Hardy, MELEAGRE - CRHT - Université Paris-Sorbonne
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XL<br />
« poussée de fièvre dramatique on assiste à une retombée : les dés sont<br />
jetés, le ressort tragique achève de se dérouler. » 51<br />
De même, les dramaturges humanistes ont pris l’habitude de ménager<br />
dans leur pièce un élément d’intrigue qui deviendra de plus en plus<br />
important. Alexandre <strong>Hardy</strong> use du même procédé avec le personnage<br />
d’Altée et ménage ainsi tout le suspense. Tout l’art du dramaturge<br />
consiste ici à disposer l’action de façon à soutenir l’intérêt malgré la<br />
notoriété que peut avoir la fable de Méléagre. Comme dans le théâtre<br />
humaniste, la tragédie s’achève sur un dénouement funeste et la victime<br />
désignée est toujours sympathique.<br />
Alexandre <strong>Hardy</strong> maintient ainsi fermement certains principes de l’art<br />
tragique de la Renaissance, en même temps qu’il s’en éloigne. La<br />
dramaturgie de <strong>Hardy</strong> se présente donc à nous comme une dramaturgie<br />
de la rupture. Elle reprend des éléments du théâtre humaniste, les<br />
modifie et en apporte de nouveaux.<br />
Les tragédies de <strong>Hardy</strong> ne sont plus les mêmes que celles de Garnier. On<br />
le sent aussitôt à l’absence de chœur, au caractère moins lyrique de ses<br />
tragédies, au nombre plus grand de personnages, à la présence de<br />
monologues et de descriptions moins importantes, au développement<br />
plus prolongé des situations.<br />
<strong>Hardy</strong>, tout d’abord supprima les choeurs. En 1561, Grévin dans son<br />
Brief Discours pour l’intelligence de ce théâtre publié avec sa tragédie<br />
César, avait déjà senti combien semblaient artificiels les choeurs du<br />
théâtre antique chantés le plus souvent par des acteurs mal entraînés sur<br />
des scènes improvisées, les seules dont disposaient alors les auteurs<br />
dramatiques.<br />
Les choeurs chez <strong>Hardy</strong> « y sont omis, comme superflus à la<br />
représentation et de trop long de fatigue à refondre », nous dit-il dans le<br />
« Au Lecteur » du premier tome du Théâtre. Ce qui revient à dire qu’en<br />
composant ses premières tragédies <strong>Hardy</strong> avait sans doute imité le<br />
modèle de la Renaissance et y avait inséré des choeurs qu’il a d’abord<br />
supprimé à la représentation puis définitivement dans l’édition de ses<br />
œuvres. Les choeurs n’ont pas totalement disparu de Méléagre et le<br />
chœur de peuple déclame encore quelques quatrains au début de l’acte<br />
III, mais ces choeurs n’ont plus rien de communs avec ceux de ses<br />
prédécesseurs : ils parlent, contribuent à l’action. Le chœur qui exprimait<br />
au XVIe siècle la moralité du fait tragique en plaignant les victimes,<br />
remplit désormais le rôle d’un personnage.<br />
De plus, <strong>Hardy</strong> n’hésite pas à rompre les éléments qui ont fait<br />
l’apanage du théâtre humaniste : il partage encore plus que Garnier la<br />
préoccupation de Sénèque pour la violence et pour l’horreur. Des crimes<br />
51 Charpentier, Françoise, Pour Une Lecture de la tragédie humaniste : Jodelle, Garnier,<br />
Montchrestien, Saint Etienne, publication de l’université de Saint Etienne, 1979.