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Eglise dans le Bas-Limousin au Moyen Age.pdf - Archives ...

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INTRODUCTIONNN<br />

INTRODUCTION<br />

L<br />

e <strong>Limousin</strong> cumu<strong>le</strong> <strong>le</strong>s paradoxes en matière religieuse. Fortement déchristianisé,<br />

rituels anciens capab<strong>le</strong>s de déplacer <strong>le</strong>s fou<strong>le</strong>s, comme <strong>le</strong>s s ostensions*. Alors que de<br />

nombreux lieux de cultes sont fermés, des associations toujours ujours plus nombreuses se<br />

passionnent pour rest<strong>au</strong>rer et faire découvrir un patrimoine <strong>au</strong>ssi riche che que divers.<br />

Cette situation a suscité l’intérêt des chercheurs et entraîné un profond renouvel<strong>le</strong>ment<br />

<strong>dans</strong> l’approche de l’histoire religieuse <strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge. Les études et <strong>le</strong>s chantiers d’archéologie<br />

ou de rest<strong>au</strong>ration viennent enrichir presque <strong>au</strong> quotidien notre connaissance de l’Église <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>. Ces trav<strong>au</strong>x mettent en lumière l’impact considérab<strong>le</strong> de l’Église chrétienne<br />

sur <strong>le</strong>s mentalités et <strong>le</strong>s perceptions. Ils montrent <strong>au</strong>ssi qu’<strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge <strong>le</strong>s commun<strong>au</strong>tés<br />

monastiques ont fortement contribué à dessiner <strong>le</strong>s paysages que nous traversons <strong>au</strong> quotidien.<br />

Si des vil<strong>le</strong>s comme Brive, Tul<strong>le</strong>, Be<strong>au</strong>lieu se sont révélées particulièrement riches et continuent<br />

Lavinadière ou <strong>le</strong>s fresques de Gimel.<br />

Saint Martial envoyé en G<strong>au</strong><strong>le</strong>.<br />

Miroir historial, 1463. Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 50, fol. 324. © BnF, Paris<br />

Les cultes polythéistes* gallo-romains, mais<br />

<strong>au</strong>ssi certaines formes d’animisme*, comme<br />

<strong>le</strong> culte des arbres et des fontaines, y sont bien<br />

saints évangélisateurs et <strong>le</strong>urs successeurs<br />

doivent prendre en compte ces phénomènes<br />

pour gagner <strong>le</strong>s populations à la foi nouvel<strong>le</strong>.<br />

Les premières missions de christianisation<br />

suivent <strong>le</strong>s grandes voies romaines et prennent<br />

comme point de départ la capita<strong>le</strong> de la province,<br />

III e sièc<strong>le</strong>. Saint Martial s’impose<br />

en <strong>Limousin</strong> et l’emblème des victoires de l’Église<br />

limousine. Il gagne en sainteté et en ancienneté<br />

avec <strong>le</strong>s versions successives des récits de sa vie. Au<br />

XII e sièc<strong>le</strong>, il devient même l’un des compagnons<br />

du Christ, un treizième apôtre envoyé par saint<br />

Pierre <strong>dans</strong> l’ouest de la G<strong>au</strong><strong>le</strong>.<br />

L’imprégnation en profondeur<br />

de la société et des espaces<br />

ne se réalise pas avant <strong>le</strong> X e sièc<strong>le</strong>,<br />

suivant des voies multip<strong>le</strong>s qui concourent<br />

à renforcer <strong>le</strong> poids de l’Église<br />

et la foi des chrétiens.<br />

Pour en rendre compte, l’exposition s’articu<strong>le</strong> en trois espaces, séparés par des seuils,<br />

Une christianisation progressive des territoires.<br />

Carte I. Tail<strong>le</strong>fer, d’après A. Westermann.<br />

Ces récits merveil<strong>le</strong>ux contribuent à l’œuvre<br />

saint du commun des mortels et <strong>le</strong> distinguent<br />

<strong>au</strong>x yeux de la population par <strong>le</strong>s mirac<strong>le</strong>s qu’il<br />

opère. Au VI e sièc<strong>le</strong>, saint Léonard prêche à l’est de<br />

Limoges, saint Yrieix à l’ouest et <strong>au</strong> sud, de même<br />

existantes se développent <strong>au</strong>tour de <strong>le</strong>ur tombe<strong>au</strong>x,<br />

d’<strong>au</strong>tres y naissent. Il reste, à partir de ces<br />

c’est théoriquement chose faite à l’époque de<br />

Char<strong>le</strong>magne.<br />

Extension du christianisme<br />

<strong>au</strong> III e sièc<strong>le</strong><br />

Extension <strong>au</strong> IV e sièc<strong>le</strong><br />

Extension <strong>au</strong> VI e sièc<strong>le</strong><br />

Un mégalithe christianisé, <strong>le</strong> menhir du Pilar, commune de Bonnefond.<br />

© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2051. Cliché I. Tail<strong>le</strong>fer.<br />

L’Église<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong><br />

<strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge


l’ÉGLISE :<br />

des INSTITUTIONS COMPLEXES,<br />

des HIÉRARCHIES PRÉCISES,<br />

des ENJEUX COMMUNS,<br />

des RIVALITÉS RIVAL AL ALIT IT ITÉS ÉS É INT NT NTER ER ERNE NE NES<br />

V INTERNES<br />

L’évêque et la hiérarchie ecclésiastique diocésaine<br />

temps chrétiens par <strong>le</strong> rituel de l’imposition des mains. Celui-ci lui confère de multip<strong>le</strong>s<br />

L pouvoirs sur <strong>le</strong> plan religieux et spirituel. Il ordonne <strong>le</strong>s prêtres, veil<strong>le</strong> <strong>au</strong> respect de la<br />

doctrine, contrô<strong>le</strong> <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs et règ<strong>le</strong>mente la vie religieuse. Élu par <strong>le</strong> chapitre cathédral,<br />

désigné par <strong>le</strong> pape, ou parfois par la nob<strong>le</strong>sse cheva<strong>le</strong>resque, l’évêque siège <strong>dans</strong> son diocèse jusqu’à<br />

sa mort. Il rend compte de son action <strong>au</strong> pape.<br />

Procès-verbal de la visite pastora<strong>le</strong> de Simon de Be<strong>au</strong>lieu, archevêque de Bourges,<br />

Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 5536, fol. 41. © BnF, Paris.<br />

Dans <strong>le</strong>s paroisses el<strong>le</strong>s-mêmes, unités de base du<br />

découpage territorial diocésain, s’exerce <strong>le</strong> sacerdoce<br />

des curés. Ces prêtres, ordonnés par l’évêque et<br />

souvent proposés par <strong>le</strong> chapitre cathédral, forment<br />

la base de la hiérarchie du c<strong>le</strong>rgé diocésain. Leur<br />

sacerdoce s’ancraient <strong>dans</strong> l’environnement rural des<br />

commun<strong>au</strong>tés villageoises dont ils sont souvent issus. Ils<br />

délivrent <strong>le</strong>s sacrements, prêchent <strong>le</strong> dimanche, veil<strong>le</strong>nt<br />

à enseigner <strong>le</strong>s rudiments de la doctrine <strong>au</strong>x paroissiens,<br />

font exécuter <strong>le</strong>s sentences épiscopa<strong>le</strong>s. Subordonnés à<br />

l’évêque et à ses représentants, <strong>le</strong>s curés sont <strong>au</strong>ssi liés<br />

En chaire, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> chœur de la cathédra<strong>le</strong>, il énonce ex cathedra la vérité de la doctrine. Lors de synodes<br />

diocésains, il édicte des règ<strong>le</strong>ments sous la forme de statuts synod<strong>au</strong>x. Les visites épiscopa<strong>le</strong>s permettent en<br />

outre à l’évêque d’exercer un contrô<strong>le</strong> direct sur la vie de son diocèse. La relation d’une tournée de l’archevêque<br />

de Bourges, Simon de Be<strong>au</strong>lieu, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> diocèse de Limoges en 1285 évoque son passage <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s abbayes,<br />

arbitrages*.<br />

Autour de l’évêque, <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs de l’évêché forment une hiérarchie chargée de <strong>le</strong> seconder. Traditionnel<strong>le</strong>ment<br />

de circonscriptions territoria<strong>le</strong>s regroupant de nombreuses paroisses, tiennent éga<strong>le</strong>ment une place dominante<br />

<strong>dans</strong> la hiérarchie diocésaine.<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

Des insignes particuliers symbolisent son pouvoir :<br />

la mitre, la crosse épiscopa<strong>le</strong>, la croix pectora<strong>le</strong><br />

<strong>au</strong>x seigneurs loc<strong>au</strong>x <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s cas, nombreux jusqu’<strong>au</strong> XII e<br />

sièc<strong>le</strong>, d’églises détenues par la nob<strong>le</strong>sse cheva<strong>le</strong>resque.<br />

Ils vivent parfois à proximité de commun<strong>au</strong>tés<br />

monastiques amenées à <strong>le</strong>ur délivrer une formation et à<br />

entre l’abbé d’Uzerche et <strong>le</strong> desservant de la paroisse du<br />

<strong>dans</strong> l’église abbatia<strong>le</strong>. La réforme grégorienne s’est<br />

XI e sièc<strong>le</strong> de reprendre en main <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé rural,<br />

d’apporter un cadre rég<strong>le</strong>mentaire, de supprimer la vie<br />

en concubinage assez répandue.<br />

Statue du saint évêque Martin, patron de Tul<strong>le</strong>, encadrant avec saint Clair la Vierge à l’Enfant,<br />

<strong>au</strong> deuxième étage de la face septentriona<strong>le</strong> du clocher de la cathédra<strong>le</strong> de Tul<strong>le</strong>.<br />

© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 1999. Cliché J.-M. Nicita.<br />

Détail de la statue de la Vierge de Pitié, XV e -XVI e sièc<strong>le</strong>.<br />

Église Saint-Martin à Soudeil<strong>le</strong>s.<br />

© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2009. Cliché, J.-M. Nicita.


l’ÉGLISE :<br />

des INSTITUTIONS COMPLEXES,<br />

des HIÉRARCHIES PRÉCISES,<br />

des ENJEUX COMMUNS,<br />

des RIVALITÉS RIVAL AL ALIT IT ITÉS ÉS É INT NT NTER ER ERNE NE NES<br />

V INTERNES<br />

L<br />

Le c<strong>le</strong>rgé régulier, essor d’une hiérarchie parallè<strong>le</strong><br />

e c<strong>le</strong>rgé régulier tient un rô<strong>le</strong> majeur<br />

<strong>dans</strong> l’encadrement religieux, mais ne<br />

se confond pas avec <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé séculier.<br />

Il observe une règ<strong>le</strong> fondée sur la<br />

d’<strong>au</strong>tonomie par rapport <strong>au</strong> pouvoir diocésain.<br />

Des commun<strong>au</strong>tés soucieuses de retrouver une<br />

forme de pureté évangélique sont à l’origine de<br />

monastères comme celui de Vigeois, connu dès <strong>le</strong><br />

VI e<br />

seigneuri<strong>au</strong>x s’attachent plus tard à encourager<br />

d’<strong>au</strong>tres fondations, cel<strong>le</strong> de Be<strong>au</strong>lieu <strong>au</strong> IX e sièc<strong>le</strong>,<br />

X e sièc<strong>le</strong>.<br />

Le renouve<strong>au</strong> monastique du XII e sièc<strong>le</strong> favorise<br />

Bonnaigue <strong>dans</strong> <strong>le</strong> canton d’Ussel, l’une et l’<strong>au</strong>tre<br />

Un maillage croissant du territoire<br />

d’obédience cistercienne, mais <strong>au</strong>ssi l’abbaye<br />

bénédictine de Bonnesaigne, monastère féminin<br />

du canton de Meymac, et l’abbaye de Meymac<br />

née de l’essor d’un prieuré* fondé en 1085. Ces<br />

commun<strong>au</strong>tés ont à <strong>le</strong>ur tête un abbé élu, ou bien<br />

une abbesse, parfois imposés par un seigneur laïc<br />

d’Uzerche, l’évêque Eustorge impose Guimbert,<br />

chanoine de Brive, alors que se disputent deux<br />

candidats. À l’instar de l’évêque, <strong>le</strong>s abbés portent<br />

une crosse, symbo<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur <strong>au</strong>torité spirituel<strong>le</strong>.<br />

Ils siègent <strong>au</strong>x conci<strong>le</strong>s provinci<strong>au</strong>x. Le prestige<br />

de <strong>le</strong>ur ordre contribue à asseoir <strong>le</strong>ur <strong>au</strong>torité.<br />

Bien que n’exerçant pas une p<strong>le</strong>ine emprise sur<br />

<strong>le</strong> monde monastique, l’évêque conserve à son<br />

qu’<strong>au</strong>torité religieuse supérieure.<br />

Au cours des XIII e et XIV e sièc<strong>le</strong>s, lors de la résidence des papes en Avignon, l’Église opère une puissante construction institutionnel<strong>le</strong><br />

eux-mêmes subdivisés en archidiaconés, archiprêtrés* et paroisses.<br />

Plus de neuf cents paroisses composent <strong>le</strong> vaste diocèse de Limoges. La création de l’évêché de Tul<strong>le</strong> en 1317 par <strong>le</strong> pape Jean<br />

XXII<br />

la Xaintrie, vers l’est. Apparus <strong>au</strong>x XI e-XII e sièc<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s archiprêtrés* tenus par des membres de famil<strong>le</strong>s seigneuria<strong>le</strong>s loca<strong>le</strong>s, comme<br />

à Gimel en particulier, sont très convoitées. La paroisse <strong>dans</strong> laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> curé desservant a charge d’âmes demeure néanmoins<br />

l’entité de base du pouvoir religieux.<br />

L’essor des fondations monastiques <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, en particulier l’essaimage d’Obazine <strong>au</strong> XII e XI<br />

sièc<strong>le</strong>, compose une deuxième strate de la nébu<strong>le</strong>use des pouvoirs ecclésiastiques<br />

loc<strong>au</strong>x. Cependant, seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s commanderies templières et hospitalières de Saint-Jean de Jérusa<strong>le</strong>m ou du Saint-Sépulcre (Soudaine-Lavinadière) sont exemptes de l’<strong>au</strong>torité de l’évêque<br />

et relèvent directement du Saint-Siège à Rome.<br />

e sièc<strong>le</strong>),<br />

reconstructeur de l’église Saint-Julien qui se trouvait proche du<br />

Col<strong>le</strong>ction Musée du cloître à Tul<strong>le</strong>. © Arch. dép. Corrèze, 1 Num 1996. Cliché J.-M. Nicita.<br />

C<strong>le</strong>rcs et moines <strong>dans</strong> <strong>le</strong> diocèse de Limoges vers 1300. 1/650 000e Limites de l’ancien<br />

diocèse de Limoges<br />

Limites des archiprêtres<br />

Limites des départements<br />

actuels<br />

Itinéraires de pè<strong>le</strong>rinage<br />

Ancien diocèse de Tul<strong>le</strong><br />

créé en 1317<br />

Altitude supérieure<br />

à 600 m<br />

C<strong>le</strong> l rcs cs et moines i <strong>dans</strong> <strong>le</strong> edio ediocè di èse de d Li Limog Limoges es v ers 13 1300 00 1/ 1/650 650 00 000 .<br />

d’après Barrière (B.), Atlas du <strong>Limousin</strong>, planche 10 (réalisation J. Barret).<br />

© Presses universitaires de Limoges/<strong>Archives</strong> départementa<strong>le</strong>s de la Corrèze.<br />

e<br />

Chanoines<br />

Etablissements de chanoines<br />

antérieurs à l’an mil<br />

attestés avant l’an mil<br />

créés <strong>au</strong> X e s.<br />

réformés <strong>au</strong>x XI e - XII e s.<br />

postérieurs à l’an mil<br />

créés <strong>au</strong> XI e - XII e s.<br />

Moines<br />

Etablissements de moines<br />

antérieurs à l’an mil<br />

attestés avant l’an mil<br />

créés <strong>au</strong> X e s.<br />

postérieurs à l’an mil<br />

abbayes bénédictines et<br />

gros prieurés postérieurs<br />

à l’an mil<br />

abbayes bénédictines et<br />

gros prieurés postérieurs<br />

à l’an mil<br />

Ordres liés à la croisade<br />

Ordre de Malte<br />

Saint Sépulcre<br />

Frères ermites<br />

Etablissements érémitiques<br />

postérieurs à l’an mil<br />

Grandmont (chef d’ordre)<br />

Lartige (chef d’ordre)<br />

Glandier (chartreuse)<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

Ministère spirituel et fonction politique<br />

Tandis que <strong>le</strong> Saint-Siège étend son ascendant politique et<br />

proclame son <strong>au</strong>torité spirituel<strong>le</strong> <strong>au</strong>-dessus des empereurs et des<br />

rois, <strong>le</strong>s évêques limousins se font régulièrement <strong>le</strong>s <strong>au</strong>xiliaires<br />

des souverains, <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s luttes qui opposent <strong>le</strong>s Plantagenêts<br />

<strong>au</strong>x Capétiens <strong>au</strong> XII e sièc<strong>le</strong>, puis <strong>le</strong>s rois d’Ang<strong>le</strong>terre <strong>au</strong>x rois de<br />

France, pendant la guerre de Cent Ans. Ils jouent un rô<strong>le</strong> important<br />

<strong>dans</strong> la reconquête de l’<strong>au</strong>torité politique par <strong>le</strong>s rois de France<br />

<strong>dans</strong> la première moitié du XV e sièc<strong>le</strong>. La rest<strong>au</strong>ration de l’<strong>au</strong>torité<br />

spirituel<strong>le</strong> et mora<strong>le</strong> des évêques <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>ur diocèse,<br />

notamment lors des processions so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>s de <strong>le</strong>ur intronisation,<br />

contribue <strong>au</strong> retour général à l’ordre établi.<br />

Si l’appel des papes à la Croisade est largement relayé par <strong>le</strong>s<br />

seigneurs limousins <strong>au</strong>x XI e -XII e sièc<strong>le</strong>s, la fonction inquisitoria<strong>le</strong> de<br />

l’Église n’est quant à el<strong>le</strong> pas vraiment perçue <strong>dans</strong> la région <strong>au</strong><br />

XIII e sièc<strong>le</strong>, où l’hérésie* cathare n’a pas de prise. En revanche, dès<br />

1492, un religieux carme originaire de Rosiers professe à Limoges<br />

des doctrines suspectes, révélant ainsi <strong>le</strong>s premiers stigmates de<br />

la Réforme.


D<br />

l’ÉGLISE,<br />

PIVOT des RELATIONS,<br />

POLITIQUES,<br />

ÉCONOMIQUES ÉCO CO CONO NO NOMI MI MIQU QU QUES ES MIQUES et SO SOCI CI CIAL AL ALES ES<br />

et SOCIALES<br />

L’<strong>au</strong>torité de l’Église face à l’éclatement des pouvoirs<br />

étentrice du pouvoir spirituel et religieux, l’Église exerce une <strong>au</strong>torité mora<strong>le</strong><br />

supérieure qui lui confère <strong>le</strong> pouvoir de légitimer et celui de condamner. De ce fait,<br />

el<strong>le</strong> ne se tient pas à l’écart de la vie socia<strong>le</strong>, mais occupe <strong>au</strong> contraire une position<br />

centra<strong>le</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s relations politiques et économiques <strong>au</strong>x côtés des seigneurs laïcs.<br />

Aux X e et XI e sièc<strong>le</strong>s, évêques et abbés contribuent à l’élaboration de nouve<strong>au</strong>x équilibres après<br />

la décomposition de la puissance carolingienne. Souvent issus de lignages nob<strong>le</strong>s, ils agissent<br />

en liaison avec <strong>le</strong>s représentants de la nob<strong>le</strong>sse cheva<strong>le</strong>resque.<br />

Turpin, Èb<strong>le</strong>s, ou encore Hildegaire, évêques successifs de Limoges <strong>au</strong> X e sièc<strong>le</strong>,<br />

appartiennent à des lignées vicomta<strong>le</strong>s et aristocratiques. Sous <strong>le</strong>ur égide se multiplient <strong>le</strong>s<br />

implantations monastiques. Èb<strong>le</strong>s et Hildegaire fondent l’abbaye d’Uzerche. Ils rejoignent en<br />

cela un <strong>au</strong>tre évêque fondateur, Raoul, évêque de Bourges <strong>au</strong> IX e sièc<strong>le</strong>, issu du lignage des<br />

vicomtes de Turenne et fondateur de l’abbaye de Be<strong>au</strong>lieu. La nob<strong>le</strong>sse loca<strong>le</strong> est à l’origine<br />

de la majeure partie des donations par <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s se constituent <strong>le</strong>s domaines ecclésiastiques.<br />

un mécanisme de relations de parenté et <strong>le</strong> rayonnement des monastères et des sanctuaires.<br />

Tombe<strong>au</strong> : gisant d’un nob<strong>le</strong>, XIV e sièc<strong>le</strong>. Église Saint-Martin à Soudeil<strong>le</strong>s.<br />

© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2010 (3). Cliché J.-M. Nicita<br />

Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 1560, fol. 22 et 22v. © BnF, Paris.<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

Litre Li Lit Litr efuné e funéraire* ffunér é ai air i e* e * peinte pei peint i e<strong>dans</strong> e <strong>dans</strong> d<strong>dans</strong><br />

s l’é l’église ’ église li Saint-Julien-de-Brioude S ai i nt nt-J t Julien Julien-de li -B -Bri B ioude d à Con Concèze. on oncèze.<br />

Promesse faite par Boson II vicomte de Turenne, à l’occasion d’une visite <strong>au</strong>x p<strong>au</strong>vres<br />

d’Obazine demeurant prés de l’église Sainte-Marie de B<strong>au</strong>dran, de donner <strong>au</strong>x<br />

desservants de cette église ce qui de sa terre <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong>rait <strong>le</strong> plus nécessaire. Don<br />

ultérieur par la vicomtesse <strong>au</strong> « prieur » Étienne, — à la suite de la mort soudaine<br />

souvinrent de sa promesse —, du manse de Tersac, avec ses habitants héréditaires<br />

surnommés <strong>le</strong>s Blain et sans <strong>au</strong>cune réserve.<br />

Extrait de Le cartulaire de l’abbaye cistercienne d’Obazine (xII e -XIII e sièc<strong>le</strong>), éd. B. Barrière, p. 111.<br />

L’an mil marque un tournant majeur<br />

sur <strong>le</strong> plan des relations de pouvoir,<br />

la réforme grégorienne tendant à<br />

émanciper <strong>le</strong> pouvoir épiscopal de la<br />

puissance séculière. La condamnation<br />

des guerres privées par <strong>le</strong>s conci<strong>le</strong>s<br />

réunis à Charroux en 989 et à Limoges<br />

entre 994 et 1031 illustre ce rééquilibrage<br />

des pouvoirs.<br />

La lutte contre la vio<strong>le</strong>nce<br />

seigneuria<strong>le</strong> montre l’ascendant que<br />

parviennent à acquérir <strong>le</strong>s hommes<br />

d’Église sur <strong>le</strong>s représentants de la<br />

nob<strong>le</strong>sse cheva<strong>le</strong>resque. Devant eux sont<br />

et <strong>le</strong>s dissensions interminab<strong>le</strong>s. Grâce<br />

à l’intervention de l’évêque de Limoges<br />

<strong>au</strong> début du XIIe sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> chevalier de<br />

Nedde et ses frères jurent « sur <strong>le</strong>ur<br />

foi… qu’ils se comporteront de manière<br />

l’évêque Eustorge parvient-il à mettre<br />

XII e - début XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

de saint Martial, et là, en présence de<br />

l’évêque Eustorge et de l’abbé Amblard,<br />

et devant un grand nombre de gens,<br />

actes de repentance concrétisés par<br />

une donation. L’appel à la croisade<br />

opéré par l’Église. La nob<strong>le</strong>sse limousine<br />

s’implique tout particulièrement <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

pè<strong>le</strong>rinage de Jérusa<strong>le</strong>m que constitue<br />

l’opération de reconquête lancée par<br />

Urbain II à C<strong>le</strong>rmont-Ferrand, puis à<br />

de Lastours et Raymond de Turenne<br />

se distinguent <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s chroniques par<br />

<strong>le</strong>ur action en Terre sainte, mais d’<strong>au</strong>tres<br />

noms de seigneurs du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> sont<br />

cités comme Raymond de Curemonte,<br />

vassal du vicomte de Turenne, Hélie de<br />

Ma<strong>le</strong>mort ou Guill<strong>au</strong>me de La Roche-<br />

Canillac. De retour de croisade, Raymond<br />

monastères. Il fonde près de Turenne un<br />

hospice de lépreux ainsi qu’un hôpital.


l’ÉGLISE,<br />

PIVOT des RELATIONS,<br />

POLITIQUES,<br />

ÉCONOMIQUES et ÉC É ON ONOM OM OMIQ IQ IQUE UE UES S MIQUES et SOC OC OCIA IA IALE LE LES SOCIALES<br />

Pouvoir économique et partage du sol : la répartition domania<strong>le</strong><br />

Vue généra<strong>le</strong> de Rocamadour (Lot). Au centre, la basilique médiéva<strong>le</strong> Saint-S<strong>au</strong>veur et <strong>le</strong> palais des évêques de Tul<strong>le</strong>.<br />

© Cliché N. Blaya. Conseil général du Lot. Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2024.<br />

La constitution d’ensemb<strong>le</strong>s domani<strong>au</strong>x sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de commun<strong>au</strong>tés<br />

religieuses, monastiques ou canonia<strong>le</strong>s, répond <strong>au</strong> même modè<strong>le</strong>, bien que ces<br />

domaines soient moins importants que celui de l’évêque. Celui de l’abbaye de Tul<strong>le</strong><br />

est <strong>le</strong> principal en <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>. Ses biens empiètent sur la vil<strong>le</strong> de Tul<strong>le</strong>. Ils s’étendent<br />

progressivement sur <strong>le</strong> pays environnant et atteignent des paroisses plus éloignées,<br />

notamment en Quercy où l’abbé de Tul<strong>le</strong> possède, à la suite de la donation de l’évêque<br />

de Cahors <strong>au</strong> X e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> sanctuaire de Rocamadour. Le vieux monastère de Vigeois<br />

prend, quant à lui, appui sur la frange occidenta<strong>le</strong> du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>.<br />

Le patrimoine de l’abbaye de<br />

Be<strong>au</strong>lieu s’est d’abord développé<br />

de part et d’<strong>au</strong>tre de la Dordogne,<br />

puis s’est enrichi de possessions<br />

situées plus <strong>au</strong> nord, et <strong>au</strong> nordest.<br />

Une soixantaine d’églises<br />

se trouve <strong>dans</strong> sa dépendance<br />

<strong>au</strong> début du XI e sièc<strong>le</strong>. L’abbaye<br />

d’Uzerche détient à la même<br />

époque un patrimoine moindre,<br />

centré sur quelques églises et<br />

des possessions situées <strong>dans</strong> des<br />

paroisses proches, <strong>au</strong>xquel<strong>le</strong>s<br />

s’ajoutent des implantations<br />

<strong>au</strong>tour de Moutier-d’Ahun<br />

(Creuse), liées <strong>au</strong>x dons des<br />

comtes de la Marche. De nouve<strong>au</strong>x<br />

dons permettent <strong>au</strong> XI e sièc<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

renforcement de ce patrimoine<br />

avec notamment des possessions<br />

en Périgord et en Angoumois.<br />

Abbaye d’Uzerche<br />

Dépendances<br />

Limites départementa<strong>le</strong>s<br />

Carte extraite de Lescure (Sophie), Les dépendances de l’abbaye d’Uzerche<br />

, mémoire de master II en<br />

archéologie médiéva<strong>le</strong>, Université de Toulouse II Le Mirail, 2008, t. II, annexe 6.<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

e pouvoir de l’Église tient en premier lieu à son<br />

rayonnement spirituel, mais il est <strong>au</strong>ssi associé à la<br />

dimension domania<strong>le</strong> de ses institutions. Évêques,<br />

abbés et chapitres contrô<strong>le</strong>nt d’importants domaines<br />

regroupant des terres agrico<strong>le</strong>s, des églises paroissia<strong>le</strong>s,<br />

des prieurés*, des fermes et des droits d’usages. Ces biens forment<br />

<strong>le</strong> temporel* de l’Église dont cel<strong>le</strong>-ci tire ses revenus. Évêques et<br />

religieux sont ainsi directement impliqués <strong>dans</strong> la vie économique<br />

et socia<strong>le</strong>. Les monastères sont réputés pour <strong>le</strong>ur capacité à mettre<br />

en va<strong>le</strong>ur <strong>le</strong>s domaines agrico<strong>le</strong>s, dont la production contribue<br />

pour une grande part à <strong>le</strong>ur prospérité.<br />

L’ensemb<strong>le</strong> domanial sur <strong>le</strong>quel l’évêque de Limoges exerce<br />

un contrô<strong>le</strong> direct approche, par son importance, celui du<br />

vicomte. Ses biens représentent parfois la totalité des richesses<br />

d’une paroisse rura<strong>le</strong> - terres, forêts, habitations, étangs, moulins,<br />

cheptels. Relèvent ainsi directement du domaine épiscopal la cité<br />

de Limoges, mais <strong>au</strong>ssi <strong>le</strong> châte<strong>au</strong> de l’Is<strong>le</strong>, des paroisses du nord du<br />

<strong>Limousin</strong>, ou d’<strong>au</strong>tres sur la Vienne comme cel<strong>le</strong>s de Saint-Junien,<br />

de Saint-Léonard-de-Noblat et d’Eymoutiers. Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>,<br />

l’emprise épiscopa<strong>le</strong> s’exerce <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s paroisses de Blanchefort,<br />

Saint-Jal, Allassac, Donzenac, Brive ou Ma<strong>le</strong>mort. S’y ajoutent <strong>le</strong>s<br />

biens associés <strong>au</strong>x églises paroissia<strong>le</strong>s directement contrôlées par<br />

l’évêque et, à partir des XI e et XII e<br />

L<br />

reçoit l’hommage de seigneurs laïcs.<br />

Granges polyva<strong>le</strong>ntes Entrepôts urbains<br />

Cités épiscopa<strong>le</strong>s<br />

Liaisons<br />

Granges spécialisées Nébu<strong>le</strong>uses de domaines Limites du diocèse de<br />

Limoges<br />

Le patrimoine de l’abbaye d’Obazine. Carte extraite de Moines en <strong>Limousin</strong>. L’aventure cistercienne, sous la<br />

direction de Bernadette Barrière, Limoges, Pulim, p. 101.<br />

Au début du XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s courants réformateurs redonnent vigueur <strong>au</strong> processus<br />

de développement de nouve<strong>au</strong>x établissements monastiques. L’abbaye d’Obazine<br />

met ainsi en place à partir des années 1140 un rése<strong>au</strong> d’exploitations agrico<strong>le</strong>s sur<br />

<strong>le</strong> principe des granges cisterciennes implantées <strong>au</strong>tour d’Aubazine et près de<br />

Chamboulive et Lagr<strong>au</strong>lière. D’<strong>au</strong>tres existent sur <strong>le</strong> plate<strong>au</strong> de Mil<strong>le</strong>vaches, en bordure<br />

de Dordogne ou en Quercy, non loin de Rocamadour. L’organisation domania<strong>le</strong> des<br />

exploitations agrico<strong>le</strong>s génère des circuits économiques organisés sur de longues<br />

distances. L’abbaye d’Obazine possède une grange <strong>dans</strong> l’Î<strong>le</strong> d’Oléron où el<strong>le</strong> exploite<br />

des marais salants. Entre Aubazine et la Saintonge, <strong>le</strong>s moines ont pris soin d’établir<br />

<strong>le</strong>s jalons d’une route du sel que sont <strong>le</strong> grenier à sel de Cognac, la grange urbaine<br />

et de Grobot.<br />

Au maillage des possessions domania<strong>le</strong>s s’agrège <strong>au</strong>x XI e et XII e sièc<strong>le</strong>s un tissu de<br />

droits féod<strong>au</strong>x. Le système seigneurial et la féodalité se mettent en place. Prélèvements,<br />

droits particuliers, dîmes*, corvées, mais <strong>au</strong>ssi droits de justice transforment évêques<br />

et abbés en seigneurs ecclésiastiques à l’image des seigneurs laïcs.


l’ÉGLISE<br />

et <strong>le</strong>s SEIGNEURS LAÏCS,<br />

IX e -XV e SIÈCLE,<br />

des LIENS ÉTROITS, des RELATIONS<br />

PARFOIS P R AR P FOI OI OIS CONF NF NFLI LI LICTUE UE UELL LL LLES<br />

CONFLICTUELLES<br />

Des abbés laïques à la seigneurie ecclésiastique<br />

ux IX e et X e sièc<strong>le</strong>s, la désagrégation des structures administratives de l’empire<br />

carolingien, <strong>le</strong>s invasions normandes et hongroises font des églises et de <strong>le</strong>urs<br />

c<strong>le</strong>rcs des proies faci<strong>le</strong>s. Au sein du roy<strong>au</strong>me, <strong>le</strong>s biens des monastères sont<br />

sécularisés par des abbés laïques, <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs subissent l’arbitraire des guerres<br />

privées, la vie monastique est mise à mal par <strong>le</strong> relâchement de la discipline.<br />

La renaissance qui se fait jour <strong>au</strong> X e<br />

A<br />

tard, de Cîte<strong>au</strong>x, marque <strong>le</strong> début du renversement de ce rapport de force. Un nombre<br />

grandissant de biens présumés usurpés sont restitués <strong>au</strong>x églises. Le testament du « vicomte<br />

» Adémar des Échel<strong>le</strong>s, abbé laïc, <strong>au</strong> monastère Saint-Martin de Tul<strong>le</strong>, vers 922, illustre ce<br />

mouvement et témoigne d’une imprégnation spirituel<strong>le</strong> et millénariste.<br />

s’étant faite que <strong>le</strong> monde est en danger pour l’avenir… moi… Adémar<br />

[comte], je rends tout d’abord à Dieu et à Saint-Martin de Tul<strong>le</strong> toutes<br />

<strong>le</strong>s terres et <strong>le</strong>s églises que je tiens de la dite abbaye (…) et vingt manses<br />

que tient mon épouse G<strong>au</strong>zla, à titre viager.<br />

Chronique d’Adémar de Chabannes [copie dite A, Saint-Cybard d’Angoulême], XI e A S i C b d d’A ’ lê ] sièc<strong>le</strong>. iè l<br />

Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 5927, fol. 222 et 229 (ancienne bibliothèque de Thou). © BnF, Paris.<br />

Les angoisses du nouve<strong>au</strong> millénaire <strong>dans</strong> la vision<br />

du moine-historien Adémar de Chabannes<br />

En ce temps-là apparurent des signes <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s astres, des sécheresses<br />

nuisib<strong>le</strong>s, des pluies excessives, des épidémies terrib<strong>le</strong>s et de très<br />

graves famines ainsi que des éclipses de so<strong>le</strong>il et de lune, et la Vienne<br />

resta à sec, pendant trois nuits, à Limoges sur deux mil<strong>le</strong>s.<br />

[…] Et <strong>le</strong> susdit moine Adémar […], s’étant réveillé <strong>au</strong> milieu de la<br />

nuit, tandis qu’il <strong>le</strong>vait <strong>le</strong>s yeux <strong>au</strong> dehors vers <strong>le</strong>s astres, aperçut<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong> ciel avec, suspendue à la croix, l’image du Seigneur p<strong>le</strong>urant<br />

L’essor économique des abbayes et églises limousines renforce éga<strong>le</strong>ment la prospérité des marchands. Au XIII e sièc<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong>s bourgeois de Be<strong>au</strong>lieu, soucieux de gagner <strong>le</strong>ur indépendance, s’allient à ceux de Figeac et Aurillac, puis entrent en<br />

pouvoirs judiciaires sur la vil<strong>le</strong>. Philippe VI<br />

Dans la vicomté de Ventadour, l’abbé de Charroux et <strong>le</strong> prieur de Saint-Angel transigent avec <strong>le</strong>s seigneurs du lieu,<br />

Hugues de Mirabel (1279) puis Aymon de Rochefort (1300), sur <strong>le</strong> partage des droits seigneuri<strong>au</strong>x.<br />

À Tul<strong>le</strong>, en revanche, l’abbé, devenu évêque, garde la h<strong>au</strong>te main sur l’administration de la cité : Jean de Cluys<br />

accorde <strong>le</strong>s premiers privilèges seu<strong>le</strong>ment en 1430, <strong>le</strong> consulat n’est inst<strong>au</strong>ré qu’en 1566.<br />

Deux combattants armés d’écus et de masses d’arme, XII e<br />

sièc<strong>le</strong>. Chapite<strong>au</strong> de l’église Saint-Martial à Sainte-Fortunade.<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

Les rapports noués entre<br />

l’Église et <strong>le</strong>s seigneurs laïcs<br />

s’inscrivent <strong>dans</strong> un doub<strong>le</strong><br />

mouvement. Si la restitution<br />

des biens ecclésiastiques et<br />

<strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s donations qu’el<strong>le</strong><br />

entraîne procèdent de la crainte<br />

du Jugement dernier, <strong>le</strong>s faveurs<br />

des seigneurs laïcs envers <strong>le</strong>s<br />

monastères où ils placent <strong>le</strong>urs<br />

consanguins et font é<strong>le</strong>ction de<br />

sépulture permettent <strong>au</strong>ssi d’y<br />

Bientôt maîtres d’un riche patrimoine temporel, <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs s’emploient à <strong>le</strong><br />

XII e -XIII e sièc<strong>le</strong>s) où sont transcrits <strong>le</strong>s actes de <strong>le</strong>gs<br />

vertus des princip<strong>au</strong>x donateurs et la vocation spirituel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur geste y sont célébrées.<br />

« Chaque fois que nous faisons quelque chose qui touche à l’utilité de nos lieux, il<br />

convient de <strong>le</strong> mettre par écrit pour <strong>le</strong> transmettre à la mémoire de la postérité… de<br />

façon à ce qu’apparaisse avec assez d’évidence, d’où sont survenues <strong>le</strong>s bonnes actions<br />

que nous réalisons… Ainsi en l’an de l’Incarnation du Seigneur 1103, indiction 11, <strong>le</strong><br />

II], sous <strong>le</strong> règne de Philippe [I er ], dom Guill<strong>au</strong>me<br />

étant abbé cl<strong>au</strong>stral du monastère de Tul<strong>le</strong>, <strong>le</strong> dit monastère, qui était presque tombé<br />

de vétusté, commença d’être reconstruit à neuf. En faveur de cette reconstruction,<br />

des compatriotes ont commencé à fournir des aides, à proportion de <strong>le</strong>urs facultés et<br />

bonne volonté ».<br />

entre l’abbé Bégon d’Escorail<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s consuls de Be<strong>au</strong>lieu <strong>au</strong> sujet du<br />

partage des droits de justice, Paris, <strong>le</strong>ndemain de la saint L<strong>au</strong>rent, 1255.


l’ÉGLISE<br />

et <strong>le</strong>s SEIGNEURS LAÏCS,<br />

IX e-XV e SIÈCLE,<br />

des LIENS ÉTROITS, des RELATIONS<br />

PARFOIS P R AR P FOI OI OIS CONF NF NFLI LI LICTUE UE UELL LL LLES<br />

CONFLICTUELLES<br />

D<br />

Le c<strong>le</strong>rgé limousin, expression des solidarités entre lignages<br />

u fait de son rô<strong>le</strong> politique et social déterminant, <strong>le</strong> recrutement du h<strong>au</strong>t c<strong>le</strong>rgé<br />

de Comborn qui contrô<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> territoire. Des puissants lignages féod<strong>au</strong>x de Comborn<br />

et de Ventadour sont issus plusieurs abbés de Tul<strong>le</strong> <strong>au</strong>x XII e et XIII e sièc<strong>le</strong>s.<br />

à chaque génération, plusieurs de <strong>le</strong>urs rejetons en qualités d’oblats* <strong>dans</strong> des abbayes. El<strong>le</strong>s<br />

entraînent <strong>dans</strong> <strong>le</strong>ur sillage vass<strong>au</strong>x et chevaliers : nombres d’abbés d’Uzerche des XI e et XII e<br />

sièc<strong>le</strong>s se recrutent parmi ces « nob<strong>le</strong>s hommes » nommées Donzenac, Lastours, Ma<strong>le</strong>fayde<br />

ou Mirambel.<br />

de la peinture mura<strong>le</strong> dissimulée derrière <strong>le</strong> tab<strong>le</strong><strong>au</strong> de la Visitation.<br />

XV e et XVII e sièc<strong>le</strong>s) : vue partiel<strong>le</strong><br />

Le donateur, probab<strong>le</strong>ment l’archiprêtre Jean de Gimel, prie agenouillé sous la protection conjuguée de<br />

saint Pardoux et de saint Guill<strong>au</strong>me d’Aquitaine, en mémoire de Guill<strong>au</strong>me II seigneur de Gimel, instigateur<br />

de la reconstruction de l’église.<br />

L’Église, <strong>le</strong>s rois de France et <strong>le</strong>urs luttes d’influence à la fin du <strong>Moyen</strong> Âge<br />

et d’Ang<strong>le</strong>terre. Jean de Cros, évêque de Limoges (1348-1371) puis cardinal, apparenté <strong>au</strong>x papes Clément VI et Grégoire XI, occupe<br />

alors un rô<strong>le</strong> politique clé en <strong>Limousin</strong>. Instruits à la Curie* et courtisans nés, <strong>le</strong>s évêques limousins assurent des missions, voire des<br />

ambassades étrangères pour <strong>le</strong> compte des souverains.<br />

Pendant <strong>le</strong> Grand Schisme, l’archevêque de Bourges et <strong>le</strong> roi de France<br />

soutiennent l’un Martin de Saint-Salvadour, l’<strong>au</strong>tre Hugues de Combarel<br />

(1416-1421) à l’évêché de Tul<strong>le</strong>. Plus tard, l’é<strong>le</strong>ction contestée de Louis<br />

d’Aubusson (1454-1471) fait l’objet d’un procès avec son compétiteur<br />

Guichard de Comborn, l’abbé d’Uzerche.<br />

Louis XI accorde une attention particulière <strong>au</strong> choix des dignitaires<br />

Gimel, seigneurie dont la position stratégique est essentiel<strong>le</strong>. Dans la lutte<br />

chapitre cathédral Gér<strong>au</strong>d de M<strong>au</strong>mont, issu de la famil<strong>le</strong> des seigneurs de<br />

Denys de Bar, un berrichon dépourvu d’appuis loc<strong>au</strong>x.<br />

ecclésiastiques d’un nombre croissant de c<strong>au</strong>ses <strong>dans</strong> <strong>le</strong>urs juridictions.<br />

L’ÉGLISE et <strong>le</strong> POUVOIR<br />

Testament de Bertrand Botin<strong>au</strong>d, évêque de Tul<strong>le</strong> (1407-1416), demi-frère du pape Grégoire XI,<br />

révélant <strong>le</strong>s scrupu<strong>le</strong>uses dispositions spirituel<strong>le</strong>s et mora<strong>le</strong>s du prélat, 3 juin 1412.<br />

Ces solidarités entre lignages permettent à l’évêque de Limoges d’imposer<br />

XI sièc<strong>le</strong>. De même, la première croisade<br />

el<strong>le</strong> l’occasion pour <strong>le</strong> pape Urbain II et <strong>le</strong> h<strong>au</strong>t c<strong>le</strong>rgé limousin de canaliser <strong>le</strong>s<br />

énergies guerrières. En 1177, <strong>le</strong> vieil évêque de Limoges Gér<strong>au</strong>d du Cher fédère <strong>le</strong>s<br />

seigneurs limousins, <strong>le</strong>s contingents des vil<strong>le</strong>s et des campagnes <strong>dans</strong> la batail<strong>le</strong><br />

contre <strong>le</strong>s pillards brabançons, à Ma<strong>le</strong>mort.<br />

Au XIV e<br />

et de c<strong>le</strong>rcs de tous rangs. Les évêques de Tul<strong>le</strong>, sédentarisés en Avignon, font alors<br />

XV e sièc<strong>le</strong>, en revanche, de brillantes<br />

personnalités illustrent l’épiscopat limousin, tels Pierre de Montbrun qui rest<strong>au</strong>ra<br />

patiemment <strong>le</strong> diocèse de Limoges (1427-1457), Bertrand Botin<strong>au</strong>d (1407-1416)<br />

et Jean de Cluys (1426-1451) à Tul<strong>le</strong>.<br />

© Arch. dép. Corrèze, G 35* (465). Cliché J.-M. Nicita.<br />

Dispense du quatrième degré de consanguinité<br />

Martia<strong>le</strong> du Treuilh (16 octobre 1522).


L<br />

l’ÉGLISE,<br />

FAÇONNE l’ESPACE,<br />

<strong>dans</strong> la SOCIÉTÉ da d ns lla<br />

a SOC OC OCIÉ IÉ IÉTÉ TÉ MMÉD<br />

ÉD É IÉ IÉVAL AL ALE V<br />

MÉDIÉVALE<br />

Cadre paroissial et maillage du territoire<br />

a paroisse constitue la cellu<strong>le</strong> de base de la chrétienté. Territoire dont<br />

nos actuel<strong>le</strong>s communes sont issues, el<strong>le</strong> regroupe une commun<strong>au</strong>té<br />

à cette charge et une part de la dîme, impôt dû à l’Église. Des diacres apportent<br />

parfois <strong>le</strong>ur aide <strong>au</strong>x prêtres. La tail<strong>le</strong> des paroisses dépend de <strong>le</strong>ur ancienneté, de<br />

la mise en va<strong>le</strong>ur des terroirs et de l’importance de la commun<strong>au</strong>té <strong>au</strong> moment de<br />

sa création.<br />

La progression du christianisme se traduit par un nombre croissant de paroisses.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, l’essentiel du maillage en paroisses contiguës semb<strong>le</strong> achevé<br />

XI e<br />

par <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé séculier et par <strong>le</strong>s commun<strong>au</strong>tés monastiques. L’exemplarité de vie des<br />

ermites et des saints hommes, comme saint Dumine à Gimel ou Étienne d’Obazine,<br />

va<strong>le</strong>ur. Les commun<strong>au</strong>tés monastiques, notamment cisterciennes*, ou cel<strong>le</strong> de<br />

l’abbaye féminine de la Règ<strong>le</strong> prennent la suite, à partir du XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>dans</strong> ce rô<strong>le</strong><br />

d’exemplarité pionnière des déserts.<br />

Gimel-<strong>le</strong>s-Cascades : <strong>le</strong>s mutations de l’espace paroissial<br />

Un anachorète, Dumine, choisit <strong>au</strong> VI e sièc<strong>le</strong> de se retirer <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s grottes d’une barre<br />

rocheuse de la vallée de la Montane. Dès <strong>le</strong> XII e sièc<strong>le</strong>, une église romane, dédiée à saint<br />

Étienne, remplace l’oratoire construit par <strong>le</strong> saint homme sur <strong>le</strong> roc de Braguse. Le site semb<strong>le</strong><br />

Buste reliquaire de saint Dumine conservé <strong>dans</strong> l’église paroissia<strong>le</strong> Saint-Pardoux<br />

à Gimel-<strong>le</strong>s-Cascades, XV e sièc<strong>le</strong>. © Région <strong>Limousin</strong>, inventaire général du patrimoine culturel,<br />

P. Rivière, 1990.<br />

À l’est et <strong>au</strong> nord-est s’étagent des plate<strong>au</strong>x de 300<br />

ont connu un peup<strong>le</strong>ment plus faib<strong>le</strong>. Les implantations<br />

bénédictines y sont plus rares, Saint-Angel constituant<br />

une exception précoce. À partir du XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s ordres<br />

qui recherchent <strong>le</strong> désert, comme <strong>le</strong>s cisterciens*,<br />

mettent ponctuel<strong>le</strong>ment en va<strong>le</strong>ur ces zones retirées,<br />

parfois suivis par <strong>le</strong>s bénédictins*. L’exploitation<br />

des terres en faire-valoir direct jusqu’<strong>au</strong> XIII e sièc<strong>le</strong>,<br />

Âge, la population se rapprochant des deux<br />

châte<strong>au</strong>x implantés sur un promontoire<br />

surplombant de 150 m l’église de Braguse.<br />

Une petite agglomération attractive, siège<br />

se forme, vraisemblab<strong>le</strong>ment dès <strong>le</strong> XIII e<br />

sièc<strong>le</strong>. La chapel<strong>le</strong> castra<strong>le</strong>, reçoit des décors<br />

peints qui témoignent de la prospérité du<br />

lieu. Au XVIII e sièc<strong>le</strong>, l’église de Braguse est<br />

trésor ramenés <strong>dans</strong> l’église Saint-Pardoux,<br />

qui devient l’Église paroissia<strong>le</strong>. Le lien avec<br />

l’ancienne église perdure pendant plusieurs<br />

sièc<strong>le</strong>s sous la forme d’une procession<br />

annuel<strong>le</strong>.<br />

privilégiée par <strong>le</strong>s cisterciens, explique la formation de<br />

commun<strong>au</strong>tés paroissia<strong>le</strong>s plus tardives que <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s<br />

dépendances des monastères bénédictins. Une partie<br />

des villages qui apparaissent <strong>dans</strong> ces conditions est<br />

d’ail<strong>le</strong>urs abandonnée dès <strong>le</strong> XIV e sièc<strong>le</strong>, notamment<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong>s Monédières et sur <strong>le</strong> plate<strong>au</strong> de Mil<strong>le</strong>vaches en<br />

la culture de certaines céréa<strong>le</strong>s <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s zones situées<br />

<strong>au</strong>-dessus de 600 m.<br />

1773. Arch. dép. H<strong>au</strong>te-Vienne, 1 G 716. © Photo Conseil général de la H<strong>au</strong>te-Vienne.<br />

Le peup<strong>le</strong>ment des paroisses reste inégal et varie fortement <strong>au</strong> gré des épidémies et<br />

des guerres. Au sud de Brive et à l’ouest, <strong>le</strong> long de la voie reliant Limoges à Toulouse, se<br />

trouvent <strong>le</strong>s zones <strong>le</strong>s plus densément peuplées, mises en va<strong>le</strong>ur de manière continue depuis<br />

l’Antiquité. Les premiers monastères d’importance s’y sont implantés avant l’an Mil, tels ceux<br />

de Vigeois ou d’Uzerche, puis de Be<strong>au</strong>lieu-sur-Dordogne, ainsi que des commun<strong>au</strong>tés de<br />

chanoines, tel<strong>le</strong> cel<strong>le</strong> du sanctuaire<br />

de l’église Saint-Martin de Brive.<br />

L’<strong>au</strong>gmentation de population <strong>au</strong><br />

XII e sièc<strong>le</strong> pousse <strong>le</strong>s bénédictins*<br />

à implanter des prieurés* <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s<br />

zones jusque-là boisées, comme <strong>le</strong><br />

font ceux d’Uzerche en direction de<br />

la forêt dite de Meilhards.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES<br />

Chapel<strong>le</strong> Saint-Étienne-de-Braguse à Gimel-<strong>le</strong>s-Cascades, XII e sièc<strong>le</strong>.<br />

© Région <strong>Limousin</strong>, inventaire général du patrimoine culturel, P. Rivière, 1993.


l’ÉGLISE,<br />

FAÇONNE l’ESPACE,<br />

<strong>dans</strong> la SOCIÉTÉ da d ns lla<br />

a SOC OC OCIÉ IÉ IÉTÉ TÉ MMÉD<br />

ÉD É IÉ IÉVAL AL ALE V MÉDIÉVALE<br />

Voie de circulation à longue distance.<br />

Ici voie de Limoges vers Toulouse<br />

Rivière non navigab<strong>le</strong> mais qui permet<br />

d’instal<strong>le</strong>r des moulins<br />

Massif forestier très dense en cours<br />

de défrichement, notamment par <strong>le</strong>s<br />

moines (ici forêt de Meilhards)<br />

Prieuré bénédictin situé en bordure de<br />

forêt.<br />

Châte<strong>au</strong>, situé à proximité des voies de<br />

passage ou en bordure des seigneuries<br />

foncières. Motte castra<strong>le</strong>. Seigneur et ses<br />

chevaliers. Il y en a plusieurs par paroisse<br />

en général, soit plusieurs centaines en<br />

<strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>.<br />

sur <strong>le</strong> territoire d’une paroisse <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> <strong>au</strong> XII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Paroisse, village et terroir : un rése<strong>au</strong> concentrique<br />

À l’échel<strong>le</strong> de la paroisse, un schéma<br />

presque identique se dessine <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

<strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, selon une organisation<br />

en <strong>au</strong>réo<strong>le</strong>s concentriques. Le village et<br />

son église paroissia<strong>le</strong> sont de préférence<br />

implantés en position centra<strong>le</strong>, sur un<br />

replat protégé des vents dominants et<br />

des crues, disposant <strong>au</strong>tant que possib<strong>le</strong><br />

d’une ou plusieurs sources à proximité.<br />

Le village est souvent situé en retrait<br />

par rapport <strong>au</strong>x voies de circulation<br />

principa<strong>le</strong>s, et l’on préfère <strong>au</strong> besoin un<br />

site peu visib<strong>le</strong> à un site bien enso<strong>le</strong>illé.<br />

<strong>le</strong>urs lots de guerriers tout <strong>au</strong>tant que<br />

de marchands. Autour du village se<br />

trouvent <strong>le</strong>s jardins et <strong>le</strong>s vergers, des<br />

enclos pour <strong>le</strong>s anim<strong>au</strong>x, s’ils ne sont pas<br />

sur la place centra<strong>le</strong>. Des champs, des<br />

Petite agglomération : bourg castral<br />

avec l’église paroissia<strong>le</strong>. Des hame<strong>au</strong>x<br />

sont <strong>au</strong>ssi dispersés sur la paroisse.<br />

Seigneurie foncière 1 : seigneur laïc ayant<br />

distribué la seigneurie 2 à un vassal.<br />

Seigneurie foncière 2 : seigneur foncier<br />

vassal du précédent.<br />

Seigneurie foncière 3 : un abbé en<br />

est <strong>le</strong> seigneur ecclésiastique. Il tente<br />

d’interdire la construction de châte<strong>au</strong>x<br />

de seigneurs laïcs à proximité de sa<br />

seigneurie foncière.<br />

prés, parfois des vignes, des hame<strong>au</strong>x<br />

se situent avec <strong>le</strong>s bois d’usage <strong>dans</strong> un<br />

servant <strong>au</strong>ssi de réserve de chasse pour<br />

<strong>le</strong> seigneur, se situent en périphérie.<br />

Les mottes castra<strong>le</strong>s* se multiplient<br />

<strong>au</strong>x carrefours des gués* et des voies<br />

principa<strong>le</strong>s. On en compte plusieurs<br />

par paroisse en moyenne, soit plusieurs<br />

centaines érigées <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong><br />

entre <strong>le</strong> X e<br />

XII e sièc<strong>le</strong>. Les<br />

abbayes tentent de limiter <strong>le</strong>ur nombre,<br />

car <strong>le</strong>s petits seigneurs turbu<strong>le</strong>nts<br />

qu’el<strong>le</strong>s abritent génèrent guerres et<br />

destructions <strong>dans</strong> un paysage que <strong>le</strong>s<br />

abbés organisent et font aménager avec<br />

soins par <strong>le</strong>s hommes de <strong>le</strong>urs terres,<br />

laïcs ou convers*.<br />

Les abbayes modè<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s voies de communication et d’échanges<br />

Seigneurie foncière 3 : une partie des<br />

terres de l’abbé se trouvent enclavée<br />

<strong>dans</strong> cel<strong>le</strong>s du seigneur 1.<br />

Droit de péage routier exercé par <strong>le</strong><br />

seigneur <strong>le</strong> plus important, en limite de<br />

ses terres et cel<strong>le</strong>s de son vassal.<br />

Droits perçus par <strong>le</strong> vassal sur un moulin<br />

banal situé sur <strong>le</strong>s terres de son seigneur.<br />

Droits reçus par héritage.<br />

La paroisse : une commun<strong>au</strong>té de<br />

pour <strong>le</strong> prélèvement de la dîme de<br />

l’Église, puis la répartition de la tail<strong>le</strong><br />

roya<strong>le</strong>.<br />

L<br />

es monastères se montrent de bons gestionnaires et des aménageurs<br />

infatigab<strong>le</strong>s, sur <strong>le</strong>squels <strong>le</strong>s seigneurs laïcs prennent parfois modè<strong>le</strong>.<br />

La disposition des champs comme <strong>le</strong> choix des espèces cultivées<br />

doivent en partie <strong>au</strong>x indications et <strong>au</strong>x intérêts des monastères. Il en<br />

est ainsi pour <strong>le</strong>s vignob<strong>le</strong>s renommés de la région d’Yssandon. La disposition<br />

et la hiérarchisation du rése<strong>au</strong> des chemins du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> médiéval tient<br />

<strong>au</strong>ssi souvent <strong>au</strong>x activités des ordres monastiques ; une part importante du<br />

rése<strong>au</strong> de chemins ayant été réalisée ou améliorée pour relier <strong>le</strong>s monastères à<br />

<strong>le</strong>urs dépendances et <strong>au</strong>x paroisses <strong>dans</strong> <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils possèdent des droits. Les<br />

accentués par la demande des abbayes, <strong>au</strong> point que l’on peut presque par<strong>le</strong>r de<br />

route de commerce monastique en ce qui concerne la route de la vinade. Dans <strong>le</strong><br />

<strong>dans</strong> la réalisation de nombreux étangs, de biefs et de moulins, dont certains<br />

marquent encore <strong>le</strong> paysage corrézien de <strong>le</strong>ur présence ou de <strong>le</strong>ur empreinte.<br />

Extrait de Vie de saint Étienne d’Obazine <strong>dans</strong> Vies des saints, Vitae sanctorum.<br />

Fin XIII e et XIV e sièc<strong>le</strong>s ; reliure XVI e sièc<strong>le</strong>. Codex sur parchemin de 327 feuil<strong>le</strong>ts.<br />

Bibliothèque municipa<strong>le</strong> de Dijon, ms 646, fol. 304. © BM Dijon (E. Juvin).<br />

VIE DE SAINT ÉTIENNE D’OBAZINE<br />

[…] L’homme de Dieu, avec son vénérab<strong>le</strong> ami, parcourut toute la région.<br />

part. Ce lieu, fort boisé est entouré de tous côtés par des rochers abrupts,<br />

et une rivière, la Corrèze, qui cou<strong>le</strong> plus bas, lui donne un charme certain.<br />

Parvenus à cet endroit l’avant-veil<strong>le</strong> de Pâques, <strong>le</strong>s saints hommes, nu-pieds,<br />

tels se présentaient-ils, pénétrèrent avec intrépidité vers l’intérieur du pays. Il y<br />

avait, non loin de là, une petite étendue plane, couverte de fourrés et de broussail<strong>le</strong>s<br />

et encaissée entre de raides versants. Un petit ruisse<strong>au</strong> coulait en son milieu. On<br />

toute la journée et <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain encore sans nourriture ni secours de personne.<br />

Extrait de Vie de saint Étienne d’Obazine, M. Aubrun, p 48-51.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES


des COMMUNAUTÉS<br />

MONASTIQUES VISIONNAIRES,<br />

l’EXEMPLE d’OBAZINE<br />

l’E ’ l’ XE XEMP MP MPLE LE d’ MP<br />

Un moine visionnaire et son œuvre, saint Étienne d’Obazine<br />

L<br />

’Église cherche <strong>au</strong> début du XII e sièc<strong>le</strong> à mieux encadrer et diriger <strong>le</strong>s<br />

de la vie monastique dont témoigne la création de l’ordre de Cîte<strong>au</strong>x<br />

en 1098 par Robert de Mo<strong>le</strong>sme et son expansion grâce à Bernard<br />

de Clairv<strong>au</strong>x (1090-1153). Les expériences de l’ascétisme* et de l’érémitisme*,<br />

Don de Pierre de Veyrières entrant <strong>au</strong> monastère avec son épouse et ses enfants,<br />

et avec son frère Bernard et sa sœur Pétronil<strong>le</strong> qui donnent <strong>le</strong>ur consentement,<br />

de la maison-forte de Veyrières avec toutes ses appartenances, des trois manses<br />

de Varges, des Bordes et de Seugnac, et de toutes ses <strong>au</strong>tres biens.<br />

Extrait de Le cartulaire de l’abbaye cistercienne d’Obazine (XII e -XIII e sièc<strong>le</strong>), éd. B. Barrière, p. 78.<br />

Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 1560, fol. 5 et 5 v. © BnF, Paris.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES<br />

XII e -début XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

L’histoire spirituel<strong>le</strong> d’Obazine est liée à son père fondateur : Étienne de Vielzot. Entre 1125 et<br />

1130, accompagné d’un dénommé Pierre, Étienne s’instal<strong>le</strong> <strong>dans</strong> des collines boisées dominant<br />

la vallée de la Corrèze pour vivre l’expérience érémitique, une vie à l’écart du monde vouée à la<br />

prière et <strong>au</strong> travail manuel <strong>dans</strong> l’<strong>au</strong>stérité. En raison du nombre grandissant de discip<strong>le</strong>s, hommes<br />

il prend l’habit blanc régulier cistercien* et la commun<strong>au</strong>té est constituée en abbaye doub<strong>le</strong> : cel<strong>le</strong><br />

des hommes est implantée sur <strong>le</strong> versant sud de la colline d’Obazine et cel<strong>le</strong> des femmes <strong>au</strong> fond<br />

du vallon proche du Coyroux.<br />

Des défrichements et des terrassements, réalisés par <strong>le</strong>s membres de la commun<strong>au</strong>té, sont<br />

nécessaires avant la construction des monastères. À la demande d’Étienne, des moines venus<br />

de l’abbaye cistercienne de Dalon, située <strong>dans</strong> l’actuel département de la Dordogne, initient la<br />

commun<strong>au</strong>té à la vie monastique et à la stricte observance d’une règ<strong>le</strong>. Étienne obtient en 1147,<br />

avec l’appui du pape Eugène III (1145-1153), <strong>le</strong> rattachement de son abbaye à l’ordre de Cîte<strong>au</strong>x.<br />

Étienne est <strong>au</strong>ssi <strong>le</strong> fondateur de l’abbaye de Bonnaigue près d’Ussel en 1144, de cel<strong>le</strong> de La Va<strong>le</strong>tte en 1146 et de cel<strong>le</strong> de la Garde-Dieu, située <strong>dans</strong> <strong>le</strong> diocèse de Cahors, en 1147.<br />

Tombe<strong>au</strong> de saint Étienne d’Obazine, XIII e sièc<strong>le</strong>.© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2055. Cliché J.-M. Nicita.<br />

Un monastère doub<strong>le</strong> : Obazine et Coyroux<br />

Entre 1147 et 1176, un nouvel ensemb<strong>le</strong> monastique<br />

à Obazine, preuve de la prospérité grandissante de la<br />

commun<strong>au</strong>té. L’église abbatia<strong>le</strong> est consacrée en 1176<br />

et la sal<strong>le</strong> capitulaire utilisée par <strong>le</strong>s moines à partir de<br />

1180<br />

Les nouve<strong>au</strong>x bâtiments respectent <strong>le</strong> modè<strong>le</strong><br />

architectural des abbayes cisterciennes. Autour du<br />

périmètre du cloître sont alignés quatre bâtiments<br />

princip<strong>au</strong>x de sty<strong>le</strong> roman : <strong>au</strong> sud, l’église<br />

abbatia<strong>le</strong> longue de quatre vingt dix mètres, à<br />

l’est, un édifice comprenant la sal<strong>le</strong> du chapitre,<br />

une sal<strong>le</strong> de <strong>le</strong>cture et <strong>le</strong> dortoir des moines, <strong>au</strong><br />

nord, <strong>le</strong> réfectoire et enfin à l’ouest, <strong>le</strong> bâtiment<br />

des convers*. Un escalier permet <strong>au</strong>x moines<br />

d’accéder depuis <strong>le</strong> dortoir <strong>au</strong> chœur de l’église<br />

pour accomplir <strong>le</strong>s offices de nuit.<br />

d’OBAZINE<br />

Le monastère féminin du Coyroux est installé<br />

<strong>dans</strong> un fond de vallée étroit que <strong>le</strong>s moines doivent<br />

aménager pour <strong>le</strong> rendre constructib<strong>le</strong>. Dès l’origine, <strong>le</strong>s<br />

religieuses vivent recluses. Le choix du site répond <strong>au</strong>x<br />

attentes des cisterciens de préserver et d’éloigner <strong>le</strong>s<br />

monia<strong>le</strong>s des regards. Sur <strong>le</strong> plan spirituel et matériel,<br />

la commun<strong>au</strong>té féminine dépend entièrement du<br />

monastère des hommes.<br />

Au cours du XIII e sièc<strong>le</strong>, la dépouil<strong>le</strong> d’Étienne, vénéré<br />

comme un saint depuis sa disparition, est déposée<br />

<strong>dans</strong> une châsse sculptée, monument ciselé et ajouré<br />

qui recouvre et protège <strong>le</strong> gisant du moine fondateur.<br />

Le décor de ce tombe<strong>au</strong> placé <strong>dans</strong> <strong>le</strong> transept de<br />

l’église abbatia<strong>le</strong> est composé d’arcs, de colonnettes,<br />

de représentations végéta<strong>le</strong>s, d’oise<strong>au</strong>x, d’anges et de<br />

quarante six personnages dont la vierge, <strong>le</strong>s monia<strong>le</strong>s du<br />

Coyroux, six abbés, des convers, des paysans et Étienne.<br />

Maquette du monastère de Coyroux.<br />

Proposition de restitution des lieux monastiques vers 1200, d’après <strong>le</strong>s élévations<br />

subsistantes, <strong>le</strong>s fouil<strong>le</strong>s archéologiques (1976-1996) et <strong>le</strong>s documents d’archives.<br />

1998. Échel<strong>le</strong> : 1/130e. Réalisation : P. Ch<strong>au</strong>prade. Conception : B. Barrière, G. Cantié, L. Ferran. © Cliché Harp<strong>au</strong>.


des COMMUNAUTÉS<br />

MONASTIQUES MON ON S AS ASTI TI TIQU QU S ES Q V S IS O IO IONN NN NNAI AI AIRE RE RES<br />

VISIONNAIRES<br />

D<br />

Des exploitations agrico<strong>le</strong>s en rése<strong>au</strong>, <strong>le</strong>s granges cisterciennes<br />

ans <strong>le</strong> respect de la règ<strong>le</strong> et des statuts cisterciens, <strong>le</strong> monastère doit subvenir à ses propres besoins.<br />

Les moines d’Obazine constituent pour cela un rése<strong>au</strong> d’exploitations agrico<strong>le</strong>s appelées granges.<br />

Ces fermes sont organisées à partir des donations de terres, de vignes, de forêts, d’étangs et des<br />

droits divers qui s’y rattachent. Ces granges sont pour la plupart implantées <strong>dans</strong> un rayon de<br />

ou <strong>dans</strong> <strong>le</strong> h<strong>au</strong>t Quercy, <strong>au</strong>tour de Rocamadour, comme cel<strong>le</strong> des Alix ou de Bonnecoste. Leur installation<br />

<strong>dans</strong> cette région est encouragée par l’abbé de Tul<strong>le</strong> Gér<strong>au</strong>d d’Escorail<strong>le</strong>s. Seu<strong>le</strong>s la grange de La Morinière<br />

où sont mis en va<strong>le</strong>ur <strong>le</strong>s marais salants sur l’Î<strong>le</strong> d’Oléron, et cel<strong>le</strong> de Gr<strong>au</strong><strong>le</strong> sont plus éloignées. La gestion<br />

produisent principa<strong>le</strong>ment des céréa<strong>le</strong>s et y pratiquent <strong>au</strong>ssi l’é<strong>le</strong>vage et la pisciculture. La vigne est parfois<br />

cultivée.<br />

Canal des moines à Aubazine. © Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2043.<br />

Cliché J.-M. Nicita.<br />

Une prouesse technique, la domestication de l’e<strong>au</strong><br />

Église du prieuré de Saint-Angel, XII e -XVI e sièc<strong>le</strong>. Arch. dép. Corrèze, 36 Num 429. © P. Malperut.<br />

Pour <strong>le</strong>s nécessités domestiques et <strong>le</strong>s besoins<br />

agrico<strong>le</strong>s, la maîtrise de l’e<strong>au</strong> est un domaine <strong>dans</strong> <strong>le</strong>quel<br />

<strong>le</strong>s moines cisterciens ont manifesté un grand savoirfaire.<br />

Plusieurs réalisations techniques <strong>au</strong>dacieuses ont<br />

XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s<br />

moines entreprennent la construction d’un canal dit<br />

Le doub<strong>le</strong> site et <strong>le</strong>s aménagements du Coyroux. Carte extraite de Moines en <strong>Limousin</strong>.<br />

L’aventure cistercienne, sous la direction de Bernadette Barrière, Pulim, Limoges, p. 178.<br />

Sa conception et sa réalisation ont, peut-être, été entreprises par des<br />

moines venus de Cîte<strong>au</strong>x. Pour réaliser cet aménagement hydr<strong>au</strong>lique,<br />

ils détournent <strong>le</strong>s e<strong>au</strong>x du Coyroux. Depuis <strong>le</strong> point de capture de l’e<strong>au</strong><br />

jusqu’<strong>au</strong> monastère, <strong>le</strong> canal a une longueur d’environ un kilomètre<br />

et demi. L’e<strong>au</strong> alimente un vivier installé en contrebas de la cuisine du<br />

monastère. El<strong>le</strong> actionne trois moulins construits <strong>le</strong> long du canal. Le<br />

monastère féminin est alimenté par l’e<strong>au</strong> d’une source captée sur <strong>le</strong>s<br />

h<strong>au</strong>teurs du versant opposé de l’étroite vallée, puis conduite par un<br />

aqueduc souterrain jusqu’<strong>au</strong> cloître et à la cuisine du monastère.<br />

Canal des moines à Aubazine. © Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2042. Cliché J.-M. Nicita.<br />

Plusieurs moulins sont construits <strong>le</strong> long du Coyroux ou équipent <strong>le</strong>s granges de l’abbaye. Dans la vallée de la<br />

Tou TTourmente<br />

où sont implantées deux granges d’Obazine, <strong>le</strong>s frères convers <strong>au</strong>raient drainé et asséché la plaine pour la<br />

me mettre en va<strong>le</strong>ur.<br />

Saint-Angel, une des plus anciennes fondations monastiques limousines<br />

Un prieuré de Charroux.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES<br />

IX prend sous sa protection l’abbaye de Charroux et ses biens, dont<br />

conventuel, dirigé par un prieur nommé par l’abbé de Charroux, qui exerçait son <strong>au</strong>torité sur <strong>le</strong>s moines placés sous sa direction.<br />

1657. Le nombre a pu varier, il est inconnu pour <strong>le</strong> <strong>Moyen</strong> Âge.<br />

Les dépendances de Saint-Angel.<br />

Bien que prieuré, Saint-Angel avait sous sa dépendance des églises et d’<strong>au</strong>tres prieurés parmi <strong>le</strong>squels on compte <strong>au</strong> début du<br />

XIV e<br />

Une seigneurie.<br />

Deux seigneuries cohabitaient à Saint-Angel, la seigneurie laïque, exercée par <strong>le</strong>s seigneurs du lieu, notamment Mirambel et<br />

Rochefort. Le prieur de Saint-Angel exerçait des droits seigneuri<strong>au</strong>x sur une partie du bourg et sur la plupart des villages des<br />

paroisses voisines. J.-L. Lemaitre.


Q<br />

des SAINTS ET DES SAINTES,<br />

l’INFLUENCE des RELIQUES<br />

et des PÈLERINAGES<br />

et ddes<br />

es PÈL ÈL È R ER N IN INAGE GE GES A<br />

et<br />

Pè<strong>le</strong>rinage et culte des reliques<br />

la recherche du salut, de l’expiation d’une f<strong>au</strong>te ou d’un mirac<strong>le</strong> de guérison. Ils sont <strong>au</strong>ssi l’expression d’une<br />

pénitence pour <strong>le</strong> pardon des péchés.<br />

Le pè<strong>le</strong>rin chemine vers un sanctuaire où sont conservées <strong>le</strong>s reliques de saints déposées <strong>dans</strong> une châsse ou<br />

ou une sainte voire parfois pour sa statue. La consécration d’un <strong>au</strong>tel n’est possib<strong>le</strong> que si l’église conserve des reliques qui<br />

deviennent essentiel<strong>le</strong>s à son rayonnement.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, de nombreuses châsses ont<br />

été réalisées par <strong>le</strong>s ateliers d’émail<strong>le</strong>urs de la région.<br />

Certaines sont conservées <strong>dans</strong> des églises paroissia<strong>le</strong>s<br />

comme cel<strong>le</strong> de Saint-Martin-de-Tours à Laval-sur-Luzège<br />

ou cel<strong>le</strong> de Saint-Viance. Le pè<strong>le</strong>rinage vers un sanctuaire<br />

renommé assure prestige et source de revenus <strong>au</strong> village,<br />

à la vil<strong>le</strong> et <strong>au</strong>x religieux ou c<strong>le</strong>rcs qui <strong>le</strong> possèdent et<br />

l’entretiennent.<br />

Châsse (<strong>le</strong>s rois mages) conservée <strong>dans</strong> l’église<br />

paroissia<strong>le</strong> de Saint-Martin-de-Tours à Laval-sur-Luzège,<br />

XIII e sièc<strong>le</strong>. © Région <strong>Limousin</strong>, inventaire général du patrimoine<br />

culturel, P. Rivière, 1995.<br />

-<br />

ment du culte marial et peuvent acquérir une renommée<br />

européenne. Au XII e sièc<strong>le</strong>, sous l’impulsion des abbés de<br />

Tul<strong>le</strong>, seigneurs du lieu depuis <strong>le</strong> X e sièc<strong>le</strong>, Rocamadour, lieu<br />

de culte marial, attire ainsi <strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rins de toute l’Europe.<br />

Le <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> est à l’écart des quatre grandes<br />

voies de pè<strong>le</strong>rinage vers Saint-Jacques-de-Compostel<strong>le</strong><br />

<strong>au</strong> XII e<br />

chemins de la région.<br />

Les chemins de Saint-Jacques<br />

Des éléments architectur<strong>au</strong>x témoignent<br />

de ce pè<strong>le</strong>rinage en <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> et des liens<br />

d’individus ou d’institutions ecclésiastiques<br />

avec <strong>le</strong> sanctuaire ibérique. Le symbo<strong>le</strong><br />

emblématique du pè<strong>le</strong>rinage à Compostel<strong>le</strong>, la<br />

coquil<strong>le</strong>, est représenté sur un chapite<strong>au</strong> de la<br />

cathédra<strong>le</strong> de Tul<strong>le</strong>. D’<strong>au</strong>tres éléments sculptés<br />

ornent <strong>le</strong>s croix comme cel<strong>le</strong> de Saint-Jacques à<br />

Brive ou cel<strong>le</strong> de Ma<strong>le</strong>mort. Les détails sculptés<br />

du bénitier du XIII e sièc<strong>le</strong> de l’église de Lanteuil<br />

évoquent <strong>au</strong>ssi <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rinage.<br />

La présence de statues de saint Jacques,<br />

est un <strong>au</strong>tre signe de la popularité acquise par<br />

<strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rinage à Compostel<strong>le</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s paroisses<br />

limousines. Des chapel<strong>le</strong>s comme cel<strong>le</strong>s de la<br />

Plantade à Bort, de Saint-Jacques à Ch<strong>au</strong>meil,<br />

ou encore, <strong>dans</strong> la cité de Tul<strong>le</strong>, la chapel<strong>le</strong><br />

Saint-Jacques <strong>au</strong>trement désignée Notre-Dame<br />

de Montre-Chemin, rappel<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> passage des<br />

pè<strong>le</strong>rins.<br />

Des hôpit<strong>au</strong>x et des maladreries*, comme<br />

à Tul<strong>le</strong> ou à Lubersac, des <strong>au</strong>berges comme <strong>le</strong><br />

relais de Saint-Jacques à l’Habitarel<strong>le</strong> de Gimel,<br />

jalonnent <strong>au</strong>ssi <strong>le</strong>s chemins vers Compostel<strong>le</strong>.<br />

Un sanctuaire de pè<strong>le</strong>rinage à l’origine d’une vil<strong>le</strong> :<br />

Saint-Martin de Brive<br />

Un lieu de culte paléochrétien <strong>au</strong>tour du sanctuaire de Martin l’Espagnol est à l’origine du développement<br />

du bourg qui devint <strong>le</strong> noy<strong>au</strong> historique de la vil<strong>le</strong> de Brive. Des récits composés <strong>au</strong> XVII e sièc<strong>le</strong><br />

racontent la vie de ce nob<strong>le</strong> missionnaire originaire d’Espagne, né<br />

vers l’an 365, devenu discip<strong>le</strong> de Martin de Tours. Il se serait arrêté<br />

à Savignac, en Périgord, où on l’<strong>au</strong>rait initié <strong>au</strong> christianisme, puis<br />

il <strong>au</strong>rait été martyrisé à Brive, en 407, <strong>au</strong> moment où il tentait de<br />

détruire l’<strong>au</strong>tel d’un culte païen.<br />

Collégia<strong>le</strong> Saint-Martin de Brive-la-Gaillarde, XII e -XIV e sièc<strong>le</strong>s.<br />

Brive Magazine. © S. Marchou.<br />

martyr. L’évêque de Limoges saint Rorice 1 er <strong>au</strong>rait fait é<strong>le</strong>ver sur <strong>le</strong>s<br />

lieux mêmes de l’ancien temp<strong>le</strong> un oratoire commémoratif en 495.<br />

du VI e sièc<strong>le</strong>, mais <strong>au</strong>cune chronique ancienne n’évoque son martyr.<br />

Sur sa tombe, située <strong>dans</strong> la nécropo<strong>le</strong>, se produisent des mirac<strong>le</strong>s,<br />

si bien que l’on y construit une basilique <strong>au</strong> VI e sièc<strong>le</strong>. Aux a<strong>le</strong>ntours<br />

de l’an mil, <strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rinages sur <strong>le</strong> tombe<strong>au</strong> de saint Martin sont en<br />

p<strong>le</strong>in essor. Le culte est entretenu par une commun<strong>au</strong>té canonia<strong>le</strong><br />

XI e sièc<strong>le</strong>. Á la suite de<br />

la réforme grégorienne, la commun<strong>au</strong>té adopta la règ<strong>le</strong> de saint<br />

Augustin.<br />

Les chemins de Saint-Jacques-de-Compostel<strong>le</strong> en France et en Espagne. Arch. dép. Corrèze, 1 Fi 499.<br />

© René de La Coste-Messelière. Centre d’études compostellanes, Paris.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES<br />

Châsse de saint Viance conservée <strong>dans</strong> l’église paroissia<strong>le</strong> de Saint-Viance,<br />

XIII e<br />

© Région <strong>Limousin</strong>, inventaire général du patrimoine culturel, P. Rivière, 1995.


des SAINTS ET DES SAINTES,<br />

l’INFLUENCE des RELIQUES<br />

et des PÈLERINAGES<br />

et ddes<br />

es PÈL ÈL È R ER N IN INAGE GE GES A<br />

et<br />

Vierge noire de Rocamadour.<br />

© Cliché N. Blaya. Conseil général du Lot. Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2026.<br />

Au XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rinage à Rocamadour devient régulier et prend même une dimension<br />

européenne. Son importance s’accroît après 1166 avec la découverte du corps de l’ermite<br />

Amadour, inhumé près de l’<strong>au</strong>tel de l’église, à travers <strong>au</strong>ssi la dévotion rendue à la statue de la<br />

des libérations de prisonniers et des s<strong>au</strong>vetages de bate<strong>au</strong>x. Une petite cloche en fer forgé,<br />

d’abord suspendue <strong>dans</strong> l’oratoire puis sur un mur extérieur, avait <strong>le</strong> pouvoir de s’agiter toute<br />

seu<strong>le</strong> pour a<strong>le</strong>rter d’un danger de n<strong>au</strong>frage. Les marins rescapés venaient déposer des exvoto,<br />

de petits navires, en reconnaissance à la Vierge pour <strong>le</strong>s avoir s<strong>au</strong>vés. Les condamnés<br />

symboliques qu’ils portent en entrant <strong>dans</strong> l’oratoire.<br />

À partir de 1172, un registre, <strong>le</strong><br />

livre<br />

des mirac<strong>le</strong>s, est rédigé pour<br />

enre enregistrer tous <strong>le</strong>s faits miracu<strong>le</strong>ux<br />

attr attribués à la Vierge. Il est écrit par<br />

un<br />

moine de Rocamadour resté<br />

ano anonyme, à la demande de l’abbé<br />

de<br />

Tul<strong>le</strong>, Gér<strong>au</strong>d d’Escorail<strong>le</strong>s (1152-<br />

11 1188) <strong>dans</strong> un but de promotion<br />

du<br />

pè<strong>le</strong>rinage. Plusieurs copies<br />

du<br />

manuscrit ont été retrouvées,<br />

Mirac<strong>le</strong>s de Notre-Dame de Rocamadour, XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 17491, fol. 104v. © BnF, Paris.<br />

Les abbés de Tul<strong>le</strong>, bienfaiteurs et promoteurs de Notre-Dame de Rocamadour<br />

ien plus encore, <strong>le</strong>s abbés de Tul<strong>le</strong> ont établis des relations étroites entre <strong>le</strong>ur cité, Rocamadour et l’Espagne.<br />

L’église et son monastère relèvent des abbés de Saint-Martin de Tul<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong> xe qui <strong>le</strong>s oppose <strong>au</strong>x abbés de Marcillac en Quercy pour la possession du lieu s’éteint en 1193 après <strong>le</strong> renoncement<br />

de l’abbé du lieu.<br />

Rocamadour n’est pas citée avant <strong>le</strong> XII e B<br />

sièc<strong>le</strong>, période <strong>au</strong> cours de laquel<strong>le</strong> Èb<strong>le</strong>s de Turenne, prieur du monastère Saint-<br />

Martin de Tul<strong>le</strong>, développe <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rinage vers ce sanctuaire marial. Depuis Bénévent-L’abbaye, un itinéraire qui passe par<br />

Treignac, Ch<strong>au</strong>meil, Tul<strong>le</strong>, Aubazine, Collonges facilite la venue des pè<strong>le</strong>rins venant du nord.<br />

quelques-uns q<br />

des 126 récits, des<br />

aallusions<br />

indiquent que <strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rins<br />

dde<br />

saint Jacques connaissaient <strong>le</strong><br />

ssanctuaire.<br />

Les liens de la cité de Tul<strong>le</strong> avec <strong>le</strong> sanctuaire de Saint-Jacques<br />

sont renforcés en 1181. En reconnaissance de la protection et des<br />

soins accordés <strong>au</strong>x pè<strong>le</strong>rins de passage à Tul<strong>le</strong>, <strong>le</strong> roi de Castil<strong>le</strong>,<br />

Alphonse VIII, donne à l’abbé de Tul<strong>le</strong>, Gér<strong>au</strong>d d’Escorail<strong>le</strong>s qui a<br />

quatre <strong>au</strong>tres entre 1217 et 1318, apparaît <strong>dans</strong> <strong>le</strong> cartulaire* de Tul<strong>le</strong>.<br />

Les prélats* de Tul<strong>le</strong> possèdent désormais des étapes sur la route qui<br />

mène <strong>au</strong> sanctuaire de Galice. Jusqu’<strong>au</strong> xive sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> prieur du village<br />

d’Hornillos est un c<strong>le</strong>rc de l’abbaye de Tul<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s moines y fondent<br />

un hôpital de Notre-Dame-de-Rocamadour. Ainsi, <strong>le</strong>s propriétés,<br />

avantages et privilèges acquis par <strong>le</strong>s abbés et évêques de la cité<br />

prouvent l’importance du mouvement « jacquet » à Tul<strong>le</strong>.<br />

La popularité du culte de Notre-Dame de Rocamadour <strong>dans</strong> la péninsu<strong>le</strong> ibérique est <strong>au</strong>ssi associée à la Reconquista et<br />

notamment à la victoire des chrétiens à Las Navas de Tolosa en 1212. Le déploiement d’un étendard à l’image de la Vierge<br />

quercynoise par des chevaliers limousins qui participent à la batail<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur <strong>au</strong>rait permis de l’emporter.<br />

Chapel<strong>le</strong> de la vierge à Rocamadour. © Cliché N. Blaya. Conseil général du Lot. Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2025.<br />

Les pè<strong>le</strong>rins, avant de quitter Rocamadour, achètent une enseigne de pè<strong>le</strong>rinage,<br />

une sportel<strong>le</strong>, sorte de médail<strong>le</strong> en plomb, en étain ou en argent à l’image de la Vierge<br />

miracu<strong>le</strong>use.<br />

Comme <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s grands sanctuaires,<br />

<strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rins achètent des insignes<br />

qu’ils cousent ensuite sur <strong>le</strong>urs<br />

mante<strong>au</strong>x. Ils montrent ainsi <strong>le</strong>s<br />

étapes de <strong>le</strong>ur pè<strong>le</strong>rinage.<br />

L’ÉGLISE et la STRUCTURATION<br />

des TERRITOIRES<br />

XIII e -début XIV e sièc<strong>le</strong>, à<br />

Notre-Dame-de-Rocamadour.<br />

Musée National du <strong>Moyen</strong> Âge - Thermes de Cluny. © RMN.


une PERCEPTION RELIGIEUSE<br />

et SPIRITUELLE du MONDE<br />

et SPI PI PIRI RI RITU TU TUEL EL ELLE LE du d MON ON ONDE DE<br />

et<br />

Mappemonde révélant la vision symbolique du monde <strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge.<br />

Commentaire de l’Apocalypse, dit Beatus d’Arroyo. – Castil<strong>le</strong>, XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Provenance : Saint-André-d’Arrroyo. Bibl. nat. Fr., Mss, lat. 2290, fol. 13v et 14. © BnF, Paris.<br />

La paroisse, un espace familier mais discontinu, hétérogène et polarisé<br />

son échel<strong>le</strong> l’organisation de la chrétienté et son unité spirituel<strong>le</strong>. Le risque d’être<br />

rejeté de la cellu<strong>le</strong> paroissia<strong>le</strong> (banni), ou d’être exclu (excommunié), même<br />

pour <strong>le</strong>s hommes de ce temps. Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, la plupart des serfs, vilains<br />

ou petits artisans sortent rarement et brièvement de <strong>le</strong>urs paroisses rura<strong>le</strong>s, <strong>au</strong><br />

contraire des seigneurs et d’une partie du c<strong>le</strong>rgé. Les déplacements sur de longues<br />

distances doivent être motivés, notamment par la croisade ou <strong>le</strong>s pè<strong>le</strong>rinages.<br />

Une U perception ti concentrique t i de d l’espace l’ paroissial i i l <strong>dans</strong> d <strong>le</strong> l <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> B Li i médiéval, édié l<br />

qui met en relief l’importance de l’église principa<strong>le</strong> et de son cimetière.<br />

D’après J. <strong>Bas</strong>chet ; conception et réalisation, I. Tail<strong>le</strong>fer.<br />

L<br />

Une vision symbolique du Monde<br />

<strong>au</strong>rait été inconcevab<strong>le</strong> <strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge.<br />

véhiculée par l’Église. El<strong>le</strong> domine et façonne dès lors l’imaginaire et <strong>le</strong>s<br />

mentalités occidenta<strong>le</strong>s, en élaborant une interprétation fondée sur <strong>le</strong>s textes sacrés<br />

(Bib<strong>le</strong>, Évangi<strong>le</strong>s) et sur <strong>le</strong>s commentaires qui en ont été faits par <strong>le</strong>s pères et docteurs<br />

de l’Église, <strong>le</strong>s théologiens*. Dans cette <strong>le</strong>cture, <strong>le</strong>s êtres et <strong>le</strong>s choses trouvent une<br />

place voulue par Dieu et, de ce fait, immuab<strong>le</strong>. Les hommes n’ont pas à observer <strong>le</strong><br />

monde, mais à <strong>le</strong> contemp<strong>le</strong>r, pour s’émerveil<strong>le</strong>r devant la perfection de la Création<br />

divine. Il paraît alors plus essentiel de savoir quel sens religieux attribuer <strong>au</strong>x choses et<br />

<strong>au</strong>x êtres que de comprendre comment ces derniers fonctionnent.<br />

La perception des espaces décou<strong>le</strong> <strong>au</strong>ssi de cette vision du monde, ce que montrent<br />

XII e sièc<strong>le</strong> <strong>au</strong><br />

moins, <strong>le</strong> paradis terrestre, constituent <strong>le</strong>s seuls repères cartographiques importants<br />

<strong>au</strong> yeux du chrétien. Seul <strong>le</strong> monde habité est représenté, car l’homme donne son sens<br />

à l’univers <strong>dans</strong> la relation qu’il nourrit avec Dieu. La terre est ronde, <strong>le</strong> fait est connu,<br />

mais négligeab<strong>le</strong>, tant la réalité symbolique prime sur une réalité physique moins<br />

Commune de Saint-Salvadour. Échel<strong>le</strong>, 1/25 000. Carte IGN n° 2133 est Treignac/Seilhac.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, <strong>le</strong> territoire paroissial semb<strong>le</strong> opposer un espace proche et<br />

des espaces perçus comme plus lointains et moins maîtrisés. Le premier est caractérisé<br />

par un h<strong>au</strong>t degré de sacralité et un meil<strong>le</strong>ur sentiment de sécurité en raison de la<br />

spirituel<strong>le</strong> décroît <strong>au</strong> fur et à mesure que l’on s’éloigne du cœur religieux et social de<br />

son de la cloche de l’église paroissia<strong>le</strong>.<br />

L’espace paroissial apparaît <strong>au</strong> <strong>Moyen</strong> Âge « discontinu, hétérogène et polarisé ».<br />

Discontinu, car seuls certains lieux sont pris en compte, en raison de la va<strong>le</strong>ur positive ou<br />

polarisé, car <strong>le</strong>s seigneurs ecclésiastiques ou laïcs déterminent par <strong>le</strong>ur présence des<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS


une PERCEPTION RELIGIEUSE<br />

et SPIRITUELLE du MONDE<br />

et SPIRITUELLE du d MONDE<br />

et<br />

L’espace paroissial et sa symbolique religieuse<br />

n raison de l’importance accrue que lui accorde <strong>le</strong> dogme, l’église paroissia<strong>le</strong><br />

devient à partir du XI principe cipe de <strong>le</strong>ttrine E<br />

e sièc<strong>le</strong> <strong>le</strong> pô<strong>le</strong> géographique et mental de la paroisse. El<strong>le</strong><br />

représente tout à la fois <strong>le</strong> point d’ancrage du village, un lieu éminemment<br />

saintes reliques conservées <strong>dans</strong> <strong>le</strong>urs châsses (Chamberet, Lap<strong>le</strong><strong>au</strong>, Gimel…). Le<br />

chœur, la nef, <strong>le</strong>s chapel<strong>le</strong>s latéra<strong>le</strong>s accueil<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s dépouil<strong>le</strong>s de personnages saints<br />

ou éminents. Lieux d’asi<strong>le</strong>, nombre d’églises paroissia<strong>le</strong>s du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> deviennent<br />

XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> cimetière marque la continuité entre <strong>le</strong>s générations qui<br />

se succèdent <strong>au</strong> village. Les discussions, <strong>le</strong>s rendez-vous, <strong>le</strong>s serments et <strong>le</strong>s échanges<br />

commerci<strong>au</strong>x s’y dérou<strong>le</strong>nt, <strong>dans</strong> la proximité des ancêtres et du lieu de culte. Les ifs ou<br />

des chênes, symbo<strong>le</strong>s de la vie éternel<strong>le</strong>, plantés par <strong>le</strong>s évangélisateurs (if de Vigeois)<br />

ou <strong>le</strong>ur successeurs, accentuent l’idée de continuité entre <strong>le</strong>s vivants et <strong>le</strong>s morts qui<br />

Peu à peu, l’Église individualise la terre des morts par des enclos et tente d’y<br />

limiter <strong>le</strong>s activités considérées comme profanes. Une lanterne des morts, qui peut<br />

<strong>au</strong>ssi symboliser la résurrection à venir, veil<strong>le</strong> jour et nuit <strong>le</strong>s défunts séparés de la<br />

commun<strong>au</strong>té à partir du XII e sièc<strong>le</strong>, <strong>dans</strong> l’attente du jugement dernier. La sacralité du<br />

cimetière change ainsi de nature et se renforce.<br />

La paroisse : un espace structuré par <strong>le</strong>s perceptions religieuses.<br />

Propositions pour une approche de l’espace perçu <strong>dans</strong> une paroisse rura<strong>le</strong> du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, à la charnière des XII e et XIII e sièc<strong>le</strong>s.<br />

Conception et réalisation, I. Tail<strong>le</strong>fer.<br />

Les territoires <strong>le</strong>s plus sacrés, qui apportent<br />

la sécurité de l’âme : église paroissia<strong>le</strong> et<br />

cimetière, cloche.<br />

Des lieux marqués par la présence<br />

d’arbres porteurs d’une forte symbolique<br />

chrétienne : if, til<strong>le</strong>ul, chêne quand il<br />

symbolise la justice.<br />

Les espaces resacralisés tous <strong>le</strong>s ans ou<br />

tous <strong>le</strong>s 7 ans par des processions et<br />

des espaces proches des villages, ou<br />

caractérisés par la présence de bonnes<br />

fontaines, de chapel<strong>le</strong>s, d’oratoires, qui se<br />

situent à des degrés de sacralité variab<strong>le</strong>s<br />

selon <strong>le</strong>ur saint patron.<br />

Les monastères et <strong>le</strong>s abords des églises<br />

abbatia<strong>le</strong>s ou prieura<strong>le</strong>s sont des pô<strong>le</strong>s<br />

de sacralité, qui rayonnent et attirent <strong>le</strong>s<br />

populations.<br />

Les croix de carrefour ancrent la présence<br />

divine, <strong>dans</strong> des lieux particulièrement<br />

précaires pour l’âme du chrétien. Ce sont<br />

des pô<strong>le</strong>s de recours à Dieu, qui sont <strong>au</strong>ssi<br />

des lieux d’asi<strong>le</strong>, réputés protéger des<br />

dangers physiques. Des croix sécurisent <strong>le</strong>s<br />

h<strong>au</strong>teurs, où <strong>le</strong>s dolmens sont christianisés<br />

par des croix.<br />

Le châte<strong>au</strong>, une zone potentiel<strong>le</strong>ment<br />

dangereuse, si <strong>le</strong> seigneur du lieu ne suit<br />

pas <strong>le</strong>s préceptes de l’Église. À l’inverse, ce<br />

peut être un lieu de refuge lors d’attaques<br />

de la seigneurie, et <strong>le</strong> châte<strong>au</strong> comporte<br />

une chapel<strong>le</strong> castra<strong>le</strong>.<br />

Le gibet, <strong>le</strong>s carrefours, <strong>le</strong>s passages à<br />

gué où <strong>le</strong>s ponts sont des zones où <strong>le</strong><br />

diab<strong>le</strong> est censé se manifester de manière<br />

préférentiel<strong>le</strong>.<br />

Montagne, lieu négatif.<br />

Église Saint-Martin à Soudeil<strong>le</strong>s et enclos du cimetière accolé, <strong>au</strong>jourd’hui partiel<strong>le</strong>ment devenu jardin, XII e sièc<strong>le</strong>.<br />

© Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2007 (4). Cliché, J.-M. Nicita.<br />

hérésies. L’église veil<strong>le</strong> de ce fait à ce que l’espace paroissial soit ponctué de lieux et d’objets fortement<br />

symboliques, <strong>dans</strong> <strong>le</strong>squels <strong>le</strong>s chrétiens puissent trouver un ancrage et un réconfort spirituel. On<br />

construit des oratoires et des chapel<strong>le</strong>s là où de saints ermites ont vécu, mais <strong>au</strong>ssi à proximité de<br />

niches, creusées à même <strong>le</strong>s rochers ou <strong>le</strong>s arbres. Ces édicu<strong>le</strong>s constituent <strong>au</strong>tant de pô<strong>le</strong>s dispersés,<br />

qui rayonnent de sacré sur <strong>le</strong>s espaces a<strong>le</strong>ntours et <strong>le</strong>s hommes qui s’en approchent.<br />

Zones densément boisées, marécages,<br />

lieux froids et humides qui constituent des<br />

lieux négatifs.<br />

Espaces perçus alternativement de<br />

manière positive ou négative : voie de<br />

circulation de long parcours ou route<br />

conduisant <strong>au</strong>x châte<strong>au</strong>x, qui peuvent<br />

<strong>au</strong>ssi bien amener des pè<strong>le</strong>rins, des<br />

marchands que des armées ennemies.<br />

Dans <strong>le</strong> <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>, <strong>le</strong>s villages sont<br />

rarement directement implantés sur ces<br />

voies pour cette raison, mais plutôt à un<br />

kilomètre de distance environ.<br />

Voies considérées comme connues et<br />

sûres sur <strong>le</strong> plan spirituel et matériel.<br />

Espaces intermédiaires caratérisés <strong>au</strong>ssi<br />

par la discontinuité et l’expression d’une<br />

gradation du sacré. Lieux où la perception<br />

du sacré peut varier plus rapidement<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong> temps, et dépend surtout de la<br />

catégorie socia<strong>le</strong> à laquel<strong>le</strong> appartient la<br />

personne concernée.<br />

L’implantation d’objets sacrés permet <strong>au</strong>ssi de réintégrer <strong>dans</strong><br />

l’espace uti<strong>le</strong> des lieux perçus comme dangereux pour <strong>le</strong> corps ou<br />

<strong>le</strong>s croisées de chemin. Les représentations des saints, <strong>le</strong>s croix de<br />

carrefour <strong>au</strong>xquel<strong>le</strong>s on adresse des prières passent pour repousser<br />

Croix de carrefour incomplète <strong>au</strong> lieu-dit La N<strong>au</strong>codie,<br />

commune de Bonnefond, XIV e sièc<strong>le</strong>.<br />

Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2054. © Cliché I. Tail<strong>le</strong>fer.<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS


NAÎTRE, VIVRE<br />

et MOURIR<br />

<strong>dans</strong> la SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE<br />

da d ns la a SOC OC OCIÉ IÉ IÉTÉ TÉ CHR HR HRÉT ÉT É IE IENN NN NNE<br />

da<br />

principe cipe de <strong>le</strong>ttrine E<br />

« Nous, Jehan, par la grâce de Dieu évêque de Tul<strong>le</strong>… Le vingt-sixième jour<br />

La grâce fait référence <strong>au</strong> temps accordé par Dieu <strong>au</strong>x chrétiens.<br />

L’histoire des Hommes : de la Genèse <strong>au</strong> Jugement dernier<br />

n venant <strong>au</strong> monde, <strong>le</strong> chrétien intègre à la fois <strong>le</strong> temps humain et <strong>le</strong> temps divin. Le temps de Dieu, ou temps théologique*, décrit par <strong>le</strong>s écritures saintes,<br />

création du monde en six jours, pour s’achever avec <strong>le</strong> Jugement dernier. L’âge d’or, la période heureuse pour l’homme, se situe donc <strong>dans</strong> un passé biblique, avant<br />

qu’Adam et Ève ne soient rejetés du paradis terrestre. Dans <strong>le</strong> cloître de Tul<strong>le</strong>, <strong>dans</strong> l’église d’Obazine comme <strong>dans</strong> de nombreuses <strong>au</strong>tres églises, <strong>le</strong>s chapite<strong>au</strong>x ornés<br />

Paradis<br />

Bien / Lumière / Cé<strong>le</strong>ste<br />

Mal / Sombre / Souterrain<br />

Enfer<br />

Conception et réalisation, I. Tail<strong>le</strong>fer.<br />

Quittance de l’évêque de Tul<strong>le</strong>, 26 janvier 1437 [n.st.].<br />

Il est évident pour tous que <strong>le</strong>s temps ne font que se dégrader jusqu’<strong>au</strong> futur dominé par <strong>le</strong><br />

Jugement dernier, <strong>au</strong>quel on aspire mais qu’on redoute toutefois, en raison des cataclysmes censés<br />

accompagner <strong>le</strong> retour de Jésus Christ sur la Terre (Parousie*). Ce Jugement dernier doit aboutir à la<br />

séparation des élus qui goûteront <strong>le</strong> paradis pour l’éternité et des réprouvés que l’enfer attend pour<br />

la même durée, ainsi que <strong>le</strong> montre <strong>le</strong> tympan de Be<strong>au</strong>lieu-sur-Dordogne. La perspective d’une vie ou<br />

d’un châtiment éternel conditionne <strong>le</strong>s perceptions temporel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s comportements quotidiens et<br />

religieux.<br />

Détail du tombe<strong>au</strong> de saint Étienne d’Obazine, XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

<strong>le</strong> monde cé<strong>le</strong>ste,<br />

horizon des chrétiens à<br />

l’heure du Jugement dernier<br />

<strong>le</strong> monde terrestre<br />

Le<br />

Christ<br />

juge<br />

fait<br />

<strong>le</strong> lien<br />

<strong>le</strong> monde terrestre<br />

L’enfer : monde souterrain<br />

n<br />

Monstres dévorants et chaos<br />

La plupart des actes, y compris laïcs et profanes, débutent par une invocation :<br />

Domini, Amen. Anno Incarnationis eiusdem mil<strong>le</strong>simo trecentesimo sexagesimo…]<br />

Une flore à la fois loca<strong>le</strong> et symbolique est omniprésente<br />

<strong>dans</strong> l’ornementation des églises du <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong>.<br />

Les chrétiens pensent que <strong>le</strong> temps appartient p<strong>le</strong>inement à Dieu et que ce dernier <strong>le</strong><br />

font donc constamment référence à cette situation, que ce soit <strong>dans</strong> <strong>le</strong>urs écrits ou <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s<br />

expressions quotidiennes.<br />

– d’utiliser <strong>le</strong> temps reste la prière pratiquée par <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs et <strong>le</strong>s moines. Des concessions sont<br />

faites car l’homme a besoin d’assurer sa survie. Le travail manuel symbolise cet éloignement<br />

nécessaire qui rappel<strong>le</strong> <strong>au</strong>ssi l’exclusion de l’homme du paradis et son insertion <strong>dans</strong> la<br />

brutalité d’un temps qui passe. Ainsi, d’une manière généra<strong>le</strong>, <strong>le</strong> temps semb<strong>le</strong> perçu avant<br />

tout comme un espace ce <strong>dans</strong> <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>que <strong>le</strong> chrétien chemine en direction de Dieu, en suivant un<br />

itinéraire spirituel.<br />

Vente par Foulque de Mer<strong>le</strong> à Bertrand de Vayrac d’un d’une ne<br />

partie de ses héritages <strong>au</strong> châte<strong>au</strong> de Mer<strong>le</strong>, 15 fév ffévrier riier<br />

1361 [n.st.].<br />

Le tympan de be<strong>au</strong>lieu-sur-Dordogne, expression<br />

Tympan T de<br />

l’église ’ abbatia<strong>le</strong><br />

à Be<strong>au</strong>lieu-sur-Dordog Be<strong>au</strong>lieu-sur-Dordogne ne : <strong>le</strong> l<strong>le</strong> Jugeme Jugement nt dernier.<br />

Arch. dép. Corrèze, 2 Fi 4501. Cliché J.-F. Amelot.<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS


NAÎTRE, VIVRE<br />

et MOURIR<br />

<strong>dans</strong> la SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE<br />

da d ns la a SOC OC OCIÉ IÉ IÉTÉ TÉ CHR HR HRÉT ÉT É IE IENN NN NNE<br />

da<br />

principe cipe de <strong>le</strong>ttrine E<br />

L’Église, intermédiaire entre profane et sacré<br />

Sce<strong>au</strong>x sur doub<strong>le</strong> queue appendus à un contrat de promesse de mariage de <strong>le</strong>urs enfants mineurs passé entre<br />

Cliché J.-M. Nicita.<br />

ntre <strong>le</strong>s XI e et XIV e sièc<strong>le</strong>s, l’Église se pose en intermédiaire entre <strong>le</strong> temps divin et <strong>le</strong> temps des hommes, instituant des normes temporel<strong>le</strong>s qui enserrent<br />

un vieillard prêt à « remettre son âme à Dieu ». Le chrétien est donc invité à suivre un chemin tout tracé, de la naissance à la mort.<br />

Les c<strong>le</strong>rcs s’insinuent <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s actes du quotidien et <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s cérémonies qui ne demandaient pas à<br />

l’origine <strong>le</strong>ur présence, comme <strong>le</strong> mariage, qui devient un sacrement à partir de 1152. La référence religieuse<br />

est <strong>au</strong>ssi nécessaire <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s actes écrits qui ponctuent la vie du chrétien fortuné : promesses de mariage,<br />

contrats de mariage, donations, testaments, que <strong>le</strong> sce<strong>au</strong> d’un évêque ou d’un abbé vient parfois so<strong>le</strong>nniser<br />

plus encore.<br />

La présence d’un ecclésiastique<br />

donne d un caractère sacré à un acte<br />

profane. p Il en garantit la bonne foi<br />

et lui donne une permanence<br />

inhabituel<strong>le</strong> i<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong>s actes passés<br />

uniquement entre laïcs.<br />

Ce chapite<strong>au</strong> offre<br />

plusieurs nive<strong>au</strong>x de <strong>le</strong>cture :<br />

une explication des textes sacrés<br />

ou une affirmation du rô<strong>le</strong><br />

d’encadrement<br />

de la société par <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé.<br />

Détail du gisant de l’église Saint-Martin à Soudeil<strong>le</strong>s. Moine en<br />

prière, XIV e sièc<strong>le</strong>. © Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2010 (14). Cliché J.-M. Nicita.<br />

Remise de la clé du paradis à saint Pierre. Église Saint-Pierre à Lasc<strong>au</strong>x.<br />

Arch. dép. Corrèze, 2 Fi 4497. © Cliché J.-F. Amelot.<br />

Le temps cyclique de l’année liturgique<br />

doit conforter la foi des chrétiens<br />

grâce à des rituels qui constituent <strong>le</strong>s<br />

étapes répétées d’une vie régulière. Les<br />

célébrations principa<strong>le</strong>s sont disposées<br />

de manière à rythmer l’année par des<br />

ponctuations fortes : Noël, la circoncision<br />

de Jésus (1er janvier) et <strong>le</strong>s Rois (6 jan-<br />

(date variab<strong>le</strong>) ; l’Ascension (40 jours après<br />

Pâques) ; la Pentecôte (50 jours après<br />

Pâques) ; la Toussaint (1er novembre) et<br />

<strong>le</strong> jour des morts (2 novembre). Il f<strong>au</strong>drait<br />

<strong>au</strong>ssi ajouter la Saint Jean (21 juin) et la<br />

Saint Michel.<br />

Aux fêtes prescrites par la liturgie*<br />

commune s’ajoute <strong>le</strong> culte des saints<br />

propres à chaque paroisse. Plus d’une<br />

centaine de jours par an devaient être<br />

chômés, sans que l’on sache <strong>dans</strong> quel<strong>le</strong><br />

mesure ces prescriptions étaient suivies.<br />

Le dimanche se doit de rester pour<br />

tous un temps de prière, quoique très<br />

prières et <strong>le</strong>s cloches de l’angélus <strong>le</strong> matin, à midi et <strong>le</strong> soir. Les moines suivent pour <strong>le</strong>ur part<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS


<strong>le</strong>s CINQ SENS et <strong>le</strong> SACRÉ,<br />

la MATIÈRE <strong>au</strong> SERVICE<br />

de la SPIRITUALITÉ<br />

de d la a SPI PI PIRI RI RITUAL AL ALIT IT ITÉ U<br />

de<br />

Pour <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs du <strong>Moyen</strong> Âge, l’esprit et la matière sont complémentaires et tous deux<br />

nécessaires <strong>au</strong> chrétien qui souhaite revenir <strong>au</strong> cœur de la Création, <strong>au</strong> paradis, <strong>au</strong> plus près de<br />

L’ouïe et la musique divine : une quête de l’harmonie universel<strong>le</strong><br />

L<br />

Cloche en bronze de l’église Saint-Pierre à Sarran, 1493.<br />

Arch. dép. Corrèze, 2 Fi 1897. © Cliché J.-F. Amelot.<br />

Peintures monumenta<strong>le</strong>s de la sal<strong>le</strong> capitulaire de la cathédra<strong>le</strong> Notre-Dame à Tul<strong>le</strong>, XIV e sièc<strong>le</strong>. Col<strong>le</strong>ction Musée du cloître à Tul<strong>le</strong>.<br />

© <strong>Archives</strong> départementa<strong>le</strong>s de la Corrèze, cliché J.-M. Nicita.<br />

Les intérieurs des églises sont donc des symphonies de cou<strong>le</strong>urs,<br />

religieux sont habillés de bois sculpté, de fresques, de tissus, d’orfèvreries,<br />

selon <strong>le</strong>s heures et <strong>le</strong>s saisons. Les cierges créent des îlots lumineux de<br />

cou<strong>le</strong>urs, sur <strong>le</strong>s ornements tissés d’or. Tout est fait pour que <strong>le</strong>s yeux<br />

s’élèvent vers <strong>le</strong>s voûtes où trône la Vierge en majesté ou un Christ en<br />

gloire. La sobriété des églises cisterciennes, qui veu<strong>le</strong>nt revenir à l’essentiel,<br />

tout <strong>au</strong>x moines instruits, <strong>au</strong> contraire des décors des <strong>au</strong>tres églises.<br />

‘Univers est musique (musica mundana), <strong>au</strong> sens où <strong>le</strong> mot musique évoque <strong>le</strong><br />

rapport idéal entre <strong>le</strong>s corps cé<strong>le</strong>stes, ou la musique des anges qui chantent la<br />

perfection de la Création. L’ouïe est pour cette raison un sens privilégié, et la voix<br />

<strong>le</strong> moyen qui permet <strong>au</strong> mieux d’approcher la musique des anges.<br />

que nt, notamment grégorien, contribue à maintenir l’équilibre originel voulu par<br />

Dieu chants polyphoniques élaborés par <strong>le</strong>s bénédictins à l’abbaye Saint-Martial de<br />

laïcs ne n s<strong>au</strong>raient se dispenser des chants religieux, s’ils veu<strong>le</strong>nt é<strong>le</strong>ver <strong>le</strong>ur âme. La musique<br />

instrumenta<strong>le</strong> instruum<br />

m ne vient qu’<strong>au</strong> second plan et ne tolère que <strong>le</strong>s instruments à vent et <strong>le</strong>s<br />

S’y S’yy<br />

ajoutent a parfois des lyres et des psaltérions* représentés <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s mains des anges<br />

Inscription en <strong>le</strong>ttres gothiques :<br />

« XPS VINCIT, XPS REGNAT, XPS IMPERAT. XPS AB OMNI MALO NOS DEFENDAT. L’AN MIL CCCC IIII XX III » ;<br />

« que <strong>le</strong> Christ soit vainqueur, que <strong>le</strong> Christ règne sur <strong>le</strong> monde. Que <strong>le</strong> Christ nous protège de tous <strong>le</strong>s m<strong>au</strong>x ».<br />

L’adoration des Rois Mages. Broderie en opus anglicanum, XIV e sièc<strong>le</strong>. Provenance<br />

supposée : abbaye Saint-Martin de Tul<strong>le</strong>. Col<strong>le</strong>ction Musée du cloître à Tul<strong>le</strong>.<br />

© <strong>Archives</strong> départementa<strong>le</strong>s de la Corrèze, cliché J.-M. Nicita.<br />

La cloche est investie d’un fort pouvoir d’invocation.<br />

Voir, c’est croire<br />

Fragment de manuscrit musical, début du XVI e sièc<strong>le</strong>.<br />

Fin de la messe de Noël. © Arch. dép. Corrèze, J 1962 / 1 b.<br />

Cliché J.-M. Nicita.<br />

La vue est <strong>le</strong> sens <strong>le</strong> plus clairement sollicité par l’Église, selon<br />

atteindre un stade élémentaire de connaissance religieuse grâce <strong>au</strong>x<br />

représentations, alors que <strong>le</strong> latin écrit ou parlé reste inaccessib<strong>le</strong> <strong>au</strong> plus<br />

grand nombre. La compréhension des images reste éga<strong>le</strong>ment partiel<strong>le</strong><br />

pour be<strong>au</strong>coup, car cel<strong>le</strong>s-ci participent à une symbolique comp<strong>le</strong>xe<br />

élaborée par <strong>le</strong>s c<strong>le</strong>rcs. De plus, <strong>le</strong>s représentations ne prennent tout<br />

<strong>le</strong>ur sens qu’en relation avec l’endroit précis pour <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong>s ont été<br />

élaborées.<br />

Les c<strong>le</strong>rcs mettent place de riches programmes décoratifs : par <strong>le</strong><br />

biais de <strong>le</strong>ur contemplation, <strong>le</strong>s be<strong>au</strong>x objets religieux permettent<br />

églises se devaient d’être un miroir de la be<strong>au</strong>té du paradis, pour en<br />

favoriser l’accès.<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS


<strong>le</strong>s CINQ SENS et <strong>le</strong> SACRÉ,<br />

la MATIÈRE <strong>au</strong> SERVICE<br />

de la SPIRITUALITÉ<br />

de d la a SPI PI PIRI RI RITUAL AL ALIT IT ITÉ U<br />

de<br />

Gisant de saint Étienne d’Obazine placé <strong>dans</strong> son tombe<strong>au</strong>, XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Abbaye d’Aubazine. © Arch. dép. Corrèze, 1 Num 2039. Cliché J.-M. Nicita.<br />

Fer à hosties en fer forgé, XIII e Fer à hosties en fer f fo f rgé, XIII sièc<strong>le</strong>.<br />

Église Saint-Pierre à Peyre<strong>le</strong>vade.<br />

© Région <strong>Limousin</strong>, Inventaire général<br />

du patrimoine culturel, F. Malagnoux, 1993.<br />

e F àh ti f f é sièc<strong>le</strong>. iè l<br />

Église Saint-Pierre à Peyre<strong>le</strong>vade.<br />

Un go goût de paradis<br />

Durant la com communion, qui se fait sous <strong>le</strong>s<br />

deux deux espèces jusq jusqu’en 1415, <strong>le</strong> contact se trans-<br />

fo fforme rme en absorption. absorpti Il s’agit cependant moins<br />

d’un d’un goût que d’un d’u toucher, une imprégnation<br />

extérieure extérieure et intérieure intér par <strong>le</strong> sacré, notamment<br />

à<br />

partir du moment mome où <strong>le</strong>s hosties remplacent<br />

<strong>le</strong> l<strong>le</strong><br />

pain, et où <strong>le</strong> vin vi n’est plus partagé. La com-<br />

munion mmunion<br />

a avant avant to tout <strong>le</strong> goût d’un symbo<strong>le</strong>, celui<br />

de dde<br />

la Cène ou der dernier repas du Christ. Le goût<br />

en een<br />

lui-même est un sens quasiment absent, si ce<br />

n’est nn’est<br />

’ <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s pres prescriptions religieuses qui stig-<br />

matisent mmatisent<br />

la gourm gourmandise, liée à l’idée des plai-<br />

sirs ssirs<br />

de la chair <strong>au</strong> sens s large. Le sacré passe ainsi<br />

par par la domination du goût, <strong>le</strong> moins recomman-<br />

de goût du sacré.<br />

L<br />

Toucher, c’est guérir <strong>le</strong> corps et l’âme<br />

protection. Les reliques sont donc des éléments indissociab<strong>le</strong>s de la piété populaire, car el<strong>le</strong>s<br />

opèrent des guérisons pour des maladies considérées comme incurab<strong>le</strong>s, qu’el<strong>le</strong>s soient<br />

physiques ou d’ordre spirituel. Le contact avec <strong>le</strong>s reliques des saints ou <strong>le</strong>s châsses qui <strong>le</strong>s abritent s’opère<br />

pendus <strong>au</strong>tour des « bonnes » fontaines, prélèvements opérés sur <strong>le</strong>s statues des saints, comme à Obazine.<br />

Le nez et <strong>le</strong> visage ont été altérés par grattage, la poudre du tombe<strong>au</strong> ayant<br />

la faculté d’opérer des guérisons. Étienne d’Obazine est, dès sa mort, considéré<br />

comme un saint par <strong>le</strong>s populations a<strong>le</strong>ntours qui lui attribuent des mirac<strong>le</strong>s.<br />

Parmi <strong>le</strong>s actes religieux <strong>le</strong>s plus importants, <strong>le</strong>s sacrements, en tant que signes visib<strong>le</strong>s de l’amour divin<br />

vis-à-vis des chrétiens, s’accomplissent <strong>au</strong> cours de rituels comportant toujours une phase <strong>dans</strong> laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

toucher intervient d’une manière ou d’une <strong>au</strong>tre, par contact avec un c<strong>le</strong>rc, un élément, un objet, par absorption.<br />

communion, la pénitence mettent en œuvre <strong>le</strong> corps et <strong>le</strong> toucher. Ainsi <strong>le</strong> sacrement <strong>le</strong> plus ancien, <strong>le</strong> baptême,<br />

de la cuve baptisma<strong>le</strong>. Le <strong>Bas</strong>-<strong>Limousin</strong> en conserve de nombreux exemp<strong>le</strong>s, réalisés principa<strong>le</strong>ment entre <strong>le</strong>s XII e<br />

et XIV e sièc<strong>le</strong>s.<br />

Une odeur de sainteté<br />

façon la moins comp<strong>le</strong>xe. La distinction s’opère entre des odeurs<br />

suaves qui aident à la prière ou émanent directement du divin,<br />

et <strong>le</strong>s <strong>au</strong>tres, plus grossières, qui sont passées sous si<strong>le</strong>nce. Grâce<br />

peuvent se détacher des préoccupations terrestres. La fumée<br />

dense des encens donne <strong>au</strong>ssi un aspect concret <strong>au</strong> mouvement<br />

ascendant des âmes qui s’élèvent vers Dieu lors de la prière.<br />

« L’odeur de sainteté » est une preuve incontestab<strong>le</strong> de la<br />

présence du sacré : la putréfaction serait épargnée <strong>au</strong>x saints et <strong>au</strong>x<br />

saintes dont <strong>le</strong>s corps sont parfois conservés intacts de longues<br />

<strong>le</strong>ur état. Les plus humb<strong>le</strong>s comme <strong>le</strong>s plus savants ressentent ainsi<br />

<strong>le</strong>s TERRITOIRES du SACRÉ :<br />

QUAND L’ÉGLISE FAÇONNE<br />

<strong>le</strong>s PERCEPTIONS et <strong>le</strong>s MENTALITÉS<br />

Navette à encens, XIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Église Saint-Martin à Soudeil<strong>le</strong>s.<br />

© Région <strong>Limousin</strong>, inventaire général<br />

du patrimoine culturel, C. Thib<strong>au</strong>din, 1995.

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