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
étaient parfois très bien conformés et pourvus d'une
fourchette volumineuse.
RÔLE DES MEMBRES. — On sait que les membres thora-
Ciques sont considérés surtout comme des colonnes de
soutien et que les membres pelviens représentent des
organes d'impulsion. Le poids du corps se répartit inégalement
sur ces deux bipèdes : l'antérieur, plus rapproché
du centre de gravité, supporte une partie du
poids du corps de l'animal beaucoup plus forte que celle
déversée sur le postérieur.
A chaque battue, et dans une mesure d'autant plus
forte que l'allure sera plus rapide, le pied antérieur subit
donc des pressions plus intenses que le pied postérieur,
car il reçoit la lourde charge de tout l'avant-main retombant
sur le sol. Ce fait, dont l'importance est considérable
en clinique, est encore aggravé de cette notion
anatomo-physiologique bien évidente que les membres
antérieurs sontmoins bien disposés, pour l'amortissement
des pressions qu'ils ont à supporter, que les membres
postérieurs. Brauell a longuement insisté sur ce point à
propos de l'étiologie de la maladie naviculaire (1).
Alors que dans les membres pelviens, les angles articulaires
(boulet, jarret, grasset, cuisse) existent d'une
manière permanente et contribuent à l'amortissement
des réactions en déversant une partie des pressions sur
les muscles, on voit, dans les membres antérieurs, le plus
important de ces angles, celui du genou, disparaître au
moment de l'appui; les pressions reçues par l'extrémité
inférieure de ces membres sont donc plus considérables.
Ces pressions sont transmises au niveau de l'articulation
du pied parle levier phalangien. Elles se divisent à
ce point en deux parties : l'une se porte sur la troisième
phalange et s'éteint dans le sol, l'autre se déverse sur l'os
petit sésamoïde, l'aponévrose plantaire, le coussinet et
(1) Bec. de méd. vêt., 1845, p. 907.

MALADIE NAVICULAIRE. 429
la fourchette : sur l'appareil petit sésamoïdien en un
mot (fig. 131).
FERRURE. — Mal pratiquée, elle amène l'encastelure
qui conslitue elle-même une cause prédisposante de
premier ordre.
La parure excessive
de la région
des talons
est une manœuvre
à éviler,car
elle provoque
là surcharge
des
parties postérieures
du pied
et, par conséquent,
un excès
de pressions
sur l'appareil
petit sésamoïdien.
CONFORMATION DU SABOT. —
Bien que la maladie naviculaire
puisse se développer
dans des sabots bien conformés,
il faut reconnaître que
son apparition est ordinairement
favorisée par une défectuosité
de forme, congénitale
ou acquise, du pied.
Fig. 131. — Répartition des pressions
sur l'appareil petit sésamoïdien.
Les pieds plats, les pieds à talons bas sont prédisposés
à la maladie naviculaire, ainsi que Lafosse et Loiset l'ont
fait remarquer.
Cette prédisposition résulte de ce que la face inférieure
du pied est ici très exposée à subir, par son contact avec
le sol, des pressions violentes, des chocs intenses. Chez
les chevaux de trait, dont les pieds présentent souvent

430 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
ces vices de conformation, la compression vive du corps
de lafourchette se produit fréquemment, surtout lorsque
les animaux travaillent sur un terrain caillouteux.
L'encastelure constitue le point le plus important à
étudier au sujet de l'influence de la conformation du
sabot sur le développement de la maladie naviculaire.
Turner paraît admettre que l'encastelure précède nécessairement
la maladie naviculaire : «l'une est la condition,
l'autre est la conséquence (1) ».
Dans une mesure variable selon la gravité de la
maladie causale que Turner appelle contraction, on
constate que la muraille tend à devenir verticale en quartier;
les barres se redressent, les lacunes latérales se rétrécissent,
la sole se creuse, la fourchette diminue de
volume, elle recouvre un coussinet plantaire plus ou
moins atrophié.
Considérant les modifications subies par le plancher
du sabot, et en particulier le changement de position
des barres et l'atrophie du coussinet plantaire, Turner,
faisant appel à l'hyperbole, disait que < le plancher du
sabot ainsi modifié est comparable à un écueil dangereux
contre lequel plus de chevaux sont venus s'abimer qu'il ne se
brise de vaisseaux contre les rocs de l'Océan ».
L'exagération est manifeste. Il est certain que l'encastelure
primitive prédispose à la maladie naviculaire en
troublant le fonctionnement de l'appareil sésamoïdien,
mais le nombre des sujets encastelés qui échappent à
cette affection est considérable.
NATURE DU TERRAIN. — Plus le sol est dur ou caillouteux,
plus les réactions sont fortes et plus l'appareil
sésamoïdien court de dangers. L'utilisation des chevaux
sur les routes empierrées et très dures, sur le pavé
des villes, doit donc être considérée comme une cause
prédisposante.
(1) Renault, loc. cit.

MALADIE NAVICULAIRE. 431.
MALADIES GÉNÉRALES ANTÉRIEURES. — Leur rôle est maB
connu. Au même titre que les autres séreuses, la petite
gaine sésamoïdienne peut devenir le siège d'un processus
inflammatoire d'intensité variable à la suite de pleurésie,
de pneumonie, de rhumatisme, etc., mais les faits
cliniques manquent sur ces points. Les observations de-
Loiset sont à peu près les seules connues ; elles ont trait.
à la forme chronique et à la forme aiguë.
Causes occasionnelles. — Les causes occasionnelles dela
maladie naviculaire consistent dans les traumatisme^
violents ou répétés, qui affectent l'appareil petit sésamoïdien
sans créer une plaie extérieure visible.
Les tractions violentes que subit l'aponévrose plantaire
dans certains faux pas où le pied n'appuie que par sa
moitié antérieure (Brauell), dans les chutes, sauts, arrêts
brusques, etc. ; les contusions que subit cet organe
lorsque le corps de la fourchette porte sur un corps dur,
surtout lorsque cette dernière est atrophiée, sont les
causes occasionnelles qui interviennent le plus fréquemment.
L'infection de la petite gaine sésamoïdienne doit entrer
ici en considération, mais ce phénomène, implicitement
admis par Loiset, semble être rare.
Parfois, par leur violence, les causes occasionnelles
donnent naissance à la maladie naviculaire aiguë, à apparition
brusque; le plus souvent, en renouvelant leur
action elles donnent lieu à la maladie naviculaire
chronique.
Symptômes. —A. Maladie naviculaire aiguë. — Cette
forme de l'affection s'accuse par la brusquerie de son
apparition.
Une claudication intense constitue le premier symptôme ;
l'animal boite tout bas ou marche à trois jambes. Au
repos, le membre est légèrement porté en avant; les
talons sont maintenus élevés et la pince du fer prend

432 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
seule'appui sur *e sol. Ce membre est secoué de tremblements
saccadés ; parfois il est soulevé convulsivement.
Si, à ce moment, on percute méthodiquement le corps
de la fourchette ou son voisinage immédiat, on peut y
constater de la sensibilité.
Dans les jours suivants, apparaissent d'autres symptômes
: le pied devient chaud ; la partie inférieure du
pli du paturon se tuméfie et le pouls plantaire devient
perceptible ou plus net.
A la percussion on trouve tout le pied sensible, mais
le maximum de sensibilité se localise sur le centre de
la face inférieure du pied.
S'il y a hypersécrétion de synovie, une molette se
forme entre les deux fibro-cartilages complémentaires
de la troisième phalange.
Loiset a décrit des symptômes beaucoup plus complexes
que nous ne rapporterons pas ici. La maladie naviculaire
aiguë décrite par cet auteur concerne l'inflammation
suppurative avec ouverture de la petite gaine sésamoïdienne.
Cet état pathologique est exceptionnel; nous
ne l'avons jamais vu. Il convient donc de viser tout particulièrement
ici la forme aiguë d'origine traumatique.
L'animal reste boiteux pendant un temps plus ou
moins long. Les symptômes perdent ensuite de leur
intensité, ils s'atténuent de plus en plus et le sujet finit
par présenter les symptômes de la maladie naviculaire
chronique. Cependant la guérison peut être complète,
mais ce fait est très rare.
Howel a rapporté le cas d'un cheval qui se fractura le petit
sésamoïde pendant un galop de chasse, resta plusieurs mois
boiteux et guérit complètement. L'animal étant mort 'un
an après l'accident, Howel découvrit, à l'autopsie, une fracture
consolidée du petit sésamoïde (1).
B. Maladie naviculaire chronique. — Les symptômes
de la maladie naviculaire chronique varient beaucoup
(1) Bec. de méd. vêt., 1866, p. 609.

MALADIE NAVICULAIRE. 433
dans leur intensité. Alors que, sur certains sujets, la
maladie donne lieu à des troubles locomoteurs graves,
permettant d'en établir facilement le diagnostic, on la
voit, sur d'autres, revêtir une forme insidieuse, une allure
très lente, et réclamer un examen méthodique et prolongé
pour être reconnue.
11 est même des cas où le pied est le siège de lésions
de podotrochilite chronique très nettes sans qu'aucun
signe clinique décèle la maladie ; Turner, Brauell,
Magnin, etc., ont observé ce fait ; il s'agissait de chevaux
morts d'affections diverses, -faisant régulièrement leur
service dans les derniers temps de leur existence et qui,
à l'autopsie, présentaient des lésions caractéristiques de
maladie naviculaire chronique (1).
Une claudication plus ou moins intense et une sensibilité
anormale à la pression ou à la percussion du corps
de la fourchette constituent les deux symptômes priitcipaux
de la maladie naviculaire chronique.
Plus que dans toute autre affection du pied, les particularités
présentées par la boiterie ont ici une haute
importance diagnostique : en toute circonstance, le
cheval atteint de podotrochilite chronique cherche à
réduire le fonctionnement de l'appareil petit sésamoïdien
et à diminuer les pressions déversées sur cet appareil.
La maladie naviculaire chronique doit être envisagée
chez Tanimal malade d'un pied antérieur, chez l'animal
malade des deux pieds antérieurs, et, enfin, chez l'animal
malade des pieds postérieurs, les antérieurs étant sains
ou malades.
A. LA MALADIE NAVICULAIRE H'INTÉRESSE QU'UN PIED ANTÉ­
RIEUR. — Au repos, à l'écurie, le membre malade est
porté en avant, l'animal pointe. Tantôt le pied est posé
naturellement sur le sol, tantôt il appuie seulement par
(1) Magnin, Bull. Soc. centr., 1890, p. 376. — Bec. de mid. vêt., 1898,
p. 428.
Chirurgie du pied. 25

434 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
la pince. Sur certains sujets, on le voit se soulever
légèrement de temps à autre ou basculer sur la pince du
fer : c'est là un indice de lancinations légères ressenties
par le malade.
Il est rare que le pied soit maintenu en avant d'une
manière permanente. Les lancinations'dont il vient
d'être question poussent l'animal à agiter son membre
en le ramenant brusquement en arrière, et en le
reportant immédiatement en avant.
Par ces mouvements, la litière est ramenée sous le
ventre du cheval et le fer du pied malade s'use rapidement
en pince : ces deux signes, le pointer, l'usure du fer
en pince, prennent une grande importance diagnostique
lorsque, à l'examen d'un membre boiteux, aucune lésion
inflammatoire ou osseuse ne peut expliquer la boiterie.
Lorsque la fatigue du membre sain se fait sentir, le
malade prend appui sur son sabol douloureux, mais cet
appui est toujours de courte durée.
A l'exercice, au pas ou au trot, on ne constate au début
de la maladie rien d'anormal. Le pointer est le premier
symptôme. Cependant Magnin, après de nombreuses
observations sur des chevaux d'armes, assure que la
boiterie apparaît dès le début et que le pointer n'apparaît
que plus tard, après un traitement appliqué au sujet pour
une raison quelconque, suros, encastelure, etc. A la première
fatigue, le pointer se produit.
Lorsque le processus inflammatoire a pris suffisamment
d'extension pour qu'une douleur véritable remplace
la gêne qu'éprouvait tout d'abord l'animal, une
boiterie d'intensité variable se manifeste.
Elle n'a rien de caractéristique, et, à cette phase de la
maladie, c'est ordinairement une boiterie à froid, qui disparaît
par l'exercice modéré, pour réapparaître si la
fatigue se prolonge. Elle s'accentue sur un terrain dur,
ssr un sol inégal ou caillouteux. Déjà, cependant, on
peut remarquer que l'animal rase le tapis, qu'il butte

MALADIE NAVICULAIRE. 435
facilement: il diminue, en limitant la flexion du genou
et du boulet, l'étendue du mouvement de glissement de
l'aponévrose sur le petit sésamoïde.
L'examen du pied est souvent sans résultat. Parfois la
muraille est cerclée; c'est l'indice d'une sécrétion cornée
irrégulière. Que le pied soit régulièrement conformé ou
qu'il soit déformé par l'encastelure, un seul symptôme
propre à la maladie peut être perçu, et encore peut-il
n'apparaître que plus tard : c'est une sensibilité plus ou
moins vive du pied à la percussion ou à la compression
du corps de la fourchette ; cette compression est facilement
obtenue en faisant marcher l'animal, déferré,
sur un sol meuble ou en lui appliquant un fer à planche.
Lorsque la petite gaine sésamoïdienne est distendue par
la synovie, ou constate la présence d'une molette bilobée
dans le pli du paturon.
A une période plus avancée, l'attitude à l'écurie ne se
modifie pas, mais le décubitus devient plus fréquent,
plus prolongé. La claudication, plus forte, reste permanente
; la sensibilité du pied, à sa face inférieure, devient
très nette. — A ce moment, le cheval contracte de l'encastelure
secondaire, de la bouleture, etc, et la maladie
se manifeste presque toujours sur l'autre pied.
B. LA MALADIE NAVICULAIRE AFFECTE LES DEUX PIEDS
ANTÉRIEURS. — Ce cas est le plus fréquent.
Il est même plus fréquent que ne le suppose le praticien
à première vue, car il n'est pas rare, lorsque l'on
fait-disparaître par la névrotomie une boiterie due à la
maladie naviculaire, de constater que l'animal boite
aussitôt du membre opposé.
Le cheval qui souffre de la maladie naviculaire dans
les deux pieds antérieurs pointe alternativement des deux
membres. Il est rare que l'animal se campe des membres
antérieurs. Dès les premiers temps de la maladie, il se
couche plus souvent que d'habitude et reste plus

436 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
longtemps couché. L'appui, pour chaque pied, est,
d'autant moins prolongé que la souffrance est plus vive.
Lors de maladie grave, les membres postérieurs s'engagent
sous le corps et le dos est voussé (1).
Mis en marche, l'animal boite plus ou moins fort,
selon l'étendue du mal. Il boite également,ou inégalement
des deux membres. Le cheval, exercé au trot, a
une allure raccourcie ; le mouvement d'entamer le terrain
a perdu de son amplitude ; les rayons scapulaire et
humerai paraissent immobilisés sur le thorax : on dit.
que . le cheval a les épaules chevillées. L'appui se fait
surtout sur la pince.
La boiterie, d'abord intermittente à froid, arrive à
être continue, tout en restant plus accentuée au début do
l'exercice. Le jeu des membres devient de plus en plus
difficile, les articulations se fléchissent de moins en moins,
l'animal transforme ses membres en véritables béquilles,
et sa marche, dit Spooner, est celle « d'un invalide
muni de jambes de bois». Au lendemain d'une course un
peu fatigante l'animal « marche sur des épines »,
L'examen du pied révèle la présence de cercles sur la
muraille, l'usure du fer en pince, l'existence d'une
encastelure plus ou moins déyeloppée, de bleimes, etc.
La sensibilité à la percussion et à la compression de la
fourchette est très nettement perçue par les moyens susindiqués.
C. LA MALADIE NAVICULAIRE AFFECTE LE BIPÈDE POSTÉ­
RIEUR. — Lorsque l'animal ne souffre que d'un pied,
celui-ci, pendant le repos, est légèrement porté en avant
et ne prend appui que par la pince du fer (2).
Exercé au pas et au trot, le malade boite plus ou
moins et cherche à appuyer surtout par la pince.
Si les deux pieds sont malades, l'animal, qui, à l'état
(1) Trasbot, Bull. Soc. centr., U77, p. 42.
(î) Rainsford. The ue/ermarian,1852,p..596, anal," in Becueil 1854, F- ll9>

MALADIE NAVICULAIRE. W3
normal, appuie alternativement sur chaque pied, change
plus souvent son appui. Pendant la marche, le poser du
pied est hésitant, et, au trot, l'amplitude des mouvements
des membres est considérablement réduite.
L'examen des pieds donne les mêmes résultats que
pour les membres antérieurs.
D. LA MALADIE NAVICULAIRE AFFECTE LES QUATRE PIEDS.
— En pareil cas, la démarche est difficile. Dans chaque
bipède, thoracique ou pelvien, s'observent les symptômes
signalés précédemment.
Lors de maladie naviculaire avancée, les malades paraissent
marcher « à l'aide de pieux inflexibles qui supportent
le tronc », écrit Loiset.
Marche. — Bien que Brauell ait dit que la maladie
naviculaire peut se terminer par résolution, on peut
considérer que cette affection n'a pas de tendance à rétrocéder.
Son évolution peut se ralentir, s'arrêter même,
mais le retour à l'état normal de l'appareil petit sésamoïdien
ne s-observe presque jamais. La boiterie peut
diminuer et même disparaître, surtout sous l'influence
du repos, du séjour à la prairie, de soins hygiéniques
aux pieds, etc. ; mais si l'animal est remis à un travail
quelque peu pénible, la claudication reparait avec son intensité
primitive pour s'aggraver ensuite de plus en plus.
Le sujet malade est donc utilisé dans la mesure de ses
moyens, avec des rémissions, des intermittences dans la
boiterie, pendant un temps variable, allant de plusieurs
mois à plusieurs années ; mais la courbe de sa vie est
connue, il devient inutilisable et doit être finalement
abattu.
Complications. — Les complications de la maladie naviculaire
peuvent se rencontrer dans toute l'étendue du
membre; en thèse générale, elles sont le résultat d'un
fonctionnement insuffisant de tous les organes.
Les muscles de l'épaule diminuent de volume. Cette

438 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
amyotrophie, très visible sur certains chevaux, a induit en
erreur plus d'un praticien.
Les tendons se rétractent, il y a bouleture. La nerfférure
survient aussi très souvent.
Mais la complication la plus certaine est l'encastelure,
dueà l'insuffisance fonctionnelle du coussinet plantaire. A
un certain degré de gravité, elle favorise elle-même l'apparition
de bleimes plus ou moins graves.
Enfin, dans la profondeur du pied, la maladie, peut
s'aggraver de la fracture du petit sésamoïde plus ou
moins profondément altéré et affaibli.
Diagnostic. — « Le diagnostic de la maladie naviculaire
est l'écueil des connaisseurs » (Cadiot). Aucune maladie
ne demande plus de méthode et de tact pour l'établissement
du diagnostic.
Une grande importance à ce point de vue doit être
attribuée aux premières manifestations symptomatiques.
Le pointer, l'intermittence de la boiterie (au début), son
exagération par l'exercice sur un terrain dur, son intensité
progressive, la raideur des membres, permettent, lors d'un
examen sommaire, de soupçonner l'existence de la maladie.
En poussant plus loin ses investigations, le vétérinaire
se trouvera en présence de l'un des deux cas suivants:
1° Le pied est régulièrement conformé et il n'existe pas de
tares pouvant expliquer la boiterie.
Il s'agit ordinairement, en pareille circonstance, d'une
maladie naviculaire apparue depuis peu de temps, car
l'encastelure ne tarde jamais d'apparaître à la suite de
l'affection qui nous occupe.
Le diagnostic sera établi alors par la constatation
d'une sensibilité anormale au niveau du corps de la
fourchette, par la difficulté de la marche lorsque le pied
est privé de son fer ou muni d'un fer à planche. Brauell
dit que l'effet du fer à planche, dans quelques cas,
demande plusieurs jours pour être saisi.

MALADIE NAVICULAIRE. 439
Si de telles constatations n'emportent pas la conviction,
leur netteté n'étant pas suffisante, le vétérinaire pourra
avoir recours à l'anesthésie cocaïnique du pied (Voy. p. 14).
La disparition de la boiterie indiquera que sa cause était
dans le pied, et, s'il n'existe pas d'autres affections de cet
organe (kéraphyllocèle, fourbure chronique, etc.), l'on
pourra considérer l'animal comme atteint de maladie
naviculaire.
2° Il existe une ou plusieurs tares pouvant être considérées
comme la cause de la boiterie.
Les tares placées au-dessus du boulet, suros, vessigons,
amyotrophies scapulaires, etc., seront éliminées ou retenues
au moyen de la cocaïne.
Quant à celles que présentent le boulet, le paturon, la
couronne et le pied, on devra interroger leur sensibilité
et s'assurer si celle-ci est proportionnelle à l'intensité de
la boiterie.
La question peut être ordinairement tranchée sans délai.
Seule, l'encastelure demande, pour être écartée, un examen
plus long ; elle est dans la plupart des cas intimement
liée à la maladie naviculaire.
Il convient alors de procéder au traitement de l'encastelure.
L'amélioration obtenue dans l'état de l'animal,
montrera qu'il souffrait de cette affection; au contraire,
la persistance de la claudication, avec toute son intensité,
autorisera à affirmer l'existence de la maladie naviculaire
(Voy. Encastelure).
Pronostic. — La maladie naviculaire présente en toute
circonstance une très grande gravité.
Elle est grave par son siège dans la profondeur du pied,
en une région où il est difficile d'intervenir, par son
évolution, en quelque sorte fatale, amenant presque toujours
la perte des animaux, enfin parce qu'elle affecte
toujours de bons chevaux.
Cependant, comme Brauell l'a remarqué, il est possible
— au moins chez les sujets pour lesquels le diagnostic

440 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
est porté dès le début de la maladie — d'obtenir un résultat
satisfaisant par un traitement rationnel. Si la
maladie naviculaire est réputée incurable, cela est dû sans
doute à ce qu'on la diagnostique rarement à ses débuts
et peut-être aussi parce qu'on a trop l'habitude de croire
que toute boiterie à siège inconnu qui guérit ne peut
pas être de la maladie naviculaire. C'est une erreur »
(Magnin).
Anatomie pathologique. — Les lésions de la maladie
naviculaire diffèrent beaucoup, selon que l'on envisage
l'état aigu ou l'état chronique. A l'état aigu, ce sont des
lésions traumatiques et inflammatoires très nettes; à
l'état chronique, il s'agit presque toujours d'un processus
atrophique intéressant une ou plusieurs des pièces constituantes
de l'appareil petit sésamoïdien. Dans quelques
cas très rares, on trouve au contraire une édification
conjonctive considérable englobant la coulisse petite sésamoïdienne
et même les tissus voisins.
Forme aiguë. — Les lésions siègent sur l'aponévrose
plantaire, sur la petite gaine sésamoïdienne ou sur l'os
petit sésamoïde.
L'aponévrose plantaire peut être rupturée, partiellement
pu dans toute sa largeur (Cadiot). Elle peut être désinsérée
sur une plus ou moins grande étendue (Degive et
Hendrikx). Dans d'autres cas, elle est épaissie, infiltrée,
vascularisée et présente les lésions d'une ténosite plus
ou moins intense (Fambach).
La petite gaine sésamoïdienne est toujours le siège de
lésions congestives ou inflammatoires nettement accusées;
ses parois sont épaissies, œdématiées, vascularisées,
et son contenu est formé d'une synovie plus abondante
qu'à l'état normal et rougeàtre.
L'os petit sésamoïde ne présente guère, sous la forme
aiguë de la maladie, que des lésions de fracture, plus ou
moins récentes ( Voy. Maladies des os in Encyclopédie Cadéac).

MALADIE NAVICULAIRE. 441
Forme chronique (1). — Les lésions, dans la forme
chronique de la maladie naviculaire, varient selon l'ancienneté
du processus.
Au début, la bourse séreuse présente un épaississement
plus ou moins considérable de ses parois. Le tissu conjonctif
périsynovial est infiltré. Le contenu de la. bourse
est formé par une synovie rougeàtre, peu abondante. On
trouve des malades chez lesquels la synovie manque totalement,
les parois synoviales frottent à sec ; chez d'autres,
il y a hypersécrétion de synovie et la poche est distendue.
Des grumeaux fibrineux se trouvent en suspension
dans le liquide.
Là où l'endothélium est conservé, la séreuse présente
des traînées rougeàtres indiquant une vascularisation
excessive, la congestion atteint toujours son maximum
d'intensité au niveau des culs-de-sac supérieur et
inférieur.
Il est possible que la surface séreuse soit recouverte
d'un exsudât fibrineux de consistance variable. Cet
exsudât adhère aux parois, se creuse de loges plus ou
moins nombreuses; la cavité séreuse se cloisonne.
Les lésions du début s'observent rarement sur l'aponévrose
plantaire. Celle-ci peut présenter de l'infiltration
et des ruptures fibrillaires soit à sa face supérieure, soit
à sa face inférieure.
Les premières altérations présentées par l'os petit
sésamoïde consistent dans l'amincissement du cartilage
d'encroûtement, qui devient blanc nacré, grisâtre, vitreux,
semblable à une couche de vernis. On trouve ensuite des
taches rougeàtres, punctiformes, vues comme par transparence
à travers le cartilage d'encroûtement.
Ces points rouges sont dus à un agrandissement considérable
des canaux de Havers qui sont remplis d'éléments
embryonnaires. Ces canaux dilatés arrivent à se
(I) Magnin, Bec. de mid. vit., 1895, p. 214; 1896, p. 293; 1897, p. 631,
1893, p. il, 300 et 428.
25.

442 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
fusionner par suite de la rupture, après résorption, des
lamelles osseuses. Ce sont là des lésions - d'ostéite raréfiante.
L'immersion dans l'alcool d'un os petit sésamoïde
atteint de lésions de maladie naviculaire étend la couleur
jaune grisâtre du voisinage de ses points d'ulcération
à toute la surface inférieure. Un os normal n'est pas
modifié (Magnin).
Lorsque la maladie est ancienne, les désordres sont incomparablement
plus graves.
Le petit sésamoïde présente à sa face inférieure des
points de décortication perceptibles au doigt, des petites
ulcérations arrondies mesurant de deux à quatre millimètres
de diamètre, percées dans l'épaisseur du cartilage
d'encroûtement; leur fond, formé par l'os, est granuleux
et rouge (ostéite raréfiante), quelquefois grisâtre. Parfois,
l'os est comme boursouflé, par suite de la présence
de petites saillies dues à une ostéite productive. Çà et là, le
cartilage d'encroûtement est aminci, de teinte plombée.
On trouve encore des taches punctiformes, comme au
début, dans les points où doivent apparaître de nouvelles
ulcérations. L'ostéite raréfiante aboutit finalement à la
formation de cavités, à parois friables, remplies de tissu
embryonnaire.
Peu à peu l'os s'affaiblit, et il n'est pas rare de constater
sa fracture. Sa surface articulaire est toujours
indemne de lésions ulcératives.
L'aponévrose plantaire à cette période est rugueuse et
de teinte jaunâtre. Plus tard, elle s'éraille, se sépare en
faisceaux parallèles « ressemblant aux piliers des cavités
cardiaques » (Magnin). Des adhérences peuvent s'établir
entre l'aponévrose et le petit sésamoïde (fig. 132) dans
les points où les deux feuillets de la séreuse se soudent
(Brauell, C. Lesbre, Cadéac, elc.) (1).
(I) C. Lesbre, Un cas de maladie naviculaire. Considiralions générales
sur l'anatomie pathologique et Id pathogénie de cette affection (Journ. de

MALADIE NAVICULAIRE. 443
Lorsque la maladie peut poursuivre son évolution pendant
un temps suffisant, les lésions prennent une extension
considérable (Mollereau) (1).
Le petit sésamoïde se dépouille de son cartilage
tig. I-ÎJ. — Adhérences de l'aponévrose plantaire av,.c la face postérieure du
petit sésamoïde (Cadéac) (2).
d'encroûtement et de la couche compacte qui soutient
ce dernier. Il est comme rongé, et souvent il se fracture.
mid. vitir. et zootech., 1897, p. 325). — Cadéac, Sur les lésions de la maladie
naviculaire (Bull. Soc. des sciences vêtir, de Lyon, 1899, p. 267).
(1) Mollereau, Nivrotomie haute dans le cas de maladie naviculaire (Bull.
Soc. centr., 1887, p. 395).
(î) L'aponérrose plantaire a été incisée suivant une ligne courbe parallèle
à la crête semi-lunaire et soulevée.

444 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
La petite gaine, sésamoïdienne disparaît.
L'aponévrose plantaire, les tendons et les ligaments
de la face postérieure du paturon s'infiltrent, deviennent
mous, flasques, et se dissocient facilement. Ils s'allongent
et le boulet s'affaisse. Ils peuvent même se rupturer et
le boulet tombe sur le sol.
Aux points d'insertion de l'aponévrose plantaire, la
troisième phalange présente des lésions d'inflammation
chronique et se couvre de végétations osseuses (ostéophytes).
Jones, sur un cheval boiteux, marchant comme un sujet
atteint de fourbure, en appuyant le pied par les talons, trouva
à l'autopsie une ossification de] l'aponévrose plantaire avec
adhérence de celle-ci au petit sésamoïde.
Trasbot (1) a trouvé le tendon fléchisseur, i depuis la
limite inférieure de la grande gaine sésamoïdienne jusqu'à
son insertion, gonflé, épaissi et un peu coloré en rouge»,
laissant voir • dans toute son épaisseur des traînées de tissu
conjonctif épaissi et vascularisé interposé aux faisceaux
primitifs et les écartant les uns des autres ». Cette lésion
rappelle « celle qui caractérise anatomiquement la nerf-férure ».
Pécus (2) a rencontré des lésions de phlébite scléreuse et
oblitérante sur les veines digitales et de névrite interstitielle
et parenchymateuse sur les nerfs plantaires en même temps
que de l'ostéite des os du paturon et de la ténosité du perforant
dans la même région.
Nature et pathogénie. — Les lésions aiguës ou chroniques
affectant l'appareil sésamoïdien peuvent débuter
sur l'un ou l'autre des trois organes constituant cet appareil,
de sorte que la maladie est selon les cas une ostéite
du petit sésamoïde, une synovite de la petite gaine sésamoïdienne
ou une ténosité de l'aponévrose plantaire.
Chacune de ces affections se complique d'ailleurs plus
ou moins rapidement des deux autres.
(1) Trasbot, Bull, de la Soc. centr. de méd. vêt-, 1877, p. 43.
(2) Pécus, Études sur la maladie naviculaire. Troubles vasculaires et
nerveux.'Ostéite et tinosite (Bull. Soc. des sciences vétérin. de Lyon, 1901,
p. 146).

MALADIE NAVICULAIRE. 445
La maladie naviculaire est le plus souvent, avons-nous
dit, d'origine traumatique.
Les contusions portant sur le corps de la fourchette peuvent
évidemment provoquer des lésions del'appareil sésamoïdien,
une ostéite ou même une fracture du petit sésamoïde,
une nerf-férure, au sens ancien du mot, de
l'aponévrose plantaire; mais il s'agit presque toujours
de traumatismes fonctionnels et, en particulier, de distensions
de l'aponévrose plantaire, de pressions exercées
à la face supérieure de cet organe par le petit sésamoïde
; de sorte que la maladie naviculaire peut être
considérée dans la majorité des cas comme un effort du
perforant (H. Bouley, C. Lesbre) ou mieux comme une
téno-synovite podo-sésamoïdienne.
Enfin celte affection peut être secondaire; l'ostéite et
surtout la synovite peuvent dans cette région, au même
titre que dans toutes les autres, résulter d'un état général
toxi-infectieux.
Traitement. — Forme aiguë. — Les animaux seront
mis au repos absolu. Pour modérer la réaction inflammatoire
locale, on fera prendre quotidiennement au pied
malade, déferré et paré, des bains froids prolongés.
Lorsque l'appui redevient possible, on met l'animal
en box, sur une litière très épaisse.
Au bout d'un temps assez long, le membre reprend
peu àpeu laliberté de ses mouvements et, bien exceptionnellement
cependant, la guérison complète peut se produire.
Forme chronique. — Les méthodes de traitement
préconisées pour remédier à la maladie naviculaire
chronique sont très nombreuses. Elles sont préventives,
curatives ou palliatives.
Turner conseille de mettre l'animal dans un vaste enclos,
pendant qu'il n'est pas au travail, de parer ses pieds à fond
et de les munir de fers à lunette fixé» avec des clous à lame
mince.

446 AFFECTIONS INFLAMMATOIRES DU PIED.
Par ce moyen, on combat la contraction du pied et on prévient
l'apparition de la maladie naviculaire.
Lorsque l'affection est nettement accusée, Turner propose
la névrotomie.
Goodwin préconise, lors de maladie naviculaire récente, la
saignée générale, l'administration d'un purgatif, l'enveloppement
du pied dans un cataplasme éraollient et la mise au
repos absolu dans une écurie spacieuse. On guérirait ainsi
dix-neuf chevaux sur vingt, d'après cet auteur.
Loiset indique un exercice modéré et journalier, le repos
prolongé semblant aggraver la maladie, selon l'auteur, l'application
de cataplasmes émollients on astringents, la saignée
locale, les vésicants et les sétons ou bien encore, la cautérisation
actuelle dans les diverses régions du membre boiteux.
Loiset ne songe à guérir par ces moyens que' la maladie
naviculaire chronique qui n'a •< pas acquis trop de gravité ».
Quand la maladie s'est compliquée d'adhérences fibreuses, elle
est, dit-il, complètement au-dessus des ressources actuelles de
l'art.
Sewel prône le séton à la fourchette (1) pour faire de la
dérivation et de l'immobilisation.
Lafosse (de Toulouse) recommande la cautérisation du
petit sésamoïde, après incision préalable de l'aponévrose
plantaire.
Pigorini cautérise fortement la région comprise entre les
deux cartilages complémentaires de la troisième phalange (2).
D'autres conseillent l'injection de teinture d'iode dans la
petite gaine sésamoïdienne, l'opération du clou de rue pénétrant.
Brauell pratique la ténotomie plantaire du perforant. Il administre
des iodures ou même l'iode pur, en bols à l'intérieur.
11 adopte le traitement suivant lorsque « l'inflammation n'a
pas encore donné lieu à une désorganisation delà trochlée».
L'animal est mis au repos dans une stalle spacieuse, sur
une bonne litière, avec, comme nourriture, une demi-ration
d'avoine, du son et de la paille hachée. Les pieds sont
déferrés et enveloppés de cataplasmes émollients. Lorsque
la corne est ramollie, on pare à fond les branches de la sole
et la fourchette et on abat les talons jusqu'à ce qu'il* ne
(1) Le cheval est couché. Le pied, déferré, est paré à fond. Avec une
aiguille convenable (aiguille à séton pour cbien, aiguille de Heistcr;, on traverse,
d'arrière en avant, le coussinet plantaire ; implantée entre les talons,
l'aiguille doit sortir vers la pointe de la fourchette.
(2) Pigorini, Gt'orn. di vét. mil., 1889 an. (Bec. de mid. vêt., 1889, p. 755).

MALADIE NAVICULAIRE. 447
fassent plus au-dessus de la sole qu'une saillie de deux à
trois millimètres.
On combat alors l'inflammation par une saignée en pince,
par les réfrigérants sur le sabot, par l'administration de
temps à autre » d'un bol d'aloès et, dans les intervalles, de
diurétiques.
Continué pendant plusieurs semaines, ce traitement est
complété par le séton à la fourchette, les vésicants ou la
cautérisation de la couronne.
11 faut ensuite placer l'animal sur un terrain mou et lui
éviter les sauts de gaieté » qui pourraient faire renaître
l'affection.
Lors de cas incurables par ce moyen ou de cas trop
anciens, Brauell conseille la névrotomie.
Les préceptes formulés par les auteurs cités n'ont pas, à
coup sûr, la valeur qu'ils leur ont attribuée, et nombreuses
sout les déceptions qui ont suivi leur application.
Deux cas peuvent se présenter, en pratique : il s'agit
d'un animal atteint de maladie naviculaire au début, ou
bien il s'agit d'un cheval boiteux depuis longtemps avec
pied déformé, encastelé, et, sans aucun doute, avec lésions
très prononcées.
Dans le premier cas, et si le temps ne presse point,
le malade sera mis au repos en box, sur une litière
épaisse, ou dans une prairie à sol mou. Les pieds seront
parés et munis d'une ferrure appropriée : fer désencasteleur,
fer Charlier, fer à lunette, etc.
L'animal sera promené chaque jour, au pas; ses
pieds, placés denx ou trois fois par semaine dans ,un
bain, seront tenus soigneusement graissés.
Par un repos suffisamment prolongé, on peut ainsi
voir la boiterie disparaître, et même l'animal guérir
complètement. Mais ce résultat heureux reste cependant
douteux, car, par un service pénible, la claudication
peut réapparaître.
Lorsque le temps est mesuré, il convient plutôt de
ferrer le malade convenablement, de prescrire une bonne
hygiène du pied et de pratiquer la névrotomie.

448 TUMEURS Du PIED.
S'il s'agit d'un malade chez lequel la maladie est
ancienne et compliquée de déformation du sabot, il faut
encore appliquer une bonne ferrure et recourir sans
hésitation et d'emblée à la névrotomie.
Cette opération, préconisée déjà par Turner, Percivall,
Brauell, H. Bouley, etc., n'est qu'un moyen palliatif
: elle empêche la souffrance et permet l'utilisation
du malade.
Lors de maladie naviculaire au début, c'est la névrotomie
phalangienne double qui doit être conseillée.
Lorsque la maladie s'accompagne de déformation du
sabot et d'une forte claudication, on fait la névrotomie
métacarpienne.
Pratiquée aseptiquement, cette opération n'a aucune
suite fâcheuse immédiate, et elle permet d'utiliser un
animal que la maladie naviculaire condamnerait à l'immobilité.
Les récidives de la boiterie sont communes, elles surviennent
après trois mois, un an, quelquefois plus tard.
Elles résultent soit de l'extension, des lésions, si l'on a
fait seulement la névrotomie basse, soit de la régénération
des nerfs sectionnés.
La névrotomie haute dans le premier cas, l'extirpation
des névromes de régénération dans le deuxième sont indiquées.
A celte dernière opération, nous préférons la névrotomie
du médian ; elle nous a donné des succès
durables nombreux; elle a aussi l'avantage de supprimer
en même temps la douleur dont souvent le tendon est le
siège et de prévenir la bouleture.
TUMEURS DU PIED.
Les tumeurs du pied sont très rares.
On rencontre quelquefois des papillomes au niveau de
la région coronaire. Ils résultent le plus souvent de
l'extension d'une dermatite verruqueuse de l'extrémité

TUMEURS DU PIED. 449
inférieure du membre (eaux aux jambes). Ils sont ordinairement
multiples et peuvent atteindre des dimensions
considérables (tête d'enfant) (Gutenacker) (1). On peut
voir cependant des papillomes localisés sur le bourrelet
(Degnerï 2,.
Les fibromes sont, d'ordinaire, des fibromes diffus
remontant de la couronne sur la région phalangienne
et au-dessus. Cadiot et Almy (3) ont observé un fibrome
localisé sur le talon externe d'un pied postérieur.
La botryomycose donne lieu à des productions
fibreuses qui s'accroissent et s'étendent peu à peu et
peuvent acqnérir des dimensions énormes (Frohner) (4).
La mélanose de la couronne a été signalée par Mathis (5)
sous la forme d'une tumeur, du volume d'une noix, située
dans l'épaisseur du bourrelet, à la surface du cartilage.
Gutenacker (1) a trouvé dans l'épaisseur du tissu velouté
de la fourchette de petits mélanomes de la grosseur
d'une tète d'épingle à celle d'un pois, faisant saillie à
la surface de ce tissu et logés dans de petites cavités de
la corne furcale.
Un carcinome du volume d'une pomme siégeant au
niveau des talons et s'étendant vers la fourchette a été
décrit par Frôbner (6).
Le sarcome a été rencontré par Schimmel (7) sur la fourchette
et par Zimmermann (8) au niveau de la couronne.
(1) Gutenacker, Die Hufkrankheiten des Pferdes, 1901, p. 252.
(ï) Degner, Zeitschrift fur veterinOrkunde, 1896, p. 358.
(3) Cadiot et Almjr, Traité de thérapeut. chirurg. des anim. domest., I. II,
p. 88».
(4) Prdliner, Botryomykome der Krone (Monatshefte furpraktische Thierkeiik.,
1896, p. 109).
(5) Mathu, Mélanose de la couronne (Journal de méd. vétèrin. et zootechnie,
1887, p. 421).
(i) Frohner, Carcinom am Ballen (Monatshefte flir praktische Thierheilk.,
1*57, p. 74).
(7| Sehimmel, Fibrosarkom im Fleischstrahldes Pferdes (Oesteneichische
Monalsschr. f. Thierheilk., 1893. p. MO).
(8) Zimmermann, Fibrosarkom der Krone beim Pferdé (Monatshfte fur
praktische Thierheilk.. 1902, p. 3S3).

450 TUMEURS DU PIED.
Le traitement comporte l'ablation précoce et totale du
tissu néoplasique quelle qu'en soit la nature. L'intervention
n'est justifiée que pour les tumeurs peu^tendues
et non généralisées.
Les récidives sont à craindre ; elles furent fréquentes
dans les cas de Degner et Sehimmel. Ce dernier pense que
dans certains cas de « crapaud » réputés incurables, il
doit s'agir de néoplasmes malins du pied (1).
(1) Sur un cheval que nous traitions en vain depuis plusieurs semaines
pour u crapaud », l'examen histologique démontra la nature épithéliomateuse
des tissus excisés profondément, dans une dernière intervention, après
laquelle le sujet ne nous fut malheureusement plus représenté.

BŒUF
Par P. LEBLANC
Dans l'espèce ootnne, les maladies du pied ne sont pas
rares. Leur étude n'a cependant pas l'importance, et à
beaucoup près, des mêmes maladies chez le cheval.
Il est une catégorie d'animaux sur lesquels on ne les
observe presque jamais, ce sont ceux qui, entretenus
en stabulation permanente, ne se trouvent pas exposés
aux causes vulnérantes extérieures. Chez eux les accidents
traumatiques sont exceptionnels; la plupart du temps,
les seules lésions qu'ils présentent sont des déformations
des ongles par défaut d'usure.
Les animaux employés aux travaux des champs sont
ceux qui, au point de vue de la pathologie du pied,
nous intéressent le plus. Il est certain que la lenteur de
leurs allures les met à l'abri des accidents traumatiques
si fréquemment observés chez le cheval ; il est également
certain que les réactions qu'ils ressentent au contact du
sol sont diminuées puisqu'elles sont divisées ; enfin il ne
faut pas oublier que leur surface solaire est presque
toujours complètement protégée par le fer. Malgré ces
heureuses dispositions, on observe sur le pied du bœuf,
en miniature il est vrai, la plupart des accidents qu'on
rencontre sur le pied du cheval.
A ce point de vue, il est important de faire remarquer
que les mêmes accidents n'ont pas toujours, suivant qu'on
les observe sur le bœuf ou sur la vache, la même importance.
Le bœuf est un animal de travail, les pertes que les

452 LE PIED DU BOEUF.
maladies du pied peuvent causer chez lui viennent
seulement de son inutilisation. La vache n'est pas seulement
un animal de travail: on n'exige pas seulement
d'elle un travail mécanique comparable à celui que fournit
le bœuf, on lui fait donner, d'une autre façon, tout ce qui
peut être utile à l'homme qui l'entretient. Quand elle
n'est pas en gestation avancée, elle produit du lait. La
douleur provoquée chez elle n'a donc pas seulement
l'inconvénient de l'immobiliser, mais de retentir plus ou
moins énergiquement sur le fœtus qu'elle nourrit ou sur
le lait qu'elle fabrique.
En général les accidents ne sont pas tellement- graves
qu'ils puissent avoir une action abortive, mais ils sont
presque toujours assez sérieux pour retentir sur la
sécrétion lactée, qu'ils modifient dans sa qualité et qu'ils
diminuent.
Les animaux de l'espèce bovine réagissent-ils, au point
de vue des maladies du pied, d'une façon différente du
cheval? Les affections des ongles se traduisent-elles par
des manifestations particulières?
Nullement. Le bœuf réagit comme le cheval. A ce point
de vue, la boiterie du pied apparait généralement brusquement
et elle est presque toujours très accusée. A
l'écurie, les malades restent couchés; debout, ils portent
en avant de la ligne d'appui le membre douloureux. On
peut observer au niveau d'un doigt une chaleur anormale.
Quand on oblige les malades à se déplacer, ils ne le
font qu'avec peine, en dérobant le plus qu'ils peuvent le
membre malade à l'appui. La boiterie est aussi intense après
cinq minutes de marche qu'au début. Elle est moins vive sur
un sol meuble (litière, terre labourée) que sur un sol
dur, caillouteux. Ces caractères permettent presque
toujours, avec l'exploration locale, de fixer le siège du
mal. On peut souvent, avant d'avoir procédé à l'examen
des ongles au travail, savoir quel est le doigt dont
l'animal souffre. Pour cela, il suffit de le faire marcher

LE PIED DU BOEUF. 453
sur un plan incliné : la boiterie s'accusera dans un sens
ou dans l'autre, suivant que l'onglon interne ou externe
sera malade. On peut aussi, dans le même but, le faire
tourner, à droite ou à gauche.
Quand on est fixé sur le siège de la boiterie, il reste à
en déterminer la nature : c'est là une opération qui n'est
pas toujours aisée, étant données les difficultés que l'on
éprouve à lever les pieds du bœuf, quand on est en pleine
campagne et qu'on n*a pas à sa disposition un travail à
bœufs.
Les membres antérieurs se lèvent moins difficilement
que les postérieurs. L'animal étant solidement attaché
à un poteau, il suffit généralement, pour examiner son
pied, de lui passer une longe au-dessus du boulet et
d'en faire tenir l'extrémité par un aide, après l'avoir fait
passer sur le garrot du malade ; un second aide maintient
solidement enplace, comme on le fait pour le cheval, le pied
levé. Cette manière de faire est presque toujours suffi-'
santé.
Pour les membres postérieurs, le procédé le plus rapide
est celui qui consiste, l'animal étant solidement attaché,
les mouchettes ayant été mises, à annihiler l'action de là
corde du jarret par une longe serrée au-dessus de l'articulation;
l'aide s'engage ensuite sous le membre à
soulever, comme on le fait pour le cheval. Je préfère
cette façon de procéder, quand il s'agit, bien entendu
d'une intervention qui ne doit pas être très longue, à
celle qui consiste à engager sous le membre postérieur
soulevé, un bâton de bois dont une extrémité est tenue
par un aide et l'autre fixée sur une roue de chariot. Si
les animaux se débattent, ils peuvent arriver à se blesser
sérieusement à la barre de soutien.
Le membre postérieur étant soulevé comme nous
l'avons indiqué plus hant, il est quelquefois nécessaire.
d'employer un troisième aide pour porter en arrière la
pointe des onglons de façon à ce que la surface plantaire

454 LE PIED DU BOEUF.
se présente sur un plan quasi horizontal. Qu'il s'agisse
d'un membre antérieur ou d'un membre postérieur, la
première chose à faire, le pied étant soulevé, c'est de le
nettoyer sérieusement, de le débarrasser de la terre ou de
la bouse qui le recouvre et qui peut dissimuler la lésion.
Pour cela, il ne faut pas seulement curer le pied avec un
couteau ou une rainette, mais faire un lavage avec de
l'eau tiède et une brosse de chiendent.
Le pied étant ainsi préparé, on examine le bourrelet,
en avant, en arrière, on inspecte les talons, on explore
soigneusement et à diverses reprises l'espace interdigité.
Ceci fait, on passe à l'examen proprement dit des ongles.
Ici on opère, comme pour le cheval, par le choc, le pincement,
et l'amincissement. On percute les faces plantaires
avec une mailloche, on pince la muraille et la sole avec
des tricoises, et il est exceptionnel qu'on n'arrive pas à
mettre en évidence l'existence d'un point douloureux.
Si celui-ci est trouvé, on le dégage; si les deux moyens
précédents ont échoué, il ne faut pas abandonner la
partie, maisparer la face plantaire. Les changements dans
la coloration de la corne blanche conduisent presque
toujours sur le point malade. Au niveau de la région où
siège le mal, les couches superficielles de corne étant
enlevées, on trouve souvent un point flexible au niveau
duquel la corne s'affaisse, elle est teintée de gris ou de
noir. Il ne reste plus qu'à intervenir.
Pondant toutes ces manœuvres, les animaux se débattent,
se fatiguent et se laissent tomber sur le sol.
Il est indiqué de les laisser reprendre haleine, d'enlever
le lien qui enserre le jarret et de ne jamais
s'impatienter : on est quelquefois obligé de poser dix
fois le pied à terre avant d'avoir complètement terminé
son examen.
Ces considérai***»- générales sur la recherche de la
boiterie du pied chez le bœuf étant données, il nous
paraît nécessaire d'indiquer brièvement les particularités

LE PIED DU BOEUF. 455
anatomiques dont la connaissance peut présenter quelque
intérêt au point de vue clinique.
Notions anatomiques. — Les doigts sont abordés
sur la face antérieure et sur les faces latérales et postérieure
par trois faisceaux artériels qui sont réunis par des
anastomoses assez nombreuses. Un filet nerveux et une
veine accompagnent les faisceaux artéjiels.
La disposition des tendons n'offre rien de particulier :
perforant et perforé se comportent sur chaque doigt
comme les mêmes organes sur le doigt du cheval.
L'épaisseur de la peau est très variable suivant les
régions où on l'envisage. Au niveau des faces antérieures
et latérales du paturon, elle varie de 3 mm ,5 à 5 mm ,5; sur la
face postérieure elle atteint 6 mm ,5 à 7 millimètres.
L'épaisseur du revêtement corné est également variable
suivant les points envisagés. La muraille latérale a une
épaisseur qui varie de 2 mm ,5 à 8°" D ,5 et 9 millimètres.
La muraille médiane, une épaisseur qui varie de 2 mm ,5 à
4 mm ,5. La sole, une épaisseur qui varie de 15 millimètres,
à 17 mm ,5.
Région du paturon. — a. FACE ANTÉRIEURE. — Si l'on
pratique une coupe transversale au niveau de la face
antérieure du paturon, on rencontre successivement la
peau, le conjonctif sous-cutané, un fascia aponévrotique,
l'artère, la veine et le nerf, les deux branches du tendon
de Vextenseur commun des doigts ; en couche profonde, l'os et
la première articulation interphalangienne.
b. FACES LATÉRALES. — Procédant de la même façon sur
les faces latérales, on rencontre de la superficie aux
couches profondes : la peau, le tissu connectif, l'aponévrose,
un faisceau vasculo-nerveux, le tendon de l'extenseur
propre des doigts, le ligament latéral et la
capsule synoviale de la première articulation interphalangienne,
le périoste et l'os.
c. FACE POSTÉRIEURE. — Sur la face postérieure du
paturon, la disposition est la suivante : peau, tissu

456 LE PIED DU BOEUF.
conjonctif, aponévrose formée de deux lames, le faisceau
vasculo-nerveux, la gaine commune aux tendons fléchisseurs,
les deux portions du tendon du'fléchisseur profond
des phalanges, l'insertion inférieure des deux portions du
fléchisseur superficiel des phalanges, trois branches
artérielles et veineuses : une transversale, une supérieure,
une inférieure, le,.cul-de-sac inférieur de la grande gaine
sésamoïdienne, la synoviale de la première articulation
interphalangienne, le périoste et l'os.
Dans l'espace interdigité, le ligament interdigité
supérieur, le conjonctif, des lobules adipeux, les vaisseaux
et nerfs interdigités.
Région du pied. — a. FACE ANTÉRIEURE. — On trouve,
en allant de la surface à la profondeur : la peau et la
bande périoplique ; sous la peau, un faisceau vasculonerveux,
le tendon de Pextenseur commun des doigtsi
Sous la paroi : en haut le cercle périoplique, audessous
le cercle coronaire, en bas, le tissu podophylleux.
Sous la région coronaire : l'insertion de l'extenseur
commun des phalanges, accompagné d'une grosse veine,
la capsule articulaire de l'articulation du pied, la partie
inférieure de la seconde phalange, la partie supérieure
de la troisième phalange.
Sous le tissu podophylleux : la partie inférieure de
la troisième phalange.
t. FACES LATÉRALES. — A ce niveau on rencontre d'abord
unepeaw épaisse, la bande périoplique, enhautlepériople,
au milieu la couronne, en bas le tissu podophylleux.
Sous la peau, on rencontre la branche terminale postérieure
du tendon de l'extenseur propre des doigts, la.
branche terminale du rameau antérieur du nerf collatéral
du doigt, un riche plexus veineux.
Sous laparoi, on retrouve : en haut, la branche terminale
postérieure du tendon de l'extenseur propre des doigts,
la branche terminale de l'artère digitale latérale et du

LE PIED DU BOEUF. 437
nerf collatéral du doigt, le ligament latéral de la seconde
articulation interphalangienne.
Sous le ftssu podophylleux on trouve la troisième phalange.
c. FACE INTERDIGITALE. — Eu couche superficielle, les
mêmes organes qu'antérieurement. Sous la peau : le liga­
ment interdigité inférieur, une masse graisseuse, le ligament
médian de l'articulation du pied, la branche inférieure
du ligament interdigité, la capsule articulaire de
la deuxième articulation interphalangienne, la face
médiane de la seconde et de la troisième phalange ; ces
organes sont croisés par les rameaux terminaux de
l'artère digitale médiane.
d. FACE POSTÉRIEURE. — A ce niveau on trouve la peau
très épaisse, la bande périoplique et la corne du talon
très élastiques. En dessous, une partie du coussinet plan-
Chirurgie du pied. 26

4S8 LE PIED DU BOEUF.
taire. Celui-ci repose sur la lame profonde de l'aponévrose,
la terminaison du tendon du fléchisseur profond
des phalanges et la gaine petite sésamoïde. Sous la
gaine petite sésamoïde, se trouve le cul-de-sac inférieur
de la synoviale de la seconde articulation interphalangienne
et un faisceau du ligament interdigité inférieur.
Viennent ensuite le petit sésamoïde, et une partie de
la face postérieure de la seconde et de la troisième
phalange.
e. FACE PLANTAIRE.— Sous lasole, le tissu podophylleux et
le plexus veineux solaire, et les ramifications des artères
préplantaires et plantaires ; le reste du coussinet plantaire
; en dessous et en haut, l'insertion du tendon du
fléchisseur profond et la face inférieure de la troisième
phalange (1).
Nous attirons en terminant l'attention sur le développement
restreint des gaines grande et petite sésamoïdienne
Ceci explique en partie la bénignité relative des synovites
qui compliquent souvent les affections du pied chez le
bœuf. Il faut ajouter de plus que la guérison d'une
synovite est singulièrement facilitée par le manque de
participation à l'appui pour le doigt malade, son congénère
voisin faisant tous les frais du soutien pour le membre
qui l'intéresse.
Ces considérations anatomiques étant données, nous
aborderons immédiatement l'étude des maladies ouaccidents
qu'on peut observer sur le pied des bêtes
bovines. Nous étudierons d'abord les accidents traumatiques,
contusion, bleime, piqûre, etc., puis les maladies
inflammatoires, mal de pied contagieux, furoncle interdigité,
etc., etnous terminerons notre exposé par la description
des déformations des ongles.
(1) D'après Oiambattista Caradonna. — Costitusione anatomica et topografia
délie regioni del Piede del Bovini. Torino, 1001.

CONTUSION DE LA SOLE. 459
I. — ACCIDENTS TRAUMATIQUES
I. — CONTUSION DE LA SOLE.
La eontusion de la sole s'observe fréquemment chez
les animaux de travail. Elle est la conséquence de l'application
d'un fer défectueux ou des chocs répétés sur
les chemins pierreux. C'est une talure du pied comparable
à la bleime du cheval quant à son étiologie. A
l'inverse de celle-ci, elle ne siège généralement pas en
talon parce qu'à ce niveau les zones résistantes sousjacentes
sont protégées par le coussinet plantaire.
Elles siègent vers le milieu ou à l'extrémité de la
plaque solaire : à ce niveau la phalange n'est séparée du
tissu corné que par une mince couche de tissu vif.
La contusion de la sole peut se présenter avec des
degrés divers de gravité. Elle est exsudative lorsque les
chocs ont amené un léger décollement de la corne
qu'on trouve humide, imprégnée de sérosité; elle est
hémorragique quand la violence du traumatisme a été
suffisante pour colorer en rouge les couches de corne
ou quand une petite quantité de sang décollant la corne
s'est accumulée entre le tissu velouté et la face profonde
de celle-ci ; elle est infectée quand sur les accidents précédents
une infection pyogène est venue se greffer.
Symptômes. — Les manifestations par lesquelles s'accuse
la contusion de la sole varient évidemment avec
l'importance de la lésion. 11 est des cas dans lesquels elle
provoque une boiterie peu accusée, disparaissant en
partie quand les malades se déplacent sur un terrain
meuble, s'accentuant sur un chemin pierreux et ne
paraissant nullement incommoder les animaux en dehors
du travail que l'on exige d'eux. C'est là une forme fréquemment
observée, la plus commune.

460 BŒUF. — ACCIDENTS TRAUMATIQUES.
Il est des cas au contraire dans lesquels, soit que la
lésion ait porté sur des animaux particulièrement sensibles,
soit qu'elle ait un réel caractère de gravité,
on observe, en dehors d'une boiterie très accusée, des
manifestations générales qui relèvent de la douleur ressentie
par les malades.
Ceux-ci portent le membre en avant de la ligne d'appui,
peuvent présenter des pseudo-lancinations. Al'étable, ils
restent constamment couchés et arrivent à perdre plus
ou moins complètement l'appétit. Si on les oblige à se
lever, ils né le font, qu'avec hésitation et se déplacent à
trois jambes.
Le pied malade est chaud, les régions articulaires
indemnes. Entre cet état grave et les manifestations
bénignes que nous signalions au début, on peut rencontrer
tous les intermédiaires.
Diagnostic. — Le diagnostic est généralement facile.
11 est cependant bon de se mettre en garde contre les
appréciations des propriétaires, qui ne consentent à
croire que leur animal boite du pied que lorsqu'ils ont
en effet vu le mal qui le fait boiter.
Les caractères de la boiterie, les conditions dans lesquelles
elle est apparue, l'absence de signes inflammatoires
sur les articulations du membre intéressé, permettent,
avec l'examen du pied, de localiser le siège de
la boiterie.
Pronostic. — Le pronostic est bénin quand le mal
est reconnu au début, et sans graves conséquences lorsqu'il
reste quelques jours ignoré.
Traitement. — Le traitement est très simple. U consiste
à faire lever le pied malade ou à mettre les animaux
au travail et à amincir la corne de façon à enlever
complètement les parties décollées. La muraille doit
être dans tous les cas respectée. Dans beaucoup il suffit,
pour faire disparaître la douleur, et partant la boiterie,
d'un simple amincissement. Quand il y a eu suppuration,

ENCLOUURE. — PIQURE. — COUPURE. 461
la cavité est détergée, désinfectée ; on applique un
léger pansement constitué par une étoupade ou une
boulette de coton hydrophile imbibée d'un liquide
antiseptique, on fait remettre le fer et la guérison survient
dans les jours qui suivent.
Quand l'accident s'est produit sur des animaux qui ne
sont pas habituellement ferrés, on procède de la même
façon, mais on maintient le pansement en place par un
morceau de toile avec lequel on emmaillote l'ongle souffrant.
II. — ENCLOUURE. — PIQURE- — COUPURE.
L'enclouure, la piqûre, le clou de rue, sont des accidents
assez fréquemment observés sur le pied du bœuf. Il
n'est pas exceptionnel non plus de rencontrer des coupures
de la sole dues à des silex ou à des morceaux de
verre. Ces diverses blessures peuvent intéresser la face
plantaire, la paroi, la paroi interdigitale, le sillon interdigité
le talon et la. couronne. La physionomie clinique présentée
par les malades est légèrement différente suivant les
cas.
1° Enclonare. — Elle apparaît généralement le
lendemain du jour où les animaux ont été ferrés. L'accident
se traduit par une boiterie plus ou moins accusée,
une chaleur anormale d'un des onglons et la sensibilité
particulière au pincement et s au choc de la région
malade.
L'examen du pied démontre que la ferrure est récente
et il est rare de ne pas constater qu'un clou a été broché
trop haut. En enlevant le fer et en dégageant légèrement
les trajets des clous on trouve presque toujours
un suintement plus ou moins abondant, au niveau du
point où le tissu vif a été intéressé. Ce suintement ne
tarde pas à se transformer en suppuration véritable si
l'accident est méconnu pendant quelques jours.
26.

462 BOEUF. — ACCIDENTS TRAUMATIQUES.
L'arrachement du clou* l'amincissement local de la
sole et de la paroi, l'application d'un pansement à la
liqueur de Villate ou à l'onguent de pied suffisent généralement
pour obvier à toute complication. Les animaux
sont tenus déferrés et laissés au repos quelques
jours, le temps nécessaire pour que la douleur disparaisse.
2° Piqûre, coupure. — Les piqûres et les coupures
peuvent intéresser une région quelconque du pied;
quand elles sont produites par des pointes et qu'elles
intéressent la sole, elles revêtent la physionomie du clou
de rue du cheval. Elles peuvent être occasionnées par le
soc de la charrue, d'où le nom d'énreillure ou d'enraiement
donné à l'accident, dans le Midi; le pinçon du fer, les clous
de cordonnier, les éclats de bois ou d'os, les débris de
verre ou de cailloux pointus, les épines, la pointe de
la fourche du bouvier, etc.
Ces accidents se traduisent par des signes cliniques
qui ont à peu près la même physionomie que ceux que
nous avons indiqués antérieurement. La boiterie varie
avec l'étendue et la nature des tissus intéressés. L'ongle
malade est chaud, ne participe pas à l'appui ; on peut
observer des lancinations.
L'examen du pied accuse une douleur variable, quelquefois
très vive, d'autres fois au contraire peu accusée. Il
est nécessaire de parer le pied pour trouver l'ouverture
du trajet fistuleux, dont la direction est du reste variable.
L'ouverture du trajet est accusée par une tache généralement
noire qui se prolonge vers la profondeur et au
niveau de laquelle la corne semble fléchir.
L'amincissement à ce niveau conduit presque toujours
dans une cavité sous-cornée dans laquelle il existe peu
ou beaucoup de pus généralement noirâtre et odorant.
Afin d'éviter les pincements, on amincit légèrement à la
périphérie du foyer traumatique.
La région malade est ensuite désinfectée avec une

SEIME. — FISSURES TRANSVERSALES DE LA PAROI. 463
solution antiseptique et on applique un pansement à
demeure que l'on renouvelle si les circonstances l'exigent,
mais qui est souvent suffisant quand la troisième
phalange n'a pas été intéressée.
III. - SEIME. — FISSURES TRANSVERSALES
DE LA PAROI.
La seime est très rare chez les bovidés. Quand oh l'observe,
elle existe presque toujours sur la face externe de
la paroi et aux pieds antérieurs. Les seimes sont quelquefois
en relation avec une lésion du bourrelet ; dans
d'autres cas, elles ne paraissent pas émaner de celui-ci,
mais bien de la région plantaire. Ce sont de véritables
fêlures ascendantes de l'ongle. Elles sont généralement
peu étendues, mais elles sont suffisantes pour déterminer
une boiterie accusée et une hémorragie assez abondante.
Ces fêlures, de même que les seimes proprement dites,
peuvent s'opposer à l'utilisation des animaux et se compliquer
par suite de l'introduction dans la solution de
continuité de la corne, de terre et de bouse qui irritent
et infectent le tissu sous-ungulé.
Les fêlures et les seimes se traitent, comme chez le
cheval, par les émollients, l'amincissement, l'application
d'un pansement circulaire au goudron végétal et le
repos.
Les fentes transversales de la paroi sont assez fréquentes
chez les bovidés. Elles sont parallèles au bourrelet coronaire
et apparaissent sans cause connue. Elles affectent
particulièrement les pieds de devant. Elles sont toujours
complètes, c'est-à-dire que l'instrument qui les explore
tombe sur le tissu vif. Furlanetto, qui signale ces accidents,
a vu un bœuf présenter sur quatre ongles de quatre
pieds, les fentes transversales dont il est question. L'animal
était boiteux, tantôt d'un pied, tantôt d'un autre.
Dans ces cas l'intervention se borne à un amincissement

464 BOEUF —ACCIDENTS TRAUMATIQUES.
des parties de corne avoisinant la fente. L'amincissement
est complété par l'action de la râpe et l'extirpation des
parties décollées. On respecte autant que possible le bord
inférieur de la muraille. On applique ensuite sur l'ongle
un pansement au goudron. Les malades sont laissés au
repos pendant quelques jours, après quoi ils peuvent
reprendre leur travail. L'ongle malade doit être maintenu
un peu plus court que son congénère.
IV. — ARRACHEMENT DE L'ONGLON.
La séparation de l'ongle d'avec les tissus vifs est un fait
rare chez les bovidés; Furlanetto en a vu quatre cas et
dans tous, l'accident avait été produit par une roue de charrette
qui était passée sur l'onglon externe des pieds postérieurs.
Dans deux cas l'arrachement fut complet et
compliqué de contusion, d'écrasement des parties vives
et de fracture comminutive du tiers inférieur de l'os du
pied. Dans le troisième cas, l'arrachement fut complet
sans complication; dans le quatrième, il fut incomplet
et l'onglon resta adhérent sur une petite portion de la
partie interunguéale et sur la région postérieure de la
sole.
Arloing a rapporté l'histoire d'un bœuf ferré dont
l'ongle fut presque complètement arraché pendant les
efforts que fit l'animal pour dégager son pied accidentellement
emprisonné.
En dehors de ces circonstances tout à fait particulières,
ces accidents sont exceptionnels.
Symptômes. — L'arrachement des onglons s'accompagne
toujours d'une hémorragie abondante, les malades
tiennent en l'air le pied blessé et marchent à trois
jambes. Les tissus mis à nu sont rouge vif, quelquefois
écrasés ou mortifiés.
Quand l'arrachement est incomplet, le pronostic est favorable
; il doit être réservé lorsqu'il est complet, alors même

ENTORSES DES ONGLONS, ETC. 46b
qu'il n'y a pas de complication. Quand avec l'arrachement
il y a fracture, amputation de la troisième phalange, le
pronostic est presque toujours fatal. La corne ne repousse
pas là où le tissu osseux fait défaut; à sa place, une
végétation mollasse, fongueuse s'édifie, qui saigne au
moindre contact et qui parait rebelle aux cautérisations
même profondes (Furlanetto,
La corne se régénère en trois mois, trois mois et demi.
Le traitement consiste en une désinfection soignée du
foyer traumatique, complétée par l'enlèvement des tisëus
mortifiés et par l'application d'un pansement antiseptique
fréquemment renouvelé.
V. — ENTORSE DES ONGLONS. — ENTORSE DU
LIGAMENT INTERDIGITÉ. — RUPTURE DU LIGA­
MENT INTERDIGITÉ.
1° Entorse des onglons. — Les tiraillements ligamenteux
des articulations des onglons sont assez fréquents chez
les bœufs de travail. On les observe le plus souvent sur
lès pieds de devant. La marche sur un terrain inégal et
dur, les faux pas, la longueur démesurée des ongles en
sont les causes habituelles.
La boiterie par laquelle se traduit l'entorse s'accuse
sur un sol meuble. L'examen du pied ne révèle aucune
sensibilité des tissus sous-ungulés, l'espace interdigité est
indemne. Au niveau de la couronne de l'onglon malade,
on trouve une tuméfaction plus ou moins neite, sensible
à la pression et à la percussion.
Si l'on fléchit l'onglon intéressé en portant en arrière la
pince, si on l'étend en la portant en avant, si on porte à
droite ou à gauche la même extrémité, on provoque des
mouvements de défense énergiques qui indiquent assez la
douleur vive ressentie par l'animal.
L'examen comparatif de l'ongle voisin ne donne lieu à
aucune manifestation de cette nature.

466 BOEUF. — FOURBURE.
2° Entorse du ligament interdigité inférieur. —
L'écartement des ongles limité par le ligament interdigité
est quelquefois exagéré sous l'influence des glissades ou
à la suite du travail sur un terrain en pente, les onglons
supportant d'une façon inégale le poids du corps.
La lésion s'accuse par une tuméfaction légère de la
couronne entre les deux articulations paturo-coronaires.
La pression du doigt dans l'espace interdigité et à la face
interne des secondes phalanges provoque des mouvements
de défense accusés.
Dans ces divers cas, le repos, la soustraction à l'appui
de l'ongle malade, l'immobilisation des ongles par un
pansement circulaire, les bains et les astringents sont les
agents auxquels il faut avoir recours.
3° Rupture des ligaments interdigités. — Suy
Kerbuyck a observé cet accident sur une vache qui avait
fait de violents efforts pour se relever. Debout, l'attitude
présentée par la malade était tout à fait caractéristique,
les onglons du membre malade s'écartaient à tel point
qu'ils se plaçaient presque sur le même plan horizontal
et l'appui se faisait sur l'extrémité inférieure du métatarsien
principal (1).
II. — FOURBURE
Dans ses grandes lignes, la fourbure des bovidés rappelle
celle du cheval.
La fourbure des bovidés s'observe surtout sous la
forme idiopathique ou essentielle, comme chez le cheval;
mais, à raison de l'allure du pas que conservent toujours
ces animaux, de leur mode d'entretien, de l'alimentation
pauvre en grains qu'ils reçoivent habituellement, et aussi
de la résistance qu'ils opposent aux infections générales,
(1) Buplure des ligaments interdigités (Archives, vit., 1880, p. 300).

FOURBURE. 467
cette fourbure essentielle s'observe beaucoup plus rarement
que chez lès solipèdes.
Quant à la fourbure symptomatique ou métastatique,
elle est à peine connue. Elle ne paraît avoir été signalée
qu'après l'accouchement (Voy, Fourbure de parturitiôn
in Obstétrique vétérinaire) (1).
Étiologie. — Certaines conditions de forme et d'entretien,
du pied représentent les causes prédisposantes de fourbure
chez lcshovidés.
D'après Festal, les pieds à corne dure, sèche, écailleuse,
les pieds trop longs sont les plus exposés à la
maladie : les premiers parce que pendant la marche ils
éprouvent des réactions trop prononcées en frappant le
sol, les seconds parce qu'ils infligent aux talons une trop
grande part dans l'appui. Cet auteur pense également
que les pieds dont la muraille est trop élevée relativement
à la sole sont dans le même cas : dans ce cas l'appui se
fait surtout par le bord plantaire de la muraille, et le tissu
podophylleux se trouve tiraillé (2 . Lafore considérait les
animaux à pied mou qui ont vécu dans les pâturages
humides ou sur le fumier pendant l'engraissement comme
beaucoup plus sujets à la maladie. C'est ainsi qu'au printemps,
la maladie peut se montrer sous une forme épizootique
lorsque les animaux, immobilisés pendant
l'hiver, prennent les travaux agricoles (3). Le jeune âge
constitue également une cause prédisposante, en ce sens
que les animaux, arrivés au terme de leur croissance,
sont souvent expédiés sur des marchés éloignés alors que
(1) Lafore, Traité des maladies particulières aux grands ruminants, 1843.
— Crnzel, Traité pratique des maladies de Terpèce bovine. 3" édition, Revue
par Peuch, 1892. — Furlanetto, Les boitcries de [espèce bovine (Traduction
de Croazel), 1894.
(i) Festal, Mémoire sur la fourbure du bœuf (Becueil dé Méd. vitérinatre,
1846, p. 912).
(3) Sansot, De la fourbure épisoolique chez les animaux de l'espèce bovine
(Journal des Vét. du Midi, 1850, p. 407).— Verohes, Note sur une fourbure
rpizortique chez le bœuf (Ibid., 1863, p. 118).

468 BŒUF. — FOURBURE.
leurs pieds encore tendres (Lafosse) (1) ne leur permettent
pas de faire les marches que peuvent exécuter sans
inconvénients les animaux de travail.
Les causes occasionnelles de la fourbure du bœuf sont
les longues marches que nécessitent les transactions
commerciales auxquelles donne lieu cet animal. Fréquentes
avant l'établissement des chemins de fer, elles
lui sont moins souvent infligées aujourd'hui, ce qui
explique la fréquence moindre de la maladie de nos
jours. Ces longues marches étaient tout particulièrement
dangereuses lorsqu'elles devaient s'effectuer par
un temps chaud, sur des routes dures, empierrées, à
surface accidentée.
Furlanetto indique, comme pouvant donner lieu à la
fourbure, chez le bœuf, le travail à la charrue sur des
mottes dures et chaudes pendant le mois d'août.
.Contrairement à ce qu'a affirmé H. Bouley, le bœuf
peut présenter, comme le cheval, une fourbure essentielle
d'alimentation. Lafore a signalé ce fait. Peuch,
Rossignol ont observé la fourbure sur des bovidés,
vivant en stabulation permanente, qui recevaient une
forte ration de farine d'orge (2).
Symptômes. — On rencontre chez le bœuf, la fourbure
antérieure, la fourbure postérieure et la fourbure générale..
C'est la. fourbure postérieure qui s'observe le plus
fréquemment. Dans un même pied, il n'y a parfois qu'un
onglon fourbu : habituellement l'onglon interne.
Le bœuf fourbu se tient couché, et il est toujours difficile
de le faire mettre debout: pour cela, des excitations
répétées sont nécessaires.
Dans le cas de fourbure antérieure, les membres thoraciques
sont portés en avant et ils effectuent leur appui
(1) Journal des Vét. du Midi, 1846, p. 449. Compte rendu des travaux de
l'Ecole deToulouse.
(2| Peuch, De quelques maladies du pied des bêtes bovines. Fourbure
(Bévue vétérinaire, 1883, p. 162;.

FOURBURE. 469
par la pointe des onglons. Le malade engage ses membres
pelviens sous le corps, comme le cheval. Lors de
fourbure postérieure, les quatre pieds sont rassemblés
sous le centre de gravité. S'il s'agit de la fourbure générale,
le malade prend la même attitude.
Les symptômes généraux très accentués se montrent
toujours, quelle que soit la forme de fourbure observée.
Debout, les animaux trépignent ; le dos est voussé ; les
malades sont tristes, refusent tout aliment ; la rumination
est supprimée ; on observe en outre une constipation
légère et un peu de fièvre. La marche est très pénible.
Abandonnés à eux-mêmes, les malades se couchent
immédiatement.
La température rectale est au-dessus de la normale.
On constate toujours un amaigrissement rapide : l'animal
fond à vue d œil.
Les symptômes locaux sont toujours très accusés : la
station est pénible, la boiterie très intense, la marche
difficile ou impossible ; debout, les malades sont affectés
d'un trépignement continuel; l'onglon atteint est le siège
d'une chaleur anormale. Les veines émergentes sont
gonflées.
Marche. — Terminaisons. — En règle générale, la
fourbure du bœuf évolue en huit à quinze jours et se
termine par la résolution. Cependant, lors de fourbure
intense, la maladie aboutit assez souvent à la chute de
l'onglon.
Chez certains animaux, la chute de l'ongle survient
rapidement; l'accident peut môme se produire pendant
la marche, notamment sur les animaux jeunes, conduits
vers les marchés éloignés. Cette chute rapide de l'onglon
s'explique, si l'on compare le pied du bœuf à celui du
cheval, par l'adhérence moins intime du tissu podo-
.pbylieux à la boite cornée: Soit par hémorragie, soit par
exsudation, la séparation a lieu dans toute l'étendue de
la membrane kératogène et celle-ci se trouve mise à nu.
Chirurgie du pied. 27

470 BOEUF. — FOURBURE.
Habituellement, la chute de l'onglon est plus lente à
se produire. Elle est annoncée par la tuméfaction du
boulet, du paturon et de la couronne du pied malade, et
par un gonflement considérable du bourrelet qui, écrasé
à son bord inférieur par la gouttière cutigérale inextensible,
déborde la muraille et la surplombe.
Cet organe ne tarde pas à prendre une teinte violacée,
due aux troubles circulatoires qu'occasionne la compression
qu'il subit, et à se détacher du sabot. Une sanie
purulente, infecte, s'accumule entre ce dernier et la
membrane kératogène. Peu à peu le décollement s'étendant,
l'onglon finit par s'éliminer, laissant à nu des
tissus noirâtres, recouverts de caillots sanguins, avec ou
sans foyers de mortification.
Dans quelques cas la maladie amène le décollement
partiel de l'onglon. Ce phénomène s'observe surtout dans
la partie postérieure de la région plantaire, mais il peut
s'étendre à la muraille externe et à la muraille interdigitée
sur une étendue plus ou moins grande. la percussion,
au niveau de ce décollement, donne un son mat
si le sang ou l'exsudat qui l'a produit est encore emprisonné
dans la boite cornée; elle donne un son clair si le
liquide a pu fuir et si la sole ou la muraille ne s'appliquent
pas exactement sur les tissus.
Lorsque la suppuration s'établit à la surface des tissus
malades, le pus peut produire des décollements parfois
étendus commedans la bleime suppurée du cheval.
Quand les altérations sous-cornées sont très accusées,
elles peuvent s'accompagner de gangrène plus ou moins
étendue et déterminer la mort (Harlenstein) (1).
Le passage de la fourbure aiguë à l'état de fourbure
chronique est rare.
On rencontre cependant des animaux présentant des
fpurmilières en pince avec un véritable croissant dû à la
(1) Hartenstein, Gangrène de la région digitée chez le cheval et le bœuf
(Arch. vét., f883, p. 4s3).

FOURBURE. 471
pression exercée par le bord antéro-inTérieur de la troisième
phalange. Ces animaux restent presque toujours
pinçards des pieds affectés (Festal).
Complications. — La fourbure des membres antérieurs
portant l'animal à appuyer en pince, il n'est pas rare de
voir les tendons se rétracter et le malade rester boulelé.
Une autre complication est représentée par le pied
gros. Le pied gros est en réalité un boulet gros ; il consiste
dans une tuméfaction de l'articulation métacarpophalangienne
due à des périostoses qui se développent
autour d'elle sous l'influence des efforts que l'animal
fait pour appuyer en pince lorsque les deux onglons
sont malades, ou pour appuyer sur l'onglon sain, l'externe
habituellement, si la fourbure n'en affecte qu'un (1). Il
s'agit en somme d'une entorse chronique du boulet.
Lafore signale encore, comme complication, la déviation
de l'onglon, ainsi que « des exostoses sur l'os du pied, que
l'on reconnaît à des bosselures correspondantes de la sole
ou de la paroi ».
Traitement. — La fourbure du bœuf résultant
presque toujours de la fatigue et des longues marches,
il est indiqué d'éviter les longs déplacements aux bêtes
à cornes non entraînées et de ferrer les animaux, au
moins de l'onglpn externe, pour protéger le pied.
Sansot insiste particulièrement sur la saignée en pince
et l'application sur le pied de suie et de vinaigre ou de
terre glaise délayée dans le vinaigre. Les frictions d'eaude-vie
sur la couronne (Volpi) ne paraissent pas jouir
d'une véritable efficacité. Les purgatifs salins sont
comme dans la médecine du cheval, d'une utilité incontestée.
Les hypothèses récentes (Aruch) qui tendent à faire
de la fourbure une maladie d'ordre toxique nous expliqueraient,
partiellement, le mode d'action' de ces agents.
(1) Pestai, Un mot sur l'affection généralement connue sous le nom de
pied gros dans l'espèce bovine (Journal des Vétérinaires du Midi, 1844,
p. 217).

472 BOEUF. — DERMATITES DIVERSES.
Le traitement curatif est le même que pour le cheval.
S'il y a chute d'onglon, le moignon sera enveloppé dans,
un pansement ase, tique. Il faut soixante à soixante-dix
jours pour que le pied ait acquis une solidité permettant
le travail.
Lorsque des décollements se produisent, ii faut mettre
à nu les parties décollées, ou au moins assurer l'écoulement
des produits pathologiques et intervenir par des
bains antiseptiques et des pansements appropriés.' La
mortification des tissus, la carie osseuse ou ligamenteuse
seront traitées par l'excision et l'aseptisation du
foyer traumatique.
III. — DERMATITES DIVERSES
Dcrmatites toxiques. — Chez les animaux de
l'espèce bovine, le tégument de la région podale peut présenter
des manifestations inflammatoires de nature
diverse.
Slockfleth et Roloff ont les premiers attiré l'attention
sur une maladie épizootique des onglons due à l'alimentation
par des résidus de distillerie. Les symptômes locaux
débuteraient dans l'espace interdigité ou au niveau de
la couronne et du talon et se traduiraient par la tuméfaction
avec exsudât, une chaleur anormale de la région
malade et une douleur très vive au toucher. Dans l'espace
interdigité les lésions acquièrent leur maximum de gravité.
Quand la maladie est livrée à elle-même, les çaines
tendineuses et les synoviales articulaires peuvent être
atteintes, et la mort survient avec des poussées fébriles,
dans le marasme ou à la suite de l'infection putride ou
purulente.
Il est parfois nécessaire, pour sauver les malades, de
recourir à l'amputation des onglons (I ) (Slockfleth, Roloff).
(i) Roloff, B cueil, 1872, p. 163.

DERMATITES DIVERSES. 473
Donnai îles simples. — A côté de cette dermatite
toxique, on peut rencontrer chez les bovidés des dermatites
simples pouvant revêtir une physionomie clinique
plus ou moins grave. Ces dermatitcs simples se développent
surtout au niveau de l'espace interdigité et sur
les pieds de derrière.
Elles sont la conséquence du séjour prolongé des animaux
à l'étable sur des litières humides, sales et irritantes.
Il y a là un état pathologique que l'on observe
fréquemment. Les signes par lesquels il se traduit sont
les suivants :
A l'étable les malades, lorsqu'ils se tiennent debout,
n'appuient pas franchement le pied sur le sol, les
ongles prennent contact par la partie antérieure et le
boulet se tient légèrement redressé. Lorsqu'on oblige les
animaux à se déplacer, on provoque une boiterie souvent
accusée. Le paturon et la couronne ne sont ni chauds,
ni infiltrés.
En levant le membre boiteux et en écartant les
onglons, on constate une rougeur très vive de l'espace
interdigité, une tuméfaction accusée de la peau et du
conjonctif sous-jacent, et l'existence entre les talons
d'un dépôt caséeux plus ou moins abondant.
La corne des talons est souvent décollée sur une étendue
variable, et le tissu podophylleux mis à nu. A ce
degré il n'y a jamais de symptôme fébrile.
Traitement. — Les indications thérapeutiques consistent
dans une toilette soignée du pied, lavages do
l'espace interdigité, enlèvement sans faire saigner des
parties de corne décollées, amincissement, pour éviter
le pincement, des régions où la corne a conservé toute
son épaisseur.
Le pied ainsi préparé, les régions enflammées et
suintantes sont lavées avec une solution astringente
(sulfate de cuivre à 40 p. 100), séchées et saupoudrées avec
un mélange de tannin et de sous-nitrate de bismuth.

474 BŒUF. — DERMATITES DIVERSES.
Ce traitement est continué pendant deux ou trois jours
jusqu'à disparition des signes inflammatoires. Il est
complété par l'application d'un pansement fixe renouvelé
chaque jour. Après quatre ou cinq jours le
pansement peut être supprimé, les tissus ont repris
leur fermeté ; il suffit de recouvrir les régions qui ont
été malades d'une légère couche d'onguent de pied au
goudron.
Dermatites végétantes. — La dermatite simple
méconnue ou laissée à elle-même peut se compliquer de
suppurations sous-cutanées et revêtir la physionomie
du panaris; ou bien, les téguments irrités végétant, il se
forme dans l'espace interdigité des bourgeons charnus
qui ne sont souvent, au début, qu'un bourrelet de peau
pincé, bourgeons charnus qui écartent les ongles, font
saillie en avant au sommet de l'espace interdigité et
s'opposent, par la douleur qui résulte de leur pincement,
à tout déplacement des animaux. C'est là ce que
l'on désigne sous le nom de dermatite végétante.
Les végétations cutanées sont le plus souvent saigneuses,
violacées, turgescentes et très douloureuses.
Elles entraînent une boiterie toujours très accusée.
A côté de cette dermatite végétante proprement dite,
on voit quelquefois se développer dans l'espace interdigité
de véritables verrues analogues à celles qui apparaissent
sur la mamelle par exemple ou sur toute autre
région du corps (1). Leur présence se traduit par un
écartement des onglons qui varie avec leur volume et
par une boiterie qui est toujours moins accusée que celle
qui est provoquée par la dermatite vraie.
On peut enfin rencontrer dans l'espace interdigité des
végétations de nature parasitaire, ainsi que cela a été
signalé par Mac Gilliway. Cet auteur a trouvé entre les
(•) Auker a rapporté l'histoire d'une bête qui présentait une TOÎumineuse
tumeur siégeant sur la face palmaire de l'onglon. Elle laissait écouler un
exsudât purulent abondant. Il s'agissait probablement d'un papillome.

DERMATITES DIVERSES. 475
deux doigts d'une bête bovine une végétation qui était
de nature actinoniycosique.
Traitement. — L'intervention est variable suivant la
nature de la dermatite et sa physionomie clinique.
Nous avons indiqué antérieurement quelle devait être
la conduite du médecin dans les dermatites simples.
Dans les dermatites toxiques, la première indication consiste
à supprimer la cause productrice du mal. Localement,
le traitement ne diffère pas de celui des dermatites
simples.
Les dermatites végétantes sont infiniment plus graves,
plus tenaces, plus diffici'es à combattre.
Quand les bourgeons charnus ou les végétations papillaires
n'ont pas acquis un volume considérable, les
astringents sont les agents auxquels il faut recourir. Les
lavages avec les solutions de sulfate de cuivre à 4 p. 100,
de sulfate de fer, de sulfate de zinc à 3 p. 100, complétés
par l'application au niveau des points exubérants
d'alun en poudre, seront employés avec avantage.
Dans les cas plus graves, la teinture d'iode en badigeonnages
journaliers et au besoin l'extirpation suivie
de la cautérisation sont les méthodes auxquelles on devra
avoir recours.
Il est nécessaire, pour pratiquer l'ablation des végétations,
de coucher les malades et de faire une toilette
soignée de la région. L'extirpation peut être faite avec
des ciseaux; l'hémorragie est arrêtée parla cautérisation
au fer rouge, qui a en outre l'avantage de détruire complètement
les éléments qui formaient la base de la végétation.
Dans les jours qui suivent l'opération, la région
malade est soignée comme une plaie simple et revêtue
d'un pansement.
Il est quelquefois nécessaire de coucher les animaux
à diverses reprises, car il n'est pas exceptionnel d'observer
des récidives.

476 BOEUF. — CRAPAUDi
Quand il s'agit d'une simple verrue ou d'une tumeur
tel'e qu'un actinomycome, l'extirpation est là seule méthode
à employer.
IV. — EAUX AUX JAMBES
Sous le nom d'eaux aux jambes, Cadéac et J'.orot
décrivent une affection qui a quelque analogie avec la
maladie du cheval, mais qui pourrait être le fibrome
êléphantiasique.
L'animal chez lequel la maladie a été observée présentait
au niveau d'un membre postérieur des lésions
intéressant la couronne, l'espace interdigité, le paturon,
le boulet, les ergots et la partie inférieure du métatarse.
Le jeu des régions articulaires comprises dans la
néoformation était limité. La lésion paraissait surtout
constituée par une hypertrophie considérable de la peau
et du tissu conjonctif sous-cutané comp'ètement organisé.
Les végétations cutanées étaient jaunâtres ou grises,
seul l'espace interdigité était le siège d'une exsudation
visqueuse de mauvais aspect, d'odeur fétide, qui macérait
la corne au voisinage des onglons.
V. — CRAPAUD
Nous plaçons à dessein le crapaud à côté des dermatites
végétantes. C'est, à la vérité, une affection très rare chez
le bœuf, elle n'est cependant pas ignorée, l'observation
de Delmer en témoigne.
Cet auteur a observé la madadie sur une génisse qui
présentait une claudication intense du membre antérieur
gauche avec appui difficile. L'examen du pied révéla
une sensibilité très accusée d'un des ongles, la disparition
presque totale de la sole, et les tissus sous-cornés
mollasses, violacés, faciles à faire saigner. La paroi était

PANARIS. FURONCLE INTERDIGITÉ. LIMACE. 477
décollée dans les deux tiers inférieurs. Les lames podo-^
phylleuses et kéraphylleuses étaient blanches, livides,
macérées par une substance jaunâtre demi-fluide,
infecte.
Le traitement consista dans l'enlèvement de la corne
décollée et l'application d'antiseptiques et d'astringents,
en quinze jours la guérison survint (I).
VI. — PANARIS. — FURONCLE INTERDIGITÉ.
LIMACE (2)
Sous les noms de panaris, furoncle interdigité, limace,
on désigne une inflammation phlegmoneuse des téguments
de la région podale. Cette maladie aiguë, infectieuse,
s'accompagnant de suppurations, de nécroses, ne
se cantonne pas toujours au tissu cellulaire sous-cutané,
elle peut se propager aux gaines tendineuses, aux articulations
et aux os. Elle peut se compliquer depyohémie
et de septicémie.
Étiologie. — Cet état pathologique est connu depuis
longtemps, puisque Lafore et Rainard en ont donné,
avant les Allemands, d'excellentes descriptions cliniques.
11 débute souvent comme une dermatite simple ou la
complique, il apparaît aussi à la suite de la fièvre
aphteuse, enfin il est quelquefois d'origine traumatique,
quand il se développe à la suite de piqûres par les
chaumes ou par des corps acérés quelconques.
On le rencontre dans ces cas à l'état sporadique; lors-
(I ) Delmer, Un cas de crapaud chez le bœuf.
.(ï\ Cruzel, Les maladies de l'espèce bovine, art. Limace. — Kilt, Premier
volume, art. Panaris, p 226. — Lafore, Pathol. bovine : Panaris. —
Furlanetto, Les boiteries dans l'espèce bovine, p. 200. — Hinrichsen, Le
panaris du bœuf (Berl. Thier. Wochens., 1894, n" 40). — Alolf, Sur le panaris
infectieux(Deutsvh. Thier. Wochens., 1897, n» îl). — Lotlier, Panaris
de l'orteil chez le bœuf (Berlin. Thier. Wochens., 1895, n° I). — De Bruyn,
Traitement du furoncle interdigi'i chez la vache (Journal Vét. d Utrecht)
in Progrès vétérinaire, 1896, p. 255.
27.

478 BŒUF. — PANARIS. FURONCLE INTERDIGITÉ.
qu'il complique une maladie contagieuse, il peut apparaître
à l'état enzootique. Sous cette forme, il a été signalé
en Italie par Roschetli qui le désigne sous le nom
de « dermalite contagieuse », et en Allemagne dans le
duché de Brunswick.
Dammann, qui a à diverses reprises attiré l'attention
des vétérinaires allemands sur cet état pathologique, le
considère comme dû à un agent infectieux spécial. La
plupart des auteurs allemands le considèrent comme le
résultat de l'inoculation du bacille de la nécrose.
Bang paraît avoir établi que les agents rencontrés
dans le panaris n'ont rien de spécifique. Il est permis de
supposer que les agents du panaris ne sont autres que
ceux qui font de la suppuration chez le bœuf, mais que
dans certaines conditions, ces agents, par des passages
successifs, peuvent acquérir une virulence spéciale qui
leur donne l'allure de microbes pathogènes.
Symptômes. — Les auteurs allemands (Harms, Kitl)
distinguent, suivant le siège, un panaris del'orteil ou de
la couronne, un panaris de l'espace interdigité, un panaris
de la partie postérieure de l'ongle et de la sole (talon).
Quel que soit le point où il se développe, son évolution
s'accompagne toujours de symptômes généraux très graves.
Ceux-ci se traduisent par une fièvre élevée, de l'iurumination,
des troubles digestifs et par une inappétence plus
ou moins complète.
Localement, le début du mal est caractérisé par la formation
d'un œdème dans le tissu conjonctif, la peau
soulevée est tendue, douloureuse, rouge sur les animaux
de robe blanche, tuméfiée. Si la lésion évolue dans
l'espace interdigité, il se forme un noyau phlegmoneui
qui écarte les onglons.
L'appui sur le membre malade est impossible 6*u très
douloureux. Peu à peu l'engorgement s'étend à toute la
partie inférieure du membre et remonte au-dessus du
boulet; le malade maintient le membre soulevé, demi-

PANARIS. FURONCLE INTERDIGITÉ. LIMACE. 479
fléchi et essaye d'y passer sa langue, mais la douleu»
déterminée par le frottement est si vive qu'il s'arrête bien
vite. A cet état l'animal est couché, refuse de se lever;la
douleur est excessive; le pouls est perceptible aux
artères du canon. Rapidement un point fluctuant apparaît.
Les signes s'amendent si l'abcès s'ouvre; si la collection
purulente ne s'ouvre pas,le pus nécrose les tissus
avoisinants, fuse le long des tendons, et détermine des
désordres tels qu'ils peuvent amener la mort.
Lother a signalé un cas de mort brusque par septicémie.
Diagnostic — Le diagnostic est généralement facile,
il est basé sur l'intensité des symptômes généraux et sur
le développement au niveau de l'extrémité malade d'un
engorgement inflammatoire à extension rapide.
Pronostic. — Le pronostic est toujours grave en raison
de la fiècre que le mal provoque, de la douleur qui l'accompagne,
de l'amaigrissement et de la perte de lait qui en
sont toujours la conséquence, alors même que les choses
tournent au mieux.
Il laisse souvent des tares indélébiles quand il n'entraîne
pas des désordres mortels.
Traitement. — Les Allemands, qui ont surtout observé
et bien décrit le panaris, ont employé une thérapeutique
très variée. Il est évident que l'intervention est essentiellement
variable suivant que l'on assiste au début du
4nal, ou que l'on est prévenu alors que du graves désordres
se sont déjà produits.
Dans le premier cas, on essaye de faire avorter le mal,
en désinfectant soigneusement l'extrémité au niveau de
laquelle l'engorgement se développe, en pratiquant des
badigeonnages de teinture d'iode, en faisant une large incision
cutanée au niveau du point où l'abcès parait devoir
se former. Ce sont des manœuvres,la dernière exceptée,
gu'il faut tenter sans grand espoir de les voir couronnées
de succès.

480 BOEUF. — PANARIS.. FURONCLE INTERDIGITE.
Le plus souvent l'infiltration est diffuse et il est impossible
de préciser l'endroit exact où la collection se formera.
Pour calmer les douleurs et hâter la maturation du
phlegmon, il convient surtout, après avoir fait une toilette
soignée du membre malade, d'ordonner des bains
^antiseptiques chauds et prolongés, et,dans l'intervalle de
ceux-ci, d'entourer la région douloureuse d'un large
cataplasme laudanisé. Surveillez en outre attentivement
les points où la peau paraît plus spécialement se gonfler
et se tendre, et donnez une large voie d'écoulement au
pus aussitôt que vous aurez dépisté la collection. Les
bains antiseptiques, complétés par des pansements de
même nature, nchèveront la guérison.
Quand des désordres graves se sont produits, quand
les gainés tendineuses sont infectées, quand l'articulation
du pied est prise, quand des fistules nombreuses se sont
ouvertes, quand vous avez à craindre l'infection purulente
ou les métastases sur les articulations voisines, quand
vous voyez les animaux .maigrir et dépérir promptement,
si vous voulez sauver votre malade, mettez à jour les
trajets fistuleux et pratiquez l'ablation du doigl malade.
Ce n'est pas une opération courante, il s'agit toujours
d'une intervention très grave, mais elle paraît avoir
donné, entre les mains des Allemands, des résultats
inespérés. Elle semble avoir été pratiquée pour la première
fois par Roloff. Deux méthodes opératoires peuvent
être employées.
Dans la première, on trace au-dessus de la couronne,
à 2 centimètres du bourrelet, sur la face externe et
postérieure de-l'ongle, un sillon allant jusqu'aux tissus
vifs sans les intéresser. On incise ensuite la pellicule
cornée, le ligament latéral externe, le tendon de l'extenseur
antérieur du doigt, le ligament interne, les tendons
fléchisseurs, en enlevant l'os naviculaire.
Dans le second procédé, on se propose de ménager le

DÉFORMATIONS DES ONGLONS. 481
talon. On pratique, comme dans le cas précédent, un
amincissement de la corne qui permet, en faisant remuer
l'ongle, de sentir le siège précis de l'articulation.
Celle-ci est ouverte avec lafeuille de sauge, la convexité
tournée vers la pointe de l'ongle. L'incision est prolongée
en avant et en arrière jusqu'au naviculaire que l'on
désarticule d'avec la phalange; l'onglon est détaché en
arrière. S'il reste dans la plaie des lambeaux de tissu
mortifiés, des points nécrosés, il est nécessaire de les
extirper; les hémorragies arrêtées, on pratique une
désinfection soignée de l'extrémité malade et on applique
un pansement fixe. 11 est indiqué de le laisser en place
aussi longtemps que possible. En général, il suffit de le'
renouveler après deux jours. Quand aucune complication
ne survient,la plaie estcautérisée et déjà recouverte
de corne après six semaines. La marche reste quelquetemps
irrégulière, puis finit par se régulariser, au point
que la claudication disparait complètement.
Dans le cas d'arthrite suppurée de la première jointure
interphalangienne, on pratique une incision au-dessus
de la couronne et on désarticule ou bien on sectionne à
la scie la première phalange. La guérison survient dans
la majorité des cas.
VII. — DÉFORMATIONS DES ONGLONS
La fourbure peut être le point de départ d'une déformation
de l'ongle analogue à celle que l'on observe sur
le sabot du cheval. Outre les cercles de la paroi, la sole
se bombe, devient convexe, très mince, et la marche sur
un terrain irrégulier s'accompagne d'une boiterie toujours
accusée.
Les animaux sur lesquels on rencontre de pareilles
déformations ne peuvent plus être utilisés comme locomoteurs.
Le séjour prolongé des animaux à l'écurie, la stabula*.

•482 BOEUF. — DÉFORMATIONS DES ONGLONS.
tim permanente déterminent souvent chez les animaux
entretenus dans la banlieue des grandes villes des déformations
des onglons (1). L'usure ne s'effectuant pas
parallèlement à la pousse de
l'ongle, celui-ci augmente sensiblement
de longueur et tend à
prendre la forme d'un sabot
chinois. La pointe de l'ongle se
relève et se contourne en dehors
ou en dedans. Le défaut n'est pas
toujours aussi accusé.
Entre cette déformation considérable
et la forme normale de
l'ongle on trouve tous les états
intermédiaires.
En même temps que l'extrémité
antérieure de l'ongle s'accroît, la
paroi externe se déforme, tend à
s'engager sous la sole, de telle
sorte que l'angle aigu formé sous
un ongle normal par la réunion
de la paroi et de la sole tend à
s'arrondir. La face plantaire du
pied diminue et se 6om6e ; le talon,
la sole et la paroi ne sont plus
distincts.
Fig. 134. — Membre posté­ Ces modifications entraînent
rieur d'une vache montrant des défectuosités d'appui, des
la déformation il

DÉFORMATIONS DES ONGLONSj 483
se déplacent fréquemment, l'appui, est irrégulier et hésitant,
le talon et la couronne sont chauds.
On rencontre des cas dans lesquels la station.est extrê­
mement pénible, le lever et les déplacements difficiles;
les malades ont la démarche des animaux fourbus.
La souffrance éprouvée peut être telle que Y amaigrissement
survient et que la quantité de lait fournie quotidiennement
diminue. Il s'agit d'un état qui n'a, bien
entendu, aucune tendance à s'améliorer. De semblables

484 BOEUF. — DEFORMATIONS DES ONGLONS.
déformations ne sont pas rares chez les chèvres entretenues
en stabulation permanente.
Traitement. — Le traitement consiste à redonner à
l'ongle sa forme et sa longueur normales. Pour cela, il est
presque toujours indispensable de coucher les animaux,
opération qui n'est pas sans inconvénients sur les bêtes
en état de gestation.
Pour raccourcir l'ongle, il est souvent nécessaire de le
scier; on utilise, pour aplanir la sole, le rogne-pied qui
sert pour le cheval, on enlève avec lui les parties dures
et superficielles et on complète le nivellement avec la
rainette. Cette opération, dans son ensemble, est souvent
très longue et pénible. Les pieds malades sont graissés
avec l'onguent au goudron, et les animaux, rentrés à
l'étable, -sont laissés à la demi-diète pendant le reste de
la journée.
On conseille aux propriétaires, pour .éviter le retour
de l'infirmité, de sortir leurs animaux, si leurs locaux le
leur permettent.

MOUTON, CHÈVRE ET PORC
Par P. LEBJ-ANC
Chez le mouton, la chèvre et le pnrc, on peut rencontrer
les mêmes maladies que chez le bœuf.
La fourbure, le furoncle interdigité, la dermatite de l'espace
interdigité sont bien connu». Nous ne nous arrêterons
pas à les décrire, leurs manifestations sont les
mêmes que chez le bœuf et la façon de les traiter n'est
pas différente.
Les divers accidents traumatiques que nous avons signalés
chez le bœuf ont été également rencontrés.
Nous décrirons seulement les affections qui présentent,
en raison de leur, siège anatomique, « fourchet », ou de
leur nature, « piétin , une physionomie pai ticulière.
I. — FOURCHET DU MOUTON ET DE LA CHÈVRE.
On désigne sous le nom de « fourchet » l'inflammation
du canal biflexe. Qu'est-ce' que le canal biflexe ? C'est un
conduit qui prend naissance entre les deux doigts et qui
vient s'ouvrir par deux ouvertures situées de chaque côté
de la ligne médiane, à 15 millimètres au-dessus de l'espace
interdigité. Ces ouvertures sont en partie dissimulées
par une touffe de poils.
Les fonctions du canal biflexe sont mal connues ; on
suppose que c'est un conduit glanduleux qui déverse à
la surface de la peau un produit sébacé. A la suite d'irritations
de nature diverse, à la suite de la pénétration de
eorps étrangers, fumier, gravier, boue, dans son intér
rieur, ses auvertures irritées se ferment, l'occlusion est

486 MOUTON, CHÈVRE ET PORC.
complétée par les poils agglutinés et l'inflammation
s'allume profondément. Si la maladie est méconnue, un
phlegmon peut évoluer et l'affection prend la physionomie
du panaris; si au contraire elle ne reste pas ignorée : elle
s'accuse par une claudication, l'écartement des ongles et
la tuméfaction de l'espace interdigité. Les suites en sont
généralement bénignes.
Il suffit en effet, dans ces cas, de découvrir l'ouverture
du canal, de couper les poils, de faire la toilette de la
région et d'essayer de vider le conduit de son contenu
en exerçant, des parties profondes à la surface, des pressions
modérées. Quand l'opération réussit, on fait sortir
une matière caséeuse, grasse, jaunâtre, d'odeur fétide, la
maladie peut s'arrêter là.
Quand un phlegmon profond a commencé à évoluer,
il se forme dans la suite un abcès qui s'ouvre en avant ou
dans l'espace interdigité et qui laisse après lui une plaie
ulcéreuse n'ayant aucune tendance à la cicatrisation.
L'intervention, dans les cas graves, peut être le débridement
ou simplement des bains antiseptiques.complétés
dans l'intervalle par des pansements assez fréquemment
renouvelés.
Lés complications, qui sont celles du panaris, ne nous
arrêteront pas, nous avons eu l'occasion de les indiquer
en traitant de cette maladie chôz le bœuf.
II. — PIÉTIN (I).
Sous le nom de piétin on désigne une affection spéciale
au mouton et à la chèvre. C'est une inflammation des
(1) Traité du piitin, nommé encore piituin, pesagne, piété, panaris,
mal blanc, pourriture des pieds, crapaud, etc. (Becueil, 1825, p. 40). —
Favre, Du piétin (Becueil, 18S6, p. 304). — Exposé sommaire de toutes les
maladies qui surviennent aux ongles des brebis (Becueil, 1827, p. 466). —
Sorillon, Preuves en faveur de la contagion du piétin (Becueil, 1831, p. 337).
— Lecoq, Observations sur le piétin (Becueil, 1893, p. 364). — Barthélémy,
Support sur le piitin (Société Ant., 1847, p. Î5i).

PIÉTIN. 487
tissus sous-cornés se traduisant par le décollement de
la corne et la production, à la surface du podophylle et
du tissu velouté, d'un enduit caséeux. La maladie est
tenace, difficile à guérir. Elle a autrefois fort préoccupé*
les vétérinaires, qui ont publié sur son sujet de nombreux
et longs mémoires. Son importance économique semble
avoir sérieusement diminué, si l'on en juge par la rareté
des observations qu'on lui consacre actuellement.
Étiologie. — Le piétin est une maladie d'écurie, onle
voit se développer chez les animaux entretenus à la
bergerie sur des litières humides, peu fréquemment
renouvelées. Il est peut-être déterminé par un agent infectieux
qui se cultive dans les fumiers. Cette hypothèse*
repose sur la constatation fréquente de la maladie à
l'état enzootique.
Jl est probable aussi qu'il faut faire jouer un grand
rôle à l'irritation déterminée au niveau des pieds par les
fumiers contenant une grande quantité d'ammoniaque,
La même cause agit sur tout le troupeau.
Symptômes. — La maladie débute par une boiterie
avec engorgement de l'extrémité du membre et suintement
dans l'espace interdigité. Il se forme dans l'intervalle
des doigts un dépôt caséeux abondant. En même
temps la corne se décolle, d'abord au talon en dedans, 4
puis sur les côtés en avant. Le tissu sous-jacent est blanchâtre,
livide, recouvert d'un enduit sous lequel le
podophylle saigne facilement. Toute la corne qui recouvre
1» doigt peut ainsi se décoller ; le podophylle devient alors
le siège de petites plaies ulcéreuses qui intéressent toute
son épaisseur et peuvent atteindre les tissus profonds,
l'os du pied, l'articulation du pied, les gaines tendineuses.
Avec, de pareilles lésions l'appui est impossible, les
malades se déplacent en se traînant sur les genoux.
La maladie n'a aucune tendance à régresser. Même convenablement
soignée, elle dure des semaines et des mois.

488 MOUTON, CHÈVRE ET PORC.
Diagnostic. — Le diagnostic est facile : la dermatite
simple de l'espace interdigité (avec laquelle on pourrait
la confondre) ne s'accompagne que d'un décollement
limité de la corne et guérit rapidement.
Pronostic. — Le piétin est une maladie gravé au point
de vue économique. Il frappe toujours un grand nombre
d'animaux, et sa guérison, même avec un traitement
suivi et approprié, est toujours très longue.
Traitement. — Lorsque la maladie apparaît dans un
troupeau, les malades doivent être isolés et conduits dans
une étable à sol sec où l'on entretient toujours une litière
propre.
Les animaux encore indemnes seront traités préventivement
en les faisant passer, au sortir et à la rentrée à
l'étable, dans une petite mare constituée par une solution
antiseptique (eau de chaux, sulfate de cuivref sulfate
de fer, crésyl).
Les malades sur lesquels les lésions sont déjà étendues
devront être pansés individuellement. La corne décollée
sera enlevée et le pied traité avec la liqueur de Villate,
l'onguent égyptien, le goudron. Moussu recommande la
vaseline iodée au vingtième, il la considère comme très
efficace et supérieure aux anciennes préparations.

TABLE DES MATIÈRES
PKÉFACE ' VI
Solipèdes.
Par J. BOURNAY et J. SEXDRAIL.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 1
PATHOLOGIE GÉNÉKALB DO P.SD 2
Étiologie 2
Symptumatulogi»; 4
Complications 7
Diagnostic 7
Pronostic 15
Auato nie pathologique général' 17
TraLement 30
ATROPHIE DU PIED 40
Encastelure 40
Encastelure priiniti e T... 42
Encastelure secondai, e 57
DÉFECTUOSITÉS DU PIBD 97
A. Défectuosités de volume 100
I. — Pied grand KiO
II. — Pied petit 101
III. — Pieds inégaux UtH
B. Défectuosités de forme 103
IV. - Pied bas '... 103
V. — Pied haut H'5
VI. — Piedlong 105
Vil. - Pied droit 108
VIII. - Pied évasé 109

490 TABLE DES MATIÈRES.
IX. '—• Pied' plat 110
X. — Pied comble 112
XI. — Pied à ognons 113
C. Défectuosités d'aplomb • 115
XII. — Pied incliné sur la pince 115
XIII. — Pied incliné sur les talons 117
1» Pince longue, 117. — 2° Talons bas, 117. —
3» Talons fuyants 119
XIV. — Pied inclinésurunquartier(pieddelravers). 121
XV. — Pied dévié en avant (pied pinçard, pied
rampin, pied bot)..'. 124
XVI. — Pied dévié en arrière (pied talus) 133
XVll. — Pied dévié en dedans (pied cagneux) 134
XV111. — Pied dévié en dehors (pied panard)...... 138
D. Défectuosités d'épaisseur de la corne 141
XIX. — Pied épais , 141
XX. — Pied mince 141
XXI. — Pied cerclé 142
E. Défectuosités de qualité de la corne 149
XXII. — Pied tendre 149
XXIII. — Pied sec 150
XXIV. — Pied fendillé et pied friable 150
XXV. — Pied dérobé.... 151
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DU PIED 153
I. — Contusions. 153
II. — Plaies. — Écrasement 155
III. — Brûlures. — Gelures.. ' 157
IV. — Exongulation 159
1° Exongulation par cause mécanique 159
2° Exongulation par processus inflammatoire des
tissus vifs du pied 162
3° Exongulation par troubles nerveux lt.4
V. — Seime 168
VI. — Kéraphyllocèle 207
1° Kéraphyllocèle en colonne 207
2° Kéraphyllocèle diffus 222
VII. — Kéracèle 225

TABLE DES MATIÈRES. 491
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DE LA RÉGION CORONAIRE 227
I. — Atteintes 227
II. — Phlegmon coronaire 233
III. — Dermatite gangreneuse coronaire 237
IV. — Javart cartilagineux ifibro-çhôndrite nécrosante)
241
AFFECTIONS TRAUMATIQUES DB LA RÉGION PLANTAIRE 275
I. — Contusion de la sole 275
IL — Clou de rue 277
III. — Accidents traumatiques de la ferrure 310
A. Contusions 310
B. Plaies 313
IV. — Bleime 324
AFFECTIONS INFLAMMATOIRES NON TRAUMATIQUES DU PIED.... 342
I. — Fourbure 342
1° Fourbure aiguë 343
2° Fourbure chronique 368
II. — Pododermatites eczémateuses 386
1° Eczéma végétant sous-ongulé (crapaud) 386
2° Psoriasis de la couronne (crapaudine) 415
3° Intertrigo et eczéma de la fourchette 420
4° Dermatite podophyllienne ulcéreuse 422
III. — Maladie naviculaire 423
TUMEURS DU PIED 448
Bœuf.
Par P. LEBLANC.
I. — ACCIDENTS TRAUMATIQUES 459
1° Contusion de la so'.e 459
2° Enclouure. — Piqûre. — Coupure 461
3° Seime. — Fissures transversales de la paroi... 463
4» Arrachement de l'onglon 4u4
5» Entorse des onglons. — Entorse du ligament
interdigité. — Rupture du ligament interdigité
465
II. - FOCTBIBB 466

492 TABLE DES MATIÈRES.
III. — DERMATITES DIVEHSES — 472
D rmatites tox qiies ..-. 47Ï
Dermatites simples 473
Dermatites végétante? 474
i
IV. -r EAUX AUX JAMBES 4*6
V. — CRAPAUD ! 476
VI. — PANARIS. — FURONCLE iNTsiiDiGiiÉ. — LIMACB...:.. 477
VIL — DÉFORMATIONS DES ONGLONS 481
*
Mouton, chèvre et porc.
Par P. LEBLANC.
I. — FO'JRCHET DU MOUTON ET DE LA CHÊVHE 485
11. — PIÉTIN ; 486
SERVIÇÔDE BIBLIOTECAE DOCUMENTAÇAO
FACULDAJE DE ivl'iJiCIMA VETErtlrtlÂRIA
E ZOOT£CNIA DA USP
36)902. -a

FACULDADE DE MEDICINA VETERINÂRIA
E ZOOTECNIA DA USP
BIBLIOTECA

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